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A la recherche du Joli Cœur

Roy avait quitté Hinu Town en catastrophe.

Sans savoir s'il avait ou non des gens à ses trousses, il n'avait pas lambiné, se dirigeant directement vers les navires amarrés en quête du premier d'entre eux à quitter l'île. Manque de chance, le jour de son départ la mer était agitée et le ciel couvert. Une tempête était prévue et de ce fait tous les navires avaient été consignés au port, personne n'étant autorisé à lever l'ancre. Désespéré, il avait écumé les docks de long en large et en travers, promettant de payer plus cher si quelqu'un acceptait d'appareiller un bâtiment. Heureusement pour lui, il avait fini par trouver la perle rare.

Un navire seulement avait reçu l'autorisation exceptionnelle de quitter l'île. Un capitaine marchand avait signé une décharge, relevant toutes responsabilités au port en cas de chavirement de sa frégate, et avait entrepris d'appareiller son bâtiment. Trop heureux d'avoir trouvé une échappatoire, Roy n'avait appris que bien plus tard durant la traversée la raison de cette attitude des plus téméraires de la part du capitaine. C'était en fait le résultat des conseils d'un jeune homme, Moria Brittania, qui avait soutenu qu'il était possible de lever l'ancre malgré le temps. Apparemment réputé, les marins lui avaient fait suffisamment confiance pour croire en ses paroles et le capitaine avait suivi.

ous c'était effectivement passé sans encombres. Ils avaient tout de même essuyé une sévère tempête durant la traversée mais cela n'avait été que des jours plus tard, sans le moindre lien avec le mauvais temps lors de leur départ. Durant cette tempête, l'expérience maritime et météorologique de Moria les avait une fois de plus sortis du pétrin.

Étant monté sur le seul navire disponible, le pirate n'avait évidemment pas pu choisir sa destination et il l'avait rapidement regretté en découvrant Las Camp pour la première fois. Les récits morbides que les matelots lui avaient servis à propos de cette ville ne lui avaient pas rendu justice. Sachant se défendre, Roy ne s'était pas pas vraiment inquiété pour sa sécurité. Il aurait cependant préféré atterrir sur une île avec un petit peu plus de charme pour la toute première escale de son voyage. Fidèle représentation du climat d'anarchie qui régnait dans les rues et le port, l'amarrage de la frégate s'était fait dans le chaos le plus total. Le désordre avait été tel que Roy avait perdu le navigateur prodigue de vue. Simple matelot, le pirate n'avait pas une seule fois eu l'occasion de discuter avec Moria durant la traversée (à part peut-être lorsqu'ils avaient traversé la tempête), et il avait raté sa seconde chance lors de leur arrivée.

Cela faisait à présent plusieurs jours qu'il était sur Las Camp. En théorie, il aurait très bien pu quitter l'île immédiatement et sans un regard en arrière. Mais son voyage à bord de la frégate marchande lui avait rapidement fait comprendre qu'il n'était pas apte à partir à l'aventure de lui seul. Ses connaissances théoriques ne parvenaient absolument pas à pallier son manque d'expérience en matière de navigation. Il était capable de nommer la quasi-totalité des pièces d'un navire mais n'était pas fichu de tendre les voiles dans le bon sens, ou de faire le moindre nœud. Et si naviguer était déjà si dur sur les Blues, quand était-il de la Route de tous les Périls ? Il avait besoin d'un navigateur. Et il voulait Moria Brittania dans son équipage, personne d'autre.

Cependant, ce dernier s'était envolé. Depuis son arrivée à Las Camp, Roy avait fouillé la ville de long en large et en travers et n'avait pas trouvé traces de cet homme. Bravant les rues sordides et pleines de mystère de la ville, le pirate avait cherché, demandant à tous les gens qu'ils croisaient s'ils n'avaient pas vu le navigateur et récoltant des ennuis au passage (il avait même failli se confronter à un célèbre chasseur de primes, le Dragon Endormi) mais étrangement, personne ne l'avait vu ou savait où il se trouvait. Du moins jusqu'à aujourd'hui.

Alors qu'il descendait de la chambre qu'il avait louée dans une auberge miteuse, un solide gaillard l'apostropha depuis une table. Acceptant l'invitation, Roy rejoignit Marius et vint s'asseoir en face de lui. Refusant la bière que le marin de cent kilos lui tendait, il demanda à la tenancière de lui amener un verre et un pichet d'eau.

 - La bonne journée p'tit gars ! le salua le gaillard. Alors, la forme ?

 - Ouais, j'ai de l'énergie à revendre, répondit le pirate, les deux cernes qui encadraient ses yeux démentant ses propos. Alors, tu as des nouvelles pour moi mon ami ?

 - Tout juste ! s'écria le type. Toute la ville en parle depuis hier soir, Rainbow Moria a refait surface et il l'a pas fait à moitié le saligaud !

Le regard soudain alerte, le pirate se pendit à ses lèvres. Après des jours sans la moindre nouvelle à se mettre sous la dent, il s'apprêtait enfin à faire des progrès dans sa recherche. L'épithète que Marius avait utilisée juste avant de parler du navigateur prouvait qu'il s'agissait bien de la personne que Roy cherchait.

 - Dis-moi tout, exigea-t-il impatiemment. Qu'est-ce qu'il fabriquait et où puis-je le trouver ?

 - Ah par contre j'préfère te prévenir, l'avertit Marius, ça va pas te plaire. Il est en prison.

L'arrivée de la tenancière avec le verre de Roy et un pichet d'eau fut la seule chose qui l'empêcha d'exploser en entendant cette nouvelle. Quand elle fut repartie, il avait les yeux fermés et se pinçait l'arrête du nez avec deux doigts, tentant de garder son calme.

 - Pardon ? reprit-il au bout d'un moment. Et comment se fait-il ?

 - Ben c'est qu'une rumeur hein..., expliqua Marius en prenant ses précautions, mais à ce qui paraît, il a séduit une gosse de riche, et ça a pas plu aux parents de la p'tite.

 - D'accord..., fit Roy, peinant à voir le lien entre les deux, et donc ?

 - Ben il s'est enfui avec la donzelle le con, ricana Marius en continuant son explication, sauf qu'ils ont dû se faire repérer, parce que la p'tite a disparu de la circulation, et le joli cœur s'est fait embarquer par la Marine. Les riches familles d'Las Camp étaient sur les nerfs putain...

Cabotant sur les îles environnantes depuis près de quarante ans, Marius connaissait cette ville comme sa poche. Il avait fait un cours accéléré à Roy sur tous les événements qui s'y étaient déroulés ces cinq dernières années et on pouvait dire qu'elles avaient été mouvementées. Malgré cela le pirate ne comprenait pas du tout l'explication du marin. Il le dévisagea pendant quelques instants, lui signifiant son incompréhension avec en haussant un sourcil.

 - Nan mais faut qu'tu piges plus vite petit, le sermonna Marius. Dans cette ville, les familles riches c'est les familles des mafieux ! C'est des gens à qui y faut pas se frotter, et ton pote bah il a salement fait l'con.

 - Attends attends, l'arrêta Roy, levant sa main pour lui faire signe de ralentir. Quel rapport entre la mafia et le fait que la Marine ait embarqué Moria ?

 - Ah ! Mais regarde autour de toi mon con ! s'écria Marius en désignant la porte de sortie de la taverne et les rues morbides de Last End qui s'étendaient au-dehors. La Marine c'est la mafia, c'est la même sale race !

Son coup d'éclat lui avait attiré le regard noir de la tenancière, qui lui intima silencieusement de baisser le ton. Marius lui présenta son doigt avant de reprendre son sujet favori.

 - Ah ouais c'est sûr, continua-t-il, dans les beaux quartiers de Last Joy y'a deux ou trois patrouilles qui s'amusent à faire les cakes mais c'est tout. Dans le reste de la ville c'est toujours la même merde. Les magouilles et compagnie... elles se sont pas enfuies avec l'aut' connasse de Sissy qu'est-ce que tu crois ? Y'en a toujours dans les sous-sols et la moitié des fonctionnaires sont pourris. Envoyer un connard en prison ? Une broutille pour ces mecs-là.

 - Mais pourtant tu m'as parlé du colonel là... Matheson, fit Roy, décidant de suivre le cours de la conversation (il aurait préféré parler du navigateur, mais autant en apprendre le plus possible sur cette ville). Ce n'était pas sa principale prérogative de maintenir l'ordre après le départ de Sissy ? demanda le pirate.

 - Mais il fait pas le poids... qu'ess tu crois ? répondit Marius en baissant le ton, la tenancière armée d'un chiffon s'étant approché de lui, l'air menaçant. Jusqu'à maintenant il a passé les trois quarts de son affectation au plumard l'enfoiré. Maintenant il va mieux, alors du coup on pensait qu'il allait se bouger le derche, mais en fait que dalle. Il peut pas bouger avec tous les hommes pourris qui sont sous ses ordres. Nan j'te dis, les marines sont pas coordonnés et ils font que d'la merde. En plus de ça les citoyens les détestent et préfèrent régler les choses entre eux, du coup ils ont aucun pouvoir.

Depuis la levée de la Loi Martiale, il semblait que la Marine perdait peu à peu du terrain et que les gangs refaisaient surface. Rien que cette année, un quartier entier s'était effondré sur des gens innocents à la suite d'un transfert de prisonniers qui avait mal tourné alors même que les militaires avaient promis aux civils qu'ils n'avaient rien à craindre. Cet incident avait démoli le peu de confiance que les citoyens de Las Camp avaient développé pour leur gouvernement grâce à la loi Martiale.

Cette dernière avait été levée à la suite d'un monstrueux règlement de comptes entre gangs qui, s'il avait permis à la commandante Sissy de démanteler le Lotus Pourpre, la principale organisation criminelle de Las Camp en son temps, avait mis la ville à feu et à sang. Pour couronner le tout, le colonel Matheson avait failli se faire tuer par un pirate en fin d'année, le faisant passer pour un clown devant toute la ville. Avec toutes ces informations en tête, le pirate comprenait le pessimisme du marin.

 - D'accord si tu le dis, accepta Roy en prenant une gorgée d'eau. Mais en quoi le fait de s'amuser avec une gosse de riches vaut d'aller en prison ? demanda-t-il ensuite, redirigeant la conversation sur le point qui l'intéressait le plus.

 - Bah y'a les mariages arrangés et compagnie..., tenta d'expliquer Marius, je sais pas trop comment ça fonctionne à Las Camp après mais bref. En tout cas ton Moria là... et ben il aurait jamais du toucher à la donzelle. Il s'est mis des connards puissants à dos et ils l'ont fait morfler.

Le marin ponctua ses mots en prenant une grosse lampée de bière, qui lui rafraîchit la gorge après le laïus qu'il avait servi au pirate.

 - Petit, reprit Marius en reposant sa choppe, après ce que la commandante Sissy a fait pour nous on a cru pendant un temps que les choses allaient s'améliorer, mais les gangs ont pas disparu, certains ouais mais pas tous... et la moitié des fonctionnaires sont corrompus. Ton pote a une petite réputation, c'est la seule raison pour laquelle il s'est pas fait descendre d'emblée, ça aurait fait chier des gens et ça aurait soulevé des questions. Alors du coup ils ont magouillé pour qu'il se retrouve en taule et dans quelques jours il va morfler, crois moi bien.

 - C'est malheureux de voir une ville entière partir en vrille à ce point, déclara le jeune homme, le regard absent.

 - Ha ha ! ria Marius. Hé, t'es sûr que t'es un pirate toi ? demanda-t-il avec un sourire entendu. Dans ta profession on se laisse pas attendrir comme tu le fais mon con, t'es au courant ?

 - Un pirate c'est juste un type qui peut naviguer où il veut, quand il veut, expliqua Roy en souriant, et qui parle quand il a un truc à dire. Et j'ai pas mal de trucs à dire sur cette ville, ajouta-t-il en jetant un regard déterminé sur la porte de sortie.

 - Ah hé t'es con..., ricana Marius en lui mettant une petite claque affectueuse. C'est pas grave hein, mais t'es quand même foutrement con. Hop hop hop hé ! l'apostropha-t-il quand le pirate fit mine de se lever. Tu m'avais pas parlé d'une compensation si je te trouvais des infos mon gars ?

Hochant la tête en se rappelant sa promesse, Roy alla chercher cinq billets dans ses poches qu'il offrit au marin.

 - Quoi ? 50 000 c'est tout ? se plaignit ce dernier. Vas-y mon gars soit pas radin, ça t'a pas plu mes jolies infos ?

 - Évite d'abuser Marius, prévint le pirate avec un sourire. Apparemment toute la ville dispose de ton "information" alors estimes-toi heureux que je te donne quelque chose.

 - Ouais OK, c'est réglo, acquiesça-t-il en retournant à sa bière. Bonne chance pour la suite p'tit, et fais pas de conneries.

Roy quitta l'auberge sans répondre. Inutile de faire une promesse qu'il n'allait certainement pas tenir.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc - 3:04, édité 4 fois
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Roy se promenait en lisière de la ville de Las Camp, dans un genre de no man's land qui ne contenait aucune habitation. À cent mètres devant lui il distinguait les ramifications de la prison, l'endroit où il se trouvait servant de transition entre la cité et le domaine pénitentiaire. Cette zone n'était pas interdite au public malgré sa proximité avec la population civile de l'île et on y trouvait quelques aménagements qui en faisaient une véritable extension de la ville. Un chemin de terre reliait la métropole au centre de détention, encadré par quelques entrepôts et une ou deux bouches d'égout.

Depuis que le Ponton avait quitté Las Camp en compagnie d'une flotte de la Marine, la ville avait pris sur elle de construire un nouvel établissement pénitentiaire. Un vrai cette fois, pas un galion délabré improvisé en bagne mais un grand complexe de plusieurs bâtiments entouré par une barrière en métal, avec des marines qui patrouillaient le périmètre en continu et une tour de contrôle pour garder un œil sur la prison. Située sur la côte, elle surplombait un port flambant neuf lui aussi, exclusivement réservé aux bâtiments de la Marine. Tous ces vaisseaux étaient probablement assignés au transport de détenu.

Lorsque le Ponton avait quitté Las Camp, il avait emporté avec lui la totalité de la population carcérale de la ville. Cependant, cela n'avait pas empêché cette nouvelle prison de se remplir durant les quelques jours qui avaient suivi son inauguration. En plus des criminels qui jusqu'alors étaient retenus prisonniers dans la base de la Marine de Las Camp, le nouveau bâtiment avait accueilli des détenus provenant d'îles aux alentours. Apparemment, le GM avait profité de cette nouvelle prison pour mieux répartir la population carcérale de West Blue.

À son grand dam, Roy avait appris un peu plus tôt dans la journée que cette prison n'avait pas de parloir, que ce soit pour les connaissances des prisonniers ou leur famille. Les détenus entraient dans la prison et n'avaient plus le moindre contact avec le monde extérieur tant que leur peine n'arrivait pas à son terme. Cela compliquait évidemment les choses pour le pirate qui n'avait de ce fait plus la possibilité d'entrer dans la prison en tant que simple visiteur. C'était dommage. Dans la plupart des bâtiments publics, il y avait des plans du complexe accrochés un peu partout sur les murs. Poser les yeux sur l'un d'eux aurait considérablement facilité la tâche du pirate. Également, il aurait bien aimé avoir eu ne serait-ce qu'une occasion de parler au navigateur emprisonné.

Poussant un soupir ennuyé, Roy continua d'avancer en direction de la prison, son souffle formant de petits nuages blanchâtres dans l'air frisquet de la nuit. Il n'avait pas pris le chemin de terre et prenait bien soin de rester dans l'angle mort d'éventuels vigiles en train de surveiller le no man's land. Quelques arbres et buissons avaient échappé aux récents travaux de construction, offrant une couverture bienvenue au pirate.

Arrivé à dix mètres de la barrière qui ceinturait le domaine pénitentiaire, Roy commença à l'étudier après s'être dissimulé dans un buisson. Elle était constituée d'un petit mur de brique d'un mètre de haut, surmonté de barreaux droits mesurant quant à eux à peu près trois mètres. Des extrémités de lance, renforcées et un solide renfort horizontal surmontaient la première ligne de défense de la prison. Caché comme il était, le pirate analysa soigneusement le chemin de ronde des gardes pendant un petit quart d'heure. Quand il fut enfin sûr de son coup, il sortit rapidement de sa cachette et courut en direction de la grille, profitant du laps de temps entre deux passages de marines.

Sans perdre un instant, il prit appui sur le muret en brique et se propulsa au sommet de la barrière, parvenant à attraper à deux mains la rambarde en prenant soin d'éviter les piques qui décoraient cette dernière. Quand il eut sécurisé sa prise, il amena ses genoux au niveau de son torse, pieds joints à plat sur les barres de métal. Essayant d'être à la fois rapide et silencieux, il poussa sur ses jambes et propulsa son corps vers le haut tout en relâchant sa prise de la main droite. Dans le même mouvement, il fit une rotation du poignet et des épaules qui fit passer ses membres inférieurs au-dessus de la muraille. Lâchant tout, il se laissa tomber avant de se réceptionner souplement de l'autre côté.

L'heure n'était pas à l'infiltration, mais à la prise d'information. Disséminés sur tout le domaine qui faisait face à la ville, une série de poteaux en bois surmontés de cages exposaient brutalement certains prisonniers aux yeux de tous. Rien qu'à portée de vue au milieu de la cour de la prison, le pirate distinguait pas moins de trois criminels qui avaient été abandonnés là plusieurs jours durant sans nourritures. Cet étalage indécent servait aussi bien à punir les détenus difficiles qu'à envoyer un message à la population criminelle de Las Camp.

Roy avait bien reçu ce message. Si la Marine se donnait la peine de lui offrir de jolies sources d'information sur un plateau, il allait être sûr d'honorer sa délicate attention.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc - 3:11, édité 1 fois
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Dire que ce plan était hasardeux eut été un euphémisme. Roy profitait d'une rangée de buissons à l'intérieur de l'enceinte pour se dissimuler et examinait tranquillement la situation. Il n'avait pas vraiment de plan.

Une série de projecteurs - de puissantes lampes montées sur des pivots accrochés aux murs - balayait automatiquement la zone, couvrant à peu près la totalité de la cour intérieure et éclairant le chemin des marines qui patrouillaient le secteur. Roy en avait dénombré trois qui passaient précisément sur cette partie du complexe et qui l'empêchaient donc d'atteindre les cages des prisonniers. Patiemment, il étudiait leur parcours ainsi que le mouvement des faisceaux de lumière qui éclairaient la zone.

Les architectes avaient fait du bon boulot. En définitive la prison était sécurisée et si Roy était parvenu à entrer dans l'enceinte à la faveur de la nuit, c'était bien la seule chose que lui autorisait l'agencement du complexe. Pendant un court instant, il avait espéré que libérer Moria allait être aussi facile que de pénétrer dans la cour du bâtiment. Ses espoirs étaient bien vite retombés en découvrant l'intérieur du complexe : tout était bouclé. Les points stratégiques tels que les portes d'entrées de la prison étaient tous constamment surveillés et il ne savait toujours pas ce qui se trouvait au-delà de ces dernières. Quant aux prisonniers placés en exhibition, il était impossible de les libérer de leurs cages, ces dernières étant bien trop résistantes pour être ouvertes sans clés ou poudre à canon. Aucuns des marines en patrouille ne semblaient transporter un trousseau, quant à la poudre ce n'était même pas la peine d'y penser. Le bruit alerterait tous les militaires à un kilomètre la ronde.

Rien n'a été laissé au hasard, constata le pirate. Impossible d'entrer par effraction et impossible de libérer les détenus en cage...

Les libérer peut-être pas, mais discuter avec eux ? À première vue, les concepteurs de la prison n'avaient pas envisagé cette possibilité. Les marines se rendaient à intervalles réguliers auprès des détenus suspendus, probablement pour vérifier s'ils arrivaient à tenir le coup. La mort d'un prisonnier devait sûrement faire tache dans le dossier d'un soldat.

Roy approcha de la seule cage qui n'était pas incluse dans le balayage des projecteurs et attendit que l'un des soldats passe à portée, dissimulé dans son buisson. Cinq minutes plus tard, un marine approchait afin de rendre une petite visite au prisonnier. Roy attendit qu'il passe à portée, puis jaillit de sa cachette et l'attrapa par-derrière. Passant un bras autour de sa gorge, il l'étrangla en le ramenant dans le buisson, l'empêchant par là même d'émettre le moindre bruit. L'homme surpris tenta bien de se débattre, mais l'air vint rapidement à manquer et il finit par perdre connaissance sans trop de résistance. Roy le relâcha quand il fût sûr que le militaire était bien dans les pommes. Quelques mètres devant lui, le détenu qui le surplombait et qui avait assisté à toute la scène émergea soudainement au bout de quelques secondes. Manifestement, la fatigue, la faim, la soif et le manque de confort l'avaient épuisé et il avait mis du temps à de réaliser ce qui venait de se passer.

 - Bordel de m... ! commença à s'écrier le détenu, immédiatement coupé par le jeune homme qui lui fit brutalement signe de baisser le son.

Surpris et confus, le prisonnier à bout de forces n'avait pas vraiment la présence d'esprit d'analyser la situation. Roy vérifia rapidement que personne aux alentours n'avait surpris la scène, ou n'avait entendu le coup d'éclat de l'homme en cage. Attendant que ce dernier ne reprenne ses esprits (il semblait avoir passé beaucoup de temps dans sa prison miniature et peinait à garder les yeux ouverts), le pirate vérifia le pouls de sa victime tout en détaillant son nouvel interlocuteur. Le criminel était de taille moyenne, un peu maigre, chauve mais arborant une barbe bien fournie. Torse nu dans l'air froid de la nuit, il ne portait qu'un pantalon de toile et pas de chaussures. Un tatouage représentant un frelon décorait son bras gauche. Roy y reconnut la marque d'un gang, mais pour l'heure, bien que le dessin lui soit familier, il ne reconnaissait pas le gang en question.

 - Ecoute faut pas qu'on perde de temps, chuchota-t-il. Comment tu t’appelles ?

 - Hum..., grogna péniblement le gangster au bout de quelques secondes, Diego.

 - D'accord, t'es avec moi Diego ? continua le jeune homme en fouillant les poches du soldat évanoui. On a pas beaucoup d'temps avant qu'un autre connard rapplique. J'ai besoin qu'tu t'concentres.

 - Ouais, ouais j'suis là..., répondit le gangster, luttant pour garder les yeux ouverts. T'es qui toi ? Tu veux quoi ?

 - J'm'appelle Alex, mentit le pirate, j'suis là pour t'aider.

Il avait trouvé le portefeuille du soldat, qu'il entreprit de fouiller pour en retirer ses papiers d'identité ainsi que quelques milliers de berrys. Entre-temps le détenu sembla soudain réaliser quelque chose car il empoigna brutalement les barreaux de sa cage, les yeux pleins d'espoirs.

 - C'est la Reine qui t'envoie ? demanda immédiatement le barbu, surexcité. Tu vas m'sortir d'là c'est ça ?!

"La Reine" couplé au tatouage de frelon permit enfin à Roy de reconnaître le gang de Diego. C'était une petite organisation avec un nom pompeux, la "Ruche", qui s'occupait de trafic de drogue et de braquages. Leur chef avait son affiche placardée sur une bonne partie des murs de Las Camp avec une petite prime de 4 millions de berrys.

 - Ouais Diego, acquiesça le jeune homme, Franceska veut tous vous faire sortir d'ici. Mais pas c'soir, rajouta-t-il rapidement pour ne pas donner de faux espoir au prisonnier, pour le moment on a b'soin d'infos tu comprends ? Faut qu'on libère tout le monde d'un coup tu vois ?

 - Je savais qu'elle nous abandonnerait pas, lâcha le gangster en acquiesçant, prêt à sangloter. Putain je l'savais. Vas-y mon pote, pose tes questions, j'te dis tout.

 - Ok Diego, répondit le pirate en hochant la tête, raconte moi tout c'que tu peux sur la prison. J'veux savoir comment qu'elle fonctionne, comment qu'elle est construite, j'veux la totale.

Prenant garde à ne pas parler trop fort, Diego entama une longue description du complexe. Son mensonge ayant fonctionné, Roy jouait la carte de la prudence et posait de temps en temps des questions en rapport avec la Ruche afin de ne pas éveiller les soupçons du frelon emprisonné. Durant cinq minutes, le gangster lui décrivit une forteresse imprenable divisée en quatre blocs A, B, C et D disposés en rectangle. Au centre de la prison se trouvait une tour, un véritable mirador qui surveillait les quatre blocs sans interruption. Il eut également droit à un résumé du train de vie des prisonniers et de l'organisation globale de la prison.

 - J'ai tout c'qui m'faut Diego, t'as bien géré, le remercia finalement Roy. Rapidement juste, ajouta-t-il immédiatement après, est-ce que tu connais Moria Brittania ?

 - Euh ouais, répondit le gangster sans comprendre, un péquenot propre sur lui qu'est arrivé y'a quelques jours dans le bloc A. Pourquoi ?

 - J'sais pas, il intéresse Franceska, expliqua simplement le pirate, content que le gangster ait répondu à sa question sans qu'il n'ait eu à la poser.

Récupérant les munitions et la poudre que contenait le fusil du soldat, il s'apprêta également à faire ses adieux au gangster.

 - Hé, l'est où ton frelon ? demanda soudainement Diego, coupant le jeune homme dans son élan.

Levant les yeux, Roy surprit le regard du barbu sur son tatouage, un pistolet et un sabre croisé sur le côté gauche de son torse. Ce n'était évidemment pas celui auquel s'attendait le détenu, qui imaginait sûrement trouver un frelon sur son frère de gang. Un bruit cependant attira l'attention des deux hommes, distrayant fort heureusement le détenu qui en oublia sa question. Tournant la tête sur sa gauche, le pirate, découvrit avec horreur un second marine en train d'approcher à seulement quelques mètres de la cage de Diego.

 - Qu'est-ce que tu fous à parler tout seul détenu ? demanda le soldat, avant d'écarquiller les yeux en découvrant la forme sombre accroupie près du corps inanimé de l'un de ses collègues.

Avant que le soldat ne puisse donner l'alerte, Roy empoigna le fusil dans ses mains par le canon et l'abattit sur le crâne du marine à la manière d'une batte, percutant le nouveau venu avec la crosse de l'arme. Un bruit mat retentit tandis qu'un deuxième homme était envoyé dans le pays des rêves. Il n'y avait plus qu'à espérer que ce dernier n'ait pas eu le temps d'apercevoir le visage du pirate avant d'être assommé.

 - La vache, commenta le gangster un peu plus haut, c'est pas passé loin.

Et ce n'était plus qu'une question de temps avant que quelqu'un ne réalise que l'un des soldats n'avait pas terminé sa ronde. Il était grand temps de filer.

 - J'sais qu'ça remonterait le moral des gars si tu leur disais que la Reine va les délivrer, expliqua rapidement Roy en jetant le fusil par terre, mais faut rester discret pour l'instant. En parle à personne tu comprends ?

 - Ouais d'accord, accepta le gangster, mais c'est quand que vous allez nous délivrer ? demanda-t-il fébrilement tandis que le pirate repartait en direction de la barrière.

 - Dans une semaine, mentit le jeune homme. On se retrouvera de l'autre côté Diego.

Il fit un signe d'adieu au gangster, avant de s'enfoncer une fois de plus dans un buisson,traînant les corps des deux marines avec lui. Mieux valait éviter qu'ils se réveillent près de Diego, ils risquaient de comprendre qu'un intrus avait parlé avec le détenu.



Reprenant le même chemin au retour qu'à l'allée, le pirate franchit la barrière dans l'autre sens, en prenant garde une fois de plus de ne pas se faire repérer. Puis il repartit en direction de Las Camp.


Dernière édition par Roy D. Aston le Mar 2 Jan - 2:42, édité 6 fois
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La Guilde des Usuriers. Passez quelques jours à Las Camp, introduisez-vous en tant que pirate et quelqu'un finira immanquablement par vous diriger vers cette organisation. Roy avait appris leur existence au bout de quarante-huit heures seulement passées dans les bas-fonds de Last End et à présent il hésitait sérieusement à leur rendre une petite visite.

Sa petite excursion en territoire hostile avait été concluante d'un certain point de vue : la prison était inviolable, trop bien agencée et trop bien gardée. Roy ne disposait d'assez d'informations pour trouver une faille dans la sécurité du complexe et il n'avait ni le temps, ni les moyens de mener des recherches approfondies. Il n'y avait pas de portes de derrière dans laquelle se faufiler ni d'indications sur les gardes ripoux à soudoyer ou d'alliés pour faire diversion. Il allait devoir trouver une autre solution et aux dires de Marius l'exécution de Moria pouvait arriver à tout moment. Il fallait se presser.

Malgré le fiasco apparent de son enquête, le pirate avait entrevu une lueur d'espoir, l'ébauche de l'idée d'un semblant de plan. Les bouches d'égout qu'il avait aperçu sur le chemin de la prison laissaient penser que les sous-sols du bâtiment pénitentiaire étaient reliés à ceux de Las Camp. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était un début, qui valait la peine de creuser de ce côté. Seul hic ? À part ce que Marius lui en avait dit, Roy ne connaissait pas du tout le monde sous-terrain de cette ville. Il savait qu'apparemment, toute la population criminelle de l'île s'y donnait rendez-vous et que ce n'était pas le cas avant l'arrivée de Sissy et de la Loi Martiale. Toujours aux dires de son copain le vieux marin corpulent, dans le temps, riche et sans arme, on ne pouvait pas faire dix pas dans Las Camp sans se faire immédiatement égorger. Depuis le passage de la commandante cependant, la population criminelle faisait profil bas et préférait faire affaire à l'abri des regards dans les égouts.

C'était à peu près tout. Voilà tout ce qu'il savait des souterrains de Las Camp et autant dire que cela n'aidait pas le pirate. Il ne savait pas du tout si cela était possible, de s'infiltrer dans la prison par en-dessous. Il avait bien essayé de se rendre dans les égouts et de chercher une voie jusqu'au complexe, mais cela n'avait rien donné. L'odeur insupportable mêlée aux couloirs tortueux l'avait rapidement découragé de continuer son chemin à l'aveuglette, d'autant qu'il avait croisé tout un tas de types louches dans les bas-fonds de la ville. Ce n'était pas le genre d'endroit où l'on pouvait demander son chemin à un passant.

On en revenait donc à l'une des principales organisations de Las Camp : la Guilde des Usuriers. En bref, les usuriers étaient des commerçants brillants, des banquiers infiltrés aux quatre coins de la ville qui ne s’embarrassaient pas de légalité. D'une manière générale ils avaient un lien plus ou moins direct avec tout ce qui se tramait de louche à Las Camp et ils aimaient bien les pirates semblait-il. Si Roy connaissait leur existence au départ, c'était bien parce qu'un clochard - qui recevait sûrement quelques berrys de l'heure à ouvrir l’œil pour eux - lui avait conseillé de leur rendre visite s'il souhaitait se lancer dans la piraterie. En plus de s'occuper de recel, la guilde prêtait de l'argent apparemment, afin d'aider les aventuriers en devenir à partir en haute mer. Au départ cela n'avait pas intéressé le pirate, mais aujourd'hui il se félicitait d'être tout de même resté pour poser quelques questions au sans-abri.

Ils avaient la réputation de tout acheter et surtout, de tout vendre. Roy avait besoin d'une carte.


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On lui avait indiqué une simple boutique au cœur de Last End. Un écriteau sur lequel était écrit La Boutique de Shifumi surplombait la vitrine d'un magasin coquet mais sans prétention. Le pirate passa la porte et fut immédiatement marqué par l'odeur doucereuse qui flottait en ce lieu. Cela sentait le propre et les fleurs, bien différent des rues sales et morbides au-dehors. Jetant un coup d’œil autour de lui, Roy découvrit un plaisant petit commerce, lumineux et engageant. Au fond de la pièce se trouvait un comptoir tenu par un homme élégamment vêtu. Le pirate nota deux portes, une juste à droite dudit comptoir sur le mur du fond, la deuxième sur la gauche du jeune homme. Une troisième personne flânait dans la boutique, manifestement en train de contempler les œuvres entreposées sous verre.

Sans prendre la peine de faire de même, le nouveau venu se dirigea immédiatement vers le comptoir. Au passage il nota le revolver accroché à la ceinture du client. Arrivant au niveau de ce qui semblait être le gérant de ce petit établissement, il découvrit un homme assez menu arborant un air très confiant sur le visage. Rien qu'à sa manière de se tenir, droite et fière, il se démarquait de la quasi-totalité des habitants de Las Camp.

 - Bonjour, j'aimerais parler à Shifumi s'il vous plait, demanda le jeune homme.

 - Elle est en affaires pour le moment, lui apprit son interlocuteur en le saluant, je la remplace.

Le pirate marqua une petite pause à cette nouvelle. Le clochard lui avait spécifiquement dit de demander "Shifumi". Considérant le caractère parfaitement illégal de son entreprise, il n'appréciait pas trop ce genre d'imprévu. L'homme dut se rendre compte de son malaise car il enchaîna rapidement.

 - Ne vous inquiétez pas monsieur, le rassura-t-il avec un sourire engageant, je suis tout à fait apte à la remplacer. Dites-moi en quoi je puis vous aider. L'une de nos œuvres vous intéresse ?

Jetant un coup d’œil derrière lui, Roy détailla les objets en vitrine qui faisaient assurément partie de la couverture des usuriers : tout un tas d’œuvres d'art en verre coloré. Revenant à son interlocuteur, Roy ne répondit pas et regarda ostensiblement ses armes, son sabre de belle facture et son pistolet, avant de reporter son attention sur le commerçant. Est-ce qu'il avait l'air d'un amateur de babioles ?

 - Vous venez pour affaire peut-être ? demanda l'homme, saisissant l'idée.

 - Tout juste, acquiesça le pirate.

En réponse l'usurier claqua des doigts. À ce signal, deux hommes sortirent d'une pièce adjacente et vinrent l'encadrer. On lui fit signe d’emboîter le pas du commerçant, qui fit le tour du comptoir et se dirigea vers la porte du fond. Tandis que le prétendu "client" prenait soudainement la place de l'usurier devant la caisse, ils passèrent la porte et une fois à l'abri des regards, le pirate fut fouillé et délesté de ses armes. Ceci fait, ils descendirent un escalier et se retrouvèrent dans la cave de la boutique. Bien éclairée, cette dernière était occupée par une table et quatre chaises. Roy fut invité à choisir la sienne et le gangster s'assit en face de lui. Les deux gardes restèrent debout en lisière de la vision du pirate, laissant de l'espace aux deux hommes pour discuter. Roy en profitait pour inspecter son nouvel environnement. La boutique de Shifumi respirait l'argent, même la cave était immaculée.

 - Alors, commença le gangster, qui vient demander les services de la Guilde des Usuriers ?

Il était sûr d'être arrivé au bon endroit au moins.

 - Un pirate, répondit le jeune homme. Je viens d'arriver en ville.

 - D'accord, opina le commerçant, et votre nom c'est ?

 - Alex, mentit le pirate.

Il le regretta rapidement quand l'un des gardes colla le canon d'un pistolet sur sa nuque. Crispant tous les muscles de son corps au contact du métal froid, Roy attendit sans comprendre que quelqu'un dise quelque chose, ou effectue un geste pour mettre fin à cette situation des plus angoissantes.

 - Monsieur, évitez de nous mentir, cela nous rend nerveux vous comprenez ? expliqua calmement le commerçant.

 - Il s'appelle Roy-quelque-chose, leur apprit le garde qui tenait l'arme. C'est l'un des clodos du port qui l'a dirigé vers nous.

Quoi, sérieusement ? hallucina le jeune homme. Eh bien ils sont organisés les mecs... dans quoi je me suis fourré encore ?

 - Reprenons sur de bonnes bases voulez-vous ? reprit l'usurier en faisant signe au garde de reculer. Moi-même je m'appelle Jules, et vous êtes ?

 - Roy D. Aston, se présenta-t-il une nouvelle fois, ravi de ne plus sentir le canon contre sa nuque. Enchanté, Jules.

Cela l'avait surpris. Vu son manque total de réputation, il ne s'était pas attendu à ce que l'on le reconnaisse. Soit la Guilde des Usuriers aimait vraiment les pirates, soit il avait affaire à des pros, des vrais de vrais avec un réseau en béton armé, ou les deux.

 - Moi de même Roy. Alors ? Que peut-on faire pour vous ? demanda le gangster. Je suppose que si vous êtes là quelqu'un a déjà dû vous faire le topo. Vous cherchez des fonds pour un navire et un équipage j'imagine ? Je vous préviens, il va d'abord falloir que vous fassiez vos preuves si vous voulez que...

 - Je cherche un plan des égouts, le coupa Roy, pas du tout intéressé par le reste de leur prestation.

 - Une carte ? comprit Jules, son professionnalisme masquant à peine son soudain dédain pour cette affaire.

 - Tout à fait, acquiesça le pirate.

Alors que jusqu'à présent il était penché au-dessus de la table et lorgnait Roy avec des yeux de prédateur, Jules se redressa sur sa chaise et leva subrepticement les yeux au ciel. Assurément, l'achat d'une babiole devait être moins intéressant financièrement que la promesse d'endetter un pirate sur dix ans.

 - Oui oui, on a ça, reprit l'usurier en haussant les épaules, quel... district vous intéresserait ? reprit-il en soupirant.

Pris de cours, Roy marqua un temps d'arrêt.

 - Quel district ? Hum, eh bien si possible j'aimerais un plan complet, expliqua-t-il en fronçant les sourcils.

 - C'est vous qui voyez, fit Jules en hochant la tête, mais je tiens à vous prévenir : nous chargeons chaque plan de district à 5 millions de berrys. On a mis du temps à les dessiner vous comprenez ?

C'était cher. La Guilde des Usuriers n'usurpait en rien sa réputation constatait le pirate.

 - Ah oui quand même... dans ce cas les sous-sols du douzième district feront parfaitement l'affaire, choisit Roy, merci bien.

Alors que Jules s'apprêtait à se lever, l'un des gardes s'avança à nouveau, cette fois pour venir se pencher à l'oreille du gangster et lui chuchoter quelque chose. Plissant les yeux, le commerçant se rassit aussitôt avant de fixer son client, qui attendit sans comprendre.

 - Puis-je m'enquérir de ce que vous comptez faire de ce côté de la ville ? demanda-t-il au bout d'un moment, de nouveau intéressé par le cas du pirate étrangement.

 - Non, répondit simplement Roy, cela ne regarde que moi.

Il ne souhaitait pas mettre qui que ce soit au courant de son projet. Cela risquait de compliquer les choses, d'autant plus s'il y mêlait l'un des plus puissants gangs de la ville.

 - Je vois..., acquiesça l'usurier. Eh bien je suis malheureusement obligé de vous annoncer que nous ne pourrons pas accéder à votre requête dans l'immédiat.

Surpris par ce revirement soudain, le pirate jeta un coup d’œil au garde qui avait parlé à Jules, avant de revenir sur ce dernier. Qu'est-ce qu'il avait bien pu raconter ? Quelques secondes plus tôt, il était clair que le gangster s'apprêtait à aller chercher ce qu'il désirait. Et soudain il changeait d'avis ? Pourquoi ?

 - Mais vous alliez..., commença Roy.

 - Nous sommes en rupture de stock, expliqua l'usurier, coupant le pirate dans ces protestations. Mais je vous promets que nous aurons votre produit lors de votre prochaine visite.

 - J'ai besoin de cette carte maintenant, insista le jeune homme en crispant ses mains sur les bras de sa chaise.

 - Revenez dans quelques jours, répondit simplement le commerçant, coupant court à la conversation en faisant signe aux deux gardes de le raccompagner jusqu'à la sortie. Je vous souhaite une bonne journée, Roy.

L'un des malfrats lui fit sèchement signe de se lever. Il obtempéra après quelques secondes et se dirigea vers les escaliers, ruminant sa colère. Il n'avait définitivement pas le temps pour ces bêtises et n'appréciait pas spécialement qu'on lui force la main de la sorte.

Arrivant au niveau du gangster qui tenait ses armes, ce dernier se retrouva nez à nez avec les yeux énervés du pirate. Marquant un temps de retard, il ne put éviter un coup de tête qui fit exploser son nez dans un geyser de sang. Roy en profita pour retirer son sabre du fourreau tenu en main par le malfrat. Dans un même mouvement, il pivota sur son côté droit et durant sa pirouette, trancha la gorge du deuxième garde avec sa lame avant de finir avec un crochet du gauche dans la mâchoire de Jules. Ce dernier se fracassa contre la table de la cave et ne bougea plus tandis que le malfrat à la gorge tranchée tentait vainement d'empêcher son sang de se vider par son cou. Le jeune homme eut tout le loisir de se retourner et d'enfoncer son sabre dans le ventre de l'autre garde qui, aveuglé par la douleur provoquée par son nez en miettes, ne vit jamais le coup venir.

Ceci fait, il entendit un bruit un peu plus haut. C'était probablement le "client" qui avait entendu le fracas provoqué par la petite altercation dans la cave. De ce que Roy se rappelait du rez-de-chaussée, il savait que l'homme allait devoir faire le tour du comptoir pour accéder à la porte qui menait au sous-sol. Cela laissa juste le temps à Roy de grimper les marches quatre à quatre pour atteindre l’entrebâillement avant son nouvel adversaire. Arrivant au sommet de l'escalier, il se servit de son élan et poussa sur sa cuisse gauche, bondissant genou droit en avant. Il atterrit sur le malfrat, qui avait eu la bonne idée de passer la porte pile à ce moment précis, percutant ce dernier en plein torse et le projetant en arrière. Il vint se cogner contre le mur derrière lui, tapant très fortement sa tête sur les briques rouges qui constituaient l'arrière de la boutique. Ses jambes cédèrent immédiatement et il bascula en avant, tombant évanoui au sol.

Retombant sur ses pieds, Roy tendit l'oreille, vérifiant que tous les gangsters de la boutique étaient hors d'état de nuire. Quand il fut sûr qu'il n'y avait plus de danger, il commença à fouiller la boutique.


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Assis sur l'une des chaises de la cave, Roy observait Jules et le seul garde du corps encore en vie en face de lui. Ligotés et bâillonnés, les deux usuriers attendaient silencieusement la suite des événements. Il n'avait pas trouvé de corde dans la boutique de Shifumi, aussi avait-il dû improviser. Déchirer quelques vêtements ainsi que les rideaux qu'il avait trouvé à l'étage, deux ou trois nœuds de marins qu'il avait appris au cours de sa traversée jusqu'à Las Camp et voilà le travail. Les deux hommes étaient solidement attachés.

Pondérant ses options, le pirate réfléchissait. Il avait rapidement récupéré son pistolet des mains du garde défunt avant d'inspecter minutieusement chaque recoin et chaque document du magasin. Mais tout ce qu'il avait trouvé avait de près ou de loin un rapport avec le commerce de façade de la boutique. Rien qui n'ait de lien avec la Guilde des Usuriers, et surtout pas la moindre carte. Il avait fait chou blanc.

 - Alors, commença le pirate, je ne veux pas savoir pourquoi vous avez changé d'avis et soudain décidé de ne pas me vendre cette carte, ça ne m'intéresse pas. En revanche, je sais que vous l'avez.. dites-moi où vous l'entreposez.

Il tendit la main pour retirer le bâillon de Jules, mais suspendit son geste à mi-chemin.

 - Avant de parler, réfléchissez bien à ce que vous allez me dire, prévint le jeune homme. S'il vous plaît, gardez bien en tête que je n'ai a priori aucune sympathie pour votre bande de pirate-banquier-magouilleur à deux berrys. 

Ce faisant, il dégagea la bouche de l'usurier et attendit sa réponse. L'homme reprit d'abord un peu son souffle, tentant de sauver le peu de dignité qui lui restait en essuyant la bave qui décorait le pourtour de ses lèvres. Puis il reporta ses yeux de fouine sur Roy qui attendait calmement une réponse.

 - Quoi, vous pensez qu'il y a un "passage secret" ? rigola-t-il. Pour qui vous nous prenez ? Baroque Works ? On n'entrepose pas nos marchandises dans la boutique c'est tout.

À ces mots, le pirate dégaina son arme et la pointa sur le front du gangster. Celui-ci ne frémit pas d'un cil.

 - Monsieur, évitez de me mentir, récita Roy ironiquement. Ça me rend nerveux vous comprenez ?

 - Faites le malin ! cracha Jules. Votre temps est compté, on ne s'attaque pas impunément à la Guilde des Usuriers ! Un conseil, relâchez nous dès maintenant et allez vous cacher sous un rocher. Si vous êtes encore ici au retour de Shifumi elle vous pulvérisera.

 - Raison de plus pour vous dépêcher alors, rétorqua le pirate en armant le silex de son arme, si je n'ai pas ce que je veux avant son retour, je vous tuerais.

 - Vous comptez absolument vous mettre toute la ville à dos ? ricana l'usurier. Si vous me tuez il n'y aura pas un endroit à Las Camp où vous serez à l'abri. Réfléchissez bien aux enjeux avant de faire une connerie.

 - Quand vous serez mort plus personne ne sera au courant, prévint le jeune homme. Aucun témoin, je continuerais à arpenter Las Camp libre comme l'air.

 - Oui et si on meurt vous n'aurez jamais votre fichue carte, abruti, rétorqua l'usurier avec un sourire victorieux.

Haussant les épaules, Roy baissa son pistolet, avant de se pencher à nouveau et de réajuster le bâillon du malfrat. Il avait la tête un peu trop dur, inutile de continuer à creuser de ce côté. En conséquence, il reporta son attention sur le garde du corps, jusque-là silencieux.

 - Hé vous, l'apostropha Roy, il y a près d'un million de berrys dans la caisse en haut. Vous me dites ce que je veux et ils sont à vous.

Le malfrat marqua un temps d'arrêt à cette proposition, fixant le pirate avec des yeux ronds. Mais, sentant le regard hostile de Jules sur le côté de son visage, il se dépêcha de hocher négativement la tête. Ni une ni deux, Roy colla une gifle à l'usurier, avant d'ôter le bâillon du garde.

 - Réfléchissez à vos options mon ami : soit vous acceptez ma proposition et vous vous retrouvez avec des millions de berrys en poche et une chance décente de vous en sortir, soit je vous tire une balle ici et maintenant avant le retour de Shifumi. Et si je ne le fais pas, elle s'en chargera probablement elle-même étant donné votre échec à protéger sa boutique.

Cela mettait les choses en perspective pour le malfrat. Son expression trahit sa soudaine envie et il ne s'en rendit compte que trop tard en tournant la tête pour jeter un coup d’œil à Jules. Ce dernier l'observait en silence, l'air mauvais tandis que sa joue prenait une couleur rouge soutenue. Malgré son bâillon, il menaçait très clairement l'homme de main, le mettant en garde sur ce qu'il envisageait de faire. Son comportement agressif n'eut pas l'effet désiré toutefois et mit au contraire le malfrat sur la défensive. Roy n'eut qu'à sortir sous ses yeux l'argent qu'il avait déjà subtilisé dans la caisse pour achever de le convaincre qu'il était temps de plier boutique.

 - OK, deal, accepta le garde du corps en hochant la tête avec excitation. J'en avais marre de cette ville de toute façon.

 - Magnifique ! s'écria le pirate en entreprenant de détacher son nouveau complice. Alors pas de gestes brusques naturellement, et puis tant qu'on aura pas fait plus ample connaissance je vous ai évidemment à l’œil. Après vous, l'invita-t-il ensuite d'un signe de son pistolet.

En dépit de son regard mauvais, Jules étrangement ne protesta pas avec beaucoup de véhémence. Peut-être pensait-il que l'homme irait chercher de l'aide une fois sorti de la boutique. Mais Roy veillait au grain.

Suivant le malfrat, il monta les escaliers et, au lieu de passer les portes, attendit dans le couloir étroit tandis que son nouveau complice manipulait une brique sur le mur faisant face aux marches. Quelques secondes plus tard, c'était une série de lattes au plancher qui se décoincèrent avec un bruit retentissant. Le garde dégagea rapidement les planches et dévoila le passage secret menant à l'entrepôt de la boutique de Shifumi. Inspectant la voie étroite menant à ce qui semblait être la deuxième cave du magasin, le pirate distingua les barreaux d'une échelle permettant de descendre au sous-sol. La trappe était placée de sorte que, même ouverte, l'on ne puisse pas la distinguer depuis le hall du magasin ou le bas des escaliers.

Remerciant son guide, Roy prit de l'élan, fit trois pas, bondit genoux en avant, et le percuta une nouvelle fois au milieu du torse. Il fut projeté en arrière avant de dégringoler les escaliers. Sans prendre la peine de vérifier son état, le pirate descendit l'échelle.


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C'est beau. Faut avouer.

L'entrepôt secret était impressionnant. Long d'une trentaine de mètres et large de dix, il était rempli de trois rangées d'étagères qui le traversait sur toute sa longueur. Près de l'échelle, des caisses de marchandises en bois étaient également entassées. Des néons accrochés au plafond gardaient l'endroit relativement éclairé, permettant au pirate d'admirer la pièce dans toute sa splendeur. Une porte blindée en métal trônait sur du mur du fond, il n'avait pas la moindre de ce qui se trouvait derrière.

Comment se sont-ils débrouillés pour construire un truc pareil sans alerter toute la ville ? s'interrogea le pirate.

C'était une cour des miracles, l'éventail de marchandises entreposées étant purement impressionnant. Il commença d'abord par flâner au milieu des rangées, jetant un coup d’œil à chacun des objets rangés sur les étagères. Il y avait de tout et tout était méticuleusement étiqueté et entretenu. La rumeur ne mentait pas quand elle disait que la Guilde des Usuriers pouvait tout vous fournir. Entre les armes, les outils, les faux papiers, les médicaments et encore bien d'autre chose, Roy ne savait plus où donner de la tête. Il découvrit même trois Den Den Mushi dans une cage en verre, remplie de salades.

Au bout d'une minute, il tomba sur une étagère au coin d'un mur. Elle était composée de six tiroirs, chacun d'eux portaient un petit écriteau sur lequel était marqué le nom d'une partie de la ville. Ouvrant celui qui l'intéressait, il le fouilla et constata avec plaisir qu'il était tombé sur ce qu'il cherchait : des cartes. Il en sortit un plein bloc et chercha celle qui l'intéressait avant de reprendre son exploration après avoir jeté le reste par terre. Il avait trouvé ce qu'il était venu chercher, mais face à un tel buffet il aurait été criminel de ne pas en profiter un peu plus.

Reportant son attention sur les caisses qu'il avait aperçues à son arrivée, il se dirigea vers ces dernières. Entreprenant d'en ouvrir une à l'aide de son sabre, il cala la lame entre un interstice du conteneur et poussa sur la poignée de son arme, provoquant un craquement retentissant dans le bois. Il dut s'y reprendre à deux fois, mais la boîte s'ouvrit finalement avec fracas, lui laissant tout le loisir de l'inspecter. Malheureusement, son visage adopta bien vite une grimace dégoûtée en découvrant les sachets d'opium qu'elle contenait. Il la jeta par-dessus son épaule avant de répéter l'opération sur une autre caisse, tombant cette fois-ci sur un réservoir de poudre. Une troisième caisse juste à côté, légèrement plus petite, était pleine à ras bord de bombes - de petites sphères vides en métal reliées à une mèche.

Le pirate prit quelques secondes pour réfléchir avant de se résoudre à emporter quelques explosifs avec lui. Il alla chercher un sac sur l'une des étagères - de la bonne qualité évidemment, Guilde des Usuriers oblige - avant de revenir au niveau des caisses. Méthodiquement, il remplit chacun des conteneurs de poudre avant de les sceller et de les jeter dans son nouveau bagage. Ceci fait, il jeta ce dernier sur son dos. Roy avait maintenant quasiment de quoi faire sauter un bloc entier de la prison si l'envie lui en prenait, ce qui d'une manière ou d'une autre pouvait se révéler utile.

Parcourant une nouvelle fois la salle du regard, il avisa une autre porte, à quelques mètres de l'échelle qui menait à l'entrepôt. Curieux, il avança jusqu'à elle et fût déçu de la trouver fermée à clé. Haussant les épaules, il ricana intérieurement en constatant que, bien qu'elle soit renforcée, cette porte-ci n'était qu'en bois. Le pirate fouilla à nouveau les rangées du complexe à la recherche d'un briquet avant de revenir et d'allumer la mèche de l'une de ses toutes nouvelles bombes. Il la cala au pied de l'obstacle avant de s'éloigner rapidement. Quelques secondes plus tard, une violente explosion secouait l'entrepôt, démolissant l'extrémité de quelques étagères et faisait sauter la porte de ses gonds.

Ah ? J'ai un peu tout cassé avec le boum-boum, constata le pirate, amusé malgré lui.

Bravant la poussière et la fumée, il inspecta avec méfiance la nouvelle pièce qu'il avait sous les yeux, avant de se détendre et d'y entrer. Une grande table couverte de documents trônait au milieu de la salle qui ne semblait pas présenter pas le moindre danger. Il y avait un petit bureau dans le fond ainsi que des étagères encastrées dans les murs, remplies de dossiers. Il en attrapa quelques-uns qu'il feuilleta et identifia rapidement comme des livres de comptes. Le pirate releva les yeux en fixant la pièce : il y en avait des dizaines et des dizaines comme ça. Il devait être tombé sur le cabinet de Shifumi, la chef de la Guilde des Usuriers de Las Camp. Fouillant un peu, Roy dirigea rapidement son attention sur les tiroirs du bureau de l'énigmatique leader gangster.

Avisant un trousseau sur le meuble, il s'en empara et essaya une à une chacune des clés sur les serrures qui lui bloquaient le passage. Aucune ne correspondant, il rangea ledit trousseau à sa ceinture avant d'attraper la poignée de l'un des tiroirs et de s'arc-bouter sur la table avec sa jambe. Tirant un coup sec avec un grognement, il parvint à faire céder le mécanisme et arracha le tiroir de son ensemble tout en trébuchant en arrière. Le contenu de la boîte se répandit par terre tandis qu'il se cognait la tête sur le mur derrière lui. Il dut passer quelques secondes à se frotter la tête pour dissiper la douleur avant de pouvoir étudier sa trouvaille. Un seul petit cahier était tombé au sol, qu'il feuilleta après l'avoir ramassé. Au bout de quelques instants il le rangea dans son sac. Il était vraisemblablement tombé sur le journal de Shifumi, un document précieux et bourré d'informations, qu'il étudierait à un moment plus propice.

Il répéta l'opération sur le deuxième et dernier tiroir du bureau et tomba cette fois-ci sur un petit coffre en métal maintenu fermé par un cadenas.

 - Grmbl... combien de fichues serrures je vais devoir démolir avant la fin de cette journée ? râla le pirate à haute voix.

Considérant qu'il s'apprêtait à entrer par effraction dans la prison de Las Camp, il considéra judicieux de ne pas répondre à cette question.

Sortant son pistolet à silex, il tira sur le cadenas qui ne résista pas à l'impact de la balle. Cette dernière rebondit et vint se perdre dans une étagère, faisant exploser l'un des dossiers qu'elle contenait dans une pluie de confettis.

Oopsy daisy, pensa-t-il en ouvrant le petit coffre, qu'il découvrit plein à ras bord de billets.

Il empocha l'argent de la "véritable" caisse de la boutique et délaissa le bureau pour cette fois-ci inspecter la table au milieu de la pièce, et les documents posés dessus. Un papier capta immédiatement son regard et il tendit la main pour s'en emparer. Perplexe, il mit un petit temps avant de comprendre ce qu'il avait sous les yeux et pourquoi cela lui semblait si familier. Sortant la carte du district 12 qu'il avait déjà en poche, il le compara à la lumière d'une lampe avec sa nouvelle acquisition.

- Les enfoirés..., jura Roy au bout de quelques instants.

Il était tombé sur une carte complète des égouts, bien plus détaillée que celle qu'il avait trouvée un peu plus tôt. Non seulement elle n'était pas divisée en district, mais en plus des morceaux entiers avaient été rajouté, des passages secrets, ainsi que des renseignements sur les coins où se rendre et ceux à éviter.

Je vois, grogna intérieurement le pirate. On vend de l'info certes, mais les plus importantes on les garde pour nous n'est-ce pas ?

Il jeta la carte incomplète et s'empara de l'autre sans se soucier du reste des documents sur la table, et sortit de la pièce. Il contempla un instant les débris au sol et les morceaux d'étagères tordus qu'il avait devant lui avant de se diriger vers la porte blindée du fond. Attrapant son nouveau trousseau de clés, il déverrouilla une à une les serrures de la porte et parvint à l'ouvrir. Tendant la tête pour voir ce qui se trouvait au-delà, il reconnut l'odeur caractéristique des égouts.

Bien, cela économisait du chemin au pirate qui décida de ne pas attendre un instant de plus. Maintenant qu'il avait sa carte, il était temps de s'infiltrer dans la prison. Il leva les pieds et passa l’entrebâillement de la porte. Alors qu'il s'apprêtait à quitter l'entrepôt, il s'arrêta au dernier moment.

Hum..., je ne vais quand même pas partir comme ça ? pensa-t-il. Ils ont bien mérité une petite leçon.

Pensif, il réfléchit quelques longues secondes avant de se mettre en action. Il retourna dans l'entrepôt et, après avoir déplacé les caisses d'explosifs près de celles contenant les stupéfiants, il alla chercher la cage des Den Den Mushi qu'il cala sous son bras. Revenant au niveau des conteneurs, il sortit une seconde bombe de son sac qu'il alluma avant de la glisser délicatement sur les caches d'opiums. C'était sûrement légèrement exagéré, mais après tout il n'aimait pas la drogue, ni les gangsters. Et cette guilde en mousse était passée à deux doigts de la lui faire à l'envers. Elle y réfléchirait à deux fois à l'avenir.

Il se dépêcha de revenir à la sortie, se mettant rapidement hors du champ de l'explosion à venir. Pour faire bonne mesure, il ne ferma pas derrière lui en pénétrant dans les égouts de Las Camp. Maintenant qu'ils n'étaient plus menacés par sa petite espièglerie, il posa les Den Den Mushi au sol avant de reprendre son chemin tandis qu'une puissante détonation retentissait dans l'entrepôt.


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Étrangement, sur cette carte le district 12 était mieux détaillée que le reste de la ville. Des annotations avaient été rajoutées sur le morceau de papier, des indications et des notes décrivant l'endroit plus en détail. À présent, Roy regrettait de ne pas avoir jeté un coup d’œil au reste des documents sur la table du bureau de Shifumi. Tout laissait indiquer qu'avant qu'il n'arrive leur voler leurs affaires, les usuriers étaient en train de préparer un mauvais coup dans le coin. Il aurait bien aimé savoir lequel.

Cela faisait à peu près quatre heures qu'il avait quitté l’entrepôt secret. Il était aux alentours d'une heure du matin et il approchait doucement mais sûrement des souterrains de la prison. Maintenant qu'il n'était plus en dessous des zones habitées de Las Camp, il ne croisait quasiment plus personne dans les égouts. Les aménagements des gangsters pour rendre les bas-fonds de la ville plus habitable avaient eux aussi complètement disparu. Avançant à la lumière de son briquet, le pirate étudiait le terrain, cherchant l'endroit idéal où il commencerait à se frayer un chemin à coup d'explosifs. Le plan indiquait clairement que les canalisations du complexe pénitentiaire n'étaient pas directement reliées aux égouts. Quelle ne fut pas sa surprise donc quand, au détour d'un couloir, il découvrit un petit tunnel exigu creusé dans l'un des murs des égouts.

Marquant un temps d'arrêt, Roy jeta un petit coup d’œil à son plan, vérifiant bien que sa trouvaille n'était pas indiquée dessus avant de revenir sur la voie miraculeuse. Cette dernière semblait mener droit sous le bloc A de la prison, même s'il était impossible au pirate d'en être sûr à cent pour cent.

Qu'est-ce que c'est que cette tisane encore ?

Haussant les épaules, il s'engagea dans le conduit, non sans glisser une main sur l'une de ses parois afin d'en vérifier la texture. Vu ce qu'il sentait sous ses doigts, ce passage improvisé avait été creusé à la pioche. Etant donné l'odeur de poudre ambiante, deux ou trois explosifs devaient avoir aidé à faire le gros du travail.

Au bout de la voie, le tunnel prenait un virage ascendant brutal. Levant les yeux, Roy ne distingua rien qui ressemble à la lumière d'une sortie, juste le noir total. Déglutissant un coup, il mit quelques instants avant de se décider à reprendre son chemin, appréhendant de devoir escalader un conduit aussi étroit sans la moindre parcelle de luminosité. Calant ses mains sur les murs du conduit, il fit de même avec ses pieds. Maintenant une pression continue en poussant sur ses membres, il escalada le tunnel étroit un pas à la fois. Son ascension fut lente et laborieuse, alourdie comme il était par ses armes et son sac de bombes. Une panique sourde menaçait d'enfler dans la poitrine du pirate à mesure qu'il s'enfonçait dans le conduit. Personne n'appréciait de se retrouver dans un endroit aussi confiné, pas plus que d'avancer à l'aveuglette vers le danger, et Roy n'était pas un cas à part.

Au bout de quelques minutes, alors qu'il poussait sur ses jambes et grimpait à nouveau plusieurs centimètres, sa tête rencontra un obstacle. Sursautant face à ce contact inattendu, il manqua de lâcher prise et glissa sur trois bons mètres avant de raffermir sa prise. Avec un juron, il remonta péniblement le conduit, main droite tâtonnant au-dessus de lui afin de ne pas se faire surprendre une deuxième fois. Il atteignit de nouveau le sommet et fut surpris de rencontrer non pas de la pierre, mais une matière molle et chaude au toucher. Palpant l'obstacle, sa main finit par glisser sur un endroit visqueux et le pirate sentit avec horreur un liquide épais couler sur son membre, accompagné de l'odeur caractéristique du sang.

Dans un sursaut de dégoût, il repoussa par réflexe le corps encore chaud au-dessus de lui, dégageant la sortie du tunnel, qui fût soudain inondé de lumière. Déséquilibré par ce brusque mouvement non étudié, Roy manqua à nouveau de dégringoler, mais eut le réflexe d'attraper les rebords du trou. Avec un grognement, il se hissa sur le sol de la prison, prenant soin d'éviter de toucher le cadavre. Reprenant son souffle, il se reposa un instant en étudiant la pièce dans laquelle il avait atterri, tout en retournant le mort sur le dos en le poussant du pied.

Un garde de prison, la gorge tranchée, constata le pirate. Qu'est-ce qui se passe ici ?

Il se trouvait dans ce qui semblait être une salle de garde. En se relevant, il aperçut une vitre permettant de garder un œil sur une multitude de cellules.

Sortant de la salle, il se mit à la recherche de Moria.


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Les détenus endormis, Roy pouvait plus ou moins se déplacer librement dans la prison. De temps en temps un grognement ou un cri s'échappaient de certaines cellules, mais dans l'ensemble le complexe était calme. Il n'y avait pas âmes qui vivent pour garder un œil sur les détenus, une traînée de cadavre accompagnant le pirate dans son exploration du bloc A. Tous les gardes avaient été assassinés.

Je trouve Moria et je taille la route, se promit-il, aucune envie de découvrir ce que trafique la guilde...

Subtilisant un trousseau de clé sur le cadavre d'un marine, il pénétra dans l'un des cachots. Chacun d'entre eux comportait quatre lits superposés, mais il avait pris soin d'en choisir un n'accueillant que deux personnes. Refusant de prendre le moindre risque, il se saisit de son pistolet et abattit le pommeau sur le front d'un des hommes endormis, le plongeant un peu plus profondément dans le pays des rêves. Faisant volte-face, il se jeta sur le deuxième prisonnier - qui commençait déjà à se réveiller - et plaqua une main sur sa bouche avant de menacer sa tempe de la pointe de son canon.

 - Tu couines un peu trop fort et je fais sauter ta cervelle, l'avertit Roy.

Surpris et terrifié, l'homme ne chercha pas à résister. Le pirate apprit rapidement de lui la position de Moria Brittania. Il brusqua un peu sa nouvelle victime histoire de s'assurer qu'elle n'avait pas menti, puis ceci fait il replaça sa main sur la bouche du prisonnier. Un ample coup de crosse assomma le pauvre homme et le jeune homme se remit en mouvement. Il prit soin de refermer la cellule derrière lui avant de suivre les indications du criminel, allant le plus vite et le plus discrètement possible.

Il pouvait compter au moins un quart d'heure avant que les deux malheureux ne reprennent leurs esprits, quoique cela n'ait pas grande importance. Déclencher l'alarme ou non n'était plus du ressort de Roy. Même si les prisonniers assommés ne se réveillaient pas, ce n'était qu'une question de temps avant que quelqu'un ne remarque l'absence d'une bonne dizaine de soldats. Il ne savait pas combien de temps il lui restait, mais un compte à rebours avait bel et bien été lancé entre les murs de la prison. Dans cinq minutes ou dans une heure, rien ne garantissait à quel moment l'un des cadavres seraient découverts.



Sans rencontrer le moindre incident, il atteint la geôle de sa cible. Une fois de plus, il déverrouilla la porte et chercha silencieusement le navigateur dans l'un des quatre lits superposés. Heureusement, la chevelure blonde de sa cible était aisément reconnaissable.

Enfin, soupira intérieurement le pirate. Première étape accomplie. C'est pas dommage.

Pressé, il tendit immédiatement la main pour le réveiller. Les yeux de l'homme s'ouvrirent immédiatement tandis qu'il interceptait le bras de l'intrus. Roy réagit de même en arrêtant de justesse l'autre membre de Moria, une fraction de seconde avant que le surin du détenu ne lui perce les côtes.

Ils luttèrent pendant un instant dans un silence ponctué de quelques grognements. Le pirate s'était jeté sur le torse du blondinet, l'écrasant de tout son poids afin d'emprisonner ses bras et limiter ses mouvements.

 - Je suis ton ami ! chuchota énergiquement le jeune homme une fois qu'il eut maîtrisé le navigateur. Calme-toi ! ajouta-t-il après une nouvelle ruade du joli cœur.

Ce dernier, après s'être rendu compte que Roy ne cherchait effectivement pas à l'égorger, cessa de résister et détailla le visage de l'intrus.

 - Je te connais..., murmura à son tour le détenu au bout de quelques secondes, tu étais sur le navire qui...

En silence, Roy relâcha prudemment la pression et libéra sa cible de son emprise. Tandis que Moria dissimulait à nouveau son surin dans sa manche, le pirate lui fit signe de se lever, un doigt sur les lèvres pour lui faire signe de faire doucement.

 - On y va, lui apprit-il en sortant le trousseau de clés sous le nez du navigateur. Suis-moi, ajouta-t-il en lui montrant la porte de sa cellule, grande ouverte.

Sans trop se poser de questions, Moria emboîta le pas de son sauveur providentiel et ils sortirent tous deux du cachot, que le pirate s'empressa de refermer derrière eux. Une fois éloignés des camarades de chambres du blondinet, ils purent engager une véritable conversation.

 - Roy D. Aston, se présenta le pirate. Je suis venue te libérer.

Le joli cœur considéra la main tendue de l'étrange personnage d'un œil circonspect, avant d'accepter la poigne de main.

 - On n'a pas de temps à perdre, enchaîna Roy sans plus de cérémonie, suis-moi, exigea-t-il en prenant la direction du tunnel secret.

 - Me libérer ? Attends attends, protesta le navigateur en emboîtant le pas du jeune homme, tu fais pas ça gratuitement j'imagine. T'attends quoi en retour.

 - Ton indéfectible loyauté, répondit son sauveur, ne blaguant qu'à moitié. Je suis un pirate à la recherche d'un équipage et j'ai besoin d'un navigateur. J'ai jeté mon dévolu sur toi, lui apprit-il.

 - Un pirate ? Dis je sais pas ce qu'ont t'as dit sur moi, ricana immédiatement Moria, mais il n'est pas question que je devienne un criminel. Tu t'es trompé de bonhomme.

 - Tu n'as pas vraiment le choix, répondit Roy d'un ton indifférent. Si tu restes ici tu finiras exécuté dans la cour de la prison. Si tu me suis et que tu t'évades, un avis de recherche sera lancé à ton nom. Tu as le choix entre mourir ou devenir hors-la-loi. Quitte à devenir un criminel, autant que tu sois un pirate avec des alliés, et sous mes ordres, tu vois ce que je veux dire ?

Il sentit instantanément le regard meurtrier du blondinet dans son dos. Sans se démonter, il continua son chemin en vérifiant ses armes.

 - Je me suis fait piéger par la mafia de Las Camp ! cracha Moria derrière lui, du venin plein la bouche. Ne me confond pas avec une raclure de bas étage dans ton genre ! Quand je serais sorti d'ici, j'irais voir la Marine pour tout leur expliquer et ils m'innocenteront !

 - Ouais, eh bien bonne chance pour ça, répondit Roy en haussant les épaules. Mes avis que tes excuses ne les intéresseront absolument pas. Dépêches-toi, ajouta-t-il ensuite, on est pressé.

Soudain, les bruits de pas derrière le pirate cessèrent. Interpellé, il se retourna pour découvrir le navigateur debout, immobile, plongé dans une profonde réflexion tandis qu'il fixait le pirate. Ce dernier ouvrit les mains en haussant les sourcils, lui demandant silencieusement ce qu'il fabriquait.

 - Il faut qu'on libère un autre détenu, lâcha Moria au bout de quelques secondes.

 - Hors de question, répondit Roy en se remettant immédiatement en mouvement.

 - Il s'appelle Habu Jackson, continua le blondinet en lui emboîtant le pas. Il s'est fait piéger comme moi ! Il faut le libérer lui aussi.

 - On n'a pas le temps pour ça ! s'écria Roy en faisant volte-face, attrapant le navigateur par le col de sa tunique de prisonnier. Il se passe quelque chose de pas nette dans la prison, tous les gardes du bloc ont été tués par la Guilde des Usuriers. Il faut qu'on bouge ! Maintenant !

 - La quoi ? La Guilde des Usuriers ? demanda Moria en ignorant complètement la poigne du pirate.

 - Eux-même, répondit ce dernier, perplexe.

 - Ils sont venus pour Habu Jackson, lâcha le navigateur, catégorique. Il n'y a aucun doute possible.

 - Ah, donc toute cette opération, tous les gardes tués, le tunnel creusé dans les fondations de la prison, la préparation méthodique de la guilde pour s'infiltrer, tout ça ce serait juste pour assassiner ton Habu Jackson ? Et toi, tu voudrais justement que l'on sauve leur cible, résuma Roy. J'ai raté un truc?

 - Aucune idée, répondit le blondinet en haussant les épaules. Moi tout ce que je sais c'est que c'est la guilde qui l'a envoyé en prison et là il va surement se faire assassiner si on n'intervient pas. Je vais avoir besoin de son aide à Las Camp, il faut le sauver !

 - C'est pas le moment de déconner Moria, l'avertit le pirate. Il faut surtout qu'on sorte d'ici avant que ça dégénère, suis-moi ou je te jure que je vais t’assommer et te traîner de force jusqu'à la sortie.

 - Alors voit les choses comme ça plus tôt : si on s'évade de la prison sans l'autre prisonnier, jamais je ne rejoindrais ton équipage, déclara-t-il. En revanche, si tu nous libères tous les deux j'accepte au moins de... d'envisager de devenir pirate.

Ils se fixèrent les yeux dans les yeux pendant de longues secondes, s'affrontant du regard.

 - C'est une très mauvaise idée, abdiqua finalement Roy en lâchant le col du navigateur, le regard noir.

 - Hé les mecs, qu'est-ce que vous foutez dehors ? demanda soudainement une voix à leur gauche. Qu'est-ce qu'y fout par terre le marine ?

Roy plongea prestement et fit passer son sabre entre les barreaux d'une cellule, droit dans la gorge du malfrat qui avait eu la mauvaise idée de se réveiller. Ce dernier ne put émettre un son et s'étouffa lentement dans son sang, les cordes vocales tranchées. À la force de son bras, le pirate fit levier pour maintenir le malheureux debout, abaissant lentement son sabre afin de ralentir la chute du mourant pour qu'elle ne fasse pas trop de bruit.

 - Chaque seconde de plus passée entre ces murs multiplie les pertes inutiles, grogna ensuite le jeune homme, observant le résultat de sa macabre besogne d'un air dégoûté. Je ne sais pas pourquoi tu tiens tant à libérer ce Habu, mais ça a intérêt à valoir le coup.

Ils avaient perdu trop de temps à discuter. Même en chuchotant, l'un des détenus les avait entendu, et avait cru bon de venir aux nouvelles. Ce genre de tuerie stérile avait le don de faire enrager le pirate.

 - Oh, mais ça vaudra le coup, répondit Moria en ramassant le fusil du marine décédé à côté. Tu n'as pas idée du nombre de portes que sa libération va nous ouvrir, ajouta-t-il finalement, un sourire carnassier sur le visage.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc - 12:03, édité 2 fois
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À des kilomètres de la prison, une jeune et jolie brune traversait les rues mal famées de Last End, en chemin vers sa boutique. Malgré son apparence menue et son visage de poupée, c'était en fait l'une des guerrières les plus redoutables de Las Camp doublée d'une mafieuse aguerrie, en charge d'une organisation puissante qui avait la mainmise sur la ville.

Elle revenait des égouts de la cité et désirait hardiment retrouver son magasin, petite antre douillette perdue au milieu de ce quartier sordide. Elle était allée à la rencontre des quatre assassins engagés pour la mission de cette nuit, afin de mettre en place les dernières touches à son plan finement élaboré. Depuis plusieurs semaines déjà elle l'avait préparé, peaufiné, perfectionné, afin de faire taire une bonne fois pour toute cet agaçant homme-poisson. Tous ces efforts s'apprêtaient à être récompensés. Elle allait rentrer, s'offrir une bonne douche avant d'attendre anxieusement le retour de ses hommes toute la nuit, espérant une bonne nouvelle. Mais elle était confiante.

Sa bonne humeur s'envola rapidement quand elle découvrit la devanture de sa boutique et la fumée suspicieuse qui s'échappait du pas de la porte. La rue déserte heureusement, personne n'avait remarqué cet étrange événement. Un vieil homme édenté cependant traînait devant le magasin. La jeune femme reconnut l'un des mendiants qui ouvrait l’œil pour la guilde, probablement venu pour réclamer son misérable salaire.

- Dis donc ça sent bon dans ta boutique Shifumi... tu veux pas m'en filer un peu ? demanda le sbire quand la mafieuse arriva à sa hauteur, les yeux brillants.

Les pupilles jaunes de la chef gangster se posèrent sur le sans-abri, menaçantes. Habitué aux sautes d'humeur de son employeuse, le pauvre homme connaissait ce regard. Il n'eut pas besoin d'un nouvel avertissement pour filer sans demander son reste.

Reportant son attention sur son établissement, la jeune femme pénétra à l'intérieur sans attendre, une manche recouvrant sa bouche et son nez pour échapper aux vapeurs d'opium. Remarquant immédiatement la porte entrebâillée de la cave, elle se précipita vers elle seulement pour découvrir la trappe menant à l'entrepôt secret grande ouverte et laissant échapper une épaisse fumée. Elle s'apprêtait à prendre l'échelle quand un cri venant du bas des escaliers l'interpella. Elle descendit les marches pour découvrir les cadavres des gardes du corps, qu'elle enjamba prestement pour arriver à la rescousse de son secrétaire, ligoté à une chaise et bâillonné. Sonné par les vapeurs d'opium qu'il respirait en continu depuis plusieurs heures, Jules peinait à focaliser sur sa patronne. Heureusement pour lui, la fumée toxique se répandait difficilement dans la cave, sans quoi il serait mort empoisonné depuis bien longtemps.

Partagée entre la pitié de voir son fidèle serviteur dans un si piteux état et la colère de découvrir son magasin dans une condition au moins aussi navrante alors qu'il en avait justement la charge, Shifumi se retint de le tuer sur-le-champ. Elle le détacha et l'allongea au sol, lui permettant d'échapper aux volutes de fumée intoxiquées qui flottaient près du plafond. Elle le gifla deux fois, tentant de lui éclaircir les idées.

- Madame, gémit finalement le gangster

- Qu'est-ce qui s'est passé ? grogna le gangster, impatient. Qui a fait ça ?

- Il voulait une carte..., lâcha faiblement le gérant.

Clignant des yeux, Shifumi lui fit signe de continuer. L'interrogatoire fut long et pénible, l'homme peinant à garder les yeux ouverts. Ni les menaces, pas plus que les mots de réconfort de la leadeuse gangster ne l'atteignaient. Il narra l'invasion et la destruction de la boutique à son propre rythme, à peine conscient de la présence de la jeune femme. Elle apprit comment un pirate inconnu était venu jusqu'à eux pour acheter une carte des égouts, comment l'un des gardes s'était rappelé de lui et du fait qu'il était à la recherche d'un détenu, Moria Brittania. Devinant que ce pirate comptait entrer dans la prison et considérantl'opération que préparait leur patronne, Jules avait refusé de lui vendre ce qu'il cherchait. Mais le pirate ne l'avait pas entendu de cette oreille. Il les avait vaincu puis interrogé et avait fini par trouver l'entrepôt secret. Quelques minutes après sa disparition dans la trappe, une explosion avait retenti dans le sous-soul et de la fumée chargée d'opium s'était peu à peu répandue dans le bâtiment, durant les longues heures qui avaient suivi.

Au sortir de ce récit, Shifumi lâcha la nuque de Jules, qu'elle tenait jusqu'à maintenant pour qu'il puisse la regarder. Sa tête retomba sur le sol et il s'évanouit instantanément tandis que la mafieuse levait les yeux pour fixer le mur derrière elle, dans la direction approximative de la prison de Las Camp. Ce n'était pas prévu. C'était un problème dont elle n'avait même jamais eu conscience avant de découvrir son petit coin douillet en ruine. Un homme avait fait ça ? Seul et sorti de nulle part ? Et il voulait pénétrer dans la prison, ce soir précisément ?

Tout va bien s'passer, n'est-ce pas ? se demanda-t-elle intérieurement, souhaitant y croire de toutes ses forces.



Entre les murs de la prison, Roy et Moria arpentaient les couloirs en courant. Étrangement, le pirate en était réduit à suivre les pas de la personne qu'il était venu sauver, un état de fait qui le mettait de mauvaise humeur. Et il ne se privait pas de le faire savoir au navigateur.

- Ça doit faire minimum un quart d'heure qu'ils sont là, l'avertissait Roy. Y'a des chances pour que ton Habu Jackson soit déjà mort.

- S'ils sont au moins aussi efficaces qu'ils en ont la réputation, ils doivent être allés le chercher dans sa cellule, répondit le joli cœur, indifférent.

- Justement, ça craint non ? rétorqua le pirate tout en déverrouillant une porte, avant d'inviter son guide à repasser devant.

- Habu a été envoyé au trou hier soir, lui apprit Moria, ça nous laisse une longueur d'avance.

Refermant derrière lui, le jeune homme leva machinalement les yeux tandis qu'il s'activait sur les serrures. Ses gestes se suspendirent tandis que son regard s'arrêtait sur quatre silhouettes noires, plus loin dans le couloir, à une vingtaine de mètres à peine.

- Ou alors, ça nous à tous mis au même niveau, commenta Roy en tapotant l'épaule de Moria, pour lui faire signe de se retourner.

- Eh merde..., lâcha ce dernier en découvrant à son tour les assassins encapuchonnés.

Sans faire de bruit, malgré le choc qu'avait dû leur procurer la vision de ces deux individus se baladant librement dans la prison, les quatre malfrats se remirent en mouvement. Le pirate prit bien soin de refermer chacun des verrous de la porte. Il en profitait également pour observer ces nouveaux ennemis, détailler leur équipement et examiner leur posture.

Une pioche ? nota Roy en haussant les sourcils.


Dernière édition par Roy D. Aston le Lun 25 Déc - 12:41, édité 4 fois
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Une fine traînée de fumée filtrait du canon du fusil de Moria, voletant autour de la tête de Roy qui suivait de près le navigateur. Autour d'eux, l'enfer s'était abattu sur la prison. Tous les éclairages étaient à présent allumés, diffusant une lumière rouge soutenue sur les murs du complexe. Les sirènes d'alarme étaient également de la partie, provoquant un vacarme assourdissant qui avait sûrement mis en état d'alerte tout l'établissement pénitentiaire ainsi qu'une bonne partie du reste de Las Camp.

- C'était quoi ce tir ?! s'écriait le pirate, absolument furieux tandis qu'ils continuaient leur chemin vers Habu Jackson.

- Ça faisait des plombes que j'avais pas tiré ok ?! répondit le joli cœur, au moins aussi sur les nerfs que son "sauveur". Et c'est pas mon fusil je suis pas habitué, tu rates jamais toi peut-être ?!

- Mais pourquoi t'as tiré même ?! Hein ?! Qui c'est qui t'a demandé de tirer ?! hurla le pirate en retour.

Au point où ils en étaient, toutes idées de discrétion avaient été mise à la trappe.

- Le type nous visait dessus avec un arc ! se justifia Moria, haussant également le ton.

Durant leur face-à-face avec les assassins, l'un d'eux avait naturellement mis en joue les deux hommes, exigeant d'eux de ne pas bouger. En retour, le détenu les avait tout aussi naturellement menacés en levant son fusil. Du moins c'est ce que tous pensaient au départ, avant que le BANG retentissant du canon ne vienne briser la quiétude et la solennité de ce stand-off.

- Et tu pouvais pas le garder en joue au lieu de paniquer comme une fillette ?! s'écria Roy, perdant toutes retenues tant il était énervé.

- J'ai pas paniqué tout étais calculé ! mentit éhontément le navigateur.

- Et ça c'était calculé peut-être ?! s'indigna le pirate en désignant la flèche qui lui traversait à présent l'épaule.

Si Moria avait raté son tir, l'usurier en revanche avait remarquablement bien visé, le projectile empenné traversant les barreaux de la porte avec fluidité avant de filer droit vers le cœur du jeune homme. Surpris par le tir inattendu du blondinet, Roy avait involontairement cligné des yeux et s'était privé de la fraction de seconde qui lui aurait permis de réagir à temps. Il avait partiellement esquivé l'attaque, mais son épaule avait mangé. Depuis, ils avaient pris la poudre d'escampette, le pirate déversant un flot de jurons extrêmement colorés en fort contraste avec sa bienséance habituelle.

À présent, ils couraient de toutes leurs forces, sachant pertinemment que le groupe d'assassin les suivaient de près, quelques dizaines de mètres derrière eux seulement. Roy lâcha un grognement en apercevant une nouvelle porte verrouillée devant eux. Vu comme les choses se présentaient, il n'allait pas avoir le temps de l'ouvrir avant que leur poursuivant n'arrive à leur hauteur. Ignorant la douleur que lui provoquait son bras, il alla chercher deux bombes dans son sac. La première, avec une mèche très courte, il l'alluma et la jeta loin devant lui, aux pieds de l'obstacle qui lui gênait le passage. La deuxième, avec une mèche beaucoup plus longue, il l'alluma et la laissa délicatement tomber à ses pieds. Il n'était clairement pas un expert en explosif, mais avec un peu de chance son piège très approximatif aurait le bon timing.

Grognant de douleur, il jeta ensuite son sac à Moria qui l'attrapa sans protester. En face d'eux, une redoutable explosion retentit et pulvérisa la porte en soulevant un nuage de poussière. Protégeant leurs visages avec leurs bras, ils pénétrèrent dans le nuage de fumée et disparurent de la vue des assassins.

- Mais qu'est-ce que tu fabriques ?! s'écria ensuite le pirate, en attendant que Moria, qui s'était étrangement arrêté, ne se remette en mouvement et lui indique le chemin.

Il observa sans comprendre le navigateur s'approcher d'un levier accroché au mur. Tandis qu'une deuxième explosion ravageait le couloir derrière eux, il actionna le mécanisme. Ce dernier, relié aux portes de chaque cellule du couloir, déverrouilla chacune d'entre elles et libéra les prisonniers de cette partie du bloc.

Ceci fait, il réajusta son sac, se retourna pour voir si Roy était prêt à repartir et se retrouva nez à nez avec les yeux grands ouverts, injectés de sang du pirate. Comprenant que, pour sa sécurité, il valait mieux qu'il fournisse rapidement une explication, Moria ne perdit pas un instant :

- Perdu pour perdu, autant mettre le plus de bordel entre eux et nous, lâcha le joli cœur en haussant les épaules.

Une seconde passa, le regard de Roy restant planté sur le navigateur, sans ciller.

- Et entre nous et Habu..., souffla finalement le pirate, t'y a pensé au bordel ?!

- Il faut bien trouver quelque chose pour occuper les marines ! répondit Moria en se remettant à courir, fuyant presque son compagnon courroucé.



Leur manège avait au moins eu le mérite de mettre de la distance entre eux et les assassins. En arrivant au trou, ils n'avaient pas eu le déplaisir de revoir l'un d'entre eux et c'est donc relativement détendu qu'ils se mirent à la recherche d'Habu Jackson. Réduits à faire du porte-à-porte, ils ouvraient le cache permettant habituellement aux gardes de vérifier l'état des prisonniers et s'en servaient pour examiner chaque cellule une à une. Ils essayèrent bien d'appeler l'homme-poisson, mais naturellement tous les détenus répondirent en même temps et brouillèrent la piste. Quelques marines tentèrent de les arrêter durant leur recherche, mais les deux hommes les mirent rapidement hors d'état de nuire.

- Jackpot ! finit par s'écrier Moria après avoir jeté un énième coup d’œil dans l'une des gêoles.

Prenant la place du blondinet, Roy regarda à son tour, et entraperçut la silhouette d'un homme-poisson entravé, muselé et enchaîné à un mur. Relevant les yeux, il posa le trousseau de clé dans la main que lui tendait le navigateur et fit un pas en arrière pour laisser ce dernier ouvrir la porte. Regardant autour de lui, afin de vérifier la présence de marines, sa main valide vola immédiatement jusqu'à la poignée de son sabre quand il aperçut la silhouette de l'un des assassins en train d'approcher.

- Je m'en occupe, va le libérer, ordonna-t-il au joli cœur une fois qu'il eut ouvert la porte, désignant le prisonnier.

Dégainant son arme, le pirate fit face à la venue de l'usurier. C'était le plus étrange des quatre, celui qui transportait une pioche reposant tranquillement sur son épaule.

Fais voir ce que tu vaux, pensa-t-il intérieurement, excité malgré lui à l'idée de combattre un ennemi de bon calibre.


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L'assassin lui fonça dessus, brandissant son arme incongrue à deux mains. Roy observa tête de la pioche les yeux brillants, loin au-dessus de leur tête, décrire un grand arc de cercle pour venir s'abattre sur son crâne. Un rapide saut en arrière lui permit d'esquiver l'attaque, qui passa tout de même à deux doigts de le défigurer horriblement.

Malgré la flèche qui lui traversait l'épaule, le pirate avait la main légère et l'esprit clair. Bien qu'il semblât aguerri, son adversaire magnait tout de même un outil parfaitement inadapté pour le combat, avantage évident pour le jeune homme. Sa concentration vola en éclat cependant quand le sol explosa littéralement sous l'impact provoqué par la pioche. Celle-ci provoqua une onde de choc qui fit voltiger des éclats de ciments sur l'usurier et son adversaire. Les jambes flageolantes, Roy ferma instinctivement les yeux pour éviter poussière et débris. Il se rappela trop tard que son adversaire portait un masque à gaz et ne vit pas venir le coup suivant.

Seul le bruit de l'arme en train de fendre l'air lui permit de deviner approximativement d'où venait l'attaque. Il plaça son sabre sur la trajectoire et parvint de justesse à intercepter le manche de la pioche. Ce ne fut cependant pas suffisant pour encaisser pleinement la frappe, son bras seul affrontant le coup porté à deux mains de l'assassin. Ses pieds décollèrent du sol tandis qu'il était projeté contre le mur du couloir. Son épaule percée percuta la paroi avec force, lui arrachant un cri de douleur.

Les yeux voilés par la poussière, ses genoux flageolant et son bras droit endoloris par l'attaque qu'il avait parée, Roy n'avait pas la moindre idée d'où viendrait la prochaine. Il suivit son instinct et se laissa tomber au sol, tandis qu'au-dessus de lui sur sa gauche, le mur volait en éclat sous un nouvel assaut de la pioche. Une avalanche de débris s'écrasa sur le jeune homme qui, tête penchée en avant, n'y prêta pas attention. Il avait profité de son mouvement inattendu pour s'essuyer les yeux et releva ces derniers pour découvrir l'assassin, momentanément déséquilibré par son attaque. Roy saisit l'opportunité et frappa.

Poussant sur ses jambes, il se releva et bondit dans le même mouvement. Son genou droit vint percuter l'assassin en plein torse et l'envoya voltiger quelques mètres en arrière, avant de s'écraser sur le sol dans un roulé-boulé. Utilisant cet instant de répit, le jeune homme raffermit sa prise sur son arme, avant de repartir à l'assaut du tueur.

Un filet de sang filtrait sous le masque à gaz de l'usurier. Roy pressa son avantage et ne le laissa pas reprendre l'élan nécessaire à ses coups dévastateurs. Ils échangèrent quelques coups, desquels le pirate ressortit à chaque fois vainqueur, prenant soin de ne jamais encaisser pleinement les assauts de la pioche, déviant la trajectoire de cette dernière avant de riposter avec des coupures légères et rapides. Bientôt, les bras et les jambes sévèrement tailladés, l'assassin joua le tout pour le tout et envoya un puissant swing de son arme. Le pirate, occupé à trancher le mollet de son adversaire se laissa surprendre et para une fois de plus la frappe in extremis. Son sabre lui fût arraché des mains, tandis que la pioche voltigeait à travers le couloir pour venir se planter dans un mur.

Les yeux envoyèrent des éclairs tandis qu'il observait l'assassin tomber à genoux. De sa main valide, le pirate vint chercher la flèche plantée dans son épaule et l'arracha prestement. Levant son pied, il intercepta le bras de l'usurier, allé cherché une dague dans sa botte, avant de planter le projectile empenné dans le cou de son adversaire. Ils luttèrent pendant quelques secondes, l'assassin tentant faiblement d'arrêter le jeune homme tandis qu'il enfonçait l'arme improvisée toujours plus profondément dans sa gorge.

 - T'es qui toi bordel...? finit par grogner l'homme dans un gargouillis de sang, avant de rendre son dernier soupir.

Relâchant la dépouille, Roy reprit son souffle tout en regardant son ennemi s'écraser au sol et ne plus bouger. Manquant de défaillir sous la douleur qui lui parcourait le bras, il retint son envie de vomir et alla récupérer son sabre. Relevant les yeux, ileut juste le temps d'apercevoir au loin la silhouette noire d'un nouvel assassin, que toutes les lumières du couloir s’éteignaient. Étouffant un juron, il chercha à tâtons la cellule d'Habu Jackson et prévint Moria de son arrivée pour ne pas lui faire peur.

 - Ils arrivent ! prévint-il ensuite, l'urgence de la situation filtrant à travers sa voix. T'en es où ?!

 - Ils l'ont bien attaché, lui apprit le blondinet dans le noir. Il y au moins une demi-douzaine de serrures à déverrouiller. Et l'obscurité n'aide pas, qu'est-ce qui se passe ?

Roy pouvait entendre le navigateur s'escrimer sur le trousseau de clés, cherchant les serrures à tâtons.

 - C'est sûrement les assassins, répondit Roy en rengainant son sabre.

 - Ils peuvent voir dans le noir ? s'enquit le joli coeur.

 - Je n'en sais rien ! s'écria le pirate. Surement !

Comprenant que Moria n'y arriverait jamais à temps sans lumière, le pirate se mit à la recherche de sa boîte d'allumettes.

 - Vous êtes blessé, lâcha soudainement une voix dans l'obscurité.

Surpris, Roy suspendit son geste. Il mit un instant à réaliser que la voix ne pouvait provenir que du détenu enchaîné.

 - Habu Jackson ? lâcha-t-il finalement. Enchanté.

 - De même, répondit le prisonnier. Vous perdez beaucoup de sang.

Il avait une voix des plus singulières. Douce et profonde, mais qui raisonnait avec force, vibrante et captivante. Étrangement, selon Moria cet homme avait pour surnom Le Silencieux. Une tragédie si l'on prenait en compte le timbre unique de ses intonations.

 - Je survivrais, éluda Roy. Vous voyez dans le noir ? demanda-t-il ensuite.

 - Je suis un homme-poisson de type poisson-lézard, expliqua doucement la voix mélodieuse. La vision nocturne fait partie de mes attributs.

Trouvant enfin le paquet d'allumettes, Roy en alluma une immédiatement. Ce fut ainsi qu'il posa pour la première fois les yeux sur un homme-poisson, à la lueur d'une petite flamme, dans une cellule au sein d'une prison en proie au chaos. Il marqua un temps d'arrêt, écarquillant les yeux à la vue de cet étrange faciès avant de reprendre rapidement ses esprits, poussé par l'urgence.

 - Désolé. Vous savez vous défendre ? demanda-t-il.

 - Oui. Il ne reste pas plus de 30 secondes avant que les assassins n'atteignent cette cellule, leur apprit soudain le détenu.

 - Oublie les clés, décida immédiatement Roy à l'intention de Moria, je vais utiliser mon pistolet. Tiens ça, ajouta-t-il en tendant la boîte d'allumettes au navigateur.

Décrochant son arme à feu, il alla chercher l'un des cadenas entravant l'homme-poisson et le fit sauter d'une balle bien placée. Il entreprit ensuite de recharger son arme, mais avec son bras gauche en piteux état ceci se révéla rapidement être une laborieuse et longue, bien trop longue entreprise.

 - Dépêches-toi ! l'encouragea le blondinet, tandis qu'il glissait péniblement la balle dans le canon.

Un groupe de marines devait s'être imprudemment rendu dans le couloir à entendre la série de coups de feu tirés derrière eux. Cela leur donnait plus de temps, mais ajoutait au chaos ambiant, surenchéri par les beuglements des prisonniers dans leur cellule.

 - J'essaie, répondit le pirate en visant le prochain cadenas.

Le coup de feu retentit et libéra un peu plus l'homme-poisson de ses chaînes. Roy recommença tout le processus, allant chercher la poudre pour remplir le canon. Son sang se mêlait à la substance explosive, créant de petits agglomérats poisseux qui lui compliquait la tâche.

 - Plus vite ! s'écria Moria, commençant lui aussi à céder à la panique.

Des hurlements terrifiés et des cris de douleur faisaient écho dans leur dos. Roy fit glisser une balle dans le canon de son arme, avant de s'apprêter à viser le cadenas. Ce fut ce moment précis que la dernière allumette choisit pour s'éteindre.

 - Ils sont là, énonça ensuite calmement la voix désincarnée d'Habu Jackson.

Derrière eux, il n'y avait plus de bruit. Roy pouvait presque sentir les dagues des assassins qui lui fonçaient dessus par-derrière. Le dos parcouru de frissons, il tâtonna une dernière fois à la recherche d'un cadenas, se servant de l'image persistante qui s'était gravée dans sa rétine à la lumière de l'allumette. Quand il eut trouvé, il pointa le canon dessus et tira sans attendre.

La lumière provoquée par le coup de feu lui permit d'entrevoir l'imposante carcasse de l'homme-poisson jaillir hors de ses chaînes et foncer à l'assaut des usuriers tandis qu'il repoussait le pirate sur le côté.


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Assis, le dos reposant contre le mur de la cellule, Roy pensait sa blessure au moyen de son débardeur qu'il avait déchiré. Il faisait un noir d'encre, il n'y voyait goutte. En face de lui dans les ténèbres, il entendait les échos d'un combat féroce. Des bruits métalliques, de craquements d'os, ainsi queles hurlements des usuriers agressaient le pirate de tous les côtés. À intervalles réguliers il entendait également des sons aqueux, comme si du sang ou de l'eau giclait sur les murs. Il n'y voyait goutte, mais de ce qu'il entendait il n'y avait pas vraiment de doutes quant à l'issue de ce combat : les assassins se faisaient massacrer. De toute manière, dans cette obscurité totale Roy ne pouvait pas faire grand-chose si ce n'était soigner sa blessure. Autant profiter de ce répit pour pallier au plus urgent.

 - C'est fini, annonça finalement la voix de l'homme-poisson, un silence de mort régnant dans la cellule.

L'oreille tendue, Roy ne décelait pas le moindre trouble dans la voix d'Habu Jackson. La rixe avait été extrêmement violente, bien que rapide et il n'était même pas essoufflé. Ce type était puissant.

 - Moria ? Toujours là ? demanda Roy dans le noir.

 - Ouais, répondit le navigateur. Habu, enchaîna-t-il immédiatement, tu peux nous guider jusqu'à ce qu'on trouve de la lumière ?

 - Suivez-moi, accepta l'homme-poisson après quelques secondes de silence.

Manifestement, le joli cœur avait dû lui faire un topo de la situation durant le combat de Roy avec l'assassin. C'était tant mieux, le jeune n'était pas particulièrement fan des conversations à rallonge. 

Se guidant à tâtons, il se releva et attrapa le navigateur par la manche de sa tunique. Lui-même devait s'être agrippé au mastodonte. Progressant en file indienne, ils marchèrent quelques minutes en se reposant sur le Silencieux, au milieu des cris et de l'agitation. Les marines combattaient une émeute, judicieusement déclenchée par les deux hommes.

Quand ils eurent retrouvé une zone éclairée, le pirate reprit la tête de la marche, dirigeant la petite troupe vers le trou creusé par les usuriers défunts. 

 - Pourquoi étiezvous entravés à ce point ? demanda-t-il alors qu'ils arpentaient une fois de plus les couloirs du bloc A.

 - C'est la procédure avec les hommes-poissons, répondit simplement Habu Jackson.

Roy commençait à entrevoir d'où lui venait son surnom. Il ne parlait pas beaucoup et quand il le faisait, il en disait le strict minimum.

 - Ils sont dix fois plus fort que les humains normaux, vint compléter Moria. Un garde lambda ne peut pas en maîtriser un qui part en vrille alors plutôt que de les shooter quand ils s'excitent, ils préfèrent les restreindre, prévenir le problème avant qu'il n'arrive.

Aux sons qu'ils entendaient plus loin devant eux, c'était là que se déroulait le gros du foutoir. Roy raffermit sa prise sur son sabre et se retourna un instant, vérifiant que ses deux compagnons étaient prêts. Il leur aurait bien dit d'éviter de tuer, mais dans son état il n'avait plus le luxe de s’embarrasser de principes.

Ils s’abattirent sur la mêlée à la manière d'un rouleau-compresseur. Le pirate découpait tous ceux qui se mettaient en travers de leur chemin, sans faire de distinction entre marines ou détenus. Derrière lui, Habu et son deux mètre dix de muscles amphibiens arrivaient en renfort, écartant d'une chiquenaude ou d'une frappe experte les ennemis les plus téméraires. Moria quant à lui tirait sur tous ceux faisant mine de l'arrêter, distribuant les coups de crosses quand ils s'approcher trop de lui.

Cette dernière ligne droite fut des plus éprouvantes pour Roy. Le teint rendu pâle par la perte de sang, il était parcouru de frissons et aurait vendu son âme pour un verre d'eau. Au détour du couloir final il manqua de trébucher en pénétrant dans la salle de garde. Moria le soutint quelques secondes, le temps qu'il cligne plusieurs fois des yeux, reprenne contenance et lui fasse signe que tout allait bien.

 - Qu'est-ce qui t'a pris d'arracher la flèche comme ça aussi ? demanda le navigateur. Regarde ça, tu as massacré ta blessure.

 - J'avais besoin d'une arme, éluda le pirate. On y est.

Il révéla le trou menant aux égouts aux deux détenus. L'un derrière l'autre, sans perdre de temps, ils disparurent dans le tunnel secret.


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- On a besoin d'un abri Habu, tu peux nous aider non ? demanda Moria.

 - Le gang n'aime pas les humains, refusa pour la énième fois l'homme-poisson.

Ils avaient accompli leur évasion depuis une bonne heure déjà. En retrait, Roy observait le joli cœur tandis qu'il tentait de convaincre son ami de cellule de les conduire à la base secrète du Gang des hommes poissons. Évidemment, bien qu'il soit reconnaissant que les deux hommes lui aient sauvé la vie, Habu ne l'entendait pas de cette oreille. Plus pour leur sécurité que parce qu'il craignait de courroucer ses supérieurs nota le pirate, agréablement surpris par la bonne âme de l'amphibien.

 - Regarde-le, continua Moria en désignant son sauveur du doigt, changeant de tactique, il est à l'article de la mort et il t'a sauvé. Tu vas pas le laisser tomber, si ?

Roy n'était pas dans un aussi sale état qu'aurait voulu le faire croire son futur membre d'équipage. Mais pour le bien de sa combine, il accepta de jouer le jeu. Le dos voûté et la mine basse, il lâcha deux ou trois gémissements de douleur en fixant Habu Jackson, la main ostensiblement pressée contre son bandage.

 - Très bien, céda finalement le Silencieux. Je vous aurais prévenu.

Il n'était certes pas à l'article de la mort, mais fatigué et blessé comme il l'était, le pirate n'avait pas cœur à demander des explications à Moria ou à l'homme-poisson. Il ne savait toujours pas pourquoi ce dernier s'était retrouvé en prison ou pourquoi la guilde cherchait à l'assassiner. Quant au blondinet, il avait risqué beaucoup pour faire s'évader un détenu qu'il ne connaissait pas quelques jours auparavant. Il y avait beaucoup de questions sans réponses mais elles attendraient. Roy avait besoin de soins, de repos et d'un abri sûr. Il cuisinerait ses nouveaux compagnons plus tard.

Ils continuèrent de marcher dans les égouts pendant un certain temps avant de finalement remonter à l'air libre. Profitant des dernières minutes d'obscurité, ils se dépêchèrent et suivirent Habu jusqu'à une rivière qui passait au milieu de la ville avant d'aller se jeter en pleine mer. Alors que le soleil se levait, ils plongèrent dans l'eau cristalline. Immédiatement, l'homme-poisson empoigna ses deux comparse, et se propulsa sous l'eau à grande vitesse. L'esprit embrumé par sa blessure, Roy ne prêta pas du tout attention au chemin sous-marin, tâchant de se concentrer sur sa respiration. Au bout d'une minute sous l'eau, il commençait déjà à lutter contre ses poumons réclamant de l'air. Bien qu'il se targue d'être un pirate, il avait passé la majorité de son enfance dans un désert. Il lui restait encore bien à apprendre et à maîtriser avant de devenir un vrai marin.

Au moins j'ai l'assurance de ne pas pouvoir prendre le chemin du retour sans un homme-poisson pour me babysitter. Magnifique.

Finalement, après environ une minute et quinze secondes de traversée sous-marine, le Silencieux jaillit hors de l'eau et atterrit sur de la terre ferme. Les deux hommes jusque-là coincés sous ses bras, il les relâcha et attendit qu'ils reprennent leur souffle. Toussant et crachant de l'eau, Roy essuya ses yeux avant de jeter un coup d’œil aux alentours.

Il marqua un temps d'arrêt, avant de se reprendre très rapidement, ne voulant pas montrer de signes de faiblesse aux innombrables hommes-poissons qui scrutaient les trois arrivants.



Patientant au chevet de son secrétaire dans le grand manoir que possédait la guilde à l'écart de Las Camp, Shifumi se rongeait un ongle en attendant les nouvelles. Jules avait été amené ici au cours de la nuit, installé sur un fauteuil et traité pour évacuer l'opium de son organisme. Il se reposait à présent, récupérant de ses blessures dans un sommeil profond.

Une équipe avait déjà été envoyée dans la Boutique de Shifumi, entamant un tri méthodique de l'entrepôt, séparant ce qui pouvait être sauvé du reste. Les dégâts provoqués allaient coûter beaucoup d'argent. Les réparations étaient déjà en marche mais il ne fallait pas se leurrer. Sa boutique ne rouvrirait pas ses portes de sitôt.

Le messager tant attendu arriva enfin aux portes de la salle. Les yeux anxieux, la jeune femme lui fit frénétiquement signe d'entrer dans la pièce.

 - Alors ? demanda abruptement la mafieuse.

 - Heu..., commença l'usurier d'une voix hésitante, y'a eu un problème..., avoua-t-il.

Aussitôt, Shifumi plantait son couteau dans le crâne de Jules avant de soulever son corps parcouru de spasmes et de le balancer à travers la pièce. Inutile d'en entendre davantage pour comprendre que la mission avait foiré. La prison était en état d'alerte alors que l'assassinat aurait dû s’effectuer dans la discrétion la plus totale et les quatre hommes ne s'étaient pas rendus au point de rendez-vous prévu. Des rumeurs également faisaient état de quelques prisonniers étant parvenus à s'évader. Non seulement Habu Jackson était encore en vie, mais en plus selon toutes vraisemblances il se baladait maintenant à l'air libre.

Dans sa rage, le chef de la guilde renversa une armoire et brisa une table, projetant des papiers et des éclats de cendriers à travers toute la pièce. C'était la faute de ce pirate, il était sorti de nulle part et avait tout fait foirer.

 - J'veux que tous nos hommes connaissent la tronche de ce Roy D. Aston ! rugit-elle. Trouvez-moi cet enfoiré ! Et branle-bas d'combat pour l'arrivée d'ces putains d'poiscailles !
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