Aqua Alta

Et à nouveau, dans une confortable cabine d’un croiseur de haut vol de la Translinéenne...

-Salut à tous! Comment vous allez?
-Euh... je suis seule.
-Ah? Et les autres?
-Beeen… non. Mais je peux les faire venir, oui. Est-ce que ça servirait à quelque chose?
-Je voulais faire coucou... oh. Une autre fois, pad'souci. Ça va bien, vous?
-Ça va.
-...

Dogaku resta un instant à sourire, seul devant son plateau. Face à lui, on retrouvait les incontournables de ses casses croûtes fétiches ; plusieurs filets de poissons, gravlax et haddock, quelques pommes toujours entières et le double de pains céréaliers. Avec ça, le bureau de sa cabine tenait plus du lieu de restauration que de travail (et si on y rajoutait les grilles de mots croisés, les carnets griffonnés de dessins et de brouillons de chansons, les revues humoristiques ainsi que la ribambelle de livres-jeux qu’il empilait sans vergogne, ca n’avait ABSOLUMENT PLUS RIEN à voir avec un lieu de travail). Ce qui ne l'empêchait visiblement de s'entretenir, par Denden, avec sa lieutenante attirée sur le port de Reverse. Il était presque sûr qu'elle ne remarquait rien, se redit-il en croquant lentement dans un fruit. Presque, parce que de toutes façons, Lucie Terranova avait bien assez d'excentricités déroutantes pour ne pas pouvoir lui reprocher cet écart sans passer pour une grande hypocrite.


-Oh, pardon, j'ai pas été clair. J'pose vraiment la question, c'est pas par politesse. Vous êtes bien, sur Reverse? Loin de Luvneel? Avec le passage, c'est pas dangereux? Vous vous faîtes à tout? Pas trop d'ennui ni rien? Pas trop chargée non plus? Y'a des machins qu'on pourrait faire pour que ça se passe mieux? Aménager, organiser, je ne sais quoi d'autre?
-Jeeee... trouve que ça manque de vert, ici.

Bizarre. Excentricités. Et sens de l’à-propos complètement impossible. Sigurd lui parlait de son confort, à elle et à ses sbires, et elle lui répondait…

-Reverse, ce n'est que de la rocaille.  Des pilotis, de la mer, beaucoup de bleu, surtout le ciel, mais pas une once de vert. Et je trouve ça dommage. Du vert, ça serait bien.
-Euuh... vous proposez qu'on pop des parcs? De la végétation?
-Plutôt qu'on peigne la colline en vert. Ça serait plus rigolo.
-Euh... hein?

Il resta un instant hésitant sans rien dire, à mâchonner doucement une tranche de poisson. C'était juste stupide, et... elle était très sérieuse. Ou pince sans rire, il n'était jamais sûr.

-Je pense que la ville gagnerait à se parer de couleurs, au moins pour la façade de ses bâtiments. Pour le moment, c'est trop terne. On sent que les gens de la place sont essentiellement des marchands et des portuaires qui ne viennent que pour l'appât du gain, et qui repartent systématiquement dès que leurs économies ont atteint le niveau désiré. Personne n'envisage de rester à long terme dans la ville.
-J'en ai vu quelques-uns qui le voulaient.
-Une poignée. Très loin de la force vive.
-Mmh. C'étaient des retraités, ouais. J'imagine que les commerçants locaux restent quand même plus longtemps?
-Je ne tiens pas les stats. Mais bon... vous n'avez qu'à vous prendre. Vous restez sur Luvneel plutôt que Zaun parce c'est un très beau pays. Et Reverse manque de ça.
-Bah Reverse c'est plus une base avancée de marchands qu'une cité état commerçante... ce qu'ils voudraient devenir, réalisa Sigurd. Ouais je vois. Je me note ça dans un coin, je vois ce que j'peux faire. Autre chose?
-La guilde est installée. On est un peu à l'étroit... et dans ce sens, je dirais qu'un étage de plus dans le bâtiment ce serait vraiment pas de refus...
-Vous pouvez y aller franco hein, j'ai besoin d'infos claires pour savoir ce qui va pas. Vous avez l'impression d'être surchargés dans une fourmilière avec quasi pas d'espace libre et vous sentez que dès que y'aura genre un an de paperasse à stocker, ça va être fatal?
-C'est un peu dans ce genre là, oui.
-Booon. Ben promis, dès qu'on a de l'argent, j'investis sur un truc confortable sur Reverse. Faîtes-moi une liste grosse comme ça et... j'me disais que ça pourrait être ultra sympa d'avoir un coin détente où on sert le petit dej' à tout le monde le matin, z'en dîtes quoi? Croissants, jus de fruits, de bons fruits, de bons pains... de la barbaque, du poisson, des oeufs... et pourquoi pas des machins exotiques pour les cultures de... euh...
-"Dès qu'on a de l'argent", hein?
-Proba' beaucoup d'argent, ouais. Il en faut toujours plus, pour faire des trucs marrants.
-Et vous voulez faire ça?
-Ca me semble plus raisonnable que de peindre Reverse en vert pour égayer le coin.
-Mon idée serait bien, se défendit Lucie. Ca ferait beaucoup parler. Votre plan à vous est... juste... banal et ennuyeux. Sans la moindre envergure.
-C'est sympa pour tout le monde, et ça motive les troupes. Ca aide à faire du lien, ça donne envie de venir... on faisait ça dans l'armée, moi je trouvais ça chouette. 'Fin on vivait tous sur le même navire, donc forcément... mais typiquement j'préférais allouer plus de cash aux fourneaux qu'aux artilleurs, et tout le monde en était très content. Même Haylor, elle a accepté de déroger au -mille fois béni et respecté soit-il- SACRO-SAINT REGLEMENT parce que c'était du bon. Et ça, ça veut tout dire, parce que le premier truc qui filait pas droit –et en général, il s’appelait Sigurd- elle lui défonçait son moral à grands coups de buster call.
-Si vous le dîtes...

Il parlait plus de lui plus que d'autre chose, elle en était certaine. Sigurd était un ventre. Il lui suffisait d'un bon repas pour être de bonne humeur. Elle, elle avait d'autres goûts. L'esthétisme, le visuel, l'harmonie des sonorités. Ca n'était pas pour rien, qu'elle était musicienne. Ainsi que collectionneuse. Ainsi que révolutionnaire. Ainsi que Cipher Pol.

...

C'était très compliqué, en fin de compte. Mais Lucie observait beaucoup de choses. Se fondait un avis personnel, agissait en fonction de tous ces camps... d'où son grand détachement et son flegme incroyable, et bien même déroutant. Elle mariait ses fonctions, et ses loisirs, et ses repères, et sa vie en parfaite harmonie… même si l’édifice était suffisamment étriqué pour que personne ne puisse rien y comprendre.

Mais de là où elle était, elle devait reconnaître à Sigurd qu’il avait une qualité, au moins. Il écoutait les autres, les laissait s'exprimer, et prenait leur avis en compte. Il était un ventre, mais il aimait faire plaisir aux oreilles des autres. Autrement qu'en rotant. Il était cupide au point d'en devenir parfois répugnant, mais aussi loin d'être avare, et se faisait un devoir de rétribuer dignement la qualité maintenant qu'il avait les moyens. Ce qui signifiait qu'elle arriverait certainement à lui faire accepter plein de choses.

Peut être même que les flancs de Reverse peints en vert... en insistant un peu...

-Bref. Donc vous me dîtes que ça va, vous? Vraiment pas de souci? Dépaysement, mal du pays, sentiment de solitude, désespoir à l'idée d'être coincée sur la mini-Reverse pour...
-Vous voulez me déprimer?
-Au moins je saurais tout.
-Je vais vraiment très bien. Arrêtez de... mmmh. Et au fait, vous, ça va?
-Moi? Je m'éclate comme un môme.
-Ah? Parce qu'en me mettant dans votre petit jeu... vous préférez largement la terre ferme, non? Vous vous êtes installé. La vie en mer, vous en avez assez. Et vous voilà en train d'enchaîner l'équateur à un rythme intenable.
-Meuh nan. On voyage. C'est limite des vacances.
-Des vacances où vous ne restez que trois jours à terre pour en passer le double en mer. Ca doit être lassant.
-Baaah... je sais bien m'occuper, indiqua-t-il en attrapant un de ses livres-jeux. Et puis j'suis méga bien entouré. Et puis, avec toutes ces histoires de Translinéenne et d’Armada, honnêtement... j'ai l'impression de jouer au Monopoly grandeur nature, c'est géant, mwarharharh. Enfin, sur l'équateur ça s'appellerait plus Monopoline, mais c'est dans l'idée. J'ai déjà trois hôtels sur North Blue, deux gares portuaires sur North et Reverse, bientôt on va poser d'autres maisons sur Reverse et maintenant que les pirates font mumuse sur la quatrième voie, le moment est parfaitement indiqué pour acheter du terrain! Le dé à coudre est en train de se refaire plaisir.
-Dé à coudre?
-Oh. C'est le pion que je prenais dans le jeu. J'avais fait un duel d'enchères assez débilissime contre le fer à repasser et...
-Je… vois...
-Bref. Le plus rigolo dans l'histoire étant que j'ai toujours préféré les jeux de batailles militaires. Plus intriguant que de l'immobilier. Ca peut être le bordel, il faut prévoir plein de trucs, il faut tout adapter, faut choisir des options pas trop pourrave aussi vite que possible parce que le vrai truc mauvais c'est de perdre du temps... j'ai pas choisi l'armée pour rien, quoi. Mais HSBC, ça me fait dans le même genre. On fait de beau machins, on gère de gros machins. Ca m'plait énormément.
-En parlant de gros machins... vous avez entendu la nouvelle, pour les navires vapeurs?
-Le bateau transli' volé? Ouais, on était sous Skypea quand c'est arrivé. Pas un très beau scénar'. Ils vous ont parlé de ça?
-Ils sont tout de suite venus, oui. Plutôt pour IKEA, mais... nous étions dans le coup.
-Et ils ont demandé quoi?
-Quand les nouveaux navires seraient disponibles. Ils n'en ont plus que deux.
-Beeen... c'est les navires poids lourd, ça. Des machins capables de transporter quatre cent personnes, s'rien à voir avec les petits trucs des autres voies. Et les autres ont dit quoi?
-Qu'ils ne seront pas prêts avant au moins deux mois. En mettant le gros paquet.
-Mmmh. Forcément...
-Les Transli' se sont rendu compte que ça ne serait pas facile, du coup. Et ils veulent vous parler.
-Ah? Moi?
-C'est vous le responsable. Vous êtes en charge du truc.
-Mmmh. Et pourquoi ils ne m'ont pas appelé?
-Ils veulent vous rencontrer, en faît. C'est Marc Trans en personne.
-Ooouuuuh. Chouette. J'me demandais comment ça se faisait qu'il me calculait pas, jusque là. Donc du coup... euh... s'plutôt con et débile, il aurait mieux fait de vouloir me rencontrer quand j'étais sur Reverse, là on est un peu très très loin.
-Il vient à votre rencontre. Ce sera sur Water Seven.
-Oh.
-Il ira négocier de nouveaux navires à vapeur dans la foulée. Auprès des chantiers navals du coin.
-Oh bis. Evidemment. Faire jouer la concurrence. Choueeeeette. J'me disais, c'était un brin trop facile. Haha. Mwarharharh. 'Spèce de rat. Bon ok, c'est noté. Autre chose?
-Plus maintenant.
-'Kay. Merci pour les infos. Je vais voir... c'que j'peux faire.


Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Dim 26 Fév 2017 - 18:43, édité 3 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t9650-sig-peluche
  • https://www.onepiece-requiem.net/t9504-sig

-La photo de la fiche d’île est sympa et tout mais… pourquoi est-ce que je suis pas du tout surpris que le temps soit vachement moins chouette en vrai que dans le guide touristique ? On croirait une tempête en pleine mer.
-Peut-être parce que c’est une tempête en pleine mer, lui glissa Enrique.
-Ouais mais nan mais je sais, c’est juste que… pfff.

Ils y étaient enfin. Water Seven, métropole océanique. Une cité plus petite que chez eux, nota Sigurd avec satisfaction et mesquinerie. Mais d’un autre côté, c’était presque rassurant : il ne voulait pas avoir à faire avaler à son cerveau l’existence de l’équivalent « bouée flottante » de la cité de Norland sur Grandline. Non, il n’aurait pas aimé. Même avec son chauvinisme caractéristique, Dogaku restait admiratif devant le monument à la gloire de l’ingéniosité humaine qui se tenait devant lui. Tout le monde lui avait parlé de la qualité des services rendus par les sept chantiers navals de l’île, des miracles que pouvaient être les bateaux sortant de ces ateliers, et de ses artisans aux talents inégalés dans le monde. Mais plutôt que de leur rétorquer que le chantier de Norland s’était pour sa part spécialisé dans tout ce qui était impossible à créer, Sigurd préférait rediriger leur attention vers le spectaculaire système de flottaison de la ville qui l’intriguait vraiment. Une cité flottante. Un prodige qui forçait son admiration. Tout le monde lui parlait du pourquoi de ce système, sans pouvoir l’expliquer, et sans s’attarder dessus. C’était comme ça, et c’était tout. Mais personne n’avait pu faire davantage qu’écouter ses hypothèses sur le comment de la chose. Ce ne serait que sur place qu’il en apprendrait plus.

De là où il était, sur le pont du navire translinéenne, il essayait déjà de distinguer le dessous de la ville, et ce qui pouvait permettre sa flottaison. Mais il ne voyait rien. L’ensemble était complètement immergé, et la surface de l’océan lui interdisait d’observer en deçà du niveau de la mer. Le temps particulièrement orageux n’aidait en rien à y voir quoi que ce soit. Il pouvait, par contre, discerner les énormes chaînes –peut être une trentaine- qui partaient du socle de la cité et s’enfonçaient dans la mer. Et l’empêchaient de chavirer, sûrement.

Et l’autre chose qui le fascinait tellement. L’énorme cascade d’eau qui surplombait la ville. Le noyau et la source des canaux qui étaient tous visible depuis les cartes postales, depuis le ciel, sur n’importe quel plan de la ville, et jusque dans ses rues. Evangeline lui avait parlé de la Water Seven comme étant une Venise dotée d’une énorme fontaine en son centre, et… l’amalgame était très pertinent. Les canaux avaient un charme fou, ils s’étaient déjà promis de prendre le temps de les visiter. Ils ne tarderaient pas. Mais pour l’heure, ils devaient débarquer.

Et contrairement à ce qu’on aurait pu croire, il ne s’agissait pas juste d’une simple formalité.

-Et c'est normal ces trucs?
-Pas du tout, non. Les voyageurs ne font habituellement pas l'objet du moindre contrôle... et pour cause, moins on en sait, mieux on se porte...
-Et les passagers VIP de la translinéenne ont droit à un traitement de faveur ou… ?
-Je… n’en sais rien.

Des douanes. Ou plutôt, des gardes-frontières. Des checkpoints avaient été installés à tous les quais de l’île artificielle, y compris sur les installations réservées de la guilde de Reverse. Et visiblement, les passagers faisaient l’objet de fouilles assez poussées. Ca, c’était ce que Sigurd et Enrique, le maître d’hôtelier de leur croiseur translinéenne, pouvaient constater depuis le pont du navire, en regardant vers la cité au travers d’une lunette. Ils avaient été informés de cette nouveauté par le capitaine du navire, qui lui-même tenait l’information des gardes côtes de la ville.

Enrique Jimenez
Officer de bord de la Translinéenne – Ligne de luxe


-Jamais vu ça, je ne sais pas vraiment de quoi il s’agit. Il y a sûrement une raison particulière, mais… nous ne savons pas encore.
-Bon. C’est pas comme si on va avoir des problèmes, de toute manière. On est pas des pirates ou des révos ou des gens qui ont des trucs à se reprocher, donc… rassurez-moi, on a pas de pirate ou de révo à bord, hein?
-Euh... comme je vous l'ai dit... moins on en sait, mieux on se... porte?
-Aaaaaw. Pourquoi est-ce que je sens que...
  • https://www.onepiece-requiem.net/t9650-sig-peluche
  • https://www.onepiece-requiem.net/t9504-sig