Qu'est-ce qu'ils ont tous à faire la gueule à bord ? Me dis pas que ces raclures ont des considérations morales, j'aurais du mal à le croire. C'est sûrement à cause de la cargaison qu'ils allongent tous des gueules de déterrés. Je vois. Alors comme ça, on pense qu'un croiseur de la marine devrait pas servir à transporter des esclaves ? Bah désolé mes cons, mais si.
Y sont pourtant au parfum que l'esclavage est autorisé par le G.M dans certaines zones spécifiques. Et malgré ça, ces messieurs répugnent à l'idée de faire leur travail...
Récurer des chiottes à la brosse à dent ? Oui sergent !
Buter mon prochain ? Oui sergent !
Tolérer qu'un homme puisse être esclave ? Vous exagérez sergent !
Une belle brochette d'hypocrites. Du gouvernement mondial, on prend tout ou rien. Y devraient d'ailleurs se réjouir tous ces cons en uniforme, parce que si le G.M avait pas des garnisons éparpillées un peu partout, faudrait multiplier le nombre d'esclaves par cent au bas mot, et je parle même pas des conditions de captivité.
Mais va leur dire ça à ces têtes de pioche, ils s'en iront chouiner "oui mais l'esclavage c'est pas bien". Si ces types avaient la moindre idée des trucs "pas bien" que je fais pour garnir les caisses du G.M et, in fine, payer la solde qui leur permet de vivre, ça risquerait de leur poser quelques cas de conscience.
Et parlons même pas des joyeusetés du CP9, là, je crois qu'y z'en perdraient le sommeil ces cons.
Enfin bref, tout ça pour dire qu'à bord, c'est pas très causant. Une traversée de deux jours sans tailler le bout de gras, moi ça me va pas. J'ai beau être sinistre dans l'âme, dans le fond, j'ai su rester convivial. Merde, je suis un être sociable, on peut pas refuser de me faire la causette juste parce que je fais mon boulot !
Eh oui, mon boulot. Le CP2 contrôle le trafic d'esclaves licite, on se charge de la logistique et des modalités de transaction des pauvres bougres enchaînés. Là, le transit de marchandises jusqu'à l'île aux esclaves, c'est tombé sur ma pogne, fallait bien que ça me tombe dessus un jour ou l'autre. C'est pas que ça m'emmerde, c'est plutôt reposant même vu que j'ai juste à superviser, m'enfin c'est juste du transport. Je persiste à croire que mes talents pourraient être employés à meilleur escient.
Pour la saison, fait plutôt frais. Une couche de gras comme la mienne, ça permet de palier à tous les vents givrés qui viennent m'égratigner le cuir, en tout cas, je devine qu'y fait suffisamment frisquet pour que tous les matelots se frictionnent les bras sans arrêt. En manches courtes et sans manteau, ça leur fait une raison de plus d'être de mauvaise humeur. Y'a un troufion qui me passe sous le nez, j'essaie un peu de lui faire un brin de conversation, faut que je parle avec quelqu'un !
- Fais pas chaud hein ?
Oh le fumier, y me jette un sale regard et y continue sa route sans même s'arrêter. Mais où c'est qu'ils ont été éduqués ces gens là ? Quand j'étais à l'élite, dès qu'on avait un type venu d'un corps étranger qui nous accompagnait pour une mission, on s'empressait de lui payer un coup à boire. Ça ressert les liens, et pis ça fait des relations. Je me suis tissé tout un réseau de gradés dans mon répertoire à grand coup d'alcool de prune.
Putain, on savait vivre en ce temps là. Pas comme ces pisse-froid de la 388eme que je me coltine là. Refuser de parler à un lointain collègue, juste pour une histoire d'esclavage... Où va le monde ? On se dirige droit dans le mur avec une génération d'asociaux qui boivent même pas pendant le service.
Moi, je déroge pas à mes vieux préceptes, j'ai su rester fidèle à moi même, café-cognac pour bien me mettre du baume au cœur. Pas étonnant que j'ai pas froid en fait. On dira ce qu'on veut, c'est quand même triste de boire un coup en solitaire. Un type qui picole en société, c'est un bon vivant, un gars qui sirote tout seul, c'est un alcoolique.
Bon après, je bois pas tant que ça non plus, dans ma ligne de travail, vaut mieux être en pleine possession de ses moyens à chaque heure du jour et de la nuit. Alors les occasions de boire sont rares maintenant, raison de plus pour avoir quelqu'un avec qui discuter.
Ce besoin pressant d'avoir quelqu'un avec qui causer n'empêche, c'est vraiment une manie de gonzesse quand on y pense. On dira que c'est mon côté féminin qui resurgit. Ouais, il était bien caché, sous un bourrelet ou je sais pas trop où, mais y vient m'oppresser quand je me sens seul. La solitude du baroudeur, quelle plaie. Bon, c'est une plaie qui se désinfecte bien avec le café-cognac, mais quand même.
Eh pis merde ! Ils veulent pas me parler, je m'en fous, je vais en forcer un. Cipher Pol, superviseur de la mission de transit maritime des marchandises, c'est moi le chef ici bordel. Tant pis si c'est pour débuter une engueulade, me faut de l'interaction sociale.
- Dites-voir vous ! Qu'est-c'qu'vous avez tous à m'ignorer comme ça ?
Que je l'alpague l'autre tout surpris. Un gradé en mousse, même pas lieutenant, y sait pas trop où se mettre.
- Enfin monsieur je....
- Pas d'monsieur ! Agent Oletto ! Agent d'deuxième catégorie du CP2 ! Tout l'monde à bord l'sait. J'vois qu'on s'la coule douce à bord ! C'est pas parc'que c'est juste une mission d'transport qu'y faut glander ! V'nez en cabine que j'vous montre les putains d'dangers qui nous guettent sur l'itinéraire !
Je préfère en cabine parce qu'en fait je commence un peu à cailler aussi avec mon marcel comme seule pelure d'hiver. Et pis y devrait y avoir à manger je pense. En fait, j'en ai pas la moindre foutue idée des dangers qui nous guettent en mer, c'est même foutrement paisible jusque là, mais bon, si ça peut le faire chier et me permettre de l'ouvrir à moindre frais, j'improviserai.
- Oubliez pas que j'suis vot' supérieur le temps d'cette mission ! Le moindre écart et vous allez en chier quand j'ferai mon rapport. Allez ! On s'presse ! En cabine toute sergent !
- Je suis Vice-lieutenant en fait et....
- C'tait pour voir si vous suiviez ! J'espère qu'vous s'rez aussi attentif quand j'vous expliquerai ce qu'y risque d'nous tomber d'ssus en ch'min.
J'espère surtout que je trouverai de quoi le baratiner pour justifier le fait que je le réquisitionne juste pour passer ma solitude en lui pourrissant la vie. Ça m'occupera.
Y sont pourtant au parfum que l'esclavage est autorisé par le G.M dans certaines zones spécifiques. Et malgré ça, ces messieurs répugnent à l'idée de faire leur travail...
Récurer des chiottes à la brosse à dent ? Oui sergent !
Buter mon prochain ? Oui sergent !
Tolérer qu'un homme puisse être esclave ? Vous exagérez sergent !
Une belle brochette d'hypocrites. Du gouvernement mondial, on prend tout ou rien. Y devraient d'ailleurs se réjouir tous ces cons en uniforme, parce que si le G.M avait pas des garnisons éparpillées un peu partout, faudrait multiplier le nombre d'esclaves par cent au bas mot, et je parle même pas des conditions de captivité.
Mais va leur dire ça à ces têtes de pioche, ils s'en iront chouiner "oui mais l'esclavage c'est pas bien". Si ces types avaient la moindre idée des trucs "pas bien" que je fais pour garnir les caisses du G.M et, in fine, payer la solde qui leur permet de vivre, ça risquerait de leur poser quelques cas de conscience.
Et parlons même pas des joyeusetés du CP9, là, je crois qu'y z'en perdraient le sommeil ces cons.
Enfin bref, tout ça pour dire qu'à bord, c'est pas très causant. Une traversée de deux jours sans tailler le bout de gras, moi ça me va pas. J'ai beau être sinistre dans l'âme, dans le fond, j'ai su rester convivial. Merde, je suis un être sociable, on peut pas refuser de me faire la causette juste parce que je fais mon boulot !
Eh oui, mon boulot. Le CP2 contrôle le trafic d'esclaves licite, on se charge de la logistique et des modalités de transaction des pauvres bougres enchaînés. Là, le transit de marchandises jusqu'à l'île aux esclaves, c'est tombé sur ma pogne, fallait bien que ça me tombe dessus un jour ou l'autre. C'est pas que ça m'emmerde, c'est plutôt reposant même vu que j'ai juste à superviser, m'enfin c'est juste du transport. Je persiste à croire que mes talents pourraient être employés à meilleur escient.
Pour la saison, fait plutôt frais. Une couche de gras comme la mienne, ça permet de palier à tous les vents givrés qui viennent m'égratigner le cuir, en tout cas, je devine qu'y fait suffisamment frisquet pour que tous les matelots se frictionnent les bras sans arrêt. En manches courtes et sans manteau, ça leur fait une raison de plus d'être de mauvaise humeur. Y'a un troufion qui me passe sous le nez, j'essaie un peu de lui faire un brin de conversation, faut que je parle avec quelqu'un !
- Fais pas chaud hein ?
Oh le fumier, y me jette un sale regard et y continue sa route sans même s'arrêter. Mais où c'est qu'ils ont été éduqués ces gens là ? Quand j'étais à l'élite, dès qu'on avait un type venu d'un corps étranger qui nous accompagnait pour une mission, on s'empressait de lui payer un coup à boire. Ça ressert les liens, et pis ça fait des relations. Je me suis tissé tout un réseau de gradés dans mon répertoire à grand coup d'alcool de prune.
Putain, on savait vivre en ce temps là. Pas comme ces pisse-froid de la 388eme que je me coltine là. Refuser de parler à un lointain collègue, juste pour une histoire d'esclavage... Où va le monde ? On se dirige droit dans le mur avec une génération d'asociaux qui boivent même pas pendant le service.
Moi, je déroge pas à mes vieux préceptes, j'ai su rester fidèle à moi même, café-cognac pour bien me mettre du baume au cœur. Pas étonnant que j'ai pas froid en fait. On dira ce qu'on veut, c'est quand même triste de boire un coup en solitaire. Un type qui picole en société, c'est un bon vivant, un gars qui sirote tout seul, c'est un alcoolique.
Bon après, je bois pas tant que ça non plus, dans ma ligne de travail, vaut mieux être en pleine possession de ses moyens à chaque heure du jour et de la nuit. Alors les occasions de boire sont rares maintenant, raison de plus pour avoir quelqu'un avec qui discuter.
Ce besoin pressant d'avoir quelqu'un avec qui causer n'empêche, c'est vraiment une manie de gonzesse quand on y pense. On dira que c'est mon côté féminin qui resurgit. Ouais, il était bien caché, sous un bourrelet ou je sais pas trop où, mais y vient m'oppresser quand je me sens seul. La solitude du baroudeur, quelle plaie. Bon, c'est une plaie qui se désinfecte bien avec le café-cognac, mais quand même.
Eh pis merde ! Ils veulent pas me parler, je m'en fous, je vais en forcer un. Cipher Pol, superviseur de la mission de transit maritime des marchandises, c'est moi le chef ici bordel. Tant pis si c'est pour débuter une engueulade, me faut de l'interaction sociale.
- Dites-voir vous ! Qu'est-c'qu'vous avez tous à m'ignorer comme ça ?
Que je l'alpague l'autre tout surpris. Un gradé en mousse, même pas lieutenant, y sait pas trop où se mettre.
- Enfin monsieur je....
- Pas d'monsieur ! Agent Oletto ! Agent d'deuxième catégorie du CP2 ! Tout l'monde à bord l'sait. J'vois qu'on s'la coule douce à bord ! C'est pas parc'que c'est juste une mission d'transport qu'y faut glander ! V'nez en cabine que j'vous montre les putains d'dangers qui nous guettent sur l'itinéraire !
Je préfère en cabine parce qu'en fait je commence un peu à cailler aussi avec mon marcel comme seule pelure d'hiver. Et pis y devrait y avoir à manger je pense. En fait, j'en ai pas la moindre foutue idée des dangers qui nous guettent en mer, c'est même foutrement paisible jusque là, mais bon, si ça peut le faire chier et me permettre de l'ouvrir à moindre frais, j'improviserai.
- Oubliez pas que j'suis vot' supérieur le temps d'cette mission ! Le moindre écart et vous allez en chier quand j'ferai mon rapport. Allez ! On s'presse ! En cabine toute sergent !
- Je suis Vice-lieutenant en fait et....
- C'tait pour voir si vous suiviez ! J'espère qu'vous s'rez aussi attentif quand j'vous expliquerai ce qu'y risque d'nous tomber d'ssus en ch'min.
J'espère surtout que je trouverai de quoi le baratiner pour justifier le fait que je le réquisitionne juste pour passer ma solitude en lui pourrissant la vie. Ça m'occupera.