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Hat Tension !

Hat Tension ! 1491215890-640-max

- ♫ Tagada tagada tagada tsoin tsoiiiiiiiiin ! Tagadatsointsoin ! ♪

- Eh ! Toi ! Le gros !

Pourquoi on m'alpague toujours en disant "le gros", j'ai des tas d'autres caractéristiques. Il aurait pu dire "le chauve", "le gars avec les yeux bizarre", "toi avec le marcel", "eh ! toi qui dois sûrement avoir une riche personnalité que je ne stigmatiserais pour rien au monde". Non, faut qu'il m'attaque d'emblée sur mon poids. J'ai rien contre, m'enfin faudrait qu'ils renouvellent un peu leur registre, c'est pu vexant à la longue, c'est lassant. Un peu de variété que diable.

- On chante pas "Tagada tsoin tsoin" par ici !

Ah ouais c'est vrai, on m'avait effectivement dit qu'à Fortifio y'avait que les rebuts du reste de l'île. Les gens bien éducationné qui se bastonnent jamais. Moi qui pensais que c'étaient les plus intelligents du coin, je m'étais gouré. Toutes ces putains de loques sont justes de victimes. C'est pas un refuge pour les déviants, c'est un asile de cons. Sont tous suffisants, hautain, y cherchent à avoir l'air raffiné pour se démarquer du péquin lambda de Hat Island. Mais en fin de compte, c'est encore à Fortifio qu'on trouve les pires spécimens de connards de toute l'île.
"Tagada tsoin tsoin" je l'ai entendue en chemin à Exact Town. C'est pas que je l'apprécie cette musique, elle me saoule pas mal en fait, en tout cas elle reste en tête, alors j'exorcise au mieux en la fredonnant. Faut croire que c'est pas un hymne très apprécié à Fortifio. Y'a vraiment une fracture entre ici et le reste de l'île.

M'enfin je suis pas venu pour rédiger une thèse sur la sociologie des pisses-froid au pays des cowboy. Paraît que dans les environs, à part parler fort, faire "pan pan" et se murger à l'absinthe, on aime bien les canassons. Et les courses de canasson donc.
Bon, y z'ont leur folklore, tant mieux pour eux. En temps normal ça m'intéresserait pas, parce qu'excepté la culture culinaire d'une contrée, moi le reste... mais là... on parle quand même de parier sur les courses.
Rien de nouveau sous le soleil. Seulement là... pas de GM pour s'assurer qu'y ait pas trop de manip derrière, et on parle d'un sacré paquet d'oseille par course. Alors forcément, moi, attiré comme une guêpe par l'odeur du sucre, me voilà.

Ça avait l'air simple comme tout mon idée. Je m'enquiers des cotes pour les paris à venir, en estimant quel bourrin a le moins de chance de gagner la course, je paris un max dessus et... je gagne. Comment je gagne ? Disons que... j'avais dans l'idée que les autres chevaux auraient quelques indispositions. C'est que ça a l'estomac fragile ces bestioles là de ce qu'on m'a dit.
Enfin, tout était bien pensé, me restait qu'à infiltrer les écuries et opérer la "magie Oletto".

Seulement y'a eu une couille dans le potage. Y m'ont vu venir ces enfoirés d'organisateurs...
C'est que je commence à être une vedette à jamais cacher pour qui je bosse. D'habitude, ça encourage les relations cordiales. Les pires saloperies crachent pas sur une bonne affaire si le GM les blanchit derrière. Mais là... ça indispose.
Quand on sait qu'y a une course annuelle de bourrins avec des centaines de millions de berries en arrière-fond, bah on était réticent à l'idée de laisser s'approcher quelqu'un qui répondait à mon signalement. Ouais... mon signalement. Un gros quoi.

J'y suis allé hier aux écuries de Bull Town, on m'a recalé direct. Les gars avaient même des photos de moi. Non, là, c'est pas juste ma réputation qui me précède : c'est du sabotage. Et je sais de qui ça vient.
Y'a ce gars aux bureaux du CP 2, Karl. Je l'aime bien hein, c'est pas le souci. Seulement lui, y peut pas m'encadrer. Alors je sais pas si c'est parce que j'ai eu pas mal d'avancement dernièrement ou parce que je me suis servi de ses rapports comme feuilles de papier cul, mais y m'a vraiment pas à la bonne. Bon, je saurais pas dire exactement quand ça a commencé, mais en fait ça fait quelques mois déjà qu'on se rentre dedans aux bureaux. Et là... je pense qu'il a dépassé les bornes.

Y peut avoir accès à mes affectations et mes missions. Tout ce qu'il a à faire ensuite, c'est saboter en envoyant des documents sur moi aux autorités locales qui répondent pas au GM pour m'empêcher de bosser correctement et me pourrir mon plan de carrière. C'est pas très sport ça. Même carrément chiant.

Mais le père Oletto, on la lui met comme ça. Je pourrai pas empoisonner les bourrins ? Qu'à cela ne tienne, je trouverai sûrement un vicieux à Exact Town qui le fera pour quelques berries. Ah merde les berries.... J'ai tout parié sur cette connerie de canasson. C'est même pas un cheval en plus, c'est une mule !
Pas grave... Je trouverai bien quelqu'un à manipuler. Y me reste plus que ça à faire, parce que le fric misé, c'est au gouvernement mondial. Si je récupère pas les cinquante millions qu'on m'a prêté... n'y pensons pas. Agissons en tout cas pour que j'ai pas à y penser ! Ça vaut mieux pour ma gueule.


Dernière édition par Derrick Oletto le Dim 16 Avr 2017 - 13:46, édité 1 fois
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Vêtu du plus parfait uniforme de garçon de ferme, c'est pieds sur le bureau -le grattant de leurs éperons- et chapeau large rabattu sur la face que je te tue le temps dans la petite pièce miteuse qu'on m'a attribué le temps de mon service. Ou plus précisément, tuer le temps jusqu'à l'heure de la paie, car si une telle opportunité ne se serait pas présentée à mon arrivée dans ce patelin, je ne serais pas resté une seconde de plus, l'habitude. Hat Island, cette l’île majoritairement désertique et abritant des activités des plus crapuleuses, du moins jusqu'à l'arrivée de ce taré de Morneplume.

L'idée m'est venue au départ -de passage sur North- d'y séjourner quelques temps dans le but d'empocher une ou deux primes, au cas où l'idée de récidiver après un passage musclé des forces de l'ordre en ces lieux se serait niché dans le crâne étriqué de certains tentés par l’illégalité. Mais non, après ratissage de la plus petite des annonces pouvant faire appel à mes compétences, rien, pas une seule proposition assez juteuse pour capter mon attention ; A croire que la disette s'est installée depuis l'annexion. Mais c'est en persévérant que mes recherches ont portées leurs fruits. En effet, les gérants du seul bureau de prime que j'ai pu trouver m'ont donné -en usant d'un minimum de persuasion- un tuyau suffisamment intéressant pour me pencher sur le cas mentionné.

A Bull Town vont se jouer des courses hippiques, où les paris afflueront abondamment. Les locaux apprécient ce genre d'activités, et j'y ai vu là une opportunité d'embauche auprès de l'un des propriétaires des bêtes qui concourront les plus éminents de l’événement, un certain Robert Carstein, passionné des chevaux à ses heures perdues. Lui a pris de la graine par rapport aux récents événements, et a désiré de changer la politique de son entreprise. A l'époque, la majorité des types qu'il a employé trempaient dans des affaires louches. Et, forcément, le passage de la Marine lui aura foutu les pétoches. Il veut rester dans le légal, le bonhomme. Alors il a voulu embaucher que des gars réglos pour le personnel chargé d'assurer la sérénité de l'événement. C'est à ce moment que j'entre en scène.

Les rumeurs courent vite par ici, et savoir que ce Carstein manque cruellement de types pour assurer la sécurité des écuries et de la populace méritant -ou ayant payé- un minimum de sécurité ne m'aura pas été difficile.

Nous nous sommes entretenus, et Robert a été convaincu par ma prestance et mon discours, décidant de m'embaucher en temps que membre de la sécurité avec quelques autres gus. Cela va faire une semaine que je travaille pour lui, et la paie n'est pas mauvaise. Sauf que ce qu'il me fait faire n'est pas d'un grand intérêt, se résumant la majeur partie du temps à des rondes dans et autour du domaine où les canassons s’entraînent. Je peux rendre service aussi, lorsqu'un sabot s'infecte et que le matériel manque pour surélever la bête, alors je me dévoue pour la décoller du sol pendant quelque instants pour la suspendre ensuite, ce genre de choses...

Et le reste du temps, c'est dans ce bureau au sol parsemé de paille et aux caisses entassés n'importe comment dans ses coins que je patiente, à dormir, bouquiner ou m’entraîner. Car oui, la menace guette, et j'ai rendez-vous avec Robert en cette heure tardive afin de m'informer de quelques modalités à prendre en compte pour la partie de demain. Et j'apprécie sa ponctualité, car le voilà qui frappe à la porte.

-Oui ? Dis-je d'un air interrogatif, les yeux braqués vers la porte.
-C'est Monsieur Carstein.
-Ah, entrez. Que je réponds, retirant mes bottes boueuses et usées du bureau, retirant mon chapeau au passage. Il entre.
-La journée s'est-elle bien passée ? Aucun incident ou problème à signaler ?
-Non, Monsieur. Il m'a juste fallu aider le vétérinaire à gratter un sabot cette après-midi après l’entraînement, mais rien de notable.
-Bien, merci de votre aide au passage. Vous savez que ces chevaux sont chers à mes yeux ? Autant pour l'aspect sentimental que budgétaire... Les sommes injectés dans un tel événement vous feraient tomber à la renverse !
-O-oui, sûrement. Enfin, je ne m'étais pas posé la question. Pourquoi ?

C'est alors qu'il ferme la porte et adopte un air sérieux, prenant place sur un siège. Il se munit de sa pipe et commence alors à la remplir, pour tranquillement fumer.

-Pour faire simple, j'ai eu vent d'un nuisible susceptible de faire son apparition demain, pendant les courses.
-Hum, développez ?
-Eh bien, moi et d'autres organisateurs ont reçu l'information il y a peu comme quoi un... paria tenterait de nous voler directement via les paris. Il y a peu, une coquette somme a été misée sur une pauvre mule, une bête qui pour moi n'a même pas sa place dans une telle course. Mais soit, peu après, un confrère a été appelé par un mystérieux individu lui confiant le fait qu'un sabotage évident planerait sur l’événement de demain. Personne de sensé n'irait misé sur cette bouse ambulante, et imaginez un peu si, comme par magie, ce serait cette satanée bestiole qui remporterait la course?! Enfin. A la suite, on m'a fourni une photo.

Tout en inspirant une large bouffée de tabac, il sort l'image de sa poche qu'il dépose délicatement sous mes yeux. Un chauve, gras et bedonnant, tapant dans le mètre soixante dix.

-Et donc ce serait notre homme ? Le nuisible ?
-C'est bien ça. D'où mon souhait que vous redoubliez d'efforts et d'attention vous et vos collègues demain, vous l'aurez compris.
-Hm, je vois. C'est entendu. « Merci » de m'en avoir informé. Lui répondis-je en repoussant la photographie vers lui, qu'il remit dans sa poche.
-Sur ce, je vous dis à demain. Dit-il en se levant pour ensuite ouvrir la porte. Je pense avoir embauché la bonne personne, j'ai foi en vous, et je vous fais confiance. Conclu-t-il d'un étrange petit sourire malicieux. -Bonne nuit.


Bien, peut-être y aura-t-il enfin un peu d'action demain. Il est l'heure d'aller dormir, d'ailleurs. Et c'est avant de souffler la bougie que je projette un couteau dans mon dos, qui vient trancher la tête du serpent venu se glisser dans ma tanière via l'un de ces innombrables petits trous dans les murs.

-Tu feras office de casse-croûte, pour la peine. M'adressant à la dépouille encore palpitante.
    Bull Town, nous y voilà. Dire qu'y a fallu que je me tape la route par diligence. Non seulement c'est tape-cul mais en plus c'est casse-burnes. Faut dire qu'avec mon poids, les canassons ont un peu tiré la langue tout le trajet. C'est le moins qu'on puisse dire, y'en a même un qu'est mort d'épuisement à cause du poids.
    Un bourrin de mort pour aujourd'hui, si ça c'est pas un bon présage. Enfin non, généralement les animaux morts, c'est jamais annonciateur d'une augure foncièrement reluisante, mais vu que ma mission est en rapport avec ça, on va dire que c'est un signe. Et comme disait mon père : "Si tu vois un canard blanc, c'est un cygne !".

    Mon père buvait beaucoup.

    Tiens en parlant de ça, y fait grand soif. Avec tous les débits de boisson qu'y z'ont dans le coin, je vais bien trouver mon bonheur à brève échéance. Mais d'abord, faut que je retourne espionner aux écuries. C'est pas des connards en santiags qui vont me mettre en échec. Z'ont une faille, c'est certain, faut juste mettre le doigt dessus et appuyer bien fort.

    - Eh vous !

    Ah, il a pas dit "le gros" celui-là. Y'a du progrès, on avance peu à peu vers la civilisation.
    Le gars m'interpelle alors qu'il est dans mon dos. Pas une chose à faire ça de m'emmerder dans un angle mort, ça pourrait me rendre nerveux.

    - Sur cette île le port du chapeau est obligatoire ! Touristes y compris.

    Pour qui y me prend le lascar ? Je prends toujours grand soin de me renseigner sur les mœurs locales de partout où je vais bosser. Son histoire de chapeau, ça me passe par-dessus la tête.¹ Alors, sans un mot, juste pour lui montrer à quel point y s'est viandé sur mon compte, je me retourne vers lui avec une bonne gueule bien patibulaire.

    Oh vraiment ?:

    C'est tout décomposé qu'il est le vieux. Y sue déjà à grosse goutte et y se retient de baisser les yeux.

    - Oh.... Excusez-moi, j'avais mal vu de là où j'étais...

    Et y détalle presque en courant. Y fait de l'effet mon couvre-chef. Les gars au bureau se sont foutus de moi, mais la mode, on s'y connaît ou on s'y connaît pas. Moi je m'y connais. C'est ça d'avoir beaucoup voyagé, ça affine le bon goût et l'élégance.
    Bon j'ai autre chose à foutre que de dispenser des conseils de mode à tous les pisses-menu qui viennent m'arrêter en pleine rue. Me faut une chambre d'hôtel avec une vue dégagée en direction de l'écurie. Me reste même pas deux jours avant le début de la course, si y'a un moment où faut se magner, c'est bien maintenant.

    ***

    Là je fais face à une impasse. T'as merdé Oletto. T'as merdé vilain même. Cette mission, c'est le genre de bouchée de trop qui va te faire régurgiter tout ce que t'as bouffé jusque là. Putain, c'est pas vrai, y doit bien y avoir une faille.
    Y z'ont dépêché un gardien en chef pour surveiller les bourrins. Réglo le gars. Y leur donne à bouffer uniquement à partir de rations déjà préparées depuis un bail, les réserves de flotte viennent de la remise, et aucun moyen pour moi d'aller un peu empoisonner tout ça sans me faire voir ou risquer de toucher celui que je veux comme vainqueur.

    J'ai connu des banques qu'étaient moins bien gardées que cette saloperie de ranch. C'est sûr, je pourrais entrer là-dedans comme un chien dans un jeu de quille, assommer mon monde et faire ma besogne. Seulement, je fais ça, et la course on peut se la carrer où je pense jusqu'à s'en chatouiller les amygdales. Foutu Karl, le gars a bien trouvé son moment pour filer des informations confidentielles à des civils. On n'est jamais trahi que par les chiens. Ou par les siens ? Je sais plus, en tout cas on est jamais trahi que par les derniers des enculés, ça j'en suis certain.

    Va falloir la jouer risqueé. Tenter la corruption. C'est pas beau la corruption. Moi ça me gêne pas, le principe me tente même plutôt bien, seulement là où ça devient vraiment vilain, c'est que le garde en chef des écuries... bah j'ai pas un sou pour l'acheter à mon compte. Donc voilà le plan : corrompe un garde avec du pognon que j'ai pas.
    J'ai déjà été mieux inspiré par le passé.

    ***

    - J'peux m'asseoir là ?

    J'ai une fenêtre de tir qu'est pas bien grande. Mon garde, y vient prendre sa pause dans un "saloon", c'est le seul moment où je peux lui tomber dessus et opérer mon charme naturel.

    - Tu le pourrais si ton cul était pas si énorme.

    Bon ça commence déjà mal. On va se contenter de sourire et pas revenir là-dessus. Pire scénario envisageable toute façon, je me plante dans la mission mais je me venge sur lui. Toujours s'assurer d'avoir un lot de consolation en bout de parcours, ça motive quoi qu'il arrive.

    - Laisse-moi te payer ton verre.

    - Trop aimable.

    Y me dit ça comme si on lui payait ses consommations tous les jours. Sois un peu reconnaissant, je te tend un hameçon, fais au moins semblant d'essayer de le mordre. Je sens que ça va pas être facile.

    - T'es euh... Bill c'est ça ? Le type qui bosse au Ranch Tashembr.

    - Hevrard.

    Et en plus il a un nom à coucher dehors.

    - Ouais, c'est bien c'que j'dis : Bill.

    Y me regarde sans trop comprendre. C'est de l'incompréhension dans son regard ou des vapeurs de whisky ?

    - Bah ouais, tous les gars qu'j'arrive pas à prononcer leur nom, j'les appelle Bill.

    Je me tourne, et pis je montre la plèbe qui nous entoure du doigt.

    - Tiens là, c'est Bill, et pis sa femme, Bill. Et le gars là, qui se balade avec un concombre, c'est le gros Bill, impayable celui-là.

    Y sourit en coin, pis, même si y tente de se retenir au début, y se met à rigoler un peu. Ouais, vu la performance que je viens de donner, y doit être un peu cuit mon bonhomme. Tant mieux, ça devrait faciliter les négociations. Ce bon vieux whisky, d'abord je lui dois ma naissance, et peut-être maintenant mon salut.
    On cause, on cause. C'est pas qu'il est pas bavard, mais si c'est pas moi qui relance la conversation, y le fera pas à ma place. En un sens, je pose les questions, y me donne les réponses. Ça c'est le genre de format de discussion qui me branche bien en l'état actuel des choses.

    - Ah ouais ? Chasseur d'primes carrément ? Avec la licence et tout ?

    Peut-être bien que j'aurais pas à le corrompre en fait.

    - Eh mais... L'gars pour qui t'bosses, ça reste quand même un criminel. Bon c'est d'la p'tite bière, l'a juste eu des bisbilles une fois avec le G.M en allant organiser un tripot clandestin sur une de leurs îles. Mais quand même, un chasseur d'prime qui bosse pour un primé à 100 000 berries, t'risques pas la révocation Hevrard ?

    L'hausse les épaules et y s'en remet un derrière la cravate avant de grimacer derrière la toison qui lui sert de barbe. Là-dessus il abat son verre sur la table après que son bras ait chuté mollement.

    - Sûrement que si, mais c'est pas les dignitaires du G.M qui pullulent ici. Et puis entre deux marioles psychopathe, un boulot reposant, je crache pas dessus.

    L'a la conscience tranquille le gars. Y devrait pas. Mais alors pas du tout.

    - Ouais, mais si un gars mal intentionné balance l'information. T'es grillé.

    - Qui ferait ça ?

    - Bah moi.

    Y rigole, je rigole, qu'est-ce qu'on se marre dis donc. Qu'il en profite, ça va pas durer. Je me penche vers la table d'à côté où y'a quatre vieux mineurs qui se gueulent dessus des trucs incompréhensibles. Même pas besoin de leur demander le journal, je leur prends sans même qu'y s'en rendent compte tellement y son ronds comme des queues de pelle.
    C'était en rubrique sport que j'avais vu ça ce matin. Nous y voilà. Je mets le papelard sous le nez de l'ami Hevrard.

    - T'as j'té un œil à ça ?


    Y présente bien Hev sur la photo, même avec son chapeau de cow-boy, on reconnaît bien son regard dur et sa gueule de bûcheron. À mon avis, si on prenait la photo sur sa licence de chasseur de prime et qu'on la comparait à celle-ci, y'aurait pas le moindre doute sur l'identité commune.
    Ce qui la fout mal, c'est qu'y soit photographié juste à côté d'O'Ana, son employeur, primé pour pas un rond, mais primé quand même. Et pis la légende... Olala la légende, elle est pas flatteuse. "O'Ana et ses équipes, prêts pour la grande course". Si ça c'est pas être grillé.

    - T'imagines Hev, quelqu'un envoie un exemplaire d'ce journal au Q.G d'North Blue, avec en plus une lettre un peu racoleuse.... merde vieux, ce s'rait la ruine.

    Sa bobine un peu penchée en avant, un bras pendant par-dessus le dossier de son siège, siège qu'y persiste à faire se balancer, y rigole moins. Là, à tous les coups, je viens de le faire désaouler.

    - Ouais, mais... si je lui démonte sa petite gueule à ce quelqu'un, le problème est réglé non ?

    C'était à prévoir ce genre de réaction. Généralement, quand l'adversité vous tombe sur le coin de la gueule, comme ça, sans prévenir, soit on réfléchit pour se sortir de la panade, soit on réagit comme un con. Lui, l'est bien parti pour réagir comme un con. Autant ça me dérangerait pas d'échanger deux trois mornifles avec le père Hevrard, mais si je fais ça, ça fera qu'accroître la suspicion au ranch. Et là, je serais définitivement baisé.

    - Alors c'quelqu'un pourrait t'proposer un travail pour ach'ter la paix sociale. L'genre où t'aurais tout à gagner et pu rien à perdre.

    Le langage corporel ment pas. Cette manie qu'il a à repasser le contour de son verre du bout du doigt, ça se sent que mon invitation le travaille. Allez, crache le morceau, dis ce que je veux entendre, allez ! Pour papa Oletto, qu'est-ce qu'on dit ?

    - Je t'écoute.
    ¹ J'aimerais remercier le jury pour m'avoir octroyé l'oscar du meilleur calembour de l'année 2017.
    C'est avant tout un travail d'équipe, toute la gloire ne me revient pas exclusivement. Bien évidemment, je demanderais aux jeunes de ne pas tenter le même exercice chez eux, ils pourraient se blesser. Cette récompense, c'est avant tout le travail de toute une vie. Il faut s'accrocher, il faut poursuivre ses rêves, et un beau jour... on est récompensés. Merci. Merci à tous.

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