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Le remède


En 1625 une maladie ravageait Alba en persistant sur les Terres Fraser et jamais un remède ne fut trouvé, le mal ne pût être éradiqué totalement. Pourtant, ce n'est pas les tentatives qui ont manquées. Parmi toutes, il y eut celle-ci.


 Un paysan, qui se rendit compte de la contamination de ses terres devenues ainsi infertiles, décida de prendre les choses en main. Il alla voir son amie Sudaya, une femme scientifique passionnée des oiseaux au point qu'on la disait être née dans un nid. C'est d'ailleurs elle qui s'occupait de l'imposante volière du clan Fraser dans laquelle elle seule pouvait entrer. Mais lorsque le paysan vint à la porte de la volière, elle ne pût lui en refuser l'accès : cet homme fut son compagnon d'un soir et ils avaient fait un pacte. Il lui offrait un enfant afin qu'elle puisse transmettre son savoir et en échange le paysan aurait droit, quand bon lui semblerai, à un service. Elle le laissa donc entrer, là un oiseau passa entre eux ce qui fit reculer le visiteur de surprise, puis il exposa son souhait.

 - Ô Sudaya, ah que chui ben désespéré ! Ch'ai besoin d'oun de tes pigeons voyageours !
 - Mon ami, dans ma volière l'époque des pigeons est révolue ! Je n'en ai plus depuis au moins quinze ans ! Mais ne t'inquiètes pas -lui dit-elle en posant la main sur son épaule- j'ai bien mieux ! -précisa-t-elle en lui faisant un beau sourire.

Choqué puis rassuré, l'homme satisfait reprit sa requête.

 - Ah que che dois countacter les Drouides d'Eilean a'Cheò pour qu'ils councouctent oun remède ! Le mal poullue nous terres et ses hoummes !  Coumment ça, plus de pigeouns ?
 - Tu m'as l'air en bonne santé, c'est rassurant. Si tel est ton souhait, alors je me chargerai même de rédiger le message. Eh bien non, plus de pigeons ! Oh je me suis bien amusée, mais je ne peux aller plus loin, laisse moi te présenter l'oeuvre de ma vie...

Ils s'enfoncèrent vers une pièce sombre, Sudaya le fit patienter le temps d'aller chercher une cage et revint avec. Il revinrent vers l'entrée éclairée. Le vieux regarda la cage avec curiosité, un voile de soie rouge la recouvrait. Avant de le retirer, une petite mise en garde fut nécessaire.

 - Bouches toi les oreilles.
 - Pourqoué le ferais-che si toi non ?
 - Comme tu voudras.-puis elle haussa les épaules.

La moyenne cage posée sur le plat de la main, l'extrémité du tissu dans l'autre, elle l'ôta avec grâce en souriant. Un piaillement suraiguë en sortit.

 - CUIIIIIIIIIIIIIIIiiiiiiiiiiiiii.  

Le paysan grimaça, plaça tardivement ses paumes sur les écoutilles et fut momentanément sourd. Il dévisagea l'oiseau d'où les yeux, deux billes noires, devenaient blanches avec une lueur d'intelligence. Il était de petite taille, tel un poing adulte, et sa peau sans plumes était flasque mais d'une douceur extrême. Il était entièrement blanc. Libérant ses oreilles, le vieux dévisagea son amie d'un regard plein de questions.

 - Ils ont tous ce défaut de fabrication, ils deviennent aveugles à la lumière et après ne supportent plus le noir. Sinon j'en suis très satisfaite.
 - Mais c'est quoi ça ?
 - Le fruit de mes recherches, j'ai su ma destinée le soir où nous avons couché ensemble. J'ai donc acheté différentes races et j'ai fait de drôles d'accouplement : l'aigle et le goéland faisaient "l'aigland", le faucon et la mouette faisaient "la fauette" et ainsi de suite avec de nombreuses espèces. Après plus de cinquante combinaisons, de nombreux échecs et beaucoup de temps, j'en suis arrivée à lui. L'ultime. Ne pouvant se reproduire.
 - C'est quoi son nom ?
 - Ils ont tous ton nom.
 - Dérdevoule ?
 - Eh oui Dédé. Dérdevol, puisqu'ils ne vivent que d'air et de vol.
 - C'est-il fiable ? Ça meurt-il pas sans manger ni boire ?
 - C'était là ma crainte au début et la réponse à tes questions est là.

Sudaya pointa, et suivit, du doigt la trajectoire oblongue de l'oiseau blanc qui volait tranquillement dans la grande pièce rectangulaire. Dédé se rappela l'avoir croisé dès son arrivée et maintenant qu'il y pensait, il ne l'avait pas vu se poser.

 - C'est-il le même ?
 - Oui. Il a grossit, sa peau s'est tendue en formant de longues plumes de chair et il vole ainsi.
 - Il a quel âge ?
 - Dans trois jours il aura deux ans et un mois.
 - C'est-il immourtel ?
 - Cette réponse, je pense que c'est ma fille qui la détiendra. En attendant mon Dérdevol plane sans cesse.
 - Parfait ! Tou rédige la missive alours ?
 - Avec plaisir et j'en envoie un dans l'heure.
 - Ô merci Susucre.

×××

En 1627, très haut dans l'halo de brouillard qui entoure l'île d'Eilean a'Cheò.

Dérdevol numéro huit planait depuis environ deux ans autour de l'île, pourtant il n'était pas stupide. Sa créatrice avait lu le message à voix haute pour qu'il sache précisément à qui le livrer. Mais ces oiseaux naturellement intelligents, une fois libres et hormis le fait d'être aveugles, avaient un défaut majeur : la peur du noir. Ce qui était compréhensible puisqu'étant si blancs, si purs, si doux, leur instinct même repoussait toute noirceur. Heureusement pour lui, sa mission prit fin aujourd'hui.

×××

En 1627, ce même jour, dans le labo de Shimmy, le Druide chimiste d'Eilean a'Cheò

Shimmy était un ermite chimiste passant son temps dans un laboratoire poussiéreux situé sur la plus haute tour du monastère. Il ne voyait jamais le jour, ni la nuit, et s'éclairait constamment avec une de ses nombreuses inventions. Shimmy se sentait magicien dans l'âme et avait toujours des projets surprenants.

Malheureusement, un druide maniaque du ménage qui était en conflit avec lui commit l'irréparable. Cela faisait des dizaines d'années que Shimmy n'avait pas fait la poussière et les nombreuses vitres de la tour en étaient noires de crasse : selon lui son arrière-grand père disait que le plumeau était réservé aux femmes et si un homme y touchait, malédiction sur la maison il y aurait. Ce ne fut pas l'avis du maniaque qui, aujourd'hui, trouva mille et une raisons aux avantages de les faire. Shimmy fut convaincu quelques secondes et une fois les vitres propres, il eut un mauvais pressentiment alors que son ami repartait avec le sourire jusqu'aux oreilles : il était enfin parvenu à nettoyer la dernière pièce du monastère.

Soudain, l'illumination jaillit tel un éclair blanc dans le cerveau de Dérdevol huit. Son instinct guidait ses ailes en direction de la plus haute tour, comme si l'accès inespéré et trop longtemps condamné venait de s'ouvrir miraculeusement. Là-bas se terrait l'homme qu'il devait trouver.

Shimmy, bien qu'à moitié sourd, entendit un sifflement qui se rapprochait. Il tourna le regard vers une fenêtre. Une chose angélique entra par effraction. Sur son passage elle perturba l'équilibre de nombreux récipients, modifia l'emplacement de meubles et étagères : un beau chaos. Puis la malédiction du ciel fit un atterrissage de toute beauté contre un mur trop solide.

Shimmy ramassa le tube qui gisait dans la flaque de l'oiseau. De ses doigts tremblants il l'ouvrit, lut le message d'une vieille amie et réfléchit. Il prit son den-den et appela un ami lointain.

Cet ami est un révolutionnaire pas avare pour un sou, possesseur d'une belle fortune inutilisée. Ayant une dette envers Shimmy concernant une potion spéciale, il accepta, sans sourciller une seconde, de rendre service à son ami. Le chimiste mi-sourd mania les mots avec une telle habilité que son ami proposa même de payer. L'appel prit fin et Shimmy réfléchit à l'ordre des choses en fixant deux bocaux vides qui avaient survécu au désastre.

Son ami devait trouver un marin aguerri et lui offrir un joli pactole pour qu'il puisse venir au monastère afin d'y récupérer un remède à livrer.

Une brise caressa les cheveux mi-blonds mi-cramés du chimiste et il alla regarder par la fenêtre. Avant de réfléchir au remède d'une maladie aux symptômes inconnus, il s'inquiéta du futur transport en imaginant le potentiel trajet. Venir, braver brouillard et rochers de l'enceinte naturelle, puis repartir vers le port de Dun Èidann. Le risque est immense.

Immense.

Shimmy fit les mille pas en se répétant intérieurement ce mot. Il se remémora ses dernières inventions et trouva laquelle, en étant immense, profiterait au marin. Son dénommé "Volcarc-en-ciel". En miniature le volcan cracheur d'une pluie d'arc-en-ciel, en plus de fonctionner à merveille, interagit avec les objets touchés en les colorant un certain temps. Par conséquent, les rochers éclairés par la pluie colorée auraient leur position signalée.

Shimmy soupira et s'enroula l'index dans une extrémité de sa longue moustache rose. Signe de réflexion ultime sur le remède à trouver. Il se souvint avoir lu, dans un livre perdu au titre oublié, que les tribus indigènes de Koneashima mangent des insectes vivants pour se soigner. Il sourit, se sachant sur la bonne voie et préféra commencer la construction du volcan.

Ce ne serait pas chose aisée de mettre tout le monde au courant du projet et de les convaincre de l'aider à construire une invention qui, aux yeux des autres, va paraître foireuse et irréelle. Mais, pense-t-il, pour soigner Alba personne ne restera les bras croisés. S'ils n'éprouvent pas la même confiance aveugle et amicale que son ami révo aura envers un inconnu, alors il fera une potion d'asservissement mental car oui, telle est la détermination de Shimmy. Lorsqu'il sait qu'un projet réussira, rien ne résiste a ce génie.

Missive et maquette en main, il entreprit de sortir de son laboratoire. Un regard noir plus tard, jeté au macchabée ailé, il fit demi-tour. Après avoir remplacé la fenêtre, il espéra que la malédiction serait terminée et qu'il n'y aurait pas de météorites, de femmes, d'extraterrestres ou autre chose plus farfelue qui tomberait du ciel. Auquel cas il se jura de murer immédiatement toutes les fenêtres de son antre.

×××

Toujours en 1627, toujours à l'ile des Brumes, mais à la surface de la mer se trouve une chose étrangement légère.

Il n'avait pas vraiment de nom, mais était-ce réellement une chose triste que de ne pas avoir d'identité ? Toujours est-il qu'il fut l'ancien propriétaire d'un fruit du démon : le caméléon. Depuis l'ingestion de sa malédiction le vent l'a laissé dériver jusque-là. On pourrait le qualifier de  glouton puisqu'avec sa langue accordéon il goba des rochers, arrachés à la mer pour s'alourdir. Oui, c'est bien l'objectif de ce roi des mers, s'alourdir pour couler et mourir enfin.

Il est gigantesque mais si chétif ! Poilu comme il est, il se croyait être un ours des mers. Du coup, après de nombreuses années d'hibernation, il a maigri de manière hallucinante à un tel point qu'il est devenu plus léger que l'eau ! Et pour courroner le tout, lors de son premier repas-réveil ce roi des mers à mangé un navire possédant un fruit du démon que son système digestif apprécia fort mal. Tout son organisme intérieur fut détraqué et dans estomac baigne, en plus de deux malchanceuses, une odeur putride mêlée à celle de pets, accompagnées de débris en tout genre.
A l'extérieur, il ressemblait à une mongolfière échouée mais gonflée d'air avec des poils bleus comme son environnement actuel. Heureusement pour lui, seule sa langue extensible avait de la force. Une force à gober des cailloux puisée dans le souhait de mourir coulé et lourd. Hormis ce grappin il était totalement inoffenssif et inerte jusqu'au bout des nageoires.