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Le déclic

- Bougez-vous, bande de mauviettes !
- Oui maître !

   J'avais beau leur dire de m'appeler Patron depuis notre retour sur Rokade avec Bastien Delafosse, ces esclaves que j'ai affranchis puis gracieusement engagés n'en démordent pas. Les vieilles habitudes ne s'oublient pas facilement... Et ça me donne presque envie de leur faire claquer le fouet sur le derche. Manque de bol : je n'en ai pas.
   Pour l'heure, nous venons d'arriver au port d'Attalia, sur l'île de Hinu Town. J'ai collaboré avec un marchand du Rocher pour qu'il nous engage en tant qu'hommes à tout faire sur son navire, histoire d'effectuer la traversée tout en étant payés. Cinq milles berrys par tête de pioche, soit cent cinquante-cinq milles au total rien qu'en se déplaçant et en déchargeant des grosses caisses. Il n'y a pas de petit profit.

   Que viens-je faire à Hinu Town ? Plusieurs choses en réalité : d'abord faire ma "traversée du désert". Les événements précédents au Royaume de Saint Uréa ont réussi à me foutre le moral en l'air. Ce Victor Bahìa, avec qui j'avais commencé à nouer une vraie relation de confiance, chose pourtant improbable quand on me connaît, a préféré se protéger et ranger ses couilles plutôt que de me soutenir devant sa patronne, en prétextant que ma mission n'était qu'à moitié réussie. Tout ça parce que stopper un groupe de contrebandiers, selon sa demande, a provoqué une attaque de pirates ! Et j'ai été battu. Défaite totale pour ma pomme. Une humiliation que je digère très mal.
   Je vais donc pouvoir me noyer dans les bars, plus chers à cause de la chaleur, mais meilleurs et plus appréciables que dans la plupart des tords-boyaux sur les blues. Cela me permettra de me renseigner sur la deuxième raison qui m'a poussé à venir : le Serpent de Dentelles.

   Qui est-ce ? Un individu plutôt fameux malgré son impressionnante discrétion. Personne ne sait à quoi il ressemble, mais il s'agit d'un assassin talentueux et d'une source d'informations susceptibles de m'intéresser. Comment je le sais ? Le père Minoël me l'a dit... Mais faut pas chercher à comprendre. Si je disais ça à mes hommes, ils me prendraient pour un fou.
   Quoi que c'est peut-être déjà le cas.

- On a terminé, maître.
- Parfait. On récupère not' salaire et on part décoter une auberge.

   On quitte notre employeur avec l'argent et commençons à nous déplacer sur les quais d'Attalia jusqu'à rejoindre la rue principale, première artère de la ville où s'agitent la populace et les quelques touristes et baroudeurs. Soulevant de la poussière de partout, emmitouflés dans leurs vêtements amples et leurs voiles, les autochtones donnent le rythme de la marche à tous les autres. Cela a le don d'énerver les monteurs de chameaux, lesquels blatèrent avec impatience alors que des commères déblatèrent des inepties sur les étrangers, cachées dans leurs petits coins d'ombre, à l'abri des palmiers et des préaux en bois et en paille. Les commerçants, la voix éraillée mais le sourire véritable, crient par dessus le tintamarre histoire d'attirer l'attention de clients potentiels en secouant babioles et encenseurs. Les odeurs se mélangent à celle de la sueur des quelques centaines d'êtres humains réunis ici.
   Et nous sommes coincés au milieu de tout ça, serrés les uns contre les autres afin de ne pas se perdre, écœurés et déjà fatigués. Bienvenue à un jour de grand marché.

    Nous arrivons finalement devant une auberge. J'entre et m'approche du comptoir. Le tenancier me fait face et lève la main pour m'empêcher de parler, un air désolé sur le visage. "Nous sommes complets" qu'il me dit. Je fulmine. J'en ai déjà ras-le-bol. Je sens que cette île de merde va me plaire.

[...]

- Eh ben c'est pas trop tôt !

   Après avoir fait la quasi-totalité de la ville portuaire à la recherche d'un logis, nous tombons enfin sur la seule taverne en mesure de tous nous prendre, en bordure du désert. C'est pas le grand luxe, le personnel a l'air de flâner, mais au moins la vue est sympa. Et c'est pas trop cher. Sauf que ça m'inquiète pour la bouffe.
   Lorsque nos assiettes arrivent, mes craintes se confirment : c'est moche à voir et c'est dégueu. Mais vu qu'il fait un temps à se noircir l'émail, on en convient tous que ça suffira à nous caler. Et puis c'est plus la peine de faire les difficiles. Et au final la fille de l'aubergiste est loin d'être dégueulasse... Elle m'a même gratifié d'un sourire en m'apportant mon plat. Ça suffit à me calmer. Cette nuit je vais faire de beaux rêves.

   Y a d'ailleurs intérêt à ce que je dorme bien, parce que demain commencent les recherches.
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- Comment vous savez qu'il est là, maître ?
- J'en ai entendu parler : ses dernières victimes potentielles étaient sur l'île. 'vec un peu de chance, il y est toujours.

   Nous avons fait le tour de la plupart des zones clés de la ville portuaire, là où l'on trouve le plus de renseignements pertinents, tant l'attention des marchands et des badauds y est grande. Ayant à cœur de se montrer conviviaux et sociables, les hypocrites d'Attalia me dirent tout ce qu'ils savaient, allant des simples rumeurs aux histoires suffisamment énormes pour en paraître crédibles. Mais au final, rien de ce que j'appris ne me parut utile.
   Je demande aux autres de former des groupes et de fourrer leur nez un peu partout où je n'avais pas penser à vérifier, ne serait-ce que pour renifler la moindre odeur de piste. Le ramasse-miette bougon que je suis préfère s'asseoir un moment, seul avec moi-même pour faire le point sur le chemin parcouru.

   Je suis là, à faire semblant de surpasser ma récente défaite en continuant à aller de l'avant. C'est comme foncer dans un mur trop grand, trop épais, posé là juste pour faire chier, au lieu de le contourner. Je l'ai passé, certes, mais j'y ai laissé des ongles, des poils, de la peau et une bonne part de mon ego. Je n'ai même plus envie de rester sur Rokade plus d'une journée. Il faut que ma petite "entreprise" se délocalise. Et que je trouve des employés pour l'officialiser. Ou mieux...
   Je sors de ma poche de pantalon un bout de papier froissé à force de malaxage et de pliage : la carte d'Elizabeth Butterfly, l'enquêtrice qui m'avait invité à rejoindre son service suite à une mission partagée sur Inari. Peut-être pourrais-je rejoindre les forces légales, au moins un temps, pour me refaire ? L'idée n'est pas mauvaise en soi, bien qu'un peu détournée de ce à quoi je me voue.

   Un vieil homme approche et le bruit de sa canne me sort de mes songes :

- Me permettez-vous de m'asseoir ici ?

   Je suis effectivement assis au milieu d'un banc public, sur la place centrale. Confortablement installé, je ne bouge pas d'un cil. Considérant mon absence de réponse comme un acquiescement, le vieillard s'assied à ma droite. Il pousse un long soupir de soulagement qui me fait pousser un léger soupir d'ennui. Les yeux plissés et fatigués par la chaleur et le temps passé, il me regarde et lisse sa barbiche blanche d'une main fragile et tremblante. Son sourire bien mûr finit de m'exaspérer mais je reste statique. Ce n'est pas le moment de se prendre la tête avec les ancêtres. Ça pourrait porter malheur. Son esprit pourrait me maudire et me hanter.
   Je ne suis pas spécialement superstitieux, mais vu l'endroit et son état d'entre deux, on est jamais trop prudent :

- Vous êtes ici pour faire du tourisme ?
- Pas vraiment.

   Silence.
   Il s'attend à ce que je réponde : il peut toujours rêver. Le temps passe. Le temps passe et le rapproche un peu plus de l'heure de sa mort... Il est particulièrement patient. Toujours d'un air calme et posé, il finit tout de même par me relancer :

- Qu'est-ce qui peut attirer un homme robuste comme vous dans cet endroit, si ce n'est pas le tourisme ?
- Je cherche quelqu'un.

   Je ne suis pas un menteur. Mort à tous ceux qui prétendent le contraire. Je n'ai jamais fait que jouer sur les mots et omettre dans le pire des cas. Et puis jouer sur la compréhension des gens est d'autant plus amusant.

- Vous le cherchez en restant assis ?
- J'l'ai cherché toute la journée. Là j'fais une pause et j'réfléchis aux endroits que j'ai pas pensé à vérifier.
- Êtes-vous sûr que la personne que vous cherchiez sois bien ici ?
- J'sais qu'elle est sur cette île.

   En quoi ça te concerne de toute manière, grand-père ? T'es quoi au juste ? Détective à la retraite ? Ancien combattant ? Espion de sa majesté ? Conseiller d'une agence matrimoniale ? Casse-couille professionnel ?
   Je m'apprête à lui dire de décamper quand il prononce les mots magiques :

- Dans ce cas, vous ne cherchez pas au bon endroit.
- Et où devrais-je chercher alors ?
- Vous n'êtes pas d'ici. Vous n'êtes sûrement jamais venu dans le coin et il est clair en vous voyant que vous n'êtes pas un fervent admirateur des régions chaudes et désertiques. Il y a de fortes chances que vous soyez à la recherche d'un étranger, comme vous. Mais sans doute plus familier que vous dans ce genre de milieu. Et si vous ne l'avez pas trouvé aux quais, ce n'est clairement pas un marin... Si vous voulez le retrouver, il vaudrait mieux vous rendre à la capitale. C'est là-bas que se trouve le cœur de notre civilisation et de nos plus grandes richesses. Cela attire forcément les touristes et les étrangers. Tout comme les jeunes, qui rêvent d'y travailler.
- Tséhéhé... C'est pas bête c'que tu dis.

   Je pensais, sans doute à tord, que le Serpent de Dentelles préférerait rester à proximité du port, en cas de problème, pour pouvoir quitter les lieux en vitesse. L'endroit est suffisamment grand pour s'y cacher. Mais c'est sous-estimer sa réputation : son visage inconnu de tous, jamais attrapé par qui que ce soit... S'il a suffisamment de fierté, il se trouve sûrement dans la plus grande ville de la Petite Alabasta. En y repensant, ça devient presque évident.
   Je donne une tape sur l'épaule du vieux qui manque de tomber et de se rompre les vertèbres :

- Tu m'ôtes une épine du pied... Plus qu'à m'y rendre dans ce cas !
- Oh à cette heure-ci je ne le conseille pas : le soir, le désert n'est pas sûr... Et les seuls à connaître la route sont les Granulés, des guides. Ils vous feront traverser à dos de chameau, c'est plus commode. De toute manière, il faut une demie-journée pour se rendre à Anataka.
- Je vois. Eh ben merci papy ! Tiens : prends donc ça pour t'acheter c'qu tu veux. J'te conseille du lait. Pour l'calcium, les os, tout ça...

   Je m'éloigne en lui jetant quelques berrys de ma paie d'hier. Que personne n'aille dire que je manque de générosité après ça !
   Plus qu'à attendre que les autres reviennent et nous irons manger un morceau, dormir un peu et, au petit matin, nous partirons pour Anataka.

   Ça me laissera quelques occasions d'effleurer la croupe de la jolie fille de l'aubergiste... Je me lèche les babines rien qu'à y penser.
   Et j'ai soif.
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- Hé beh... Z'ont le sens du détail ici.

   Anataka est à ce jour la ville la plus fournie en matière de décorations que j'ai vu jusqu'à maintenant. Le côté festif de Suna Land fait pâle figure à côté : des arbustes résistants et des cactus fleuris dans la majorité des grandes allées, de fontaines de pierre imposantes aux statues majestueuses, des tapisseries colorées, des fumerolles d'encens, des danseuses et des jongleurs de rue... même les murs de l'enceinte extérieure, dans la vieille ville, comportent des gravures et des peintures compliquées. J'appelle ça de l'art.
   Je veux la même chose pour mon futur palais.

   Nous venons à peine d'arriver et les Granulés sont repartis aussitôt pour reposer leurs bêtes et préparer une nouvelle expédition touristique. Nous ne passons pas inaperçus, mes hommes et moi : nous sommes une trentaine à déambuler dans la capitale. Il y a de quoi se poser des questions. Comme au port, je remarque les autochtones en train de chuchoter dans notre dos. Je leur fais un signe de la main, l'air innocent. Il parait que ça aide à dissiper les tensions.
   En voyant ma tête, certains tournent le regard ailleurs. Les autres s'éloignent. Je me sens méprisé. C'est extrêmement vexant.

   Il faut bien dix de mes hommes pour parvenir à m'arrêter alors que je m'apprête à foncer sur le dernier fuyard, prêt à le faire payer pour tous les autres. Mais la frustration finit par retomber en croisant le regard d'une femme. Une demoiselle au teint halé et aux longs cheveux noirs soigneusement tressés.
   Une vraie beauté. Et elle me sourit tout en continuant sa route...

- Waouh...

  Je ne me rend même pas compte que je pense à voix haute. Je suis trop occupé à reluquer son derrière. Je ne sais pas si elle le fait exprès, mais bon dieu ! Ce déhanché me fait un effet monstre. Et je ne suis pas le seul à rester baba devant le spectacle : tous mes esclaves se rincent l’œil tandis que disparaît au loin son court tissu bleuté dans une rue adjacente.
   Je reprend mes esprits et, énervé, en cogne la plupart :

- On a pas qu'ça à foutre ! J'en veux la moitié pour nous trouver une auberge avant c'soir ! Les autres : pêchez le maximum d'infos. J'veux des résultats. Vous m'entendez ? Des résultats ! On s'donne rendez-vous à la tombée d'la nuit d'vant la fontaine aux amphores, sur la grand-place. C'est parti !

   Et nous nous séparons.
   Je commence à m'éloigner de l'allée pour entrer dans une ruelle : si j'ai décidé d'amener avec moi tous ces types, c'est pour plusieurs raisons. Déjà ils m'appartiennent. Ensuite, ils ont tous été en contact plus ou moins direct avec Victor Bahìa, leur ancien propriétaire, qui est connu pour ses cachoteries et ses affaires douteuses. Je veux voir ce qu'ils valent et jusqu'où ils pourraient aller à mes côtés, tester leur utilité. Enfin, le fait qu'autant de monde soit à la recherche du mystérieux Serpent ne manquera pas d'attirer son attention. Il finira forcément par se laisser prendre au jeu, à se renseigner sur notre groupe, à me trouver et, peut-être, à me tendre un piège... J'ai beau avoir l'envie de vivre longtemps, je reste curieux de savoir si les rumeurs à son sujet s'avèrent justes. Peu importe comment se fera la rencontre au final, tant que je peux placer deux mots avant de m'effondrer.

   J'avance dans la ruelle, tourne à un embranchement et m'enfonce petit à petit dans l'ombre de la ville. Là où la température est plus supportable. Là où l'air est lourd malgré tout.
   Je me sens très vite observé... Ici et là, des yeux louchent à travers l’entrebâillement d'un volet ou derrière une vitre poussiéreuse. Le bruit de la rue est étouffé par l'épaisseur des murs et l'étroitesse du sentier. Mes pas résonnent sur les dalles de grès, trahissant ma position ainsi que le rythme de ma marche : je suis sur la défensive. Tout le monde ici entend ma méfiance et personne ne se montre.
   J'ai bien fait de commencer à chercher dans le coin. Quel meilleur endroit pour dénicher un mec de l'ombre qu'une zone à l'abri de la lumière et des normes ?

    Je finis par apercevoir un homme adossé contre le pilier d'une demeure, dans un virage. Un grand gaillard barbu à la tunique brune et au turban usé. Un connard qui roule des mécaniques aussitôt qu'il me voit et crache à mes pieds... Je me demande comment il fait : avec la chaleur, j'ai plus une goutte de salive en bouche. Je m'approche et remarque la couleur du crachat. Je comprend mieux.

- T'es pas d'ici.
- T'es perspicace.

   Une grimace.

- Qu'est-ce que tu veux ?
- Trouver quelqu'un.
- Bah voilà, t'as trouvé quelqu'un. Passe ton chemin, l'étranger. C'est pas un endroit pour toi ici.
- Oh ?

  Ma pupille tressaute. Une veine palpite sur mon front. Je tâche de garder le sourire tandis que j'approche mon visage du sien, les bras croisés sur ma poitrine. Lui ne bronche pas, le dos collé à sa colonne jaunie. Il louche presque en me fixant dans les yeux. Il a l'air stupide.

- T'es certain d'toi là ? T'as envie d'jouer les plaisantins alors que j'viens gentiment t'poser des questions ?
- On aime pas les questions ici. Tire-toi, sinon...

   Il passe la main sous sa tunique et en relève un pan, laissant apparaître un sabre. Je plisse les yeux et soupire en agitant mon index de droite à gauche :

- Tut tut tut... Ça va pas, l'ami. C'est pas comme ça qu'on fait.
- Je le répéterai pas : dégage !

   Une fraction de seconde plus tard, sa tête frappe contre la paroi rocheuse derrière lui tandis que ma main serre sa gorge. Mon regard est celui d'un tueur. Je marmonne entre mes dents tout en continuant de lui cogner l'arrière du crâne contre le pilier, de plus en plus fort :

- Faut pas faire des menaces à rallonge. Faut. Agir. Un. Point. C'est. Tout.

  Chaque mot est appuyé d'un nouveau choc et très vite le tout se craquèle. Le crâne et la pierre. Des bulles naissent et éclatent au coin de ses lèvres tandis que ses yeux se révulsent. Ses doigts crispés autour de mes mains finissent par relâcher la pression et dans un dernier soubresaut son corps devient flasque. Libéré de toute tension.
   La colonne est à moitié détruite. Le bruit a dû alerter tout le voisinage, mais personne ne fait mine de sortir de chez lui. D'ailleurs, il y a encore moins de bruit qu'auparavant.

   Finalement, un type sort de la résidence que la larve inerte surveillait. Un petit monsieur à la barbe blanche et aux sourcils épais. Ses vêtements sont ceux d'un riche commerçant. Il se fige en me voyant, regarde le cadavre, me regarde à nouveau, oublie de fermer la bouche et reste comme ça presque deux secondes supplémentaires avant de lâcher :

- Mais... Qué sé passe-t-il ici ? C'est quoi cé bordel ?
- Désolé du dérangement, j'venais simplement m'renseigner et ce gars-là s'est excité d'un coup. Il m'a pas trop laissé l'choix... Donc peut-être qu'on pourrait s'arranger pour...

   Je n'ai pas le temps de finir ma phrase : à peine le petit vieux a-t-il claqué des doigts qu'une demie-douzaine d'hommes sortent du bâtiment et me mettent en joue. Je lève les mains en l'air, maudissant mon sang chaud.

- Oh qué oui on va s'arranger. Tou as intérêt à m'expliquer cé qué tou fais là. Allons à l'intérieur.
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- Puisque j'vous dis que j'suis pas dans un cartel !
- Il semblérait, en effet...

   Après quelques beignes et plusieurs questions en boucle attaché sur une chaise au milieu des membres du Cartel de Ramil, leur petit chef Ahmed Ibn Saïd se décide enfin à me laisser un temps de répit. Avec lui, des membres d'un autre groupe de trafiquants d'arts : les hommes de Mahmet, l'une des filiales les plus discrètes du Cartel Capital, d'après ce que j'ai pu apprendre en arrivant ici.
   Dans l'ombre de Hinu Town existe un immense trafic organisé par des familles de marchands véreux, de passeurs et de connaisseurs avides. Personne ne connaît l'identité réelle des chefs de ces groupes, leur position dans la société étant suffisamment importante pour qu'ils se préservent des rumeurs et des soucis administratifs.

  Je l'apprend à l'instant. En fait, ça semble même logique en y réfléchissant. Étant moi-même un tordu et un opportuniste, c'est exactement de cette manière que je procéderai pour élever un commerce illégal.
   Il se trouve donc que j'interromps en ce moment une transaction entre les deux cartels et les principaux intéressés voient ça d'un mauvais œil. Le gros Ahmed semble tout de même soulagé que je ne sois pas impliqué d'une quelconque manière : si ça avait été le cas, il aurait dû traquer une taupe en plus de m'éliminer.

   En plus de... Oh c'est vrai :

- Du coup, z'allez faire quoi d'moi ? J'suppose que maintenant que j'sais ce qui s'passe, z'allez pas juste me laisser partir en m'faisant promettre de fermer ma gueule, si ?
- Crois-moi, y'aurais préféré faire ainsi. Mais les affaires sont les affaires... Nod : débarrasse-t-en et nettoie après.
- Attend ! Y a p'tet moyen d'négocier : j'ai un truc à faire ici et ça pourrait bien t'profiter.

   Le petit gros lève la main et interrompt le geste de son homme de main. Il se retourne et croise ses mains pleines de bagues devant lui, l'air faussement méfiant :

- Quoi donc ?
- Je suis v'nu chercher le Serpent de Dentelles.
- ... Tou es fou. Personne né connait son vrai visage. Personne né l'a rencontré. Il contrôle l'oune des plus grosses affaires. Pourquoi veux-tou lé trouver ?
- Pour lui acheter des renseignements. D'après c'que j'ai appris c'est l'un des meilleurs pour ça.
- Il faut mériter ces renseignéments.
- Grâce à vous, ça pourrait bien changer. Et ça pourrait vous profiter par la même occasion.

   Cette fois, plus de mimique forcée : le bonhomme est réellement curieux :

- Qu'as tou-donc prévou ?
- Z'allez pas être déçu...

[...]


   Nous sommes à l'auberge, le lendemain des événements. J'ai mal dormi à cause des douleurs de la veille. Tous mes esclaves sont prêts, fidélisés et ragaillardis par une bonne pinte matinale accompagnée d'un petit-déjeuner à la fois sain et copieux. Avec ça, ils ont intérêt à brûler un maximum de calories pour répondre à toutes mes attentes.
   Nous avons obtenu rendez-vous dans l'un des lieux où le Serpent de Dentelles a l'habitude de communiquer avec ses clients. Via messager, évidemment. Nous nous y rendons de ce pas.

   Une demie-heure plus tard, je suis à l'intérieur d'une sorte de taverne aux murs de sable durci et aux poutres apparentes en bois noir... Une structure plutôt ancienne après tout ce que j'ai pu voir d'Anataka. Mais les danseuses dans le fond de la salle rendent le tout supportable. Ca parvient même à me faire sourire un peu.
   L'un des hommes d'Ahmed Ibn Saïd m'accompagne, ainsi que quatre des miens. Les autres se font passer pour des touristes et des passants à l'extérieur, vérifiant les entrées et sorties dans le bâtiment. Un type du Cartel de Mahmet nous rejoint : son chef aussi souhaite profiter de mes services pour se rapprocher du Serpent. En tant que témoins, ils vont me permettre d'augmenter mes chances d'obtenir la confiance de ma cible, tandis que de leur côté ils ne perdront rien en me laissant mourir si les choses tournent mal.

   Pourquoi ça tournerait mal ? Parce que comme je l'ai dit et répété le Serpent de Dentelles est méfiant. Il ne laissera personne l'approcher s'il ne lui fait pas suffisamment confiance. Et si la personne lui déplaît, il le fera disparaître tout simplement. Mais moi... Je veux plus que ses renseignements. Je suis un homme curieux : son visage m'intéresse. Cela vaudrait bien plus que quelques potins royalistes ! Sa vie, son existence, son mythe... Tout son être serait entre mes mains.
  Ce n'est pas une simple chasse à l'homme, c'est une bataille pour la domination de l'autre.

   Nous sommes assis à la table indiquée par Ahmed lors de sa prise de contact. Au bout d'un quart d'heures durant lequel j'ai bu, marmonné, craché et ruminé, un individu assis au comptoir se lève de sa chaise et s'approche de nous. Autour de nous, la salle est remplie : il s'agit de l'heure où les travailleurs de la capitale prennent leur pause et se détendent. Les danseuses font leur travail, les buveurs trinquent et rient, fort pour la plupart. Le brouhaha se densifie et résonne entre les murs de la taverne.
   Le type qui s'assied face à nous retire la capuche qui couvrait son visage. Un blondinet apparait, des cheveux jusqu'aux épaules, un double-menton, un teint blafard par rapport aux habitants du coin et, surtout, deux yeux de fouine rieurs soutenues par un sourire antipathique. Ne manque que les moustaches, pourtant la première chose à laquelle je pense en le voyant est...

- Un rat ?
- Je vous demande pardon ?
- Hum. Nan oubliez : j'ai cru voir un rongeur là-bas.
- ... Vous êtes Dorian, n'est-ce pas ? C'est le Serpent qui m'envoie.

   Nous nous penchons sur la table, la main serrée sur notre boisson. L'autre me dissèque du regard, de son air malicieux. Il ne bronche pas, il ne bouge rien, sauf ses mirettes. Il transpire la confiance et la survie. Une désagréable contradiction qui me rappelle moi dans mes meilleurs jours. Il n'a rien fait et il me débecte déjà :

- J'suppose que vous savez pourquoi on a fait appel à lui ?
- J'espérais que vous me le disiez. Il est rare que deux cartels s'associent à un étranger pour demander un service. C'est même du jamais-vu.
- Vous n'semblez pas être du coin non plus...
- Non en effet. Je travaille pour le Serpent depuis quelques mois maintenant.
- Donc si j'voulais connaître son identité, il m'suffirait d'vous forcer à me l'dire ?

   L'ambiance se refroidit aussitôt. Les deux représentants de Mahmet et Ramil pâlissent. L'autre sourit toujours, mais ses yeux noirs me mettent clairement en garde :

- Ce ne serait pas sage si vous voulez mon avis.
- C'était une plaisanterie. Par contre, c'qui m'amène... C'est une affaire sérieuse. Très sérieuse.
- Sérieuse à quel point ?
- Au point d'menacer la sécurité de vot' patron.

   Je note un affaissement au coin de ses lèvres :

- Développez je vous prie.
- Les cartels de Ramil et de Mahmet ont surpris une conversation v'nant d'un groupe autonome : l'un d'eux parlait d'une action future pour renverser l'Serpent. Une attaque menée par un jaloux avec des désirs de grandeur.
- ... Quelles preuves ?
- Aucune : les comploteurs se sont sentis épiés, ont voulu défendre leur secret et s'sont fait tuer. Mais il en reste un bon nombre, et l'idée du complot n'a pas été repoussée. Ça devrait être imminent.
- Comment peux-tu le savoir ?
- Parce que j'faisais partie de ce groupe.

   Nouveau coup de froid. Nous sommes tous tendus à table. Moi surtout : un seul mot de trop et mon mensonge - chose que je déteste toujours autant - s'effondre d'un coup.

- Si c'est vrai, tu dois connaître l'identité du chef de votre groupe. Qui est-ce ?
- L'un des officiers de la 4e Division. Le sergent Badir.
- Oh...

   Le blondinet rentre en phase de réflexion tandis que je soupire intérieurement : c'est le gros Ahmed qui m'a parlé du sergent : un officier connu dans les rues de la capitale pour être en apparence irréprochable... Et pour avoir râlé ouvertement dans plusieurs bars sur sa condition inchangée depuis "de longues années de durs et loyaux services". Visiblement, cette révélation semble affecter plus que je ne l'aurais cru notre messager, lequel fait la moue.
   Il finit par relever la tête vers nous et déclare :

- Je vais en faire part au Serpent. Vous, les représentants des Cartels : attendez-vous à ce qu'il vous contacte et donne rendez-vous très bientôt. Dorian : je t'emmène avec moi. Je pense que tu as d'autres choses à nous dire.
- C'est grotesque ! Monsieur Silverbreath est notre indic' ! Il n'a aucune raison de partir avec...
- Dorian "Silverbreath" vous dîtes ? Tiens... C'est amusant. J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ce nom quelque part... Sans doute pas ici. Ailleurs... Sur une autre blues...

   Je me tourne vers l'homme d'Ahmed et le fusille du regard. Nous nous étions mis d'accord pour donner le moins d'information possible à la cible, puisque son organisation est basée sur le trafic d'art ET de renseignements ! Depuis le temps que je le répète maintenant... Tout ceci me gonfle au plus haut point. Je ne suis maître de rien et ça m'ennuie. Je risque de craquer bientôt. Et ça ne sera pas beau à voir.

- Bah ! Je vérifierai en rentrant. Mais raison de plus que tu me suives. Seul. Nous allons avoir une longue discussion ensemble.
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- Ne fais pas attention au désordre. Je n'ai pas l'habitude d'accueillir quelqu'un chez moi sans préparation.

   Le blond aux airs de rat ouvre la porte d'un petit bureau, à l'arrière d'une droguerie. Je m'apprête à avancer lorsque je comprend le sous-entendu dans sa phrase : le ton était plein de mignonnerie et de pseudo-timidité, le tout mélangé grossièrement. Il se moque de moi et me lance un clin d’œil. Il m'énerve. Nous nous engouffrons à l'intérieur et il ferme derrière moi, lentement, et le grincement qui accompagne son mouvement m'irrite l'oreille.
   Il part s'asseoir sur le recoin de la table tandis que je reste au milieu de la pièce, reluquant les quelques piles de dossiers éparses, les ornements rustiques et les quelques cactus sur le rebord de la fenêtre. L'ameublement, sobre, contraste avec le reste. L'ambiance, la personne, ce qu'il peut se passer ici... Tout le reste. Il me fait signe de m'asseoir sur le fauteuil à sa droite. Je m'exécute. Le messager du Serpent prend une bouteille derrière lui : un whisky typique de South Blue...

- Je te sers un verre ?
- Sans glaçon.
- C'est vrai qu'il fait frais ici. J'ai la chance d'être souvent à l'ombre. Et je ne parle même pas de l'isolation !

   Sa simple présence doit y être pour quelque chose également, mais je me retiens bien de le lui dire. Il me tend le verre et reste le bras tendu lorsque je le lui prend :

- Je ne me suis toujours pas présenté : Abel Denuy.
- De South Blue ?
- De nul part et partout à la fois.
- C'est un peu flou...
- C'est le métier qui veut ça.
- Tu comptes pas m'attacher ? Me torturer à la limite... T'as pas d'potes qui attendent à l'entrée pour m'coller des marrons ? Ou alors...

   Je regarde mon breuvage d'un autre œil : n'y a-t-il vraiment que du whisky là dedans ?

- Pas besoin. J'ai bien quelques questions à te poser, mais j'ai surtout une proposition à te faire. Une proposition que tu ne pourras jamais refuser.
- Ça reste à voir.
- Tu as bien dit que votre homme était le sergent Badir n'est-ce pas ?
- Si tu sais qui j'suis, tu t'doutes bien que c'était une connerie...
- Oui mais ça pourrait devenir vrai.
- Comment ça ?
- Les deux hommes qui étaient avec toi étaient réellement membres des cartels de Ramil et Mahmet ?
- ... En effet.

   Ça aurait été con de mentir sur ce point. Et son éventuelle proposition me rend curieux.

- Bien bien bien... Mais que veux-tu faire en rencontrant le Serpent de Dentelle ? Je suppose que cette idée vient de toi à la base.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Je suis déjà passé par Rokade : je sais qu'il y existe un homme à tout faire. Un grand type à la fois violent et suffisamment malin pour ne pas se mettre à dos les Cinq. Si tu es ici, c'est parce que tu as une mission. Et le client n'est sous doute pas d'ici...
- Je t'arrête tout d'suite, tu t'gourres.

   Je prend le temps de m'humecter les lèvres, sans oser prendre une gorgée bien franche de liquide.

- Si j'viens l'voir, c'est pour des raisons tout à fait personnelles.
- Mmh... Dans ce cas, à quoi te servent tous ces hommes que j'ai aperçus en sortant tout à l'heure ?
- Tu les as remarqués...
- Je te l'ai dit : c'est mon métier qui veut ça.
- Ce sont les miens.
- Des hommes de main ?
- Des esclaves.
- Bonne idée : ça évite les frais.

   La conversation avance trop lentement à mon goût :

- Bon ! Qu'est-ce que t'veux au final ? Si tu m'dis rien j'me casse...
- On te retrouverait.
- J'peux te tuer ici et maint'nant.
- On te retrouverait quand même.
- Tu m'énerves... OUI JE SAIS ! C'est le métier qui veut ça !

   Abel s'assied à son tour et prend un air plus sérieux :

- Comme je te l'ai dit, ça fait quelques mois maintenant que je suis au service du Serpent de Dentelles. Grâce à lui, j'ai accès depuis peu à des ressources importantes, ainsi qu'à une place de choix qui permettra d'alimenter notre réseau d'informations par-delà les mers.
- C'est à dire ?
- Je suis actuellement connu à la base en tant que "Secrétaire d'Etat en déplacement". Pour le Gouvernement j'entends. Et l'officier chargé de ma sécurité est le sergent Badir.
- Oh...

   Effectivement, ça devient intéressant. Par contre, son air fier me donne envie de le gifle. Encore un peu de retenue...

- Je vais bientôt quitter Hinu Town en sa compagnie pour m'installer sur d'autres îles et y obtenir des informations pour son cartel. Seulement... Je trouve ça ennuyeux.
- Comment ça ? Tu comptes trahir le Serpent ?
- C'est pas vraiment l'expression que j'emploierai. Disons plutôt une "rupture de contrat sans préavis".
- C'est exactement la même chose... Pourquoi t'priver des ressources du Serpent ? Sans parler d'la protection et d'la mine de renseignements dans laquelle t'peux investir !
- Oh tout simplement parce que c'est plus amusant comme ça.

   Je le fixe sans comprendre. Lui répond à mon regard par un sourire malicieux, ses deux yeux pétillant d'espièglerie. Il transpire clairement les mauvaises intentions. Et aussi étrange que cela puisse paraître, c'est la raison pour laquelle je finis par croire à la raison évoquée.
   Il a un côté timbré. Un peu comme moi, mais dans une forme plus mesquine... Je vois pourquoi il a voulu s'associer au Serpent auparavant : il est gorgé de venin. Mais son côté Rat est le plus fort : il prône l'effet de groupe par hypocrisie, simplement pour nourrir son égoïsme. Tout ça, j'arrive à le comprendre à travers un regard et quelques mots échangés de manière franche. J'attends maintenant sa proposition :

- Et moi dans tout ça ? Qu'est-ce que tu m'veux ?
- Que tu m'aides à me libérer du Serpent. Et ta petite plaisanterie avec les autres cartels pourrait s'avérer utile.
- Tu comptes te servir de notre idée pour attirer ton patron dans un piège alors ?
- Exactement. Nous allons le mettre dos au mur ensemble : contraint de négocier pour protéger son identité et ses secrets, il ne pourra pas faire autrement qu'écouter nos demandes... Mais pour être certain qu'il ne cherchera jamais à se venger, il faudrait trouver un moyen pour que les autres cartels n'apprennent pas son existence tout de suite, histoire de garder cette information pour nous et la conserver en guise de menace plus tard.
- Tséhéhé...

   L'idée me plaît, difficile de le cacher. Cela colle parfaitement avec le plan de base. Je termine mon verre et souris enfin à Abel. Il se détend davantage, conscient d'avoir gagné. De mon côté, je reste prudent : c'est quelqu'un d'aussi instable que moi. Le savoir en fait une force, mais contrôler cet état de fait est compliqué.
   Le traître approche son visage du mien, jusqu'à atteindre la zone d'inconfort. Je retiens mon bras, prêt à cogner par réflexe :

- Avons-nous un accord, partenaire ?


Dernière édition par Dorian Silverbreath le Ven 2 Mar 2018 - 1:33, édité 1 fois
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- C'est quoi c'bordel...

   Beaucoup de choses se sont passées depuis notre conversation avec Abel Denuy. J'ai compris qu'il agissait avant tout par égoïsme et par amusement. Aucune de ses actions n'est logique. C'est ce qui le rend intéressant.
   C'est ce qui le rend dangereux.

   J'ai pu rejoindre mes hommes, lesquels attendaient mon retour près de notre lieu de rassemblement. Fidèles comme pas possible, aucun d'eux n'a pensé à partir en me voyant me faire emmener par le messager du Serpent. D'ailleurs pas un n'a bronché quand je les ai regardé du coin de l’œil qui signifiait "Bougez pas je reviens." Une confiance inouïe. Je n'ai pas l'habitude.
   Bref, nous nous sommes retrouvés, nous avons repris contact avec les cartels de Ramil et Mahmet, nous avons convaincu leur chefs de continuer le plan en les rassurant sur la tournure des négociations.

   Nous avons suivi le sergent Badir jusqu'à une rue commerçante alors qu'il était en pause. Les hommes du Serpent nous ont rejoins également... Au milieu d'eux : Abel et une femme. Une grande perche au teint halé, au visage à demi-caché par un voile et un manteau fin sur les épaules pour se protéger du soleil. Lorsqu'elle s'approcha de la cible en donnant une tape sur l'épaule du blondinet, je compris aussitôt. Elle était le Serpent de Dentelles.
   La dame salua le sergent qui mit un temps avant de la reconnaître et de lui sourire. Ils partirent ensemble vers une taverne. Badir ne vit pas Abel en retrait avec les autres hommes du Serpent. Ces derniers entrèrent à leur tour et notre groupe se rapprocha.

   Une fois proches de l'entrée, nous fîmes irruption avant que la femme ne puisse s'en prendre au sergent et braquèrent nos armes dans leur direction. Une fois neutralisés, nous les emmenâmes là où tout avait commencé : chez Ahmed Ibn Saïd.
   Une fois là-bas, plusieurs têtes volèrent. Il ne restait alors plus que moi, Abel, le sergent rendu inconscient par quelques drogues, le Serpent, Ahmed et le chef du cartel de Mahmet. Sans compter quelques sbires tout autour.
   Nous obtînmes le nom de la cheffe du réseau d'information : Aïssa Amon Het, lieutenant-colonel au sein de la Quatrième Division à hinu Town, originaire de GrandLine.

   Tout allait pour le mieux, Ahmed se délectait de sa victoire et osa approcher son visage de la maîtresse du cartel secret des Wraiths. Mal lui en prit.
   Sous nos yeux ébahis, le corps d'Aïssa changea du tout au tout. Ses belles courbes ondulèrent jusqu'à n'être plus qu'un tronc luisant et écaillé, son cou s'allongea et ses bras disparurent. Deux crochets jaillirent de sa gueule déformée, ainsi qu'une langue fourchue. Ses yeux jaunes brillaient d'une intensité féroce. Son surnom était mérité : de femme, elle était passée à serpent.
   Et ses crochets vinrent se ficher dans l'épaule d'Ahmed Ibn Saïd, lequel poussa un cri de douleur et tenta de se libérer, resserrant la prise du reptile. Ce fut alors le chaos.

   Certains sbires présents sortirent leurs armes et éliminèrent les hommes de Ramil et Mahmet. Les deux chefs périrent et, au moment où je voulus agir, Abel plaqua son arme contre ma tempe, le sourire au lèvre.

   C'est pourquoi je me retrouve là, enfermé dans une cellule miteuse au fond de la cave d'une cache du Serpent de Dentelles. Abel s'est foutu de ma gueule parce que cela l'amusait et aucun de mes hommes n'était au courant, puisque non convié à la petite sauterie d'Ahmed.
   Je suis donc assis comme un con depuis quelques heures à attendre de savoir ce qu'on me réserve. Ça m'ennuie.
   Pire : ça m'énerve.

- ABEL ! BOUGE TON CUL ET VIENS LA ! FAUT QU'ON CAUSE ! SOMBRE MERDE !

   Avec un peu d'efforts, je pourrai certainement tordre ces barreaux rouillés face à moi, mais à quoi cela me servirait ? Je n'ai plus mes armes sur moi et il doit y avoir une tripotée d'enfoirés entre ma gueule et la sortie.
   Pour l'instant, je ne veux qu'une seule chose : déverser un flot d'immondices sur le visage répugnant de ce maudit rat.

   Le rongeur se ramène, sifflotant nonchalamment dans ma direction :

- Alors Dorian ? Apprécies-tu la fraîcheur des lieux ? C'est quand même meilleur que de marcher dehors, non ?
- Ferme ta gueule et sors-moi d'là que j't'étripe.
- Allons, sois pas comme ça ! Je voulais te remercier de ta contribution ! Grâce à toi, j'ai pu m'attirer la confiance de mon patron et le rencontrer en personne !
- Connard.
- Maintenant, me voilà promu ! Et en plus, le sergent Badir n'a pas pas compris qui sa collègue était réellement. Ce qui veut dire que ma future mission est toujours d'actualité !
- Sac à merde !
- Je vais pouvoir quitter ce maudit trou ! Un grand merci à toi, Dorian... D'ailleurs dis-moi : tu comptes toujours chercher misère au Serpent ?
- J'ai surtout envie d'te liquider là tout d'suite !
- Quel est ton but ?

   Je bondis dans sa direction et m'accroche aux barreaux, le faisant reculer d'un pas, par réflexe. Mes yeux ne reflètent rien, sauf mon envie de le buter. La folie qui l'anime posément contraste avec la rage destructrice qui m'habite. Mais c'est bizarrement cette singularité entre nous qui me fait répondre :

- Une fois que je t'aurais liquidé, que je serai sorti d'ici et que j'aurais obtenu ce que je suis venu chercher, je partirai vers GrandLine. Là-bas j'obtiendrai la force qu'il me manque. Et je deviendrai Roi.
- Roi ?

   Nous restons muets quelques temps. Le silence entre nous est dérangé par le souffle puissant de mes naseaux. Je canalise ma haine. Mon psy m'a dit d'apprendre à bien respirer pour garder les idées claires... Avant que je ne le tue. Par principe.
   J'ai horreur des psys. Ils se la racontent beaucoup trop.

- Un "Roi" tu dis...

   Abel pose un doigt sur sa lèvre inférieure. Il fait semblant de réfléchir. il se fout de ma gueule. La veine sur mon front palpite. Je m'apprête à sortir de ma cage en force et à l'étrangler, mais il finit par ajouter :

- Bon eh bien sors.
- ... Quoi ?

   Et le voilà qui sort une clé de sa poche et qu'il m'ouvre la porte.

- Attend.. Qu'est-ce que tu fous là ?!
- Bah ça se voit non ? Je te libère.
- Ouais j'vois ça mais... Hein ?! C'est quoi c'bordel ?

   Il m'invite à sortir. Ce que je fais, traînant la patte, méfiant et l'air ahuri.

- Je te l'ai dit, non ? J'aime faire ce qui me chante. Si c'est amusant, alors je suis le mouvement ! Toi Dorian, tu es intéressant. Je suis sûr qu'avec toi les choses risquent de devenir... Très plaisantes !
- Mais attend... Et ma vengeance ?!
- Ta quoi ?
- J'étais censé te foutre une rouste ! Pour m'sentir mieux ! Et parce que tu l'mérites et puis... Merde ! C'est d'la triche ! J'fais quoi moi maint'nant ?!
- Bah sors. Dehors je pense que tu pourras te déchaîner à ta guise. Ah ! Tes armes sont là, dans la caisse après cette porte au fond du couloir. Il y a le sergent également. Mais je m'en occupe. Une fois que tu seras sorti d'ici, pars récupérer ta petite bande et rejoignez-nous dès que possible au port d'Attalia.
- Et pourquoi ça ?
- Parce que je suis censé quitter les lieux dans la soirée en tant que secrétaire d'état. Tu te souviens ? Impossible de repousser l'heure. Tant pis pour la santé mentale du sergent.
- Parle pour toi...
- Bon allez va-t-en de là. Je me débrouille de mon côté. Tu marches toujours partenaire ?

   Et comme précédemment, il me tend la main en espérant que je la sers. Je la regarde. Je le regarde. Je la reluque derechef. Il me sourit. C'est la fois de trop. Je prend mon élan et lui en colle une. Il s'étale par terre de tout son long et je lui agrippe la gorge, à genou sur son estomac :

- Partenaire tu dis ? N'y compte pas trop après ce que t'as osé m'faire. Puisque tu m'laisses sortir, j'te laisse la vie sauve. Mais si tu tiens vraiment à ce qu'on fasse route ensemble, alors sache que c'est moi qui décide. T'veux quitter ton patron ? Tu vas voir qui est le maître ici, petite frappe. J'vais plus te lâcher. J'vais t'obliger à m'coller aux basques aussi longtemps que ça m'chante et tu vas servir mes projets afin que j'accomplisse ma destinée et que j'monte sur le trône. Sommes-nous d'accord ?

   Abel crache du sang par terre et tente de me fixer dans les yeux, non sans mal. Au bout d'un moment, il finit par cesser de trembler et affiche un rictus moqueur... Moins irritant que les autres cependant :

- Comme c'est déplaisant.

   Nous sommes donc d'accord.

[...]

   Je m'apprête à quitter l'endroit. J'ai ramassé mon attirail, collé quelques beignes, égorgé deux-trois gardes-fous récalcitrants et déboîté la mâchoire d'au moins cinq types un peu moins maladroits. Je n'ai pas le temps d'admirer le paysage. Y a du rouge, du jaune, du brun et un peu de verdure pour agrémenter les lieux. Rien de bien folichon, si ce n'est les quelques danseuses du ventre qui piaillent en me voyant déferler telle une bourrasque.
   Ma main est à seulement quelques centimètres de la porte de sortie quand un truc froid et légèrement visqueux vient s'enrouler autour de ma gorge et me tire en arrière. Je chois lamentablement, le souffle à moitié coupé et me sens aussitôt en danger : un immense mamba noir se dresse dans mon dos et se prépare à me mordre.
   Je sors mon couteau et le plante dans la membrane écailleuse autour de mon cou, ce qui contraint la bête à siffler de douleur et à me libérer de son emprise.

   Je me relève et fait face à mon adversaire : une foutue zoan, cheffe incontestée de l'information et de la tuerie dans l'ombre de Hinu Town et de ses alentours. Je n'ai rien contre les reptiles, mais celui-ci ne donne guère envie de l'apprivoiser. Ses bras sont toujours apparents. Sa transformation est incomplète. Son côté hybride prend la parole :

- Tu penses pouvoir m'échapper, après avoir failli détruire tout ce que je me suis évertuée à créer ?
- Oh t'sais, à la base j'étais juste venu comme client. Mais les choses ont pris une tournure un poil merdique et voilà où on en est. M'en veux pas trop.
- Tssss ! Tu en sais déjà trop.
- Ouais mais c'pas vraiment c'que j'voulais.
- Tu vas mourir ici !
- Garde ton sang-froid. Tu s'rais moins moche à r'garder.

    C'est au moment où elle comprend que je me fous de sa gueule qu'elle se met à frétiller de la queue et me bondit dessus. Ce combat de dernière minute attise mon excitation.
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J'ai jamais compris le dégoût des gens pour les reptiles. Surtout du point de vue de ces femelles adoratrices de peluches à léchouille... Ces mêmes mijaurées qui supportent mal la vue d'un seul petit poil sur leur corps pas si parfait. Incompréhensible.
   Je reconnais tout de même que mon adversaire n'a rien d'attirant sous cette apparence : un visage allongé, des pupilles fendues, une langue fourchue, des écailles plein les bras et presque plus de sein ! Tout dans sa physionomie est faite pour fondre sur sa proie, vite de préférence. L'esthétique en moins. Mais là dans le feu de l'action, alors que je risque à tout moment de me faire mordre et étrangler : j'en ai rien à carrer.

   J'ai l'impression d'avoir devant moi le kit du parfait petit masochiste prêt à l'emploi. Il y a la peau huileuse, les dents pointues et l'attirail de bondage. Et le pire, c'est qu'elle s'en sert aussi comme d'un fouet !
   J'esquive un coup de queue, lequel décroche un pan de mur. Les écailles, ça rend solide mine de rien ! Je suis tout de même heureux de ne pas avoir eu affaire à un crocodile : mon couteau l'aurait à peine éraflé.
   Je ne peux pas me servir d'Argument, mon bâton. Tout ce que je peux faire, c'est suivre le rythme et attendre le bon moment pour contre-attaquer. Malheureusement, que ce soit en terme de puissance pure, de portée ou de moyens à disposition, je suis moins bien loti sur ce coup. Ma fierté en tant qu'homme en prend un coup. Et elle continue d'allonger et d'agiter son membre sous mes yeux, comme pour me narguer.

- Je plains ton futur p'tit copain...
- Sssilence !

   Cette fois, l'attaque est trop brusque : le voyant venir, j'esquive le coup et le regarde briser une chaise. L'élan qu'Aïssa y a mis la freine pour se rétracter. J'en profite pour en aplatir le bout sous mon pied, lui valant un nouveau cri. Ce n'est pas tellement douloureux, mais ça suffit à l'énerver davantage.
   Elle se libère et manque de me faire perdre l'équilibre. Elle enroule sa queue sous son buste et dégaine deux lames courbes. Je me prépare. Elle arrive.

   Le haut de son corps est littéralement projeté contre moi tandis qu'elle fend l'air de ses armes. Je recule pour éviter de me faire lacérer et parvient à parer un deuxième assaut. Prête à tout pour porter un coup, la bête s'acharne à frapper devant elle, presque à l'aveugle. A mieux y regarder, elle ne tente même pas d'atteindre mes points vitaux... En observant plus en détail, je remarque quelque chose sur les lames qu'elle utilise :

- Du poison. La garce !

   La femme-serpent sourit et le nouveau danger que représente ses dagues me fait paniquer l'espace d'un instant, si bien que mes mouvements se font beaucoup plus fuyants. Et puisque je ne prend plus de risque, elle s'en donne à cœur joie et augmente sa vitesse de frappe.
   Échapper à quatre crochets tout en arborant piteusement mon couteau... Mon excitation a perdu en intensité, tandis que prennent le relais prudence et frustration. Ce combat est palpitant, mais pas dans le sens que je l'entendais. Et ça me gonfle !
   De son côté, mon ennemie prend son pied. Elle siffle et remue avec tant d'intensité que je manque plusieurs fois de me faire tailler la panse. Ça me gonfle !

- Meurs. Meurs ! MEURS !

   Je bondis sur le côté et la table qui se trouvait derrière moi vole en éclat. J'ai pu me sortir un temps de son cycle d'attaques. Maintenant que je me suis habitué à son rythme, je vais sans doute pouvoir...

   FUUUUT !

   J'esquive encore par réflexe. Cette saleté de bestiole vient encore de me bondir dessus, lames en croix. La veine sur mon front palpite. Je suis frustré, je suis obligé de m'en protéger et elle s'amuse à changer de style ! Ça me gonfle !
   Et le pire c'est qu'elle continue ! Le tout en souriant d'un air mauvais - du moins c'est ce que je crois - et en tentant de me couper, peu importe l'endroit ! Le Serpent de Dentelles réitère trois fois la chose, que ce soit en tournoyant sur elle-même ou en feintant. Elle joue clairement avec moi. Elle n'a pas l'air de fatiguer... Je ne sais pas exactement ce que lui apporte sa métamorphose, si ce n'est une vitesse désarmante. En plus d'être moins jolie à regarder. Je n'y prend vraiment aucun plaisir. Et le prochain coup arrive déjà...

- PUTAIN CA ME GONFLE !

   J'ai craqué.
   M'entendre brailler d'un coup l'a surpris, si bien qu'au moment de me toucher, son bras s'est raidi et j'ai pu dévier l'arme et frapper à mon tour. Mon poing, en attente depuis le début des hostilités, se remplit de toute ma colère du moment avant de terminer sa course sur la joue de mon adversaire.
   Le choc est rude. Ses yeux se révulsent alors que son corps repart aussi vite qu'il est arrivé dans la direction opposée, avant de s'encastrer dans la porte d'accès aux sous-sols. Je souffle comme un taureau enragé. J'ai un coup de chaud et je vois rouge ! Elle m'a vraiment énervé. Je compte bien lui faire payer.

   Je m'approche de l'embrasure et l'entend tousser en contrebas, au milieu des débris et de la poussière. Une de ses dagues est à mes pieds. Je l'écarte du pied et descend la rejoindre en serrant la mâchoire pour éviter de cracher sur le reptile la montagne de saloperies qui me vient en tête.
   Je la vois bouger son bras... Puis jeter quelque chose sur moi. Je m'écarte aussitôt et aperçois une fiole qui s'en va s'écraser contre les marches plus haut. Le liquide qui en jaillit a une couleur peu avenante et fait des bulles sur le grès. J'espère que c'était la seule qu'elle avait... Vu la tronche qu'elle tire en me retournant, je comprend que oui. Je m'approche encore, triturant mon couteau dans tous les sens tant l'envie de l'enfoncer quelque part me démange. Tout à coup j'ai très envie de sang.
   Elle se redresse et cherche à m'atteindre avec son autre lame. Je m'y attendais : au lieu de simplement l'éviter, je fend l'air en même temps qu'elle et parvient à lui entailler l'avant-bras, l'obligeant à lâcher son arme. J'ai clairement vu sa gueule s'ouvrir au moment de l'attaque : si j'avais esquivé ou paré, elle aurait directement tenté de me mordre et, dans un couloir fait de marches, impossible d'échapper à sa morsure.

   La douleur l'a empêché d'agir et le sang qui coule de sa plaie vient mêler son odeur à celle de notre entourage. Je commence enfin à reprendre mes esprits. Mais le désir de jouer monte drastiquement. Pourtant je ne peux pas me permettre de...

- Rhaa !

   Elle ne lâche pas l'affaire. Je suis obligé de placer mon couteau entre moi et ses crocs pour éviter la dose létale. Nous restons ainsi, à tenir la position pendant quelques secondes avant que je la sente faiblir... Ou plutôt...
   Trop tard : sa queue s'est faufilé entre mes jambes et voilà qu'elle est remontée jusqu'à ma nuque. Elle manque de me faire trébucher et s'enroule autour de ma gorge tandis que son visage s'écarte du mien. Je lâche mon couteau sous la surprise et commence à tenter de me libérer. Mais rien à faire : mes doigts glissent sur la surface et les seules prises que j'ai ne me permettent pas d'égaler sa force de constriction.
   Plus qu'une chose à faire alors..
   Je l'agrippe par la gorge et la pousse contre le mur. Nous sommes maintenant deux à tenter de nous étrangler l'un l'autre. Ô joie des sadiques pratiquant la strangulation pour atteindre l'excitation suprême... Encore un vice que je ne comprend pas. Je reste quelqu'un de simple avec des goûts simples. Une bonne bourre et une claque sur le derrière sans discute ni mauvais tripe. Encore mieux si la belle est vierge : tous les plaisirs sont comblés ! Au moins pour ma part...

   Mais je divague.
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La pression autour de ma gorge empêche à la moindre particule d'air de passer. Incapable de déglutir, je commence à saliver abondamment. Et si l'air ne rentre pas, il ne sort pas non plus : je ne peux même pas lui cracher à la figure.
   Aïssa tire la même tronche impuissante que moi, ses ongles plantés dans mes avant-bras à tenter de me faire lâcher prise. Mais je refuse de me laisser faire. Le reste de son corps s'agite pour me faire perdre pied. Collée contre le mur, elle lutte pour la victoire. Et c'est là qu'elle décide de profiter de sa nature reptilienne : je la sers déjà aussi fort que je peux, mais de son côté... Sa queue se contracte davantage. Je n'ai plus d'air et j'ai mal. Très mal !
   Elle cherche à me broyer.

   CRAC !

   J'ai la rage. Je ne compte pas mourir ici, dans les bras d'une femme-serpent avec laquelle je n'ai même pas pu jouer ! Je la tire vers moi et abat l'arrière de son crâne contre le mur. Le choc la déstabilise, la pression diminue, une infime goulée d'air survient et m'empêche de tourner de l’œil. Puis l'enfer reprend.
   Je recommence, en espérant frapper suffisamment fort contre la paroi rocheuse pour qu'elle cède. Chaque impact lui fait perdre contenance et me libère au moins un chouïa de son emprise. Je m'acharne ainsi à l'étrangler et à l'assommer. Têtue, elle tient bon. Ses yeux deviennent hagards et ses forces la quittent peu à peu, mais elle ne me lâche d'aucune manière. J'en viendrai presque à respecter sa ténacité si je ne risquai pas moi-même d'y passer.

   Quelque chose de chaud coule sur mes doigts. Du sang suinte davantage à chaque coup porté contre le mur. Ses bras ont cessé de me griffer et son corps de s'agiter. Seul son appendice inférieure reste enroulé autour de mon cou. Mais je n'y sens presque plus aucune volonté, alors que je reprend mes esprits et mon souffle.
   Et je passe une main entre ses écailles et ma peau pour me défaire de son lien.
   Et finalement je la lâche.

   Elle choit misérablement à mes pieds et glisse de quelques marches. Elle tousse et halète, comme si elle avait quelque chose de coincer près de la glotte. Celle-ci, à peine visible de base, est enfoncée plus en profondeur et de vilaines marques colorent la peau tout autour.
   Sous mes yeux, le Serpent de Dentelles reprend peu à peu forme humaine, pâle et transpirante comme une déficiente immunitaire en période de gastro. Elle vient d'échapper à la mort. On peut clairement appeler ça des sueurs froides !
   Blague à part, je me penche vers elle en ramassant mon couteau.

- Ha... C'est fini ma belle... Ha... Pfiou ! J'avais pas sué comme ça d'puis ma dernière ribaude ! Et ça fait un bail j'peux te l'assurer !
- Ha... Tss... Espèce de...
- Fais attention à c'que tu dis. T'es plus en état pour m'tenir tête là tout d'suite.

   Je menace de l'égorger, elle cesse de remuer les lèvres. Elle tremble encore un peu, mais c'est surtout une réaction du corps pour s'assurer de son contrôle total de mouvements suite au manque d'oxygène. Je soupire :

- T'sais quoi ? J'saurais même plus t'dire exactement comment on en est arrivé là. Au départ j'étais seul'ment venu pour des infos.
- Et ça méritait... Ha... Tout ce qu'il s'est passé ?!
- Non. Mais les choses ont fait que... Enfin bon, pas la peine que j'm'excuse. C'qui est fait est fait. Et j'avoue que connaître ta vraie identité était tentante.
- Enflure...
- Allons ! J'suis sympa quand on m'en laisse l'occasion. Regarde : j'te laisse la vie sauve ! En échange, j'ai juste besoin de récupérer les infos que j'étais venu chercher.
- ... Quel genre d'informations ?

   Je souris toutes dents dehors :

- J'veux les secrets inavouables d'un dirigeant. N'importe lequel.
- Rien que ça ?! Et tu espères que je possède ce genre de renseignements ?
- Je n'espère pas : j'en suis convaincu !
- Tu es bien trop sûr de toi.
- Et toi tu m'sous-estimes. Ça m'ennuie un peu... J'vais devoir t'abîmer si ça continue.
- ...
- Alors ?
- ... Prend la clé à ma ceinture, elle ouvre la porte de mon bureau à l'étage. Tu trouveras tout ce que tu souhaites dans le tiroir le plus à droite de mon armoire. Cela concerne une famille régente...
- Parfait !
- Mais elle n'appartient pas aux Blues.
- Oh ? Voilà qui est encore plus intéressant. Sur ce... J'te laisse ! Merci pour ça. J'promets de rien révéler à ton sujet. Après tout, j'pourrais bien revenir te voir à l'occasion. On pourrait finir par s'entendre qui sait ?
- Plutôt crever.
- Tséhéhéhéhé ! Laisse-moi donc ce privilège. A la revoyure !

   Je prend la clé et me redresse, fier de moi. Aïssa me regarde d'un air de défi, faible et toujours aussi dangereuse... Elle sait que je ne baisse pas ma garde : elle peut se métamorphoser sans avoir à se soucier de son état de fatigue, j'en suis presque convaincu. Depuis peu, j'ai décidé de me montrer encore plus prudent que d'habitude. En partie grâce à elle.
   Et grâce à une autre bestiole.

[...]


- Alors ? Prêt à partir ?

   J'ai fini par rejoindre Abel et le sergent Badir avec mes hommes. La demi-journée à dos de chameau, ça finit de vous démonter le derrière après maintes péripéties, mais savoir que je vais quitter cette île me remonte le moral.
   Non, mieux : savoir que je vais me diriger vers GrandLine me motive à continuer la route sans m'arrêter ! Après tout, je me rapproche pas à pas de mon but. J'ai trouvé la plupart des engrenages dont j'ai besoin pour faire fonctionner le tout. Ne me reste plus que quelques pièces pour assembler la machine et le moteur se mettra enfin en route. Après cela, plus rien ne pourra l'arrêter.
   Plus rien ne pourra m'arrêter.

- On peut y aller.
- Un instant ! Qui sont ces hommes, Monsieur ?

   Le sergent s'adresse ainsi à un Abel Denuy vêtu d'un costard hyper formel qui le rend presque convaincant à mes yeux. Il a bien le regard fourbe de ces politiciens et bureaucrates impertinents et orgueilleux à souhait. Il nous pointe du doigt, mes hommes et moi.

- Ce sont des hommes que j'ai engagé pour la traversée, bien entendu.
- Mais... C'est moi qui suit chargé de votre sécurité, jusqu'à ce qu'on arrive sur Grand...
- Je ne remets pas en question vos compétences sergent ! Mais j'estime que la confiance et la prudence sont deux choses différentes. Et certains d'entre eux sont originaires de là-bas. Autant les ramener chez eux.

   Il est vrai que parmi les esclaves sous mes ordres, certains sont d'origines différentes. Couleur de peau, de cheveux, style... Autant de facteurs qui rendent le mensonge valable. Il enchaîne :

- N'oubliez pas votre grade. C'est une chance que la Quatrième Division soit spécialisée dans la formation : les recrues qui passent entre vos mains sont destinées à quitter l'île un jour où l'autre. Sauf les officiers de faction, comme vous. Si vous m'accompagnez, c'est très certainement que vos supérieurs peuvent se passer de vous ici. Du moins pendant un temps.

   La fierté qui en prend un coup... J'aurais détesté être à sa place. Les yeux baissés, le sergent Badir marmonne quelques excuses avant de nous laisser intégrer l'équipage. Nous nous retrouvons sur l'un des navires de la Marine, fraîchement arrivé de Hinu Port à la capitale. Pour des raisons de manœuvre et pour éviter les regards curieux de la cité, il avait été décidé que l'embarquement se ferait sur la côte plutôt que dans les terres.
   Abel me rejoint et me tape discrètement sur l'épaule :

- Alors ? Tu t'en es tiré facilement ?
- Disons qu'après c'que j'ai vu, j'pense que quitter ta patronne est pas une si mauvaise idée.
- Bravo pour avoir survécu !
- Pas grâce à toi !
- Et tu as trouvé ce que tu voulais ?
- Eh bien... Oui. Des informations très intéressantes ! J'ai hâte de m'en servir.
- Quel genre renseignements ?

   Je lui souris, aussi sincère que malsain :

- C'est un secret.
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   Une défaite ?
   La défaite hein... Est-ce vraiment le fin mot de l'histoire ? Les Wraiths ont-ils été déchus de leur place à cause d'un seul type ? Une mauvaise rencontre due au hasard ? Doit-on s'arrêter là ?
   Doit-on s'avouer vaincu ?

   Non.
   Bien sûr que non.

   Le Cartel des Wraiths est désormais le seul à être suffisamment influent dans le domaine de l'information et des disparitions "accidentelles". Ramil est fini, Mahmet également. Les autres ne valent pas grand chose en comparaison. Il n'y a qu'une seule chose à faire maintenant : remonter.
   Se redresser et ainsi prouver que rien n'entache la réputation du Serpent de Dentelles. Personne n'en saura jamais rien, mais Moi je le saurai. C'est bien assez.
   Cela suffira à me faire avancer.

   Dorian va payer pour ce qu'il a fait. Hors de question de le laisser gagnant, oh que non ! Moi vivante, jamais.
   Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. JAMAIS !
   Je veux qu'il disparaisse, lui et ce qu'il sait. L'effacer de ce monde pour faire comme s'il n'avait jamais existé ! Et avec cette motivation nouvelle, je vais m'élever. Il doit bien y avoir encore quelques faibles âmes à rallier. Des gens seuls, dans leur vie ou dans leur tête, qui souhaiteront faire partie d'un tout.
   Pourquoi pas... Un riche commerçant ? Pourquoi pas un noble ?

   Pourquoi pas un roi ?

   En attendant, il faut nettoyer toute la saleté qu'il a déposé sur son passage. Sauver les apparences. Réunir du monde. Mais avant tout, il faut l'éliminer avant qu'il ne soit hors d'atteinte.
   Et puisque je lui ai donné une direction à suivre, je sais déjà où le trouver.
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