Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le coffret Collection Alakazam-ex ?
Voir le deal

Main basse sur le ring

Les rames poussaient lentement la barque vers l’embarcadère. Les six hommes à son bord étaient à bout de force après plusieurs jours de navigation. William synchronisait ses mouvements sur la cadence générale. C'est lui qui avait donné l'ordre de rallier Las Camp. Ils ne tarderaient pas à toucher à leur but. Le jeune homme avait en tête de recruter de nouveaux hommes pour l'équipage et de se procurer de quoi réparer le Vestan, qui avait souffert de dommages terribles en mer. Le capitaine en devenir avait voulu attendre la nuit pour poser un pied à terre, dans un port annexe, proche des bas-quartiers de la ville. L'embarcation finit enfin par toucher le ponton et ils se dépêchèrent de l'amarrer. Déjà un homme sortait de la capitainerie. Le jeune artilleur interpella Tubbs, l'un de ses hommes les plus fidèles pour aller au devant et payer la taxe avec les économies qu'ils avaient emporté. Ils descendirent du bateau pendant que le flibustier s'acquittait des formalités. William ne voulait pas faire de remous avant d'être à bord de son navire. Il regarda les trois anciens soldats de la Marine qu'ils avaient capturé pendant l'affrontement naval. Il les avait emporté à ses côtés pour garder un œil attentif sur eux. Il voulait les tester en utilisant leur connaissance de l'île pour satisfaire ses désirs. L'officier de ponton finit par s'éloigner et le jeune homme s'adressa à ses hommes.

"Tubbs, tu fermes la marche avec Boris. Moi j'ouvre le pas avec le meneur de bande."

"Bien capitaine."

L'ancien soldat réprima un soupir et le jeune artilleur ne releva pas. Ils semblaient bien indisciplinés pour des anciens militaires. Ils répondaient respectivement aux noms de Grith, représentant officiel des traîtres, Bunes et Santos. Ils suivirent leur chef qui commençait à s'aventurer dans les rues de Las Camp. Depuis que la ville avait été pacifiée, le pavé avait retrouvé une certaine animation, même dans les quartiers les plus défavorisés. Il faudrait s'enfoncer profondément pour trouver la vermine qui se terrait sur l'île.

"Grith, ouvre le chemin. Emmène moi là où je peux trouver des hommes."

"Bien sûr, capitaine."

La docilité de l'ancienne mouette fit aussi bien tiquer le jeune homme que ses homologues. Ils se contentèrent néanmoins de bêtement suivre la troupe alors qu'elle s'engageait au milieu des habitations. Les stigmates des affrontements étaient encore visibles. Des bâtiments étaient encore en pleine reconstruction et des impacts de balles marquaient certaines façade. Le traumatisme n'étant pas loin, il valait mieux ne pas faire trop de vagues. Ils s'enfoncèrent plus profondément dans les quartiers et les passants se firent de plus en plus rares. L'atmosphère malsaine semblait s’intensifier à mesure qu'ils progressaient. Ils finirent par déboucher sur une place de taille modeste. Des magasins occupaient un côté de la rue, tandis qu'une petite fontaine trônait au centre de l'endroit. William remarqua immédiatement le groupe de personnes qui discutaient devant l'entrée de ce qui semblait être un entrepôt. Les pirates s'approchèrent doucement, convaincus que leurs interlocuteurs se trouvaient en face d'eux.

"Paraîtrait qu'le Sozen est de nouveau sur pieds!"

"L'a bien foutu l'bordel par ici c'ui là!"

"Me l'fais pas... Hé, qu'est-ce qu'vous foutez là vous?"

Les hommes qui montaient la garde près de l'entrepôt n'avaient pas tardé à remarquer la présence du groupe. Voulant s'introduire, William s'avança de quelques centimètres. Des armes jaillirent des manteaux de tout les malfrats qui se trouvaient à proximité. Le jeune artilleur ne poussa pas sur sa chance et s'arrêta d'avancer. Il jeta un regard à l'adresse de Grith, qui ne pouvait pas contenir son air sarcastique en voyant la haine apparaître sur le visage du jeune homme.

"V'z'êtes qui d'abord?!"

"Ferraille. Pas besoin d'en dire plus."

Les deux vigiles se regardèrent et partirent dans un fou rire. Le temps qu'ils se calment, un homme avait surgi du groupe, encore en pleine discussion quelques minutes plus tôt. Le port droit, de vieilles cicatrices émaillant son visage. Il dégageait une aura qui éclipsait immédiatement celle des autres larbins. Les anciens soldats tressaillirent en voyant ce nouvel arrivant. William comprit alors quelle manigance avait pu être jouée. C'était prévisible, il avait pris ce risque en les emmenant comme guide.

"Ferraille? C'est pitoyable comme nom. Tes parents manquaient d'inspiration, jeune homme?"

Le jeune homme serra doucement ses poings. Déjà le dogue donnait ses ordres pour encercler la troupe de flibustiers. Tubbs et Borris restaient en état d'alerte. Mais sans armes à feu, ils ne faisaient pas le poids contre leurs antagonistes. William se donna donc la peine de répondre. Mieux valait éviter l'affrontement frontal et privilégier la diplomacie.

"C'est le nom du capitaine des Poudres Rouges. Je cherche des hommes et du matériel pour réparer mon navire. J'imagine à votre réaction que vous trempez dans le crime. On peut probablement trouver un terrain d'entente?"

"Pirates? Révolutionnaires? Ou juste des pouilleux qui se sont attaqués à plus gros qu'eux? Vous pensez que vous pouvez faire affaire avec monsieur Van Dongen comme ça?"

Van Dongen? William n'avait jamais entendu ce nom. Sûrement une pointure locale, qui dominait une certaine partie du marché illégal sur l'île. Probablement sous une couverture légale ou avec l'association des soldats de la Marine. La corruption avait eu tendance à se généraliser dans les rangs de l'institution au cours des dernières années. Il voulut tirer son épingle du jeu, essayant de se sortir de la situation dans laquelle les anciennes mouettes l'avaient mise. Il montra la mallette remplie de berries qu'il portait avec lui depuis son arrivée sur Las Camp.

"Dix millions de berries, pour les hommes et le matériel. C'est tout ce que j'ai à vous offrir.

L'homme de main haussa un sourcil en entendant la somme que contenait prétendument la valise. C'était une sacrée somme dans les mains d'un gueux. Il réfléchit rapidement à un moyen de récupérer cet argent avec le meilleur taux de profit. Oui, ils conviendraient parfaitement à la tâche.

"Je ne peux pas te faire confiance comme ça. Je suis Bartholoméo Rubben, c'est moi qui trempe les mains dans le linge sale et qui estime si on peut faire confiance aux crasseux qui se pointent ou pas. Tu as un moyen simple et efficace de gagner ma confiance, en respectant certaines conditions. Les combats clandestins."


Dernière édition par William Burgh le Mer 13 Jan 2021 - 1:17, édité 1 fois
    Il ne fallut pas longtemps aux hommes de Ruben pour passer les fers aux poignets des hommes de William. Il se sentait idiot d'avoir suivi les anciens marins et il n'avait pas forcément tort. Tubbs et Boris restèrent stoïque. Ils en avaient vu passer, des crapules de ce genre-là. Les trois ex-soldats, en revanche, avaient perdu de leur contenance. Ils ne s'attendaient probablement pas à faire partie du marché. Les malabars qui encadraient le second de Von Dongen leur couvrirent la tête et les emportèrent avec eux sans plus tarder. Rubben jubilait presque. Une bande de pigeon s'était jeté dans ses bras, sans qu'il ait eu besoin de faire quoi que ce soit Il se tourna vers celui qu'il connaissait simplement sous le nom de Ferraille.

    "J'aime prendre des garanties."

    Ils masquèrent également la vue des flibustiers et les emportèrent à leur tour. On les fit marcher pendant quelques dizaines de minutes. William était bien incapable de se repérer et c'était d'ailleurs là tout le but de la manœuvre. Il employa ce temps à réfléchir à la situation. Rubben n'était pas le genre d'homme qu'on dupait facilement. L'artilleur devrait suivre ses directives pour échapper au plus vite à son emprise. Encore qu'il n'était pas sûr que la promesse serait tenue. Dans ce cas de figure-là, il n'hésiterait pas à employer la force pour obtenir ce qu'il désirait. Mais pour l'instant, il allait se contenter de jouer dans les règles. Pour autant qu'on puisse appeler ça comme ça.

    "Foutez la feraille à l'écart. Il se bat demain."

    William sentit une main l'attraper par les vêtements et on le jeta au sol sans plus de cérémonie. Il sentit quelqu'un s'approcher mais il ne se braqua pas. Le mafieux arracha le sac de jute qui lui recouvrait la tête et le fixa avec un regard dur. Il était agenouillé au dessus du jeune homme qui ne tiquait pas. T'es pas le premier à te croire au-dessus de moi, mon vieux.

    "A partir de maintenant, tu vas fermer ta grande gueule et tu vas faire ce qu'on te dit. Montre-toi docile et on t'accordera peut-être des choses."

    Il se releva et sortit de la cellule d'un pas assuré. La pièce était plus grande que celle qu'avait occupé le jeune homme durant ses péripéties au sein de la Flaque. Il n'allait certainement pas se plaindre du manque de confort. Il se leva et se dépoussiéra, avant de s'allonger sur sa couche. Il n'avait pas reçu de consignes pour le lendemain. Il supposa qu'on voulait voir ce qu'il avait dans le ventre avant de mettre des pièces sur son dos. Il s'endormit la conscience tranquille, ses tournées pensées vers Sariah, qui l'attendait tranquillement avec le reste de l'équipage.

    "Allez debout!"

    Un seau d'eau accompagna les paroles. Surpris par ce réveil brutal, William se dressa comme un piquet sur son matelas. Le garde ricana et ouvrit la porte, son gourdin à la main. L'artilleur n'aurait eu aucun mal à lui briser le bras et à récupérer l'arme. Il l'aurait probablement fait d'ailleurs s'il n'avait pas remis les choses en perspective. Il se laissa docilement accompagner au travers des couloirs de pierre. De l'eau filtrait ça et là entre les pierres, comme s'ils s'étaient trouvé sous une source. Des torches s’espaçaient de quelques mètres, fournissant une lumière ténue aux lieux. Au final, ils débouchèrent dans ce qui pouvait ressembler de plus près à une salle d'entraînement. Un ring modeste traînait au milieu de la pièce. Des sacs de frappe, occupés par des bourrins en manque de testostérone, pendaient aux solides poutres qui solidifiaient le plafond. Le garde qui accompagnait William le poussa vers deux hommes. Bartholoméo Rubben se tenait près d'un homme qui tenait tout du boxeur professionnel. La carrure, les cicatrices et la mine patibulaire.

    "C'est c'gars-là ton coup sûr Rubben?"

    "T'occupes Mick, il me dois des choses."

    "J'tai déjà dit de régler tes affaires hors de mon ring!"

    "C'est toi qui le paye, ton petit ring de merde, Mick?"

    L'entraîneur ne répondit pas, serrant les dents. Impassible, William patientait en les regardant. Mick fut le premier à se tourner vers lui. Rubben s'éloigna, satisfait d'avoir su imposer sa volonté. Le boxeur grogna plus qu'il ne parla au jeune homme.

    "T'attends quoi? Monte sur le ring!"

    L'artilleur ne se fit pas attendre et grimpa dans l'arène pendant que le coach appelait un de ses apprentis. Un homme d'une trentaine d'année, avec des épaules de charpentier et une gueule à repousser les morts. Ferraille ne sourcilla pas et lança un regard circulaire. Rubben attendait plus loin, son regard fixé sur lui. Je vais t'en donner à voir, t'ouvriras moins ta gueule. Son adversaire monta à son tour entre les cordes. On jeta des gants à William qui commença à les enfiler. C'est ce moment là que choisit son adversaire pour lui asséner un énorme coup de poing. Le jeune homme tomba sur ses fesses, rebondissant à peine sur le sol de bois.

    "J'vais l'découper vô't gars m'sieur Rubben!"

    "Ferme ta gueule Larry et concentre toi!"

    "Tu joues un peu au con, Larry."


    La gueule-de-mort se retourna aussitôt pour voir le poing de William s'écraser contre son nez. Un uppercut lui décrocha quelques dents et l'endormit plus efficacement que n'importe quel somnifère. Mick restait stupéfait sans en dévoiler trop. Le jeune homme fixa Rubben en enlevant ses gants. L'entraîneur se tourna à son tour vers le mafieux.

    "Celui-là, il va valoir de l'or."

    Dix millions, mon pote. Sans intérêt et sans frais supplémentaires. Le regard de l'artilleur se détourna alors pour se poser un peu plus loin. Un homme plus discret que Rubben se tenait dans son sillage. Il avait observé la scène avec une attention qui ne pouvait traduire qu'une seule chose: l'ambition.


    Dernière édition par William Burgh le Mar 12 Jan 2021 - 22:14, édité 1 fois
      Adrian Adamovicz?

      "Oui, c'est ça. C'est un sacré direct que vous avez-là, Ferraille."

      William jaugeait l'homme de main qui lui faisait face. Il l'avait arrêté sur le chemin alors qu'il rentrait au dortoir. On l'avait assigné à une chambre commune depuis qu'il avait mis Larry "Gueule-de-mort" hors course. Le charpentier ne risquait pas de remonter de sitôt sur un ring avec l'état de son nez et de sa mâchoire. Adamovizc l'avait donc pris à parti dans une remise qui leur laissait à peine la place de garder un périmètre de vital autour d'eux. Le jeune homme savait précisément où la discussion risquait d'aboutir.

      "Oubliez les ronds de jambe, Adamovizc. Dites-moi ce que vous voulez qu'on gagne du temps."


      La canaille marqua un temps d'arrêt, un peu décontenancé par l'aplomb de son interlocuteur. Il ne put retenir un sourire narquois. William gardait un visage tombal. Il ne faisait confiance à aucun de ces types. Ils n'étaient mus que par l'argent et le pouvoir. Et il ne put s'empêcher de remarquer qu'il ne pouvait pas vraiment les blâmer non plus.

      "La place de Rubben. C'est tout ce que je souhaite."

      "Evidement. Et qu'est-ce que j'y gagne moi?"

      "Je libère tes compagnons et je te vends les matériaux dont tu as besoin."

      William n'eut pas à réfléchir longtemps. La proposition venait d'un mafieux, il ne l'avait pas oublié. Il jeta un regard hors de la remise et Adamovizc interpréta ce geste comme un acte de prudence. L'artilleur ramena la tête à l'intérieur de la petite pièce et agrippa fermement le col du criminel en face de lui, le plaquant contre l'étagère en métal qui se trouvait derrière. L'autre eut un hoquet de surprise et ses yeux prirent une expression de panique. Le jeune homme se pencha à côté de son oreille.

      "Je vais être très clair, Adamovizc. Ne t'avises pas de me trahir sur ce coup-là, tu n'as pas idée de ce que je peux faire quand on me met en colère."

      L'autre ne répondit pas, toujours collé à son meuble. Après quelques secondes de réflexion, il attrapa le poignet de William et se dégagea de son emprise. Il essuya ses vêtements avant de lancer un regard noir au jeune homme. Ce dernier lui rendit un sourire narquois. Ce n'était pas une petite frappe en manque de galon qui allait l'impressionner. Il tourna la paume de ses mains en guise d'interrogation, un air d'impatience sur le visage. L'autre cracha sa réponse avec amertume.

      "T'as ma parole."

      "J'accorde pas de crédit à la parole d'un mafieux.

      William s'avança vers la porte avant de marquer un temps d'arrêt. Il voulait faire la plus grosse impression possible sur le sbire pour éviter de se faire suriner au prochain tournant qu'il prendrait. Ces gars-là avaient tendance à être des vicieux. Il se retourna et lâcha un sourire plutôt sympathique, qui n'en cachait pas moins ses côtés sombres.

      "Mais bon, je suis un pirate après tout."

      La soirée fut plutôt calme. Les autres combattants, qui partageaient leur vestiaire et leur sueur avec l'artilleur, avaient décidé d'aller faire la fête en ville ce soir-là. William resta calmement sur son lit à réfléchir à la conversation qu'il avait eu plus tôt. Ils avaient convenu des formalités de leur complot après la petite démonstration de force. Adamovizc devait chercher quelque chose de compromettant au sujet de son adversaire, un objet qui permettrait de le mettre dans une position de faiblesse. Le pirate, de son côté, se contenterait de le filer pour lui faire ressentir une pression constante. Il attendit le lendemain pour se mettre à la tâche.

      "Mets-y du cœur, champion!"

      Mick était penché au-dessus des cordes du ring, invectivant l'adversaire de William. C'était un métis qui dépassait bien le jeune homme d'une bonne tête et demi. Il était musclé mais beaucoup trop lourd pour se saisir de son opposant. Il lança un crochet mais l'artilleur trouva largement le temps de se glisser sous son coup pour lui rentrer dans le flanc. Ce n'était pas une technique légale, mais ils ne boxaient pas vraiment en suivant les règles non plus. L'homme se courba et finit par poser un genou au sol. C'était une bonne occasion pour le coucher définitivement. Il lui lança un coup de genou en travers de la gorge. Les yeux du boxeur se révulsèrent et il trembla un peu avant de s'écraser contre le tamis de bois. La foule explosa dans une liesse incroyable. Il devait y avoir une cinquantaine de personnes rassemblé dans l'ancien entrepôt qui servait de salle de combat. William posa son regard sur le manager de son adversaire, qui se leva en jetant un regard méprisant à son combattant avant de s'en aller. L'arbitre attrapa le bras de l'artilleur et le souleva en l'air, provoquant une deuxième explosion de hourras.

      "Tu l'as épargné pendant huit minutes, Ferraille! Ma parole, pour me le sécher en quinze secondes! Tu joues à quoi, au juste?! T'attends le coup surprise qui va te mettre au tapis?"

      "Je joue avec la viande.

      William fixait l'entraîneur avec un regard carnassier. Il ne pouvait s'empêcher d'adorer l'adrénaline que procurait le combat. Le danger qui pouvait frapper à chaque instant, peut-être fatal. C'était sûrement une manière de se sentir vivant pour beaucoup de personnes, mais pour le jeune artilleur, c'était simplement une pure partie de plaisir. Un divertissement. Il finit par se débarrasser de l'entraîneur et se changea pour aller accomplir sa mission.


      Dernière édition par William Burgh le Mar 12 Jan 2021 - 23:08, édité 1 fois
        Bartholoméo Rubben était le genre d'homme à savoir apprécier les plaisirs simples. Il aimait les restaurants luxueux, les call-girls les plus sympathiques et les combats clandestins les plus violents. Et il ne dérogeait jamais à cet emploi du temps, tout comme ses malabars qui ne lui faussaient jamais compagnie. William s'employait à suivre le mafieux tout les soirs. Il le laissait tranquille pendant la journée, préférant profiter du couvert de la nuit pour se fondre à travers les ruelles sombres. Il s'évertuait à repérer tout les détails qui pouvaient trahir un relâchement dans la vigilance des crapules. Il savait qu'elles allaient inévitablement commettre une erreur de jugement sur une route à emprunter, ou sur un établissement un peu trop bondé. C'est dans ce contexte là qu'il mit un coup de pression anonyme à Rubben. Ce dernier avait pris l'habitude, après un nombre de whiskies déraisonnable dans une taverne huppée des bas-quartiers, de rejoindre un petit établissement engoncé à l'angle de deux ruelles étriquées. Il laissait toujours deux hommes à l'extérieur, tandis qu'un troisième gardait la section intérieure. Après sa troisième visite de la semaine, les malabars se relâchèrent et commencèrent à parler sans vraiment prêter attention aux badauds estimant que l'endroit était suffisamment à l'abri. Un couteau glissé dans la poche, encapuchonné pour ne pas qu'on le reconnaisse, ce fut ce soir là que William se décida à agir.

        "T'as vu la raclée qu'l'a pris, Porm le rouquin?"

        "C'tait qui, c'type là?"

        "C'tait..."

        Le son de sa voix s'évanouit alors que sa gorge se remplissait de sang, qu'il crachait maintenant à la figure de son collègue, la carotide tranchée par la lame aiguisée de l'artilleur. L'autre mit quelques instants pour comprendre ce qui était en train de se passer, comme s'il sortait tout juste d'un rêve. Ou plutôt d'un cauchemar. William se décala alors que sa première victime s'effondrait sur ses genoux, tenant sa gorge avec ses mains pour contenir le flot d'hémoglobine qui s'en échappait. Le jeune artilleur sauta sur sa deuxième cible, le renversant en arrière. Il plaça rapidement l'une de ses mains sur la bouche du garde alors qu'il plantait son couteau entre ses côtes à plusieurs reprises, cherchant à atteindre le cœur. Son adversaire n'arriva pas à se débattre longtemps, alors que ses poumons avaient été perforés.

        "C'est vrai que j'ai eu la main lourde avec Porm."

        Le jeune homme se releva, couvert du sang de ses victimes. Il avisa le bordel et regarda la lune dans le ciel, qui avait à peine eut le temps de poursuivre sa course. Il sortit un papier de l'une de ses poches, une lettre de menace anonyme, qu'il jeta sur l'un des corps. Puis il attrapa un pistolet qui pendait à la ceinture de l'un des cadavres avant de se hisser sur une remise assez basse, qui lui donnait un accès aux toits de la rue. Une fois qu'il fut juché sur son promontoire, il s'attela à repérer la chambre qu'occupait Rubben. Il ne tarda pas à remarquer, au travers les rideaux mal tirés, le visage apathique du mafieux en plein acte. Il avisa la fenêtre et en fit sauter les vitres avant de jeter son arme. Il n'attendit pas que la dame de plaisir ait fini de crier pour prendre la poudre d'escampette, rejoignant un sac qu'il avait laissé dans une maison abandonné pour se changer et récupérer ses anciens vêtements. Le lendemain, une véritable escorte entourait Rubben, qui semblait plus pâle.

        "Ferraille, ramène ton cul par là, faut que j'te cause!"

        Adamovizc se tenait au bord des gradins de la salle de combat. La pièce était vide à l'exception des deux hommes et des quelques boxeurs matinaux qui étaient venus s'exercer. D'où l'interpellation qui manquait légèrement de tact. Haussant les épaules, William s'écarta des combattants pour se rapprocher de son collaborateur. Ce dernier lui fit un signe de tête en lui montrant la porte qui menait vers l'extérieur. Ils sortirent tout deux dans la lueur de l'aube. Adam s'alluma une cigarette en s'adossant au mur pendant que le jeune homme déroulait les bandelettes autour de ses poings.

        "Du nouveau?

        "On tient ce fumier, Ferraille. Et on va le baiser en beauté ce soir."

        William haussa les épaules. Il lui fallait plus qu'une ou deux phrase convenues pour se réjouir. Il ne tarda pas à demander des explications au mafieux. Il lui tardait de quitter ce trou à rat, et de préférence avec ceux qui l'avaient accompagné et ce qu'il était venu chercher à l'origine.

        "Je suis tombé sur des comptes falsifiés en entrant dans son bureau pendant qu'il était dehors. J'ai remonté la piste et j'ai pas tardé à comprendre qu'il détournait une partie des revenus du boss en faisant passer ça pour une entreprise d'export maritime."

        "Et t'as des preuves?

        "J'ai un témoin, un associé de Rubben qui s'occupait d'affréter les navires. Braun Mills qu'il s'appelle le gars. A cette heure-ci, j'ai deux hommes de confiance qui lui tienne la tête au bord d'une déchiqueteuse en lui expliquant les formalités du plan."

        "Quel plan?"

        Adamovizc sourit une fois de plus en fixant son regard sur le ring. Il ne fallut pas longtemps à l'artilleur pour comprendre que son homologue avait déjà tout préparé pour en finir avec son rival. Et qu'il allait être aux premières loges du spectacle une fois qu'il serait entre les cordes. Il ne lui restait plus qu'un combat à disputer avant de pouvoir rejoindre son navire, son nouvel équipage et surtout Sariah. Il enroula de nouveau les cordelettes autour de ses poings.

          Les combats illégaux ressemblaient à leur cousin homologué par de nombreux aspects. Les spectateurs étaient issus de toutes les franges de la société et étaient prêt à vider leurs économies respectives en paris sur le gagnant. Les combattants étaient généralement des monstres de puissance et de technique, le produit d'années d'entraînements intenses. Les arbitres, tout comme les managers, étaient souvent enclin à recevoir une certaine compensation financière pour leur complaisance. Mais ce qui faisait vraiment la particularité du pugilat des bas-fonds, c'était la bestialité des combats. Les enjeux qui pesaient sur les adversaires promettaient souvent des matches à mort. Les perdants préféraient encore laisser leur peau sur le ring que d'affronter la colère des cartels qui avaient perdu de l'argent en investissant sur leur tête. On ne comptait plus les brutes qui avaient disparu après une défaite inattendue. C'est pour ça qu'on avait mis au point le système de couchage. Chaque écurie avait ses poulains à faire évoluer et la compétition avait commencé à devenir particulièrement meurtrière. Certaines autorité du milieu avait alors décidé d'instaurer des règles tacites qui permettaient à tout le monde d'y trouver son compte. Les négociations se faisaient en arrière plan et on permettait à des jeunes boxeurs de mettre au tapis des adversaires insurmontables pour faire monter leur côte et engranger plus de profit. Une fois qu'une étoile était montée suffisamment haut, on montait un trucage pour créer la sensation avec un outsider. William avait remporté huit matchs en quelque semaines seulement. Ca avait été lui, ce combattant sorti de nulle part qui renversait le classement. Mais personne ne s'était couché de son plein gré. Alors que la foule applaudissait bruyamment l'artilleur, Mick se penchait à son oreille.

          "Tu devrais te méfier de celui-là, c'est une teigne d'après Adamovizc. Un ancien dockeur ou quelque chose du genre... Un gauche époustouflant selon lui."

          William acquiesça sans formuler de réponse. Il savait parfaitement à quoi s'attendre face à Braun Mills. L'associé de Rubben était assis sur son tabouret, les épaules callée entre les cordes. Il essayait de garder la tête haute mais il ne trompait personne: il transpirait l'angoisse. Adamovizc l'avait forcé à monter sur le ring pour provoquer une réaction chez l'associé du dockeur. Ce n'était pas un combattant, même pas vraiment un mafieux. C'était un type un peu trop gourmand qui avait trouvé une bonne occasion de se remplir les poches en s'associant à la pègre. Bartholoméo, de son côté, semblait tout aussi anxieux que son camarade. Assis au deuxième rang, il ne lâchait pas l'homme bedonnant des yeux. Adamovizc s'était assis à côté de lui. Le jeune artilleur leur jeta un regard à tout les deux, alors qu'Adam se penchait à l'oreille de l'autre pour lui expliquer ses conditions. La cloche résonna et les deux boxeurs se mirent en garde.

          "Battez-vous!"

          L'arbitre s'écarta et William n'attendit pas pour faucher la garde du dockeur d'un coup de coude, le faisant reculer par la même occasion. Son poing droit alla s'écraser directement sous la paupière de Braun qui tomba sur les fesses. Quelque chose sembla changer dans son regard et il se releva, encoléré par ce coup qui l'avait fait chuter. Il se rua sur le jeune homme qui s'attendait à une frappe et se mit en garde. Mais il l'attrapa au niveau de la ceinture et le projeta contre les cordes avant de le frapper au ventre. Ce fut au tour de William d'être surpris. Mais Mills restait inexpérimenté. Après un échange de coups sans puissance, il se risqua à tenter un uppercut. Solide sur ses appuis, l'artilleur se laissa basculer sur son pied gauche pour éviter le coup et reposa le pied droit en arrière, lui donnant une position qui lui permettait de faire pivoter le poids de son corps sur sa hanche. Il lança un direct du droit qui passa au travers de la garde de Braun. Son nez explosa dans une gerbe de sang sous l'impact. L'arbitre ne bougea pas d'un cil.

          "Fume le, Ferraille!"

          Pas encore. Du coin de l'œil, il put apercevoir Rubben qui faisait un signe de refus avec la tête. Haussant les épaules, William n'attendit pas que son adversaire se remette de ses émotions pour remettre le couvert. Feignant une nouvelle attaque avec les poings, il fit reculer le dockeur jusque dans les cordes. Acculé, ce dernier eut l'imprudence de regarder derrière lui. Un coup de pied vint le cueillir au niveau des côtes, le projetant dans un coin du ring. Adamovizc se pencha à nouveau vers son interlocuteur. Bartholoméo semblait aussi enragé que paralysé. Il avait pourtant la possibilité de mettre fin au massacre, mais il devait se douter que l'affaire ne s'arrêterait pas là. Il avait bien raison. William se rapprocha de l'homme à bout de souffle, le visage ensanglanté. Il le jeta au milieu du ring comme un morceau de viande. Mills s'écroula et la foule se mit à hurler. Le jeune homme se rapprocha du dockeur.

          "T'as intérêt à relever tes miches si tu veux pas qu'on te crève à la sortie du ring."

          Les mots du pirate semblèrent faire effet. Ce dernier se tourna vers son camarade, qui lui fit un signe approbateur de la tête. Rubben baissait la sienne, conscient que le temps des privilèges et de la douce vie venait de prendre fin. Il venait d'accepter de délivrer les compagnons du flibustier. Mills se retrouva sur ses pieds et il arma son bras gauche. C'était le moment de jouer la comédie. William encaissa plusieurs coups en feignant la douleur, essayant de rendre le spectacle aussi crédible que possible. Puis il se laissa tomber au sol, alors que la foule acclamait leur nouveau héros. L'outsider avait fait tomber le favori.

            Wernher Van Dongen était toujours assis aux premières loges. Peu loquace, il prenait toujours plaisir à ramener de la compagnie féminine à ses côtés pour faire les encouragements à sa place. Ce soir-là, il eut droit à une surprise qui lui donna à penser que les combats clandestins étaient des évènements qui sortaient réellement de l'ordinaire. Braun Mills se tenait au centre du ring, le souffle court, un bras presque inerte maintenu en l'air par l'arbitre. Le pauvre homme fixait du regard un siège qui se trouvait derrière celui du grand patron. Epuisé, il donna sans même s'en rendre compte un coup de main fantastique au plan qui l'avait emmené à se retrouver entre les cordes ce soir-là.

            "T'as vu où ça m'a mené tes conneries Rubben?!"

            La salle se tut après avoir entendu les mots qu'avait prononcé le dockeur. Ce genre de phrases n'est jamais anodine dans ce genre de contexte. Toujours allongé au sol, William put voir Bartholoméo qui relevait la tête avec une expression de terreur gravée sur son visage. Il s'était attendu à tout sauf à voir ses pots cassés être exposés en pleine lumière, devant tout le gratin criminel de Las Camp. Adamovizc, de son côté, parvenait à peine à contenir son hilarité.

            "Tout ça pour détourner de l'argent sale! J'ai jamais demandé ça moi, hein!"

            Le bougre n'eut pas besoin d'aller plus loin. Van Dongen fit un signe discret de la tête et deux hommes de mains montèrent sur le ring pour attraper le combattant. La question risquait d'être un pur moment de bonheur pour Braun. Le parrain se leva enfin pour se retourner vers Bartholoméo Rubben, qui avait commencé à se décomposer sur place. S'il avait pu se liquéfier pour s'échapper à travers les canalisations qui couraient au sol, il serait déjà de l'autre côté de l'océan. William se redressa pour observer l'échange. La salle était plongée dans un silence morbide.

            "Quelqu'un aurait-il la décence de m'expliquer cette scène? Rubben, une supposition?"

            Rubben ne supposa pas bien longtemps. Deux malabars l'attrapèrent à son tour et Adamovizc en profita pour glisser quelques mots à l'oreille du parrain. Ce dernier lui fit une petite tape sur l'épaule et finit par suivre ses sbires pour éclaircir l'affaire. Adam se rapprocha du ring alors que la salle commençait à se vider de ses spectateurs.

            "Beau travail, Ferraille."

            Boris et Tubbs se frictionnaient les poignets depuis qu'on leur avait retiré les menottes. Ils fixaient les mafieux avec un regard qui mêlait haine et suspicion. Adamovizc avait tenu sa promesse et n'avait pas tardé à faire libérer les hommes de William. Les trois anciens soldats se montraient plus réservés qu'ils ne l'avaient été avant leur emprisonnement. Adam et le jeune homme se tenaient à l'écart de leurs subordonnés pour discuter.

            "Je vois qu'on a pris du gallon."

            "Ma part du butin. Et pour la tienne, tu la trouveras dans un bateau de livraison qui t'attends au port. Suffisamment de bois, de tissu et de corde pour réparer ton navire, avec les pièces spéciales en rabais."

            "Et pour mes nouvelles recrues?"

            "Tu crois que le bateau de ravitaillement va naviguer tout seul? J'ai fait du racolage avec des flibustiers qui ont intégré nos rangs après la guerre civile qui a eu lieu ici. Trente marins qui n'ont qu'une hâte: retourner sur leur foutu océan."

            William acquiesça silencieusement et tendit sa mallette à Adam. Les pirates ne tardèrent pas à reprendre leur chemin. Ce coup-ci, Boris passa devant, laissant les trois mouettes au milieu avec Tubbs et le capitaine qui fermait la marche. Le colosse muet marchait d'un pas assuré vers le port. L'autre forban, toujours aussi suspicieux, n'arrêtait pas de surveiller les anciens soldats. Et bien entendu, ses soupçons se vérifièrent. Alors qu'ils prenaient un virage dans une autre ruelle, les trois hommes tirèrent des couteaux de leurs vêtements et se jetèrent chacun sur l'un des pirates. Ils n'eurent pas un grand succès. Boris aggripa la nuque de son adversaire et le brisa contre un mur, à plusieurs reprises. Celui qui s'en était pris à Tubbs manqua son coup et son arme fut retourné contre lui, lui ouvrant l'estomac de part en part. William fit sauter la cervelle du troisième avec son pistolet. Le bruit de la détonation se réverbéra sur tout les murs. Quand une patrouille de la Marine arriva sur les lieux, l'ancien soldat qui avait combattu Boris respirait encore. Sur le torse des trois hommes, un mot avait été gravé à la lame de leurs couteaux: Ferraille

            "On y est, capitaine."

            Les trois hommes venaient de déboucher sur l'embarcadère où les attendaient les nouveaux membres des Poudres Rouges. Une trentaine d'hommes s'affairaient à finir de charger la cargaison qui permettrait de réparer le Vestan et de reprendre la mer avec. Certains d'entre eux cessèrent leurs activités en reconnaissant l'homme qui s'avançait vers eux. Ils se firent discret. Il n'était pas bon se faire remarquer dans un port qui grouillait de présence militaire. Mais alors qu'il passait à travers eux pour rejoindre le pont du navire de transport, ils marquèrent leur respect. Ceux-là l'avaient vu combattre sur le ring et ne s'étonnaient pas vraiment de reprendre la mer sous les ordres de William. Mais il leur restait encore à rencontrer Ferraille et ses Poudres Rouges. Quelques dizaines de minutes plus tard. Ils prirent enfin la mer, ajustant leur cap pour rejoindre Savannah. La Marine boucla le port une heure plus tard, à la recherche du fameux Ferraille qui avait tué trois soldats d'un équipage porté disparu.