Premier sang !



First Blood



Enfin il naviguait sur les mers d’East Blue sous le pavillon de la Marine. Depuis le temps qu’il en rêvait ! Même s’il n’était qu’un simple matelot, tout en bas de la chaine alimentaire de l’armée. Il savourait ce moment de liberté sans égal. Bien évidemment, il devait tout de même manger son pain noir, avec un nombre incalculable de basses œuvres en tout genre. Ce qu’il détestait le plus, devoir récurer de fond en comble ce foutu rafiot. À croire que l’Amiral en chef avait élu domicile, il fallait que tout soit nickel .. Pour qui ? Pour quoi ? Aucune idée. Mais bon, comme le dit si bien le diction, réfléchir c’est commencer à désobéir.

Voyageant d’ile en ile, il découvrit une multitude de nouvelles cultures et paysages. Chaque escale était pour lui l’occasion d’étendre ses connaissances dans de nombreux domaines.  Même si, intérieurement, il regrettait l’absence de pirate. Personne n’avait vu le moindre pavillon noir depuis plusieurs mois dans les parages. À croire que tous les pirates avaient déserté. Juste quelques histoires de bandits locaux faisaient à l’occasion des razzias dans les réserves de grains. Mais rien de  quoi faire saliver le jeune Drake.

La vie à bord n’était pas forcément la chose la plus facile pour Howard. Lui qui aimait avoir son espace vital et surtout son intimité, se retrouvant serrer comme une sardine. Ne pouvant circuler librement sur le bâtiment de guerre pour vaquer à ses occupations, il regrettait presque de ne pas avoir passé le concours d’officier pour le coup. Sa couche se résume à un lit double, aussi grinçant qu’inconfortable. La seule note positive, avoir réussi a récupéré la paillasse du dessus. L’épargnant, ainsi de respirer les flatulences de son camarade durant la nuit …

Il comprit que dans la Marine, même si le grade avait un rôle central. Il fallait aussi composer avec un autre facteur, celui de l’expérience. Voyant à plusieurs reprises l’officier demandait conseil à ses subalternes. Ces derniers, jouissaient d’une solide réputation parmi les hommes de rangs, bien souvent du fait d’actes de bravoure durant les combats. De ce fait, lui comme les récentes recrues était considéré comme la dernière roue du carrosse. Bien souvent cantonné à la surveillance du navire, pendant que les plus anciens pouvaient librement circuler dans les différents villages visités. Il espérait de plus en plus une rencontre fortuite avec des pirates pour mettre en œuvre ses talents de bretteurs. Espérant ainsi pouvoir se détacher de sa condition de novice incapable de tenir une arme dans le bon sens. Il n’avait même pas eu l’occasion de pouvoir s’entrainer correctement, une fois encore reléguer au rang de simples spectateurs. Alors que les plus anciens avaient le loisir de montrer leur talent au katana. Bien évidemment, il tenta à quelques reprises de s’initier, mais fut immédiatement repris de volé. Gagnant uniquement le privilège de récurer les latrines. Finalement, il se résigna à faire ses exercices quotidiens au fond de la cale, enchainant les pompes et abdominaux par milliers. Autre détail qui avait son importance, en tant que matelot, il n’avait pas eu le droit d’emporter ses propres katanas à bord. Chose possible, uniquement pour les sous-officiers, la bleusaille quant à elle devait se contenter du matériel fourni par l’administration. Et ne pouvait se balader librement avec, sauf en cas de force majeure ou dans les missions de patrouille. Non décidément, il fallait vraiment que les pirates se manifestent.



Au début de la deuxième semaine de patrouille, au petit matin, la vigie sonna frénétiquement la cloche . Signalant la présence d’un danger ! L’équipage se mit immédiatement en branlebas de combat. Même si tout le monde avait hâte de se dégourdir les jambes, la tension régnait à bord. Pour beaucoup, c’était peut-être l’occasion de vivre leur baptême du feu, Howard comprit. Cherchant à savoir le motif de l’alerte, nombreux ceux qui tentèrent de se précipiter sur le pont pour voir de quoi il en retournait. Mais en vain, les sous-officiers voulant à tout prix éviter un bordel général bloquèrent l’accès. Drake lui était déjà équipé de la tête au pied, paré à combattre un régiment entier.

D’après la rumeur générale, la vigie avait vu une épaisse fumée émaner d’un petit village côtier à proximité. Et la présence d’un navire battant pavillon noir. Il n’en fallait pas plus pour Howard ! Remonté comme une pendule, il ne tenait plus en place.  

Le navire de guerre déploya toutes ses voiles pour arriver le plus vite possible sur place. La demi-heure de navigation sembla être interminable. Devant son excitation grandissante, même ses compagnons commençaient à le regarder avec interrogation. Les doutes de la vigie se confirmèrent rapidement, il s’agissait bien d’une attaque de pirate sur ce petit lopin de terre. Howard tenta de se glisser en jouant des épaules sur le ponton pour faire partie des premiers à fouler le sol. Malheureusement, la hiérarchie en décida autrement. Seuls, les vétérans étaient autorisés à accompagner le lieutenant dans sa partie de chasse au tricorne. Quant aux bleus ? C’était surveillance du navire en attendant le retour du pacha. Drake était comme un fauve en cage, il tenta même de sortir par l’une des trappes à canon. Après avoir autant attendu ce moment, voilà qu’il en était privé. Avec comme seule justification, son inexpérience… Mais comment pouvait-il en avoir avec un règlement aussi absurde ?!

Le jeune homme se retrouva donc cantonné à un rôle de simple observateur, suivant le combat uniquement grâce aux échos, il n’avait pas vu le moindre pirate de ses yeux. Les bandits n’étaient pas allés de mains mortes, la plupart des bâtiments étaient saccagés quand il n’était pas tout simplement en flamme. Howard remarqua ci et là quelques corps de civils gisant à même le sol. Les malheureux n’avaient pas eu le temps de fuir. L’ile était bien trop petite pour posséder son propre contingent de marines, une chance que le navire du lieutenant Leman soit dans les parages.

Faisant les cent pas sur le pont, le matelot assista à l’arrivée des premiers blessés sur le navire. Un soldat avait pris une balle dans l’épaule. Tandis qu’un autre s’était vu grièvement blessé par un coup de sabre dans l’estomac. Il pensait alors que ses gradés allaient envoyer du renfort pour combler les pertes, malheureusement non. Le défilé des estropiés continua ainsi pendant un long moment, la plupart étaient des civils, bien souvent dans un piteux état. De corvée de nettoyage, il n’en pouvait plus de devoir éponger tout ce sang. Il n’était pas médecin, donc totalement inutile auprès des victimes. Voyant un énième soldat grièvement blessé. Il décida d’outre passer son rang de cafard pour rejoindre la bataille. Bien évidemment le sous-officier responsable du navire lui hurla dessus, le traitant de déserteur et lui promettant la cour martiale à son retour. Mais il n’en avait rien à faire, il voulait à tout prix se rendre utile dans le seul domaine qu’il maitrisait un minimum, le combat.

Se guidant uniquement grâce aux bruits des escarmouches, il ne tarda pas à voir l’ampleur du massacre. À vue de nez, la moitié du village avait de l’être passé au fil de l’épée, ce qui devait représenter au moins une cinquantaine de corps. Jamais il n’avait vu pareil spectacle de sa vie. Ils n’avaient même pas pris la peine d’épargner les femmes et les enfants. C’était son premier contact direct avec la mort, il en venait presque à regretter d’avoir désobéi aux ordres.

Continuant son chemin avec la plus grande des peines, il arriva  dans le dos d’un individu accroupi sur un corps. Le matelot ne percuta pas tout de suite, que devant lui se tenait un pirate. S’approchant naïvement pour voir de quoi il retournait, il surprit l’homme dans sa basse besogne. Ce dernier pris de panique se retourna et se jeta sur le soldat, heureusement pour Drake, il point son katana en direction de son agresseur. Agissement plus par réflexe, que réelle intention le pirate s’empala sur la lame. Les deux adversaires se regardèrent pendant plusieurs secondes, les deux prit de court par le déroulement de la situation. Dans un dernier râle, le bandit se laissa glisser le long du katana, mort sur le coup. De son côté, Howard restait toujours immobile, il venait de tuer un homme pour la première fois de sa vie.

Oubliant totalement la dangerosité des lieux, il resta sans bouger, à regarder le corps inerte du criminel.
« J’ai tué un homme... »

Mais subitement devant lui, un nouvel individu se pointa au pas de course. Comprenant immédiatement  à qui il avait affaire, il pointa en direction du jeune matelot son arme, prêt à faire feu sur lui. Une détonation raisonna dans la petite ruelle. Howard se voyait déjà mort, mais ce ne fut pas sa tête qui explosa. Un camarade derrière lui avait été plus rapide !

« Qu’est-ce que tu fous immobile comme ça ? Tu étais à deux doigts de te faire tuer ! Mais, tu es une des nouvelles recrues ?! Qu’est-ce que tu fous ici ?!!! »

Drake ne répondit rien, toujours sous le choc des derniers évènements. En l’espace de quelques secondes, il avait tué un homme puis échappé de peu à la mort. Le soldat l’empoigna pour lui faire reprendre ses esprits en le secouant avec violence. Le matelot reprit un semblant de lucidité grâce à cette intervention salvatrice. Il décida de partir droit devant lui en courant, ignorant une nouvelle fois les mises en garde de ses frères d’armes. Howard n’avait pas la moindre idée de ce qu’il faisait, il voulait simplement arrêter tout ceci. Ne plus voir un tel carnage sous ses yeux, il commençait à comprendre enfin pourquoi son sensei avait autant la haine contre les pirates. Ce n’était pas des hommes, mais des bêtes.

Il déboula comme une bête enragée dans l’artère principale, là où se déroulait le plus dur des combats. Faisant abstraction du danger qu’il courait et faisait courir aux autres, il se rua sur ses adversaires sans réfléchir un seul instant. Laissant libre cours à sa véritable nature, bordélique et sauvage. Bien à l’opposé de ses nombreuses années de formation au sabre. Où l’une des règles d’or était sans aucun doute, la maitrise de soit, en toute situation. Mais le bushi n’était pas dans un dojo à l’heure actuelle, mais bien sur un champ de bataille. C’est donc avec une ardeur sanguinaire qu’il mit en pratique tout son savoir-faire au katana. Tranchant ses adversaires comme de vulgaires jambonneaux.

Le premier creva sans avoir eu le temps de se retourner pour lui faire face. Lâchant un horrible cri noyé dans le sang il s’écroula à genoux en tenant son ventre ensanglanté.  Le second pirate offrit un semblant de résistance, mais sa tentative pour dévier la lame du militaire échoua lamentablement. Envoyant la pointe directement dans son gosier. Enfin, le dernier de la liste après avoir fait la terrible erreur de tendre son avant-bras, se jeta au sol pour tenter de stopper l’hémorragie en cours. Au moment où Howard allait l’achever, le jeune homme se fit planter un poignard au niveau de l’épaule, puis dans la foulée quelqu’un lui colla un redoutable coup de pied dans le dos.
Rugissant de douleur, le gamin s’écroula face contre le sol, laissant tomber son sabre au passage.Il se retrouvait maintenant au beau milieu d’un groupe de pirates bien décidés à venger leurs camarades tombés. En infériorité numérique et surtout toujours à terre, il tenta de se dégager de l’étau qui se resserra rapidement sur lui. Voilà ce qui arrivait à ceux qui fonçaient tête baisser sans prendre le soin d’analyser la situation sur un champ de bataille.

Alors que les bandits foncèrent sur lui pour le terminer,  un ombre jaillit en un éclair devant lui, dévastant tout sur son passage. Drake tenant toujours son épaule meurtrie avait le plus grand mal à suivre les mouvements de son protecteur. Il n’avait encore jamais observé une telle fluidité face à autans d’adversaires. Bien qu’en net supériorité numérique, le soldat se débarrassa avec facilité des pirates. C’est une fois le carnage terminé qu’Howard reconnut son lieutenant. L’officier lança un regard noir dans la direction du jeune homme, sans doute furieux de devoir lui sauver les miches dans pareille situation.

Pendant que les derniers hors de la loi détalèrent du chemin de bataille, tous les regards se tournèrent petit à petit vers l’inconscient matelot. L’un des gradés le releva sans ménagement avant de l’embarquer en direction du navire sous les yeux des autres soldats. Drake couvert de sang des pieds à la tête arriva donc au pied du bâtiment de guerre sous bonne garde. Tout le monde attendait son retour pour lui passer un savon. Non seulement il avait désobéi à un ordre direct d’un supérieur. Mais en plus, il avait réussi à se foutre en danger, obligeant le lieutenant d’intervenir en personne. Dans les rangs, les paris aller de bon train sur son avenir. Mais pour l’heure, il avait rendez-vous avec le doc pour soigner sa vilaine blessure.
De son côté, le lieutenant avait des préoccupations bien plus urgentes, notamment l’organisation des secours. En attendant que le QG envoie des renforts, notamment dans le domaine médical. L’officier assigna comme tâche à ses hommes de nettoyer les rues de corps. Fosse commune pour les pirates, à l’exception du capitaine qui avait le droit à finir clouer à l’entrée du village en guise avertissement. Les villageois décédés quant à eux étaient soigneusement enveloppés dans un drap blanc. En attendant qu’un membre de la famille puisse les identifier pour leur offrir un enterrement digne de ce nom.

Il fallut attendre pas moins de cinq jours avant de voir enfin les renforts pointer le bout de leur nez. Durant ce temps l’ensemble de l’équipage fut mis à contribution jour et nuit pour la reconstruction du hâmeau. Howard passa la première nuit aux arrêts , avant de se voir convoquer devant l’officier ainsi que son adjoint. Au menu, passage d’un sacré savon, à juste titre. La menace d’une radiation planait au-dessus de lui comme une épée de Damoclès. Heureusement pour le jeune matelot, le lieutenant décida de prendre parti pour lui, prenant à contrepieds ses subalternes. Argumentant le fait que la jeune recrue était parvenue à se défaire de quatre adversaires avec aisance. Ajoutant au passage que son intention de base était tout à fait louable :

« Je préfère mille fois mieux avoir une tête brulée comme ce gamin sous mes ordres, qu’un pleutre qui prendra ses jambes à son cou à la première détonation ! »

Son officier venait donc de lui sauver les miches une seconde fois. Comment ne pas se sentir redevable envers lui dorénavant ? Même si la menace d’une révocation n’était plus à l’ordre du jour, il n’échappa pas aux autres sanctions. Notamment la corvée de nettoyage de toutes les parties communes du navire jusqu’au retour à la base. Drake s’exécuta sans broncher, plus personne n’entendit parler de lui et de son caractère durant le trajet retour. Il avait vécu tellement de choses ces derniers temps que de se retrouver seul lui permettait de remettre les choses à leurs places dans sa tête.

Howard remarqua simplement, un changement de comportement parmi ses camarades. L’écho de son exploit face à plusieurs pirates avait fait le tour de l’équipage.  Les autres matelots éprouvaient envers lui un mélange d’admiration mêlée à de la jalousie. Du côté des vétérans, le gamin était certes con mais couillu et ça c’était un bon point. En ce qui concerne les gradés, malgré leurs réticences, ils devaient se plier à la volonté de l’officier. Mais, ils allaient suivre de près le cas « Howard J. Drake ».