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Epilogue

Dernière lettre a écrit:Lilou,

Nous arrivons maintenant à l'épilogue. Quelle folle aventure ce fut, n'est-ce pas ?

Voilà maintenant deux ans que j'arpente les océans du Nouveau Monde à la recherche de notre trésor. Autant de temps que tu es partie. Je t'ai promis de te rejoindre seulement après l'avoir trouvé. Sais-tu combien de fois j'ai voulu briser cette promesse ? Sept cinquante quatre fois exactement. Presque tous les jours de deux ans. Ce sont les Kwaak de Bee qui me ramènent à la raison. Je t'entends à travers lui, tu sais ? Tu me dis "Idiot !" et tu n'es pas contente.

Cela n'a pas été facile de le récupérer. Je suis allé jusque Lynbrook chercher des informations à son sujet, j'ai appris qu'il avait été vendu à un dragon céleste qui résidait dans la capitale des mouettes. Il a donc fallu que je m'infiltre à Marie-Joie...

Ce n'est pas l'infiltration qui a été la plus difficile. Pour celle-ci, j'avais utilisé toutes les ressources amassées lors de ma vie de pirate. Tu imagines, toutes ces années d'actes de violence et de barbarisme, d'alcoolisme et de folie... tout ça pour me payer la panoplie du parfait petit cousu d'or qu'on avait craché à la naissance dans une baignoire de fric. Bien sûr, j'avais arrêté de me couper les cheveux et là le tour était joué : j'étais méconnaissable.

Non, l'infiltration avait été un jeu d'enfant. Ça n'avait rien à voir avec les aspects techniques de ma mission non plus. Rien de tout ça n'était difficile...

Non...


Je l'ai vu.

Avant ça, je n'avais pas hésité une seule fois. Je n'étais pas sorti de mon rôle une seule fois. Même s'il fallait me fondre dans la masse et supporter l'odeur répugnante des mouettes, le sentiment d'être constamment sous surveillance, l'angoisse de me faire découvrir et de ne pas pouvoir tenir ma promesse. Avant ça, je n'avais eu qu'une seule chose en tête : ramener Bee sur l'Attrape-Rêve. Comme tu le voulais. Et ensuite, j'irais chercher notre trésor. De cette façon, je m'assurerais que tu étais toujours là.

C'était une journée insolente de chaleur. Je suais presque autant que lorsque tu me fronçais les sourcils très fort après que j'avais eu le malheur de te dire une grosse bêtise. Oui, comme je t'ai dit : insolente de chaleur. J'étais sorti dans l'espoir de trouver quelque chose à faire pour apaiser mon inconfort. Je n'avais pas du tout pensé à la fontaine. Tu le sais bien comme des fois je peux être simplet... Il n'y avait personne sur la place principale qui habituellement était si vivante, dégoûtante, chargée de bleus et de dorés. Mais le soleil tapait trop fort. Et les dorés ne s'incommodaient pas d'inconfort, eux. Ils étaient trop riches pour ça. J'allais donc pour sauter dans la fontaine, presque, avant que je ne me ressaisisse : je ne pouvais certainement pas prendre le risque d'agir comme un imbécile et trahir ma couverture. Il y a toujours quelqu'un pour veiller sur cette montagne maudite. Alors je n'ai fait que m'y asseoir en passant ma main dans l'eau, puis sur mon visage. Peut-être deux, quinze, quarante minutes après, mon cœur s'arrêta de battre.

Je l'ai vu. Avec une petite fille d'au moins 4 ans. Elle tenait timidement la robe blanche de sa mère, jaunie par les rayons d'été. Avec un fils de peut-être 8 ans qui lui n'ayant pas d'identité secrète à préserver courait comme un ahuri pour sauter dans l'eau de la fontaine.

C'était Lana. Sans aucun doute. Son visage n'avait pas changé, son allure, sa démarche, son parfum. À cet instant j'ai compris que le garçon ne pouvait être celui d'un autre. À cet instant j'ai compris... Et ma vision s'est troublée, et ma gorge s'est serrée, et tout d'un coup l'insolente chaleur s'est transformée en épreuve du feu, et l'intérieur de mon crâne est devenu un brasier prophétique, et mon cœur donnait l'impression véritable de fondre dedans mon corps.

C'était Lana.

J'avais un fils.

J'ai écrit plus haut que son visage n'avait pas changé mais si, avant de ne plus rien voir et de m'évanouir, j'avais vu qu'elle portait en elle la plus belle forme du bonheur : le calme du cœur.

J'ai été réveillé à coups de beignes dans ta gueule par le petit garçon. Monsieur, monsieur ! Elle a dit son prénom et a posé sa main sur son front. Il s'est arrêté aussitôt. Vous allez bien ? C'est une chaleur étourdissante... , vous devez avoir attrapé une insolation. Elle a pris son chapeau pour le mettre sur mon visage. J'aurais juré qu'elle m'avait reconnu. Qu'elle m'avait vu bien avant que je la vois. Peut-être même le premier jour. Qu'elle était venue me montrer mon fils...

Je me suis mis à pleurer comme un enfant.
Pas parce que j'en avais un.
Pas parce qu'enfin je l'avais revu.
Mais parce que lorsque Lana s'est approchée de moi, que je l'ai vu tout près me donner à boire de l'eau fraîche, Lilou, c'est ton visage que j'ai vu. C'est toi que j'ai vu. C'est toi que je voulais voir plus que tout au monde alors que ce moment, je l'avais attendu depuis qu'on s'était quitté et qu'elle m'avait dit que j'avais le cœur là où les poules ont les œufs. Ce moment, c'était mon but, ma quête, mon bout du monde. Je le vivais en rêve, je le vivais pivé, à chaque gorgée, je le vivais au bout des poings, à chaque coup, à chaque graine de chaos plantée. Tout ce que j'avais fait dans ma vie après l'avoir quitté c'était vivre le moment où enfin nous nous reverrions. Et je crois que c'est à cet instant que j'ai compris pour de bon : tu étais partie.

J'avais en face de moi Lana. Un garçon, mon fils. Et une petite fille qui s'était mise à pleurer avec moi, avec la même intensité, comme si elle voyait clair en ma mémoire.

Tu étais partie pour de bon et tu ne reviendrais pas.

Tu n'étais pas sur une île à m'attendre, ni à Union John ni à Nakamura, tu n'étais pas sur le pont de l'attrape-rêve à te chamailler avec Yarost, tu n'étais pas dans la cabine à discuter avec Linus, ...

ni dans mes rêves, ni ailleurs. Tu nous avais quitté pour toujours et Linus et Yarost t'avaient pleuré comme deux océans. Et Aimé n'avait rien dit du tout, pas un seul mot, parce qu'il savait. Il savait que si lui s'effondrait comme les autres, alors c'en était fini de moi. Je deviendrais une âme errante, désolée, déchue. Je mourrais de l'intérieur. Il attiserait le feu, provoquerait un incendie et tout brûlerait, ma mémoire, nos souvenirs, mes émotions, ma volonté. Seulement, Aimé Porteflamme en plus d'être une bonne personne, était mon meilleur ami. Alors il a retenu ses larmes de toutes ses forces, il a serré les poings et a baissé la tête.

J'avais compris que tu étais partie quand j'ai réalisé que depuis que tu étais apparue, depuis la première fois sous les aurores, depuis la première lettre, Lana avait cessé d'être mon bout du monde. C'était toi, Lilou...

L'incendie s'est déclaré à Marie-Joie. Avec un retard de cent quarante trois jours.
Monsieur... C'est le soleil qui vous rend triste ? Monsieur... Faut pas pleurer monsieur... Il se couchera. Le soleil se couchera.

Et le soleil s'est couché comme mon fils l'a prédit. Je me suis levé. J'ai dit Merci à Lana. J'ai regardé mon fils quelques longues secondes et je lui ai adressé mon premier sourire depuis longtemps. C'est ce jour là que je suis allé récupérer Bee. Fini les mouvements intelligents, les prévisions, les plans, faire attention, être discret. Ce n'était pas la personne que j'étais.

J'étais Kiril Jeliev.

Ce jour-là... J'avais compris que le feu, c'était pour m'en rappeler.

Marine, Pirate, Révolutionnaire
Je n'ai jamais rien été de ces trucs-là. J'avais été un lâche, ça oui, obnubilé par le désir de vengeance, croyant que la femme de ma vie m'avait été enlevée de force et qu'il fallait à tout prix que j'aille la chercher.
Mais pendant que je semais terreurs et troubles avec les Saigneurs des Mers; pendant que je répandais crachats, glaires et vomis à la sortie des rades et insultait et menaçait quiconque s'approchait de moi trop près; pendant que je ne trouvais joie que dans les daubles, les coups vicieux, que je croyais me plaire à faire le mal et à causer le fracas; pendant tout ça; Lana avait été heureuse.

Je le savais puisque tu m'avais montré à quoi ça ressemblait. De vivre et se battre pour ce qui était juste. De vivre d'amitiés et de chamailleries et de voyages et d'aventures. Tu m'avais appris à sourire plus souvent et à aimer. À lâcher ma topette et mes os de moutons et à aimer. À plaisanter, à rire et à aimer.


Tu m'as réappris à agir et à vivre comme un être humain et à aimer comme un enfant.



Dernière partie de la lettre écrite beaucoup plus récemment a écrit:Mon amour,
Bee et moi arriverons bientôt à l'endroit dont on se parlait dans nos lettres. Tu verras, je tiendrai ma promesse sans faute. Pour toi et pour moi. Ensuite, je me reposerai longtemps en attendant que tu me rejoignes. À ton arrivée il me faudra plein d'énergie. Tu auras certainement plein de choses à me raconter. Je voudrais tout entendre. Et moi, j'aurais plein de choses à te dire. Je me mettrai au travail sur le champ dès lorsque l'on arrivera. J'ai trouvé l'endroit parfait, tu verras. Et personne ne nous dérangera. Ce sera Bee, toi et moi.

J'attends toujours de tes nouvelles. Comment est-ce que se passe ton travail avec Végapunk ? Je me souviens quand j'étais marine des rumeurs qu'on entendait sur lui. Que c'était une sorte d'illuminé qui voulait contrôler le monde avec une armée de robots maléfiques. Enfin bon, si c'est toi, même Végapunk sera mal en point. Qui sait, peut-être qu'un jour tu deviendras Végapunk ? Je suis sûr que c'est possible. Après tout, tu es capable de tout. Je te soutiendrai dans ce sens si c'est la voie que tu souhaites emprunter mais j'exigerai une chose de toi : que tu prennes ta retraite avec moi, que tu viennes finir tes jours avec moi. Je t'attendrai. Sois en sûre. Je t'attendrai toujours, Lilou.

Je t'embrasse et j'attends ta prochaine lettre impatiemment

K

Kwaak Kwaak kwaaak.

Juste à temps.

Kiril venait tout juste de poser sa plume. C'était le signal qu'ils étaient arrivés à destination. L'Attrape-Rêve allait enfin pouvoir accoster pour la première fois depuis ce qui avait semblé être une éternité.

Depuis Marie-Joie, Kiril avait navigué seul avec Bee et Yarost sur les mers du Nouveau Monde. Un punk, un robot-canard et un lézard minuscule... Combien de fois avaient-ils failli périr sous le courroux de l'Océan le plus inhospitalier du monde ? Cependant, à chaque fois que la camarde était sur le point de venir l'embrasser, il semblait que l'Océan se prenait d'un intérêt tendre pour sa quête et les vents ainsi que les flots se calmaient. Kiril ne l'expliquait pas, et d'ailleurs il ne cherchait pas d'explications. Il n'avait maintenant plus qu'un seul objectif : trouver sur l'île la colline où construire l'endroit où il mourrait certainement un jour. C'était aussi un de leur rêve avec Lilou.

Lilou était morte pendant l'été 1627, victime d'une fièvre si intense que celle-ci avait réveillé l'ensemble de ses blessures. Combien de fois avait-elle trompé la mort ? Kiril n'avait jamais cru possible qu'il puisse la perdre un jour. Jamais il n'aurait cru possible qu'une telle chose arrive si vite... Hélas. Malgré tous les efforts déployés pour faire descendre la température de son corps (elle était bouillante le soleil), pour apaiser la douleur qu'elle ressentait absolument partout dans le corps, un jour, elle ne s'était simplement plus réveillée. Tout le monde avait compris sauf Kiril : il a du attendre que sa peau devienne glaciale, grisâtre et blême pour se rendre à l'évidence. Le choc que sa disparation lui avait causé était tel qu'il était resté sans parler plusieurs mois avant d'annoncer à Aimé qu'il allait aller chercher Bee. Seul.

Linus avait quitté l'équipage, convaincu qu'il était la cause de la mort de son amie, c'était sa manière à lui de faire face au choc de la nouvelle... Personne ne l'a retenu, respectant son deuil.

Yarost, lui, était aussi peiné que Kiril car sa maîtresse avait disparu trop vite, beaucoup trop vite, et son maître semblait avoir oublié son existence, les yeux fixant le vide comme si son âme était allée se réfugier autre part, dans un monde juste, où ils étaient autorisés à s'aimer. Yarost restait tout de même la plupart du temps sur son épaule et lorsqu'il dormait, il se glissait dans ses bras. Il ne le quittait que très rarement. Il croyait que plus il s'accrocherait à lui plus il aurait de chances d'absorber au moins un peu de sa souffrance.

Quant à Aimé, il respecta le vœu de son ami sachant ainsi qu'à cet instant il lui faisait ses adieux. Il n'y avait rien qu'il puisse faire. La seule personne qui aurait pu rendre à Kiril un semblant de lueur dans les yeux n'était désormais plus de ce monde. Ce qui rassurait quelque peu Aimé, c'était qu'au moins Kiril ait un but. Il n'avait jamais connu son ami sans, et ces mois de mutisme cadavérique lui avait glacé le sang. Aimé n'avait jamais cessé de lui parler. Tous les jours il lui parlait. Du Kultuur et des autres bateaux que le KGB, son KGBQ, avait construit! de ses grandes aventures avec les Saigneurs, de ses daubles légendaires avec Crack Joe! Il lui disait que dans toutes les écoles du monde, les histoires de leurs rencontres étaient contées et que les petits garçons jouaient dans les cours à la fameuse bagarre du Hibou de Nuit, qu'ils connaissaient par cœur la fameuse chanson. Il se gardait bien d'évoquer Lilou. Il ne savait pas ce que ça provoquerait et puis, lui aussi ne comprenait pas bien sa disparation. Il le savait bien, et depuis longtemps, que son ami ressentait beaucoup plus que de l'amitié pour elle. Il s'en était douté avec les lettres, le visage de Kiril lorsqu'il en recevait une, le pli heureux du coin de ses lèvres quand il lui répondait en s'appliquant et en lui demandant l'orthographe d'un mot ou d'un autre. Mais ce qui avait fini de le convaincre c'était la décision qu'il avait prise à Alvel quand la nouvelle concernant Végapunk avait été annoncé. Il avait immédiatement tout abandonné et plus rien de ses rêves n'avaient autant d'importance que de protéger et mettre à l'abri Lilou. C'était sûr, il l'aimait depuis plus longtemps qu'il ne le croyait. Kiril ne s'en rendait pas compte parce qu'il ne savait plus ce que ça voulait dire. Et Lilou ? Aimé pensait qu'elle savait tout ça et qu'elle attendait simplement que Kiril apprenne. Elle n'était pas pressée car ils étaient supposés avoir tout le temps devant eux...

Ce n'était pas juste du tout et Aimé était en colère contre les cieux, contre les dieux, contre les océans, contre les maladies qu'ils apportaient. Il enrageait dans sa tête en veillant à ne rien laisser paraître mais il pleurait pour Lilou et pour Kiril tous les jours. Sans jamais montrer ses larmes. Alors, tous les jours il lui lisait les nouvelles que les mouettes apportaient. Il s'occupait de la navigation, veillait à ce qu'il boive et mange, pisse et chie. Ce qui était plutôt inquiétant, c'est que Kiril n'avait touché à aucune goutte d'alcool depuis la mort de Lilou. Rien du tout. Il était sobre comme un moineau. Aimé, dans quelques actes de désespoir, s'était surpris à lui tendre sa fameuse topette. Sans réponse.

Alors entendre après des mois d'absence qu'il avait finalement un but, et que c'était de retrouver le robot que Lilou avait pour compagnon, le rassurait plus que ne l'inquiétait car s'il n'avait pas retrouvé la lueur de ses yeux d'antan, au moins son visage exprimait quelque chose : la conviction qu'il devait arriver à son but et qu'il y arriverait absolument. Son visage restait bien sûr très sobre, certes. Mais c'était déjà mieux que pas d'expression du tout. En bon ami et quand même quelque peu soucieux de savoir où est-ce qu'il allait fiche les pieds, il l'avait accompagné jusque Lynbrook où Kiril était allé chercher les informations dont il avait besoin au Savoir Lounge auprès de Kapish. Cela lui avait coûté la totalité de son argent. Il avait non seulement payé pour avoir la localisation de Bee, mais également pour le plan qu'il le permettrait de le récupérer. Aimé comprenait. Il n'y aurait plus que ça qui compterait pour lui... Etrangement, il le prit comme une preuve de lucidité... jusqu'à ce qu'il apprenne la localisation de Bee : Marie-Joie. Cependant, il avait déjà accepté sa requête de le laisser y aller seul et il ne reviendrait pas dessus. Aimé rejoindrait les Blues après s'être fait les dents à Lynbrook. Ils se faisaient leurs adieux sur l'île de naissance de Kiril. Les derniers mots qu'il eut pour Aimé était bien connu : Nounours, je ne t'oublierai pas. Tu t'es occupé de moi tout ce temps alors que tu as tes propres objectifs à remplir. Je suis sûr que tu la trouveras, Serena... Je suis sûr qu'elle te cherche aussi. Merci pour tout, Aimé Porteflamme. Tu es une bonne personne.
Et toutes les larmes qu'Aimé avait retenu tout ce temps ne pouvaient plus être contenues, et elles sortirent toutes après cela. Kiril respecta le silence qu'exigeait les pleurs de son ami. Il savait tout ce que celui-ci avait fait pour lui jusqu'à maintenant et il ne l'en remercierait jamais assez. Quand Nounours releva la tête, il sécha ses larmes et conclut : Toi aussi Kiril. Toi aussi tu es une bonne personne...

Aimé Porteflamme ce jour-là hérita de tout ce que Kiril avait : Panache Service et la distillerie de Nectar Psychédélique à Dead End, et évidemment son chantier naval à Alvel et l'eternal pose pour y aller. Kiril ne garda que l'attrape-rêve.

Et puis ils se quittèrent après deux années et demi de grande camaraderie qui semblait avoir duré plus du double.

Kwaak kwaak kwaaak .

L'Attrape-Rêve avait accosté. Ils étaient arrivé sur une île qui paraissait faire la taille d'un monde entier. Pour le moment, l'heure était à la visite mais plus tôt, Kiril avait déjà repéré l'endroit qu'il voulait investir : le point culminant, au dessus de tout, c'était le meilleur positionnement, à priori, s'il voulait construire une habitation. Il se mettait en route et aucun animal ne l'attaqua sur son chemin. Ils étaient faibles, certes, mais surtout, ils avaient senti que l'âme et le cœur de cet homme n'appartenaient déjà plus à ce monde. Effrayés et désolés en même temps, ils décidèrent d'ignorer sa présence et de le laisser en paix.

Kwakwak-kwaaaak !

***


27 Février 1636

Cher amour,

Je voulais te dire que j'ai trouvé la colline cette fois-ci. La bonne. J'y ai construit la maison et que je t'y attends. Tu verras, il y a tout ce que tu voulais dedans. Bee m'a beaucoup aidé. Peut-être trouveras-tu cela étrange mais je crois que je le comprends parfaitement désormais. C'est comme s'il parlait directement à mon cœur.
Les premiers emplacement n'étaient pas les bons comme je te l'ai expliqué. Je te promets que cette fois-ci je ne me suis pas trompé. Alors viens vite me rejoindre.

J'espère que tout se passe bien à Marie-Joie. Je ne reçois pas les nouvelles ici mais je suppose que tu dois être très occupée avec ton travail. C'est bien normal, n'est pas Végapunk qui veut. J'ai hâte de te revoir mais je saurai être patient. Je sais que tu viendras. C'est seulement que le monde a besoin de toi et de ton travail. D'ici là, je ferai tout pour que tout soit comme dans tes rêves. Tu verras qu'on ne m'appelle pas le meilleur charpentier du monde pour rien.

Je t'embrasse

K

En sept ans, Kiril Jeliev avait accumulé une collection impressionnante de lettres écrites à Lilou. Il lui écrivait peut-être une ou deux fois dans le mois et machinalement il les collait aux murs. Et puis il s'en allait construire d'autres choses, il imaginait des plans pour créer un système de chaleur permanente, pour faire venir l'eau courante et potable, etc. Bee lui apprenait les rudiments de l'ingénierie. Il était heureux de mieux comprendre ce que faisait Lilou lorsqu'elle appartenait aux Red Storms. Des fois, dans ses lettres, il lui expliquait ce qu'il avait appris, essayait de faire des plans de navires avec ce qu'il appelait "cette nouvelle technologie." Et le reste du temps, ignoré de toutes les formes de vie de l'Île qui le prenait pour une âme perdue, il reprenait la construction d'un bateau encore plus incroyable que le Kultuur des Saigneurs des Mers. Il savait que plus qu'ambitieux, son projet était impossible à achever tout seul. Ce n'était pas grave. Il avait accepté de mourir sans voir sa dernière création prendre vie. Il s'imaginait les bateaux qu'il avait construit naviguer sur les Blues, sur Grand Line, sur les mers du Nouveau Monde.

Kiril ne cesserait jamais complètement d'exister.