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L'ennemi de demain

- Commandant ! Navire en approche !

    Peter St. Borough, à la tête du 68e régiment de la Marine, lève la tête et hausse un sourcil en écoutant le messager. Lâchant sa plume, il laisse de côté sa paperasse hebdomadaire et quitte ses quartiers pour rejoindre l'équipage sur le pont de son bâtiment. Les côtes de Bulgemore sont à quelques mètres à peine, et l'épaisse neige qui tombe à cette période gêne sa vue. Il peste et grimace face à ce temps de chien. En plissant les yeux, il parvient tout de même à apercevoir l'objet de l'intérêt de ses hommes.

- Donnez-moi ça.

    On lui tend une longue vue et le commandant analyse plus en détail le bateau qui fait route vers eux : sans équipement militaire visible, il ressemble davantage à un navire de transport qu'à l'embarcation de hors la loi... Mais les règles étant ce qu'elles sont, et sa trajectoire n'étant pas celle du port, Peter ne peut s'empêcher de penser à un mauvais présage. L'expérience parle pour lui, et ce n'est pas la première fois qu'un arrivant aux airs innocents se révèle être un criminel recherché. L'île de Vegapunk attire toutes sortes d'individus, au grand dam des représentants de l'ordre.
    L'officier ordonne aux matelots de s'activer. Le cuirassé commence son approche. L'intrus ne fait pas mine de ralentir. Une minute passe, puis deux. Le silence qui accompagne leur trajet est pesant et l'on entend presque déglutir son voisin. Personne n'aime ce genre de situation, peu importe le nombre de fois auxquelles on y fait face.
    Un instant, ses yeux discernent quelques formes vagues s'agitant sur la proue du navire, mais le temps est trop mauvais pour qu'on puisse savoir de qui il retourne. Il lui semble cependant que le trois mâts en face d'eux ralentit... Ce changement de vitesse est anormal. D'un geste de la main, le commandant invite tous ses hommes à focaliser leur attention sur le moindre mouvement suspect à bord. Après quelques temps, ils sont suffisamment proches pour discerner le pont de l'autre bâtiment, mais il ne semble y avoir personne. La gorge de Peter se noue encore plus. Ce n'est clairement pas bon... Armé de son escargophone, lui-même relié aux portes-voix de cuirassé, il dit :

- Ici Peter St. Borough, commandant du soixante-huitième régiment, en charge de la sécurité de Bulgemore ! Vous naviguez en ce moment-même vers un secteur non réglementé. Identifiez-vous et annoncez l'objet de votre venue !

     Face à lui, le navire continue d'avancer, sans faire mine de manoeuvrer ailleurs que dans leur direction. Peter ne prend pas la peine de réitérer ses propos :

- Contournez-le. Armez les canons ! Maintenant !

     C'est à une vitesse record que son équipage s'exécute. Chaque soldat a été entraîné à répétition pour ce genre d'occasions, et l'officier supérieur n'apprécie guère les mollassons. Quant on patrouille avec lui, on refuse la routine confortable. Chaque lendemain est un inconnu qu'il faut affronter au meilleur de soi-même... Car plus ses hommes sont compétents, moins il a de travail à fournir. On est loin d'une patrouille tranquille aux abords d'une île paradisiaque, mais chaque détail compte pour réduire ses charges administratives. C'est donc en moins d'une minute que le cuirassé se retrouve sur le flanc du navire suspect et qu'il ouvre le feu, au plus près de la coque, sans faire mouche :

- Ceci est notre dernier avertissement ! Arrêtez-vous immédiatement !

   La Marine est focalisée sur le bateau qui ne ralentit plus, ni ne vire. Le messager de tout à l'heure, à l'insigne de caporal, se permet de tirer doucement son supérieur par l'épaule :

- Commandant, regardez... Il n'y a personne.

    En effet, Peter ne voit rien, pas âme qui vive. De la proue à la poupe, en passant par le gouvernail, il n'y a pas un seul individu qui dirige ce navire fantôme.

- ... Abordez-le immédiatement.
- Ci-fait, mon commandant !

    La moitié des hommes du cuirassé grimpe à bord, aux côtés de St. Borough. L'homme à la barbe finement taillée tâte son sabre nerveusement. Il aurait préféré que cette journée soit comme les autres : froide et cyclique. Et son paquet de clopes est resté dans ses quartiers.
    Très vite, il constate que l'accès aux quartiers, ainsi qu'aux entrailles du navire, sont bloquées. Le caporal observe une fine couche de givre remplissant l'interstice des portes et des ouvertures. Mais malgré la température ambiante, il est impossible qu'une telle chose se produise en si peu de temps. D'un coup net et précis, le commandant fend chaque accès obstrué, de sorte à ce que les soldats continuent l'investigation. Il se décide à descendre jusque dans les cales, souhaitant n'y trouver que des produits inoffensifs. Mais là encore, rien. Quelques caisses vides, des sacs de céréales à moitié consommés, une réserve d'eau quasiment épuisée... Mais pas la moindre marchandise, pas même une arme ou la mèche d'un explosif.

- Merde... Sortez-les de là !

    Un de ses hommes s'exclame près de la zone réservée aux mousses. Peter remonte en trombe et se fraie un chemin jusqu'à rejoindre les soldats, attroupés devant...

- De la glace ?

    Une épaisse couche transparente fait face à son escouade, sans qu'aucun ne puisse en expliquer la raison. Derrière ce mur, l'officier supérieur remarque des ombres qui s'agitent. Puis des voix s'élèvent et il saisit alors la nature des personnes coincées derrière : l'équipage de ce transporteur, restreint pour leurrer les soldats.
    Poussant un juron, St. Borough rassemble ses forces et se met à taillader le rempart de givre, jusqu'à libérer les otages. Ceci fait, il se dépêche de rejoindre le pont et, avant de pouvoir donner de nouvelles directives, un des guetteurs du cuirassé le hèle :

- Mon commandant ! Une barque vient de rejoindre la côte !

    Trop tard, la véritable menace vient d'atteindre son premier objectif.
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- Dépêchons-nous, il ne vont pas tarder à rejoindre la côte.

     Matt et moi quittons notre barque, accompagnant un Dale Feinder mal en point : le repos, les pansements et l'inertie lui ont permis de supporter la douleur durant la traversée, mais l'humidité et le froid, à défaut de calmer sa peine, rendent ses blessures inconfortables. La balle qu'il a reçu sur Terra a été retirée et la plaie pansée. Mais la main gauche qu'il a perdu rend notre voyage beaucoup plus important : les soins apportés n'étaient pas franchement les meilleurs qui soient et seules sa force et sa volonté l'ont fait tenir jusque là. D'autres n'auraient pas eu cette chance... La perte de sang, la gangrène, l'infection ou l'ensemble de ces facteurs pouvaient le tuer. Mais il a tenu malgré tout.
    Il nous faut pourtant nous hâter pour éviter que la Marine ne nous rejoigne. Ma diversion nous a fait gagné de précieuses minutes, mais cet obstacle là est sans doute le plus simple à franchir. Nous devons maintenant rejoindre le laboratoire de Vegapunk, y pénétrer et forcer les scientifiques qui s'y trouvent à remettre sur pied notre nouvel ami tout en marquant ces lieux de notre passage. Je n'ai rien dit à Matt concernant cette partie du plan, mais il s'en sera rendu compte de toute manière. Je tiens à faire comprendre au Gouvernement qu'il ne peut plus se cacher derrière des lois qu'il piétine "pour le bien de tous".

     Le froid ne me gêne pas, contrairement aux deux autres, et la neige épaisse qui tombe encore masque très vite notre passage au fur et à mesure que nous progressons vers l'intérieur des terres. C'est donc sans trop de difficulté que nous rejoignons l'unique ville au coeur de la tempête.
    Alors que les lumières des habitations nous parviennent, je crois distinguer des ombres mouvantes dans le décor qui nous encercle... Mais ne voyant que des flocons et des sapins remuants, je finis par laisser couler.
    Nous avions quitté une île du Nouveau Monde en proie à l'agitation pour pénétrer dans l'un des territoires les plus importants de l'histoire du Gouvernement Mondial. Cela nous a été possible grâce au Cold Pose que j'ai déniché un jour de Noël : il me permet de suivre un trajet basé sur les îles hivernales de ce monde, dans un ordre précis, et fonctionne en étant soumis au froid. Un Pose parfait pour moi en somme. Grâce à lui, de nouveaux horizons s'offrent à moi, et de nouvelles possibilités. Possédant déjà des informations censées sur l'endroit où se trouvent mes parents grâce à Mountbatten et à d'autres sources inattendues, je n'ai plus qu'à me préparer en vue de nos retrouvailles. Cela n'aura pas lieu dans la paix, mais seule la finalité compte à mes yeux.

- Arhye, nous devrions éviter d'entrer comme ça, à la vue de tous.
- Nous ne sommes que trois, et une approche naturelle n'aura rien de suspect... Continuons. Gardez les capuches de vos manteaux sur vous.

     Avec le temps à l'extérieur et l'heure avancée, il est normal de ne pas croiser grand monde dans les rues. Les quelques travailleurs en fin de service et autres badauds en quête de chaleur se rejoignent dans les tavernes, aussi bruyantes qu'odorantes. Le fumet des plats chauds couvrent la fraîcheur du soir et envahit le nez reniflant de mes deux comparses. Dale déglutit : si l'appétit lui vient encore, c'est qu'il n'est pas si mal en point... Du moins c'est ce que j'en déduis. Son mutisme ne l'empêche pas d'être compréhensible, de par son attitude expressive. Matt s'approche machinalement d'une auberge. Je l'attrape par le col et l'oblige à continuer. Il ronchonne mais ne réplique pas.
     Très vite, son mécontentement est remplacé par un sentiment d'insécurité : il nous invite à nous écarter de la rue que nous traversions pour nous cacher dans l'ombre d'un bâtiment. Je cherche des yeux ce qui l'a mis en alerte et finir par comprendre. Une patrouille de la Marine approche.
    Les cinq soldats avancent dans notre direction, scrutant les environs, fusil à la main.
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- Rien à signaler de ce côté.
- Ici non plus. On continue.

    La patrouille avance à vitesse de marche, s'arrêtant quelques fois pour scruter une ruelle ou l'arrière d'un talus. L'homme de tête reste sur le chemin : il analyse avec soin l'espace devant lui, sans qu'aucun son parasite ne vienne déranger sa concentration. Le sérieux dont font preuve ces soldats n'est pas courant... Soit la discipline sur cette île est une priorité absolue, soit ils ont reçu des directives il y a peu. Dans un cas comme dans l'autre, nous sommes contraints de nous éloigner de l'axe principal et de nous faufiler dans une allée menant à une route voisine de la leur.
    Nous continuons de nous déplacer jusqu'à mettre une distance raisonnable entre la Marine et nous. Très vite, les derniers passants rentrent chez eux et la majorité est trop éméchée pour que nous leur paraissions suspects. Enfin vite... Le temps passe à toute allure lorsque les événements imposent leur rythme. Il fait nuit noir, la lune brille à peine au travers du vent et de la neige. Malgré ma résistance, le contact incessant des flocons sur la moindre zone sensible devient de plus en plus désagréable. Je cligne des yeux presque à chaque seconde. Matt et Dale subissent autant, si ce n'est plus... Le muet fait une grimace peinée et prend de grandes inspirations chaque fois que nous nous arrêtons. Ses bandages doivent être particulièrement humides. Si seulement nous pouvions dénicher un endroit au chaud pour nous reposer et le panser une dernière fois avant d'atteindre notre destination, ce serait le luxe ultime. Mais qui sait quand la patrouille maritime nous aura rejoints. S'ils tombent sur le groupe de tout à l'heure, alors ce sera la panique dans toute la ville. De toute manière, l'alerte a dû être donnée via escargophone.

     Nous quittons la zone habitée et reprenons notre route vers le laboratoire. Nos micro-pauses et la chaleur s'échappant des habitations étaient de maigres réconforts, mais cela nous a permis de nous rendre compte d'une chose : plusieurs escouades ratissent les lieux et interrogent les piliers de comptoir les plus endurcis. Certains membres possèdent d'ailleurs l'écusson de la brigade scientifique. Ce simple détail nous permet de suivre une piste inespérée : les traces de pas des soldats se recoupent toutes vers une direction unique, s'effaçant dans un horizon incolore où l'on ne fait plus la différence entre les lignes, les courbes et les points.
    La route est pénible, mais le plus problématique reste cette poudre blanche qui n'en finit pas de tomber :

- Je ne vois plus leurs traces... Tout est recouvert.
-  Ils ont forcément suivi le sentier le plus court pour rejoindre le village aussi rapidement.

    Matt s'apprête à répondre mais il est freiné par Dale, lequel s'appuie sur son épaule et semble avoir de plus en plus de difficultés à suivre le rythme. Je m'approche de lui et constate qu'il a le teint pâle.

- Trouvons un endroit où nous abriter un instant, le temps que je vérifie son état.

     Au bout d'un moment, nous trouvons une sorte de bute avec un sapin dessus. Je fais jouer de mes capacités et nous y érige un abri de glace, sorte de préau fermé, nous protégeant de la neige et du vent. Malgré la température, je demande au musicien de retirer son manteau. Matt s'assure qu'il n'aggrave pas sa situation. Après quelques couches en moins, nous voyons qu'une tâche sombre a pris forme sous le pansement. Sa blessure s'est rouverte. J'agrippe son bras gauche et observe son moignon : rien d'anormal de ce côté-ci, fort heureusement... Si ce n'est qu'il souffre de ne plus y voir sa main.
    Mon partenaire fait montre de ses talents de voleur. Ses doigts de fée retirent les bandages de Dale, nettoient la plaie et pansent le tout sans causer la moindre friction superflue. Il n'y a que dans des moments comme ceux-là qu'il donne l'impression qu'on peut lui faire pleinement confiance.

- Il y a du bruit dehors...

     A peine a-t-il terminé son oeuvre que son côté prudent a repris le dessus. Prenant en compte l'avertissement, je me risque à entrouvrir notre abri pour jeter un oeil.
    Je ne vois rien d'anormal. La poudreuse est plus fine qu'il y a quelques minutes, mais il fait encore trop mauvais pour profiter du paysage de Bulgemore. Je tourne la tête de droite à gauche, tel un scanner, et finis par discerner une ombre en mouvement. Puis une autre.
    Au total, ce sont quatre silhouettes qui s'approchent en effectuant des cercles autour de notre position. Leurs mouvements sont rapides, malgré l'apparente lourdeur de leurs pas. Je crois au départ avoir affaire à l'une des patrouilles de la Marine et cherche un cinquième individu. Mais très vite, un crissement métallique retentit et je comprends qu'il vient d'une des ombres allongées. Une fois suffisamment proche, je saisis enfin à quoi nous faisons face : des créatures robotiques ; quatre quadrupèdes au squelette animal, la gueule pleine de crocs synthétiques et de véritables lames en guise de griffes ; le croisement entre des loups mutants et le génie militaire d'un mécanicien futuriste.
    Les bêtes d'acier s'approchent doucement, comme des prédateurs en chasse. La glace nous protège, mais limite également nos mouvements... Vu l'état de notre ami muet, il est préférable que je m'en charge seul et, pour ce faire, tout se jouera à l'instant où nos ennemis fonceront. Une seule attaque bien placée sur chaque cible simultanément... C'est possible. Je peux le faire. Je dois le faire. C'est le moment de prouver que ce pouvoir fait partie de moi.

- OooooooooooOOOOORRAAAAAAAH !

     Le cri venait du ciel... Ou de derrière ? Sans doute des deux. Le fait est que la créature la plus proche de notre position n'a pas eu le temps de réagir.
    Un colosse en armure flamboyante a atterri entre nous et nos agresseurs et, d'un violent coup de marteau, a littéralement écrasé la tête du robot-loup. Il se redresse, époussette ses plaques dorées, replace sa cape bleue sur laquelle est marqué "Justice" et renifle :

- Officier Rykor, arrivé sur les lieux de la mission ! Autorisation d'ouvrir les hostilités ?

     ... N'est-ce pas ce qu'il vient de faire ?
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Toujours à l'abri dans notre refuge gelé, je regarde depuis ma fenêtre l'officier en armure tenant en respect les trois bêtes restantes. Son arme, d'apparence primaire, suffit à le rendre intimidant malgré tout. Dépourvues de peur, les créatures mécaniques grondent plus qu'ils ne grognent, singeant à la perfection le comportement des prédateurs. L'une d'elles s'élance enfin, mais sa vitesse ne suffit pas face aux réflexes du pseudo-chevalier qui le repousse d'un simple revers. L'impact résonne, les dégâts sont réels, mais l'ennemi se relève...

- Ohoh... Toujours aussi solides celles-là. Mais rien d'insurmontable pour un Gardien de ma trempe ! Nul n'échappe à la Justice !

    Le dénommé Rykor tourne alors la tête vers ma position et tend son arme :

- Ça vaut pour vous aussi, mécréants. Ne bougez pas de là, je m'occupe de vous dans un instant.

    Et dire que je commençais presque à le trouver cool... Mais je n'ai pas le temps de me préoccuper de lui : j'ai un cas urgent dans les bras et ce simple fait va m'obliger à accélérer mes projets.
    Profitant d'un nouvel assaut de robot-loup, j'ouvre notre abri par l'arrière, charge Dale sur mon dos et agrippe Matt par la taille.

- Hé ! Qu'est-ce que...
- On fonce !
- Revenez-là, bande de lâches !

    Je ne me retourne pas. Je cours du mieux que je peux, les pas enfoncés dans la neige épaisse. Comprenant vite que cela n'a rien de productif, je bondis et, usant de mes pouvoirs, génère une rampe depuis la plante de mes pieds. Il me suffit alors de patiner tout en gardant le contrôle de mes capacités pour gagner de la vitesse et traverser le plateau qui nous sépare de ce que j'espère être notre destination. Il n'y a pas à dire, le froid ambiant contribue grandement à l'efficacité de mes compétences et me permet d'économiser pas mal d'énergie.
    Les cris et le bruit du métal qui se tord s'amenuisent alors que la distance s'installe. Je me demande alors ce qui a bien pu amener ce type jusqu'ici. Et comment a-t-il su que nous étions des intrus, cachés comme nous l'étions ? Evidemment qu'un dôme de glace au milieu de la neige parait étrange mais...
    Je n'ai pas le temps de m'attarder là-dessus.

- Halte !

    Une autre patrouille. Sauf que cette fois, chaque soldat porte une combinaison intégrale et braque son fusil sur nous. Un premier tir part et manque sa cible, le second traverse ma jambe, me faisant perdre l'équilibre le temps qu'elle se régénère. Je slalome entre les autres projectiles du mieux que je peux. Notre vitesse est telle - et la visibilité suffisamment mauvaise - pour que nos adversaires hésitent entre chaque détente. Alors que nous sommes à moins de dix mètres d'eux, j'inspire profondément et lâche un souffle continu et étendu autour en arc de cercle devant moi. La neige durcit d'un coup, l'air se rafraîchit d'autant plus et la patinoire s'étend jusqu'à atteindre les jambes des soldats qui se retrouvent très vite piégés. S'ensuit leurs bustes, puis les armes... Il ne faut pas plus de dix secondes pour que cinq statues de givre se dressent à leurs places.

    Plus tard, un nouveau groupe d'ennemis subit le même sort. Je lorgne mes compagnons, lesquels tiennent le coup sans trop se plaindre... Mais il devient urgent de trouver un endroit où se réchauffer. Matt a encore l'énergie pour se plaindre, mais il se retient, conscient que ce n'est pas le moment d'être faible. Je continue d'avancer à un rythme soutenu, avec l'espoir que nous soyons sur le bon chemin.
    Bientôt mes efforts sont récompensés : ayant suivi la route qu'empruntent les patrouilles depuis tout à l'heure, nous apercevons enfin une lumière, au creux de ce qui ressemble à une montagne. Très vite je comprends qu'il s'agit d'une entrée creusée par l'homme au milieu de la roche, aménagée par une technologie de pointe.
    Nous avons atteint le Laboratoire.

- Plus qu'à savoir comment rentrer...
- Il n'y a pas trente-six façons.
- Arhye, sois pas idiot ! On peut pas se permettre de foncer tête baissée !
- Si la porte est ouverte, c'est qu'il faut la traverser. Et Dale n'est pas en état d'attendre davantage. On ne fait qu'empirer son état à rester dehors.

    Nous jetons un regard inquiet à l'ancien tireur d'élite, lequel respire faiblement et semble gémir en silence, sa mâchoire artificielle complètement inerte. Matt éponge la sueur sur son front et soupire :

-  Bon... Essayons au moins de trouver un moyen d'entrer sans attirer l'attention sur nous.
- Trouvé.

    Je fais un signe de tête au voleur, lui indiquant cinq membres de la brigade scientifique, dans leur tenue impersonnelle, sortant de l'antre pour rejoindre je-ne-sais quelle patrouille à l'extérieur. Le blond se cache le visage dans les mains :

- Oh j'y crois pas... Bon c'est vraiment parce qu'on a pas beaucoup de choix ! Mais laisse-moi te dire que c'est vraiment une de tes pires idées !
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- Ça va peut-être le faire, finalement...

     Tous les trois déguisés comme nous le sommes, il est impossible de distinguer nos visages : la combinaison de la brigade protégeait à la fois des produits dangereux et du froid, en plus de la démarquer des simples fusiliers du corps d'armée principal. Nous avions coupé dans la manche de Dale au préalable, là où il n'y a plus de main. Sa démarche laisse comprendre son état et tous les détails importent pour la suite du plan.
     Le soutenant à deux, nous courons du mieux que nous le pouvons en direction de l'entrée du Laboratoire, l'air affolés :

- Hé ! On a besoin d'aide ici !

     Il faut un temps pour que la multitude de soldats réagissent à ce qu'il se passe. Enfin, les gardes les plus proches se décident à foncer vers nous pour nous réceptionner :

- Oh merde ! Qu'est-ce qu'il s'est p...
- Les intrus sont là, plus loin ! Une autre patrouille tente de les retarder... Ils ont fait un véritable carnage ! Ils ont besoin de renforts là-bas ! Et lui doit être pris en charge d'urgence...
- Bien reçu ! Je transmets !

    L'un des gardes sort un escargophone spécial, branché à une sorte de radio portable. Très vite, sa voix se répand à travers les mégaphones qui cerclent le périmètre et les entrailles du repère scientifique. Plusieurs hommes sortent alors, armés et prêts à l'action. Tous se ruent vers l'extérieur, suivant la direction que nous avions indiqué.
    Un deuxième garde hèle des brigadiers dotés d'un brassard - sans doute l'équipe de secours - et ils chargent Dale sur un brancard. L'un d'eux parle de l'emmener à l'hôpital de campagne près du secteur chirurgical.

- Avec un peu de chance, on l'arrêtera plutôt au coeur du Secteur 6... Il aura peut-être le droit à une greffe là-bas...
- Dis pas de conneries ! C'est un privilège réservé à ceux reconnus par les supérieurs... Ou qui en ont acheté le droit.

- Et s'il passait comme sujet test ?

    Les brancardiers se regardent, puis soupirent, négatifs :

- C'est pas quelque chose qui arrive systématiquement... Tout dépend des demandes et des recherches actuelles... Mais bon, peut-être qu'en demandant à la cheffe, et contre une part de votre salaire, ça pourrait se dégoupiller...
- Et si on tapait une bavette APRES l'avoir emmené ?!

    Malgré l'opacité de son masque, tous saisissent que Matt ne cache pas son empressement. Il est vrai que la situation pour le musicien muet est alarmante. Nous insistons alors pour accompagner l'équipe de secours, prétextant le besoin d'être pris en charge pour blessures mineures. Aucun d'eux n'a le courage de nous remettre à notre place et nous leur emboîtons le pas sans plus de cérémonie. Nous comprenons, en passant la porte et en voyant les affichages éclairés sur les murs que nous sommes arrivés par l'entrée N°3, l'un des rares passages encore accessibles pour atteindre le coeur du Laboratoire. Sur notre droite, de grands couloirs se succèdent. De nombreux marines vont et viennent ; l'axe que nous traversons est suffisamment large pour que des dizaines d'individus s'y croisent sans gêner la circulation. Au plafond, un indicateur énorme indique que les couloirs permettent d'accéder au quartier résidentiel. Sur notre gauche, ce sont quelques portes - closes pour la plupart - qui mènent à l'espace médical.
     Si j'avais eu le temps, je me serai attardé sur la complexité de ce qui nous entoure, en passant par les tuyaux, les caissons, suivis par les plaques protectrices vissées ça et là dans les murs et les fragments de vieilles mécaniques entassées dans des coins... Mais ce n'est pas ce qui m'interpèle le plus actuellement. L'endroit ne manque pas de lumière, et pourtant tout a l'air incroyablement sombre. Je ne sais pas si cela vient des couleurs, de la quantité de choses encombrant l'espace, de l'ambiance ou simplement du ressenti que j'ai au vu des circonstances, mais une chose est sûre : je ne m'y sens pas à l'aise.

      Alors que les brancardiers s'apprêtent à tourner, mes yeux s'attardent sur une ouverture face à nous, avec un écriteau plus petit que les autres, mais davantage mis en évidence. Un mot ressort plus que les autres : "Greffes". Je m'arrête alors :

- C'est là qu'on va.
- On doit amener votre compagnon à l'un de nos médecins avant, histoire de voir ce qu'il en est.
- Pas le temps. On sait ce qu'il a. Je l'emmène à cet endroit pour qu'il y reçoive les soins qu'il lui faut.

    Le premier secouriste me regarde, circonspect. L'autre commence à se méfier. Mon empressement et le ton utilisé ne collent sans doute pas à la situation. Dans tous les cas, il a un bon instinct... Pas de chance. Je m'apprête à enchaîner quand une alarme retentit et que les haut-parleurs se mettent à vociférer de nouvelles informations urgentes :

- Code rouge ! Les intrus se sont introduits dans l'enceinte du laboratoire ! Trois hommes, dans l'aile ouest ! Je répète, code rouge ! Les intrus...

     Tout le monde reste tétanisé, au milieu du bruit assourdissant. Nous nous lorgnons sans oser bouger les uns les autres... Et c'est ce qui finit d'alimenter la suspicion du marine. D'une main, il cherche le pistolet rangé à son ceinturon, mais Matt est plus rapide et lui colle une droite alors que je récupère les poignets du brancard. D'une tape du pied sur le sol, je génère de la glace qui s'en va geler l'autre homme dont le cri est étouffé par l'alarme au dessus de nos têtes. Le temps que les quelques soldats non loin se rendent compte de ce qu'il se passe au bout du corridor, nous nous empressons de franchir le seuil de ce que j'espère être le but à atteindre.
    Pourvu que l'on puisse tirer Dale d'affaire avant que la situation dégénère davantage... Bien que je vois rarement ce qui pourrait arriver de pire.
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- J'ai bloqué l'accès ! Ils devraient mettre un certain temps avant de venir nous emmerder... Comment va Dale ?
- Il a l'air de tenir. Un peu fiévreux mais les blessures n'ont pas l'air de se rouvrir.

     Comme pour confirmer ses dires, l'ex-militaire lève doucement le pouce de son unique main.

- Parfait ! Alors on continue.

     A bien y réfléchir, il y a des opérations qui se sont mieux déroulées pour nous. Peut-être qu'avec une autre approche, nous aurions pu éviter tous ces désagréments... Mais notre nouvel ami a besoin d'être pris en charge rapidement. Pas le temps pour faire dans la demi-mesure.
    Nous nous enfonçons tous les trois dans ce que je suppose être le secteur 6. La première chose qui nous frappe, c'est la luminosité : on y voit comme en plein jour ! Il faut dire que l'espace est moins grand et moins chargé que le grand couloir que nous venons de traverser. Là encore, plusieurs accès sont visibles, donnant sur de multiples espaces chirurgicaux et techniques. Je ne remarque personne... Du moins au début. Un homme dans sa trentaine nous regarde depuis son bureau, le nez dépassant tout juste du bord de la table. Son habit et son attitude laissent entendre qu'il n'est qu'un simple médecin, sans véritable connaissance martiale. Ou alors il est juste facilement impressionnable. Etant chargé de l'accueil, il a dû me voir condamner la porte avec mes pouvoirs... J'imagine que le manque de soutien alentour joue également. Nous approchons tout de même :

- Hé ! On a besoin de soigner cet homme, et vite ! Y aurait pas un bloc de libre pour le retaper là tout de suite ?
- J-je regrette, mais nos prothèses sont réservées à quelques privilégiés et l'on soigne déjà un important...

     Mon regard suffit à lui faire comprendre que derrière la question se cache un impératif qu'il ne peut éviter. Tremblant, hésitant, il se confond en excuses rapides et nous indique le chemin vers une salle à l'arrière sur laquelle on peut lire "Médecin Général Marie Q-Riz". Je remercie l'hôte d'accueil d'un crochet du droit qui suffit à lui faire faire de beaux rêves.
     Nous approchons de la pièce fermée et entrons sans frapper. L'alarme continue de sonner et les premiers soldats hurlent et frappent contre la porte d'accès que j'ai figée. Pour augmenter nos chances d'être tranquille, je décide de faire subir le même sort à toutes les entrées visibles du hall avant de m'enfoncer dans le bloc du Médecin Général. Le vacarme y est moins présent, tout comme le personnel : deux types nous attendent avec leur pistolet pointé sur nous, mais les tirs ne touchent ou n'infligent rien. Matt s'apprête à répondre de sa propre arme de poing mais je prends les devants en soufflant sur les bras des membres de la brigade scientifique, arrêtant une dernière balle en plein vol et refroidissant grandement l'air ambiant. Neutralisés, nos adversaires commencent à paniquer :

- Du calme. On cherche juste la patronne ici.
- Bon sang mais c'est pas vrai ! On peut rien vous confier à vous autres ! Comment voulez-vous que je bosse dans de bonnes conditions avec pareils incompétents...

       Une femme de taille moyenne apparaît de derrière un angle de la pièce, camouflé par un paravent métallique, le tout sans se lever de son siège à roulettes. Elle porte un bonnet en cuir mât, du style de ces pilotes de char - sans les lunettes - et un uniforme de même couleur que je qualifierai d'anticonformiste, puisque le haut s'arrête au dessus du nombril. Les bottes de montagne à ses pieds, lourdes et renforcées, contrastent avec la légèreté de l'ensemble... Du moins tant qu'on fait fi des plaques d'acier qui "enjolivent" ses épaulières et genouillères, sans parler du bras mécanique sortant d'une sorte de rangement dans son dos. Même sans tout cet attirail, elle donne l'impression d'être une femme forte, faite pour commander. Elle nous jauge de son regard inquisiteur :

- C'est vous les intrus ? J'imagine que vous vous rendez compte du pétrin dans lequel vous êtes ! Est-ce que votre raison en vaut la peine au moins ?

     Malgré la désapprobation, je sens toute la curiosité qui anime sa question. On a clairement affaire à une véritable chercheuse.

- Notre ami est très mal en point. Il a lutté contre le pire adversaire qui soit pour en arriver là. J'estime qu'il mérite les meilleurs soins.
- Oh ? Il s'est battu contre un Amiral ?
- Non. Une vie de merde.

     La cheffe de l'aile ouest renifle. Si ma réponse l'a troublée, elle le cache bien. Elle se contente d'approcher, observant la pièce autour d'elle, repérant chaque détail, de la rigidité des bras de ses sbires jusqu'à l'état dans lequel j'ai mis sa seule porte de sortie.
     Marie Q-Riz ramène sur elle le col de son habit et pose les yeux sur Dale, toujours avachi sur le brancard.

- Y a des tas de gens dehors qui ont une vie de merde. Mais je dois dire que celui-là fait partie des malchanceux... Et donc ? Vous attendez quoi de moi ? Que je le requinque ? Si vous souhaitez des médecins, c'est à quelques mètres de là. Dommage que vous soyez recherchés...
- Je veux qu'il ressorte de cette pièce meilleur qu'il ne l'a jamais été.
- Vous en demandez beaucoup.
- Ce n'est pas une demande.
- Et si je refuse ?

     Je n'hésite pas une seconde : d'un mouvement du pied, je refroidis le sol et contrôle la direction du gel vers les deux sbires, ainsi que vers une table sur notre gauche, recouverte de cahiers et d'instruments en tout genre. Des petits stalagmites commencent à prendre forme là où le dallage est complètement recouvert.
     La patronne du bloc lève les bras en soupirant :

- Humpf ! Très bien j'ai compris ! Encore des heures non rémunérées donc... Qu'une chose soit claire, si je trouve un moyen de vous mettre à mal, je la saisis. A vous de vous débrouiller pour ne pas vous laisser avoir. Suis-je claire ?

     Ce n'est pas une menace qu'on entend souvent... En fait, ce n'est pas vraiment le genre de réaction qu'une personne qui se sent contrainte doit avoir. Le mieux dans ces cas-là est de ne pas le dire. Cela montre encore à quel point elle a l'âme d'une scientifique ; elle agit de manière purement objective, sans se laisser marcher sur les pieds par qui que ce soit.
    Etrangement, je commence à l'apprécier.

- Est-ce qu'on peut se dépêcher ? Je te rappelle qu'on a tout le Labo sur le dos et un type qui agonise dans les bras !

    Nous tournons tous les yeux vers Matt, sévères et impérieux. Le voleur se calme immédiatement :

- O-ok faites comme vous voulez.
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Marie Q-Riz n'a pas perdu un seul instant. Professionnelle jusqu'aux tréfonds de l'âme, la nécessité de "réparer la vie" dicte ses mouvements plus que sa propre sauvegarde. Elle donne des ordres au personnel que je lui ai fourni, à savoir le blond aux doigts de fée qui me sert d'ami. Les autres sont hors-jeu. Le bloc opératoire situé derrière son bureau est un espace relativement grand, suffisamment pour qu'une dizaine de toubibs puissent gesticuler autour d'un patient sans se gêner. Là, nous ne sommes que trois sans compter Dale, plus les gadgets et autres mécanismes chirurgicaux du Médecin Général.
   Notre blessé a été endormi. Marie s'occupe en priorité des blessures les plus troublantes, à savoir celles que le froid et les gestes répétés ont rouvertes. Les plaintes et moues du voleur ne manquent pas de l'agacer :

- Nom d'un scalpel, mais tu vas la fermer et faire ce que je te dis ?! Si t'es pas capable de t'occuper de ton ami, autant que je me débrouille toute seule ! Mais je garantis pas de la réussite de l'opération ! Je n'suis pas omnipotente !
- Désolé, mais je suis nettement meilleur pour prendre ce qui se trouve dans les poches des gens. Pas directement dans leur peau !
- Qu'est-ce que c'est qu'ces pirates à deux sous... J'vous jure ! On croit avoir tout vu et on se laisse encore surprend... Hé, bah tu vois que tu sais te servir d'une pince ! T'as plus qu'à tirer délicatement la membrane et passer l'aiguille dans un sens puis dans l'autre.
- Si j'avais su, j'aurais suivi les cours de couture de ma mère...

   Pendant qu'ils se lient d'amitié dans mon dos, j'essaie d'écouter ce qu'il se passe à l'extérieur. Ils ont coupé l'alarme et les alertes vocales ont cessé. Vu le nombre de couches de glace que j'ai mis sur notre route, ils en auront pour un moment à se frayer un chemin. Du moins je le souhaite. Des marines gueulent de l'autre côté, et ça martèle fort contre les parois.
    Je finis même par reconnaître une voix :

- Ici l'officier Rykor ! Vous êtes faits comme des rats ! Sortez et aucun mal ne vous sera fait. Seule la Justice sera rendue.

    Il s'adressait à moi depuis les hauts-parleurs. Je demande à l'un de mes détenus s'il existe un moyen de répondre et il m'indique un poste près du bureau, avec un escargophone branché à un terminal. Je réponds donc :

- Et voilà ma proposition, officier : attendez sagement que mon ami aille mieux et je promets de ne faire aucun mal au médecin Q-Riz et les hommes qui la secondent.
- ... Voilà qui est fâcheux.

    Le pseudo-chevalier que nous avions vu dehors nous a rejoint. J'entends qu'il parle avec les autres soldats. Ça hausse le ton par moments... Ils ne doivent pas être d'accord sur la façon de faire. Tant mieux pour nous : c'est toujours du temps de gagné...
    Je ne le laisse pas paraître mais j'ai la boule au ventre depuis que nous nous sommes enfermés là, en plein coeur du Laboratoire, rempli d'ennemis qui savent où nous chasser. Il y a quelques jours de ça, je n'aurais pas eu peur, au vu de mon invulnérabilité, mais j'ai fini par découvrir que des personnes étaient en mesure de contrer les pouvoirs d'un Logia. Et puis je ne suis pas seul dans ma misère.

    Après de longues minutes, rien ne se produit. Hors de ce qui se passe déjà, bien entendu. Mais alors, j'entends Rykor se mettre en colère à l'extérieur et...

BZIT !

    Un bruit sourd résonne dans l'ensemble de la structure, accompagné d'une coupure générale. Le centre de contrôle vient de désactiver toutes les lumières de notre secteur.

- Oh c'est pas vrai ! Pas pendant que je raccorde l'avant-bras !
- Bordel de... Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
- Pas de panique, j'ai une lumière de secours, dans mon sac. Si tu peux me la prendre, pendant que j'ai les mains prises...
- O-ok...
- Matt, ne l'approches pas. C'est sûrement un piège

    Le silence qui suit m'en dit long sur les réelles intentions de la Directrice des recherches de l'Aile Ouest. Celle-ci tique de la langue et le bras mécanique dans son dos active une sorte de lampe portative qu'elle utilise pour éclairer son plan de travail.

- Dans d'autres circonstances, je t'aurai bien dit qu'être aussi méfiant, c'est mauvais pour les relations humaines. Par contre toi, j'arrive pas à comprendre comment tu peux encore être en vie en étant aussi naïf.
- Disons que c'est rare que je sois autant dans la merde. Je raisonne bien mieux à tête reposée.
- Comme tout le monde ! Au moins un gars normal dans cette pièce.

    Je ne relève pas la remarque, trop occupé à écouter l'extérieur. Pris d'un doute, je dis à Matt :

- Garde un oeil sur ce qu'il se passe ici deux secondes, et sors ton arme : je passe de l'autre côté pour voir.
- Sérieux ?! Et si elle menace de tuer Dale je fais qu...
- Je m'occuperai personnellement de son cas et elle le sait. Juste le temps de vérifier quelque chose et je reviens.

    Il acquiesce en ronchonnant et je colle mon corps à la paroi translucide de mon mur gelé. Aussitôt je la traverse, comme si elle n'existait pas, ou comme si je faisais partie d'elle. En modifiant légèrement sa forme, je me retrouve de l'autre côté, face à une porte qui n'est plus vraiment condamnée. Je l'ouvre et me retrouve face à une cohorte de membres de la Brigade Scientifique et autres militaires, tous surpris et tous sur le point de tirer quand un gantelet métallique se lève :

- STOP ! On ne tire pas !

    Trop tard, une détonation retentit et une balle me traverse de part en part. Je fixe le trou au niveau de mon torse et celui-ci se résorbe de lui-même. Les spectateurs se mettent à trembler, ne voulant croire ce qu'il vient de se passer : personne n'aime être confronté à un adversaire invincible. C'est totalement anti-jeu.
    Rykor garde son calme et demande :

- Vous êtes Arhye Frost, c'est ça ?
- Enchanté, officier. Je vois que vous me connaissez.
- J'ai pris la peine de me renseigner, grâce aux témoins. Pourquoi êtes-vous sorti ? Est-ce que les otages vont bien ?
- On ne peut mieux, je vous l'assure. Mais j'étais curieux de savoir... Pourquoi nous a-t-on privé de lumière ?

    Le regard plus froid et plus noir qu'une nuit d'hiver, je me montre aussi menaçant que possible. Un seul mot de travers et je recouvre l'entièreté de la salle de mon élément. Instinctivement, plusieurs fusiliers reculent. Le Gardien baisse son marteau :

- Pour être honnête, c'était une décision d'un des Directeurs de recherches. Au vu de la situation, je n'approuve pas non plus...
- Alors qu'attendez-vous pour rétablir ça ? Il me semble pourtant avoir fait une demande claire il y a peu. Si mon ami meurt à cause de vous...
- O-on n'obéit pas aux pirates !

    Je me tourne aussitôt vers le coupable : un garçon à peine plus vieux que moi qui semble déjà regretter ses propos.

- Tâchons de garder notre calme ! Tant qu'aucun mal n'est fait au Médecin Général, tout se passera pour le mieux, pour nous comme pour vous.
- Allons, ne soyez pas stupide : seule la mort m'attend si je me rends à votre Gouvernement.
- Vous serez jugé.
- Je serai condamné. Par les plus grands criminels de ce monde qui plus est.

    Je sens que mon interlocuteur a envie de rétorquer mais il se retient. Je commence à générer de la glace tout autour de moi :

- Faites ce qu'il faut pour qu'on puisse opérer dans de meilleures conditions. Ensuite nous reparlerons.

    Et je retourne à l'intérieur du bureau, bloquant de nouveau l'accès en y mettant tous les moyens.
    Près de Dale, le maître et son apprenti continuent de s'affairer. Le voleur a cessé de geindre et focalise toute son attention sur les manoeuvres que lui indiquent Marie. Cette dernière est en train de voir si la première greffe est opérationnelle, l'observant sous tous les angles. Quelques minutes plus tard, elle semble satisfaite et s'occupe d'attacher les dernières terminaisons au moignon du musicien. C'est aussi à ce moment-là que les lumières reviennent, accompagnées du même bruit sourd de tout à l'heure. Nous nous regardons en souriant.
    La voix du chevalier de la justice revient dans les hauts-parleurs :

- Ici l'officier Rykor, problème réglé. Faites ce que vous avez à faire tranquillement. Nous reviendrons vers vous dans les prochaines minutes pour d'autres pour-parlers.

     Au moins, c'est ça de gagné. Le chevalier a beau être excentrique, il ne manque pas de bon sens. Mon attention se pose à nouveau sur l'escargophone et le système de haut-parleurs dans la pièce. Je demande à l'un des prisonniers :

- On peut contacter n'importe qui avec ça ?

    On me répond que seuls les officiels du Laboratoire étaient recensés... Mais qu'une ligne existe avec Marie-Joa. Il suffit de faire passer le message d'un poste à l'autre, selon le récepteur. En l'occurence, il suffit de transmettre à l'opérateur principal de Bulgermore et la conversation est enregistrée, puis répliquée dans les locaux de la base principale de la Marine.
    Ce n'est pas rien. Et cela me donne une idée. J'approche de l'escargophone, cherche la ligne du poste principal et enclenche :

- Ici Arhye Frost. Ceci est un message à l'attention de l'Amirale en chef...

    L'assistance blêmit à chaque phrase que je termine. Matt s'arrête même de travailler l'espace d'un moment, choqué par ce qu'il entend. Je continue, je déblatère, je reste calme... Puis je raccroche enfin. Le silence est pesant. L'effet produit n'est pas pour me déplaire... Mais le visage de la Directrice de l'Aile Ouest me perdurbe, tant il s'est raidit. Matt la regarde avec inquiétude et les hommes que j'ai immobilisés semblent nerveux également. J'ose poser la question :

- Un problème, docteur ?
- Je repense à ce qu'a dit l'officier Rykor. Dans ce genre de situation, on n'attend pas pour reprendre les négociations. Ce n'est pas normal... Soit ils attendent des ordres de plus haut soit... Soit ils se préparent.
- Se préparent à quoi ?
- ... A nous sacrifier. Ils vont enfoncer cette porte et nous laisser mourir pour la bonne cause.


Dernière édition par Arhye Frost le Lun 8 Jan 2024 - 0:53, édité 3 fois
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- On en a encore pour combien de temps ?
- Si t'as fini de lui décrocher la mâchoire, je vais pouvoir m'occuper de cette partie-là. Après on en aura terminé. Normalement.
- Comment ça "normalement" ?!
- J'imagine qu'il n'aura pas le luxe de s'offrir un repos post-opératoire.

    Je réfléchis. Dale est toujours dans les vapes ; Matt a une main dans les cheveux, l'autre sur son pistolet ; Marie est partie chercher les pièces nécessaires au reste de l'opération ; Rykor semble sage de son côté puisqu'il ne fait plus de bruit. Si les dires de notre chirurgienne infortunée s'avèrent justes, le temps nous est compté. Je ne suis pas expert en matière de médecine, mais il est certain que notre ami sera toujours sur le billot lorsqu'ils se seront décidés à effacer cette partie du Laboratoire.
    Mais est-on sûr qu'ils iront jusque là ? Qu'ont-ils à gagner ? À perdre ? Si j'étais un scientifique, ou un commerçant, je ferai tout pour conserver l'intégrité des lieux dans lequel je me suis investi. Alors le détruire ? Pour trois pirates ? Je ne pense pas que ma prime en vaille la vraiment la peine. Seulement Marie ne semble pas du genre à ignorer ce genre de détails. Elle doit y avoir songé aussi... Y aurait-il quelqu'un de déraisonnable de l'autre côté ?

- J'y retourne.
- Je te trouve bien trop détendu. Je te signale que nous sommes toujours ennemis !
- Peut-être, mais en l'occurence, nous faisons face au même problème. Alors je vais tenter d'y remédier de la manière la plus pacifique possible.
- Tu ne peux pas simplement foncer jusqu'au bureau du concerné en gelant tout sur ton passage ?
- Cela ne ferait qu'envenimer les choses. Et si je faisais ça, je n'obtiendrai jamais votre approbation. Je me trompe ?
- ... Tu penses m'avoir avec ce genre de discours ? Depuis quand les pirates font-ils preuve de sincérité ?
- Et depuis quand les scientifiques tirent-ils des conclusions sans faire de recherches ? Pensez ce que vous voulez. Moi, j'ai des morts inutiles à empêcher.

    Et je pars en direction de la porte gelée. Les deux prothésistes restent là, statiques, le temps que je disparaisse. La Directrice se tourne alors vers Matt :

- Il a toujours été aussi... Idéaliste ?
- Oh non : il l'était bien plus avant.
- Je vois... Une chance qu'il ne se soit pas fait tuer jusqu'à aujourd'hui. Il a encore des progrès à faire ! En espérant que ça reste dans le bon sens.
- J'y veillerai.
- Ouais... Veille déjà à bien faire ton travail ! File-moi la pince à clamper.
- ... Pardon ?

     Je me retrouve à nouveau devant les hommes montant la garde à l'extérieur du bureau et de notre bloc. Le Gardien en armure est toujours là, son arme lourde en mains. J'ai eu l'air de le surprendre, car il hésite avant de faire un pas dans ma direction. Les soldats autour sont extrêmement tendus :

- Jeune Frost... Souhaitez-vous ajoutez une demande ? Si tel est le cas, il va falloir que j'en parle à...
- Où est l'embrouille ?
- ... Je ne saisis pas bien.
- Vous cherchez à gagner du temps. Pourquoi ?

    L'officier ne répond pas tout de suite. D'autres marines commencent à remuer à l'arrière. Ils préparent quelque chose. Marie avait peut-être raison.
    D'un geste vif, j'allonge un bras en direction d'un ennemi, lequel n'a pas le temps de réagir. Tel une chaîne de cristal glacé, l'appendice s'enroule autour de son cou et je l'attire à moi, le plaçant en ligne de mire. D'une main en l'air, Rykor s'assure que personne n'ouvre le feu. La situation est de plus en plus délicate, mais c'est voulu. J'espère qu'en tirant sur la corde, ils fassent une erreur et dévoilent leur jeu. Si tant est qu'ils perdent patience... C'est risqué, mais je n'ai pas mieux. Le justicier doré dit :

- Ne faites pas quelque chose que vous pourriez regretter.
- Oh comme le fait d'entrer sur une île en toute illégalité et pénétrer dans un laboratoire gouvernemental ?
- N'aggravez pas la... Vous savez très bien où je veux en venir !
- Et je suis sûr que vous aussi. Maintenant, on arrête de jouer : quoi que vous prépariez, vous avez intérêt à y mettre fin tout de suite, sinon je ne réponds plus de rien. Tout ce que vous avez à faire, c'est attendre gentiment qu'on en termine.
- ...
- Allez bougez-vous.
- Espèce d'enfoiré !

    Le sanguin de tout à l'heure refait surface. Avant que quelqu'un puisse le stopper, il appuie sur la détente et me loge une balle dans l'arcade. Malgré l'absence de sensation, le choc me fait lâcher mon otage. Confortés par cette réaction - ou victimes de leur propre vexation - d'autres emboîtent le pas et tirent à leur tour. Les coups de feu résonnent dans le hall et mon corps commence à se désagréger à force de répétition. Rykor soupire, puis se met à courir en direction de la porte. Il lève son marteau et frappe de toutes ses forces contre l'épaisse couche de glace qui la recouvre, la brisant presque entièrement. Content de lui, il s'apprête à recommencer quand une de mes mains vient lui agripper la jambe et le tirer en arrière. Le reste de mon corps se reforme à partir d'elle et je m'élance dans l'espoir de lui faire sauter son casque d'un crochet bien placé. Il parvient à esquiver.
     D'autres tirs me traversent mais je m'en contrefiche. L'important est de neutraliser l'espèce de tank qui leur sert de commandant. Celui-ci fend l'air de son arme et l'onde seule parvient à me faire reculer. Il est habitué à s'en servir, y a pas à dire.
     Je génère encore plus de glace, recouvrant le sol, les murs, la porte à nouveau ; des protubérances apparaissent ça et là, certaines sous la forme de stalagmites, obligeant les soldats à se mettre à l'écart. Rykor se contente de briser tout ce qui se présente sur son chemin :

- Continuez de tirer !

     Les projectiles continuent de me gêner. Creusé et perforé de part en part, je suis contraint de m'occuper des enquiquineurs en répliquant avec mes lances d'Odin. Voyant les pieux foncer sur eux, beaucoup préfèrent se mettre à couvert et cessent de m'importuner. L'officier, quant à lui, profite de ce détournement d'attention pour continuer à marteler l'accès au bureau. Il tente de rejoindre Matt et les autres pour renverser la situation.
     Plus rapide sur la banquise que j'ai créée, je me propulse vers lui et me prépare à lui briser le flanc. Mais alors que je suis dans son dos, il fait volte face et me bloque aussitôt, comme s'il savait d'où j'arrivais.
     Je sens que ça va être long.


Dernière édition par Arhye Frost le Ven 5 Jan 2024 - 15:27, édité 1 fois
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- Soyez raisonnable, Rykor.
- Trop tard pour ça ! Justice sera faite.

    Je me prends son marteau en pleine figure et le tout éclate en un millier de cristaux blancs. Mais cela ne m'arrête pas : j'attrape son bras et profite de son élan pour le renvoyer du côté de ses hommes. Sans moyen pour se réceptionner, il glisse sur le sol gelé et termine sa course dans le pylône central, celui auquel est collé le bureau d'accueil du secteur 6. D'autres soldats font feu et je tente d'en bloquer le plus possible en augmentant la quantité de stalagmites, les forçant à reculer vers d'autres accès. De l'un d'eux, je vois de simples médecins sortir en courant, mains sur la tête et dos baissé... Sûrement ceux du bloc opératoire principal.
    Rykor s'est relevé. Il bondit sur moi et frappe, mais je recule d'un pas et laisse son arme faire un trou dans la banquise. J'enchaîne sur un coup de pied qu'il pare, suivi d'un autre, et d'un autre. Commence alors un échange de coups qui ne portent pas. De mon côté, je suis en mesure d'éviter ses assauts et de frapper vite grâce à mon agilité. Lui ? Son armure intégrale et son gabarit aurait dû le freiner... Mais il semble doter de réflexes hors du commun, tant ses réactions sont rapides. J'aurais aimé voir ce qui se cache sous son casque à ce moment-là. Une machine ? Un vétéran endurci ? Dans tous les cas, il ne fait pas de geste superflu et semble même capable d'anticiper mes coups de mieux en mieux.

- Ha ! Je vois tout ce que tu fais. J'ai le temps de m'y préparer.

     Comment ça ? C'est quoi comme genre de triche ? Je suis trop lent pour lui ? Est-ce qu'il lit mes intentions au moment où elles me viennent en tête ? Je lui souffle mon givre dessus, ce qui l'oblige à reculer de plusieurs pas, et enchaîne sur un nouvel épieu... Qu'il évite également. Au dernier moment. Au moins, ce n'est pas un problème de vitesse ! Mais cela reste un problème et le temps file. D'un côté, c'est bon pour Dale ; de l'autre, c'est du temps gagné pour un éventuel arrivage de renforts. Ou de matériel. Je ne sais pas pourquoi des explosifs me viennent en tête...

- Encore un peu ! On en aura fini dans pas longtemps ! Tenez bon !

     Je vois l'un des médecins du bloc d'il y a quelques instants. Celui-ci s'adresse aux marines depuis la porte. Je lui jette un projectile et le touche au bras, recouvrant la moitié de son corps d'une couche de glace, lui faisant perdre l'équilibre. En panique, il est évacué par deux membres de la brigade scientifique.
    Comprenant que j'ai bien saisi la gravité de l'information, les derniers fusiliers encore capables de tirer tentent de me barrer la route mais je n'en ai cure. Fondant comme neige au soleil, je me faufile dans la glace du plancher, entre leurs jambes. Et à nouveau l'officier vient me déranger en cognant exactement là où je me situe. Bondissant hors de mon élément, je me retrouve coincé entre ses hommes et lui, alors qu'il protège l'accès. Cette fois, je m'impatiente. Ma main tapote la poche de mon vêtement, là où je range d'habitude mes cigarettes. Je soupire et tend les bras :

- Tu "vois" ça hein... Mais est-ce que ça va suffire ?

     Je lui lance un rictus moqueur, imaginant sa tête alors qu'il comprend ce que je m'apprête à faire. Avant qu'il n'ait le temps de sonner la retraite, je lâche un "AH !" puissant, lequel annonce l'impulsion. Une vague de froid cinglante est libérée et tout ce qui se trouve dans son sillage finit pétrifié, transformé en statue hivernale. Des soldats fuient vers les sorties les plus proches. Certains sont pris dans l'attaque et se figent dans des expressions apeurées. Rykor est parvenu à fermer la porte derrière lui avant de reculer au maximum... Mais n'en est pas sorti indemne : son bras gauche est entièrement gelé. Le manche de son marteau et une partie de son armure sont également recouverts de cristaux blanchâtres. Comme si cela ne suffisait pas, il se retrouve bloqué dans un coin de la pièce, dans un espace d'à peine deux mètres de large. Partout autour de moi, le vide est s'est rempli. La vague a arrosé l'ensemble de mes créations et l'a fait pousser de manière exponentielle. Je dois avoué que même si l'endroit est propice à l'usage de mes pouvoirs, je me sens un peu fatigué après pareille prouesse. De la zone d'accueil du secteur 6, il ne reste de visible à l'extérieur qu'un iceberg compacté dans un cube de métal.
    Après avoir constaté l'état de nos ennemis, et l'incapacité à l'officier de se sortir de sa prison, je laisse mon soulagement sortir et traverse une nouvelle fois nos défenses pour retrouver Matt et la chirurgienne.

    Me voyant entrer, le voleur ne cache pas son soulagement :

- J'ai vraiment cru que ce serait quelqu'un d'autre... Il y avait un de ces boucans dehors.
- Je te l'ai dit : pacifique au possible.
- ... Mais bien sûr.

    Content de me voir en un seul morceau, Matt ne peut s'empêcher de le dire sur un ton complice. Marie Q-Riz demande :

- Vous les avez tous tués ?
- Non. Ils sont juste... Coincés.
- ... Très bien.

    Malgré son air impassible, sa voix trahit sa satisfaction quant à ma réponse.

- Alors ? On en est où ? Il va bien ?
- Pour l'instant, tout se passe très bien. Je pensais avoir plus de travail, vu le côté rudimentaire de son ancienne prothèse de mâchoire. Mais aussi sauvages pouvaient être ceux qui lui ont mis ça, ils ne manquaient pas de technique. Ça me facilite la tâche. J'ai bientôt fini.
- Formidable ! Dieu merci...

    Mes jambes se mettent à trembler et je me laisse tomber, adossé contre la double porte. C'est comme si je recevais le contrecoup de tout ce qu'il s'était passé depuis notre arrivée à Bulgemore. Moins d'une journée s'était écoulée, mais nous n'avions eu aucune seconde de répit. Côté émotions fortes, j'avais aussi eu ma dose.

- Ne te relâche pas maintenant. Je vais sans doute avoir besoin de tes talents d'ici quelques minutes... Et toi, continue à aspirer !
- B-bien madame !
- On dit DOCTEUR !
- Oui docteur !
- Allons bon ! Manquerait plus qu'il clamse en s'étouffant dans son propre sang... Franchement...

    Je lève un oeil inquiet vers la table d'opération. Sur ma gauche, les infirmiers-otages regardent la scène, à la fois résignés et consternés. J'ai presque envie d'en libérer un... Mais mon ami s'essuie le front et dit :

- Allez Dale ! Faut absolument que tu vois ton toi flambant neuf. Encore un peu...

    Matt est concentré. D'ailleurs il ne se plaint même plus. Cela fait longtemps que je ne l'ai pas vu aussi impliqué dans quelque chose. Rassuré, je m'accorde une pause.
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CLANG ! CLANG !

        Après de longues minutes à attendre que l'opération se termine, la Marine se remet à tambouriner contre la porte. Elle a réussi à passer au travers de la glace. Même si celle-ci est bien moins résistante que l'acier, au vu de la quantité, je salue l'exploit. J'imagine que ceux qui étaient piégés ont été secourus. Tant mieux : être maintenu dans le froid pendant trop longtemps peut provoquer des séquelles sur le long terme. Au moins ça que je n'aurai pas sur la conscience et Dale ne m'en tiendra pas rigueur à son réveil. Matt m'a rejoint et s'assure que la situation reste sous contrôle. Nous sommes donc tous les deux adossés contre la seule entrée - et sortie - en espérant que personne derrière n'ait l'idée de tout faire sauter. La Directrice de l'Aile Ouest est seule face à Dale et s'est arrêtée de bouger. Son regard est figé sur le patient, indéchiffrable, persistant, troublant :

- Quelque chose ne va pas ?

     Marie ne répond pas. Elle se contente de rester là, imperturbable, comme si elle attendait quelque chose... Mes craintes de tout à l'heure reviennent à la charge et je m'apprête à la rejoindre quand elle se décide à tourner la tête vers moi. La neutralité n'a pas quitté son regard :

- Mon travail est terminé.
- ... Très bien. Je vous remercie. Infiniment.
- Vous vous souvenez de ce que j'ai dis, n'est-ce pas ? Avant de commencer.

    Oh oui, bien sûr je me souviens. C'est bien de là que me vient ce malaise d'ailleurs... Je n'ai pas cessé d'être sur le qui-vive, en partie à cause de ça. Cette fois, je laisse Matt seul à garder la double-porte toujours bloquée, et m'approche de la chirurgienne qui lève un scalpel :

- Un pas de plus et je tranche la gorge de ton ami.

    J'obéis. Elle ne semble pas plaisanter. Il est toujours difficile de dire si elle est sérieuse à cause de son expression, mais l'arme reste une preuve convaincante.

- Vous allez vous rendre, le blondinet et toi. Laissez-les entrer et je promets de protéger celui-là. Je prétexterai un "besoin expérimental".
- ... C'est une proposition étonnamment bonne.
- C'est la plus honnête que je puisse vous offrir. Accepte-la et tout le monde y gagnera.
- Rien n'est moins sûr... Mais merci pour l'offre.

    Je ne peux m'empêcher d'avoir un sentiment étrange en l'écoutant. Ses temps de réponse sont lents. Pas ceux d'une femme en panique, ni autoritaire :

- Ce serait plus sage. Plus... Logique. Vous le savez.
- Logique ?
- Bien entendu. Aider son ami et éviter d'aggraver la situation : une pierre deux coups. Je suis certaine qu'il serait d'accord avec m...

    D'un geste vif, je projette ma glace sur son bras, profitant du moment où elle baissait sa garde. Je l'ai plus fait par prudence que par conviction, car une chose m'a fait comprendre qu'elle n'était pas sincère. Très vite, ses yeux confirment que j'étais dans le vrai. J'y traduis de la sympathie. Rien de mauvais à notre égard... Rien qui ne soit tourné contre nous.
    Je termine de l'immobiliser, faisant attention à ne pas la blesser, ni recouvrir son visage. Je fonce sur Dale, lequel n'a rien... A part des morceaux de tissu et de gaze près des fixations. Je redresse sa tête précautionneusement :

- Enlève celles dans sa bouche. Peu de chances qu'il les avale mais avec les secousses, sait-on jamais.
- Même maintenant vous...

     Je remarque alors quelque chose en observant les greffes de mon compagnon :

- Vous lui avez mis ça ?
- J'ai pris ce que j'avais. C'est tout ce qu'il y a à savoir. J'ai rempli ma part du marché, et maintenant que je suis hors d'état de nuire, ils ne me soupçonneront peut-être pas de complicité. Le reste ne dépend que de vous trois.
- Merci docteur.
- Hé ! C'est pas trop tard pour revenir sur le droit chemin. Je me doute que ça ne suffira pas à te convaincre, mais au moins je l'ai dit. Penses-y.
- J'y songerai. Mais vous savez...

     Je place Dale sur mon dos et lance un sourire plein de sympathie à ma prisonnière :

- Je ne pense pas avoir pris le mauvais chemin, s'il me permet d'atteindre le bon endroit.
- Pff ! Allez, sortez de mon bureau, bande de sales gosses !

[...]


    Notre sortie fut fracassante. J'ai littéralement fait sortir la double porte de ses gonds, retirant les attaches givrées que j'avais posées et bousculant plusieurs de nos assaillants au passage. La banquise étant toujours présente en plusieurs endroits, je parvins à générer suffisamment de remparts pour empêcher Matt et Dale de se faire trouer la peau. Le premier répliquait avec son pistolet, l'autre dormait encore. Je m'étonnais de ne pas voir Rykor...
    Maintenant, nous nous trouvons dans le couloir à l'extérieur du secteur 6. L'ensemble du Laboratoire semble prêt à nous éliminer, tant je compte d'ennemis. Le côté positif est que les espaces restreints sont en ma faveur... le problème, c'est que ce couloir est énorme. Surtout que je vois autre chose se déplacer entre les fusiliers et les membres de la brigade scientifique, à la fois plus agile et plus mécanique...
    Les limiers de fer sont là. Un poil différents des prédateurs du dehors, ceux-là ont fait de notre trio leur cible. Les balles les ralentissent à peine et leurs attributs d'attaque rendent ma glace moins impressionnante. Voyant ça, je cherche vite une solution de repli et, comprenant que rien ne se passera comme prévu peu importe le choix, je dis à Matt :

- Prends Dale avec toi.

    Il s'exécute aussitôt. Libre de mes mouvements, je me prépare à recevoir les premiers chiens-robots. Et ils ne se font pas prier : répondant à un ordre simple, ils se jettent sur moi sans aucune forme de cérémonie, me rendant les choses plus simples. Je balaie les deux premiers du pied, puis en réceptionne un troisième au niveau du cou. Mes doigts tentent d'écraser le blindage, mais la créature s'agite beaucoup et elle est plus résistante que prévu. Ceux qui les ont monté se sont donnés du mal pour les rendre tenaces. Je finis par le jeter sur ses deux conjoints, lesquels revenaient déjà à la charge. Alors qu'un quatrième approche et que les soldats dans le tunnel continuent de s'amasser, je cours en direction du mur sur notre gauche, au voleur et moi. Je tâte la paroi :

- Tu te rappelles du plan qui était sur le bureau du docteur ?
- Oui !
- C'est bien là que ça indiquait qu'il n'y avait rien non ?
- Je ne sais plus !

    A la bonne heure ! Pas le temps de réfléchir plus, ni d'inspirer. Je prépare mon poing et y concentre ma force. J'exécute alors la fracture la plus performante à ce jour. Le choc est violent, le contrecoup aussi, mais ce n'est pas en vain : un trou s'est formé dans le mur et nous nous y engouffrons à toute vitesse avant que je ne le referme.
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La première chose qui interpèle lorsque la brèche disparait, c'est le son. Le moindre bruit résonne dans un espace sombre, froid et dénué de vie ; de l'autre côté, les cris sont étouffés et les détonations grondent en frappant les cloisons. Ici, tout n'est que poussière, givre et débris... Nous sommes encore à l'intérieur du Laboratoire, mais cette zone n'a pas été réhabilitée. Malgré ça, nous n'avons d'autre choix que d'avancer : le répit sera de courte durée.

- On se croirait dehors... Ça caille.
- Il doit y avoir quelques brèches. Ne perdons pas de temps.

     Il y a des plaques, des tuyaux et des amas partout. Nous les contournons du mieux que nous pouvons, longeant un chemin qui ne semble mener nul part. Les particules que nous déplaçons disparaissent dans l'ombre. C'est sur elle que je porte toute mon attention désormais.  Plus nous avançons moins j'ai l'impression d'avoir eu une bonne idée, mais ça reste plus sûr que d'affronter l'entièreté de la garnison de Bulgemore. Estimons-nous heureux de ne pas être tombés sur la salle des gardes. Ou pire.
     Un cliquetis étrange se fait entendre. Matt et moi nous mettons sur nos gardes. Des frottements... Des froissements... Plusieurs choses se déplacent. Et leurs pas me paraissent irréguliers. Anormaux.

- D'autres de ces machines ?
- Il semblerait.

     J'avance doucement, plaçant mes deux compagnons en sécurité derrière moi. Aux cliquetis viennent s'ajouter le grondement caractéristique des bêtes mécaniques. Je me mets en garde.
     Une silhouette grosse comme un loup bondit sur moi et je ne parviens qu'à lui infliger une blessure superficielle d'un revers du bras. Une autre silhouette apparaît, plus grosse cette fois, et semble vouloir m'attraper de sa poigne énorme. En reculant, je constate qu'il s'agit d'un modèle primate. Encore un détail qui m'alarme : ces automates ont le même côté sauvage que ceux qui errent en extérieur. Ils n'ont pas été reprogrammés. Nous avons quitté la civilisation pour atterrir dans la jungle, génial...
    Le canidé retente sa chance, je le frappe derechef. Le singe tente de m'écraser mais il ne tombe que sur de la glace. Je me régénère presque aussitôt dans le froid ambiant et prend forme autour de son poignet que je broie d'emblée. D'autres mechas rejoignent leurs congénères, certains dans un état déplorable. Tant mieux, ça facilite les choses. Je continue de déblayer notre route, lentement mais sûrement, laissant une vague de gel sur mon sillage qui termine de paralyser les oeuvres de Vegapunk.

[...]

      A son réveil, Il ne voit que des lumières rouges, vives et clignotantes. Puis des formes, tout aussi agitées. Il ne comprend pas. Du moins pas tout de suite.

- Ca y est, il se réveille. Débranchez-le.

     Il sent des mains lui palper le torse et le visage. Surtout le visage. Ça le dérange. Il veut plisser les yeux mais Il ressent une gêne à gauche... La mémoire Lui revient : un accident de travail a failli Lui prendre la vue. Il veut se redresser, on l'en empêche, Il résiste... Le sourire qu'Il arbore laisse peu de place à la discussion. Ce n'est pas le genre de réaction qu'on attend d'un patient... Mais ce n'est pas le genre de patient à réagir comme on l'attend. Son rictus met mal à l'aise, alors qu'Il quitte sa couche pour rejoindre le miroir du fond de la pièce, près de la table où reposent des outils salis par l'opération. Il se voit, grand, blond, les cheveux longs tombant sur son visage et ses épaules, le regard perçant. En soulevant une mèche, Il découvre son nouvel oeil : l'une des dernières greffes à la pointe de la technologie, capable de Lui montrer plus que ce qu'il pouvait voir jusqu'alors.
      Mais pourquoi a-t-il été réveillé par l'alarme du Laboratoire ?

- Agent Vesper, je suis désolé d'avoir à vous demander ça à votre réveil, mais nous avons des intrus dangereux. La garnison n'a pas encore réussi à leur mettre la main dessus. Au vu de vos compétences, votre aide a été requise par la Direction. Nous vous épaulerons du mieux que nous le pouvons.

    L'officier Rykor est là. Le fameux Gardien, d'après les hommes d'ici. Vesper voit une chaise où ses vêtements de fonction ont été pliés avec soin. Il s'en approche sans répondre au militaire. Un toubib ose ajouter :

- Nous avons réussi à sauvegarder cette partie du secteur 6 lorsque l'ennemi est passé en force. Votre rétablissement a été notre priorité. Aidez-nous s'il vous plaît.

    Vesper lève un bras, observe sa main, ferme le poing et le rouvre, doigt par doigt... Aucun problème... Ses sens sont tous opérationnels.
    Rykor s'apprête à parler de nouveau mais le membre du Cipher Pol le plaque contre le mur. Même s'il avait pu "voir" l'intention, il n'aurait jamais eu le temps de s'en soustraire. Son emprise est forte, tant et si bien que l'officier ne peut espérer s'en libérer. Pourtant fier de sa force, il comprend qu'il n'est rien face à cet homme, pourtant convalescent. Et le sourire de Vesper n'a pas diminué :

- Incapables... Je vais m'occuper de ça, soyez sans crainte. Mais n'espérez pas de moi la charité : vous paierez votre dette une fois que tout sera rentré dans l'ordre.
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- Tu crois qu'il va se réveiller bientôt ?

     Profitant d'un moment de répit, je tourne la tête vers un Matt inquiet. Depuis notre sortie du bloc, Dale ne s'était pas encore réveillé.

- Il vient de subir une opération. Et il avait déjà perdu pas mal de sang, sans parler des secousses. Il a besoin de repos.
- Oui, c'est sûr...
- Hé.

     Je pose une main sur l'épaule du voleur et approche mon visage du sien, un sourire discret au coin des lèvres.

- Merci d'être là.

     Mon ami écarquille les yeux, bouche bée. S'il ne faisait pas si froid, j'aurai juré le voir rougir. Il cherche ses mots, commence à balbutier quelque chose mais finit par s'abstenir. Il n'y a pas besoin de répondre à ce qui n'est qu'évidence. Nous en avions de toutes les couleurs tous les deux, sans jamais remettre en question notre complicité. Ce n'est pas prêt de changer.
     De nos assaillants, il ne reste plus grand chose. Le problème maintenant, ce sont les soldats et les membres de la brigade scientifique qui cherchent à nous faire la peau à l'intérieur du labo. J'entends un grondement plus loin et décide qu'il est temps de quitter notre cachette : un couloir étroit et délabré, à moitié encombré par les caissons éventrés et les tubes douteux au verre brisé. Dans les murs - ou plutôt de l'autre côté - les pas résonnent encore. Mais plus nous nous perdons dans ces lieux délaissés, plus ils semblent s'éloigner. J'entreprends donc de tâter les parois au fur et à mesure que nous avançons. Les mains prises, Matt souffle sur les particules de poussières pour les éloigner. Chaque expiration crée de nouvelles gouttelettes aux coins de sa bouche, l'obligeant à passer la langue dessus. Ce cycle infernal se répète ainsi jusqu'à ce le grondement retentisse à nouveau, plus proche cette fois. Au loin, des ombres remuent :

- Bon, on sort de là !

    Comme pour rentrer, je frappe le mur nous séparant de la zone réhabilitée de toutes mes forces une fois, puis une deuxième. Plus épais à cet endroit, il me demande plus d'efforts, mais il finit par céder et nous nous retrouvons dans l'un des axes principaux du Laboratoire. Je reconnais au loin l'entrée que nous avions empruntée... Mais de nombreux hommes nous en interdisent l'accès. À notre vue, plusieurs lèvent leur fusil et je dois générer un bouclier suffisamment large pour nous protéger, le tout en avançant. Chaque balle amoindrit notre défense, ce qui m'oblige à répéter l'opération plusieurs fois. Derrière, les coups de feu ont attiré d'autres ennemis. L'affaire se complique ! Et comme si ça ne suffisait pas, un officier donne l'ordre à des gardes de fermer l'accès à a la sortie.
    Je lâche un juron et accélère la cadence. Matt tente tant bien que mal de répliquer d'une main avec son pistolet, plus par sommation que pour infliger de vrais dégâts. Les tirs fusent sans discontinuer, le bruit est assourdissant.

- Attention !

     Ceux de derrière ne nous regardent plus : du trou que j'ai fait sortent d'autres robots, dont un qui n'hésite pas à élargir les parois en forçant le passage avec son énorme cuirasse. S'il incarnait un animal autrefois, difficile de dire lequel aujourd'hui tant il est amoché, mais sa taille suffit à le rendre dangereux. Aussi sauvage que les autres, il réagit agressivement au moindre mouvement. Avec cette diversion, nous n'avons plus qu'à nous concentrer sur notre objectif.
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Hors-RP:

        Nous continuons d'avancer jusqu'à la sortie, tirant et frappant dans le tas sans chercher à savoir si l'ennemi se relève ou non. L'automate poursuit son assaut, très vite suivi par d'autres de ses semblables. Tous sont atteints de la même "folie". L'immense corridor devient le hall d'une lutte chaotique.
       La sortie est juste sous nos yeux... encore quelques mètres à peine et nous l'atteindrons. C'est lorsque l'espoir me tend les bras que je remarque trois individus, en hauteur, près d'un accès réservé à côté de la porte. L'un ressemble à un scientifique ; le deuxième est recouvert d'un manteau, sous la capuche s'échappe une lueur rouge ; le troisième est une machine... Et celle-ci serpente à toute vitesse dans notre direction.

- Matt, fonce !

    Je laisse passer le voleur et son précieux colis. Confiant, je me prépare à réceptionner ce qui ressemble réellement à un reptile longiforme. Son sifflement me parvient au moment où il bondit - parvenant à me surprendre au passage - et dévoile deux crochets menaçants. Je parviens à le frapper au niveau du coup, mais cela ne suffit pas et le serpent se sert de mon bras pour s'y enrouler et me mordre à l'épaule. J'ai vraiment perdu en temps de réaction depuis que je me familiarise avec les pouvoirs de mon fruit...
     Là, quelque chose me surprend : à l'endroit de la morsure, pas de glace. Un liquide rouge commence à couler le long de mon bras. Et une deuxième information me parvient tout de suite après : la douleur.

- Put...

    J'agrippe la tête du serpent et la retire avant de l'écraser entre mes doigts. Pris de panique, je tâte l'endroit de la blessure... Mais à part ce mal qui me lance, couplé au froid ambiant, pas d'autre signe inquiétant. Je suis affaibli, mais pas engourdi. Reste à savoir pourquoi mon corps a réagi comme si j'étais...
    Humain ?
    Pas le temps d'y penser, je cours rejoindre Matt et Dale, lesquels parviennent tout juste à se faufiler par ce qu'il reste d'ouverture dans la porte. Des lumières vives tournoient au dessus et l'alarme sonne d'autant plus fort. Focalisé uniquement sur mes amis, je fonce sans me retourner.

- Pas si vite.

    Encore une fois, la douleur. Comme si je m'étais pris un buffle en pleine charge dans le dos, je me retrouve projeté à l'extérieur, tête dans la neige, le souffle coupé. Je suffoque et me redresse tant bien que mal avant de me retourner :
    Le type au manteau est là. Je ne l'ai même pas senti s'approcher, tant ce fut rapide. Il a ôté sa capuche, dévoilant des cheveux blonds attachés en une queue de cheval, une mèche recouvrant tout juste l'un de ses yeux, lequel émet une lumière rouge... En plissant les miens, je comprends qu'il s'agit d'une prothèse. L'homme sourit d'un air mauvais, ce qui me met mal à l'aise.

- A qui ais-je l'honneur ?
- Arhye Frost, c'est bien ça ? Appelle-moi Vesper. Agent du Cipher Pol.
- Est-ce raisonnable de me dire ça ? C'est plutôt secret comme travail, il me semble.
- Oh aucun risque ! Après tout, vous allez mourir ici, toi et tes amis.

    Le ton employé ne colle clairement pas à la situation, et son expression sadique n'arrange rien au malaise qu'il transmet.

- Matt, continue. Je vous rejoins tout de suite.

    Mon ami, qui était resté là à m'attendre, comprend très vite qu'il est inutile d'hésiter et s'exécute aussitôt.

- Comme si j'allais le laisser faire.
- Toi, tu restes avec moi !

      Avant même que je commence à courir vers lui, le membre du Gouvernement bondit en avant à une vitesse fulgurante, comme s'il avait été propulsé par une force invisible...J'ai déjà eu vent de ce genre de technique. Le "rokushiki", me semble-t-il. Pris de court, je parviens tout juste à mettre ma jambe sur son chemin pour le balayer. La sienne devient plus sombre et le son de nos tibias s'entrechoquant s'éteint devant les portes closes du Laboratoire. Là encore, le choc est violent. Je grimace un peu, mais tiens bon. L'agent recule et, malgré son sourire, semble insatisfait :

- Bon... J'imagine qu'il va falloir faire du cas par cas... Quelle perte de temps.

    Je tends le bras dans sa direction, prêt à le geler sur place. S'il connaît mon nom, il doit avoir reçu l'information sur mes compétences, car il se met en garde...
    ...
    Le temps passe et rien ne se produit. Et plus il dure, plus je me rends compte de ce que cela veut dire. Pensant d'abord à une simple hésitation de ma part, comme la mauvaise réception d'un signal nerveux, je me concentre davantage, mais rien ne sort. Pas un cristal, pas même un souffle... Rien. Je jette un coup d'oeil à la blessure à mon épaule. Le sang ne coule plus, mais la morsure est toujours là.
      Je blêmis tandis que l'autre me dévisage d'un air mauvais et triomphant. Je viens de perdre mes pouvoirs.
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BAM !

     Ce coup-ci aussi, je l'ai senti. Vesper frappe fort, et surtout vite ! Encore sous le choc de ce qu'il m'arrive, j'ai du mal à suivre le rythme. Je parviens à bloquer ses coups les plus dangereux, mais certaines beignes sont plus vicieuses que d'autres et me prennent au dépourvu. Derrière moi, Matt et Dale sont déjà loin. C'est déjà ça.
     Je tente de le frapper à mon tour, alors qu'il est à portée. Mais il se fige et attend le coup venir... Et bon sang qu'il est dur ! Mon pied s'enfonce à peine dans son ventre et il ne bouge presque pas. Il sert les dents, certes, mais ça ne l'empêche pas de répliquer. Nous luttons ainsi pendant un moment et les bruits à l'intérieur du Laboratoire se raréfient. Dans très peu de temps, la situation sera sous contrôle et des soldats sortiront aider l'agent. Si je ne suis plus fait de glace, ça risque de poser problème... Je lâche :

- Qu'est-ce que tu m'as fait ?! C'était quoi ce serpent-robot ?

      Le sourire de Vesper s'élargit :

- Impressionnant non ? Ce n'est qu'un prototype d'arme comme un autre... A ceci prêt qu'il est défectueux. Mais je n'aime pas le gâchis, alors je me suis dit : "pourquoi pas l'utiliser après tout ?"
- Et sa fonction ?
- Pour ce qui est du projet initial je l'ignore... Disons qu'en l'état il agit à la fois comme un poison et un vaccin.
- C'est à dire ?
- Je ne me suis pas penché sur le sujet. Contente-toi de ça.

     Et les coups fusent à nouveau. J'ai beau tenté mes meilleurs mouvements - tous les enchaînements du Corbeau y passent - mais rien n'y fait, je ne parviens pas à percer sa garde... Je tente alors une fracture avec plus d'élan encore. Il commence à se contracter, puis écarquille les yeux avant d'onduler comme une feuille de papier dans un courant d'air. C'est comme s'il s'était laissé diriger par la force de mon attaque, sans qu'elle ne fasse mouche. Mais ce qui m'étonne le plus, c'est ce changement de conduite. Autrement dit :

- Et moi qui croyait que tu pouvais tout encaisser. Je suis presque déçu.
- Ah oui ? Et si tu te mettais à ma place cette fois ?

     Sans crier gare, il fond sur moi, aussi vite qu'à sa première attaque. Je tente de parer, par réflexe, avec le bras cette fois. Très vite, je regrette cette décision.
     Je sens qu'on me perfore. Je recule aussitôt et regarde la blessure... Effectivement, il y a un trou, du sang en sort. Mais pas de trace de brûlure ni d'odeur de métal chaud. Il n'y a pas de balle. J'observe mon adversaire... Une goutelette écarlate glisse le long de son index.
     Ces agents du Gouvernement me sortaient déjà par les yeux avant, c'était sans compter sur ces foutues techniques d'assassin.
     Et l'autre continue de me narguer, sautant d'un pied sur l'autre, comme pour s'il s'échauffait. Mais il est hors de question que je rentre dans son jeu. Si je le fais, c'est fini pour moi. J'en ai conscience : je suis affaibli, je n'ai plus mes pouvoirs, j'ai la tête embrouillée par un tas d'informations qui ne cessent de s'accumuler et lui semble s'amuser plus qu'autre chose. En l'état, je ne représente pas une menace à ses yeux. Et même si c'est frustrant, cela veut simplement dire que les chances sont contre moi si le combat perdure.
     Je soupire. Il ne me reste pas trente-six solutions dans ces cas-là. Je me mets en position, je me retourne.
     Et je me barre.

     Vesper met un temps à comprendre avant de me prendre en chasse. Je continue ma course en direction de la ville en contrebas. Malgré la neige - plus calme qu'à mon arrivée - je peux voir les lumières au loin... J'imagine que Matt est arrivé à l'entrée.
    Un tas de flocons s'éparpille à quelques centimètres de moi, sous l'effet d'un choc invisible. Je tourne la tête et vois l'ennemi qui court dans les airs, armant ses jambes d'une drôle de façon avant de frapper le vide qui nous sépare... Et je crois apercevoir une distorsion dans l'air... Qui se rapproche !
    J'esquive. Une nouvelle onde éclate derrière moi. Cette fois, ça devient vraiment dangereux !

- C'est de la triche ton truc !

    Il ne répond pas et continue d'attaquer en lâchant un rire gras et grossier. Ca ne colle pas avec son faciès, mais je me garde bien de lui dire. C'est pas vraiment le moment de toute façon. Alors je descend tant bien que mal, allant de droite à gauche pour éviter les projectiles étranges du tueur blond.
     Celui-ci finit par en avoir assez. Alors que la ville n'est plus qu'à quelques mètres, il se projette sur moi pour la quatrième fois et je parviens tant bien que mal à contenir l'attaque, malgré sa violence. J'entends des coups de feu derrière moi : Matt est aux prises avec une patrouille restée là. Vesper profite de ce moment d'inattention pour m'enfoncer un nouveau doigt juste sous les côtes. Je pousse un gémissement et l'écarte d'un revers avant de prendre mes distances à nouveau.
     Dans la ville, les maisons s'allument : les habitants, les badauds, les curieux... Beaucoup de visages apparaissent aux fenêtres, inquiets pour certains, appeurés pour d'autres, alors que des trois soldats tombent et qu'un pirate affronte un officiel, protégeant ses amis d'une justice obscure. En poursuivant ma lutte vaine face au borgne, je me retrouve près d'un soldat blessé et de son fusil... Que je ramasse.
    Je tire plusieurs fois, ratant ma cible par moments. Les seules fois où je touche, lui se contente de se durcir ou d'écarter les balles d'un geste de la main. A chaque fois, j'ai l'impression de le voir s'assombrir. Littéralement.

- Arhye !

    Un coup de feu derrière moi m'oblige à me baisser. Un projectile me frôle la tête et vient percuter l'agent du Cipher Pol. Percuter oui... C'est le mot : à part son manteau, lui semble n'avoir rien subi, encore une fois.
    Il en profite et arrive à portée. Un nouvel échange de coups s'ensuit. Matt veut m'assister, mais d'autres soldats arrivent, alertés par le raffut. D'après la direction, ils viennent du port... Notre combat continue au milieu d'un axe principal, entre quartier commerçant et résidentiel, avec une impasse pour seule cachette et des lampadaires pour seules repères. S'il n'y avait que Vesper, ça irait encore. Mais le soixante-huitième régiment compte nombre d'hommes : les différents groupes surveillant la zone se rassemblent petit à petit, augmentant de cinq le quota d'ennemis entre nous et notre fuite à chaque arrivage.


Dernière édition par Arhye Frost le Lun 8 Jan 2024 - 0:59, édité 1 fois
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Matt fait de son mieux pour contenir la Marine tandis que je livre un duel toujours plus acharné avec Vesper... Du moins j'essaie. Le bougre sait où frapper et avec un tiling impeccable ! On sent très vite qu'il a passé ses années de service à parfaire son style, faisant de lui une machine à tuer. Le pire, c'est qu'il y prend du plaisir.

- Faut qu'on dégage de là !
- Je sais ! Mais ça devient compli... Wooah !

     Je manque de me faire embrocher une nouvelle fois par l'index de l'agent. Je tente de répliquer avec un corbeau ascendant, mais il recule ausstôt et en profite pour caler un rankyaku qui vient balayer un soldat derrière moi.
    Toujours fusil en main, je ne perds pas de temps et tire plusieurs fois dans le tas, espérant ralentir mon assaillant et neutraliser une partie des autres. Deux d'entre eux tombent. Matt fait mouche également, obligeant le groupe à prendre couvert derrière les bâtiments alentours. C'est le moment que nous choisissons pour reprendre notre course, poussant la gâchette de temps à autre.
     Mon fusil étant vide, je le lance sur l'ennemi et en ramasse un autre sur le chemin déblayé. Derrière nous, un détail me marque : Vesper ne semble pas du tout coopérer avec ses pairs de l'armée. Plus que ça, il semble n'en avoir rien à faire. Tout ce qui l'intéresse, c'est sa cible. Moi.

     Les coups de feu ne cessent pas. Plus nous approchons du port, plus il devient difficile de circuler sans se faire plomber de part et d'autre, surtout avec un homme inconscient sur les épaules ! Le voleur semble à bout. Voulant l'aider, je m'approche pour réceptionner notre ami mais une nouvelle onde vient lacérer l'air entre nous, éclatant un pan de mur au lieu d'impact. Le cinglé est là, vif comme l'éclair, et il me percute de plein fouet alors que je me prépare à le contrer. Le choc provoque un nuage de vapeur et de poussière, tandis que la neige vole dans tous les sens. Le brouillard permet à mes deux compagnons de s'éloigner, alors que la Marine se réunit autour de l'agent et moi-même. Ils n'osent plus tirer, ni s'approcher, comprenant qu'ils risquaient simplement de gêner notre duel. Je les en remercie intérieurement. Mais je me rends compte assez vite que cela n'allait pas suffire.
    Le visage déformé de son éternel sourire, l'agent semble à peine essoufflé. Il enchaine les assauts rapides et précis, ne visant que les parties vitales tout du long. Plusieurs fois, ses membres assombris viennent briser ma garde et provoquer des lésions... Je suis certain d'avoir des côtes fêlées, sans compter les muscles de mes avant-bras meurtris. L'un d'eux a doublé de volume.
    Je parviens bien à lui flanquer deux ou trois coups bien placés, mais rares sont ceux qui percent sa féfense hors norme. Je suis plus fatigué, plus amoindri que lui... Et ses techniques bizarres m'emmerdent au plus haut point. C'est avec toute l'énergie du désespoir que je concentre ce qu'il me reste de force dans un ultime coup de paume. Attendant le bon moment, je m'exécute.
    Et je touche.

    Le bruit que provoque l'attaque résonne dans l'air, provoquant un frisson dans l'assemblée. Je vois Vesper se tordre en deux, la bave aux lèvres, l'oeil écarquillé. Mais il tient bon et...
    Il m'agrippe le bras. Coincé, je cherche à l'éloigner, mais il arme son poing et frappe à son tour mon estomac, mon flanc et mon menton. Sonné, je tombe en arrière. Il souffle un coup, s'approche et me jauge en me prenant de haut :

- Tu te seras bien débattu. Mais tous les insectes le font avant de mourir. Tu ne fais pas exception.

    Je suis incapable de répondre. Ma vue est trouble et ça siffle dans mes oreilles. L'autre continue :

- Quand je pense que vous avez réussi à mettre une telle pagaille sur Bulgemore... Il faut admettre que c'était bien joué. Ca force le respect ! Enfin... J'imagine qu'il y avait une part de chance conséquente. Il va vraiment falloir que j'en parle à mes supérieurs. Il risque d'y avoir un remaniement des équipes, tenez-le vous pour dit !

    La dernière phrase concerne la Marine et toute la scientifique. Ceux-ci ont compris le message et se lancent des regards inquiets. Je baisse les yeux et vois le fusil que j'avais récupéré tantôt, à côté de moi. Je tends le bras pour le prendre et aussitôt l'on me met en joue :

- Laissez faire ! Je veux le voir se débattre encore. il faut qu'il comprenne bien le fossé qui nous sépare avant que je l'achève.

     Enervé, mais faible, je fixe le cylindre un temps avant de le pointer sur mon ennemi malicieux. Il ne fait pas mine de bouger. Sa confiance me met mal à l'aise, mais que puis-je faire d'autre ? Je tremble un peu...
    Il s'approche légèrement, les bras croisés devant lui. Il est prêt. Son oeil mécanique, à découvert, semble luir davantage encore. Je me tiens prêt et compte dans ma tête.
    Trois... Deux... Un...

    PAN !
    Pan !


    La balle que j'ai tiré a dévié en percutant le haut de son bras, ricochant sur son pectoral. Ca ne lui a rien fait... Seulement, il y a eu deux coups de feu. Le deuxième n'était pas de moi.

- Aaaaaah !

     Vesper se tient le visage, cachant sa prothèse, laquelle projette de petites étincelles en émettant des bruits de dysfonctionnement. Fou de douleur, il ne sourit plus du tout et balaye d'un bras l'air autour de lui. Deux soldats tentent de l'approcher mais se font repousser violemment. Un autre essaie à son tour et se fait tirer dessus également.
    Suivant la trajectoire, je cherche le responsable et voit, penché sur le toit d'un bâtiment non loin, derrière les lignes ennemies, Matt soutenant un Dale, plus vivant que jamais, braquant un fusil sur la troupe en contrebas.
    Je profite de la confusion - et d'un nouvel élan d'adrénaline - pour me relever, me frayer un chemin et courir vers eux. Une balle frôle ma joue, une autre déchire mon pantalon, mais je ne ralentis pas. Ce n'est qu'une fois à leur niveau qu'ils descendent me rejoindre pour fuir en direction des bâteaux, lesquels sont bien visibles maintenant.


Dernière édition par Arhye Frost le Lun 8 Jan 2024 - 0:57, édité 1 fois
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Pulupulupulu. Pulupulupulu...

    Peter St-Borough est là, dans le port, attendant des nouvelles de ses hommes quant à l'arrestation des intrus. Alors qu'il donne ses dernières directives, son escargophone retentit, l'obligeant à décrocher :

- On a perdu leur trace, commandant !
- Quoi ? Comment pouvez-vous perdre leur trace ? Il n'y a personne d'autre dans les rues : le couvre-feu est de vigueur ! Vous les aviez en ligne de mire et l'un d'eux est convalescent !
- L'agent Vesper était sur les lieux, commandant...

   Peter lâche un juron. Il sait très bien qui est Vesper, candidat potentiel au GIGM, l'organisme rassemblant des membres d'élite de chaque bureau du Cipher Pol. La seule chose qui retarde son acceptation dans cet ordre est son caractère : difficile à approcher, difficile à faire obéir sans écart de conduite, presque impossible à faire travailler en groupe... L'essence même de l'organisme. Voyant les intrus comme ses proies, il a certainement gêné la Marine.

- Il a été blessé par balle. Plusieurs d'entre nous ont tenté de lui venir en aide... Un autre détachement essaie de le ramener au Laboratoire pour y être soigné.
- Et ça vous a fait perdre leur trace... Bordel ! Ils étaient censés arriver au port ! Pourquoi ne sont-ils pas là ?

    Impossible qu'ils aient quitté la ville, selon lui. Mais à cause de la météo capricieuse des lieux, difficile de visualiser l'ensemble des infrastructures. Dans ces conditions, autant fouiller chaque maison d'une cité avec moitié moins d'hommes. De plus, le port représente une partie imposante de l'endroit. Ici, il n'y a qu'une poignée de navires marchands. La plupart des navires du Soixante-Huitième Régiment sont positionnés près de la base où aux alentours. Seul le bâtiment du commandant se trouve là, au centre de l'attention. Imprenable.
    Quelle manoeuvre auront ces energumènes qui lui ont échappé une première fois ?


[...]


     Nous y sommes arrivés.
     Je n'arrive toujours pas à croire que ce plan insensé, monté à la va vite, a fonctionné...

      Pris de panique, Matt s'était faufilé dans une rue voisine au port, nous obligeant à le suivre. Cachés aux yeux des soldats à nos trousses, il était entré dans une maison de force. Les habitants, paniqués, ont voulu crier, mais nous les en empêchions et nous attendions ainsi, pendant bien cinq minutes, que l'on passe en priant pour que personne n'entre. Lâchant un soupir de soulagement, nous calmions le couple, d'un âge avancé. Après quelques questions, nous découvrîmes qu'ils étaient d'anciens marchands de chez Import & Export, seul véritable lien commercial entre la ville de Bulgemore et le reste du monde. Forts de cette aubaine, nous décidions d'entrer dans le hangar de la boutique avec eux. Ce fut difficile, mais il nous fallut les menacer. Cela porta ses fruits. La victoire était petite et amère.
     Profitant d'une chute de neige plus fournie, nous avancions doucement, tête baissée, jusqu'à atteindre l'extrêmité du port. Là, l'entrée d'Import & Export ne nous résista pas longtemps.

     Et maintenant, nous y sommes. Alors que Dale ferme derrière lui, je regarde le couple et leur dit :

- Il y a un bateau utilisable ici ? Une chaloupe ? Un esquif ?
- Juste ces canots, là, amarrés près du magasin où l'on stocke les cargaisons non périssables...
- Mmmh...

    Je réfléchis tout en observant les alentours. Je vois pas mal de bric à brac, des outils modernes, des vêtements même... Des sacs en jute... Puis mon visage s'illumine. Ce que Matt remarque très vite :

- Toi, tu as un plan. Les risques ?
- Nombreux, mais nous avons nos chances.

[...]


- Commandant ! Regardez là bas ! A l'est !

     Peter St-Borough prend la longue vue qu'on lui tend. Malgré les parasites blanchâtres qui obstruent sa vision, il remarque un canot qui se dirige droit sur l'un des bateaux les plus à l'extérieur du port. Trois silhouettes sont à bord.
     Il ne perd pas de temps :

- On les réceptionne ! Tout de suite ! Rappelez les patrouilles, préparez le navire. Je veux les voir couler ! Le plus tôt sera le mieux.
- Bien, mon commandant !

    Tous s'exécutent. Irréprochables, les soldats du Soixante-Huitième Régiment agissent avec rapidité et efficacité. Très vite, c'est un contingent entier qui encerle le vaisseau et l'embarcation des pirates. Le navire de Peter est prêt : ses canons sont pointés sur eux. Ils avancent encore. Sont-ils inconscients ? Les silhouettes ne bougent pas. On s'interroge... Quelque chose cloche.
    Peter ressent un frisson. Il plisse les yeux à travers sa longue-vue. L'inertie du trio d'indésirables n'est clairement pas normale. Et la réponse tombe quelques instants plus tard :

- Euh... Commandant... On a trouvé la porte du hangard d'Import & Export ouverte. Juste à côté. Le canot vient de là-bas.
- ... Et ?
- D'après les gens qui y travaillent, il devait y avoir sept canots à l'intérieur aujourd'hui. Il en manque deux.

    Des soldats crient au loin. En tendant l'oreille, Peter entend les mots "leurre" et "mannequins". Il se retourne et s'apprête à crier son nouvel ordre lorsqu'il le voit : le navire le plus à l'ouest s'éloigne discrètement, plongé dans le brouillard.
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- Fioouuuuuuu...
- Hé ! On est pas tirés d'affaire encore ! Tant qu'on sera proche de cette île, ce sera pas fini.
- Commence déjà par laisser filer nos deux compagnons d'infortune. Ils n'ont pas signé pour ça.

     Nous avions embarqué le couple avec nous, profitant de toutes les mains disponibles pour appareiller en vitesse pendant que l'attention de la Marine était ailleurs. Grognant, maugréant et plaintif au possible, Matt acquiesce et fait signe aux civils de rejoindre le canot pour les faire descendre. Dale lui donne un coup de main tandis que je m'occupe de la barre. Pour ce qui est des voiles... Pour l'instant, le vent semble être en notre faveur. Cela risque de changer très bientôt, vu la météo aléatoire des environs. De toute manière, l'air est tellement humide que tout mouvement semble lourd, même sur l'eau. Si c'est le cas pour nous, ça l'est aussi pour nos poursuivants.
     Une fois libérés de nos "otages", nous nous répartissons les tâches et ne mâchons pas nos efforts pour nous dépétrer de notre situation. Heureusement, l'embarcation que nous avons empruntée est une caravelle de petite taille, plus légère et plus mobile que les cuirassés ennemis. Le temps faisant son office, nous finissons par creuser l'écart. Deux bonnes heures plus tard, nous estimons être en sécurité et relâchons la pression, en pleine mer.

    Je me tourne vers Dale :

- Que c'est bon de te voir sur pied, l'ami.

    L'ex-militaire sourit et lève le pouce. Il s'approche ensuite et nous nous donnons l'accolade. Il se tourne vers Matt et le fixe de manière intense. Il commence à faire des gestes avec ses mains, avant de se toucher la poitrine. Même sans parler, nous comprenons ce qu'il veut dire :

- T'en fais pas. Je suis heureux d'avoir pu te rendre service de cette manière.

    C'est à son tour de se faire enlacer. Le voleur, sensible, ne peut s'empêcher de verser une larme.
    Nous passons un bon moment à étendre nos sentiments. Si nous le pouvions, nous ferions la fête sur le pont, une bouteille à la main. Mais les choses étant ce qu'elles sont, nous nous contentons de parler, assis contre le bastingage, discutant de tout et de rien... Tant que ça ne concerne pas Bulgemore. Plus tard peut-être, quand les souvenirs seront moins vivaces et que nos blessures auront cicatrisé... En parlant de ça :

- Arhye, viens par là que je m'occupe de ça. C'est franchement pas beau à voir... Difficile de croire que tu aies tenu jusque là !
- T'en fais pas, j'en ai vu d'autres. Et puis ça ne fait pas si ma... Aïe !
- Pas si mal hein... Allez, cesse de bouger.

    Alors je me laisse ausculter. Ce n'est peut-être pas du rafistolage de première classe, mais la dextérité de mon partenaire couplé à sa nouvelle expérience de toubib font bon ménage. Allongé et autant apaisé que possible je repense à ce qu'il s'est passé dans le Labo, ainsi qu'aux personnes qui s'y trouvaient. Malgré nos différents, j'estime l'honneur de l'officier Rykor, ainsi que le tempérament du docteur Q-Riz.
    Je repense aussi au message que j'ai laissé par escargophone, me demandant s'il a bien été transmis. Je me surprends à sourire dans le vide.

[...]

Marie-Joie, siège de l'Etat-Major

     Dans un bureau où se sont rassemblés plusieurs figures dirigeantes de la plus puissante institution du monde, un enregistrement est mis en route par le service de réception des appels ciblés. La voix qui en sort est celle d'un jeune homme au ton désinvolte au premier abord, plus grave au fur et à mesure que les mots s'enchaînent :

      "Ici Arhye Frost. Ceci est un message à l'attention de l'Amirale en chef et, par addition, des forces armées du Gouvernement Mondial. Certains me connaissent peut-être, auquel cas je suis flatté. D'autres connaissaient sans doute davantage mon père, le colonel Kristian Frost, affilié à la sécurité interne du Royaume de Luvneel, époux de Lady Orenna Crow, noble du même Etat.
     Le colonel Frost était un homme juste, un exemple pour tous les citoyens et ses proches. Certains de ses supérieurs disaient qu'il ne savait pas toujours se tenir, beaucoup diraient qu'il savait vivre, tout simplement. Ces écarts de conduite, reconnus minimes, n'ont jamais entâché son travail, même si cela lui a fermé plusieurs portes. Il n'en a jamais gardé rancune, peu intéressé par l'ambition. Mon père était un homme simple, au même titre que ma mère.
     ... Et ils ont été arrêtés.
     L'explication ? Ils étaient soupçonnés d'aider la Révolution. Eux qui croyaient en la Justice et en un monde meilleur ont été emmenés de force sous les yeux de leur enfant, sans qu'on ne lui donne d'informations précises. Sans doute une erreur de communication... Ou un oubli de la part de ceux d'en Haut ? N'hésitez pas à me faire part d'une réponse par le biais qu'il vous plaira si vous en possédez une, je suis prêt à l'entendre.

     Mais le problème n'est pas là.
     Amirale Makuen, j'ai souhaité intégré les rangs de la Marine sous l'influence de mon père. J'ai désiré rejoindre Vos rangs en apprenant votre parcours. Je vous ai respecté, autant que je vous ai craint pour ce que vous représentez, ce que vous incarnez et ce que vous avez accompli jusqu'à présent. Aujourd'hui ? Je suis... Déçu.
     Quand on est jeune, on se pose des questions sur l'avenir, sur la vie et sur ce qui fait que ce que l'on voit ou pense est juste. La Justice en laquelle je croyais m'a pris ce que j'avais de plus cher, tout ça parce parce que quelqu'un quelque part a douté de l'intégrité de ma famille. Je précise : on les a condamnés à cause d'un soupçon. D'une rumeur. Est-ce une façon de sauver les apparences ? De ne pas ternir l'image du Gouvernement ? Une erreur ?
    ... Dites-moi que c'est une erreur.
    ...

    Dites-moi que c'est une erreur et je viendrai vous voir pour vous en coller une, afin de mieux vous pardonner votre faute.
    Dans le cas où ce n'était pas une erreur, sachez que je ferai de vos jours à venir un enfer : vous n'entendrez que mon nom, ne verrez que lui dans vos journaux et dans vos rapports. J'irai d'île en île, de nation en nation pour chanter votre décadence et prouver votre incompétence. J'enverrai des poèmes vantant votre démérite et je m'assierai sur chaque siège vous appartenant.
     Mais... Vous pouvez empêcher cela.
     Il vous suffit simplement de relâcher ma famille et de vous excuser auprès du monde entier pour votre manque de discernement et la corruption qui sévit dans vos rangs. Rien d'impossible, selon moi. Agissons de manière civilisée.

      ... J'espère pour vous qu'il n'est pas trop tard. Car dans tous les cas, je les retrouverai, comprenez-le bien. Je sais où chercher.
     C'était Arhye Frost, fils du colonel Kristian Frost, pirate par regret, citoyen du monde par conviction.
     ... Mes hommages au Commandeur Gentry."


      D'abord, ce fut le silence absolu. Puis le tonnerre se met à gronder. La principale interessée a le regard noir. Seule une poignée des personnes rassemblées osent la regarder tant elle fait froid dans le dos. Kenora Makuen se lève, écrasant les accoudoirs de son siège sous la pression. Elle ne dit que quelques mots :

- Alors c'est comme ça hein...

    Et elle sort du bureau.
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