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Rêve ta vie en couleurs

J'imprimais le tatouage du diable sur la table, tambourinant nerveusement de l'index et du majeur. Par réflexe, les gens du coin ne faisaient pas trop confiance aux étrangers ; pourtant il y avait une occasion à ne pas rater. À mes pieds, la mallette pleine de billets ne demandait qu'à disparaître : c'était ce que j'avais pu mettre de côté toutes ces années grâce à mon salaire et à la CIA. Désormais, il me fallait rapidement trouver une nouvelle source de revenus.

« - Je vous laisse, je vais faire un tour. »

Nous avions trouvé ce qui s'apparentait le plus à une auberge, quand bien même les locaux avaient une conception différente de la notre du vivre-ensemble. Certes blancs se démarquaient dans le paysage, nous n'étions pas non plus isolés, mais minoritaires.

Je m'étais dit que l'air frais me donnerait des idées, je ne m'étais pas trompée. Des cris, une vive engueulade et une porte claquée dans le vent. J'arrivais à saisir les restes d'une discussion houleuse entre une autochtone et son interlocuteur :

« - ...rien ne changera. On sera tous pris par les Enfourneurs, juste car tu voulais à tout prix avoir raison !

- Mais on s'en sort déjà très bien ! La lithomancie nous protège ; fais confiance aux traditions...

- Je me fiche des traditions Pa', je ne veux pas perdre un autre de mes amis, c'est tout. »

Sur ces mots, la jeune femme planta son paternel devant le pas de la porte et s'éloigna furibonde. Si la scène retint mon attention, c'est essentiellement car on m'avait brossé le portrait de l'homme en question : le Grand Lithoman, celui qui dirigeait le coin. Avec lui, on disait qu'il était impossible de traiter, mais sa fille semblait avoir de la suite dans les idées, elle.

Je décidai donc de poursuivre ma route, marchant dans les traces de la jeune femme, seulement pour la retrouver assise à côté du puits du village où paissaient et s'hydrataient des brebis. Il n'y avait pas âme qui vive aux alentours, les échos de mes pas se réverbéraient entre les immenses rochers, annonçant ma venue à celle qui s'enfouissait le visage dans ses mains, l'air déboussolé.

« - Qui va là ? Qui êtes-vous ?

- Une amie qui te veut du bien. J'ai entendu la fin de ta discussion avec le grand chef.

- Le grand ch- ah, mon père... Ça a été comme ça toute ma vie : il voit les choses mais il ne fait rien. Du moins, rien qui ne puisse blesser sa fierté. »

En silence, je m'assis aux côtés de l'étézéenne, la détaillant des pieds à la tête : c'était un magnifique brin de femme à la crinière noire de jais. Sans me tromper, je pouvais deviner qu'elle l'entretenait soigneusement. Ses vêtements colorés contrastaient avec le paysage désertique.

« - Et toi, qu'est-ce que tu ferais à sa place ?

- Je ferais connaître au monde nos conditions de vie. Je sais... on sait tous ce que deviennent les autres. On a des échos des étrangers qui nous racontent que les noirs ont une valeur exotique pour certains blancs fortunés. Ils les gardent comme esclaves... »

Les poings de l'inconnue s'étaient crispés à la mention de ce mot, sorti de sa bouche comme une insulte. Sa colère la consumait de l'intérieur.

« - J'ai perdu des amis et même de la famille comme ça, je refuse que ça se reproduise ! Il faut que les gens sachent, il faut trouver de l'aide. Nous n'avons pas les armes pour lutter contre un tel fléau. J'aimerais pouvoir y aller, voir le monde, et leur dire moi-même mais je... je...

- Je comprends, » répondis-je, sentant mon interlocutrice au bord des larmes.

La gamine avait du courage ; c'était une combattante prête à tout pour défendre les siens. Mais elle avait peur de se lancer, elle n'osait pas les quitter par peur de ne plus jamais les revoir... Toutefois, cela me donna des idées, comme je serrais la mallette entre mes genoux, devant moi.

« - Il y a peut-être quelque chose que je peux faire. »

Aussitôt, les yeux embués de larmes de la jeune femme se tournèrent dans ma direction. Dans le fond, c'était encore une enfant qui ne demandait qu'à y croire, même si je sentais chez elle une pointe de suspicion.

« - Je connais un moyen de faire connaître votre peuple. Il suffit de prouver votre valeur au monde et peut-être alors les nobles cesseront de vous voir comme des bêtes de foire...

- Comment ?

- Grâce à votre don, » dis-je en pointant l'un des rochers taillés, à proximité : l’œuvre d'un lithoman qui s'était appliqué à en gommer les moindres aspérités et à lui donner une forme extravagante. « Toi et moi, nous pouvons faire en sorte que le Nouveau Monde profite de votre capacité à sculpter la pierre et condamne les actes des esclavagistes.

- Je peine à y croire...

- Pourtant c'est simple. J'ai dans cette valise de l'argent, beaucoup d'argent. Je pourrais t'en donner pour lancer une affaire dans le but d'exporter vos pierres taillées. Il vous suffira d'avoir un espace pour stocker les marchandises et un navire pour les transporter... Vous pourriez aménager un entrepôt en pierre sur la côte. »

Les sourcils froncés, la jeune femme peinait à comprendre un traître mot de ce que je disais, toutefois une lueur dans son regard laissait comprendre qu'elle était intéressée. Je poursuivis donc, n'hésitant pas à expliquer les détails logistiques qui échappaient à l'indigène, profitant de son esprit vif et de ses capacités hors-norme d'apprentissage. Visiblement, elle était déjà douée en affaires.

Trente minutes plus tard, nous étions toujours là à deviser, dessinant des schémas complexes dans le sable à la pointe d'un bâton.

« - Effectivement, ça pourrait fonctionner. Parfois, les étrangers ramènent des produits d'ailleurs et les échangent contre certains de nos objets de valeur. Nous n'avons aucune idée de ce que ça peut représenter, aucune idée de si l'échange est équitable ou non. Mais avec de l'argent...

- Il y a toujours un risque de vous faire arnaquer, mais il est moindre.

- Et toi, qu'as-tu à y gagner ? Je ne connais même pas ton nom, tu débarques de nulle part et me proposes de financer quelque chose d'aussi incroyable... »

Il était vrai qu'il y avait matière à douter de ma sincérité. Les yeux de la dénommée Artie me transperçaient à présent, comme si elle cherchait à lire à travers mon âme. Je n'avais aucune raison de lui cacher la vérité :

« - Mon nom est Eleanor Bonny. Je suis une criminelle, une pirate. Mon nom ne devrait pas tarder à t'être familier puisque je serai bientôt activement recherchée. J'ai un rêve moi aussi : celui de pouvoir voyager librement et ne plus jamais avoir à dépendre de qui que ce soit. Mais pour y arriver, il me faut de l'argent... une source de revenus fixe. Alors je me suis dit que le mieux que je puisse faire, c'est dépenser ce que j'ai déjà pour financer des activités et avoir un retour sur investissement.

- Je vois... du moins je crois. »

À ce moment précis, je voyais la fille du Grand Lithomancien se demander si elle ne concluait pas un accord avec le Diable. Malgré tout, son visage s'éclaira au bout d'une bonne minute de réflexion.

« - Peu importe qui tu es, ce que tu proposes nous est profitable à toutes les deux. Je suis prête à tout pour sauver ma tribu du mal qui la ronge.

- De sages paroles. Et il est dans notre intérêt que mon identité demeure secrète.

- Naturellement... »

Nous restâmes à deviser quelques minutes de plus, avant que nos chemins ne se séparent jusqu'au lendemain. De retour à l'auberge, je retrouvais mes subordonnées et notre prisonnier, leur faisant état de la situation. Elles savaient qu'une part de moi était une femme d'affaires et que cet argent ne resterait pas longtemps dormir dans la valise.

Bien que nous étions des fugitifs hautement recherchés, je réussis à gagner quelques jours d'escale supplémentaire le temps de mettre la petite entreprise à l'eau.


Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 10 Juin 2021 - 15:08, édité 1 fois
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Voilà désormais une semaine que j'avais quitté Zéphyr et que je hantais les bas-fonds d'Arcadia, planifiant mes prochains achats. Je continuais à avoir des nouvelles d'Artie par escargophone : la construction des entrepôts et l'achat du matériel s'étaient très bien passés. Aujourd'hui, l'entreprise fêtait sa première vente et pour la première fois, un navire était affrété avec à son bord une pleine cargaison de pierre taillée pour un revendeur de Sekan.

Évidemment, j'avais fait stipuler dans les termes de notre contrat qu'une partie de l’entrepôt servirait à des fins personnelles. Gardée par quelques gros bras recrutés sur le tas, cette arrière-boutique servirait au retour du navire pour entreposer des biens de contrebande et éventuellement revendre aux locaux qui n'auront que faire de leur argent.

Sur ce point, Artie était sceptique, toutefois je lui avais fait comprendre qu'il n'y avait aucune perte en soi et que, tant qu'elle restait discrète sur ces activités, tout se passerait bien. Par ailleurs, les prix étaient avantageux et je ne cherchais pas à me faire de l'argent sur le dos des étézéens, mais au contraire leur permettre de profiter de leur nouvelle richesse.

L'argent faisait des bébés. D'abord petits, minuscules, mais bientôt assez conséquents pour devoir être entreposés dans un coffre-fort au niveau du bureau aménagé pour la propriétaire. Il me suffirait alors d'envoyer un homme de confiance pour récupérer le magot de temps en temps. Et si la formule fonctionnait, de répéter le schéma sur plusieurs autres affaires, ce que je comptais bien faire jusqu'à ce que la valise soit pratiquement vide ou du moins son contenu transvasé dans un récipient de poche.

Postée sur un banc, le visage caché derrière un journal et entamé par un large chapeau, je regardais les locaux pratiquement désaffectés de ma prochaine acquisition. J'avais eu vent des difficultés du gérant à joindre les deux bouts et prévoyais donc de lui donner un petit coup de pouce.

Le deuxième maillon de mon futur réseau de contrebande...
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