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Bal des débutants

Les grandes vitres du bureau du Premier Maréchal étaient inondées de rayons de soleil éblouissants. Dehors, les militaires et les fonctionnaires s'affairaient dans l'immense fourmilière que constituait le palais impérial, siège de nombre d'institutions du royaume. Quelques ricanements de satisfaction éclatèrent dans la pièce. Mountbatten était là, avec un sourire discret, mais franc, illuminant son visage d'habitude si imperturbable. Son hôte était plus expressif et commençait même à taper des mains de joie. L'officier était radieux et semblait bouillir d'excitation. Il faut dire que les dernières unes des journaux du pays étaient extraordinairement favorables à leur agenda.

"- Et si avec ça, le Conseil ne cède toujours pas à la pression…

Honnêtement…

Je ne vois pas quoi faire d'autres." Clama-t-il, avant de rire aux éclats.

Les temps avaient été rudes pour la Garde Impériale. Après sa prise de pouvoir, Sekiza avait assemblé une armée privée composée des jeunes ambitieux des Cent Familles. Une caste de nobliaux plus adepte des bals mondains que des combats, plus proche de la réalité des bourgeois que de celle des soldats. Très vite, les militaires avaient appris à haïr leurs collègues, et cela avait mené à une relation plus que houleuse et peu efficace.

Le vent avait, semble-t-il, tourné depuis la période des "troubles". Lorsqu'une équipe d'agents du CP9 fut envoyée sur Terra pour la déstabiliser en assassinant des personnalités clé du régime et de l'armée, seule la Garde Impériale avait répondu présent pour défendre l'île et les sujets de l'Imperiosa. Les Élus, eux, s'étaient retranchés derrière les murs de leurs forteresses, bien à l'abri de toute confrontation avec la réalité impitoyable du terrain.

Les deux compères avaient poussé leur chance en invitant les journaux de l'île à plusieurs interviews, et leur avaient raconté toute l'histoire, peut-être en embellissant un peu trop le rôle de la Garde. La propagande était lancée et la plume des journalistes avait été étonnamment élogieuse. La presse locale était toujours avide de sujets pouvant décrédibiliser un peu plus les Élus, qui s'étaient octroyés des droits illégitimes et avaient dressé une partie considérable des intellectuels de la nation contre eux. L'homme moderne et libéral de ce temps était aux antipodes des aristocrates brandissant leur acte de naissance pour prouver une très théorique supériorité de statut.

"- Le tout, c'est de faire grandir cette opposition entre une Garde Impériale patriote, puissante et loyale, aux Élus prétentieux et déconnectés du monde." Expliqua Mount, assis confortablement dans un fauteuil et accompagnant ses propos avec une gestuelle mesurée.

"- Mais déjà, ce qu'il y a dans ce papier, c'est de la bombe ! Attendez, écoutez ça : 'Alors que le lieutenant-général Mountbatten affrontait dans les ruelles obscures de Delta les ennemis de la patrie, nous pouvons nous demander ce que faisaient nos chers Élus. Cette nuit-là même, une grande réception était organisée à l'hôtel particulier Hazaneva. On raconte que près d'une centaine d'officiers dansaient et chantaient, ivres, au son des violons hors-de-prix. Au menu : langouste, homard et autres fruits de mer, tandis que de l'autre côté de la ville se tramait un combat au sommet dont l'enjeu était la survie de notre île.'. Mais attendez, l'auteur conclut sur une formule excellente ! 'Qu'est-ce que la Garde Impériale ? Tout. Qu’a-t-elle été jusqu’à présent dans la hiérarchie militaire ? Rien. Que demandons-nous ? Qu'elle y devienne quelque chose.'.

- C'est brillant. Ce Hammersmith possède un réel talent pour les pamphlets.

- Oh que oui. Tant que ses mots soutiennent l'institution, nous pouvons nous réjouir."

Flika déposa hâtivement le journal sur son bureau, avant de se relever subitement et de se tourner vers la fenêtre. Il fut presque aveuglé par la lumière, jusqu'à ce que son œil s'habitue au changement soudain. La vue donnait sur des arbres en fleur. Les teintes de rose, de blanc, de vert et de marron conféraient un aspect poétique, presque romantique, au paysage. Le calme apparent était toutefois troublé de temps à autre par du personnel courant ici et là, vaquant à leurs occupations avec dévouement et solennité. Le cœur du Maréchal battait fort. Le moment où la Garde Impériale allait recouvrer sa place était proche. Cela faisait plusieurs années qu'il attendait ça. Il savourait sa victoire avant l'heure, d'une façon quasi enfantine, qui laissait toutefois entrevoir la sincérité de l'homme. Il avait été humilié un nombre incalculable de fois par ces arrogants Élus, alors que lui dédiait sa vie à la défense de sa terre. Il le percevait comme un juste retour des choses. Néanmoins, il s'était fait attendre. Trop attendre.

"- En revanche, j'ai trouvé les articles des Nouvelles de Delta et de Terra News assez timorés. Il faudrait leur en souffler deux mots.

- Ah bon ?

- Je ne sais pas… Leurs articles ne prennent pas assez de place dans le journal. Et puis le ton n'est pas aussi élogieux que sur les autres. Faudrait régler ça.

- C'est noté. Je transmettrai.

- Parfait."

Le Fantôme se redressa, ajusta sa tenue et marcha un petit peu dans la pièce. La température était convenable, quoi qu'il suât légèrement dans son uniforme. Il était moins enthousiaste que son homologue. Rien n'était joué d'avance, même si leur stratégie allait vraisemblablement avancer les intérêts de l'armée. Il marcha jusqu'à la fenêtre et posa son regard sur l'extérieur. Un bref sourire anima son visage. Il était enfin rentré dans le grand jeu de Terra. Et puis il apercevait la lumière au bout du tunnel. Il avait bon espoir de faire basculer l'Imperiosa dans le camp de Kiyori, et ainsi honorer le contrat qu'il avait conclu avec un mystérieux émissaire de Ravrak. Le Marijoan entrevoyait sa liberté, mais il savait que le chemin serait forcément semé d'embûches.
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Quelques jours plus tard, Alpha résonnait des applaudissements vigoureux des autorités locales et de quelques représentants de la Garde Impériales. En effet, la ville voyait l'inauguration majestueuse de la nouvelle usine du Complexe Militaro-Industriel de Terra. L'entreprise, dirigée par Mountbatten, s'était agrandie rapidement, en grande partie grâce aux contrats juteux conclus avec la Garde Impériale. L'extension s'était faite autour du site de départ, où siégeait une usine qui était déjà parmi les plus imposantes de l'île. À la chaîne de production principale s'était rajoutée des manufactures complémentaires, de sorte que le complexe devenait véritablement indépendant de tout sous-traitant. Il ne fallait plus qu'importer les matières premières – bois et fer principalement -. Une nouvelle forge avait été érigée en un temps record, où des sabres pouvaient enfin être produits. C'était une réussite considérable pour le pays, et évidemment pour son propriétaire. Aux bruits des machines à vapeur s'associaient les mélodies métalliques du fer forgé par le dur labeur des ouvriers. L'odeur était néanmoins épouvantable les jours de travail. L'air était épais, gras, et remplissait les narines d'un mélange de poussière de fer et de charbon. Les conditions étaient éprouvantes pour la classe ouvrière. Pourtant, les candidatures affluèrent en masse : c'était aussi la promesse d'un meilleur salaire que dans les champs ou dans les ateliers des faubourgs misérables.

Après des mois de bénéfices impressionnants, c'était en définitive la suite logique des choses. L'entreprise avait également transféré des technologies depuis d'autres îles, parfois situées en-dehors du Nouveau Monde, à l'image de Citadelle. Le département de recherche et développement avait quadruplé en taille en l'espace de trois mois et les fonds alloués à l'innovation ne cessaient d'augmenter. Plusieurs dizaines d'ingénieurs avaient été recrutés pour plancher sur de nouveaux designs, pour réfléchir à une meilleure organisation du travail ou pour encadrer les travaux d'agrandissement. D'une simple usine fabriquant des répliques de qualité convenable, le CMIT était devenu un véritable centre industriel d'armement. Il va sans dire que l'implication directe de l'appareil étatique y était pour quelque chose ; tout comme l'investissement personnel de Mountbatten, qui demeurait son plus ardent lobbyiste auprès du Conseil et de l'Imperiosa. L'entreprise restait nominalement privée, mais cela ne trompait personne. Son lien avec Terra était inscrit dans son identité, et c'était devenu un levier de puissance supplémentaire du pays. Cela expliquait la présence du maire, de quelques ministres, de plusieurs haut-gradés et d'une multitude de bureaucrates lors de l'inauguration.

La soirée du lendemain fut nettement différente, si ce n'est singulière dans l'histoire de l'endroit. Aux bruits des machines s'étaient substitué les mouvements mélodieux de l'orchestre symphonique dépêché pour le grand bal d'ouverture. Celui-ci avait été organisé dans le hall principal, dégagé des machines-outils et autres appareils de production. L'odeur âcre des activités industrielles avait été balayée à grand coup de parfums, tandis que le sol et les murs avaient été remis à neuf pour masque les couches de crasse. L'endroit était terriblement spacieux. Le plafond était en verre transparent, de sorte que les reflets lunaires pouvaient pénétrer le bâtiment et illuminer une soirée qui s'annonçait déjà inoubliable. C'était un événement mondain, où le beau monde d'Alpha et de la capitale s'était réuni. De nombreux financiers et entrepreneurs avaient été invités, et tous étaient subjugués par la réussite de l'entreprise. Cela avait attisé la jalousie, évidemment, mais chez la plupart des Terrans, ce sentiment avait été supplanté par un profond patriotisme. C'était un jour faste pour le pays, et tous regardaient l'avenir avec confiance. En particulier, c'était nécessaire après la récente période de troubles, où certains avaient douté quant à la capacité de Terra de résister aux menaces extérieures.

Alors que la soirée s'immergeait dans une fièvre festive, Mount déambulait, tout sourire. On se bousculait pour venir lui parler, le féliciter de sa réussite. Flika et Dash avaient fait le déplacement. D'autres officiels du gouvernement étaient également venus ce soir-là. Le grand hall s'avérait être un endroit grandiose pour les réceptions du style. On pouvait apercevoir les étoiles à travers le plafond de verre. Les habits de sortie des convives étaient resplendissants, scintillants. Les grands bourgeois, avec leurs hauts-de-forme grandioses, côtoyaient les mondaines et leurs robes du soir richement ornées. L'ensemble formait un panel de couleurs vives qui animait la vue. Aux senteurs florales des parfums des dames se mélangeaient les fragrances raffinées des hommes. Partout, les discussions allaient bon train, tandis que les plus hardis invitaient des demoiselles à danser au centre, au rythme des violons et autres instruments à corde. Loin semblait le temps où des ouvriers sans-le-sou travaillaient ici même.

C'était surtout un bal masqué. Comme tous, d'ailleurs. Dans ces fêtes hypocrites, chacun choisissait un masque, une couverture, et s'y tenait. C'était d'autant plus flagrant pour le Fantôme. Il s'efforçait de répondre aux sourires et aux compliments en se fiant à l'étiquette de l'aristocratie et de la bourgeoisie, sans sincèrement y croire. Le monde mondain était un monde de dupe. On discutait par intérêt, on dissimulait ses vérités et embellissait la réalité pour paraître plus beau, plus riche, plus intelligent. Pour paraître mieux, en somme. Et dans ce carnaval de fausseté, Mount était particulièrement à son aise. Déjà, parce qu'il connaissait bien ce milieu et en maîtrisait les codes. Mais surtout parce qu'il n'a jamais cessé d'enlever son masque depuis son arrivée sur Terra. Il était devenu connu sans jamais être compris. Il demeurait une énigme pour de nombreuses personnes et les rumeurs sur sa personne fleurissaient en raison de son ascension à la prééminence. Peut-être restait-il aussi un mystère pour lui-même, de temps à autre. L'homme pouvait changer d'expression faciale à volonté, sans jamais transparaître, sans jamais se compromettre. À force, il était devenu un caméléon à plusieurs facettes. Alors, il continuait le jeu. Il serrait des mains, expliquait avec fausse modestie les raisons de son succès apparent. Au fond, il appréciait ça. Parce que revêtir un masque était probablement facile, voire lâche. Toute critique, tout échec s'écrase contre une carapace construite de toute pièce, sans que l'intérieur n'en soit affecté réellement. Ça lui conférait un sentiment enfantin de sécurité, conséquence des traumatismes qu'il avait vécus il y a quelques mois de ça lors de la guerre et de la trahison du Gouvernement Mondial contre lui. Ce n'était pas un maître-espion, mais un homme vulnérable en quête de reconstruction de son identité. Ces moments-là lui permettaient de se complaire dans un environnement sympathique sans en faire partie, comme un artiste qui se place hors de la société pour mieux la contempler et en distinguer les caractéristiques.

Au milieu de la foule et au rythme des valses, il se demandait perpétuellement s'il fallait qu'il enlève son masque un jour. Renoncer à ce confort de couardise aux avant-goûts de bourgeoisie pour affronter ses démons.
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"- Alors, cette soirée te convient, mon cher Flika ?

- Tout à fait, Mountbatten. C'est superbe."

Il jeta un regard approbateur à son acolyte, accompagné d'une moue qui laissait transparaître un brin d'admiration.

"- Pour être honnête, je ne pensais pas que tout ce beau monde se serait déplacé pour l'occasion.

- Il faut dire que l'argent attire l'argent, comme le succès attire les opportunistes et les envieux. Dans tous les cas…"

Les deux hommes sourirent.

"- Vous m'aurez compris.

- Évidemment."

Tout ceci était profitable à la Garde Impériale, et ils le savaient bien. Après quelques mots blagueurs, ils se séparèrent pour profiter du reste de l'événement. Voilà qu'une valse se lançait, et que les plus inspirés s'élançaient sur la piste centrale pour déployer leurs compétences de danseurs. Les autres se contentaient de regarder ou poursuivaient leurs discussions. L'âme de la soirée se déplaçait de groupes en groupes, au rythme des notes et des rires élégants de la haute société.

Alors qu'il se dirigeait vers une table où étaient dispensés verres d'alcool et petits fours, l'hôte de la soirée fut interpellé par un septuagénaire vigoureux et tout sourire.

"- Ah ! Monsieur Mountbatten ! Enchanté, je suis Archimède Belford.

- Tout le plaisir est pour moi, monsieur Belford. Belford… Ce nom m'est terriblement familier. Ne serait-ce pas le nom d'une affaire sur l'île ?

- Exact ! On dirait que vous n'êtes plus réellement un étranger sur Terra, m'enfin mha ha ha." S'esclaffa le vieil homme à la barbe grisonnante et au regard malicieux.

"- Je dirige les entreprises Belford et co, spécialisées dans le textile.

- Ah ! Ça me revient. Eh bien… Enchanté. J'espère que cette réception répond à vos attentes.

- Et même plus, mha ha ha !"

Soudain, le bourgeois changea d'attitude, et se rapprocha du Fantôme pour lui murmurer l'oreille. Son visage jovial laissa place à une expression maligne, presque sournoise.

"- Dites-moi… On raconte tout un tas de choses sur vous… Et je veux sa-voir !" Susurra-t-il à son interlocuteur, tout en tapotant sa canne sur le sol au rythme des syllabes.

Le Marijoan rit par pure politesse, puis recula légèrement.

"- Allons, je crois en vous pour démêler le vrai du faux. Dans tous les cas, je vous laisse profiter. À bientôt, monsieur Belford."

Et par cette astuce, Mount s'extirpa de la situation. Sur son itinéraire, il rencontra monsieur Chester, directeur d'une assurance à Delta ; Malinkov, numéro deux de la plus grosse banque de la capitale ; madame Bouvier, mondaine à l'influence insoupçonnée dans les milieux de la bourgeoisie d'Alpha ; Joukov, général à la retraite ; ou encore monsieur Deleste, marchant spécialisé dans l'import-export du bois et implanté dans tous les ports de l'île. Tous avaient mille et une choses intéressantes à raconter à qui voulait l'entendre. Pourtant, le militaire s'en tenait aux formules de politesse et aux flatteries de surface, de sorte de les garder en amitié sans pour autant s'étendre en longueur. Il s'agissait de rester avenant sans trop en dire.

En apparence, le directeur était donc un industriel à succès, avec un passé encore trouble pour une bonne partie des Terrans, mais qui avait prouvé sa valeur lorsqu'une équipe du CP9 avait été envoyée sur l'île. À cause des agents du Gouvernement Mondial, de nombreux officiels du gouvernement et des gradés de l'armée avaient été assassinés. Pire encore, une base militaire avait été ravagée dans le nord. Et cet homme, qui avait vaincu l'ennemi, rayonnant de prestige et auréolé de son récent succès, paraissait pourtant si commun. Commun dans le sens où il s'insérait à merveille au milieu des foules bourgeoises. C'était les vestiges de son éducation d'aristocrate à Marie-Joie. Mais ces temps-là étaient lointains à présent. Cet "âge d'or", comme il l'aimait l'appeler, d'insouciance et de gaieté permanente, avait été remplacé par une existence anomique, et tragique sur certains bords. Malgré tout, il tenait sa coupe de champagne comme les autres, si ce n'est mieux – il était plus mondain que les mondains. Son air, son expression, son odeur : tout rappelait étrangement un homme d'affaires habitué des galas et des cigares onéreux.

La réception se tint jusqu'au bout de la nuit, et jusqu'aux heures précieuses de l'aurore, où le ciel devient surréel de beauté. Les invités, saouls pour la plupart, commençaient à partir. Des éclats de rire s'entendaient encore jusqu'aux derniers instants, à l'image des dernières heures. Après avoir serré quelques mains pour une énième fois, Mountbatten déambulait dans son costume bleu marine, dans un hall qui s'était vidé en l'espace de quelques minutes. Il ne restait plus que les domestiques, embauchés pour l'occasion, qui nettoyaient et débarrassaient les verres encore à moitié pleins. Les premières lueurs du jour remplaçaient les reflets mystérieux de la lune, comme si un voile énigmatique se levait sur Terra.
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Les jours suivants furent marqués par une intense campagne de lobbying auprès des élites de Terra. Mount profitait de ses moindres soirées de libre pour assister à des réceptions en tout genre, de sorte d'accroître sa réputation sur l'île toute entière. Il faisait notamment la publicité de la Garde Impériale, en n'hésitant pas à vendre les qualités de son institution auprès de ses hôtes et des autres invités. Il exaltait les valeurs de courage, du sens du devoir et de dépassement de soi cultivées dans les enceintes des bases militaires de la Garde. Implicitement, il formulait avec subtilité une critique acerbe de l'armée des Élus, deuxième entité militaire du royaume. Les hauts-gradés de la Garde, et en particulier le Premier Maréchal Flika, souhaitaient en effet voir un regroupement des deux, sous le patronage de la Garde Impériale. Ce rêve de longue date, ils le touchaient presque du doigt depuis la montée en proéminence de Mount – et donc de l'institution – depuis la fin des troubles.

De leur côté, les Élus répliquaient. Ils avaient bien évidemment repéré la stratégie utilisée par les impériaux. Ils avaient eu entre les mains les diverses dépêches, dont les éditos s'attaquaient violemment à leur statut. Ils avaient ainsi commencé à arroser de pots-de-vin quelques éditeurs peu scrupuleux pour rétablir leur image dans l'opinion publique. Toutefois, ils restaient sereins. Tant que l'Imperiosa ne les lâchait pas, rien ne pouvait leur arriver. En vérité, les chefs des Élus ne se préoccupaient pas de ce que le peuple pouvait penser. Conserver une façade était utile, mais pas nécessaire. C'étaient les chiens de garde de l'Imperiosa. Ils constituaient bien plus une milice privée aux ordres de Sekiza qu'une armée au service de Terra.

Au niveau politique, la clé pour faire changer les choses était d'obtenir un vote favorable au Conseil. La souveraine détenait toujours le dernier mot ; toutefois, elle s'était montrée beaucoup plus raisonnable ces dernières années, en contraste avec son accession au pouvoir. Elle avait réalisé l'importance de se reposer sur des conseillers fiables et compétents pour l'aider durant son règne. Une reine ne pouvait pas tout faire toute seule, et ça, elle l'avait bien compris à travers les déboires des débuts de son règne. Depuis, elle se fie en grande partie à l'avis du Conseil. Ainsi, toute réforme devait être approuvée par ledit Conseil, dont Mount n'était plus étrangé. Cet organisme de décision était composé de six membres : Flika et Dash, deux bonnes connaissances ; Lushina, éminence grise derrière l'Imperiosa, George B. Satori, le Marquis écarlate ; Markus Antonov, et enfin, James Enfield.

Le Fantôme savait Flika et Dash acquis à la cause. Pour le maréchal Flika, c'était évident. Dash, lui, trouvait son intérêt en supportant l'ascension de Mount sur Terra. En effet, les deux hommes avaient été envoyés par Ravrak sur l'île pour faire en sorte que l'Imperiosa s'allie avec Kiyori. Dash était là depuis bien plus longtemps, mais n'avait toujours pas réussi à faire changer la position de la souveraine sur la question. Certains, dans le camp de Ravrak, se posaient des questions sur sa loyauté et sur son investissement dans sa mission ; c'est pourquoi le Marijoan avait été envoyé. Celui-ci s'était retrouvé mourant sur Lynbrook, aux confins de Grand Line, peu après le coup monté du Gouvernement Mondial contre lui. Livingstone, un des lieutenants de l'équilibriste, avait jugé opportun d'échanger des soins et une prise en charge rapide contre un contrat. Grâce à son fruit du démon, il avait contraint l'ancien marin à tout faire pour que Terra bascule dans le giron de Kiyori.

Et c'était de cette façon que Mountbatten s'était retrouvé sur Terra, au milieu d'un grand jeu qui surpassait sa simple personne. Et tant que ce contrat n'était pas rempli, il ne pouvait pas recouvrer sa liberté.

Le marquis écarlate, lui, se distinguait par sa défense farouche des Élus – probablement par connivence de caste -. Antonov et Enfield, avec qui Mount était peu familier, étaient également issus des mêmes milieux que les Élus, et leur position n'était pas éloignée de celle de Satori. Ainsi, le Fantôme conclut que le pivot était Lushina. Il fallait la convaincre pour faire basculer le vote. Toutefois, cela se finirait sur du trois contre trois. La solution, c'était alors de se faire admettre au Conseil lui-même. Et de tous les membres du Conseil, Lushina était vraisemblablement celle qui possédait le plus d'influence sur l'Imperiosa. Dash devait venir en bon second, en sa qualité d'époux de la reine. Pour parvenir à ses fins, il devait grimper les échelons, et ça passait obligatoirement par une place au Conseil.

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En ce matin de fin d'été, le ciel affichait des lueurs d'espérance aux reflets d'argent et d'or. Mountbatten marchait fièrement vers l'entrée du palais impérial dans son uniforme de lieutenant-général. Ses médailles clinquaient au rythme de ses pas déterminés, qui se posaient avec rigueur sur le sol pavé du chemin principal. Il salua quelques militaires postés là, quelques officiers qui venaient ici et là pour des tâches administratives et plusieurs civils employés à la demeure de la souveraine de Terra. Il affichait une mine confiante, radieuse. Pourtant, il savait que rien n'était joué d'avance.

Les appartements de Lushina se situaient dans l'aile est du palais, à proximité des quartiers de l'impératrice. Ce jour-là, la Première Conseillère était occupée dans son bureau. Ses domestiques indiquèrent une salle d'attente à l'ancien marin. La pièce était vaste sans être ostentatoire de grandeur. De larges bibliothèques ornaient l'endroit. Elles devaient accueillir plus d'un millier de livres, à vue de nez. Le militaire s'approcha pour lire les titres des ouvrages. Entre les célèbres Chroniques de Terra et le Portrait de l'Imperiosa[, tous deux best-sellers dans le royaume, Mount put découvrir quelques livres plus spécialisés. L'art de la manipulation des personnes, Principes d'économie politique, La communication publique et autre méthode pour toucher l'opinion publique étaient parmi ces œuvres érudites qui siégeaient sur les étagères de la salle. Cela corroborait avec l'image que s'était faite Mountbatten sur Lushina : une érudite, limier politique et éminence grise de Sekiza. Au fond, il l'admirait autant qu'il la craignait.

Et voilà qu'elle pénétrait dans la pièce après plusieurs minutes d'attente.
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"- Qu'est-ce qui vous amène ici, Mountbatten ?" Lança la conseillère, d'un ton assuré, tout en avançant vers son interlocuteur.

"- J'aimerai discuter avec vous de choses… Sérieuses."

Le Fantôme se retourna pour faire face à Lushina. Elle était proche de lui – peut-être trop à son goût -, et semblait percer toute son âme avec son unique œil rougeâtre. Les premières pensées de Mount furent focalisées sur son odeur : un parfum fruité, subtil, aux senteurs d'oranger et d'autres fruits que son nez trop néophyte ne pouvait déceler. Celle qui était borgne à l'image du militaire revêtait une longue robe noire, qui cassait les formes et le relief. Ça la rendait presque sinistre.

"- J'imagine bien que vous n'oseriez pas me déranger sans raison.

- Vous avez sûrement remarqué ma montée en prééminence sur l'île, et ce, depuis plusieurs mois déjà.

- Évidemment.

- Eh bien… Je viens demander votre soutien pour obtenir une place au Conseil."

À ces mots, Lushina n'affichait aucune réaction. Puis, quelques secondes plus tard, elle dévisagea Mount avec son œil espiègle, puis esquissa un sourire dissimulateur. Lushina se rapprocha encore plus, ce qui embarrassa l'officier. Voilà que leurs corps s'effleuraient. Ensuite, la femme pencha sa tête vers l'oreille gauche du Marijoan.

"- Si vous accédez à mes conditions… Je ne m'y opposerai pas."

Elle recula sa tête puis son corps, et s'écarta pour visiter faussement la pièce, le temps de laisser Mount faire son choix. La lumière semblait vaciller en même temps. Des nuages entravaient les rayons de l'aube. Bientôt, la salle semblait plongée dans la nuit, éclairée à la seule force des lanternes disposées ici et là. La gorge du soldat se nouait lentement.

"- J'écoute." Dit-il, d'un ton déterminé qui se voulait sans faille.

"- Si jamais j'accepte… Vous devrez voter en faveur d'un rattachement de Terra à l'Impératrice Kiyori.

- L'Impératrice pirate ?

- Tout à fait. La situation actuelle au Conseil ne garantit pas une victoire au vote pour l'instant. Avec votre voix, cela changerait la donne.

- … Bien. Cependant, en échange, vous devrez m'accorder votre vote pour fusionner la Garde Impériale et les Élus, sous le patronage de la Garde."

Lushina éclata de rire. Un rire de noble rempli de dédain, condescendant.

"- Si vous voulez ! Vos petites manigances de soldats ne changeront rien, de toute façon. M'enfin, si ça vous fait plaisir mon cher, je veux bien le faire. Tant que vous respectez votre part du marché…

- Parfait. Mais… Pourquoi Kiyori ? Et pourquoi rattacher Terra à un Empereur pirate ?" Demanda-t-il, en feignant l'ignorance.

La première conseillère fit volte-face et toisa son interlocuteur. Son air était sévère, plus sévère que d'habitude.

"- Vous posez trop de questions, Mountbatten. Allons, ne soyez pas si curieux. Avons-nous un marché ?"

Mount fixa la conseillère. Il se méfiait de cette femme. Elle était terriblement maligne d'après les rumeurs qu'il avait entendues dans les bars et dans les réceptions mondaines. Plusieurs personnes lui avaient confié qu'ils étaient terrifiés d'elle. Certes, ceux qui affirmaient une telle chose étaient de petites gens, sans grand courage ni vertu. Toutefois, il préférait traiter avec elle avec prudence.

- Bien sûr."

Les deux intriguant se serrèrent la main pour sceller ce pacte secret. Le jeu de dupes venait à peine de commencer. Dans le même temps, le voile de nuage se leva et les rayons pénétrèrent à nouveau dans la salle. La journée s'annonçait radieuse pour Mount, qui venait d'accomplir une étape décisive dans sa quête vers la liberté. Il était d'autant plus ravi que sa part du marché allât dans son sens : il allait de toute façon supporter une alliance avec Kiyori, puisque c'était le but-même de sa venue sur l'île. Cependant, il restait sceptique sur les intentions de Lushina. Que pouvait-elle tirer de cette alliance ? Dans tous les cas, il semblerait que cette femme intelligente eût perçu l'intérêt de le faire rentrer au Conseil. Son expertise et ses connaissances étaient uniques quant au domaine militaire et au monde extérieur, et elle souhaitait probablement consolider le pouvoir de la reine de cette manière.

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Mountbatten continuait son train de vue habituel, rythmé par les voyages incessants entre Delta et Alpha, entre l'École militaire où il enseignait et ses usines, dont l'agrandissement avait été fêté quelques semaines auparavant. Il était devenu une tête connue sur l'île, et cette notoriété grandissante commençait légèrement à lui déplaire. C'était un soldat. Si commander des hommes sur le terrain – et donc être reconnu comme tel – ne le dérangeait pas le moins du monde, se faire apostropher dans la rue ou dans un magasin lui tapait petit à petit sur les nerfs. Ainsi, il faisait de plus en plus recours à son fruit du démon pour se déplacer tranquillement dans les rues. La tranquillité était parfois une ressource bien précieuse.

En parallèle, les coulisses de l'ordre politique s'activaient. Lushina préparait son plaidoyer en faveur de Mount auprès de l'Imperiosa. L'intéressé s'était d'ailleurs entretenu brièvement avec Dash à ce sujet. C'était son allié sur l'île. Les deux hommes partageaient la même mission, et s'entendaient même très bien en privé. En public, ils prenaient soin de mettre suffisamment de distance pour ne pas éveiller les soupçons. Quoi qu'il en fût, Dash était briefé et allait supporter sa candidature auprès de sa femme, Sekiza.

Peu de temps après, le lieutenant-général fut convoqué auprès de la souveraine, alors qu'il déambulait dans les couloirs de l'École militaire après un énième cours dispensé aux cadets. La nouvelle était la bienvenue, quoi qu'elle ne fût pas inattendue par l'officier. Il avait manœuvré en secret pour ce moment. Tout ce qu'il avait fait sur Terra depuis des mois allait dans ce sens. Ses efforts semblaient enfin récompensés. Intérieurement, il jubilait de joie. Il touchait du bout des doigts sa liberté.

Sur le chemin du palais impérial, alors qu'il contemplait déjà une victoire qui n'avait pas encore eu lieu, il fut saisi par l'ampleur du mot liberté. Il commençait à en avoir peur autant qu'il l'admirât. Qu'est-ce que c'était, au fond ? Lui qui avait toujours eu une mission à poursuivre, que ce soit pour le compte du Gouvernement Mondial ou de Ravrak, était étranger à la simple notion d'indépendance de l'âme et de l'esprit, d'affranchissement de tout cadre et de tout guide de vie. Il n'aurait plus un plan d'existence, un fil de route auquel il faudrait s'attacher en tout et pour tout. Mountbatten abhorrait l'inconnu, l'imprévisible, l'improvisation. Petit à petit, sa gorge se nouait. Le dénouement était proche ; encore fallait-il songer à l'épilogue.
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L'entrevue fut courte mais riche en conséquence. Sekiza avait accordé de bonne grâce une place au Conseil au Fantôme. Elle avait félicité son nouveau conseiller pour sa loyauté et ce qu'il avait fait pour défendre Terra face aux assauts du CP9. Il avait gagné son respect. Un respect qui était mutuel. Il avait peut-être même gagné sa confiance, même s'il était trop tôt pour en juger. La souveraine avait également nommé l'officier au grade de Stratège de la Garde Impériale. Cette promotion supplémentaire représentait un honneur auquel l'homme ne s'était pas préparé, et cela l'affecta particulièrement. Lorsqu'il était dans la Marine d'élite, chaque montée dans les rangs avait marqué une étape dans son parcours. Il se rappela en particulier son dernier grade de commandant d'élite. Il avait été promu après la guerre sur Vindex, du fait de ses états de service remarquables et la mort de son supérieur direct pendant le conflit. Mais ce fut aussi la dernière étape de son chemin dans le camp du Gouvernement Mondial. Il avait été trahi par celui-ci quelques mois après. Ces souvenirs déchirants ressortaient lentement et le mettaient mal à l'aise, si bien qu'il fut ravi que l'entretien ne se traînât pas en longueur.

Il n'y avait pas eu de cérémonie pompeuse, seulement un décret impérial qui le confirmait dans ses fonctions. La jalousie que suscitait Mountbatten auprès des Élus expliquait l'aspect presque confidentiel de cette nomination. Mais qu'importe, Mount était ravi de cette nouvelle et préparait déjà la suite.

Les jours qui suivirent virent une accentuation de la campagne de propagande autour de la Garde Impériale. Le Marijoan usait de ses contacts dans les hautes sphères de l'île pour publier toujours plus d'articles et d'éditos vantant les mérites des militaires. Il multipliait les apparitions dans les soirées mondaines, et de nombreux notables venaient le voir pour discuter avec "l'étoile montante", l'étranger devenu héros national en quelques mois seulement. Les flatteries, pourtant nombreuses, ne l'atteignaient guère. Rien n'était encore acquis.

En parallèle, il essayait de ménager les quelques Élus qu'il côtoyait. Il les rassurait, en expliquant que les récents événements n'allaient que renforcer la coopération entre les deux armées. Subtilement, il sous-entendait aussi que la Garde Impériale allait retrouver la place qui lui était due. Mais rares étaient les Élus qui s'attardaient trop auprès des Gardes Impériaux. Pour beaucoup, ils n'étaient que des roturiers, de la chair à canon qui se fatiguerait pour le compte des nobles qu'ils étaient. Une situation anormale pour le lieutenant-général, qui était pourtant lui-même issu de la noblesse de Marie-Joie. Au cours de sa carrière, et surtout lors de la guerre sur Vindex, il avait appris qu'un soldat était un soldat, quelle que soit son origine sociale.

Près de cinq jours après sa nomination au Conseil, l'organe en question se réunit enfin en pleine session auprès de l'Imperiosa. Dans ses nouveaux habits de stratège, l'officier se rendit au palais impérial de la capitale. Son uniforme arborait ce vert kaki caractéristique des membres de la Garde, et il exhibait avec allure ses médailles. Sur ses épaules siégeaient au vent ses nouvelles épaulettes de stratège, distinguables par les trois étoiles dorées qui se positionnaient au-dessus d'un laurier de la même couleur. Cette fois-ci, il ne passait plus en anonyme dans les jardins : les gardes et les anonymes qui travaillaient là se mettaient au garde-à-vous, et regardaient avec révérence le Fantôme. Il venait, vainqueur, au centre du pouvoir de l'île. Il se tenait droit, fier. À sa ceinture, ses deux sabres rappelaient qu'il était avant tout un guerrier avant d'être un politicien. Et à l'horizon, il apercevait déjà une autre bataille.

L'arène était familière. C'était une grande salle du trône, aux dimensions monumentales, mais qui était pourtant remarquable par sa majestuosité : rien n'était là par hasard, rien ne brisait l'harmonie du lieu. Une myriade de nuances de bannières se dressaient sur les murs de part et d'autre et submergeait tout visiteur d'un sentiment d'émerveillement. Elles représentaient les Cent Familles, ces lignées aristocratiques qui étaient au cœur du système social de l'île. Un système presque féodal, mais qui s'était modernisé, en particulier avec l'accession au trône de Sekiza. Même les murs de pierre étaient éblouissants par leur blanc immaculé et la perfection des finitions. Les draperies qui enveloppaient le centre de la salle venaient des meilleurs artisans de l'île, et parfois même avaient été importées par-delà les mers. Mount était venu une dizaine de fois déjà. La dernière occasion remontait donc à sa nomination.

Ce jour-là, cette salle avait une atmosphère pesante. George B. Satori, le marquis écarlate et membre du Conseil, arborait une mine détestable à la vue de l'officier. Il ne le salua pas, contrairement aux autres. Le maréchal Flika ne dissimulait pas son enthousiasme à la venue de Mountbatten. Les deux hommes étaient à présent frères d'armes et avaient des intérêts communs, quoi que Flika n'eût pas su les réelles intentions de son partenaire. Dash était également heureux de cette venue, même s'il ne le montrait pas. Il ne voulait pas éveiller les soupçons de Sekiza quant à ses rapports avec Mount. Officiellement, ils n'étaient rien d'autre que de simples connaissances, qui ne s'étaient jamais rencontrés en-dehors du palais impérial. Lushina restait impassible et scrutait attentivement les réactions de chacun, analysant le moindre détail de faciès. Elle avait une présence énigmatique. Inquiétante, diront certains. Antonov et Enfield souhaitèrent la bienvenue de manière cordiale au nouveau venu. Ils ne l'avaient pas beaucoup côtoyé, mais ils avaient apprécié l'expertise apportée par le Marijoan sur certains dossiers. Par conséquent, ils n'étaient pas fermement opposés à sa venue, contrairement à leur collègue Satori.

L'Imperiosa, elle, rayonnait de toute sa superbe. Mountbatten s'avança dans la salle, avant le commencement formel de la session, pour faire une révérence à la souveraine. Il fléchit son échine et ses genoux, et se redressa pour contempler cette femme forte, aux airs de conquérante. Sekiza "Akua" Delarena était une belle créature, dont l'apparence ne devait pas faire oublier sa force et son caractère déterminé. Elle régnait diligemment sur son royaume. C'était un despote éclairé, qui examinait les problèmes de son pays à la lumière des recommandations du Conseil.

Mount plantait son regard dans ses yeux noirs pendant quelques secondes qui durèrent une éternité. De loin, on pouvait penser qu'il remerciait à sa manière son impératrice. Mais tout n'était qu'apparence. Il la regarda, et ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne jouait que la comédie. Qu'elle était dupée depuis le début par sa personne. Qu'elle ne voyait qu'une façade, une image. Et qu'au fond, il n'allait faire que l'utiliser pour regagner sa liberté, quitte à trahir sa confiance.
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"- Avant de commencer, j'aimerais personnellement souhaiter la bienvenue au Stratège Mountbatten, nouveau membre du Conseil. Les services qu'il a rendus à Terra justifient sa présence ici. Il a su prouver sa loyauté et sa compétence, et je suis persuadée qu'il saura se rendre extrêmement utile ici."

L'Imperiosa tourna la tête vers l'intéressé après sa courte introduction, puis invita Lushina à lire l'ordre du jour. Au menu : la préparation de la venue d'émissaire d'Apogée, quelques incidents sur le port liés à la présence de plusieurs équipages de supernovas un peu trop turbulents et un dossier d'investissement qui nécessite l'accord impérial. Rien de très passionnant en soit pour le Fantôme.

La session continua sur plus d'une heure. Les débats allaient bon train. Chaque conseiller apportait de la plus-value à la discussion. L'officier était étonné du civisme et du calme de la réunion : il l'imaginait plus vigoureuse, plus passionnée. Il faut dire que les thèmes du jour n'étaient pas aussi clivants que l'alliance auprès d'un des Quatre Empereurs pirates ou la venue d'une équipe du CP9. Ainsi, il écoutait, parlait de temps en temps. Mais sur beaucoup de sujets, il ne se sentait pas assez légitime pour s'exprimer. Après tout, il avait choisi la voie des armes, pas celle des cahiers de compte et des décrets à rallonge. Même dans son entreprise, il laissait les tâches administratives quotidiennes à son adjoint, Hobart. Peu avant le crépuscule, les sujets ordinaires finirent par être traités.

"- Avez-vous d'autres requêtes, messieurs ?" Lança la tête couronnée.

La réplique relevait plus de la question rhétorique que d'une réelle invitation à présenter une nouvelle affaire à sa connaissance. Pourtant, Mount répondit par l'affirmative et s'élança au milieu du Conseil. Les sept paires d'yeux étaient braquées sur lui. Le maréchal Flika hocha instinctivement de la tête, prêt à soutenir son collaborateur.

"- À vrai dire, je pense que ces derniers mois ont bien prouvé une chose quant au système de défense de l'île."

Il marqua une pause.

"- Qu'il est défaillant."

George B. Satori écarquilla les yeux, comme si ces paroles avaient froissé son ego au plus profond de son être. Mais Sekiza, elle, restait de marbre. Elle était disposée à tenir compte des propositions de l'ancien marin.

"- Il ne l'est pas parce que les Terrans sont faibles ! Loin de là. C'est un peuple de braves, de courageux et de forts. Non, les ennemis de Terra ont pu s'infiltrer à cause de la division des armées. D'un côté, la Garde Impériale ; de l'autre, les Élus. Et je ne pense pas me tromper en affirmant que la Garde Impériale a, elle seule, et notamment en la personne du Premier maréchal et moi-même, arrêté les assauts insupportables qui furent menés contre ce pays par le Gouvernement Mondial."

Il s'interrompit et dévisagea rapidement chaque personne dans la pièce, pour marquer le coup. Antonov, Enfield et Satori avaient l'air circonspects, même hostiles à tout changement.

"- Alors tout ceci remet en question l'utilité de cette division. Les Élus, au nombre de trois mille, sont constitués des fils et des filles cadets des Cent Familles. Un bon nombre d'entre eux sont très puissants. Mais le manque de coopération entre les deux entités, et la rivalité malsaine qui règne entre elles, nuisent fortement à l'efficacité de nos armées. Nous devons résoudre ce problème. Et je pense que c'est une urgence : si demain Teach souhaite envoyer ses flottes envahir Terra, nous ne pourrons pas nous permettre de diviser nos propres forces. Les enjeux du Nouveau Monde sont considérables : tous les puissants se battent pour acquérir une part du gâteau. Terra est encore sur la table, prête à être attaquée, en l'absence d'une alliance avec un des Empereurs."

L'allusion était explicite. Mountbatten avait déjà communiqué à Sekiza son souhait de voir le royaume sous la protection de Kiyori, et il réitérait encore une fois son souhait. Mais cette problématique était pour un autre jour.

"- Par conséquent, je propose de fusionner la Garde Impériale et l'armée des Élus. Les Élus seraient intégrés à la structure actuelle de la Garde, où ils recevraient un grade à la hauteur de leurs aptitudes et de leur situation actuelle au sein de leur armée. Ce que je propose est donc loin d'être révolutionnaire. Mais ce regroupement faciliterait beaucoup de chose et rendrait les forces de Terra plus vives, plus capables d'affronter toute adversité, d'où qu'elle vienne."

Mountbatten signala la fin de sa démonstration, et déjà, les esprits s'emballèrent. En premier, Satori brandit son poing et commença à insulter le nouveau venu. Les attaques ad hominem se multiplièrent, et il était soutenu de temps en temps par Antonov. Enfield, lui, restait réservé. Flika répliquait sèchement au marquis écarlate pour défendre son homologue. Le Marijoan se défendait, tout en se refrénant de prendre personnellement les provocations du trentenaire au haut-de-forme. Il attendait sagement le vote. Qu'importe ce que Satori pensait : c'était gagné d'avance.

"- J'estime votre proposition raisonnable. La situation a changé depuis mon accession au pouvoir. Six ans ont passé, et la Garde Impériale a su prouver sa loyauté. J'accorde le droit au vote du Conseil sur cette proposition.

- Je vote pour !" S'exclama Flika, dont l'enthousiasme contrastait avec l'atmosphère d'habitude austère et sérieuse de la salle.

"- Je vote pour." Lâcha calmement Lushina, conformément à l'accord secret qu'elle avait passé avec Mountbatten quelques jours plus tôt. Elle accompagna ses mots avec un regard sibyllin adressé au Fantôme.

"- Je vote évidemment contre ! Et Lushina, comment oses-tu ?!" Clama haut et fort Satori. Son énervement était évident, et avait été accentué avec le vote de la première conseillère. Il perçut ça comme une trahison directe, un coup de couteau dans le dos. Il porta ses yeux moribonds sur la dame de fer, qui ne lui accorda aucune attention en retour. Cela ne fit qu'empirer sa rage, sans que cela ne change quoi que ce soit.

"- Je vote… pour." Dit Enfield, hésitant. Il trahissait sa caste, mais avait jugé la démonstration convaincante. C'était un homme de principe, et patriote avant d'être clientéliste. Il percevait que l'intérêt national passait par cette décision. Antonov et Satori basculèrent leurs yeux sur cet homme, d'apparence plutôt frêle, peu imposante. Il avait, lui aussi, trahi les Élus. Il n'osait pas affronter le regard de ses deux collègues. Réaliser un tel compromis était déjà difficile pour lui-même, alors il n'avait pas besoin de confronter les deux réfractaires au changement.

Antonov vota contre, même si l'étau se resserrait à chaque vote. Il n'était pas aussi virulent que Satori, mais se sentait obligé de défendre sa classe. C'était une question d'honneur. Il ne souhaitait pas tourner le dos à ses proches, à ses confrères, même s'il reconnaissait que l'argument opposé détenait une valeur indéniable. Si le vote se soldait par un échec, il l'accepterait. Mais au moins, il se serait battu pour les siens.

"- Et je vote pour." Conclut Dash, qui sortit de son silence par des mots aux résonances métalliques.

"- Quatre pour l'adoption de la proposition, deux contre. C'est donc une nette victoire. C'est décidé : l'armée des Élus fusionnera avec la Garde Impériale, et intégrera les rangs. Flika, Mountbatten, vous serez chargés d'assurer l'accueil du côté de la Garde. Satori, vous vous chargerez de programmer l'entrée des Élus dans l'armée.

- Je refuse ! C'est trop me demander, mon Imperiosa. Je ne puis accepter un tel affront !" Protesta le marquis, avant de converger vers la sortie. L'humiliation était totale. Après une révérence bâclée, il quitta la salle du trône, fou de rage, tandis que les deux membres de la Garde Impériale savouraient leur victoire.

Toutefois, Mount pensait déjà à la suite. Il fallait à présent convaincre le Conseil et Sekiza de rallier Terra à Kiyori.
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