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Pôle emploi

Nous étions seuls à présent. Rik avait décidé de se poser sur une île non loin de Clock Word Island. Il avait estimé avoir assez gagné et donc vivre une vie calme et paisible. Moi, personnellement, je ne pouvais me contenter d’une telle chose et Eärendil non plus. Riko nous avait évidemment proposé de rester avec lui, à boire des cocktails, s’amuser, profiter... Mais non merci. On a de quoi se recontacter s’il décidait un jour de reprendre le large. D’ailleurs, je ne savais pas réellement comment est-ce qu’il pourrait survivre avec un gain si rapidement épuisable. Rik, c'était un pauvre avec des habitudes de riche.  

Ainsi, la blonde et moi étions retournés à la case départ. Suite à notre précédente mésaventure, la marine nous a été escortée jusqu’aux mers bleues où nous prenions le temps de réfléchir pour la suite. Nous avions de quoi vivre tranquillement quelques temps, mais ce n’était pas le projet pour autant. Il fallait prendre une décision et vite. Nous avions le temps du voyage. Un voyage qui tourna légèrement au vinaigre suite à un passage sur l’île d’Orange, normalement destiné aux vacances, mais qui se solda sur une grosse bataille. Je souhaitais être connu comme charpentier ou homme d’affaire, pas en tant que grand guerrier ou grand samaritain.  

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?  

- Bonne question. C’est même plutôt pertinent, ma belle. Va falloir qu’on se pose un peu et qu’on trouve un job pour commencer à se construire une réputation.  

- Et beh ? Construis des bateaux, fainéant !  

- Pour ça, ma chère, il me faut des clients. Pour avoir des clients, il faut une réputation. Et la réputation, ça se construit en bossant pour quelqu’un au départ. D’ailleurs, où nous dépose ce navire ?

Le visage d’Eärendil s’éclaira soudainement.

- Celeborn !

- Cele-quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?  

- Celeborn ! Mon cousin ! Il bosse au chantier naval du royaume de Bliss ! C’est là-bas que va le navire pour y effectuer des réparations. Je lui écris une lettre de ce pas.

Bliss, hein ? Je connaissais assez bien le coin. Autrefois, déjà, on m’avait proposé d’être charpentier. J’ai dû décliner pour voyager, mais voici maintenant quelques mois et je me rendais bien compte qu’il était encore tôt. Je ne pouvais actuellement subvenir à mes besoins et à celle de la demoiselle qui m’accompagnait. Chaque chose en son temps. D’abord trouver du boulot et avoir une situation stable, ensuite créer ma réputation et le succès me suivra où que j’aille. À défaut de mieux, je me résignais à devoir côtoyer des brutes à l’instar d’Eärendil. Pas possible qu’ils soient différents dans cette famille.

- Vendu !

Ça me semblait être une bonne option. Je souris à l’idée de faire mes preuves. L’excitation me prit et je m’impatientai d’arriver au plus vite. Cela faisait bien longtemps que je n’avais mis mes talents au profit de construction de réparation. Le navire de Rik n’ayant pas connu de mésaventure ne m’avait pas donné de travail. À part entretenir mes outils, je n’avais rien fait de particulier. Mes mains tremblaient et demandaient à construire ou à rafistoler. Cela dit, j’ai pu au cours de ce voyage perfectionner mes compétences d’utilisateur de climat tact et aiguiser mes sens, en cas de légitime défense, hein. Je ne tenais pas vraiment à me battre de manière régulière.  


***


Deux jours passèrent et nous arrivâmes enfin au royaume de Bliss, qui était l’un des plus riches et des plus touristiques de toutes les blues. Un lieu prospère où il faisait bon vivre et où, accessoirement, la richesse nous attendait. Le chantier naval n’y était pas pour rien. Alors que nous approchâmes de notre destination, annoncée par la vigie, Eärendil me saisit par le bras et m’emmena près du bastingage. Quand elle prenait cet air sérieux et qu’elle s’empressait de me signifier quelque chose, c’était rarement une bonne nouvelle.  

- Mon cousin peut paraître brute de décoffrage, sans filtre, mais c’est un véritable amour, dit-elle un peu gênée.  

- J’ai bien l’impression que c’est de famille...

Une rafale de gifles vinrent rougirent mes pauvres joues à la suite de ces mots.  



***


Une fois sur la terre ferme, je reconnaissais vaguement les lieux. Après tout, j’y avais bien passé quelques temps. Néanmoins, pas suffisamment pour vraiment m’y familiariser. Du côté d’Eärendil, c’était différent. C’était toute son enfance. Tous les hommes de sa famille avaient toujours bossé au chantier naval de Bliss, alors elle a évidemment vécu à Portgentil, capitale du royaume qui s’était construite autour du chantier naval. La majeure partie de la population habitait la capitale. Une architecture assez atypique et grandiose, les dernières innovations technologies étaient également présentes, on sentait bien la ville moderne ouverte au monde entier.  

Personnellement, je préférais les villes un peu moins bruyantes, mais il fallait admettre que c’était bon pour les affaires. J’étais bien loin de ma jungle, animée par nos propres activités, nos propres travaux de charpentier, de bucheron et de chasseur. Là, c’était le monde moderne, un émerveillement de technologies diverses, de cultures extérieures, d’architectures différentes et évoluant avec le temps... Puis honnêtement, si ce n’était ce meurtre un peu étrange, j’avais passé du bon temps dans le coin. Une ville active où fête et travail semblaient bien s’accorder.  

- OH ! MA COUSINE ADOREE ! hurla un homme qui me sortit de mes songes.

Qu’est-ce que c’était que ça ? Une montagne. Les dimensions de ce type étaient exagérées. Je n’osais même pas évaluer son tour de bras. Le crâne rasé à l’arrière et sur les côtés, seul le haut était recouvert d’une chevelure rousse, une mèche coiffée sur sa droite. Sa barbe, rousse aussi, était imposante et tressée. Son corps entier était recouvert de tatouages tribaux bleu. Sa masse musculaire était écœurante. Même son bide semblait être fait d’abdominaux. Pour le coup, il était plus que bien bâti pour ce métier. À peine descendu du navire, tomber sur un personnage pareil, ça faisait un peu froid dans le dos. Les deux cousins se serrèrent dans les bras, le plus costaud soulevant ma frêle Eärendil en prenant soin de ne pas la massacrer.

- Dis, cousine, c’est qui c’type qui te mate depuis tout à l’heure ?

J’avais comme l’impression que l’on parlait de moi.

- Ah, lui, dit-elle nonchalamment, c’est un vieil ami avec lequel je voyage. Alma, viens !

Je n’avais pas envie. Mais j’y allais quand même. Je vis la grosse paluche du cousin s’écraser sur mon épaule. Tout mon flanc gauche s’écrasa par le poids de celle-ci.  

- Enchanté, Alma ! Moi, c’est Celeborn. Merci de prendre soin de ma cousine adorée !

En réalité, elle savait prendre soin d’elle-même sans moi.

- Allez, allons fêter ces retrouvailles !
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Nous partîmes dans un premier temps chez notre guide pour y déposer nos affaires. Une brave maison faite de pierre, non loin du chantier naval, apparemment bâtie par Celeborn en personne. Comme je l’imaginais, à peu près tout était réalisable pour ce type. À l’intérieur, c’était assez simplet, évidemment grand pour supporter l’engin, mais peu de meublier et tout tenait sur un étage. C’était assez caractéristique des bâtisseurs célibataires et sans enfant. Il vivait pour son travail et, tout comme moi, il en était certainement passionné. J’étais obligé de m’entendre avec lui, même si je le trouvais un peu trop brutus pour moi.

Il posa trois échoppes sur sa grande table. Le moment commençait à devenir gênant, puisque je savais pertinemment que la question tant attendue allait arriver. Au début, il était évidemment heureux de retrouver sa cousine et lui faisait savoir, se remémorant par la même occasion la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Cela remontait à loin dans le temps. Voyant que j’étais un peu à l’écart, son regard se posa sur moi un petit instant, m’analysant certainement, avant de se retourner vers sa cousine. C’était le moment de passer aux choses sérieuses.

- Alors, Eärendil, dites-moi ce qui vous amène ici, fit-il après une belle gorgée en nous dévorant des yeux.

J’étais complètement effrayé, mais la blonde lui tenait exactement le même regard. C’était vraiment de famille. Des tarés. Complètement cinglés. Mais fort heureusement, et parce qu’elle était la plus légitime pour poser les choses, madame prit la parole.

- Comme tu le sais, je suis partie à l’aventure en pensant que je m’en sortirai avec le blondin, là. Sauf que nous ne sommes ni des pirates, ni des personnes bien reconnues. On a été embarqués dans des galères avec un pirate... Bref, nous sommes fauchés.

Le colosse ricana.

- Aucun problème, cousine ! Je vous accueille avec grand plaisir !

En réalité, nous avions quelques économies et l’hébergement n’était pas le cœur du problème.

- Merci Celeborn, rétorqua la blonde avec une réelle sympathie. On aurait aussi besoin que tu le fasses rentrer au chantier naval. Que tu appuies sa candidature, en gros.

Le colosse me fixa avant d’exploser de rire.

- Lui ? Mouahahaha m’fais pas rire, cousine ! Tu veux qu’on se foute de ma trogne au chantier ?! Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse d’un gringalet pareil ?

Je m’attendais à cette réponse. Je n’avais pas un physique aussi attrayant que le sien.

- Heh. Tu serais très étonné de connaître l’étendue de sa force, Celeborn. Par ailleurs, ses connaissances de charpentier sont assez grandes.

- Qu’est-ce que t’y connais Eärendil ? Pas question que j’emmène cette branque avec moi !

- Alma... Je m’appelle Alma, dis-je tout doucement pour ne pas être entendu.

Il se retourna vers moi et me dévisagea une énième fois. Ne pas être comme lui semblait être une insulte à la nature humaine. Fallait quand même que je me vende un peu.

- Si ça peut t’aider à être plus crédible, Celeborn, je connais assez bien Marshall. Il y a quelques temps, je suis passé sur Bliss, notamment au chantier naval pour y prendre quelques cours. Il a promis de m’embaucher si je repassais dans le coin. Avec ton appui, j’imaginais que...

- T’imaginais que quoi ? C’est quoi ce plan pourri Eärendil ?

Eärendil frappa du poing sur la table, manquant presque de la couper en deux, tout en se relevant précipitamment.

- M’emmerde pas, Celeborn. Emmène-le avec toi et teste ses aptitudes.

Très très mauvaise idée. M’avait-on demandé mon avis ? Encore une fois, je ne m’étais pas fait un ami et il n’avait pas l’air de vouloir m’épargner. Concours de celui qui coupait le plus de rondins de bois. J’en avais coupé toute mon enfance et mon adolescence, alors ça allait, mais ce gros machin devait couper ça comme du beurre. À l’arrière de sa maison se trouvait un petit jardin dans lequel il entreposait son bois. Il sépara le stock en deux et plaça un rondin de bois sur chacun des deux supports présents. Il me fila ensuite une hache avec laquelle couper. Elle était bien aiguisée.

Je me séparai de ma veste pour ma large veste style kimono pour ne pas la salir. Il n’y avait plus que ma chemise blanche d’été et mon pantalon noir. Autour de ma taille, une ceinture contenant des outils de base pour bricoler, Celeborn porta son attention dessus le temps de quelques instants. La chemise entrouverte, il put également constater mes pectoraux saillants. L’éblouissant soleil permettant d’entrevoir ma belle ceinture abdominale au travers de la chemise. Le colosse comprit que je n’étais forcément le glandeur qu’il imaginait. Nous commençâmes le concours.

- Malheureusement pour toi, Celeborn, après une partie de ma vie dans les bois, j’ai intégré une compagnie de bucheron qui sillonnait les mers bleues.

Il ne répondit pas et abattit le premier rondin, comme du beurre, exactement comme je l’imaginais. J’en fis de même. Cependant, lequel d’entre nous tiendrait ainsi le plus longtemps ? Le reste ne fut qu’un enchaînement chronophage, répétitif et quasiment identique. Un bon entraînement cela dit, mais je n’y prenais pas grand plaisir. Il me fallait faire mes preuves alors je ne dis rien et coupais autant que possible. Je luttai désespérément. Je suai comme un bœuf et le souffle me manqua à certains moments. Mais au bout du compte, dieu merci, son petit stock fut épuisé. On s’arrêta là. Il gagne évidemment puisqu’il termina une bonne minute avant moi. Cependant, à la fin de cet effort, il sembla en grande forme, alors que je titubai un peu de fatigue.

- Je dois reconnaître que je m’étais trompé sur ton compte, gamin. T’as du potentiel. La route est encore longue, mais faut croire que t’es plus aguerri qu'un bon nombre des ouvriers du chantier. Allons y faire un tour. Allons rendre visite à Marshall.

Je ne pus dissimuler ce sourire qui se dessinait sur mon visage. Eärendil était déjà partie depuis longtemps faire le tour de Portgentil. Nous n’étions plus que tous les deux en partance pour le chantier naval de Bliss, à savoir mon objectif prioritaire.

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Chantier naval de Bliss


Celeborn m’avait conseillé de ne pas reprendre ma veste, retirant tout aspect de virilité en moi. Super. J’aimais pourtant cette veste. Même histoire pour mon bob. Mes cheveux rattachés en queue de cheval par une petite cordelette trouvée dans la barraque, je ressemblais davantage un homme tel que définit chez les charpentiers. Cela faisait également quelques temps que je n’avais rasé ma barbe, qui commençait peu à peu s’installer autour de mon visage. Il voulait un homme, le voici. Nous marchâmes quelques mètres, passant des ouvriers qui jetèrent des coups d’œil au petit nouveau que j’étais. Certains crurent me reconnaître à raison.  

Celeborn m’emmena à la cabine qui faisait office de bureau au charpentier en chef. Il frappa à la porte et on entendit aussitôt le fameux Marshall aboyer. Il semblait être un homme occupé, chose assez logique quand on voyait l’important chantier. En voyant le géant entrer le premier, il se ravisa et adopta une mine bien plus sympathique. Non pas qu’il en eut peur, mais plutôt qu’ils s’appréciaient tous les deux. Quand vint mon tour, il me scruta de la tête au pied, arquant légèrement le sourcil.  

- Qui est-ce que tu nous as ramené, mon vieux ? Ton invité me dit vaguement quelque chose, sauf que certaines choses ont changé...

- La dernière fois que l’on s’est rencontré, j’avais un vulgaire bob et une large veste kimono, le tout dans un état de crasse assez honteux.  

Marshall m’examina une nouvelle fois de la tête aux pieds. Il s’arrêta à ma ceinture dans laquelle se trouvait étui comportant tous les instruments de base. Ses instruments.  

- Alma ! Bon dieu, mais oui ! Mais t’as changé mon vieux. Tu m’as l’air un peu plus robuste depuis la dernière fois. Qu’est-ce qui t’amène ici ? Je vois que t’as fait la rencontre de ce bon vieux Celeborn.  

Je restai stoïque et ne manifestait pas grand-chose malgré ses retrouvailles réjouissantes. En fait, j’étais dans un tel état que je n’arrivais pas à me calmer. Je jouais mon avenir en quelque sorte. S’il refusait ma demande, j’étais dans la rue et Eärendil avec moi. Quoi que son cousin l’accueillerait probablement volontiers. Puis merde. Il m’était assez inutile de tergiverser autant.

- Te souviens-tu de ce que tu m’as dit la dernière fois que l’on s’est vu ?  

Après un instant, le charpentier se mit à rire.  

- Quoi ? C’est tout ? C’est uniquement pour ça que tu tires cette tronche ? Je ne sais quelle route tu as croisé durant ton voyage, mais il existe encore des hommes de parole en ce bas monde. Je me souviens précisément de ce que je t’ai dit le jour de ton départ de Bliss. À ton retour, si tu le désirais, je t’embauchais au chantier.

J’esquissai un léger sourire. Léger parce que je sentis qu’il n’avait pas terminé.

- À condition d’être un charpentier utile au chantier. Ici, à Bliss, nous sommes spécialisés dans la machinerie à vapeur. Tu te sens capable d’assumer des travaux de ce genre ?  

- J’apprendrai sans aucun doute, rétorquai-je avec force.  

Marshall se tint alors le menton, songeur.

- Nous avons déjà des stagiaires avec un peu d’expérience, qui bossent au chantier depuis le début de l’année. Toi, sans réelle expérience dans le domaine, tu prendrais la place de quelqu'un sans réellement pouvoir nous être utile. Nous sommes surchargés.

Il n’avait pas tort. Dans chacun des cas mentionnés. Je jetai un coup de l’autre côté de la fenêtre. Oui, ils étaient réellement surchargés. Pourtant, selon moi, ils perdaient une somme d’argent considérable à envoyer boulet ceux amenant des réparations dites “mineures”. D'autant plus que les roulements entre ouvriers ne semblaient pas être parfaitement rodés. Marshall avait certainement embauché trop d’hommes. Il y avait du boulot mais pas assez de place.

- J’ai un marché à te proposer, dis-je en retournant mon regard vers le charpentier derrière son bureau.  

- Je t’écoute.  

Il semblait intrigué par ce que je pouvais proposer.  

- Je n’ai certes pas encore les connaissances pour vous être utile dans les constructions avec les machineries à vapeur actuelles, mais ce n’est que temporaire. J’apprendrai en observant, en me documentant à la bibliothèque de la ville, puis grâce aux conseils des uns et des autres. Actuellement, je suis hébergé chez ce bon vieux Celeborn, il doit s’y connaitre un peu, non, demandai-je en souriant.

Celeborn, bon enfant, pouffa de rire mais Marshall resta attentif. Je continuai mon monologue.

- Vous perdez bien trop de bénéfice en refusant les réparations des navires lambdas. En réaménageant le coin de rangement à l’entrée du port, je peux aisément y installer un atelier et m’occuper de ces dites réparations. Ensuite, j’aurais évidemment besoin d’hommes et ce n’est ce qui manque ici. Plutôt que d’en payer une partie à fumer des clopes, ils pourraient bosser avec moi.

Je fis une pause pour qu’il puisse intégrer les informations.

- En d’autres termes, ce que je te propose, c’est de créer une section au sein du chantier qui s’occuperait des réparations de navire. Évidemment, ce poste exigera un salaire au même titre que tous les charpentiers. Cette section ne devra être gérée uniquement par ma propre personne, jusqu’à ce que tu estimes que je sois plus utile ailleurs, alors je nommerai mon successeur pour le bon fonctionnement de ce dernier. Si la plus-value est importante, tu t’en doutes, je demanderai naturellement une augmentation.

Je vis le géant tatoué caressé sa barbe en souriant d’excitation. Marshall me connaissait un peu et connaissait ma tendance carriériste et mon amour pour l’argent. Pour le coup, ce n’était pas trop demandé, certains empochés bien plus du simple fait de leur réputation. Les coudes posés sur son bureau, les doigts entrecroisés et la tête posée sur l’ensemble de l’édifice, le chef prit le temps de la réflexion, dans un silence de plomb. Ces yeux, paisibles, ne bougèrent pas d’un pouce, jusqu’à cet instant où une lumière passa et son regard se redirigea vers moi.

- J’accepte. Mais tu auras droit à une période d’essai. Si ton projet n’est finalement pas concluant, je ne pourrai malheureusement pas te conserver. Celeborn, tu as le reste de la matinée pour aider Alma à installer son atelier et à choper les quelques branleurs. Peut-être les moins bons, d’ailleurs, tu n’y vois pas d’inconvénient, hein ? Tu commenceras dès demain.

Comme si j’avais réellement le choix. En plus d’avoir une certaine pression, j’allais avoir des boulets avec moi. Finalement, ça l’arrangeait que je lui prenne les “branleurs”. J’en ferai de valeureux ouvriers s’ils ne voulaient pas finir foudroyés. Après moult remerciements, nous quittâmes le bureau pour nous atteler à la tâche. J’avais le droit à une dizaine de jeunes ouvriers pas forcément très habiles avec la vapeur. Ils n’avaient pas besoin de ces connaissances pour ce que je leur demanderai. Il me fallait leur redonner de l’appétence pour leur travail, probablement démotivés par leur propre incompétence.  

Un beau chantier m’attendait.

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Chantier naval de Bliss, Jour 2



C’était le jour où toutes les bases de cette fragile structure allaient devoir être posées. En effet, l’ensemble de l’organisation serait établi ce jour. J’avais invité, ou disons plutôt que l’on m’avait imposé, dix petits bonhommes. Difficile de s’en faire une idée d’entrée de jeu. Mon mantra, que je ne maitrisais pas parfaitement, ne m’indiquait rien de particulier. Là encore, disons plutôt que j’étais incapable de m’en servir correctement. Un travail s’imposait également dessus. Ils étaient en-face de moi, attendant patiemment, ne manquant de signaler leur impatience par quelques mouvements de pied, d’avoir des consignes sur leur journée.

- Bonjour messieurs, bienvenue dans notre humble atelier. Ici, comme on vous l’a certainement expliqué, pas de machinerie à vapeur, pas de technologie saugrenue. Ça ne veut pas dire que l’on va rester dans notre incompétence. Non. On va peaufiner nos compétences basiques de charpentier en réparant les navires, mais c’est surtout l’occasion de se rendre utile en attendant d’acquérir les connaissances nécessaires. À ce sujet, je crois comprendre que vous êtes bien plus calés que moi sur le sujet, n’est-ce pas ? Il vous manque juste un peu de pratique.

Je parlais bien trop. Je n’étais pas loin de perdre mon auditoire.

- Si l’on veut tous s’en sortir, nous allons devoir oublier nos pauses pendant quelques temps. Pas forcément à cause du boulot au chantier, mais surtout pour le travail que l’on va abattre en-dehors.

Autour de nous, le chantier se mettait en marche. Ça se bousculait, ça courait, ça portait des tronçons de bois, ça hurlait diverses consignes. À l’accueil, de nombreux clients. Nous étions à proximité et le guichetier orientait naturellement les simples réparations vers nous. Premier client. Je me chargeais de l’accueillir et de le suivre jusqu’à son navire pour attester des travaux à réaliser. Pendant ce temps, mes hommes se mettaient naturellement en place. Ils n’étaient pas débutants, alors je n’avais pas nécessairement besoin de leur expliquer leur métier.

Le client me montra sa dépouille. Oui, le navire était mort. Je n’osais même pas imaginer ce qu’il lui avait fait subir et comment il avait fait pour arriver jusqu’ici. Il m’expliqua finalement que ce navire était un vieil héritage qu’il souhaitait remettre en état de marche. Un homme d’affaire, riche, capable évidemment de payer un tel chantier. Avec ce seul client, j’estimais ma période d’essai réussie, mais c’était en réalité très loin d’être gagné.

Le mât était complètement mort, à deux doigts s’écrouler. D’ailleurs, j’avais le sentiment de pouvoir le faire tomber d’une simple poussée de ma main. Sur le pont principal, le plancher était pourri. Impossible d’y faire tenir un équipage ou des voyageurs. Le plancher s’écroula avec mon simple poids. Merci à mes patins ventilo-dials pour m’avoir maintenu en l’air. Cela me permis de constater directement les étages inférieurs en ruine. De nombreuses fuites étaient visibles. Par ailleurs, la coque était victime d’une osmose (phénomène où les coques absorbent l’eau en faisant apparaître des cloques).

- Quelle sera la durée des travaux, mon cher monsieur ?

Je ne le regardai pas. Non pas qu’il m'exaspéra déjà, sa question était légitime. Je calculai le temps nécessaire à la réalisation de ce projet et la séparation de mon équipe pour continuer à prendre en charge d’autres clients simultanément. Le navire était presque entièrement à retaper. La seule note positive était qu’il n’était pas d’une dimension exagérée.

- Trois petites semaines, monsieur. Moins si vous voulez prendre le risque qu’il comporte quelques défauts.

L'homme hésita quelques instants avant d’afficher un large sourire.

- Prenez le temps qu’il vous faudra. Je tiens à ce navire et c’est déjà un miracle que vous puissiez vous en occuper. D’ordinaire, les réparations de ce genre sont rejetées ici, j’ai tenté ma chance et elle m’a souri.

Ça fera un heureux. Les formalités faites, je retrouvai mon équipe pour leur faire le point. J’en envoyai deux réaliser les mesures nécessaires et la liste du matériel dont nous aurons besoin. Pendant ce temps, j’expliquai aux autres le projet de rénovation qui nous attendait. Je décidai de laisser trois charpentiers pour gérer les simples réparations, prenant avec moi les sept autres pour le plus gros chantier. Dans trois semaines, nous pourrons rééquilibrer. Bien sûr, si d’autres projets de la sorte se représentaient dans les trois semaines, nous serions obligés de les refuser. En attendant d’avoir les mesures, que je comptais vérifier moi-même, chacun s’atteler aux petits travaux de réparations, pour le plus grand bonheur des marins qui perdaient espoir de revoir leur “bébé” entre les mains des hommes du chantier naval de Bliss.

J’en profitai aussi pour retenir les noms de chacun. C'était déjà suffisamment compliqué de tout ordonner, alors sans les prénoms ou pseudonymes de chacun, ça risquait de l’être davantage. C’était pour l’instant un sacré foutoir mais, à défaut de mieux, je prenais quand même. Étonnamment, mais pas tant que ça, les charpentiers bossaient plutôt pas mal. En fait, comme je le pensais, ils étaient simplement mauvais en mécanique un peu plus poussée. Autrement dit, ils pouvaient être de très bons charpentiers de base, comme je le constatai déjà chez certains. Mes chefs d’équipe commençaient déjà à se montrer petit à petit. J’esquissai un sourire confiant.

Le temps passa ensuite assez rapidement, Celeborn passa me donner quelques coups de main de temps à autres, surtout pour récupérer des chevrons, des bastaings, que nous utiliserons pour la rénovation. Aujourd’hui, seules les petites réparations comptaient, tandis que nous préparions simplement notre plan de travail et la disposition du matériel que nous utiliserons pour le gros œuvre. Sur les trois bonshommes détachés, je nommai Hakim comme le chef du petit groupe, étant le plus vif et habile dans son travail. Au niveau du gros chantier, Marcus me seconderait, son leadership était sans égal au sein de mon équipe.

- Messieurs, bon travail, fis-je en tapant des mains pour annoncer la fin de la journée. Dès demain matin, on se séparera comme annoncé et feu à volonté. J’ajusterai jour après jour pour que nous soyons le plus efficace possible. Bonne soirée !

Sans trop le montrer, encore sceptiques à l’idée de bosser avec pour certains, ils partirent simplement d’un geste de la main, de quelques sourires gênés, ou pas. La cohésion n’était pas une chose que l’on construisait d’un claquement de doigts, sur un coup de tête, le jour même de la formation d’une équipe. Non. C’était une chose assez délicate à manipuler, qui avait besoin de douceur, de tendresse, de confiance et d’aventures. Encore trop tôt pour payer ma tournée, mais ça viendra d’ici peu.

Première fois depuis longtemps que je bossais une journée entière. J’étais complètement lessivé. L’appel du repos, une bière bien fraiche aux côtés de ma belle Eärendil me tentaient énormément. Mais Celeborn me ramena à la réalité en me tapant le dos, me faisant basculer et tituber vers l’avant. Ainsi sorti de mes songes, je me rappelai que je devais travailler mes lacunes : machine à vapeur. Après quelques injures murmurées, je me redressai pour accompagner le colosse vers l’un de ses chantiers.

On y passera un bon moment, jusqu’à l’heure du souper.



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Chantier naval de Bliss, Jour 16

La première passa douloureusement. Sorti de mon confort habituel, je dus me sortir les doigts pour permettre à mon équipe, à mon projet, de poursuivre leur déroulement. La semaine fut douloureuse parce que nous fûmes synchronisés, mon leadership discuté et l’avancement des travaux ridicule. Alors que certains auraient probablement décidé de s’imposer par la force, je décidai d’en faire autrement. Plutôt que de me battre contre eux, je me battu à leur place, travaillant des heures supplémentaires pour achever ce qui aurait dû être fait. Alors forcément, quand ils revenaient les lendemains matins, les types ne pouvaient que constater une bonne avancée sur leur travail et une qualité supérieure à ce qu’ils auraient fait d’eux-mêmes. En voyant ma mine se dégrader au fil des jours, ils remarquèrent immanquablement que j’étais l’auteur de ces travaux et ils furent pris d’une vague d’admiration à mon égard.  

Comme je le disais, ces petits gars étaient seulement dégoûté de leur travail, il fallait seulement leur redonner envie de s’y remettre. Et pour cela, c’était à moi, le chef d’équipe, de montrer la voie à suivre. C’était un métier difficile où l’on pouvait souvent se casser les dents, mais une lumière devait être capable de guider les troupes dans cet obscur tunnel. Depuis, je repris mes horaires habituelles, l’ambiance devint plus agréable et les tâches journalières s’effectuèrent sans encombre. Celeborn me poussa dans mes limites au cours de cette semaine, car je fus pris de fatigue à cause des heures supplémentaires. Mais là aussi, ça allait bien mieux maintenant. Grâce à mes efforts, nous n’avions pas pris de retard sur nos échéances.  

Aujourd’hui, Marshall me convoqua dans son bureau, sans doute pour un rapport. Ou sévèrement me réprimander pour un manque de rendement, mais c’était peu probable. J’étais certain que nous faisions du bon travail. À vrai dire, on rapportait forcément plus qu’il y a deux semaines, puisque les simples réparations n’étaient pas du tout acceptées. Alors je me rendis sereinement dans son bureau, le saluant et attendant patiemment ce qu’il avait à me dire. Il avait un visage assez fermé, comme d’habitude, alors difficile de déterminer son humeur. Il continua de remplir des papiers sans m’adresser la moindre attention.

- Un problème ? demandai-je le plus calmement possible.  

Il leva enfin les yeux et m’observa de la tête aux pieds.  

- Cele’ m’a parlé de ton état la semaine dernière, je voulais m’assurer que tu sois encore apte à poursuivre. Dans notre métier, aussi dure que cela puisse paraitre, on n’accepte pas les personnes faible consistance.  

Il me scruta de fond en comble de ses yeux perçants.  

- Mais... à en croire ce que je vois, l’autre idiot t’a sous-estimé, finit-il par me dire en esquissant un léger sourire. Je ne te retiens pas, je vois que le travail ne manque pas, comme tu l’avais prédit. N’hésite pas à passer me voir, boire un coup à la fin d’une journée, discuter de tes aventures depuis la dernière fois...

Je promis de ramener une bouteille quand j’aurais obtenu le poste avant de m’en aller.  

***

Après une bonne journée de boulot, de bonnes leçons prises du côté du cousin de la blonde, nous rentrâmes pour le souper. Eärendil n’était pas présente. Au départ, je ne m’inquiétai pas plus que ça, elle avait peut-être rencontré des amis. Puis un petit mot se trouvant derrière la porte, sur lequel nous marchâmes tous les deux, nous attira et nous mis dans une grande inquiétude. Des ravisseurs. Elle aurait été kidnappée et une rançon était demandée. Celeborn perdit contrôle, partagé entre colère et profonde tristesse. Il se sentit responsable de cet enlèvement. Je ressenti l’intensité de ses émotions grâce à mon mantra. Mon poil en frissonna presque tant la sensation de ressentir ses émotions fut vive.  

Il hurla, pleura, me saisit par les épaules et me secoua dans tous les sens. Je restai assez impassible. Peut-être la fatigue. Ou j’avais du mal à concevoir qu’une fille comme Eärendil ait pu se faire ainsi enlever. Il serait plus simple de me kidnapper plutôt qu’elle. Il me supplia de l’aider à retrouver sa chère cousine, de trouver du fric, de l’aider à accéder à la somme avec mes économies. Je le stoppai immédiatement. Il n’était pas question de mettre un centime en l’absence de preuve de vie de la blondinette. Par ailleurs, j’avais bien l’intention de la retrouver avant de devoir payer la rançon. J'expliquai ainsi à mon nouvel ami que nous devions enquêter posément sur la disparition de sa sœur. De mémoire, il me semblait qu’elle s’était acoquinée avec ses anciennes camarades de Santa Maria. Je proposai donc au géant de m’y accompagner pour y poser quelques questions. Si je le laissais seul, dieu seul savait de quoi il serait capable.  

Au plus profond de moi-même, j’espérais évidemment que ces recherches se feraient rapidement. Nous allâmes donc à Santa Maria où l’accès ne nous était forcément pas autorisé. Cependant, il ne me sembla peu probable que la blondinette et ses copines entrèrent à l’intérieur. Cela voudrait également dire qu’elle aurait été kidnappée à l’intérieur du bâtiment et donc que la sécurité était à revoir. De mémoire, il s’agissait là d’un établissement privé, de grande renommée, que jamais personne n’avait osé attaquer. Une flotte entière de la marine s’occupait de la sécurité. Eärendil ne venait absolument pas d’un milieu aisé et ne se destinait pas à être une héritière. Son intégration au pensionnat ne tenait qu’à... Boarf, je ne comprenais pas trop. Des relations d’après Celeborn. Elle n’y fut guère très longtemps. Ils n’avaient visiblement pas réussi à la recadrer et avait presque exacerbé ses goûts de luxe. Il ne faisait pas encore nuit, nous venions de finir notre journée de labeur, alors l’heure était encore raisonnable. Le géant, plus populaire que moi, connu comme un très bon charpentier au sein du royaume, aurait meilleur temps d’investiguer au pensionnat.  

- Minute, dis-je en saisissant son épaule. On perd notre temps. Il faut accéder au Havre pour aller au pensionnat. Les anciennes pensionnaires n’ont rien à y faire, l’îlot est hautement gardé. On fait fausse route, mon vieux. Ta cousine a forcément passé la journée sur Portgentil.  

Celeborn acquiesça docilement. On se sépara bien rapidement. Celeborn s’occupa d’interroger les bars et restaurants, tandis que j’interrogeai les différentes boutiques encore ouvertes. Comme la plupart des commerces, elles fermaient. Pourtant, j’étais intimement convaincu qu’elles passèrent un bon moment dans les boutiques pour garnir leur garde-robe. Je me demandai soudain comment Eärendil aurait pu s’acheter de telles parures sans piocher dans mes réserves. Partagé entre un sentiment de colère de peur, je continuai mes recherches, non sans lâcher quelques coups aux prix des tenues.  

Comme je l’imaginais, les vendeuses voyaient une quantité exagérée de jeunes femmes aux caractéristiques physiques d’Eärendil. Je n’avançais pas, de longues minutes défilées, j’étais essoufflé et tâché de ma propre sueur. Je désespérai petit à petit, ne trouvant pas de solution, en m’efforçant tout de même de poursuivre. Sur un ultime effort, j’aperçus une vielle dame fermer sa boutique. Je courus aussi vite que je le pus pour l’intercepter. Sans prendre de gant, oubliant les formules de politesse, je l’interrogeai. Elle prit le temps de me scruter de haut en bas et, comprenant l’urgence de ma demande, prit le temps de réfléchir. Naturellement, elle vit aussi de nombreuses clientes, des jeunes femmes, blondes... Bref, je commençai déjà retourner mes talons quand elle m’intercepta.

- Cela dit... Vous disiez qu’elle avait un sale caractère ? Il y a bien une cliente qui m’a pratiquement agressé pour baisser le prix d’une de mes robes. Elle la désirait ardemment. Finalement, en négociation un peu, avec l’aide financière d’une de ses amies, elle a pu obtenir ladite robe. Un chignon tenu par une modeste baguette, le nez fin, les yeux verts, un vocabulaire... coloré.  

- C’est elle, hurlai-je les yeux remplis de bonheur. Savez-vous où sont-elles allées ensuite ?  

La vieille dame réfléchit.  

- Mon brave, vous m’en demandez bien à heure aussi tardive. Il était l’heure du déjeuner, j’imagine qu’elles sont parties manger. Elles se sont dirigées au bout de cette rue. Je le sais car je les aie regardées partir, encore abasourdi par la scène de votre amie.

Gêné, je me grattai la tête et m’excusai auprès de la vieille tout en la remerciant. Je dévalai la fameuse rue en puisant dans mes dernières ressources. Ma course devait sembler aléatoire, désorganisée sur le schéma moteur, mais j’avançai toujours. En arrivant au bout, je tombai sur Celeborn qui me mit sur les fesses. Sonné, je mis du temps à me relever, puis aidé par ce dernier, j’étais déjà sur pieds. Il revenait me retrouver pour m’annoncer qu’il avait retrouvé le restaurant où elles déjeunèrent. Un peu chaudes, elles partirent ensuite faire la tournée des bars. Elles quittèrent le restaurant en fin de journée.  

Bordel. Qu’est-ce qui a pris à ces riches femmes, probablement prochaines héritières du royaume. Rien d’étonnant pour Eärendil mais... les autres étaient certainement du même acabit, avec une fortune en plus. La vie nocturne s’agita sur Portgentil. Nous fûmes également la tournée des bars, sobrement, pour tenter de trouver réponses à nos questions, nous n’avançâmes pas plus que ça. Nous apprîmes que la marine était déjà sur l’affaire. Les autres filles furent également enlevées et des rançons furent demandées à leur famille. Malgré les moyens qu’elles avaient, beaucoup refusaient de payer cette rançon. Cela témoignait du manque de légitimité qu’elles avaient peut-être à succéder au trône financier de leurs parents.  

Intérieurement, j’enrageai car tous nos efforts furent vains. Nous n’avions pas avancé d’un pouce. Celeborn était au fond du seau. Je le ramenai à la maison. Nous bûmes un peu avant de nous endormir. Enfin pas tout à fait me concernant, je me levai au milieu de la nuit pour retourner aux recherches. Il existait un seul endroit où la marine n’irait certainement pas : Les Everglades. La rançon était à déposer à une heure précise à une adresse précise qui, étrangement, se trouvait à la frontière de ce quartier. Personne n’osait s’y aventurer. Les coursiers y déposeraient la rançon et repartiraient en courant. Si ce n'était pas pour cette garce, je ne m’y serais jamais aventuré. Alors que j’allais hurler le nom de cette dernière en pénétrant cet immonde quartier, une massa vint violemment me plaquer, nous faisant rouler sur un tas d’ordures. Je ne sais pas ce qui me frappa le plus entre la charge et l’odeur qui se répandait sur moi. J'étais si exténué que mes sens ne m’avaient pas alerté de ce qui arrivait, mais cette odeur me redonna un regain d’énergie.

- Eärendil, m’enthousiasmai-je.  

- La ferme, abruti. Tu veux nous faire tuer ?  

- Mais on était morts d’inquiétude ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? Rentrons !  

- Je ne peux pas. Mes amies sont avec ces malades, je dois les sortir de là.  

Elles avaient bel et bien été kidnappées. Devant mon visage interrogé, elle reprit la parole.

- J’ai réussi à me défaire de la prise de l’un d’entre eux et prendre la fuite. En réalité, je me suis caché pour pouvoir les suivre. Elles se trouvent dans cet entrepôt. J'ai observé les mouvements des types toute la soirée pour pouvoir agir.  

Elle m’effrayait. Son sang-froid et son aspect militaire me laissaient sans voix. Elle ne tarda pas à me solliciter.  

- Maintenant que t’es là, ça va grandement me faciliter la tâche. Tu vas te présenter comme coursier, frère, ou que sais-je. À mon avis, tu n’auras même pas le temps de t’approcher de l’entrepôt que tu te feras intercepter. Fous-moi un bordel monstre.  

- Et mon fric, demandai-je malgré la gravité de la situation.  

- Je me doutais de ta préoccupation première. Tu peux partir sereinement, tout est en ordre.  

Elle avait son caractère, mais ce n’était pas une menteuse. Le problème était plutôt qu’au fil de nos aventures, après avoir survécu in extremis à la mort, notre perception du danger n’était plus la même. Je m’élançai dans cette terrible entreprise simplement pour sauver la peau de ses amies d’enfance. Quelques mois auparavant, je l’aurais tiré jusqu’à la maison sans me soucier de la peine que cette tragédie pourrait lui faire, du moment que nous restions en vie. Cette fois-ci, c’était un peu différent. Dans son regard, dans le poids de ses mots, je compris que sa priorité absolue était de les sauver. En m’approchant du hangar, des hommes sortirent des alentours pour former un beau comité d’accueil. Ils n’avaient guère envie de discuter. Moi non plus. Je dégainai ma lame de ma canne, me tenant prêt à l’affrontement.  

Le temps était déjà suffisamment exécrable pour en rajouter davantage. Le niveau des Everglades était en-dessous de celui de la mer, celle-ci devrait bientôt prendre possession des lieux. Alors, je compris la raison pour laquelle la rançon devait être donnée avant une heure précise. Ils ne tueraient pas les filles de leurs propres mains, mais les laisseraient mourir lorsque la mer, en marée haute, les noiera naturellement. Étant donné les cadavres déjà présents autour de nous, j’imaginais que les meurtres étaient ici autorisés et que l’on ne m’en voudra pas. Cependant, pour mettre hors d’état de nuire ces messieurs, sans trop m’épuiser en mouvements inutiles, j’optai pour une autre solution. D’une brève impulsion, soutenue par mes ventilo-dials, j’atteignis une hauteur suffisante pour être hors de portée. La météo m’étant avantageuse, je fis abattre la foudre sur ces pauvres hommes inconscients de ce qui leur arrivait. Ils furent foudroyés. L'eau stagnante et la pluie torrentielle augmenta évidemment les dégâts. Je restai encore en l’air afin d’y voir plus clair. La foudre avait fait du grabuge et des types sortirent du hangar.  

- Libérez les femmes que vous détenez ou mourrez, fis-je d’une voix grave, en hauteur par rapport à ces derniers.  

Ils ne furent que très peu réceptifs à mes menaces. Tant pis. La foudre tomba. Une fois. Deux fois. Trois fois. Impossible de savoir combien j’en envoyai, je tombai simplement de fatigue, en même temps que mes patins, m’écrasant violemment sur le toit de l’entrepôt. Heureusement. Le sol était encore parcouru de filaments électriques. Mais malheureusement, la toiture ne supporta mon poids, céda et provoqua une nouvelle chute dont la réception fut plus douloureuse. Une légère réactivation de mes patins et de mon maniement de l’air amortie ma chute. Je ne pus éviter une entorse de la cheville qui prit l’ensemble de la charge de mon poids. Un frisson accompagné d’une crispation de mon visage signala aux types se trouvant face à moi que je souffrais. Je repérai quatre filles élégamment vêtues, bien que les larmes écrasaient leur maquillage sur l’ensemble de leur visage et que leur tenue furent salies par ce lieu infâme. Elles virent en moi un héros, mais j’étais en réalité un véritable poids mort pour l’heure, incapable de me mouvoir.

Rapidement encerclé, je dégainai ma lame. De légers filaments électriques se formèrent sur la main de laquelle je tenais la lame. De la main, elles enveloppèrent également ma lame. Autant dire que cela n’avait pour but que d’apeurer mes adversaires, tout en attirant leur attention vers moi. J'aperçus du coin de l’œil qu’Eärendil commençait à détacher ses amies. Les barbares fondirent sur moi sans l’ombre d’une hésitation. Impossible de bouger, j’étais à bout de force. Les millisecondes parurent être des heures. J'eus l’impression de pouvoir décortiquer chaque mouvement. Même les yeux larmoyants de ma blonde qui, tout en continuant de détacher les filles, comprit que je ne pouvais plus bouger. Je lui offris un dernier sourire en guise d’adieu.  

- ALMAAAAAAAAAAA !

D'où provenait ce hurlement ? Pas le temps d’y voir quoi que soit. Pensant ma fin arriver, une moitié des hommes autour fut balayée d’un puissant coup de hache. Mais de l’autre côté, les lames me tombaient toujours dessus. Un bouclier vint alors s’interposa en les repoussant tout aussi violemment. Une énorme masse musculaire se trouvait en face de moi. Celeborn. Enragé comme je ne l’avais encore jamais. On ne touchait pas à sa famille. C’était la règle. En épargnant la suite du carnage, vue la puissance que développait ce type à chaque frappe, je vous laissais simplement imaginer le bain de sang. Je vis Eärendil courir vers moi, mais je désignai la sortie de mes mains. Il fallait déguerpir d’ici au plus vite.  

Nous sortîmes de cet endroit de mort, j’embrumai la zone d’un épais brouillard et continuâmes de courir aussi vite que l’on put. Je boitai de plus en plus, jusqu’à finalement chuter, puis réceptionné par les gros bras de Celeborn qui me porta sur l’une de ses épaules, comme un sac de patates. On me déposa dans la demeure du géant, étant dans un état lamentable, tandis que les deux cousins passèrent le restant de la nuit dans une des garnisons de la marine pour un rapport. Pendant ce temps, je m’endormis paisiblement, le poids de la fatigue était bien trop lourd.

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Le lendemain matin, je me réveillai évidemment bien trop en retard. Eärendil était présente, m’informant que Marshall était prévenu de mon absence et qu’il me souhaitait un bon rétablissement. Celeborn dormait également. On l’entendait ronflait jusqu’au chantier. Ma cheville avait triplé de volume et poser le pied m’était insupportable. Néanmoins, je ne pouvais laisser mon équipe sans moi. D'une part parce que je n’avais pas entièrement confiance ; d’autre part parce que je culpabilisais de ne pas me battre à leur côté.

Eärendil partit dormir un peu. Je bus la tasse de thé qu’elle me servit et me mit au boulot. Je n’étais apte à reprendre la route du chantier, mais j’allais y remédier expressément. À l’aide de ma canne et de ma jambe gauche, je me déplaçai tant bien que mal jusqu’à l’arrière de la maison de Celeborn où se trouvait son jardin. J’installai mon plan de travail, rapprochai les outils dont j’aurais besoin, puis le bois utile à la conception de mon appareil. Rien de farfelu. Une simple attelle qui m’aidera à tenir la journée. Hors de question de porter deux bouts de bois parallèles et instables. Non. Je comptais bien fabriquer un objet utile.

Après une heure et demie de travail acharné, j’étais enfin parvenu à une conception satisfaisante. Peut-être un trop serré, mais ma cheville était bien immobilisée. À l’aide de ma canne et de l’attelle, je pourrai au moins coordonner le chantier. C'était tout ce dont avaient besoin ces braves hommes. Et bizarrement, cette activité, concevoir quelque de fonctionnel, me donna presque envie de me rendre polyvalent et d’œuvrer dans l’ingénierie. J’aurais tout le temps de me pencher là-dessus une fois finis mes projets actuels. En attendant, road to navire avec système à vapeur, empocher du pognon et me faire un nom. Avec un bon carnet, je devrais largement pouvoir subvenir à mes besoins. Si j’ajoutais à cela mes compétences futures, je m’en sortais plutôt bien.

Mais chaque chose en son temps. Il me restait une période d’essai à terminer pour l’heure.

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Chantier naval de Bliss, Jour 21




La rumeur de notre mésaventure fit le tour du royaume. Celeborn et moi passâmes immédiatement pour les héros de Portgentil. Cela ne me dérrangeait pas plus que ça, au contraire, puisque j’avais obtenu le respect d’à peu près tout le monde, même des plus réticents. Et pour le coup, même s’il ne me l’avouera que bien plus tard, ce gain de popularité arrangea les affaires de Marshall. Il n’aurait maintenant plus aucun mal à me filler un poste. Et oui, tout au long de ces trois semaines, je gardai en tête cet unique objectif. Ce qu’il se passa avec Eärendil n’était qu’une parenthèse. Mais encore une fois, ça m’arrangeait.  

En effet, au boulot, j’étais respecté comme si je bossais ici depuis des années. Ce n’était absolument pas le cas. Pire encore, j’étais en période d’essai dans un coin du chantier où le travail était moindre, et ça, tout le monde semblait l’avoir oublié. Mais le comble se trouvait en-dehors du chantier, dans Portgentil, où j’étais maintenant une célébrité. J’exagérai un tantinet. Populaire oui, on mettait un visage à mon nom, puis je commençais à avoir quelques relations avec des personnalités de la ville. Des relations amicales et politiques, il me semblait essentiel de le préciser. Et un dernier élément vint alors sceller mon statut de grand charpentier en devenir au sein du chantier naval.

- C’est au-delà de mes espérances ! hurla un client. Quelle merveille ! Mais qu’avez-vous dans les mains ? Ces finitions, ce travail... regardez un peu ! Ça, c’est l’état dans lequel je vous l’ai remis. Mille mercis !  

Devant la joie cet homme, forcément, certains s’arrêtèrent pour voir de quoi il s’agissait. Les plus curieux encore vinrent observer le travail en question d’un peu plus près en toisant l’équipe qui s’en était chargée. Marshall lui-même admira le travail en ne comprenant comment une équipe de bras cassés pareil a-t-elle pu réaliser un tel chantier. Alors, peut-être que ces hommes n’auront jamais la réputation qu’ils méritaient, mais leur place au chantier naval était assurée. Pas experts dans le domaine des technologies à vapeur dans lequel le chantier naval s’est récemment orienté, ils restaient cependant de bons charpentiers. Ils l’avaient prouvé par ce travail de qualité.  

À l’un de mes entretiens avec Marshall, un bilan fut posé. J'avais calculé ce que nous avions rapporté au chantier depuis le début de la section. La création de cette unité n’avait absolument rien coûté et avait rapporté un gain financier assez considérable. Face à un tel bilan, le directeur du chantier naval ne put faire autrement que d’officialiser cette section et de m’embaucher en tant que “maître” de celle-ci. C'était la première étape. Je pouvais annoncer à mes gars qu’ils gardaient leur poste et que le travail avait été reconnu. Ils en étaient fiers. Mon prochain objectif était évidemment de toucher aux technologies à vapeur. Voilà un moins que je bossais dessus avec Celeborn, je m’en sentais capable.

Alors posé au bureau avec une belle bouteille de rhum, je me tenais face à Marshall et lui fit ma demande.  

- Je continuerai de gérer mes troupes le temps de former mon successeur. Mais je veux commencer à bosser avec Celeborn, au cœur du chantier, avec les technologies à vapeur.  

Le directeur se mit à exploser de rire.

- Tu ne perds pas d’temps, gamin. Comment puis-je te refuser ce poste ? Tu as enrichi un peu plus le chantier, tu as montré tes talents de charpentier, ta détermination, ta rigueur dans ton travail et... Celeborn m’a confié que tu apprenais diablement vite. Tu avances si vite, Al’, que je m’en inquiète moi-même. Bientôt, tu me mettras à la porte.  

Je souriai à cette dernière phrase.

- Je te suis fidèle, Marsh’. Mais honnêtement, j'ai de nombreux projets en tête qui mèneront bien au-delà de ce chantier. Et même si je devais un jour prendre possession de ce chantier naval - ce qui arrivera sans nul doute mon ami -, tu garderas ton poste car il me faudra quelqu’un de confiance pour le gérer en mon absence.

Je lâchai un clin d’œil. Nulle intention de camper ici. D'autres compétences à développer, d’autres chantiers à toucher. Mais Bliss, Portgenil, sont clairement des coins où je me verrai bien finir paisiblement ma vie, quand j’en aurais plus qu’assez de toutes ces folles aventures. Après tout, mon cœur ne supporterait cela toute ma vie. Ainsi, nous bûmes la bouteille sans caprice. Marshall le savait, je serai à sa disposition encore quelques temps, afin de m’enrichir, développer mes compétences et étendre ma réputation. Toutes ces acquisitions obtenues, je pourrai m’en aller vers d’autres contrées, mers et aventures.  

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