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Exotico tropicana

« - On est coincés ici pour combien de temps ?

- Dix jours, tout au plus. »

La goélette gisait à demi sur un banc de sable, s'en déloger n'était pas ce qui gênait. Non, visiblement l'EternalPos que nous avions trouvé à Zephyr s'était mis à déconner sévère et nous ne pouvions compter que sur un Log trouvé dans les affaires de Karen. La navigatrice suspectait qu'en rejoignant un autre champ magnétique, l'Eternal nous pointerait à nouveau vers notre destination, mais je n'étais pas si sûre.

« - Bon eh bien, tant qu'à être bloqués ici, autant en profiter pour découvrir le coin... »

Encore. Ce n'était pas ma première venue sur l'archipel des aliments, cependant je me rappelais que nous n'avions fait que le traverser à l'époque, avec la Division Carter. Nous avions cependant éliminé une menace géante et je savais que mon visage parlerait à certains locaux. Cela tombait bien, d'ailleurs, puisque j'avais prévu de repasser par ici un jour. Un endroit où tout n'est que nourriture : comment laisser ça aux autres ? Il y avait des opportunités à saisir pour mon propre empire.

De ma dernière excursion, je gardais un souvenir tiède d'un Roi qui ne pensait qu'à s'empiffrer. Cependant, avant mon départ, je me rappelais avoir été approchée par une des dirigeantes qui avait personnellement tenu à me remercier. Un brin de femme toute en séduction avec un caractère bien tranché qui avait posé un regard bienveillant sur notre équipage uniquement composé de femmes, du genre à faire chavirer les hommes et à leur faire payer leurs frasques.

J'avais retenu son nom et elle avait retenu le mien d'une certaine façon, mais nous n'avions pas poussé plus loin la discussion : son île avait sacrément pâti du passage des pirates et nécessitait des « soins urgents » selon elle. Aujourd'hui, je pouvais ravaler mes regrets de ne pas avoir visité une île faite de chocolat : sitôt notre navire remis à flot, c'était là que nous nous rendrions.
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Il nous avait bien fallu une demi-heure pour nous déloger de la plage en sucre de canne. Heureusement que nous nous y étions pris à temps et que nous n'avions pas laissé notre navire ici pour partir à l'exploration d'ailleurs car l'étrange sirop qui alourdissait la mer environnante avait commencé à se cristalliser sous la poupe. Encore un peu plus et notre bateau aurait pris racines au sens propre du terme.

« - Cela se sent que nous ne sommes pas loin de Sugar Palace... » avais-je murmuré en nous voyant bouger à nouveau, accolée au bastingage ; Angel était à côté, la remarque ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd.

« - Tu connais le coin ? Ah, attends ça me revient...

- La 346ème. Ta sœur t'a forcément raconté, non ?

- Je l'ai lu dans les archives. Un petit coup de filet, si je me souviens bien... Pas des pirates très impressionnants, le seul danger qu'ils représentait était pour l'île.

- Shishoku est un archipel spécial qui a constamment besoin de protection contre les dévoreurs : que ce soient des personnes venues de l'extérieur ou bien des « lapins ». Alors soyons prudents dans notre façon d'approcher les locaux. »

Je n'en avais encore jamais rencontré, mais j'en avais entendu parler de ces Glougloutons. Ils tenaient leur surnom de « lapins » de leurs longues oreilles et leur peau blanchâtre, mais c'était bel et bien des humains à l'origine. Apparemment, la consanguinité de ce peuple l'avait réduit à n'être qu'un ramassis de tubes digestifs sur pattes. Nul doute qu'en une dizaine de jours dans le coin, nous finirions par en voir quelques spécimens.

« - Quelle direction capitaine ? » demanda Karen, saisissant avant que je ne l'énonce la raison de ma venue sur le gaillard d'arrière.

Toujours trop pragmatique, elle tenait la barre et nous menait au plus proche de notre destination finale, selon ses plans. Lorsque ce n'était pas le cas, elle était bien obligée de s'en remettre à mes indications, surtout en eaux inconnues comme ici. Je me rappelais vaguement de la carte de l'archipel et savais qu'il valait mieux éviter la Mer d'Huile qui séparait ses différents territoires.

« - Faisons un détour par les eaux septentrionales, nous ne devrions pas rencontrer de difficultés. Direction Choco Island. »

En même temps que je donnais les indications, mon index pointa ce qui semblait être un carré de chocolat à l'horizon. Nous avions sûrement amarré à l'est de Sugar Palace et de celui-ci seules les falaises de sucre, à demi-érodées en longues plages, nous étaient visibles. En revanche, au loin, outre notre destination, nous pouvions aussi voir les détails de Green Forest et même Oazisse. Je ne pus m'empêcher de constater les regards ébahis des hommes qui découvraient après moi cette fantaisie naturelle ; même Angelica semblait subjuguée, au contraire de Karen qui était la seule à ne pas y prêter attention.

« - Tu ne te satisfais donc jamais des petites choses ?

- Crois-le ou non, Eleanor, mais je déteste manger. Autant de nourriture, ça me rebute alors plus vite on sera partis d'ici, mieux ce sera. »

Quel crève-cœur, ne pas aimer manger... Cependant il était vrai que je n'en avais plus besoin non plus et cela faisait partie des quelques petites choses qui me manquaient. Parfois, la condition humaine pouvait être source de tellement de plaisir... mais j'avais été contrainte de faire une croix là-dessus. J'étais l'Exsangue et cette fois-ci il ne serait pas difficile de me contenir, quand bien même le chocolat pouvait me faire tourner la tête. Mais ce n'était plus que cela : la tête, les nerfs s'arrêtaient le long de mon endosquelette et ne se prolongeaient plus jusqu'à mon estomac. Par réflexe, je me surpris toutefois à désirer ma tasse d'ambroisie, cet espèce de jus sans goût et noirâtre qui me permettait d'alimenter mon organisme...
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Nous contournions soigneusement la Mer d'Huile, passant au large des îles, de l'archipel même, pour rejoindre Choco Island et ses montagnes cacaotées. De loin, nous pouvions d'ores et déjà voir les delta de chocolat qui se jetaient dans l'océan, faisant naître des tâches brunes dans les eaux normalement claires. Quel gâchis...

« - Nous devrions bientôt arriver, » tonnai-je en me suspendant à un jeu de cordes à tribord qui hissait l'une des voiles. « Préparez vous à passer quelques temps à terre. »

Hourras, encouragements à bord ; j'avais déjà peur de l'état dans lequel je retrouverais mes hommes. Par chance, le chocolat écœure rapidement et ils s'arrêteraient loin avant indigestion. Ils finiraient même probablement par demander un repas consistant au bout de quelques jours, ce que nous ne pourrions avoir sans le soutien des locaux. Car sur Shishoku, la nourriture à foison est autant une bénédiction qu'un poison, séparée comme elle l'est alors que tout bout nutritionniste vous dirait que l'important c'est d'avoir un repas équilibré. Seuls les échanges entre les îles pouvaient garantir cela.

« - Il nous faut trouver un endroit sûr, » émis-je sans véritable interlocuteur.

Angelica écoutait toujours, je la sentis hocher du chef. La Marine n'était pas un problème, pas ici, mais les réserves de nourriture en étaient un... il nous fallait montrer patte blanche.

Tandis que nous nous rapprochions, je ne pouvais m'empêcher de constater les pertes de tout ce chocolat qui se jetait dans la mer. Je me prenais à imaginer la construction d'un barrage alors même que nous n'y étions pas et savais déjà que je devais garder mes idées novatrices pour moi-même : je n'étais pas là pour trouver une solution à quoi que ce soit mais tout d'abord pour marchander. Dix jours, c'était ce que j'avais pour trouver un point d'accroche et nous garantir au moins la protection d'Erika. Ce point là n'était pas forcément problématique, dès lors que nous l'aiderions à chasser des lapins. Ça j'en étais sûre. Mais je voulais aussi voir s'il était possible de profiter de ce que cette île avait à offrir...

« - Faisons un peu le tour de l'île avant d'amarrer, » signalais-je à la timonière qui fit aussitôt pivoter le gouvernail, nous accordant la vision magnifique des falaises de chocolat et de la végétation luxuriante qui la surplombait, comme tout droit sortie des rêves d'un artisan chocolatier.

Certains semblaient retomber en enfance et j'étais jadis la première à m'adonner à ce genre d'attitudes, mais aujourd'hui les choses étaient différentes. Les changements dans mon corps avaient réduit mon humanité, emprisonné mon côté enfantin et même si je cherchais à en singer les traits, cela ne resterait qu'une illusion. Annabella était morte, ne restait plus qu'une Eleanor en acier qui peinait à exprimer la moindre émotion et semblait pourtant trop émotive pour n'être qu'un vulgaire robot, prisonnière entre deux mondes.

Une heure passée à longer la côte, atteignant de fait le versant Est de l'île, nous permit de déceler un petit port de pêche où nous pûmes finalement jeter l'ancre. Notre débarquement ne se fit pas sans l'arrivée soudaine de gardes-biscuits, les hommes de main d'Erika.

« - Halte ! Nous avons pour ordre de ne pas laisser des inconnus débarquer tant que son altesse ne l'a pas permis.

- Volontiers. Je suis la capitaine de ce navire, y a-t-il un moyen de joindre Erika ? Sinon dites lui qu'Amanda Holmes est là et qu'elle souhaiterait lui parler. »

Faute à l'environnement, l'endroit était propice à certains archaïsmes et je ne fus pas étonnée de voir que l'absence d'escargophones en faisait partie. Après une brève conversation avec l'un de ses subalternes, qui partit ensuite au pas de course, l'officier revint vers moi :

« - Le mot a été transmis à une poule, nous devrions avec une réponse rapidement.

- Une... poule... ? »

Et effectivement, derrière, nous pouvions voir un énergumène sortir quelque chose d'un congloméras de cages qui gisait aléatoirement le long de la route qui menait au village et glisser un message dans un petit étui à la patte d'une poule en chocolat animée. Une fois relâchée, celle-ci s'envola en direction du palais visible au loin, peut-être à trente minutes à pieds de notre position.

Jugeant que nous avions fait le tour du sujet pour l'instant, je laissais l'homme monter la garde sur le ponton où nous l'avions rencontré et revenais vers mes hommes.

« - Un souci capitaine ? On pourrait pas juste forcer notre entrée sur l'île ?

- Ouais c'est vrai, on est des pirates non ? C'est ce que les pirates font...

- Bande de crétins. Et vous survivriez comment à n'avoir que du chocolat à manger, sans eau potable, sans rien ? »

Je fusillais du regard les deux crétins dont le ventre venait de parler à la place de leur cerveau. Je n'attendais pas de réponse et il n'y en eut pas, si ce n'est un silence général, plus aucun murmure.

« - Que chacun retourne à son poste le temps que nous ayons une réponse ! »

Il fallait gagner du temps, calmer les esprits et rien ne valait le travail pour cela. Il restait toujours des noeuds à faire, des cordes à enrouler, des ponts à briquer... Dix minutes passèrent, puis vingt, puis trente avant qu'une réponse à la missive ne se fasse entendre. L'officier s'était approché du navire et avait toussé pour attirer notre attention en contrebas, me poussant à descendre.

« - Son altesse est prête à vous recevoir dans son château. Seulement vous en revanche et sous escorte.

- C'est entendu. »

Soupires de déception dans mon dos, aussitôt tus par les regards incendiaires que devait jeter Angelica. Pour ma part, je choisis de suivre les hommes en silence jusqu'à une charrette en biscuit et y monter, flanquée d'hommes à ma gauche et à ma droite. Un cocher fit claquer ses rennes et ce qui apparaissait comme des chevaux en chocolat se mirent à trotter gaiment.

De quoi se croire dans un rêve.
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Cacao Island était une petite île. Mais une petite île bien lotie, avec son Fleuve Cacao, sont Mont Cacao et évidemment...

« - Bienvenue à Cacao City. »

Une ville en chocolat et en biscuits. De loin, celle-ci ne payait pas de mine, similaire à une agglomération classique surmontée d'un palais, mais lorsque l'on s'approchait de plus près, lorsque l'on marchait dans ses rues et que l'on sentait les effluves de chocolat, lorsque l'on voyait les murs construits dans la matière première de l'île, on savait qu'on était à un endroit unique. Toutefois, il était évident qu'on ne pouvait pas utiliser le chocolat à toutes les sauces non plus : certains bâtiments avaient visiblement payé le prix de leur constitution fragile, notamment au soleil. Nombre de toitures, pratiquement fondues, menaçaient de s'effondrer et certains murs étaient grignotés, voire carrément trouer, laissant entrevoir la précarité dans laquelle vivaient les familles à l'intérieur. On ne pouvait pas facilement vivre dans un univers où même les briques étaient comestibles. En mon for intérieur, je prenais des notes.

Les gardes-biscuits circulaient librement ; personne ne leur opposait de résistance, même dans les quelques rues passantes, voire embouteillées. Les gens semblaient tout bonnement effrayés, pourtant je n'avais pas gardé une si mauvaise image du seigneur local, quand bien même je ne l'avais vu qu'au palais du roi. Peut-être avait-elle un autre visage dans sa propre contrée. Les éléments dignes d'intérêt s'accumulaient, je continuais non seulement à voir des opportunités, mais aussi des contraintes que je saurais balayer si j'arrivais à obtenir les faveurs du souverain.

Comme sur les autres îles, Cacao Island avait sa faune locale. Les poules en chocolat n'étaient pas les seules : il y avait des chats et des souris qui trainaient en ville, des canards et même des criquets le long du fleuve et on disait des montagnes qu'elles étaient parcourues par des troupeaux de cacao-chèvres, ou quelque chose comme ça. Seuls les habitants, au milieu de tout cela, semblaient tout bonnement humains, ce qui laissait comprendre qu'ils ne devaient pas être endogènes. Il y a longtemps, peut-être des siècles ou des milliers d'années, l'homme s'était installé à Shishoku et avait décidé d'exploiter ces îles ; aujourd'hui, la seule chose qui permettait à chaque peuple de ne pas mourir de faim ou de malnutrition était les routes commerciales de la Mer d'Huile.

Le palais grandissait à vue d’œil tandis que les rues s'élargissaient en une grande place devant les remparts. Là, en bas des murs, le fleuve faisait un coude tel une douve naturelle creusée autour de l'édifice. Des silhouettes très réalistes, taillées dans le chocolat, garnissaient le chemin de ronde et nous toisaient tandis que nous passions la porte où la herse avait préalablement été levée.

« - Très ressemblantes, vos statues.

- Probablement car il ne s'agit pas de statues. »

Un courant d'air froid me glaça le dos, toutefois je restais impassible. J'avais vu pire, mais tout de même. Jamais je n'aurais cru Erika capable de telles extrémités. Mieux valait filer doux ; je n'étais pas en territoire conquis et je n'avais pas envie de me mettre les locaux à dos.

À l'intérieur du château, les jardins en chocolat étaient luxuriants et bien entretenus. Du coin de l’œil, je vis un lapin s'esquiver entre deux buissons. Nous dépassâmes une deuxième porte et pénétrâmes dans un magnifique hall d'entrée, façonné comme une salle du trône. À l'autre bout de la vaste pièce, au sommet d'un escalier, trônait Erika. Je vis sa silhouette se pencher pour mieux me regarder depuis son siège avant qu'elle ne se lève et ne congédie les gardes tout en restant à bonne distance.

« - Amanda Holmes... ou peut-être devrais-je vous appeler Eleanor Bonny ou Annabella Sweetsong. Quelle bonne surprise.

- Choisissez le nom qui vous convient, je ne me fais plus connaître que par un seul. »

Échange de sourires. Elle semblait heureuse de me voir, je me rappelais que nous avions échangé sur beaucoup de sujet à l'époque. Des conversations enrichissantes, j'étais certaine de pouvoir faire écho à au moins l'une d'entre elles.

« - Alors vous n'avez pas encore récupéré le trône de Shishoku, à ce que je vois. »

Elle fronça les sourcils et fit disparaître son air émerveillé. Elle n'avait pas l'air énervée pour autant, mais était désormais au courant que mentionner un tel sujet d'emblée ne prévoyait pas une simple visite de courtoisie.

« - Ce sont des choses qui prennent du temps, que d'être reine. Peut-être pouvons-nous discuter ailleurs ? » demanda-t-elle en posant sa main sur mon épaule, m'empressant de la suivre jusque dans ce qui semblait un boudoir joliment meublé.

« - Ce genre de sujet sensibles ne doivent pas être évoqués à la légère. Comme vous l'avez-vu, la situation n'est pas très reluisante à Cacao City ces derniers temps et j'aimerais éviter de me mettre davantage le reste du royaume à dos.

- Les murs ont des oreilles c'est ça ?

- Plus que cela encore. Mon frère doit se douter que je ne lui veux pas que du bien. Voilà des mois que les négociations avec les autres dirigeants sont rompues, je suis définitivement persona non gratta. Ils attendent que le peuple ait ma peau.

- Stratagème pour le moins intéressant...

- ...et efficace. Nos réserves de fruits et légumes et d'eau potable s'épuisent à vue d’œil. »

Il y avait quelque chose d'autre. La princesse ne voulait pas m'en parler, mais je sentais qu'elle attendait de l'aide de ma part. Une aide extérieure à Shishoku... quand bien même j'étais une pirate ?

« - Je ne suis plus du côté de la loi, Erika. Difficile de faire entendre votre voix à la prochaine Rêverie.

- Non, j'ai cessé d'attendre de l'aide du Gouvernement Mondial. Homer est bien plus populaire que moi et surtout plus malléable. »

Un canapé dessinait l'angle de la pièce, la jeune femme s'y assit, la tête dans les mains. Je pouvais constater à quel point son air désemparé lui allait si bien : c'était une belle femme, probablement dans la trentaine, elle véhiculait un léger parfum de chocolat et de vanille partout où elle se rendait. Elle avait le don de rendre les hommes fous et pas seulement au sens amoureux du terme : la plupart perdaient les pédales devant elle. C'était tout ce qu'elle avait osé me dire à l'époque, mais je devinais que les statues laissaient entrevoir une issue plus tragique à cela. De base, on la redoutait et maintenant son propre peuple la détestait.

« - Que puis-je faire alors ?

- Ah... »

Elle semblait avoir bien cogité depuis qu'elle avait reçu la poule messagère. Une lueur d'espoir brillait dans son regard, comme elle relevait son joli minois et me regardait d'un air fier et digne. La détresse allait mieux à certains qu'à d'autres, quelqu'un sensible à ses charmes se serait senti le besoin de la prendre dans ses bras. Je n'en fis rien, j'attendais seulement de savoir à quelle crème pâtissière je serais mangée.


Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 26 Aoû 2021 - 0:31, édité 1 fois
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Voilà une heure que nous nous étions enfermées dans le salon. La princesse avait posté un garde devant la porte avec un ordre simple : ne pas déranger. De temps à autres, on pouvait l'entendre recaler les nécessiteux qui venaient consulter la dirigeante et le soldat n'allait pas par quatre chemins, répétant seulement sa consigne. Ne pas déranger. Un véritable chien de garde.

« - Tu comptes sur moi pour te trouver un apport extérieur en ressources ?

- Je sais que tu en es capable. J'ai suivi tes exploits. Tu as remué ciel et terre jusque dans le Nouveau Monde, tu as développé une affaire dont le nom résonne à l'international. Trouver un moyen d'émanciper Cacao Island devrait être un jeu d'enfant. »

Ma réputation me précédait. Je faisais tous les jours les frais de cette popularité, généralement en mal. Chaos était capable de faire abstraction de cela, elle résonnait en nuances de gris. Logique, pour une femme capable de transformer ses amants en effigies de chocolat. Il y avait bien un coup à jouer, mais cela ne se ferait pas sans contacts. Il était encore trop tôt, bien trop tôt, mais je pouvais saisir l'opportunité de débuter ici mon empire commercial.

Pour le moment, je ne pouvais y arriver seule et surtout, il me faudrait un prête-nom si je comptais mener quelque action ici. Il allait de soi que si Eleanor Bonny était associée à l'île, cela la desservirait plutôt que l'inverse.

« - Je vais voir ce que je peux faire. Mais je ne pourrai pas agir en mon nom propre.

- Naturellement.

- Peut-être as-tu une idée de quelqu'un qui pourrait faire office d'homme de paille et mener les négociations à ma place. Du reste, je pense être en mesure de donner plus de visibilité à ton domaine pour en faire l'île incontournable de Shishoku.

- Ah bon ?! Comment ? »

Le menton entre le pouce et l'index, je regardais les motifs sur le sol. Le palais était dans un tout autre bois que le chocolat omniprésent, il semblait taillé dans la pierre. C'était l'un des rares bâtiments à pouvoir se targuer d'être durable, ici. Importer d'autres ressources, non alimentaires, aiderait déjà le peuple à se refaire une santé. Ensuite, il fallait trouver des partenaires commerciaux et pour cela... il y avait le cuisino. C'était connu que de riches entrepreneurs affluaient constamment à bord de ce navire de croisière gigantesque.

Oui, avec les bons contacts, je pouvais y arriver. Mais je voulais aussi tirer mon épingle du jeu.

« - Je veux faire construire une chocolaterie.

- Pardon ?

- Un endroit pour cultiver le chocolat. Il suffit juste de se baisser pour avoir des produits purs, même vivants ! Tu as probablement du mal à l'imaginer car tu es née ici, mais pour d'autres, c'est un rêve que de vivre dans un pays en chocolat. Des enfants se disputeraient pour avoir un lapin de Pâques vivant. Nous pourrions même faire de l'usine... une attraction ! »

Erika haussa un sourcil. Elle ne comprenait pas et surtout, elle ne voyait pas comment cela pouvait l'aider dans l'absolu. Je devais me faire claire ; je posai mes paumes sur les coins de la table qui nous séparait :

« - Si je t'aide, je veux y trouver mon compte. C'est donnant-donnant. Tu as tes aspirations, j'ai les miennes. Je n'obéis aux ordres de personne, du moins pas sans contrepartie. »

Le message était clair, il passa difficilement. On ne contrariait pas une princesse comme ça, on ne rejetait pas son droit divin simplement « parce que ». Malgré tout, elle savait à qui elle avait à faire et surtout elle n'était pas en position de marchander.

« - Je n'aime pas l'idée de transformer mon île en site touristique... Mais cela pourrait avoir de bons côtés aussi. Très bien, je te laisse un mois pour trouver une solution et en échange tu auras le terrain pour ta... comment dis-tu déjà ?

- Chocolaterie... Shishokolaterie. »

J'étais fière du jeu de mot. Elle resta stoïque. Tant pis. Je revins à un sujet plus sérieux :

« - Concernant le prête-nom...

- J'ai ma petite idée sur la question. Je ne connais personne de suffisamment riche sur l'île pour prétendre avoir ton influence ou même ta richesse, mais un homme est venu me voir hier en me tenant un étrange discours...

- Oui ?

- Naturellement, je l'ai renvoyé. Il ne me plaisait pas. Mais pour une fois, ce n'était pas un courtisan, juste un simple marchand. Il prétendait vouloir installer un point de vente à l'une de ses affaires sur l'île. Sauf que les temps ne sont pas vraiment adéquats pour entretenir un fonds de commerce à Cacao City. Je le lui ai fait comprendre.

- Une idée d'où il est actuellement ?

- Oh, il doit toujours être en ville. J'ai envoyé des hommes le surveiller, sait-on jamais. Je peux demander à l'un de mes gardes de te guider jusqu'à lui. »

Je demeurais pensive un instant. C'était risqué de chercher à traiter avec un intermédiaire que même Erika ne connaissait pas, il devrait comprendre les tenants et les aboutissants de toute cette histoire, mais nous n'avions pas le choix. Il me fallait quelqu'un pour aller sonder les rentiers du cuisino et surtout il me fallait un nom. Émergeant de mes réflexions, je retrouvai la princesse qui attendait devant la porte, la main posée sur la poignée. Son regard se faisait insistant, rivé sur moi, en attente de la suite. Elle savait que je pesais le pour et le contre, mais surtout que ses responsabilités s'arrêtaient là où commençaient les miennes. Parmi lesquelles mon hypothétique relation de confiance avec cet énergumène que nous ne connaissions toutes les deux ni d'Eve, ni d'Adam.

« - Faisons cela. »

Restait à espérer que l'homme en question serait suffisamment intelligent pour comprendre et suffisamment idiot pour ne pas chercher à me la mettre à l'envers. D'autant plus que je pourrais avoir du travail pour lui, par la suite...
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