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Dégringolade

Hmm...

Hmm... Ça en fait du bois mon gars.

Mon bateau est tombé dans un gros trou au milieu de la flotte. C'était génial, surtout quand il a commencé à lentement se dépiauter et que tout le monde dessus hurlait en levant les bras. Un toboggan d'adrénaline direction Enfer suivi d'un silence complet puis de radieuses ténèbres...
...
Joli ! Joli coin !
Si j'avais eu la tête remplie de bêtises j'aurais juré être tombé au paradis après avoir cané dans la descente mais eh non attention : cet endroit ressemble au néant mais il en est qu'un reflet, je le sais moi, pas folle la guêpe. C'est familier, acceuillant. Joli ! Calme. Mon cerveau vrombit, mes pensées vibrent et me gratouillent, j'ai des picotis picotas sous le crâne je sais pas si c'est le chant de mes commotions ou celui de l'excitation... Pourtant oh putain ce que c'est calme ! Ici ! Ouah.

Une forêt ! Une forêt dense, une grande cathédrale d'arbres enchêvetrés. Les murmures du bois. Ça croustille délicatement... Une jolie rivière dans laquelle la flotte semble arrêtée, la flotte semble désespérée et ce désespoir est brunâtre, les poissons qui l'habitaient se sont gavés de ce désespoir et d'une manière tout à fait charmante, il est impossible de déterminer si ce sont des arrêtes ramenées à la vie ou de la vraie chair poussée largement au-delà de ses limites ! J'en caresse un qui passe à ma portée, je lui souris. Ses écailles me restent entre les doigts.

Cui cui cui, y a aussi des oiseaux, cui cui cui les oiseaux ! Et des morceaux de bateaux bazardés dans le décor, je sais pas si c'est le mien, et des morceaux de gens bazardés dans le décor, je sais pas si c'est les miens...

Ce cadre est idéal, j'improvise une méditation : je ferme simplement les yeux, m'enferme dans mon esprit, puis je procède à une visite rapide de mes appartements chimériques installés dans le vide derrière l'univers. Malheureusement alors que je suis devant la porte d'entrée, un râle me tire par le col et me ramène à la réalité.

-M'sieuuur... Doppio... ?

Ben dis donc ?

Oui ?
-Ven-nez... Je suis là, der... d-derrière vous...

Je me retourne et quelle ne fut pas ma surprise : une pauvre âme en peine qui poireaute dans la salle d'attente du Néant ! C'est un de mes doppiosters, encastré dans un tronc ! Oui oui. Il a une planche dans le ventre, elle est plantée raide droite, je reconnais cette planche elle était sur le pont de mon fier vaisseau, je reconnais ses stries croûteuses en forme de balafres purulentes, un vrai capitaine connaît sur le bout des doigts chacune des planches de son navire.

Bah alors, on a bobo dans le bidou ?

Comment il s'appelle ce type déjà ?

-M'sieur D-Doppio... Wow... C'ét-tait une drôle de descente, j'ai...
Chhhht chht cht. Profite. Que ressens-tu, là-dedans ?

J'attrape la planche à deux mains et je touille dans ses tripes. Ça fait squitch squitch.

-WaaAaaAAaAH ! SI MAL ! CONT-TINUEZ M'SIEUR DOPPIO ! Q-Que...

Il s'est éteint, clic ! Un interrupteur que nous connaissons bien, nous autres amis de la désolation. En cas d'overdose de douleur il arrive que le corps se foute en veille pour en garder pour plus tard. Vue la quantité de ketchup répandue autour de sa viande, son plus tard à lui il le retrouvera dans le Néant. A plus, champion !

Je lui fais un clin d'oeil puis lui donne un coup de poing dans l'épaule, comme si j'étais son maxipote depuis toujours. Pas de réaction, dommage, il est claqué pour de bon le bonhomme, pas de pot. Bon.

J'ai perdu leurs traces. Y avait mes copinous, et Elizabeth, et les copinous d'Elizabeth. Ils peuvent pas être loin, il me tarde de les retrouver en vue d'établir un bilan du Fun généré cet après-midi puis nous organiserons un pique-nique festif et sanglant afin de correctement conclure la promenade.

On a fait une grosse fête là-haut à l'étage avec ce type au scaphandre... mais quand on a voulu partir, le gros trou dans la mer a dit non. Moi, j'avais même l'impression qu'il m'appelait, je l'ai distinctement entendu : m'attendant depuis 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours, ma présence ici le réjouissait et il comptait sur moi pour mettre fin à son supplice : le trou.

Bah voilà. Je suis dedans. Et du coup on fait quoi ? Ils sont où les autres...

JEAN-CLAUDE ?!

Il répond pas ? Attends...

Y A UN MEC MORT LA, TU PEUX LE BOUFFER !

...
Non s'il m'avait entendu il serait accouru la langue pendante et le regard brillant.
...
La forêt.
La forêt tu sais je l'ai jamais vue. Craig Kamina il savait ce que c'était qu'une forêt mais moi ? Tu veux que je dise quoi à tout ses arbres ? Je parle pas leur langue, je sais ni comment ils bouffent ni comment ils baisent, autant dire que ça limite fort les possibilités d'interactions. Avec le béton et le métal de Dead End tu pouvais discuter. Mais ici, rien n'a l'air vraiment vivant. L'air d'ici est démesurément pur et j'ai l'impression que mes poumons voient son intrusion d'un sale oeil.

Tu sais quoi ? Tourisme ! Je chercherai les copinous plus tard. La rivière agonise tranquillement, elle s'en tape complètement que l'océan s'effondre autour de lui. C'est une journée idéale pour... pour... nettoyer son coeur.

Le trou dans la mer a insisté pour qu'on se rencontre, rongé d'impatience ! Il m'attend de pied ferme, depuis hier ou depuis avant-hier selon la perspective, il m'attend depuis 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours pour être précis.


Dernière édition par Doppio le Sam 21 Aoû 2021 - 19:38, édité 1 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
Ce que vous vous apprêtez à lire, qui que vous soyez, si par miracle quelqu’un tombe par hasard sur ces mots, croyez moi, est entièrement vrai. Je m’apprête à retranscrire aussi clairement et fidèlement possible par des mots, ce que mes yeux ont vu ces derniers jours. Je suis bien conscient que si j’étais moi-même tombé sur ces écrits, je n’en aurai cru aucunes lignes. Mais sachez que ma démarche n’est marquée d’aucune malice, et qu’il ne s’agit en rien d’une mauvaise blague, où d’histoires pour effrayer les enfants.
Tout commença il y a * jours, sur…


…Un fier navire, qui perce les eaux, les voiles gonflées, un capitaine aux aguets hurlants ses ordres. Une mer agitée, une tempête, un orage de tout les diables. Voilà ce qui ressemble bien à ma dernière mission parmi les vivants, tu crois pas? La mer se déchaine sur nous, le ciel l’assiste, comme si c’était déjà pas assez. J’ai l’impression que je vais me retrouvé à la flotte d’ici peu. J’ai pas la frousse, rassure-toi, simplement, quand j’imagine ma mort, j’imagine un truc un peu rapide genre une balle dans le crâne, paf, propre. Je veux pas mourir noyé, moi.

« Tout va bien, Agent Tennant? » Commence à gueuler un des officiers au milieu de cette merde. Il parle à qui? Il me regarde droit dans les yeux.

Quoi?

« Quoi?
- Comment, quoi? Je vous demande si tout va bien.
- Vous m’avez appelé comment?
- Agent Lewis. Comment voulez-vous que je vous appelle… 
- … Ca va, ca va. »

Le mal de mer, j’ai jamais eu, mais je dois bien t’avouer que ce voyage, il se passe moins bien que les précédents. Le fait qu’on se dirige droit vers le vide abyssal, ça doit jouer, aussi. J’entends la moitié de ce qu’il me raconte, mais je tique pas. J’entends un vague ordre, resserrer les cordes, alors je m’y affaire avec d’autres matelots. Une jolie mission suicide, tout ça. J’ai demandé si c’était une blague, au début, puis on m’a répondu qu’au Cipher Pol, on blaguait rarement, parce que ça pouvait vite mal tourner. On m’a raconté qu’un jour, un type avait voulu faire une blague à un collègue, en se filmant avec un visio-dial, il lui a fait croire que c’était un traitre. Ca a mal tourné pour lui. Du coup cet ordre de mission, c’est du sérieux.

Sombrer en mer. S’échouer avec suffisamment d’aisance pour pas crever, retrouver la trace de scientifiques paumés sur place depuis des années, et dont on a aucune nouvelle. L’endroit où on va, on a que des rumeurs dessus. De sales rumeurs. Et on fonce droit sur cet endroit de malheur. Moi, une petite ribambelle de sbires, des soldats, et un commandant robuste qui se prend pour un roi des mers. Et pour nous amener là-bas, un ancien navigateur de la régulière. Les briefings de mission, c’est toujours du classé top secret. Alors quand dans un truc déjà top secret, on te met une close TOP SECRET… Une close. Ce navigateur, il est déjà descendu ici, y’a vachement longtemps. Il en est revenu, on sait pas trop comment. Des années avant qu’il parle de ce qu’il a vu là-bas. Et il a bien gentiment accepté de nous y conduire, parce que bizarrement, descendre le long d’un maelstrom, c’est un peu complexe. Alors quitte à ce qu’on y aille, autant que ça soit avec un type qui a déjà fait l’aller, ET le retour. Le navire tangue dangereusement sur le côté, je me raccroche à ce que je peux. On est entrain de vriller complètement à bâbord. Le capitaine gueule un truc, j’entends qu’à moitié à cause du vent que je me prends en pleine gueule.

Ce navigateur, je le vois, en haut, qui tourne la barre de toutes ses forces. Lui aussi gueule un truc que je comprends pas.

Un éclair. Un type à côté de moi tombe par dessus bord. J’essaie de lui tendre la main, mais trop tard, j’ai que le temps de voir son ombre disparaître sous les vagues. Puis on me bouscule. Tout le monde se bouscule, ça panique, le navire prend l’eau, puis remonte, puis on reboit la tasse. Une voile se déchire. L’officier de tout à l’heure hurle à la retraite, il faut se sortir de là, tant pis pour la mission. Moi, je me rue vers les escaliers qui mènent au pont supérieur, ou le capitaine se trouve.

Se trouvait, avant de se retrouver propulsé contre la rembarde. Je vais pour l’aider, ce fou furieux de navigateur se tape une barre. Il lâche son guidon, lève les bras, et reste pourtant là, devant moi, debout, immobile, comme si le navire qui manquait de se renverser, ça avait pas d’effet sur lui. Je le choppe par le col.

« Qu’est-ce que vous foutez? »

Il me sourit de tout ses chicots, les yeux écarquillés, d’un noir abyssal.

« Je nous amène vers la salvation ! »

Après ça, il aurait dû s’écouler quoi, quelques heures? Pour moi, ce fut le noir complet. On a sombré. En s’approchant du vide, certains ont préférés se jeter à l’eau. Je suis resté auprès du commandant, qui respirait encore. Après ça, c’est le vide pour moi. Et quand je me suis réveillé…

Je tapote du doigt la montre à gousset qui se trouvait dans ma veste. Elle a survécu, elle. Je peine à lever le bras, je peine même à ouvrir ne serait-ce qu’un seul œil. Marrant. Les aiguilles tournent en boucle, comme une boussole qui aurait perdu le nord. Je tente de me relever, c’est compliqué, ça m’arrache un râle de douleur, mais je me redresse. Je suis au beau milieu d’une forêt. Et quand je lève les yeux…

Excuse-moi, me voir gerber, c’est sûrement pas la meilleure des visions, mais fallait que ça sorte. Je vais éviter de regarder le ciel pour le moment, si ça te dérange pas. J’avance un peu, lentement, pas à pas, parce que j’ai du me péter un ou deux trucs, je le sens. Première étape, trouver un visage connu. Autour de moi, y’a ni épave, ni soldat. J’ai dû chuter plus loin que les autres. Je me demande bien comment j’ai pu survivre, mais si je suis en un peu près un seul morceau, y’a des chances pour que je sois pas le seul, hein? Dis moi que je suis pas le seul à m’être retrouvé ici.

« JEAN-CLAUDE? »

Une voix. Qui parle ma langue. Je la reconnais pas, mais quelqu’un qui est pote avec un Jean-Claude, ça doit pas être une super menace, alors j’essaie de me diriger vers le son de sa voix.

« Y A UN MEC MORT LA, TU PEUX LE BOUFFER ! »

Bon, finalement je vais peut-être faire demi-tour, moi.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t22094-thomas-lewis
  • https://www.onepiece-requiem.net/t22006-thomas-lewis
Les faits et actes des pirates de l'Exsangue sont consignés dans un journal que seul le capitaine est habilité à lire et à écrire. Il n'existe pas de copie de ce livre, tout comme il n'y aurait aucune raison d'y écrire des évènements ne s'étant jamais déroulés. Les pages que vous allez lire semblent tirées de ce carnet, tout y est raconté, absolument tout. Quand bien même certains mots biffés ou phrases raturées maculent le texte, certaines feuilles y sont froissées ou déchirées, tout ce qu'il y a à savoir est là. Les mémoires d'Eleanor Bonny.

Entrée du journal de bord du 1̴̯̦̬͉̝͗͆̎̀̏̃͡͞͠ͅ1̴̛̪͖̗̤̼͍̏̒͛͂̊̋̕ j̸̼̖͈͓͖̉̾̊̄̑̈́a̡̪̥͚͇̞̒̈́̍͗̏͢͡ņ̛͎̩͖͇͙̼̺̑̊̌̎̽̓̈́̋͝v̨̡̪̠͚̘̫̆͑̿̋̐͢͢͠i͕̼͖̳̳̜̞̰͂̾̈̐́̓e̶̟͓̲͈̮̩̔͗͋͋̐̋͋̽͟͡r̢̢̛̬̹̘͇͚̞̫͆̽̔͛ 1̸͇̱̗͚̫͍̣̼̝̒͌͆́̃̐̇͘͡6̴̡̛̰̟͕͔̻̻̙̏̔̏̔͛̏͜͡͠ͅ2̷͍̹̙̹̹̐̅̈̅͐̉̊̚͟7̥̫͍̟͔̪͐̎̆̇̍͗̾͑͐ :

Nous avions sombré, pensant que ce serait là notre fin. La goélette n'était pas de taille pour résister aux courants du maelstrom ; les hommes criaient comme l’œil sombre, presque vivant, nous engloutissait dans un torrent de bruit, presque des mots prononcés dans une langue ancienne, inconnue, que les vagues seules peuvent prononcer. Le noir soudain et puis la lumière du jour. Nous tombions encore, les cordes des voiles claquaient, le mât de misaine menaçait de s'arracher du pont. Une vision d'horreur, cauchemardesque, celle de notre propre mort qui se rapprochait à toute allure.

Et puis rien.

Un miracle sûrement, l’œuvre d'une mer, un lac, une étendue d'eau dans laquelle nous atterrîmes. Un gros plouf et nous étions en vie. Tout cela ne faisait pas sens, mais j'étais encore sous le choc. J'essayais d'abord de retrouver mes esprits, mon équilibre, celui du navire. Nous étions en un seul morceau, le pire avait été évité et la majorité de l'équipage semblait être là, indemne mais éparpillé aux quatre coins du bâtiment. Quelques blessures légères, des contusions, pas grand chose de plus à déplorer.

« - Mais où on est ? »

Le crâne douloureux, Angelica émergeait à mes côtés. J'admirais le paysage alors, revoyant mes certitudes à la baisse : ce n'était pas une mer, c'était un lac. Nous étions sur une île au fond de l'océan et le maelstrom s'agitait au-dessus de nous tel un cyclone perpétuel. Le vent et la « pluie » nous fouettaient le visage abondamment, comme si nous étions en bordure de la tempête, sauf qu'il s'agissait d'eau salée portée par le typhon.

« - Pas au paradis, probablement en enfer, » répondis-je après un long moment de réflexion.

Personne n'écoutait réellement, tous étaient occupés à admirer le paysage, les parois invisibles au loin, les montagnes, la forêt, la vie terrestre, mais sans être à la surface. En vérité, « Ailleurs » était le mot. Et la question à un million de Berries était surtout : comment partir d'ici ?

Chaque chose en son temps. Le navire ne bougeait pas des masses, il se faisait surtout malmener par les bourrasques. La côte était visible, une étendue verdoyante nous tendait les bras d'un côté et de l'autre : l'inconnu. Nous étions déjà en terra incognita, mieux valait miser sur ce que nous pouvions déjà voir.

Une vingtaine de minutes suffit pour que le calme revienne, ne laissant que les perpétuelles questions. C'était suffisant pour reprendre le contrôle de la situation, diagnostiquer les réparations qui seraient nécessaires et commencer à nous diriger vers un endroit où nous pourrions mouiller en toute sécurité. Mes craintes étaient de trouver de la vie animale ici : comment avait-elle évolué et apprécierait-elle notre présence ? Je ne voulais pas le savoir, je voulais trouver un moyen de regagner les flots, en haut.

Outre la bise, quelque chose clochait et je pouvais déjà le sentir. En utilisant mon mantra de façon étendue, je pouvais entendre des bruits de pas, des voix, m'assurant que nous n'étions pas les seuls ici. Ils venaient de la forêt. Et puis il y avait autre chose : sous le lac, peut-être même plus profondément encore que les nappes souterraines, il existait vraisemblablement un réseau de galeries et des chuchotements y résonnaient. D'abord imperceptibles, il se firent plus pressants, plus omniprésents, s'invitant dans ma pensée et laissant une marque, comme s'ils avaient su que je les écoutais. Je pouvais distinctement les entendre répéter en boucle des mots étranges et si j'essayais de le coucher sur papier, cela donnerait quelque chose comme :

E͓͇̠̠͗͑̍͋̾͘͢͢ņ̨̧̱̤̠̪͆̐̓̏̄̔͡'̶̫̦̠̪̀͊͑͌̀̓͟͜͝͠g̷͉̜̗͉̈́̅̏̑̒̽͋͟͜h͕̭̝̞͉̃̈́͐̆̃̍͞į̘̖̬̮͇̥͇̿̋͑͂̕͜͠ͅ t̷̝̞̗̬̠̓͗̒̂̅͂̾̊-̹̬̟͔̰̩͆͊͑̈́̈́̾́̋̈́̕͜͢y̧̬̣̼̤͙̥͆̀̔̒͢͝k̸̡̡̥̞̎̿̊͆̏͂́̾̅͝ͅ'̨̜̥̩̯̩͈̱́̀͗̓͒̏̕͜͜n̛̗͎͎̤̮̳͎͊̓̾̄̂͘̕ͅa̷̱͔̩̼͍͈̒̏̑̎̍̕̕͘ ņ̵̛͕̪̺̤̱̙̱̬̉̽̆͡'̧̧͍͖̜̦̲̖̓̏̀̎͐̅̿͢͟͝y̨̡̡̖̲͙̖̘̗̆̀̾̌̇͗́́̿͌͜r̰̪̙̟͇̝͚͒̃̈̉̌́̐͟ t̴̢̰̖̣̗̖̘̖͔͆̈́̈́͋͆̈̓͌̋͞o̫͎̺̗̼̖̳̙̒̽̎̉̿͌͜͠l̷̨͉̟̟̮͚̗͙͊̅͗͌̃ơ̵̢̨̠̫͈̤̟̟͉̬͛̊̑͒̍̈́͂̂k̛̙̤̗̲̲͖̅̓̀̆̓̑͐͐͌ͅ-̶̦̜̫̯̞̥̹̩̄͋͒̆̂͝ͅm̻̲̯͙͇̠̜̘͑̾̋̃͑̓̏͢'̷̨̭̘̣̩̻͙̺̇̒̀̀̅̓̂̌͝ơ̶͇͇̗̦͐̓̔̈̒͊́͘͟h͈̦͎̮̲̫̺̩̮͛̓͋͒̾̆͋͝p̸͙͉͔̣͈̦̆̅̂͟͡͠ą͇̺͎̱̍͛̅͆͆̌̒t̷̙̻̗͕̲̭̥͎̖̅̐̓͆͌͡ͅe̡͈͖̲̱̤̗̟̬͖͐̍̓͑̓̑̚͠͡k̢̨̡̡̜͉̖̙͍̙̓̃͒̌̀̌̃̚͡.̨͍͈̣͙̻͙͋̂̽̈̅́͛̚̕͜͡

Ces mots éveillaient une étrange angoisse en moi. J'essayais de me persuader qu'ils n'étaient pas réels, mais demeurais prisonnière de leur litanie. Une main apparut soudainement sur mon épaule : c'était Angelica.

« - Eleanor ? Tu as entendu ce que j'ai dit ?

- Non. Non, désolée, j'étais ailleurs. Les hommes s'inquiètent de la suite c'est ça ? Dis leur que nous allons trouver un moyen... »

Un goût amer me restait sur la langue, une sensation de nausée m'habitait. L'impression resta le reste de la traversée et disparut lorsque nous atteignîmes le rivage. J'étais la première à poser pied à terre alors, sautant dans les quelques centimètres d'eau qui nous séparaient de la plage de galets. J'envisageais déjà de monter une délégation pour explorer les parages, j'avais fait passer le mot au Quartier-Maître qu'il y avait d'autres personnes échouées ici, mais je gardais bien pour moi mes hallucinations auditives. Cela ne devait être qu'un écho caverneux et l’œuvre de mon imagination, rien de mystérieux, pas de quoi effrayer les plus croyants et laisser paraître mes propres frissons. J'étais l'Exsangue, je n'avais peur de rien... du moins c'est ce qu'ils croyaient. Les histoires de fantômes me glaçaient toujours autant le sang.

Une heure passa après que nous ayons jeté l'ancre, la nuit ne tombait pas ici, le temps semblait figé. Je décidais d'emporter le strict minimum pour notre excursion : quelques vivres piquées dans la cale, une lampe à naphte, mes poignards. Une poignée de volontaires s'étaient désignés pour m'accompagner, parmi lesquels notre médecin de bord : Sœur Silence. Celle-ci semblait étrangement motivée à l'idée d'explorer les moindre recoins de l'île contrairement au reste de l'équipage qui avait la chair de poule. J'acceptais sa présence sans rechigner, me disant qu'il y en avait au moins une qui ne tirerait pas une tête de trois pieds de long. Quand bien même c'était celle qui n'avait pas de langue.

Nous entrâmes dans les bois. La procession se fit dans le silence ; les animaux locaux n'étaient pas plus loquaces et aucun son n'accompagnait notre présence. J'ouvrais la marche, suivie de la religieuse et de trois hommes nommés Burton, Alister et Pine d'Huitre. Pine d'huitre n'avait pas de nom ou s'il en avait un, il se refusait à le donner, tout le monde l'appelait donc ainsi en raison de... eh bien...

« - Nous nous rapprochons de l'endroit où j'ai entendu un cri. Soyez sur vos gardes. »

Sur mes gardes, je l'étais. Combien de fois m'étais-je retournée en pensant voir quelque chose du coin de l’œil ? Mais rien, systématiquement, j'avais même fini par arrêter pour ne pas effrayer le reste de l'escouade. Seule Silence demeurait impassible, presque guillerette même ; elle avait un joli sourire pour une nonne, mais un regard à glacer le sang. Vide et noir, comme les ténèbres qui nous enveloppaient tellement la végétation était dense. Au moins, la pluie avait cessé de nous marteler le visage et seules des gouttes alourdies par le poids des feuilles qui faisaient balancier tombaient sur nous en cadence.

Un instant, je crus entendre un chuchotis, mais la piste ne nous mena nulle part, sinon dans une sorte de cul-de-sac, devant des rochers qu'il aurait fallu grimper. Nous rebroussâmes chemin, toujours seulement éclairés par la lueur chaude de la lanterne.

Et puis nous finîmes pas le voir, arpentant seul l'endroit. Si je ne l'avais pas vu d'aussi près, j'aurai cru à un monstre, mais il ne pouvait s'agir que de lui ; il s'était fait emporter comme nous avec son navire... ou ce qu'il en restait. Sa gueule de merlan frit zyeutait avidement les alentours. Sans parler, seulement avec des signes de main devant la lampe, j'ordonnais de le suivre en restant à bonne distance, au cas où il aurait des amis prêts à nous fondre dessus. Craig n'était pas à prendre à la légère, quand bien même il affirmait ne plus être le même. Doppio, c'était comme ça qu'il se faisait appeler, c'était comme ça qu'il s'était présenté après que je l'ai cogné comme une pignada, à bord du convoi. D'abord les pestiférés, maintenant ça : décidément, nous avions tous les deux le chic pour nous retrouver dans des situations rocambolesques.

Nous continuâmes donc à avancer à pas de loups, suivant sa piste, espérant qu'il n'y en avait pas d'autres des comme lui. Sauf que visiblement nous n'étions pas au bout de nos surprises. Les cris de l'énergumène avaient attiré un autre spécimen.

Plus précisément un agent que je connaissais très bien.

« - Capitaine, il y en a un autre qui vient vers lui. Il est habillé comme une sorte de détective.

- J'ai vu, je sais qui c'est. Pour l'instant on ne fait rien, on reste ici et on attend. »

S'agissait-il d'une rencontre fortuite ou les deux hommes se connaissaient-ils déjà ? Mieux valait rester sur nos gardes, il manquerait plus que l'homme-poisson se soit finalement allié au gouvernement. Trop focalisé sur la présence des deux gaillards, je ne remarquais pas tout de suite l'absence d'une des personnes dans le groupe : où était passé Pine d'Huitre ?


Dernière édition par Eleanor Bonny le Ven 13 Aoû 2021 - 0:59, édité 1 fois
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Je sais pas ce que branlent Elizabeth et ses copines. Elle a du voltiger ailleurs, dommage, sa présence était réconfortante, surtout lorsqu'elle devenait colère et qu'elle m'injectait ses good vibes directos dans les côtes. Le lieu est cool mais le visiter sans compagnons ça l'ampute de sa chaleur humaine. A quoi bon s'ébattre dans un si joli coin si on peut pas le partager ?

Il y a une mélodie envoûtante ! Quand, comme moi, tu joues au funambule entre la réalité et le vide, tu peines à distinguer ce qui fait partie du monde physique des nulos des productions pétillantes de ton esprit. Mais cette mélodie elle existe sur les deux plans : vibrent autant mes tympans que mon âme. Cette chanson sans mot... et sans son non plus... Une ariette qu'on jurerait être composée de pure tendresse. Cette sérénade me parle sans paroles !

Un sentiment a écrit:Nous
t'attendons nous nous languissons
tu es le vide qui remplit le vide
dernière pièce
pourquoi ?
nous faire attendre pourquoi ?
il est temps pour l'enfant
de retrouver la mère

Chaque pas me rend plus léger, j'erre dans la- dans MA forêt en me déhanchant sur cet air obsédant, fredonné par le néant. Cette chanson qui me porte, elle est mon destrier, ma licorne, elle est une licorne au galop qui m'embarque en broyant sous ses sabots les futilités ainsi que les écureuils : destination inconnue, orgasme mystique.

Ils sont là. Qui ça ? J'en sais rien. Des ombres, des bruissements, des petits couinements de bestioles flippées. Les oiseaux pétrifiés sur leurs branches nous régalent de piaillements dissonants ! Ils sont là. Qui ça ? Elizabeth ? Ses copines ? Qui d'autre ? Elizabeth ! Fais pas ta timide ! Dansons ! DANSONS ! DANSONS à nous en arracher les jambes !

T'es déjà venu ici, Craig Kamina, avoue ? C'est tellement familier ! Je suis CHEZ MOI !

Elle est là la larmichette. Ben, pourquoi ? Je me sens très ému, pourquoi ?
Mes tripes sont chaudes.

LES POTES ! JE... JE SUIS TELLEMENT HEUREUX !
J'AIMERAIS ÊTRE SUFFISAMMENT GRAND ET ABSOLU POUR DÉVORER NOTRE GALAXIE !
SENTIR CHACUN DE SES ASTRES SE DIFFUSER DANS MON SANG !


Dans mon estomac une sensation, une douleur : ça ne fait qu'élever mon bonheur encore un petit peu plus haut dans l'espace noir, une nouvelle larmichette se présente sous ma mirette flasque.

Et puis,

Je t'ai vu. Je t'ai vu ! Un lutin ! Un petit lutin farceur de la forêt !

En m'apercevant il tente un demi-tour ! Comme s'il pensait que je l'avais pas vu, trop mignon, mais aussi impoli. J'irai jusqu'à dire que c'est louche. Eh, il m'a peut-être volé ce qui reste de mon bateau ! Et mes potes, dont j'ai toujours retrouvé aucune trace (mais qui, je l'espère, sont actuellement en train de se tordre de plaisir autant que moi).

Eh ! Salut !

Il se retourne, mes crocs se tordent dans mon plus charmant sourire. Pas à l'aise le bonhomme, sûrement un phobique social. Chapeau et costard ! Pas la dégaine qu'aurait un vrai petit elfe de la forêt si tu veux mon avis, j'y connais rien en forêt mais question mode je suis incollable et lui je te le dis : il a un style à se damner, j'adorerais essayer ses fringues voire même essayer sa peau si on devient très bons amis.

Bonjour.

Timide ? Bordel, j'aime les timides, tu sais, les timides sont les plus tarés quand on leur refile un moyen d'expression. Il est sur ses gardes ! Regarde le... Son regard camouflé dans l'ombre du p'tit chapeau, je devine qu'il ose pas quitter ma bouille d'amour des yeux. Il doit penser que je vais le bouffer, une crainte irrationnelle : on est encore loin de l'heure du repas.

Alors, ça va ?
... Pas vraiment. Qui êtes-vous ?
Doppio ! Et toi ?

Ma franchise te désarçonne eh oui, on a déjà plus aucun secret l'un pour l'autre. C'est typiquement un coup de foudre.

Enzo Versace, journaliste.
Journaliste ! J'en avais jamais vus en vrai. A la chasse aux gros scoops ?
Euh, oui. J'ai l'impression que vous pourriez en être un.

Enzo... Tu me flattes, arrête, je vais rougir, arrête, je vais exploser et t'arroser de mes fluides ! Enzo Versace, journaliste, est avant tout un grand coquin, qui flatte les inconnus qu'il croise dans la forêt. J'aurais pas cru ça de lui.

Vous êtes d'ici ?
Non ! Ou plutôt, oui. Mon corps n'est pas d'ici. Mon âme, si.
Ah...
C'est un fait que j'ignorais il y a encore un petit quart d'heure, Enzo... Puis, lorsque j'ai entendu les cantiques s'échapper des coulisses de l'univers, j'ai mieux compris quelle porte exactement, moi, Doppio, j'avais emprunté pour dégouliner à travers la viande de Craig Kamina... Tu vois, notre réalité est une superposition de trois couches q...
Craig Kamina... ? Vous...
Haha ! Tu le connais ? J'ai pris son corps sans faire exprès.

Tu vas écrire sur moi Enzo ! Je veux que tu écrives sur moi.

T'es une énorme tâche grise sur mon tableau bucolique. T'as rien à foutre dans mon champ de vision et pourtant tu te pavanes là, tu plies mon herbe sous tes beaux souliers, tu me refuses l'accès à tes yeux (que je devine magnifiques), tu te présentes rasé à l'arrache, tu te dis journaliste. Alors tu VAS écrire sur moi, je vais te dicter, et toi tu vas traduire, sur papier, chacune des effluves que le Néant me transmet : car par les mots, les plus justes possibles, je VEUX refléter l'étrange joie dont je suis envahi.

Je suis total illettré. Enzo ! Tu as les mots. J'ai le message.

Enzo. T'as de quoi écrire ?
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Attends, deux secondes, tu veux bien? Je suis parti dans la direction opposée. Alors, moi, mon délire, c’est plus le milieu urbain, tu vois? Mais quand même, je suis pas encore trop con. Alors pourquoi je me retrouve devant ce type ? Je regarde derrière moi, puis derrière lui. La même forêt, jolie mais bien merdique. Rien qui me permettrai de m’y repérer un minimum. J’ai tourné en rond comme un débile? Puis franchement, tomber sur un gars qu’est plus ou moins Craig Kamina, dans cet endroit damné, c’est quand même fortiche. Je t’avoue que je sais pas bien quoi faire. Je pourrai lui lire ses droits, puis après je me ferai buter en quoi, une seconde, un peu moins? Pas sûr que ça vaille le coup. A la place, je sors mon calepin. Enzo, tant que y’a du scoop, ça lui va.

- Je suis journaliste.
- Ah oui tu l’as déjà dit ça mon vieux ! Tu as le cerveau qui tourne, toi, je le sens !
- J’ai évidemment de quoi noter.
- Ah oui !

Puis je sors mon crayon, tiens. Y’a plein de page sur les soldats qui m’entouraient, mais on s’en fout maintenant. J’ouvre une page blanche.

- Tu es prêt? Attention ! N’omet aucune bribe, c’est le secret de l’équilibre du cosmos que je m’apprête à transmettre, faut y faire gaffe, il est capricieux ! Une fausse note, et paf.
- Ouais.
- Alors voilà…

Tu comprends quelque chose, toi? J’entends ce qu’il me dit, je vois ce qu’il me mime. Je sens bien qu’il a un truc à partager, et plus il parle, plus j’ai une sensation qui grandit dans mes entrailles. Le sentiment que quelque part, un tout petit peu, ben je commence à la comprendre. Ca me parle, en fait, même si je comprends pas un broc de ce qu’il raconte. Puis comment il veut que je retranscrive ça par des mots, moi? Y’a un mot, pour exprimer ce sentiment de ⍻♦????〠????????⁑꧁↫░░◞⠵? Je suis pas sûr, et j’ai pas de dico sur moi. Je vais mettre « ce froid viscéral qui me brûle les entrailles de sa chaleur protectrice ».

On s’assoit en tailleur, en plein milieu de cette verdure. Elle commençait à me les briser, au début, genre encore un peu et l’envie de tout cramer aurait pu me prendre. Mais maintenant que j’y penses, cramer le moindre arbre ici, ça relèverait du blasphème. Je saurais pas te dire pourquoi, mais faut pas qu’on y touche, à cet endroit. Je l’aime bien. Le doppelganger de Craig Kamina le révolutionnaire continue de me raconter son histoire, il emploie pas vraiment de mot, il essaie de m’expliquer le tout, avec des gestes, des grimaces, il arrache même une feuille de mon carnet pour y dessiner quelque chose que je déchiffre pas tout de suite, mais je hoche la tête, comme si je comprenais. C’est peut-être le cas, j’en sais rien.

Quoi? Les soldats? Le navire? Oui, oui. Chaque choses en son temps. Je veux bien les chercher, moi, mais faudrait déjà que j’arrive à me sortir de cette forêt. Et tant que j’aurai pas percé ses secrets avec le poto ici présent, je suis pas près d’y arriver. Ouais, je dis poto, parce que faut bien dire quelque chose, et qu’on est entrain de partager un truc là, lui et moi. Un moment fort. Tant pis si il a été ce qu’il a été dans une ancienne vie, de toute façon, ça me concerne pas vraiment. J’enquête sur les bleus moi, et mes bleus, actuellement, ils sont portés disparus.

- Voilà. A une ou deux couilles près ! Tu as bien tout noté? Un chant pareil, ça se reproduit pas !
- Ouais, je crois bien. Tu veux que je te relise?
- Oui !
- Attention hein, ça fait une dizaine de page.
- Vas-y !

Le soir va pas tarder à tomber. Où alors c’est l’aube qui pointe le bout de son nez? Je saurai pas te dire, quand y’a la mer au dessus de ta tête, tu perds quelques repères bizarrement. Je passe la soirée, ou la nuit, ou l’aprem, à relire ce que j’ai noter, à modifier quelques détails, pour que son récit soit le plus authentique possible, qu’il reflète bien toute la poésie qu’il ressent au fond de lui. Au bout d’un moment, je crois bien qu’on tient notre Codex.

- Tiens, j’ai une question, que je le lui lance.
- Vas-y mon pote, mon inspiration est pas encore partie !
- A un moment, tu as dit « c’est un peu comme un flash-mob, je veux danser avec tout mes potos, qu’on vibre ensemble sur la même vibe, mes copains du club, toi, moi, Craig, Matthew, James, Elizabeth, et puis Pine d'Huitre. »
- Oui c’est possible !
- Y'a des gens que je connais pas. Genre c’est qui, Elizabeth, et Pine d'Huitre?
- C’est ceux qui nous collent au train, je crois ! »
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Impossible de dire exactement à quelle vitesse le temps passait : les aiguilles des montres étaient figées et le soleil absent à l'horizon. Ce qui était sûr, c'est que nous suivions le duo depuis un moment désormais, trop longtemps même. Ils s'étaient assis en tailleur et l'homme-poisson parlait, parlait... Il racontait son histoire.

« - Euh... on fait quoi chef ? On va pas chercher Pine d'Huitre ? »

Un mal de crâne me venait à écouter les âneries que racontait Craig, je mis un temps fou à calculer la question de Burton, mais lorsqu'elle fit écho dans mon crâne, soudainement vidé de toute substance, je réagis automatiquement :

« - Si... Si, nous devons le retrouver, il s'est probablement perdu en cherchant un endroit où faire ses besoins.

- Cela m'étonnerait, je l'ai vu se pisser dessus il y a dix minutes. »

Étrange. Il serait donc parti de son plein gré sans raison valable et se serait perdu ? Qu'importe, j'avais la désagréable impression que quelqu'un nous écoutait. Pas de raison particulière, mais il fallait partir d'ici, retrouver Pine d'Huitre et rentrer au navire ; les deux énergumènes s'étaient visiblement bien trouvés, aucune raison de venir troubler leur relation. Leur présence ne nous aiderait pas à mettre les bouts.

Sauf que voilà, plusieurs dizaines de minutes de marche à travers la forêt, peut-être bien une heure ou deux, impossible à dire, ne nous menèrent à rien. Mon mantra ne m'indiquait aucune autre présence que celle de Doppio et Lewis ; Pine d'Huitre s'était tout bonnement évanoui. Et puis nous avions tourné en rond, nous retrouvant encore à l'orée de la clairière où le prétendu journaliste et le révolutionnaire s'étaient installés. Les hommes me suivaient sans comprendre, mais Sœur Silence se doutait de quelque chose.

Ce n'était pas évident de communiquer avec la religieuse, elle utilisait son propre langage que peu d'entre nous savaient déchiffrer. Par chance, Alister avait un frère sourd et muet, il pouvait traduire, c'était au moins ça.

« - Elle dit que nous ferions mieux d'abandonner les recherches, de toute évidence Pine d'Huitre n'est plus ici.

- Et comment sait-elle ça ? »

Le pirate se donnait au jeu du téléphone arabe, mais avec un seul intermédiaire ; je n'avais aucune idée de ce qu'il lui demandait réellement, pas plus que de la véracité des réponses de la doctoresse. Ses dernières paroles, toutefois, le rendirent livide comme un linge.

« - D'après Sœur Silence, il est passé sur... un autre pan... de l'existence ?

- Qu'est-ce que c'est que ces conneries ? Il est mort ?!

- N-non, c'est plus compliqué, je n'arrive pas à comprendre. Ce qu'elle dit n'a aucun sens. »

Allons bons, encore une énigme. Toutefois, peut-être la peur était-elle communicative ou peut-être était ce le vent, mais je sentis le poil de mes avant-bras s'hérisser et une peur irrationnelle me galvaniser soudainement. Quelque chose me poussait à croire ce que disait Sœur Silence, quand bien même les connexions entre mes neurones s'y refusaient. Il valait mieux changer de sujet.

« - Rentrons au navire donc, on ratissera la zone demain pour trouver plus d'informations.

- On a un autre souci, capitaine. »

C'était Burton. Il était chargé de dresser un plan de la zone et nous ramener au bercail, sauf que ce qu'il nous montra n'avait aucun sens, pourtant il s'était concentré à bien retranscrire les distances depuis notre départ. Peu importe le chemin que nous prenions, nous étions comme inexplicablement ramenés vers la clairière et toutes les routes que nous avions empruntées, même celle de l'aller, semblaient avoir deux issues. Ou plutôt une seule, à en croire les probabilités.

Impossible de revenir en arrière donc, peut-être pas seuls. À l'ombre des arbres, nous pouvions voir Lewis poser son carnet : simple pause ou bien avait-il terminé sa besogne de soi-disant gratte-papier ? Je savais de l'agent qu'il n'était pas du genre à se braquer car j'avais changé de vie et Doppio était un fou furieux inoffensif.

« - Allons les voir, peut-être qu'ils sauront nous éclairer. »

En même temps, j'entendis le nom d'une de mes anciennes couvertures ainsi que celui de Pine d'Huitre résonner. Notre présence avait été découverte... comment ? Était-ce un coup de Craig ? Les jambes fléchies, les deux hommes et la doctoresse se tenaient prêts à jouer du couteau ou faire feu au moindre signal. Je tenais mon index haut en avançant sur mes gardes en direction de ceux qui furent jadis, chacun, mes partenaires. Doppio semblait parfaitement au courant de ma venue, comme si j'avais toujours été là, tandis que Lewis demeurait de marbre. Les fusils levés dans leur direction n'aidaient en rien à inspirer confiance, mais c'était nécessaire.

« - Pas de geste brusque sinon mes amis vous transforment en passoire. Craig, je sais que c'est le genre de choses susceptibles de te plaire, mais je m'occuperai personnellement de toi et m'assurerai que tu n'aies pas le temps de savourer quoi que ce soit.

- Tu vois ! C'est elle, Elizabeth.

- Ah ? Pour moi elle s'appelait Annabella. »

La pression était vite retombée, visiblement, même si Thomas gardait les mains levées par précaution : ce n'était pas un monstre comme Doppio et moi. Je les rejoignis en silence et intimai finalement à mes subalternes de rengainer. À ma grande surprise, Silence avait déjà rangé son sabre avant que je lui en donne l'ordre et regardait fixement l'homme-poisson comme on regarderait une statue d'or et de diamants. Subjuguée, elle se tenait toutefois à distance respectable, comme s'il s'agissait d'un animal à la fois fascinant et dangereux. Un tigre, un requin... un hippopotame.

« - Qu'est-ce que vous fichez ici tous les deux.

- Moi je suis tombé, tout bêtement. Plouf !

- Euh... Pareil. »

Logique. Burton et Alister se regardaient comme s'ils avaient à faire à des demeurés mais je n'oubliais pas que l'un des deux avait déjà manqué de me tuer à Drum. L'autre ne représentait pas une menace... jusqu'alors ; je savais le CP à mes trousses, mais n'imaginais pas que le mot ait été jusqu'à circuler au CP4 où l'on se chargeait d'une toute autre chose.

Vu qu'aucun des deux ne semblait prompt à se resituer, je pris finalement les devants :

« - Notre équipage s'est fait aspirer dans un maelstrom et notre navire est tombé dans un lac à deux kilomètres d'ici environ. Nous avons entendu des voix dans la forêt alors nous sommes venus investiguer et en cours de route, un des nôtres a disparu.

- Ça serait pas ce sacré Pine d'Huitre ? » demanda innocemment le révolutionnaire.

J'ouvris la bouche, à demi-surprise. Comment savait-il ?

« - Qu'est-ce qui te fait dire que ce serait lui ?

- Je vous ai entendus en parler. Et puis, je peux le sentir comme s'il était à côté de moi. Il est dans une autre dimension maintenant, celle d'où vient mon ÂME. »

Si Sœur Silence ne m'avait pas tenu un discours à peu près similaire plus tôt, peut-être que j'aurais ri au nez de l'énergumène. Toutefois, aucun éclat de rire n'émergea de ma gorge, quand bien même ce qu'il affirmait semblait absurde ; au lieu de cela, je rivais un regard grave en direction de la nonne qui me le renvoya avec un grand sourire. Inquiétant.

De toute évidence Craig savait quelque chose, cependant plusieurs options s'offraient à nous : tenter de rentrer au navire une fois de plus et aviser avec l'ensemble de l'équipage, pousser plus loin notre enquête pour trouver un moyen de se tirer d'ici ou bien rechercher notre ami disparu. Une bonne minute passa durant laquelle le silence s'installa, au profit de la seule ici qui n'était pas en capacité de parler et dût nous faire des signes.

« - Elle dit que si tu la crois à présent, elle peut nous guider jusqu'à lui. »
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L'assistance a l'air de glisser tout doucement de l'autre côté de l'univers... à des rythmes différents... C'est grisant, pour moi, parce que moi je constate, oui ! Je constate que j'arrive comme je suis jamais arrivé à leur présenter la vérité, la vérité brute de pomme, acide en bouche, agressive pour les dents. Tu les vois ?

Enzo m'a gratifié de sa plume d'or... Ce trésor lève le voile sur un vaste paysage d'émotions pures, il invite à un plongeon dans l'anus vicieux de leur si familier univers... Avant qu'il ne décolle à la suite des copines d'Elizabeth, je l'intercepte, je pose une palme sur son carnet qu'il serre encore précieusement dans ses mimines, mon autre palme écoute mon coeur s'ébattre :

C'est le One Piece, pour toi et tes congénères ! Il reste infiniment plus de secrets, mais ce que tu tiens là... C'est un phare, protège le, protège le comme si c'était ton gosse parce que C'EST ton gosse, l'union de tes mots avec la mélodie de cette île...

Relis-en quelques bribes si tu as des doutes ! Si tu te poses des questions... Cet univers est un examen et je t'ai refilé toutes les antisèches pour que tu tapes le 20/20... Des questions ? Plus pour Enzo ! Car Enzo aura sur lui, toujours sur lui, son mode d'emploi de l'univers à destination des débutants, made in Doppio.

Tu m'as compris ?

Il m'a compris c'est clair. J'attends pas sa réponse, je le lâche puis rattrape le troupeau d'Elizabeth !

J'ai pas encore récupéré mes propres amigos je dois donc tâcher de m'en fabriquer de nouveaux parmi tout ces inconnus, et il y a des candidats tout désignés ! Une candidate.

Je l'avais repérée tout à l'heure ! Elle semblait plus lucide que les autres. C'est elle qui nous dirige vers Pine d'Huître c'est bien normal parce qu'elle semble avoir deux ou trois sens en plus qui lui autorisent l'accès aux plans perpendiculaires au sien. Tu vas me penser girouette mais le regard qu'elle a posé sur moi, brrr ! Coup de foudre une nouvelle fois, qui a dit que ça tapait jamais deux fois de suite au même endroit ? Tu vas me penser girouette mais t'as vu le FESTIN d'âmes magnifiques étalé autour de moi ? Je sais plus où donner de la tête, et si on m'offrait un temps infini, je prendrais 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours à disséquer le devant, le milieu et le derrière de CHACUN d'entre eux, minutieusement, de mes petits doigts de fée.

Marchant si vite que je semble glisser quelques centimètres au-dessus de l'herbe, transporté par une sorte de coussin d'amour... Elle a pris la tête de notre bande, je la rattrape rapidement, toujours ce même sourire gravé dans ma tronche comme s'il était devenu l'un de mes muscles... En me voyant débouler auprès d'elle elle se doute de ce que je lui veux ! La nonne.

Ben on dirait qu'il y a des gens qui se sont initiés tout seul aux petits secrets du Néant ! Tu es autodidacte ?

Elle ouvre la bouche mais t'as rien qui sort, à part une vilaine limace décapitée... C'est quoi alors un espèce d'animal de compagnie ? Ça va causer à sa place ? Attends non... ! C'est sa langue ! Radieux ricanements, je crève de rire, je me damne de rire, le rire traverse les trois couches classiques de réalité avant de me revenir aux tympans, toujours radieux.

Hahaha ça va pas bien dans ma tête... J'ai confondu ta langue avec une sorte de limace sans tête...

Elle me sourit, elle capte la méprise avec l'esprit bon enfant qui convient. Cette petite dame elle a du répondant non ?

Ses yeux sont écarquillés, elle semble même un peu émue. Quel doux regard, perçant, magnétique ! Une fenêtre sur le brasier dans lequel son âme est en train de cuire. A la manière de la chanson qui m'a bercé, la nonne d'Elizabeth est silencieuse, mais d'une puissance sans égal.

-Je m'occupe de la traduc...
Ok ok alors elle dit quoi là ?

Fais chier faut passer par l'intermédiaire mais une traduction c'est souvent si fade tu perds toujours les épices originales... Je vais pas me régaler autant que je l'espérais...

-C'est... C'est compliqué... B-Bon sang, ça a encore moins de sens qu'avant... Ralentis ? Je crois qu'elle dit q-
Je suppose qu'elle cause de Pipine alias Pine d'Huître ! Elle se demande si je ressens sa présence dans la seconde couche non ?

Ses gesticulations rigolotes sont limpides quand on les mate bien d'assez près et qu'on décroche pas.

-Vous comprenez la langue des signes ?!
Intuitivement... Écoute je pige que dalle à tes balbutiements à toi on dirait que tu viens de sortir du gros bide de ta maman et que t'as encore plein de liquide là où devrait être ta cervelle...
Mais elle, ses gestes, ben ils sont évidents ! Ils résonnent sans mot, sans son...


Oh la la la mate moi ce gars ça y est il est paumé... Actuellement c'est net c'est le type le plus paumé que j'ai jamais rencontré dans ma vie et je t'assure qu'il y avait de la concurrence... Il est bouche bée et il semble très très inquiet, t'as peur de quoi ? On est entre fins gourmets du Néant, ici, on se partage des tricks culinaires, alors, tu veux bien, je sais pas,

Tu veux bien aller jouer ailleurs ?

Il objecte pas allez hop hop hop. Je peux me câler à côté de la soeurette, qui marche d'un pas assuré, d'un pas millimétré, ses jambes sont des métronomes, le rythme de ses pas est chantant, oui ! Elle est inspirée ça se sent, son corps est tout entier mu par des forces merveilleuses...

-(C'est incroyable, je n'aurais jamais cru avoir la chance de rencontrer une créature telle que vous un jour)
Mais dis moi alors ! Tu es une autodidacte ou quelqu'un t'a aidé ?
-(Une communauté qui pratiquait des rituels. Ils m'ont enseigné l'Art de rentrer en contact avec les choses rampantes et glissantes qui se situaient au-delà du monde)
C'est ce que je fais avec mes copinous ! Je leur refile un trousseau de clé et ils s'en servent pour arpenter à leur guise le Vide.
-(Vous êtes vous même une émanation du Vide, de la race la plus noble)
Oui ! On dirait pas hein ? Sous mon apparence de gros bonhomme gentil se cache un adorable cauchemar.

Tu crois que je t'ai pas vu Elizabeth ? Elle crève de jalousie derrière nous, elle nous écoute et forcément elle capte que la moitié du dialogue et ça la rend furax. Pendant la bataille elle en pinçait pour moi c'était clair et net, elle pouvait pas s'empêcher de me coller au train pour, de temps à autre, me briser un os par ci, m'ouvrir une artère par là, elle semble obsessive autant qu'elle est balèze et ça la rend vraiment, vraiment, vraiment charmante. Persuadée qu'elle a été remplacée par sa copine à la langue-limace, elle jette des éclairs par ses yeux.

-Craig. Dans quoi elle va nous embarquer ? Elle sait où est Pine d'Huître ?
Oui ! Je le sentais aussi. On est vraiment plus loin ! Encore un peu de patience.
-Et tes potes ? Tout tes potes ?

Je hausse les épaules, je lâche un petit pet, par la bouche puis par le cul.

Je suis pas inquiet ! Ce coin est sans danger, regarde le. Tout va bien Elizabeth-chan, détends toi et profite de la balade pour t'imprégner du-
-C'est quoi encore cette merde ?

Aux abords d'un graaaand lac. Je suis loin d'être docteur en lacs mais de souvenirs je crois pas qu'ils soient censés être aussi rouges ! Un rouge sombre, visqueux, quasi marécageux ! Ça pourrait être du vin, ou du bon vieux SANG, mais c'en est pas, aucune odeur, à part un léger relent d'écume, si ça avait été de l'hémoglobine je l'aurais senti à des kilomètres le machin, y en aurait eu tellement... mais non c'en est pas, paniquez pas ! Ça fait quand même franchement flipper le public, des murmures se lèvent. Elizabeth a la migraine, ça se voit ! Je crois qu'elle ressent fort les mélodies du coin, comme moi, sauf qu'elle, comme elle arrive pas à s'en enivrer, ça lui pèse sur l'âme.

(Respire, on y est presque)
Ta pote te dit de respirer, elle a bien raison ! L'air te veut pas de mal, faut t'en gaver les poumons.
Enzo ! Amène ton gros calepin ! J'ai un... un chapitre bonus à te dicter... Il sera aussi ROUGE que ce lac je te le promets, et...
-P-PINE D'HUÎTRE ! P-P-P-PINE D'HUIIIITRE !

Bon bah alors tout le monde se précipite en direction du cri... Ça rompt la poésie du moment, et la mélodie se tut déjà alors qu'elle venait à peine d'émerger de la flotte. Curieux quand même ! Je suis la foule. Agglutinés devant un arbre ! L'appel de la nature ? Autant près du lac mon pif tiquait pas, autant là, ouaiiis, le sang il est là, le sang il se répand en volutes. Le sang me raconte l'histoire suivante, sans crier gare, il forme de nombreuses phrases dans mes naseaux :

Sang a écrit:Moi Pine d'Huître, demande à me réveiller, Moi Pine d'Huître demande à être exposé à la véritable lumière sous laquelle cuit l'univers, Moi Pine d'Huître j'ai soif, j'ai grand soif de Vérité, j'ai Soif Insatiable de Vérité et Moi Pine d'Huître, j'ai mal, j'ai grandement mal, j'ai atrocement bobo

Fin de l'Histoire, mon nez ferme sa gueule. Elizabeth, mal dégrossie, en gros plan devant mes mirettes.

-TU PEUX M'EXPLIQUER ÇA ?!
J'en sais rien, il faut lire ! Quelqu'un s'est ingénieusement servi de Pipine comme d'un télégramme !

Accroché par les bras à un arbre avec de gros cordages dégoulinants d'algues pourpres, il est torse poil, des lettres gravées dans sa peau ! Dans un alphabet qui, assurément, ne découle pas de cet univers, car même Enzo la scribouille semble ne rien y comprendre.
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Je crois bien que c’est à partir de ce moment là où on a tous commencé à perdre un peu la tête. Lentement, d’abord, sans s’en rendre compte. On perdait notre sanité à petit feu, pas à pas, sans rien pouvoir y faire.


*


Dégringolade Runes10


J’essaie de reproduire les symboles sur mon carnet, du mieux que je peux. Le pauvre, ils l’ont pas loupé. Je dis ils, mais évidemment, j’ai aucune idée ce ce qui a bien pu lui faire ça. Même mon nouvel ami Doppio a pas l’air plus renseigné. Lui et mon ancienne partenaire ont l’air d’être les plus touchés. Pas tristes. Mais c’est eux qui ressentent le plus de ce qui se dégagent de la scène, j’en suis sûr. Dès les débuts, j’ai bien vu que c’était eux, les plus réceptifs. La nonne, elle, elle a l’air d’être dans son élément. Et les autres, ils tremblent comme des feuilles. Moi, j’entends pas de voix, peut-être qu’elles veulent pas me parler, qu’elles me trouvent pas digne, ou que j’ai pas encore tourné la carte suffisamment pour elles. Mais je ressens des trucs. Ca va te paraître bizarre, hein, mais cet endroit, il résonne. Dans mes entrailles, dans mon crâne, dans mon cœur même. Y’a quelque chose qui vibre, quelque part, au plus profond de la région, sous mes pieds, et qui remonte jusqu’à moi. Je peux pas le déchiffrer, à part peut-être avec le récit que je tiens fermement dans les mains. Je m’en séparerait pas.

Pendant que quelques pirates s’épuisent à récupérer le cadavre du pauvre Pine d’Huitre, j’en profite pour aller voir ma vieille connaissance.

« Salut Annabella, enfin je veux dire Elizabeth, enfin je veux dire… Ben, je sais plus, en fait.
- Salut.
- Ca fait un bail, quand même.
- Hm. »

Je fais pas la conversation pour mon bon plaisir, hein. Mais faut bien y passer. Déjà parce que bon, des trucs ensemble, on en a vécu, alors forcément, ça fait un petit quelque chose de la revoir, là. Et puis surtout, après tout les mémos qu’on a reçu à son sujet, et tout les articles de journaux, bon, forcément, voilà. Si elle était vraiment devenu tarée, ou psychopathe – quoiqu’elle l’était peut-être déjà un peu, à un moment -, elle m’aurait déjà buté. C’est pas le cas. Pourquoi? Pas de temps à perdre? Besoin de moi? Sûrement pas, à côté d’elle et mon frère l’homme-poisson, je fais pâle figure, quand même. Nan, franchement, je sais pas, et j’aime pas ça.
Et puis y’a autre chose à voir avec elle, aussi. J’oublie pas ce que je fais là. Ni avec qui je suis venu.

« Dis-moi.
- Quoi?
- Point de vue violence et guerre de faction, t’en es-où?
- Sois plus clair.
- Mettons, imaginons hein, qu’on tombe là maintenant sur des gars avec un petit costume blanc et bleu. C’est une supposition. Ca se finirai comment?
- …
- Nan parce que, moi, ça me ferai quand même chier que ça finisse mal.
- D’accord.
- Et je me dis, merde, t’es quand même le père de mon gosse, j’espère que tu réagira bien. Si ça arrive, hein.
- D’accord.
- Ce que je demande, en gros, c’est que si là par hasard, on tombait sur des bleus, tu me laisses aller faire la causette, sans ordonner à tes gars de tout flinguer avant.
- Si je vois le moindre…
- Ouais, ouais, si y’en a qui un fout la merde, fais ce que tu veux, ça me concernera plus. Si ils sont suffisamment con pour tenter quoi ce soit, c’est plus mon problème. Enfin je dis ils, ça tombe y’a personne ici à part nous, évidemment.
- Evidemment. »

Je sais pas si j’ai envie de tomber sur mes gars, ou pas. D’un côté, ça risque de partir en couille sévère. De l’autre, ce tocard de navigateur, j’aimerai bien remettre la main dessus. C’est lui qui nous a ramener ici. Et si y’a bien une personne capable de nous faire remonter, c’est bien celui qui a déjà fait l’aller-retour et qui s’en est sorti indemne. Ce connard est notre meilleure chance. C’est vachement triste. Enfin bon, en attendant je…

Qu’est-ce qu’il branle, mon pote? Il s’est foutu à moitié à poil, et flotte dans le lac rougeâtre. Heureusement qu’il a encore pied, il manquerai de se noyer sinon ce con. Il est pas censé avoir bouffé une saloperie du démon?

« Doppio?
- Oui mon Scribe? Qu’il me crie depuis le lac.
- Tu fous quoi?
- Je me baigne dans le Néant. Regarde ! Cette eau en est imprégnée. Je peux y voir toute la surface de l’Univers s’y refléter. Viens !
- Non, ça ira.
- Viens, en plus elle est bonne ! Venez tous, même ! Oh…
- Quoi, « oh », ça veut dire quoi?
- Mon esprit s’envole…
- Ses forces le quittent, c’est son fruit du démon, » intervint Annabeth.

Putain, obligé d’aller le ramener moi-même, les autres sont trop occupé à sangloter ou s’apitoyer sur le sort de l’autre Pine. Et la Nonne, elle sourit de plus belle, elle regarde Doppio. Puis moi. Puis Doppio à nouveau, qui crachote une fois sur la rive. Elle lui adresse un hochement de tête. Je crois que ce con vient de se faire baptiser, ou un truc du genre. Je le laisse reprendre des forces, puis je m’approche du lac. L’eau frétille, alors que y’a ni courant, et pas vraiment de vent. Ca fait des sortes d’ondes, à la surface, comme si on y jetait des galets. Mais y’a pas de galets. J’y plonge ma main. Puis une deuxième. Je me sens imprégnée d’une sensation que je connais pas. C’est inédit. C’est comme si d’un coup, tu voyais une nouvelle couleur qui existait pas avant.

A ton avis, si je la bois, je crève?

Peut-être que je choppe juste la chiasse. Ou alors j’atteint un nouveau stade de conscience. Dans le doute, j’en prend un peu dans une gourde que je garde toujours dans une poche intérieur, après l’avoir vidé du peu de son contenu qui y restait encore. Un reste d’alcool, sans doute. J’ai oublié.

Bois.

Hm?

Bois.

T’as entendu quelque chose, toi?
Autour de moi, personne réagit.

Bois !

Bon. Après tout… Une gorgée.

Je vois flou. Non, j’ai jamais vu aussi nettement, en fait. Mes boyaux prennent feu, ma vision éclate, mon cerveau chauffe, il en devient presque en ébullition. J’entends mon nom, qui résonne, au loin. Je vois les bureaux du Cipher Pol, qui explosent devant moi. C’est tout Mari- Non, c’est tout Red Line qui s’effondre. A sa place, un néant, un maelstrom encore plus vaste que celui dans lequel je suis tombé. Toute la mer du monde s’y engouffre. Il reste plus que les abysses, les ruines d’anciennes civilisations, des épaves de navires, datant d’il y a des siècles, des millénaires même. Des cadavres. Le mien, celui d’une jeune femme aux yeux verts, celui d’Annabeth, de Doppio, de la Nonne, on y est tous. Et puis, en me concentrant bien, je discerne une forme. Une ombre, une silhouette. Qui prend forme, petit à petit, devant moi, qui absorbe nos cadavres, qui absorbe tout sur son passage, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Plus rien, à part lui. Il ouvre les yeux, et me fixe.

Putain qu’elle est dégueu, cette eau. Je vomis mes tripes dans le lac, depuis la rive. A genoux, je vois mon reflet dans l’eau, dégueulassée par mon dégueuli. C’est pas ma tête. Le type en face de moi, il a les cheveux longs, moins de barbe que moi. Il est plus jeune. Il sourit pas, mais fait pas la gueule. Puis l’image se trouble. C’est encore un autre visage qui se dessine devant moi. J’étais ça, avant?

« James? Oh ! Tu rêvasses mon pote?
- Quoi? »

Je me retourne, pour voir Doppio qui pète la forme. Il pose sa palme et sa main sur mes épaules, et me fixe de ses yeux globuleux.

« Tu viens de faire un sacré voyage ! J’espère que t’en a pas raté une miette ! Ce genre de voyage interstellaire, ça arrive pas souvent, même pour un pro comme moi !
- C’était…
- Ouais, vas-y crache !
- C’était… sépulcrale. »

Je tousse à nouveau, mais y’a plus rien qui sort, je crois que y’a plus rien en moi, j’ai fais le vide, comme si je venais de prendre un nouveau départ.

« En tout cas, que je continue, là-dedans, y’a un truc.
- Quel truc? Demande un trouillard de pirate qui s’est rapproché de nous.
- Quelque chose. Ca descend, très bas. En fait, je crois que ça grouille, là dessous. »
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Mais qu'est-ce qu'il se passait au juste ? C'était comme si plus rien n'avait de sens. L'eau du lac, colorée de rouge, mais un rouge étrange. Pas comme du sang dilué dans l'eau claire, autre chose. Lewis avait eu la bonne idée d'en boire, il avait payé le prix cher... mais pas aussi cher que Pine d'Huitre.

« - Alister, décroche ce pauvre homme. Burton, tu avais bien amené une pelle avec toi ?

- Affirmatif.

- Alors au boulot. »

Le moins que l'on pouvait faire, c'était lui offrir une sépulture décente. Dans mon coin, je réfléchissais, dardant un regard suspicieux sur mon propre élément qui dévisageait les deux énergumènes plus loin. On oubliait souvent qu'elle écoutait, simplement car elle n'avait pas de langue. Cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas d'oreilles.

Que se passerait-il si la Marine se présentait hein ? J'imaginais bien que l'agent du CP4 ne s'était pas pointé ici tout seul et nul doute que si les soldats se pointaient et voulaient jouer aux héros, je serais obligée de me défendre. Il avait cherché à se rassurer, simplement, même en connaissant d'emblée mes réponses à ses questions.

En l'état, nous restions en supériorité numérique contre les deux zouaves, si jamais il leur prenait l'envie de tomber un peu trop dans la folie, de se retourner contre nous. De mon côté, je devais prendre une décision : nous avions retrouvé notre camarade, mort, avec un étrange message tatoué au couteau dans son torse. C'était suffisant pour cesser l'exploration et rentrer au navire s'assurer que tout allait bien. Il fallait se tirer d'ici. Burton creusait ; il faudrait bien une vingtaine de minutes pour que la tombe soit prête et je n'aimais pas attendre sans rien faire. Alister avait fini sa tâche et pataugeait à côté des deux larrons en foire. Je décidai de plonger un peu plus dans l'insanité en les rejoignant à mon tour, saisissant des bribes de leurs derniers échanges.

En vérité, j'étais mitigée : à la fois à cause de mes propres expériences et aussi car Thomas n'était pas du genre à plaisanter. Je l'avais vu conserver son sérieux, même habillé en femme, le visage peinturluré de maquillage. Il n'était pas du genre à se donner en spectacle comme Kamina. Et si...

« - J'ai entendu des choses, moi aussi. En bas, bien plus bas. Je pensais que c'était des hallucinations...

- Oui ! C'est les âmes du cosmos qui discutent, qui dansent. Elles festoient pour nous souhaiter la bienvenue ! Elles nous invitent à les rejoindre ! »

Inquiétant, mais sans savoir pourquoi, je tournai le regard vers la nonne qui opina du chef, d'accord avec cette version des faits. Très bien, je jouais le jeu.

« - C'est eux qui ont fait ça à Pine d'Huitre ?

- Peut-être bien... ou peut-être que c'est autre chose ! Quelque chose qui vient du lac, peut-être qu'il ou elle nous regarde en ce moment ! Hihihi.

- Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de désopilant, » remarquai-je à demi-absente, le menton tenu entre le pouce et l'index.

Si le témoignage de Pine d'Huitre était un message de bienvenue, je n'avais pas vraiment envie de rencontrer ces avatars du chaos. Mon inquiétude était d'ailleurs grandissante envers l'équipage ; les escargophones demeuraient endormis, impossible de joindre qui que ce soit. Au moins, nous avions trouvé la côte, il ne nous restait plus qu'à la longer dans la direction par laquelle nous étions venus.

Burton avait terminé ; Alister s'était joint à lui pour faire rouler le corps dans la fosse et avait pris le relai pour reboucher le trou. Un souvenir, le briquet de Pine d'Huitre avec lequel il s'amusait constamment, trônait au sommet du tas et signalerait sa tombe. Le pauvre homme aurait sûrement préféré finir au fond de l'océan dans une toile de voile... Quoi que, d'un certain point de vue, c'était le cas.

« - Bon, je vous avoue que je n'ai pas envie de faire des vieux os dans le coin. Nous allons donc regagner nos navires respectifs et se souhaiter bonne chance. »

Doppio me regardait avec des grands yeux, sans comprendre, tandis que Lewis semblait encore comme transcendé par sa dernière expérience. Rien ne brillait dans son regard, ce n'était plus le même homme, à la limite l'ombre de lui-même. Grand bien leur fasse s'ils voulaient rester là, moi je n'avais qu'une envie c'était de me tailler.

Sauf que ce qui se passa ensuite bouleversa quelque peu mes plans... Silence avait été la première à le remarquer et à pointer son doigt dans sa direction. J'avais suivi, ne voyant rien au départ : des épais nuages recouvraient le lac, une sorte de brume étrange, grisâtres qui flottait au ras de l'eau. Et puis, il était apparu : mon navire, dérivant dans la direction opposée à la notre. Qu'est-ce que...

« - C'est pas vrai, ils ont levé l'ancre sans nous ! »

Mais où allaient-ils ? Et pourquoi ? Personne n'avait la réponse, nous pouvions simplement tous constater l'Anonyme qui voguait dans la brume tel un Hollandais Volant, un navire fantôme. Dans tous les cas, nous voilà bien emmerdés à présent, contraints de faire tout le tour du lac, sans la moindre certitude. Comme si nous ne nagions pas déjà en plein délire.

Burton avait vu la scène de loin et nous avait rejoint en hâte, suivi d'Alister qui s'épongea le front plein de sueur en arrivant. Soeur Silence l'avait attendu pour servir d'interprête, elle avait visiblement quelque chose à dire :

« - C'est eux qui sont derrière tout cela.

- Qui ça « eux » ? »

Aller-retour entre le flibustier et la nonne, impassible. Il bredouilla la réponse sans être sûr de lui :

« - C-ceux qui... Ceux qui m-murmurent dans les ténèbres...  »
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J'ai pouffé de rire lorsqu'ils ont enterré Pipine : sans leur montrer évidemment, ils auraient trouvé ça indécent, n'auraient pas compris la blague... J'ai pouffé de rire parce que, qui sait ce qu'il va devenir ? Ce cadavre, pourrissant à même ces terres consacrées, il est peut-déjà déjà parti à l'heure qu'il est ! Et même moi je peux pas te dire ce que le Vide va bien pouvoir nous trifouiller avec son âme ! Cet endroit a gobé Pipine, tout cru, mais il n'est pas encore rassasié, c'est clair... Le souci vient d'Elizabeth : elle rechigne à accepter les traditions locales, elle s'obstine à rester à la lumière alors que nous nous amuserions plus si nous plongions tous dans les ténèbres, tête la première, ou encore en faisant la bombe : voire même un gros PLAT.

Confuse ! T'es forte Elizabeth y a pas de doute là-dessus... Mais ton esprit, par contre... Aïe aïe aïe il tient plus de la brindille que du baobab, hein... Ressaisis-toi... Écoute moi ! Je m'impose devant tes yeux, alors que tu contemplais l'orchestre de spectres tremblotants qu'est ton troupeau désormais.

Je te mens pas Elizabeth ! Moi je te cache rien, jamais rien... Au contraire moi je veux que tu saches tout... Mais toi tu veux fuir... T'es devant l'impasse la plus dingue de ta vie et au lieu de foncer dans le mur, tu fais demi-tour... T'as aucun sens...
-Essaye seulement de m'empêcher de partir et je te jette dans ce Néant que tu chéris tant...
Je t'en empêcherai pas ! Mais je vais t'accompagner. Ça serait irresponsable de te laisser vadrouiller toute seule...
Mais elle est pas toute seule !
... toute seule sans défense contre les forces en présence, forces bienveillantes certes mais forces tout de même, qui n'ont ni peur des démons dans nos corps, ni de ceux dans nos coeurs.
Elle est PAS toute seule !
Il nous ignore complètement...

Elle est rien bornée... A mille lieux du pote à la compote ENZO VERSACE, qui s'est montré fabuleusement réceptif, alors que c'était son premier contact avec les choses du Vide, je me suis présenté à lui et il m'a accueilli comme s'il m'avait toujours attendu, ce compotopote là. Perle rare ! Cet endroit a du bercer son esprit...

-D'accord, Craig...
Doppio !
-Tu nous suis si ça t'amuse, et je te garde à l'oeil.

C'était une toile vierge avant que j'arrive, Enzo Versace, journaliste, alors, j'ai peins sur son âme, et avec des couleurs chatoyantes, j'ai dessiné des vérités, j'ai dessiné l'indessinable, j'ai dessiné des bites...

J'espère qu'il me suivra sur Dead End quand le conte philosophique que nous écrivons ici sera fini. Il est précieux... Peu de mes copinous savent écrire, et ceux qui le peuvent vont pas bien plus loin qu'écrire leur prénom voire leur nom sans oublier les majuscules... Lui est bien au-dessus, lui maîtrise avec quasi perfection l'Art de traduire la langue du Vide en la langue universelle des mortels ! Je le vois bien passer ses journées dans l'entrepôt à nous écrire des poèmes hystériques à propos de l'espace noir au-dessus de nos têtes, et sur les plaines infinies situées au-delà, ainsi que sur les montagnes et les crevasses non-existantes situées plus loin encore, ensuite il nous les lira durant des heures, voire des jours, durant des sessions de récitals mêlant culture à souffrance, plongeant dans une même transe commune son assemblée, mixant leurs âmes au rythme de ses mots... J'ai un MAX d'idées ouais je dois pas perdre ce gars...

Les pirates sont en sueur, certains sont même au bord des larmes. Si tu veux tout savoir ça me fait beaucoup de peine... Je meurs de les voir ainsi s'éteindre à petit feu... Pardonne moi Elizabeth, je vais adresser à ta petite équipe quelques mots bien choisis pour les regonfler, je sais que c'est ton rôle normalement mais fais confiance, moi aussi j'ai une vaste expérience en matière de management !

Vous inquiétez pas ! Même si vous canez ici, le Néant aura toujours un projet pour vous. Il utilisera vos os, votre peau, votre âme, pour sculpter des bijoux fantaisie, des bibelots rigolos ou encore des boîtes à musique.

Bof bof bof, ça a pas soulevé les foules, mes potes du Fun Club se seraient écroulés de rire en visualisant le DÉCALAGE entre leurs aspirations profondes et leur vraie place dans l'univers, mais les pirates d'Elizabeth, ils détournent le regard, font semblant d'avoir rien entendu, et accélèrent le pas pour s'éloigner de moi. Ils se sont mis en tête de faire le tour du lac, ils suivent sagement leur vieille maîtresse d'école aigrie, et snobent, contre toute attente, le jeune prof d'EPS amical et délirant que je suis. Tu les a beaucoup trop bien dressés, Elizabeth...

Mes potes du Fun Club se seraient désintégrés de rire, eux, où ils sont ? Ils me manquent, ils étaient si bon public.

-Ferme ta gueule ou je t'assomme, Craig !
Doppio !
-On avance ! On ne ralentit pas ! Allez !

Faire le tour du lac... Ça va leur prendre un sacré bout de temps hein ? Mais du temps, je crois qu'on commence à en manquer. Ils s'impatientent... là-dessous. Ils pensaient surement la dissuader en lui chipant son gros bateau rutilant, c'était sous-estimer cette tête de mule ! Elle reste sourde aux invitations de cet endroit. Elle se plaque les mains sur les oreilles et chante très très fort ses sornettes pour éviter d'entendre l'appel du Vide. Bornée et immature, raide dingue de moi mais incapable de l'avouer. Une adolescente dans le corps d'une impératrice ! Quel gâchis...

... la nonne, au moins, elle a avalé mon message, avec gourmandise. Elle est là-bas, coucou ! Je lui fais coucou, elle me sourit, elle renvoie le coucou, et puis elle gesticule, et plus elle gesticule, et moins j'ai de mal à la comprendre, comment ça elle a besoin d'un interprète ? Allez roh faites un effort, penchez vous deux secondes sur ses manières et vous PANEREZ tout...

(Avez-vous vu ce que j'ai vu, au fond du lac ?)

Oh ! Est-ce qu'elle parle des reflets cosmiques dilués dans la flotte ?

(Avez-vous vu ces silhouettes ? Sont-ils des vôtres ? Sont-ils des explorateurs du Vide ?)

Aaaaaah ! Les formes de vie exotiques extirpées du Néant... Oui oui oui y en avait ! J'ai pas estimé nécessaire d'en informer les autres, parce que, c'est normal, quoi, la vie y a rien de plus banal. Oui oui oui, je lui fais avec la tête. Ceux-là sont techniquement "les miens" dans le sens, tu vois, qu'on a cette "connexion", ce lien invisible constitué de viande inorganique et de matière non baryonique, qui relie "les nôtres".

Cette toile astrale gigantesque, superposée à cette réalité, s'en branle total des concepts d'identité, de libre-arbitre, etc etc, non non eux ils sont Moi autant que je suis Eux, bien que je sois plus Moi qu'eux ne le sont, tandis que Moi je suis davantage Eux qu'Eux ne sont Eux, car mon Moi prend proportionnellement une place largement plus imposante sur la toile astrale dont je te parlais ! Capito ? Si tu piges pas demande à Enzo, y a le paratexte dans son carnet magique.

(Je veux les rencontrer. Soyez mon émissaire, s'il vous plaît)
Bah, tu lâcherais Elizabeth ? Faut p-

Elle m'entend mal... Sourde aussi ? Ah non ! C'est parce que j'étais loin. Attends j'me rapproche ! ... Voili voilou. Elle se tient au bord du lac, un pied dans la flotte, l'autre au sec. Son regard, hypnotique, son regard gluant, plonge encore et toujours dans ce lac, envieux et impatient. Un petit quelque chose de mélancolique, on dirait qu'elle se tient au bord de sa vie, un pied dans le passé, l'autre dans le présent. Je lui disais quoi... Attends ? Elizabeth... Hmm... Ah !

Bah, tu lâcherais Elizabeth ? Faut pas, elle est comme un bébé enfermé dans une cuisine remplie de gros couteaux. Livrée à elle-même, elle va se blesser et saigner très fort, ce n'est qu'une question de temps.
(Non, je veux partager ce voyage avec elle. Avec tout mon équipage. C'est important. Je veux les transformer autant que j'aie été transformée. Je les aime, et ils méritent de savoir)
Oh ! Un super projet. J'approuve !

Fantastique ! Ton altruisme t'honore, copine, copine quoi, c'est quoi ton nom déjà ? On s'en tape, t'es une belle personne, un diamant brut, je suis ton orfèvre, et c'est tout ce qui compte... On va inviter, de gré ou de force, ce beau monde à visiter nos ténèbres, c'est ça ton projet ? C'est le mien aussi !

Malheureusement y a un hic... Dommage... Tu les as vus ? Pas chauds à prolonger la fiesta jusqu'au bout de la night, ils voudraient rentrer chez eux, faire un somme, se réveiller demain, faire comme si tout allait bien.

Et Elizabeth, dont la passion première semble être l'extinction des flammes de joie chez son prochain, prendrait très mal l'idée si elle venait à lui arriver telle quelle aux oreilles, elle m'a menacé et j'ai aucune envie de me battre contre elle, je ne suis qu'Amour...

Commençons par ch-

Un sentiment a écrit:L'enfant si proche
si proche
mais si loin
viens à nous
VIENS
QUE FAIS-TU
VIENS
la mère se meurt d'attendre
d'attendre son enfant qui l'a quitté hier,
il y a 3,5 millions d'années,
4 mois et
21 jours
-OUAAAH !
(J'ai entendu, je crois que j'ai entendu ! Un tout petit peu... Ils ont chanté, n'est-ce pas ? Ils ont chanté ? J'en ai entendu si peu mais, c'était si profond, ça m'a mordu le coeur, je suis emplie d'échos, je...)

La chanson a redoublé de volume ! C'était un air obsédant mais c'est désormais une fanfare, et... eh, t'as vu ça ? Je me déhanche ! Inconsciemment. Le corps de Craig Kamina éprouve une fièvre dansante, incapable d'évacuer autrement le torrent d'émotions qui noie CHACUNE de ses cellules. Des émotions d'une puissance indescriptible... Une sorte de substance brûlante qui se déverse dans chacun de tes organes, et ils brûlent, et ils fondent, et ils sont un unique pâté de chair pris de soubresauts hystériques... De la rate aux reins, des poumons aux couilles, c'est partout désormais, je suis imprégné, une éponge, je ruisselle, ça déborde par mes pores : et ça sautera aux mirettes de n'importe qui de sensible aux gazouillis du Vide :

Je suis
Possédé.
Nous devons rattraper le groupe... Allons y ! Dansons en courant, dansons, DANSONS, dansons à nous en arracher les jambes, dansons jusqu'à ce que nos cadavres soient bien secs, et alors nous pourrons DANSER sur nos cadavres ! Dansons PARTOUT, dansons dans le Vide, dansons dans ce lac, dansons sur la tombe de Pipine, dansons sur la gueule d'Elizabeth, RIEN dans cet univers ni dans aucune de ses trois surcouches n'est pas un DANCEFLOOR.

Ma DANSE est une épilepsie sous cocaïne, ma DANSE plie ma carcasse, la Craig's carcasse, dans des angles impossibles, ma danse implique mes deux jambes, mes deux bras, parfois plus de jambes, parfois plus de bras, des membres supplémentaires de boue émergeant érratiquement dans mon dos dans mon cul dans mon cou, mes yeux roulent hors de leurs orbites puis remontent... des tortures délicieuses dans ma colonne vertébrale, qui n'est plus qu'un accordéon joué par un ménestrel dément... joué par le Fun...

Le Fun. L'essence du Fun.  

DANSONS. ENZO ! JE TE VOIS ! Tu suis la meute. T'es à l'écart, pensif. Tu relis ton carnet, tu fais bien. Le carnet c'était la théorie. C'est l'heure d'un exercice pratique.

Enzo ! ENZOOO ! ENZO ! ENZOOOOOO ENZO !
Ah ! Quoi ?!... Qu'est-ce que tu fous ?
T'es de la partie ?
Tu vas faire quoi ? Tu danses ? Vous dansez ?  
Mes congénères de l'outremonde, là, trèès profonds en-dessous, ils m'attendent, ils font un tapage monstre, un tapage grandissant, ça fait 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours que Ça m'attend et je te mens pas : j'ai l'impression d'abuser en traînassant... Je voudrais au moins arriver avant le dessert, par politesse...

MAIS je veux ramasser un max d'invités surprises avant de sonner à leur porte. Il est clair que ceux qui refusent de me suivre s'en MORDRONT les doigts, hihihi ! La soeurette est super motivée, et toi ? T'as la patate ? FAISONS LES DANSER !
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Je suis plus moi-même. C’est sûr, maintenant. Je le sens. J’ai l’impression que mon âme voltige autour de mon corps, mais qu’elle est plus en dedans. Que je me regarde moi-même gesticuler, mais que c’est pas de mon fait. Je flotte au dessus des autres, j’observe, j’essaie d’écouter aussi, mais j’ai pas la sentience des autres. Je sais pas comment je dois le prendre. Trop faible? Pas assez digne? Pas assez de Foi ou une connerie du genre? Annabeth, elle, elle entends tout. Je le sais. Elle ignore juste les voix. Moi, cet endroit, j’y suis sensible. Je sais pas pourquoi. Je veux pas partir tout de suite. Pas parce que je veux y faire mon trou, ou parce que je me reconnais dans ce que cette île me fait ressentir, mais parce que je suis curieux. Voilà, c’est ça. Là-dessous, à des milliards de kilomètre de distance il semblerait, y’a quelque chose. Quelque chose de nouveau, du jamais vu, quelque chose que je trouverai nul part ailleurs, et partir d’ici sans aller voir ce que c’est, ce serait un crime. J’y repenserai toute ma vie. Ca m’obsédera. Je pourrai jamais chasser cette idée de ma tête, cette sensation d’avoir raté l’occasion d’une vie, l’occasion de découvrir quelque chose que personne d’autre avant moi n’a découvert. Même si c’est inutile. Même si c’est décevant, ou démoniaque. Ne pas savoir, ce serait encore pire.

Alors pourquoi elles me parlent pas, à moi, ces petites voix? Doppio-Craig danse devant moi, la Nonne aussi commence à se déhancher. Ca ressemble à rien, mais c’est vrai, c’est eux dans toute leur splendeur. Mon âme continue de voltiger au dessus de la scène, qu’est-ce que je fais foutre à ton avis? J’en sais rien, moi, j’ai l’impression de plus avoir le contrôle sur rien. La douce brise de la région emporte mon âme, la fait aller à gauche, à droite, en avant et en arrière. Je suis bercé par l’ambiance et l’aura du lieu, mais même en le laissant pénétrer mes tripes, il me parle pas. Je suis un étranger en terre sacrée, tandis que Doppio, lui, c’est comme un VIP. Annabeth, elle, j’en sais trop rien. On dirait une enfant à qui on aurait dit « ton père est charpentier, tout comme son père avant lui, alors tu seras charpentier et puis c’est tout », mais elle, elle veut pas être charpentière. Elle aussi doit avoir cette île dans le sang, mais elle veut pas le savoir.

Moi, j’ai rien dans le sang, un athée pur souche, j’ai pas cru en quelque chose depuis que j’ai arrêté de croire au père noël, même en moi je crois pas, alors pourquoi croire à l’aura obscure de cet endroit maudit? J’en sais rien moi, tu me poses de sacrées questions là mon gars.

C’est comme ça que tu ressens les choses, toi? Tu te sens comme une paire d’yeux qui virevoltent au dessus de la vie des gens? De la mienne? Un observateur, qui parle pas, qui pense sûrement pas, qui est juste là à regarder, qui perd pas une miette. Tu vois, pour moi, l’aura de cet endroit, ou peu importe comment on peut appeler ça, c’est un peu un double de toi. Quelque chose qui est là, près de moi, qui m’observe, qui m’accompagne. On peut pas communiquer, comme toi et moi. Je parle, je pense, et tu m’écoutes. Mais cet endroit, c’est comme si il avait trouvé le moyen de briser ce sens-unique, d’ouvrir une nouvelle voie.

C’est peut-être pour ça que j’entends rien, la route est pas encore construite, j’ai que des échos lointain, c’est encore en construction, faut creuser un peu plus pour que les voix portent jusqu’à moi. Peut-être que je devrais creuser. Ou me percer un trou dans le crâne, pour laisser l’air s’y infiltrer et me baigner d’échos.

« Oh, Enzo ! Hop hop hop on se réveille ! Je comprends, tu vois, sa présence peut être lourde pour certaine personne, mais faut pas se laisser crouler sous le poids de son âme ! Danse avec nous, laissez la vibe t’emporter et... »

Doppio. Sa danse m’envoûte. Ses excréments de boue me dégoûtent, mais tout ça, ça a un sens. Il suit un rythme, un rythme que je comprend pas, qui n’a pas de sens pour moi, mais qui existe bel et bien. C’est une ancre. Un phare. Je crois que je pige de mieux en mieux cet endroit. Je sais pas pourquoi c’est tombé sur lui, mais c’est pour sa pomme. Cette fois, c’est moi qui pose mes mains sur ses épaules gluantes.

« Doppio. Ou Craig, peu importe à qui je parle.
- Oui mon pote?
- Tu veux pas essayer d’arrêter?
- Quoi? Tu dérailles complétement là mon gars eh oh attention à ce que tu dis ! Tu veux m’empêcher de vibrer en écho avec la TERRE ENTIERE?
- Oui ! Tu vois, t’es comme une ancre. Ou un phare. Regarde ! C’est même écrit dans notre évangile. Tu me l’a mimé.
- Oui, c’est vrai ça ! Arrête d’appuyer sur mes épaules, tu m’empêches de dandinner du cul. »

Mes mains commencent à s’enfoncer dans son marais puant, tant pis.

« Justement ! Tu te déhanche dans tout les sens, tu libères tout ce que tu ressens, en temps normal, c’est cool, mais là, peut-être que…
- Qu’est-ce que c’est encore ces conneries? Je vous rappelle que mon navire se fait la malle. Si vous venez pas tout de suite, on vous laisse là comme des cons, c’est compris?
- Houla tu mets même Elizabeth en colère Enzo ! Ohlala, tu vois où ça nous mène ! »

Il commence à vibrer, ça creuse même un trou dans le sol. Je me suis trompé !

« Pas un phare ! Que je m’écrie.
- Quoi?
- Quoi?
- Une balise ! »

Je plonge mes mains dans sa boue ignoble, j’essaie de m’accrocher à quelque chose pour le faire tourner sur lui-même. Puis je relâche un peu la pression, il se remet à se dandinner, mais dans le sens opposé. Je le laisse avancer un peu, puis je l’arrête à nouveau.

« Eh oh je vais commencer à m’énerver là oh ça va bien tout ça tu veux quoi ENZO ! 
- Tu vibres encore plus.
- Ah ! »

Il creuse, sous ses soubresauts, le sol s’écrase, il s’enfonce de quelques centimètres.

« Je pense qu’on va dans la bonne direction.
- QUELLE direction?! »

C’est encore Annabeth qui s’énerve. Je crois que si je continue, je vais m’en prendre une belle.

« T’es connecté à cette île Doppio-Craig, contrairement à nous. C’est toi qu’ils appellent, hein? Tu vas nous mener jusqu’à eux.
- Qu’est-ce qu’on s’en b- commence l’impératrice.
- Il va nous mener jusqu’à ceux qui sauront nous remonter à la surface, » que je complète pour pas me prendre une droite.

J’ai compris ce que je fous là. Je sens mon âme se replonger à plein poumon dans mon corps, je reprends possession de tout mes moyens. J’y ai jamais vu aussi clair. Moi, j’entends pas, mais tout comme j’ai servi d’interprète entre la poésie de Doppio et le Monde, je vais servir de pont entre ceux qui ont un pied dans le Néant, et les autres. J’ai pas besoin d’entendre, pour ça, juste de ressentir. Et peut-être que l’appel qu’entend Doppio, il vient aussi de mes soldats. Faut pas s'arrêter en si bon chemin.

« Annabeth, danse toi aussi! »
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« - Hein ? »

Non, c'était tout ce que je pouvais dire là. On marchait sur la tête, je n'étais même plus maîtresse de mon propre équipage. Mon regard se faisait plus lourd encore sur Silence que sur l'homme-poisson et l'autre qui essayait de l'utiliser comme marteau-piqueur. Et maintenant je devais me joindre à leur petite sauterie ?

Une solution sous la surface. Aller plus bas pour remonter. Je ne croyais pas à ces conneries et d'ailleurs j'avais autre chose à faire : pendant que nous faisions les guignols, l'Anonyme mettait de la distance entre nous. Je n'avais pas envie de finir avec ces trois là à jouer à chat perché jusqu'à ce que quelque chose de surnaturel nous rende visite et ne s'amuse à nous utiliser comme des pages de livre.

J'envisageais en vérité de laisser la nonne où elle était, dans sa nef de fous. Ils voulaient danser ? Grand bien leur fasse, moi je me sentais encore connectée au monde réel. Ou presque. Des voix, des chuchotements, ils reprenaient. Ils me firent plaquer mes mains sur mes oreilles et leur crier de partir, là, au milieu de tout cela. Mon Haki était déréglé, je nageais en plein délire et ces hurlements sourds vrillaient mon crâne comme des clous qu'on y enfoncerait et retirerait sans sommation.

« - Ca suffit ! »

BROOOOM !

Quelque chose venait de se passer. Un tremblement de terre, une secousse pile là où se trouvait Doppio. Et il n'était plus là, au même titre que Lewis. Un nuage de poussière avait pris leur place et seule la silhouette de Soeur Silence faisait le lien entre les deux moments. Comment s'étaient-ils volatilisés ?

« - Silence ? »

Ma voix suffit à s'orienter dans le brouillard de sable et à nous rejoindre. Le sol était meuble ici, je l'avais senti sous mes pas. Un trou apparaissait distinctement à présent ; une bouche de ténèbres avait avalé les deux inconscients. La terre aux alentours n'avait pas l'air plus stable, je m'approchai sur la pointe des pieds.

« - Eh oh ! Vous m'entendez ? »

Rien. Pas un mot, pas un bruit, le duo d'énergumène avait disparu lui aussi. Rien qui ne m'inspire confiance, mais Silence ne l'entendait pas de cette façon. Elle s'approcha de moi et me fit des signes ; Alister traduisit tout en restant loin de nous, probablement par peur d'être aspiré à son tour.

« - Elle dit que c'est sans danger. On peut sauter.

- Écoute moi bien, il est hors de question que toi ou quiconque saute dans ce t- »

Elle sauta. Vraiment, elle n'était pas sourde pourtant, mais visiblement elle ne voulait en faire qu'à sa tête. Je ne pouvais pas mettre en danger les deux hommes ainsi que le reste de l'équipage pour les lubies de mon médecin. J'hésitais sérieusement à la laisser là et se débrouiller, cependant Burton me fit remarquer une chose :

« - Elle est partie avec la lanterne ! »

Et comme par hasard, le ciel, ou ce qui tenait lieu de ciel, s'était assombri et une sorte de nuit menaçait de nous envelopper. S'il y avait bien une chose que je ne voulais pas, c'était me retrouver à la merci de meurtriers sanguinaires, dans le noir, avec l'empathie en panne et mon équipage je-ne-sais-où. Entre ce trou et la « surface », la différence en termes de danger se réduisait.

« - Burton, tu n'avais pas une corde dans ton bagage ?

- C'était Pine d'Huitre qui l'avait, on n'a pas retrouvé son sac ! »

Et merde. Sur le bord du trou, je sondais davantage les profondeurs. Au pire, je pouvais m'en tirer avec un geppou, mais les deux autres...

« - On va sauter.

- Quoi ?

- Non...

- Si. On saute. Venez là ou je viens vous chercher par la peau du cul. »

Les menaces fonctionnaient toujours. Celles de l'Exsangue encore plus. Personne n'avait envie de me contrarier, sauf peut-être Craig qui possédait clairement un pet-au-casque. Nous étions tous les trois à guetter les ténèbres, indécis.

« - Vas y en premier, Alister.

- Pourquoi moi ?

- Tu es le seul à pouvoir communiquer avec Silence. »

C'était un faux prétexte, tous les trois nous le savions. Je n'avais juste pas envie de m'aventurer là-dedans la première. Un vent frais, remontant du trou, nous souffla tous les trois, crispant encore plus nos muscles et sapant les derniers élans de motivation. Allez.

« - Allez ! » tonnai-je en poussant le pauvre homme qui fit un plat dans la noirceur liquide et y disparut au bout d'une seconde.

Burton savait qu'il était le prochain ; il avait un peu plus de courage et souhaitait surtout ne pas être précipité dans l'abîme. Je le laissais fléchir les genoux plusieurs fois en balançant les bras avant de sauter comme un dauphin. La beauté du geste ne dura qu'un millième de seconde : la peur le fit perdre confiance en cours de route et il disparut dans une mimique épouvantable, comme désarticulé.

Bien, à mon tour donc.  Je sautai au-dessus du trou, rebondissant grâce au Rokushiki avant de me laisser plonger, pieds vers le bas, tête en haut. La chute sembla durer un temps infini et j'étais pratiquement sûre de me rétamer à la fin si je ne décélérais pas avec des bonds aériens successifs. Je prenais déjà en pitié les cinq autres qui m'avaient précédée... et pourtant en retrouvais trois en contrebas, là où un point rouge brillait. La lanterne de Sœur Silence.

De l'air remontait, sifflant et hurlant dans les grottes souterraines. Il ralentit ma chute sans que j'aie à faire le moindre effort, me laissant pratiquement planer à cinq centimètres du point d'impact tellement le courant qui longeait les parois était puissant. La flamme de la lampe à naphte peinait à garder sa forme sous ce vent.

« - Eh bien, j'imagine qu'on a eu de la chance... »

La nonne souriait, les autres non. Alister s'était même pissé dessus, mais personne ne riait. Personne n'avait envie de rire mille lieux sous les mers. La grotte se séparait en trois branches, impossible de savoir laquelle avaient pris les deux cinglés. La religieuse réfléchissait, mais je ne me sentais pas d'humeur patiente. Je rouspétai à qui voulait l'entendre :

« - On est bien avancés maintenant. On fait quoi ? On se perd dans un labyrinthe sous terre, loin de la surface, loin de toute civilisation ? À quoi pensais-tu, Silence ?! »

Mais elle ne m'écoutait pas, ça se voyait. Elle était comme en transe, plongée dans ses pensées et dans son monde. C'était inquiétant. Avec la lanterne, elle se déplaça et éclaira le troisième couloir qui se présentait devant ce qu'on pouvait considérer comme « l'entrée ». Puis elle fit des gestes à l'attention d'Alister qui traduisit :

« - Elle demande si tu te rappelles des chiffres de Doppio.

- Les chiffres de Doppio ? Qu'est-ce que c'est que cette connerie. Je ne me rappelle pas l'avoir entendu... Ah, attendez, si. »

Si, il avait donné des chiffres, une date plus exactement. 3,5 millions d'année, 4 mois et 21 jours ? Était-ce ça, qu'elle voulait ? Je lui exposai ma réponse, elle hocha la tête et s'engouffra dans la bouche précédemment illuminée. Je ne savais même plus si tout cela faisait sens ou si c'était juste un code secret prémédité entre les deux. Je voulais simplement partir d'ici...

...en les suivant dans la folie.
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Troublant... Hmm...

Étrange...
Quoi ?!!!
Ah ! Mollo Enzo, mon pauvre petit coeur... Pourquoi tu cries...
Désolé, c'est t'entendre, toi, trouver quelque chose étrange. Ça m'a... euh... surpris.

Je danse plus, je marche, c'est tout. Je suis léger, infiniment léger, je ne pèse rien. Je me sens... euh... Le Néant m'envahit, physiquement, je le ressens fluidifier mes pensées, tonifier mon corps. Je me sens chez moi. J'ai été engendré par ces cavernes. Ça devient limpide. C'est un fait ! Un fait rassurant, c'est bien... C'est plaisant, d'être de retour chez soi, après un si long voyage, à travers Grand Line, Dead End, à travers les arènes, à travers le sang, la boue, à travers l'espace noir, à travers les millions de nuances de la Douleur. Me revoilà à la maison, le cerveau chargé de friandises à partager, avec la certitude, si rare dans nos univers, que ce lieu et ses habitants me porteront toujours dans leur coeur.

Ce puissant sentiment d'Amour est en train de traire mes yeux : il y a des larmes, sucrées-boueuses, qui repeignent mes joues. Enzo voit ça, il le remarque, que je suis calme, que je chiale. Mon esprit est un tableau blanc sur lequel on écrit des poèmes. Enzo, inquiet, les ténèbres menacent de l'engloutir, mais il trouve en moi une lanterne. C'est serein que je place chacun de mes pas.

C'est le calme. Tu ressens ça ? Toutes les mélodies m'ont quitté. Reste que le silence, mais ce silence-là, il chante pas.

Comme quand t'es chez toi, la nuit, dans ton cocon reposant, en terre conquise. Tu sais qu'il n'y a aucun danger, et il se passe rien, démesurément rien, ça te fait du bien. Aucune question ne se pose. Aucun doute... Il n'y a que le Vide, par ses douces ténèbres il te dorlote. Et se faisant il prend garde, le Vide, à ne pas te brusquer. Ça contraste ! Et ça fout mal à l'aise Enzo, un homme d'action, il veut que ça bouge. Tout nerveux, il manque de se péter la gueule sur un galet, il déchire son joli veston sur un rocher phallique dépassant d'une paroi, aussi. Alors il peste un coup puis ça va de suite mieux, il continue à suivre, se cale sur mon tempo.

Ces cavernes sous-marines, des boyaux de pierre, suintant, de pois noire, de flotte rouge, plus on avance plus c'est rouge, plus tu crois être dans l'intestin d'un colossal et admirable animal, et si tu tendais l'oreille, tu sentirais presque la pierre palpiter. Cet endroit vit. Cet endroit souffrait de ne plus me voir. Je suis de retour. Je caresse la pierre, je continue à chialer, comme la petite pute que je suis... Mais quelle beauté...  

T-Tu sais quand même où aller, on dirait ? Tu le "sens" ?
Ah, non ! J'avance au pif.
A-Ah ?

Un léger froid s'installe ! Mais on continue à nous promener, comprimés par les ténèbres, tranquillou. La pierre rouge s'en amuse.

On est chez moi, tu peux te détendre.

Il n'y arrivera pas. Pas tout de suite ! Je vais le laisser faire sa transition, pépère, faut comprendre. Tout ça c'est encore très nouveau pour lui ! Et il apprend à vitesse grand V ! Rencontrer une âme aussi malléable, énorme coup de pot ! Nous arrivons au bout du voyage, Enzo, je te souhaite la bienvenue dans ma chambre.

... On devrait pas attendre Annabeth ?
Pourquoi ? Elle a la soeurette avec elle ! Un sacré morceau de femme. Si elle est pas bête et qu'elle suit les conseils de Madame Langue-Limace, elle nous retrouvera.

T'inquiètes pas ! Rien ne te fera du mal ici ! Ni à toi, ni à la soeurette, vous êtes mes invités d'honneur, mon petit prince et ma petite princesse.

Les autres, je sais pas encore ce qui va leur arriver ! S'ils font les bons choix, ils nous rejoindront, j'ai si hâte ! De contempler l'Éternité à vos côtés, de regarder l'univers s'effondrer deux fois, cinq fois, cent trente-deux fois, tout en nous empiffrant de pop corn.

Je pourrais lui raconter tellement d'histoires, tellement de comptines néantiques, je sais qu'il s'en lasserait pas. Je préfère lui donner du silence ! Il le meublera de ses propres pensées, de ses propres chansons. Nous marchons.

Nous marchons.

Nous marchons dix minutes ou six heures peut-être, ça pourrait aussi bien être trente secondes ou quatorze jours. Tu poses des mots sur tes concepts que tu voudrais pouvoir emporter partout, serrer dans tes bras comme un doudou quand la peur te griffe les tripes. La vérité est : le Temps ici est une blague, une seconde ça peut très bien être égal à un millénaire si t'en as envie, personne n'en a rien à foutre. Le Temps, tu le ranges au placard, on va plus s'en servir pendant un moment.

L'Espace aussi, tant que tu y es, c'est dépassé. Coordonnées x, y, z ? Mais tu sors d'où pour penser pouvoir résumer l'architecture de mon chez moi par trois dimensions ?

Nous marchons donc durant un temps indéterminable, sur une distance indéterminable, suivis de près par la soeurette que je devine pas loin du tout : si Elizabeth a été assez bêta pour la bouder, on la retrouvera jamais, ou alors dans un état qui est censé rester inaccessible aux êtres vivants. Et dans ce cas tant pis pour elle. Mais si non, si elle a bien suivi Langue-Limace, alors elle est pas loin, et j'espère grandement qu'elle apprécie la décoration.

Soudain, là, au fond du tunnel. Tu le vois ? Le phare dans ta nuit, Enzo ?

Go go go, Matthew ! On arrive !

La lumière se rapproche ! Je crois qu'elle se rapproche autant qu'elle s'éloigne, les perspectives sont- ben alors ? Mon Enzo-copain se plante net, bouche-bée, de la brume débordant de ses mirettes. Il fait une sorte d'AVC ?

Euh attends, comment tu m'as appelé ?
Quoi ? Ben, Enzo ! Enzo Versace, journaliste... Ça sonne si doux en bouche...
Ah, j'avais cru que... Non, euh, rien.
Hum...
Rien, vraiment. Mes oreilles qui déraillent...
C'est le manque d'oxygène qui te rend un peu toc toc.
Ça doit être ça.

La lumière se dandine dans les ténèbres. C'est une lanterne !
Et derrière cette lanterne, une ombre se dessine, pas humaine pas animale, un peu des deux : un congénère ! Ami poisson. Lui aussi nous a repéré. Son regard virevolte dans le vide, ses lèvres s'étirent, il sourit, il sourit et, ça se sent, il souffre horriblement en le faisant, sa peau semble se déchirer sous l'effort !

Mais il a vu Dopidop ! L'enfant du Néant, revenir à la maison après son éternité sabbatique. Alors il sourit, et tant pis si la peau ou la mâchoire doivent se tirer dans le processus !

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Frrl... Nous attendions VOUS... ! ENFIN ! Frfrrrl... Frrrl...

Des cascades de bave phosphorescente dégoulinent de sa grande bouche, on aurait envie de se doucher dessous. Il s'approche par petits bonds, chacun d'entre eux lui fait claquer ses os ! Sens-tu ce parfum, Enzo ? Ce gars n'a jamais du voir la surface de sa vie, il sent comme moi quand je me chie dessus, et ça arrive plus souvent que tu peux le croire, si tu veux tout savoir...

Honneur. Honneur. Rêve rencontrer vous depuis. 3,5 millions années. 4 mois. 21 jours. 87404 réincarnations. Honneur. Laisser Trapwsh'k-Zinshtok IV vous baiser palme. Frrrlll...

Il se prosterne, me tire brutalement le bras à m'en démancher l'épaule (ce qui est pas sans faire germer quelques sensations agréables !), puis commence à me dégueuler sa morve sur la palme, sa morve arc-en-ciel, glaciale, putride, délicieusement corrosive, roh la la la, mignon... Trop mignon ! Arrête, autant d'affection, t'es pas fou ? Tu vas me faire gonfler comme un ballon de baudruche, je vais m'envoler et tu me reverras qu'en lambeaux une fois que j'aurai pété dans la stratosphère... C'est ce qui va arriver je te préviens...

Quoi... est-ce... ? Qui est le humain ? Je sens odeur humain ? Frrl...
Enzo Versace, journaliste ! Mon scribe. Il transcrit mes émanations dans l'alphabet des siens !
Zoverach... ?
Bonsoir. Comme il l'a dit, je compile ses poèmes dans mon carnet.
Bonsoir ! Zoverach. Tu serviteur de l'enfant. Honneur. Tu accepté ici.
Enchanté... Honneur aussi.
Génial ! Allez, pète un coup Enzo, ce monsieur te veut pas de mal, mets toi à l'aise, laisse le te débarrasser de ton chapeau, montre nous tes petites mirettes...
Oui. Oui. Nous aimer beaucoup humains quand eux serviteurs des Abysses. Sinon, nous casser humains, en nourrissant Abysses avec humains, ou en utilisant humains comme réceptacles magiques dans lequel puiser essences rouges pour communion, pour invocation, ou pour faire blagues !

Boing ! Il bondit ! Marrant, il tient pas en place ! Il est excité par ma présence, bien normal, c'est l'effet que je fais aux vétérans du Vide. Il bondit, une fois, deux fois, s'accroupit sur un rocher pointu surélevé. Il nous invite à le suivre, son sourire ne dépérit pas...

Viens, l'enfant ! Viens Zoverach ! Je amène vous. Je guide dans tunnels. Je vous montrer quelque chose, puis je amène vous voir les amis. Je offre vous liquides divers si vous soif. Je ai petits gâteaux aussi. Cubes de grenouilles. Algues bénites. Ou colle noire amusante, qui suinte des murs et qui rend gogo.

Comme toi veux.
Non merci, mais c'est très gentil.

Il nous regarde sans nous regarder, ses yeux morts n'accrochent pas la lumière : pourtant il est pas aveugle, loin de là ! C'est frappant. Dans son déhanché précis, ses pas agiles, sa marche rythmée à travers les intestins de l'île, tu sens qu'il voit autrement, tu sens qu'il bondit d'une note à l'autre sur une partition millimétrée, c'est un pantin dont les fils sont très fins, infiniment fins, si fins qu'ils se faufilent sans souci à travers le tissu ténu de cette réalité... Qui est le marionnettiste ? ... La marionnettiste ?

Maman ?
Quoi ?
Nous organisation communion... pour réunir l'enfant et la mère. Vous aimerez. L'enfant aimera. Honneur. Plein fête. Plein à manger, pour bouche, pour nez. Plein musique, pour oreille, pour âme.
Utiliser essences rouges ! Humains bleus ont donné plein essences rouges. Bleu donne rouge. Rigolo, non ? Frrrll !

Il se marre, ce qui libère toujours plus de sa drôle de bave flashy par terre, sur les murs et sur nos fringues, ce bonhomme est une vraie fontaine psychédélique, j'aurais carrément envie de me servir de son hyperbave comme d'un shampoing, pour me concocter une jolie tignasse irisée... Je le suis dans son délire, ce gros déconneur nous sert des traits d'esprit de qualité supérieure ! Comment ne pas tomber sous le charme ? Ne sommes-nous pas là avant tout pour rire ?

Enzo a subitement perdu sa bonne humeur ! Bah alors, un petit coup de mou ? C'est vrai qu'on crapahute vachement... Je lui envoie une petite tapette dans le dos :

Demande lui des cubes de grenouilles ! Ça va te redonner du pep's !
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On continue d’avancer, je fais mine de bouffer la cubasse ignoble qu’on m’a gentiment tendue, mais je la jette derrière moi. J’étais curieux, et ben ma curiosité est sur le point d’être assouvie. On s’approche du cœur du mystère, du noyau, de la Source même. Ce qu’on va y découvrir, ça commence à se dessiner dans ma tête, petit à petit, trait par trait, c’est un tableau qui se peint sous mes yeux. On y voit une immense grotte, des hommes poissons comme notre nouveau pote par dizaines, voir centaines. Mes soldats, morts, en cage, sur l’autel sacrificiel. Et derrière eux, dans l’obscurité, qu’on ne peut voir que du coin de l’œil, en se concentrant suffisamment, en y croyant suffisamment, une paire d’yeux, plus noirs que la nuit encore, plus noirs que le vide spatial.

Je suis parcouru d’un frisson. Doppio lui semble faire comme à la maison. Il se sent si pénard que son marais s’écoule un peu au sol, ça traîne derrière-lui, il s’en fout, après tout, il est chez lui. Zinshtok semble le connaître. Mais il ne reconnaît pas Craig Kamina, non. Il reconnaît ce qu’il y a au fond de lui. Comme si il comprenait d’où il venait, réellement, cette chose qui habite feu le cadavre du révolutionnaire. Comme si il me regardait moi, et qu’il ne voyait ni Enzo, ni même Thomas, mais quelque chose d’autre. Ce sixième sens, c’est peut-être ce passage dont je parlais tout à l’heure, tu penses pas? Ces gens là sont capable de sonder les mondes et les gens, le notre, de monde, comme les autres. J’ai une nouvelle théorie. Tout ces types sont liés entre eux, comme le serait des escargophones. Et nous, on est étrangers. On est pas dans leur toile du Vide, on gravite autour, certains se rapprochent timidement, d’autres essayent de nager à contre-courant. Mais une chose est sûre, cette Toile nous attire, pour une raison ou pour une autre. Comme si l’araignée qui l’avait tissée avait faim, et qu’elle nous laissait que deux options. Faire grandir sa colonie, ou la nourrir. Si on ressort un jour d’ici, ce sera inévitablement et profondément changé.

Le sol de pierre et les murs vibrent sous mon toucher, encore plus sous le marécage doppien. Ca ne tremble pas vraiment, mais je le sens. A chaque fois qu’on se retrouve à un croisement, la poiscaille n’hésite pas et choisi l’un des embranchements sans y réfléchir. Doppio le suit, commente parfois. « Ah oui c’est vrai c’est par là hihi je me souviens maintenant », comme si il était déjà venu ici autrefois. Il y a très, très longtemps.

« Nous être bientôt arrivé. Nous faire grande fête pour retour enfant ! Enfant porter couronne fleurs.
- Oh, j’ai hâte ! Lança Doppio.
- Fleurs fanées, bouilli. Rien pouvoir pousser, en bas.
- Encore mieux !
- Vous mangez quoi? Que je demande, curieux.
- Nous manger nous. Ou autres. Ou insectes, ou crustacés ! Cubes et algues, aussi.
- Délicieux.
- Oui ! Nous trouvé cuistot. Cuistot fortiche ! Lui faire délicieux gâteaux. Vous goûter gâteau. »

Je préfèrerai manger mes pompes, mais bon. Je me gratte la tignasse, qui dormait depuis un bon moment sous mon chapeau. Je me sens à poil sans, mais Zinshtok a l’air d’en prendre soin, puis je voudrais pas froisser nos hôtes. C’est un coup à se faire sacrifier, je crois bien.

On débouche dans une grotte plus grande. Au loin, j’entends quelque chose. Pour de vrai, cette fois. Des sons, des vrais, des vibrations qui me parviennent jusqu’aux oreilles, par des messages du Néant. Ca siffle, ça parle, ça tambourine contre des machins à percussions. Ca raisonne sur les parois rocheuse, ça me fait vibrer l’âme, comme si j’étais soudainement rafraichit, revigoré, prêt à partir au combat. Le son s’approche au fur et à mesure qu’on avance dans ce dédale, et je commence à sentir la présence d’autres… trucs. Autour de nous. J’entends des grattements dans les murs, j’ai l’impression de croiser des paires d’yeux globuleux, qui disparaissent aussitôt.

« Nous observer vous ! Depuis arrivée de vous. Parfois même avant !
- Oui je l’ai senti ! S’exclama Doppio. Vous veillez sur moi depuis mon Réveil ! »

On change de direction, et on tombe nez à nez avec ce que je pourrai pas décemment appeler un village, mais presque. Y’a des tentes sur les côtés, faites avec une matière que je saurai pas identifier, et je suis pas sûr d’en avoir envie. Si c’est pas des tentes, c’est d’immenses creux faits dans la roche qui servent d’abri. Y’a quasiment pas de torche, les gens d’ici vivent et s’imprègnent de l’obscurité. Je vois des ombres ramper près de nous, autour de nous, derrière nous : ils commencent à nous suivre, chuchotent, crachent, s’exclament. Certains, pris par surprise, se mettent à genoux sur le passage de Doppio. QUI c’est, au juste? Plus je regarde, plus mes yeux s’habituent à l’obscurité, et plus je me rends compte qu’on est pas dans un simple couloir habité. C’est immense, ici, ça part dans tout les sens, ça grouille de vie. Ca monte, ça descend, un vrai labyrinthe. Puis on fini par arriver face à une grande porte, immense même, trop grande pour avoir été construite par eux, ici.

Et dessus, un étrange symbole que je m’empresse de noter sur mon calepin. Il commence à être vachement rempli, ce machin.


Dégringolade Png-tr10


Doppio hoche la tête en contemplant la structure. Derrière-elle, je peux entendre les tambours résonner jusqu’ici, et des chuchotements. Pleins de chuchotements. Ca ne s’arrête pas, le son grandit, me perce les tympans. Je secoue la tête. Plus rien.

Notre guide se retourne vers nous.

« Zoverach pas avancer. Nous offrir cubes à Zoverach, pour lui attendre sagement.
- Hein?
- Nous préparer enfant pour cérémonie. Cérémonie être secrète ! Préparation encore plus ! Humain rester ici avec autres amis.
- Désolé mon pote, c’est le code c’est comme ça tu sais ce que c’est ! Fait nonchalamment Doppio, curieux de voir ce qui va suivre. On se revoit de l’autre côté allez zou ! »

Fait chier, j’aime pas ça. Déjà parce que me retrouver seul avec ces… choses, ça m’enchante pas, mais en plus, je suis persuadé qu’une bonne partie de mes soldats se trouvent derrière cette putain de porte qu’à rien à faire là. Je laisse Doppio et l’autre s’éloigner, moi je fais demi-tour, face au proto-village dégueu. Je m’avance, mains dans les poches, je fais celui qui est censé être là, je salue deux ou trois poissons qui me regardent au loin.

Je me dirige vers là ou y’a le plus de lumière, c’est à dire pas grand-chose, si ce n’est un minuscule brasero dont les maigres flammes dansent timidement selon les courants d’airs qui pénètrent les grottes. Et derrière, d’autres silhouettent, dont une plus… je sais pas. Plus commune? Alors je m’approche, puis leurs visages se découvrent devant moi. Une homme-poisson, avec deux antennes qui pendent devant lui et qui se terminent par deux petites boules lumineuses, et à côté, un humain. Non seulement ce type est humain, mais en plus, il était avec moi sur le navire.

« Bonjour, Zoverach, » fait l’homme-poisson.

Comment il connaît mon nom, lui?

« Vindiou, Agent James !
- Salut, Bertrand, que je fais sans relever.
- Alors ça pour une surprise ! »

On se sert la main. C’était un matelot, un de ceux qui ont failli se noyer pendant la tempête. Un gars sympa. Mais je vois plus la même lueur dans ses yeux que sur le navire. Il a changé.

« Qu’est-ce que tu fais là mon vieux? Et les autres?
- Sacrée histoire ! Et une longue, même ! Tu vois, on était aveugle, Matthew. Ces gens, ils… ils nous ont rendu la vue. Je vois, Thomas ! Pour la première fois de ma vie, je vois ! Vindédieu, c’est magnifique.
- Y’a d’autres survivants?
- Oui ! Y’a Jean, là-bas, qui aide à préparer des gâteaux. Puis y’a aussi Fred, un peu plus loin.
- Et le capitaine? Et les autres agents?
- Euh…
- Quoi?
- Ils ont survécu au naufrage, eux aussi, mais…
- Mais?
- Mais humains pas vouloir voir ! Intervient l’homme-poisson.
- Et donc?
- Alors si eux pas voir, nous offrir eux. »

J’en demande pas plus. Je comprends. Merde. Déjà morts? Ou alors ils vont servir d’ouverture pour la cérémonie? Ces gars-là ont su rester lucide, si y’a encore moyen de les sortir de là… Puis d’un coup, je me souviens.

« Et notre navigateur?
- Ah ! Alors lui…
- Lui être Z’pechtu ! Z’pechtu humain, mais que dehors ! Lui être nous. Lui être guide. Guide pour vous ! Lui comprendre, quand venir ici, avant. Avec autres.
- Vous savez où je peux le trouver?
- Lui parti ! Parti en HAUT ! Avec autres humains. Lui voir habitants. Histoire pour plus tard. »

Je rapproche mes mains du feu, mais ça me réchauffe pas. J’ai froid en dedans. Quelque chose ne va pas. Je sens plus rien. Maintenant que je suis au centre du Monde, on dirait qu’il cherche plus à m’atteindre, que je suis comme les autres débiles ici, maintenant. Je ressens un vide en moi que j’explique pas. Comme si il me manquait quelque chose. J’ai besoin d’en savoir plus, de m’aventurer plus loin. Sous les tréfonds. Plus bas, encore. Il y a quelque chose. Ca ne peut pas être tout. Derrière cette porte, il faut que j’aille derrière cette porte. Bertrand me sort de mes pensées.

« Parait qu’il est de retour.
- Qui?
- L’enfant. L’élu. L’Unique. Il a plusieurs noms, ici, je les ai pas encore tous compris.
- Doppio?
- Ce nom !
- Quoi?
- Faux ! Siffle l’homme-poisson comme si il souffrait. Faux nom ! Nom mortel ! Nom d’en haut ! Nouveau nom, après. Vrai nom. Ancien nom. Seul nom.
- Ils vont le baptiser, traduit Bertrand. Pendant la cérémonie.
- Il va se passer quoi, au juste? »

Bertrand se rapproche, l’homme-poisson qui trifouille je sais pas avec ses palmes fait pareil. Il chuchote.

« Cérémonie ! Enfant, renaître ! Oui ! Lui sortir de carcasse. Vil carcasse ! Poids ! Comme nous ! Lui s’élever. Puis tomber. Oui, tomber ! Néant. Nous faire grand feu ! Briser carcasse de lui ! Fondre ! Lui devenir libre ! Redevenir lui ! Récupérer forme ! Comme avant. Comme 3,5 millions années avant. 4 mois. 21 jours. Nous libérer enfant par flammes du Vide. Enfant mort, vive enfant ! »

Et bah merde, alors.
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Rien ne ressemblait plus à des boyaux caverneux que d'autres boyaux caverneux. Par chance, nous avions une lampe, nos prédécesseurs non, nous pouvions donc voir où nous mettions les pieds. Il semblait que nous nous enfoncions progressivement dans ce qui semblait être des grottes cristallines à l'origine, un endroit où les richesses poussaient naturellement : du quartz en pagaille et peut-être même du diamant. Toutefois, la beauté des lieux laissait de plus en plus place à quelque chose de nonchalant. Et puis nous arrivâmes devant un nouvel embranchement, plus spécial, plus marqué. Quelqu'un était venu ici, probablement pas aujourd'hui, peut-être avant.

« - Cette sortie-là était barricadée, » remarqua Burton, pertinent comme toujours dans ses observations.

On avait enfoncé une myriade de clous dans les innombrables planches brisées comme si le charpentier qui avait fait ce chef d’œuvre s'était efforcé de contenir un mal intense. J'eus un frisson. Comme par hasard, des chuchotements émanaient de l'endroit.

« - Vous entendez ?

- Non. »

Elle si. Elle semblait subjuguée... un instant. Une lueur de doute passa rapidement dans ses yeux, pratiquement imperceptible pour les autres mais pas pour moi. La religieuse montrait toujours une certaine euphorie, mais n'était plus si sûre d'elle. Que pouvaient dire ces voix ? Un texte différent de celui que j'avais entendu en arrivant. Je m'efforçais d'oublier que j'avais entendu les bruissements et ils disparurent, s'évanouirent dans les ténèbres.

J'inspectais un peu plus les reliefs de la barricade : on l'avait forcée de l'intérieur. Ce qui nous attendait n'était clairement pas pacifique, mais ça on le savait déjà. Sauf qu'il n'aimait pas non plus rester enfermé ou coupé du reste du monde. Toutefois, arrivés à ce point de l'aventure, nous n'avions pas le choix. Il fallait aller de l'avant.

« - Burton, prends la lanterne, tu passes devant.

- Pourquoi moi ? C'est vous la plus forte ici, Capitaine.

- Parce que je... je l'ai dit, c'est comme ça. »

Je n'aime pas la noirceur ni ce qu'elle cache, je n'aime pas les fantômes, je n'aime pas les choses qui murmurent dans les ténèbres. Je n'aime rien de tout ça et là j'avais les pétoches, cela devenait difficile à dissimuler. Prise de compassion, la nonne posa discrètement sa main sur mon bras, essayant de m'intimer que tout allait bien, mais je lui renvoyai un regard qui voulait dire : « Je sais que la peur te gagne toi aussi, n'essaye pas de me mener en bateau ». Elle se retira donc en feignant de tendre la lampe à celui qui avait pris la tête de l'escouade, lequel avait déjà la main dessus mais prenait tout son temps pour retarder l'inévitable.

Et puis un hurlement retentit devant nous. Une masse sombre venait d'apparaître et la moindre once de courage que Burton avait réussi à réunir se transforma en trois petites gouttes dans ses chausses. Alister, qui avait déjà vidé sa vessie dans la descente, fut pris d'une crise de panique et détala dans le premier boyau venu sans nous attendre, sans même un regard en arrière. Comme cela, nous venions de perdre le seul d'entre nous à pouvoir faire l'intermédiaire avec la nonne qui nous avait conduits jusqu'ici. Par la force des choses, je fus contrainte de passer devant, adressant une posture de combat, prête à éclater le premier esprit qui voudrait aspirer mon âme.

Mais il n'y avait rien de tout cela. L'ombre se dessina progressivement : un costaud à la quarantaine passée qui boitait dans notre direction, une grimace sur le visage, les vêtements troués de partout. Sa dégaine ne disait rien qui vaille, mais au moins il avait l'air humain. Et ses hurlements étaient vraisemblablement liés à sa cheville toute tordue... pourtant, son expression n'était pas uniquement celle d'un homme qui souffre, mais aussi celle de quelqu'un qui prend son pied.

« - Qui va là ? » hasardai-je en direction du nouveau venu.

Je restais prudente, l'individu se servait d'une batte en acier comme d'une béquille et celle-ci avait l'air d'avoir déjà servi... beaucoup servi même. J'avançais prudemment, toujours sur mes gardes, mais certaine d'être face à un ennemi que je pouvais vaincre sans trop de difficultés. Peut-être le comprit-il lui aussi, car il s'arrêta soudainement, portant sa main en visière pour essayer de voir au-delà de l'éclat de la lampe à naphte.

« - M'sieur Doppio ?

- Perdu. Alors tu es l'un des membres de l'équipage de Craig... Maintenant que j'y pense, il me semble t'avoir vu à bord du convoi.

- Aaaaah ! Vous êtes le met séduisant qui administrait de conséquantes « tartines de pur plaisir » au chef ! Oui, il m'a éclairé à votrer sujet. Eli... elizabeth, c'est bien ça ? Dites moi, n'auriez-vous pas croisé le Maître du FUN, à tout hasard ? »

Un peu loufoque, étrange, je me rappelais qu'il n'avait pas hésité à utiliser ses dents lors de la bataille et qu'il ne s'en était visiblement pas tenu qu'à une simple morsure. Encore sur mes gardes, je me laissais aller à lui révéler l'intérêt de notre présence sous terre. Ses yeux s'illuminèrent :

« - Peut-être bien que sa route a croisé celle des « habitants des profondeurs », comme je les nomme. C'est vrai que je leur trouve un air de famille, il est possible que ce soit ça. Plus tôt, ils ont tenu à nous accueillir chaleureusement et sont partis avec les autres ; ils affirmaient qu'ils reviendraient me chercher car, comme vous le voyez, je suis incapacité... mais force est de constater que j'attends toujours. Alors j'ai décidé de prendre le taureau par les cornes et en m'aventurant dans ces grottes obscures, je me suis perdu. »

Triste histoire. Je ne pris même pas la peine d'afficher un air désolé, mon cerveau s'était arrêté aux habitants des profondeurs.

« - Tu saurais nous montrer par où ils sont partis ?

- Je n'en ai malheureusement aucune idée. Je pourrais essayer de vous guider, m'dame Elizabeth mais, comme dit, je n'ai même pas réussi à retrouver mon propre chemin. »

À mes côtés, Soeur Silence s'agita. Malheureusement, personne ne pouvait retranscrire ses paroles, maintenant qu'Alister nous avait fait faux bond. Je notais de lui faire passer l'envie de déserter la prochaine fois en lui faisant compter les jours, saucissonné au grand mât... si nous le retrouvions. Et lorsque tout cela serait terminé, évidemment. Cela faisait beaucoup de « si ».

« - Votre attendrissante amie que vous voyez là vient de dire que les voix se faisaient suffisamment claires pour qu'elle puisse nous guider jusqu'à elles, » déclama Jean-Claude comme si de rien n'était.

Je restais sur le cul :

« - Vous parlez la langue des signes ?

- C'est par ce biais que je communique avec les animaux, m'dame Elizabeth. Vous savez, ils sont beaucoup plus doux que les humains... sauf peut-être d'un point de vue purement gustatif. Aucune chair n'est aussi suave qu'un petit filet pris sous la cuisse, juste là, vous voyez...

- Capitaine, je le sens pas ce type. On peut peut-être rebrousser chemin ?

- La ferme, Burton. »

Vu la situation, mieux valait rester diplomate, même avec un cannibale. Comme l'autre n'avait pas l'air de vouloir bouger, je saisis la lanterne et ordonnai à la religieuse de passer devant moi. Quelque part, la présence de Jean-Claude me rassurait pour une raison qui m'échappait. Je savais désormais qu'il n'y avait pas que des monstres dans ces grottes. Enfin, quoi que...

« - Jean-Claude, si vous tentez quoi que ce soit, soyez sûr que je m'assurerai personnellement que vous ne puissiez plus jamais mâcher quoi que ce soit.

- Oh ne vous en faites pas, m'dame Elizabeth, je suis un véritable gentleman ; comme vous, j'ai des valeurs. Les belles gens des profondeurs m'ont aussi promis que l'on pourrait ensemble déguster la chair de ceux qui ne voulaient pas entendre les voix. C'est tout dans mon intérêt de les retrouver, ainsi que m'sieur Doppio. S'ils le souhaitent, je leur montrerai même comment préparer de magnifiques rôtis... »

Nouveau frisson. Je n'avais aucune idée d'à quoi ces fameuses ombres résidant dans les souterrains pouvaient ressembler, mais plus ça allait et moins je voulais les rencontrer. Et je crois que Sœur Silence aussi, désormais...
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Toi désirer plus cubes ? Toi veux colle noire ?
Colle noire oui !

La colle noire tu l'avales pas, attends je t'explique : tu la laisses macérer sous ta langue, tu la sens brûler sans feu, elle se glisse dans tes veines puis, se tape des courses infernales à bord de tes globules. Tu vois des stries sombres asticoter tes grosses artères, et, tu laisses mijoter quelques minutes. Après ton esprit deviendra plus léger encore, même s'il ne pesait rien à la base, sa masse sera négative, il s'affranchira des dernières ficelles qui le reliaient à la réalité... La colle noire c'est ça... Une libération absolue, une lente ascension... La destruction méthodique du puzzle qu'est ton Être et la destruction ainsi de tout ce qui te sépare du Néant...

Encore plus de colle noire !

Je n'ai jamais été Craig Kamina, ils ont été nombreux à en douter alors que c'est d'une évidence insolente.
Je ne suis plus Doppio, c'était mon identité hybride, que j'utilisais pour interagir avec les non initiés !

- Comment toi sens ?
Continue. Tes dessins chantent sur ma peau, je les entends. Continue ! Fais de moi un orchestre.
-Toi entendu l'enfant ! Ferme bouche ! Continue !

Ils s'affairent autour de moi, les petits ouvriers des ténèbres, l'un d'entre eux, un poisson rouge, bricole une magnifique architecture à même ma peau. Il fait de mon corps une cathédrale qu'ils s'empresseront très bientôt de vandaliser. Des pots tout autour de moi contenant des pigments présentant un florilège exhaustif des nuances de noir et de marron, ces nuances s'étalent sur l'ensemble du spectre visible ainsi que dans les colorisations du Vide. De palmes de maîtres, mes serviteurs, possédés ! Excités ? Enivrés ! par ma présence, dessinent de complexes formes dont la géométrie me rappelle celle qui régnait dans le ventre de Maman.

Pendant ce temps, deux gros blobs dégoulinants rafistolent une robe de cérémonie, une énorme toile de viandes et d'os, fabriqués à partir de matériaux qu'ils ont probablement emprunté aux intrus qui se sont faufilé dans le sanctuaire. Derrière les pilliers de roches rouges qui soutiennent la caverne, j'entends les fidèles murmurer, se prosterner, pleurer de joie ou de folie. Ils m'attendaient tous depuis si longtemps. Une attente insupportable, au coeur de cette antre, sans accès autre à ma lumière qu'un lointain souvenir. J'entends les larmes fondre sur leurs joues. De temps à autre, certains poissons cherchent à m'approcher, complètement submergés par leur saine passion pour mon Être. Ils se font arrêter par le gros homme-orque qui veille à ce qu'aucun parasite ne perturbe la concentration des préparateurs. Arrêter, ou mutiler, car la force inexorable de ses bras déchire la chair comme du papier ! Pour l'avoir vu à l'oeuvre... L'avoir vu dépiauter des têtes, des bras, des jambes, comme si c'était rien... Je te le dis... Cette bête est un chef d'oeuvre, façonné par de vrais artistes du Néant...

Le vois-tu, le gros homme-orque ? Tu ne reverras jamais d'animal aussi musclé de ta vie. Il n'a jamais calé le moindre mot, c'est parce qu'il est un automate, un étranger au culte, qu'ils ont gavé de colle noire jusqu'à ce qu'il devienne l'un de mes adorateurs -tu ne reverras jamais d'animal aussi musclé de ta vie mais malgré sa plastique magnifique, ne t'attache pas à lui : son âme, ils lui ont arraché il y a bien longtemps.

Je patiente en les regardant travailler, enfoncé dans le trône qu'ils m'ont confectionné, qui est d'une douceur surnaturelle... Zinshtok satisfait mon appétit tout en marmonnant les prières habituelles, celles qui creusent dans l'esprit pour le vidanger de tout son gras inutile.

Colle noire pour l'enfant. Encore. Toi aimer ? Vouloir plus ? Honneur.
Apporte plus de musiciens, la mélodie se tare, plus tu l'écoutes et plus elle s'épuise, plus de musiciens !
Mais plus assez instruments. Cadavres chantants et vibrants : plus du tout.
Et les corps des musiciens eux-mêmes ? Ils peuvent chanter et vibrer à l'unisson avec leurs instruments non ?
Avez entendu enfant ? Chant ! Vibre ! Plus ! Frrrffrl... !

Mon petit concert privé, composé des harmonieuses discordances vomies par des humains secs reconvertis ingénieusement en instruments à corde et à vent, est mené par la crème mélomane locale, six castrats qui se sont volontairement privés de tout leurs sens sauf l'ouïe, s'ouvrant ainsi aux accords les plus profonds du Vide. Naturellement, sous l'injonction de Zinshtok, ils accordent mutuellement leurs carcasses qui étaient déjà à demi-mortes, réarrangeant leurs os, leurs chairs et leurs veines. Lorsque les corps sont correctement accordés, une petite dizaine de secondes plus tard, leur supplice éclate en une orgie de merveilleux sons, beaux et déments.

Puis tu écoutes ces fascinantes sonorités, et plus tu en veux : c'est un alcool, une drogue dure, une colle noire pour les tympans, pour l'âme...

L'enfant satisfait ?
Magnifique ! Génial ! Ces loustics sont de sacrés musicos.
Bien ! Bien ! Honneur.

Soudainement, je tique. Je regarde le petit poisson rouge maladroit, actuellement en train d'orner mon épaule gauche de démoniaques croquis, de superbes croquis évoquant les trois mille cinq cents scénarios de Fin des Temps existant simultanément pour cet univers.

Le pot de marron "flagrance rampante" lui glissera des palmes. Le pot lui glissera des palmes, dans un futur immédiat. C'est déjà décidé, c'est un évènement déjà codé dans la trame de l'univers, que j'aperçois du coin de l'oeil.

Lorsqu'il tombe, je l'ai déjà rattrapé, avant même que la gravité de leur planète n'ait le temps de se dire "ah eh, là c'est à moi de jouer, ouais, haha !", chose qu'elle se dit habituellement en une pincée de picosecondes.

- FRRZAHID'K NUX ! QUOI TOI BRANLER ENCORE ?!
- TOI VEUX DEVENIR RECEPTACLE MAGIQUE, QUOI ?!
- Je pardon, moi stupide ! Je pardon...
Fais attention, Nux. J'adore ce marron, j'aurais été triste de le perdre.
- Je pardon, moi stupide, je p-pardon, je...
Stop ! Ce n'est pas grave. Continue à dessiner, comme tu le faisais jusque là. Replonge dans ton Art. Tu me régales.

Mes tatouages vibrent, se meuvent, chantent, et je souffre à l'idée que les gros patapoufs tisseurs ne parasitent cette chaotique beauté avec leurs cordes vocales criardes. Je ressens jamais ça, d'habitude, cette, cette. Cette ! Comment t'appelles ça ? Cette haine. Je voudrais que ces deux sacs de foutre dérivent pour toujours dans l'espace noir, seuls et fous, je le voudrais tellement !

Ce n'est pas grave... Mais, par contre, par contre vous deux, si vous recommencez à me hurler dans les oreilles, je rendrai vos cellules à Maman, et elle en fera des bestioles plus mélodieuses, des asticots par exemple, ou des tardigrades.
- AaaaAaah ! Grâce ! Nous pas vouloir offenser vous ! L'enfant colère ! Nous pardon !
- Nous p-p-pardon ! Nous demand-der grâce !
Fermez-là, d'accord ? J'aurais vraiment préféré que vous n'existiez pas.
Si Grol'kul et VilMornsh contrarient toi, moi peut user eux comme réceptacles magiques.
Je les tolère pour l'instant ! Mais s'ils refont une connerie, d'accord, tu les ouvriras pour collecter leurs essences, mon pote !
Frrrlllrll ! Magnifique !
- Nous p-p-pardon...

Je suis attendri, devant ce petit poisson rouge maladroit, je crois que j'ai été comme lui, avant, avant d'étaler mon âme à travers plusieurs plans. J'ai souvenir d'une époque où j'étais aussi vulnérable que lui, sinon plus, malmené par les caprices de ce salopiaud d'univers ! Jusqu'au jour où j'ai réussi à en sortir.

J'ai moi aussi été un petit poisson terrorisé au fond d'une grotte, n'est-ce pas ?
C'était lui, Doppio, le premier Doppio, l'original, qui a foulé ces sols bien avant que la surface ne commence à respirer.

Oui... Je me souviens ! La colle noire clarifie les échos de mon âme et j'aperçois distinctement des images ternes, des sons maussades, je les aperçois loin, loiiiin à des centaines de millions d'années de distance. Doppio était un petit poisson préhistorique, lentement consommé par l'obscurité, la faim, et la peur. Il a déniché ici-bas un moyen d'être Plus, infiniment Plus que tu ne peux le concevoir ? Comment ? Comment avait-il fait, encore ?

Je te raconte la génèse du vrai Doppio, celui d'il y a bien longtemps, un animal, con et terrorisé, partiellement conscient, qui accéda par accident à la transcendance.

Qui découvrit le Fun, lové au fin fond de ces cavernes. Comment avait-il fait ?
Le Fun l'embrassa. Peut-être qu'il l'attendait, ou bien tout n'était qu'un hasard ?
Durant des centaines de millions d'années alors, il trouva la paix auprès de sa nouvelle mère, loin de l'absurde amer de son océan natal : réfugié dans les coulisses de l'univers qui devinrent son Eden, le petit poisson était désormais un avatar du Vide.

Je ne suis pas nostalgique, ni du Doppio préhistorique, ni du Doppio présent.

Doppio, je ne me sens plus proche de lui. Je n'ai pas envie de me souvenir de cette malheureuse créature.

Je déteste cet univers qui ne pardonne pas la faiblesse de ses enfants. Heureusement, le Vide m'a sauvé. Aimons le autant qu'il nous aime. Chérissons le !

Nux ? C'est ça ton nom hein ?
- O-Oui ?
Garde espoir, Nux.
- Espar ? Quoi être ?
Espoir. Même quand tu es triste, ou que tu as peur, tu peux continuer à imaginer un lendemain qui sourit.
Garder espoir, sourire au futur, croire en tes frères, semer ton Amour même dans les déserts stériles, rester une lumière au fin fond des ténèbres, c'est ça, je crois, la vraie transcendance.
- Beuh frrrl ! Nous rien comprendre ! Vous utiliser autres mots ?

...

Désolé ! Un relent. Un fragment de mon existence mortelle surnageait dans mon Vide !

James, mon scribos ! Il connait pas l'histoire du petit poisson terrifié qui devint un dieu cosmique... Ça ferait une super préquelle.

Préparation presque finie ! Nous inviter tout le monde pour banquet, rituels, fêtes, pour attirer la mère ! Quand la mère arrivera, flammes du Vide jailliront, l'enfant renaîtra ! Peuple des abysses sera tous là. Humains gentils aussi. Humains aveugles aussi, mais mélangés à gâteau, fffrrrffrl ! Miam miam !
La soeurette, Elizabeth et les copines sont là ?
Quoi être ?
Non ? Ben merde elles sont graves en retard, j'espère qu'elles ont pas eu de problème sur la route... Vous les accueillez bien quand elles débouleront, hein ? Tapis rouge !
Rouge comme essences ?
Oui !
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Me v’là dans de beaux draps. Mon navigateur, loin d’ici, mes soldats, soit crevés, soit sur le point d’être sacrifiés, soit devenus encore plus timbrés que moi.

« Zoverach !
- Oui mon brave?
- Moi apprécier toi. NOUS apprécier toi !
- Ah oui?
- Ah oui ! Toi MARRANT ! Plus que humains DEBILES !
- Merci.
- Merci toi ! Toi écrire !
- Oui, c’est vrai.
- Toi écrire moi ! Toi écrire histoire nous !
- Tu veux que j’écrive ton histoire? »

Je l’écoute avec attention. L’homme poisson à antennes est devenu un bon pote. Il m’a parlé de leurs rituels, c’est vraiment horrible. Horrible, et horriblement intéressant. Parce qu’à les entendre, lui et ses histoires, on dirait qu’ils ont toujours été là. Avant tout le reste, tu vois? Avec nos civilisations. Même cette porte, d’aussi loin que remontent leurs traditions, elle a toujours été là. Et d’après leur approche du temps, ça remonte à une époque où les outils n’existaient même pas. Tu comprends? Rien n’est possible, ici. Il manque quelque chose. Et ce quelque chose, je veux mettre la main dessus. Ecrire leur histoire, ce serait une aubaine. Même si je comprends pas bien ce qu’il veut en tirer.

« Toi suivre moi ! Moi guider Scribe jusqu’à TUNNEL. Tunnel sacré ! Presque comme temple. Tunnel histoire ! Gravures ! Peintures de SANG et chair !
- Hm… Comme un musée?
- Musée. Humain employé mot compliqué.
- Je te suis.
- Hm… Musée. Oui ! Musée. »

Il se déplace vite, chaque pas sonne fait ploc, ploc, ploc. J’essaie de le suivre, mes yeux s’habituent presque complétement à l’obscurité. Par contre, je m’habitue toujours pas à l’odeur, va falloir que je fasse avec. Pendant que je lui colle au train, dans ce dédale, je réfléchis à la suite. Satisfaire ma curiosité, c’est une chose. Trouver le moyen de sortir d’ici et de retourner à la surface, c’en est une autre. Et si en plus faut que je sauve mes deux trois soldats encore vivants… Tout seul, je risque de rien faire, à moins que… A moi que Doppio, ou Craig, ou peu importe qui il est réellement ne nous aide. Il est important, pour ces poiscailles. Ils l’attendaient, ils l’écouteront. Du moins, ils l’écouteront jusqu’à ce qu’ils le crament pour de bon. Toujours pas de nouvelles, d’ailleurs. Bertrand m’a affirmé que le Rituel aurait lieu dans peu de temps. Si quelque chose doit se passer, ça sera à ce moment là.

« Dis, l’ami.
- Zoverach dire quelque chose?
- Ouais. Normal que j’ai les pieds dans l’eau?
- Oui ! Beaucoup eau, ici. Immergé !
- Y’a toute une partie immergée?
- Oui ! Beaucoup ! GRAND village !
- Beaucoup… beaucoup?
- Moi pas savoir compter ! Mais moi connaître humain intelligent, une fois ! Lui dire quelque chose. Lui dire tentes derrière nous être un millième de village. »

Je me sens minuscule, tout d’un coup. Une proie. Et plus on s’enfonce, plus l’eau monte, et plus mon cœur se remet à battre, au rythme de quelque chose, de quelque chose que je peux ni voir ni entendre, seulement ressentir. Loin des tentes, loin du village émergé, loin de tout, se tapit quelque chose, quelque chose endormi depuis bien trop longtemps, quelque chose qui hurle dans son sommeil. Les échos de ses cris me traversent l’échine, me font dresser les poils de bras. Je pose la main sur l’une des parois rocheuse, pour reprendre mon souffle. Marrant, ce relief.

« Voilà ! Zoverach, tunnel histoire. Musée ! »

Devant nous, le tunnel s’agrandit, jusqu’à former une grande salle à peine éclairée. L’eau coule le long des murs, retombe sur le sol, puis se dispersent dans des failles ici-et-là. Je remarque deux ou trois hommes-poissons qui prient, dans les coins. C’est désordonné, ça n’a ni queue ni tête, mais les sculptures à même la roche racontent quelque chose, j’en suis sûr. J’y retrouve parfois les symboles qui étaient inscrits sur le cadavre de Pine d’Huitre, à la surface, mais dans des ordres différents. Je sors mon carnet, je prend des notes, je regarde partout, je m’y perds, mes yeux virevoltent, ma tête chauffe, surchauffe, refroidit quand je me rends compte que ma piste ne mène nul part. Je creuse encore, je me permet d’effleurer les gravures des doigts, ça vibre. Mon pote poisson m’observe, à l’entrée de leur musée, il me regarde, je vois ses yeux dans la pénombre grâce à ses lampiottes.

Moi, quand j’y vois rien, je touche, comme un aveugle qui lirait du braille, et d’une manière ou d’une autre, ça me permet d’y voir plus clair. Je sens les schémas se former sous mes doigts, les répétitions, les formes, les cycles. Je bénis l’absence de lumière, parce que dès le moment où j’ai arrêté d’y regarder avec mes yeux d’humains, j’ai commencé à comprendre. Rien n’a de sens pour nous, pour moi, parce que ces inscriptions n’ont pas été faites pour être comprise par notre esprit étriquée.

Je comprends peu à peu le sens. Ca ne se lit pas dans un sens unique. Tout n’est que répétition. Le temps, pour eux, n’existe même pas, c’est qu’un concept lointain. Je note, ma main me fait mal, tant pis, je veux pas en perdre une miette. Je suis à deux doigts d’en savoir plus. Puis je m’assois à même le sol, à côté d’un zigoto qui prie avec toute la ferveur du monde. Et j’arrange mes notes, j’écris, je traduis comme je peux, en essayant de ne rien perdre.

Le Néant n’apparait nul part sur les inscriptions, et pour cause, le Néant, c’est la roche, le Néant englobe tout. A l’origine, maintenant, des siècles après nous. Et puis, à un moment, pas à un moment donné, mais plutôt quelque part, dans l’immense Toile du Vide, est apparu un lac, et de ce lac naquit un minuscule organisme, seul, faible, apeuré. De cette peur naquit le besoin, et de ce besoin naquit un appétit. Un appétit insatiable, un appétit grandissant, aussi grand que le lac, voir plus encore. L’organisme, dévorant tout ce que le Vide voulait bien lui apporter, cessa d’être faible, et d’être apeuré, mais sa faim grandissait toujours plus. Et pendant que le Monde autour de lui se formait, se déformait, voyait naître des milliers, des millions voir des milliards d’espèces, lui grandissait toujours, les âges et les airs n’étaient rien pour lui. Des atomes à gober. Il vit même la création du temps, qu’il dévora avec le reste. Les montagnes ne semblaient durer qu’une minutes, la domination des premières espèces une seconde. Mais plus l’organisme grandissait et s’éloignait de sa peur, plus son Lac de Vide prenait des airs de prison. L’univers tout entier autour de lui vivait, se modelait, le couvrait petit à petit de toute ses couches, l’enfonçant au plus profond des abysses, comme si la Nature elle-même avait honte de ce qu’elle avait pondue, et qu’elle voulait l’enterrer à tout jamais, pour ne plus entendre parler de lui, pour l’oublier, que son existence ne soit plus qu’un grain de sable dans l’Histoire de l’Univers. Mais personne, même pas les forces les plus primaires de notre monde ne peuvent se vanter de pouvoir enterrer une telle chose. Il s’endormit, patiemment, attendant son heure, sa carcasse physique n’étant plus qu’un énorme et lourd fardeau. Mais sa volonté, elle, était libre. Libre de s’immiscer dans les âmes de ceux qui entendaient sa voix. Le premier d’entre eux, né lui aussi des abysses, dans ces grottes qui respirent le Vide, émergea dans le Monde, il y a de ça 3,5 millions d’année, 4 mois, et 21 jours. Il y propagea sa voix, la voix du Vide, où se terrait ce qui l’avait engendré. Et s’éteignit, comme toutes les créatures du Monde finissent par s’éteindre. Alor sa volonté se propagea dans une autre âme, et ce 87404 fois. Et il est dit qu’à la 87405ème fois, la ceinture de roche qui entoure le-

« Zoverach !
- Hein, quoi?
- Humaine !
- Quoi, humaine?
- Humaine, vous !
- Moi, une humaine?
- Non ! Humaine ! Arrivée ! Pas contente ! Humain êtr-
- Silence. »

C’est Annabeth. Je suis content de la revoir, aussi bizarre que ça puisse paraître. On est censé être ennemis maintenant, pas copain, mais ici bas, tout ça n’a plus de sens.

« Toi ! Qu’elle me fait.
- Rebonjour, tu as réussi à nous retrouver !
- Oui, oui, j’ai réussi. Ton navigateur, il est où?
- En haut.
- En haut?
- Oui, y’a toute une civilisation à la surface, en fait. Genre, une un peu plus… normal.
- Et vous nous avez fait crapahuter jusqu’ici… pour quoi?
- Ben, on pensait que ça serait la meilleure idée…
- …
- Je sens que t’as envie de tout cramer, alors je comprends, mais si on pouvait éviter…
- Craig, il est où?
- Dans le Temple, derrière la grande porte, mais on peut pas y aller. »

Dans la pénombre, je l’imagine. Je la vois qui réfléchit, puis qui regarde ses mains, qui sert les poings. A mon avis, elle doit se dire quelque chose du genre « Une porte, ça se défonce », je vais pour émettre une petite objections, quand c’est tout un contingent d’hommes-poissons qui nous rejoignent dans le tunnel-musée.

« Message pour humains nouveaux ! Enfant demande présence humain et humaine pour grande cérémonie ! Vous venir ! Cérémonie débuter bientôt ! Grande cérémonie ! Flammes du Vide !
- Flammes du Vide ! »Répètent les hommes-poissons derrière le crieur publique.

On se regarde avec l’ancienne collègue, j’insiste, avant de tout péter, j’aimerai au moins retrouver mes potes soldats. Je range mon carnet dans une poche intérieure, bien à l’abri. Ce que j’ai là-dedans, ça relève du sacré, le perdre, ça serait encore pire que perdre la vie. Ce qu’il y a d’inscrit ici, ce qui se terre ici-bas, je sais pas si c’est réel, mais c’est… Je sais pas. C’est quelque chose, et ce quelque chose, je peux pas le laisser caché ici. Je rejoins la petite troupe, prêt à prendre le chemin en sens inverse, quand le poisson-loupiotte m’arrête d’une palme sur l’épaule. Il me fixe, encore plus qu’avant, son regard pénètre mon âme, il me sonde.

« Humain, voir ! Voir ! Comme nous ! Mieux même ! Comprendre ! Humain digne. Scribe. Guide. Humain voir cérémonie, et plus ! Humain, mission. Mission pour Vide. Mission pour enfant. »


Dernière édition par Thomas Lewis le Mer 18 Aoû 2021 - 15:27, édité 1 fois
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Une lumière diaphane émanait des parois, selon Silence cela voulait dire que l'on était sur la bonne voie. Que l'on se rapprochait. Mais que l'on se rapprochait de quoi ? Dans quelle nouvelle merde nous jetions-nous, tête la première, une fois de plus ? Je ne savais pas, Jean-Claude non plus. Il savait juste qu'il y avait d'autres énergumènes comme Craig ici... non, Doppio. Ils avaient le même pet au casque et c'était des sortes d'hommes-poissons eux aussi. Mais à l'écouter, ils ne semblaient pas faire partie du règne du vivant. Ils appartenaient aux abysses.

« - À vrai dire, m'dame Elizabeth, ces individus ne m'intéressent pas plus que cela. Je suis surtout inquiet pour m'sieur Doppio. Si quelque chose devait lui arriver... j'aimerais être celui qui le mange en premier, vous voyez ?

- Pas vraiment... »

Burton traînait derrière, il n'aimait pas trop le cannibale. Il n'y avait pas vraiment matière à l'apprécier non plus, il fallait dire ; certaines de ses phrases étaient tellement morbides que je me retrouvais souvent à devoir éluder sa présence, juste pour me rappeler qu'il existe encore des individus sains d'esprit dans ce monde. Sauf que cette descente dans la folie ne m'aidait pas du tout.

Après une dizaine de minutes passées à suivre la nonne dans les tunnels, nous débouchâmes sur... Je ne savais pas ce que c'était, réellement, mais ça avait été aménagé. Et on y trouvait des spécimens des profondeurs, ma première rencontre avec eux. Leur apparence ne me disait d'ailleurs rien qui vaille, mon instinct me hurlait même de prendre mes jambes à mon cou, quand bien même je devais être le plus gros monstre ici bas. Enfin, je croyais... j'espérais.

L'un des troglodytes se présenta à nous. Je ne saisis pas un mot de son langage, mais Jean-Claude et la religieuse si. Mon compagnon d'équipage et moi-même nous regardions dans le blanc des yeux. L'interprète de la religieuse muette dût récidiver en remarquant notre incompréhension :

« - Ah, vous êtes comme eux. Vous les entendez mais vous ne voyez pas.

- Euh, si, je vois très bien. Il se tient devant nous.

- Pas ça, pas l'enveloppe charnelle. Le reste. Le néant, vous ne voulez pas le voir. »

Quoi ? La bêtise inhumaine ? Non, effectivement, cela m'échappait. Je n'étais pas de ceux qui s'étaient aventurés ici de gaieté de cœur, je ne les comprenais même pas. Je voulais juste retrouver mon navire et me tailler ci-sec. Burton écarquillait de grands yeux en contemplant les discussions entre Jean-Claude et le xénomorphe, j'avais peur qu'il sombre définitivement dans la folie. Peut-être que mon réflexe de lui enfoncer mes doigts dans le bras jusqu'au sang pour le sortir de sa léthargie lui sauva la vie.

« - Aïeuh ! Mais... mais ça fait mal-euh !

- Tu commençais à partir. Reste avec moi, tu es la seule chose qui me rappelle que l'on appartient à la réalité. »

Je n'arrivais pas à m'intéresser au charabia du poisson et les phrases du cannibale étaient sans queue ni tête. Ça parlait de Doppio, mais aussi d'un enfant et enfin de réincarnation. Alors que je m'apprêtais à dépasser le groupe pour m'enfoncer dans la suite du tunnel, Jean-Claude m'arrêta :

« - Il dit que nous devons le suivre. M'sieur Doppio nous attend, nous sommes en quelques sortes ses invités d'honneur.

- Il va se marier ?

- Oh, non, rien de tout cela. Sa carapace de chair va flétrir et son Âme va renaître auprès de la Mère. N'est-ce pas terriblement excitant ? » s'extasia le détraqué, un filet de bave dégoulinant à la commissure de sa bouche.

J'avais envie de répondre, mais je préférais faire profil bas. Plus rien n'allait, mieux valait donc la mettre en veilleuse et attendre de voir ce que l'avenir nous réservait. Une chose était sûre : il était hors de question que je crève dans ce trou. Le guide ouvrait la marche, Sœur Silence en avait profité pour venir marcher avec nous, son regard n'était clairement plus aussi plein de malice, elle peinait même à dissimuler son appréhension. Même privée de langue, il n'y avait aucun mot pour décrire le malaise qui la rongeait de plus en plus, si bien que le mutisme convenait parfaitement au moment. Rien à dire, rien à faire, juste attendre et...

« - Toi ! »

Le boyau s'était élargi, une poignée d'autochtones le peuplaient, tantôt assis dans une position pouvant rappeler la prière, tantôt debout à contempler des signes étranges sur les murs, presque imperceptible tellement la pénombre frôlait l'obscurité. Et au milieu de tout cela, passant ses doigts sur les fresques, Thomas Lewis.

J'exprimais une certain réjouissance à revoir sa caboche de détective privé au rabais, même s'il semblait livide, presque maladif, dénué de couvre-chef. Peut-être quelque chose dans l'air, Burton aussi avait perdu des couleurs ; il marchait penaud à côté, le regard dans le vague. Peu importe. Si nous étions ici, c'était pour retrouver un moyen de remonter : à ce qu'avait dit l'agent, c'était son navigateur qui l'avait entraîné dans le maelstrom ? Il y avait des chances qu'il baigne dans le coup. De grandes chances...

Tout n'était pas perdu, Lewis avait des éléments de réponse à mes questions. Il y avait apparemment une civilisation qui fleurissait sous la surface, mais au-dessus de nous. Ici, c'était le domaine des habitants des profondeurs. Visiblement, certains n'étaient pas pour le mélange des races et avait essayé de les enfermer dans leur réseau de tunnels et ce quelqu'un devait se trouver dans la ville.

Notre discussion fut interrompue. Un annonciateur de mauvaises nouvelles nous invitait à le suivre, la cérémonie allait bientôt débuter, toujours plus loin sous terre. Nous arrivâmes à ce qui ressemblait de près ou de loin à un campement, faiblement éclairé par des organe bioluminescents ; Lewis m'assura que ce n'était que la partie émergée de l'iceberg. Des hommes vivaient ici, certains plus monstrueux que d'autres, peut-être le temps devait jouer ? Il y avait même des soldats de la Marine qui, réflexe de leur ancienne vie, crispèrent les poings et serrèrent les dents en me voyant. L'un d'eux prononça mon nom, puis tourna la tête lorsque je voulus l'identifier.

« - Ton équipage ?

- En partie. Le reste est là-bas. »

L'homme au chapeau, sans chapeau, me pointa un tas informe et sanguinolent de carcasses cassées et broyées. J'avais beau avoir vu des horreurs durant la guerre, rien n'égalait le traitement que l'on avait réservé à ces hommes, réduits en bouillis et mélangés pour en faire de la nourriture pour poisson. Ainsi, voilà ce qui arrivait à ceux qui ne voyaient pas... quelle chance que nous soyons les invités d'honneur de Craig, hein.

« - Miam, » ne put s'empêcher de signifier Jean-Claude, rajoutant du gore à l'épouvante.

Burton était comme absent, ses yeux vitreux. Il trainait la patte. Ultimemnt, l'homme-poisson le remarqua et nous imposa l'arrêt alors que nous arrivions enfin devant ce qui devait être la Grande Porte. Je ne voyais qu'une paroi à peu près cylindrique, creusée à même la pierre et présentant un sillon ; rien ne laissait présumer qu'elle pouvait s'ouvrir. La bestiole gueula à nouveau son langage horrible et Jean-Claude fit l’interprète, l'air penaud, choisissant ses mots avec précaution :

« - Il dit que votre onctueux ami ne... peut continuer ? avec nous. Il ne peut pas voir alors...

- Il est hors de question que je laisse un de mes hommes derrière moi, moins encore que je le laisse mourir pour ces fadaises. »

Un sifflement partit chez la lamproie qui nous observait, elle comprenait visiblement tout ce que je disais et n'aimait pas trop ça. Burton tremblait, pourtant rien n'indiquait qu'il nous écoutait ; il semblait comme en transe.

« - M'dame Elizabeth, je vous comprends tout à fait. Cependant regardez-le. Il est juste bon pour la marmite... »

Je plissais les yeux en regardant mon interlocuteur, ne sachant ce qu'il fallait comprendre à cela. Puis, au fond de moi, j'eus le sentiment que je connaissais déjà la réponse. Voilà une bonne demi-heure que l'esprit du pauvre homme avait quitté son corps, ce n'était plus qu'un sac de viande ambulant. Du moins, du point de vue des hommes-poissons et du cannibale. Sœur Silence l'avait vu elle aussi, elle posa sa main sur mon épaule, un air désolé sur le visage. Puisque nous étions dans une impasse et que notre survie dépendait de ce qui pouvait se trouver derrière cette porte, je sus ce qu'il me restait à faire.

Sortant Quart de mon fourreau, je fis volte-face et me présentais devant le pirate tremblotant, l'ombre de lui-même. Jadis, il était un fier combattant qui n'hésitait jamais à bomber le torse mais à présent il semblait si frêle et si chétif... Ma lame s'enfonça sous son sternum sans rencontrer la moindre difficulté, il s'écroula sur moi en silence. Une colère sourde grondait dans mon crâne.

« - Interdiction de le bouffer ! Trouvez un endroit où son corps pourra rejoindre la mer. Est-ce que je me suis bien faite comprendre ? » demandai-je, toujours surchargée par le cadavre, en me rapprochant dangereusement de la poiscaille.

Celui-ci recula d'un pas. Ces énergumènes n'étaient peut-être pas si éloignés de nous, finalement. Il murmura quelque chose dans sa barbe, le disciple de Craig traduisit :

« - Ce sera chose faite, m'dame. »

Bien. Avec l'attention d'une mère pour son enfant, je déposais ce qu'il restait de Burton en position assise contre la paroi. Un ordre dans la langue macabre fusa et une poignée d'autochtones se regroupèrent dans notre dos. Plus rien n'empêchait la reprise de notre procession désormais ; dans un grondement suffisamment grave pour faire trembler le sol, la porte s'ouvrit d'elle-même.

Personne n'aurait pu prétendre affirmer ce qui se trouvait derrière et d'ailleurs, encore aujourd'hui, personne ne me croirait si je le décrivais. Car nous étions sous l'eau et en même temps sur terre, nous respirions là où nous aurions normalement dû nous noyer et la mer courait autour de nous sans jamais mouiller nos vêtements. Loin au-dessus de nos têtes, l'astre solaire formait un point blanc et les bancs de corail illuminaient la structure qui nous faisait face. Une construction sans âge, uniforme, taillée dans un seul bloc se dressait telle un récif et nous accueillait : l'endroit aux millions de voix, le lieu de résidence de ceux qui étaient à la fois un et plusieurs, chuchotant dans les ténèbres. Sœur Silence connaissait son nom et le signa au milieu de l'incrédulité générale.

Sans même la regarder, dans un état second, Jean-Claude traduisit machinalement :

« - Y'ha-nthlei. »
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Zinshtok salive fortement, d'excitation, de passion. On approche de la Culmination ! Il a attendu cet instant depuis des temps immémoriaux, que ça soit dans un corps ou dans un autre, je la ressens, sa gratitude, sa gratitude envers Moi et le Vide. Il bondit à travers les boyaux sans me lâcher du regard. Nous accompagne aussi l'homme-orque, avançant mécaniquement d'un pas lourd et dépressif.

Mes tatouages rayonnent, pénétrant les ténèbres, chantant des comptines néantiques notamment à propos des mondes perpendiculaires au nôtre, à l'ombre qu'ils font peser sur lui, et au rôle que Maman tient fièrement dans ces récits. Nux a fait de moi une merveille, j'ai insisté pour qu'il m'accompagne, parce qu'il est talentueux, et que Doppio lui ressemblait, et que je ne veux pas le laisser seul avec les deux sacs à merde qui abîmaient son si poétique esprit. Il ne pipe mot : il n'ose pas, il ne se sent pas digne, Zinshtok avait l'air étonné et déçu lorsque je lui ai annoncé qu'il serait de la partie ! C'est pas grave, sa présence me suffit. T'es pas forcé de me parler. Regarde et écoute, mon pote.

La procession doit démarrer, sur un air composé toujours par nos joyeux castrats, dont les corps musicaux nous suivent lentement sans sembler perturbés outre mesure par les élégants ravages qu'ils ont subi. Leur agonie transmet leur cadence à mes pas, et moi berger, je guide le troupeau vers le Y'ha-nthlei !

Ici-bas ils me l'ont dit : les courants et la pression sous-marine sont manipulées non pas par la mécaniques des fluides, mais par Maman, peu importe qu'elle dorme, qu'elle voit ou qu'elle mange. A vrai dire, ici-bas il n'y a rien dont elle ne soit pas la cause. Je suis l'enfant -l'enfant qui est resté blotti contre elle une poignée de centaines de millions d'années. Mais le peuple des Abysses n'est rien d'autre qu'une émanation chaotique de sa volonté. Elle est capable, à ma manière, de sculpter la matière et d'y insuffler la vie, puis elle demande à ses laquais de viande pourrie, elle leur demande des tributs, des honneurs, du sacrifice.

Le Y'ha-nthlei est le point de collision entre l'Univers et le Vide situé derrière lui.

Des ripailles à foison, des tripes cuisinées selon les recommandations du Néant, aussi noires et dures que du charbon, assaisonnées de colle noire et de quantités pharaoniques de cubes de grenouilles, réparties à même le plancher océanique, de la nourriture qui hurle, également, de la viande qui hurle tandis qu'elle n'a pas encore été purgée de l'âme stagnante à l'intérieur, afin de préserver jusqu'au dernier instant la fraîcheur tout à fait orgasmique des essences rouges...

Ils s'empiffrent en dansant, mélangeant leurs esprits dans une transe collective qui les portent comme un seul au-dessus des lointaines montagnes non réelles se tenant dans les régions reculées du Vide. Ils voyagent par la communion. La douleur découlant des chairs disloquées et des esprits définitivement viciés : c'est un catalyseur, ils la ressentent tous pulser dans leurs entrailles : ils en veulent plus et toujours plus et plus et plus et plus mais nous n'avons plus d'humains en stock. Le dernier, l'ami niais de la soeurette, est en train de rendre à l'océan ses ultimes pleurnicheries, "ouin ouin ouin ils se font des couronnes funkys avec mes intestins ouin j'ai mal je suis un bébé"

Adieu Alister. Heureusement qu'Elizabeth a pas vu ça, je crois qu'elle nous aurait pété une veine !

TOUS ! FAIRE SILENCE ! L'ENFANT VIENT !

Eeeeeh ! Là-bas ! Ils viennent d'arriver, enfin !
Ils se taisent. L'ensemble de leurs yeux est rivé sur moi, des larmes jaillissent, des larmes de toutes les couleurs. Des prosternations, des évanouissements.
Eeeeeeh les copinous !

3,5 MILLIONS D'ANNÉES ! 4 MOIS ! 21 JOURS ! ENFIN ! ENFIN, ENFANT RETOUR CHEZ LUI, ENFIN, NOUS LE RENDRONS A SA MERE, ENFIN,
NOUS SERONS LIBRES !

LIBRES !


Les cooopinouuus, venez ! Je suis là, là ! Vous me voyez ? Je crois qu'ils me voient.
Derrière nous, se tient l'Abîme. Basiquement, une crevasse gigantesque, s'étendant sur des kilomètres et des kilomètres, dont proviennent des courants d'une puissance sans commune mesure lorsque Maman est affamée. L'Abîme dévore tout, même la lumière. C'est inutile de se pencher au-dessus pour essayer de percevoir quoique ce soit d'intéressant, même moi, qui suis ultravoyant, n'y perçoit qu'un marais de ténèbres compactes, et il ne fait nul doute que ce que tu fais tomber là-dedans quitte à jamais, sans concession, notre univers.

C'est une porte, vois-tu ?

Un sentiment a écrit:tu es là
l'enfant
Cxiotli'k Naxist
rejoint la mère
je serai là
très bientôt
je suis
imminente

Ah... Ah. Ça y est. On y arrive !

Zinshtok blablate. Je pige rien à ce qu'il raconte, l'appel de Maman rebondit sans s'arrêter sous mon crâne.

Cxiotli'k Naxist.
... Oh ? Quoi toi dire ? Oh ! OH ! TU SOUVIENS ! L'ENFANT SOUVIENT LE NOM !
Cxiotli'k Naxist, l'enfant des Abysses ! Si vous êtes pas familiers des consonnes du Vide, les copains, je peux me contenter de Naxist !

Naxist ! NAXIST !
NAAAAAXIST !
NAXIST !

Cxiotli'k Naxist, "Naxist, celui qui naît là où l'univers meurt", traduit en langue Enzo, mais on y perd en nuance.

Ils hurlent ce nom que l'Abîme vient de me murmurer, naturel c'est celui que j'ai toujours eu ! Ce jour est le mien... Cette foule se prosterne pour moi, scande mon nom. Une rockstar du Vide. Garde ça en tête : ils m'appartiennent. C'est important que tu le gardes en tête. Ils sont les vassaux du néant. Ils connaissent leur place. A aucun moment le moindre d'entre eux ne pourrait ne serait-ce qu'envisager la vague possibilité de me détester : Je suis Eux autant qu'Eux sont Moi mais je suis plus Moi qu'Eux et plus Eux qu'Eux.

Naxist ? Regarde ! Amis humains là ! Pour toi !

Noooon ? Tu déconnes ? Oooh ! Une escorte de poissons soldats m'amène quatre magnifiques cadeaux, puis s'éclipsent aussitôt, non sans m'avoir grogné quelques mots d'amour avant.

- Encore un nouveau nom ? Tu te décides quand ?
Elizabeth ! Soeurette ! Matthew ! Et même Jicé ! J'en demandais pas tant ! Vous m'amenez le top 4 de mes bros sur Terre !
M'sieur Doppio ! Vous portez une cape de peau humaine ? A la fois charmant et appétissant, j'applaudis !

Regarde moi cette bande de winners... Je les adore tous les quatre, chacun à leur manière, une éclatante collection, je voudrais me faire un collier de leurs âmes pour le porter tout le temps, même sous la douche ! Bah Zinshtok, tu salues pas mes vieux potes ? C'est pas parce que t'es un frérot pour moi depuis des millions d'années que tu dois mettre de côté mes anciennes connaissances, vieilles d'à peine un jour certes, mais eh, la politesse, à la manière du Vide, n'est pas arrêtée par le Temps !

Doppio,
Naxist !
Naxist, qu'est-ce qu'elles font ? Là-bas, les grosses femmes-poissons avec des amphores...
Dis donc t'es mignon... mignon et impatient... mais surtout mignon, quand t'as pas ton chapeau... Attends d'accord ? Regarde bien. Regardez tous !

Les reproductrices apportent des amphores chantantes, en file indienne. Que peuvent-elles bien contenir, hein ? Hmm ? Allez devinez ! Ah bah trop tard, elles les débouchonnent, tour à tour, et toutes affichent un large sourire se faisant,

C'est une litanie de sangs, assaisonnées de quelques copeaux de chair ! Une chanson gourmande dont Maman raffole. Moi-même, tu le sais bien, moi-même qui entend le sang, j'entends la multiplicité des histoires racontées par ces essences rouges, j'entends les destins entremêlées qui valsent tous ensemble et terminent tous dans un unique CRI de souffrance. Maman, t'imagines pas comment ça l'excite. Ces histoires sanglantes qui se finissent délicieusement mal, c'est son petit biscuit apéro.

Les amphores sont vidées, mes potos humanos observent ces volutes rouges converger en un unique point : loin, loin, par-delà l'immense crevasse océanique !

J'ai insisté pour que vous ayez votre place au premier rang ! Le spectacle est envoûtant non ? Vous avez l'air envoutés.
Hm, eh, dis... Dop- Naxist...
Oui, mon brave scriboïde ?
Qu'est-ce qu'on va devenir, nous, et mes bleus, après ?
Rien !
Dans quel sens... ?
Vous retournez à la surface le cerveau chargé de beaux souvenirs ainsi que de l'unique vérité, et toi, tu propages par ta plume d'or le mythe fondateur du Vide et de ma civilisation. Coolos, non ?
Oui oui oui oui. Nous déjà prévu expulsion surface ! Humains tristes ou morts si rester trop ici ! Nous pas vouloir, nous préférer vous surface pour répandre amour des Abysses ! Frrrfrrl ! Toi comprendre ?

Il comprend plus encore que tu peux le croire mon pote, regarde sa gueule ! T'es pas bien Enzo ? Petite nausée ? C'est le mal des profondeurs, rien de plus normal ! Je jette un oeil complice à la soeurette, pareil, on dirait que sa peau c'est du beurre tourné, ça donnerait envie de la lécher pour voir un coup si c'est bien gras et qu'on peut en ajouter dans ses cubes de grenouilles !

Jicé ? Il est ok ! Il regarde avec intérêt les restes du banquet partir dans les ventres de mes copains de la mer. Avec envie, sûrement, aussi, bah fallait venir avant, t'étais où ? Dommage, toi qui adore le tourisme culinaire...

Elizabeth ? Archi ok. Tout à l'heure, elle semblait colère -comme d'habitude. Là je la sens plus... Tristounette ? Pensive ! C'est mon devoir, vis à vis de Craig, le gentil hôte de Naxist, c'est mon devoir de m'enquérir de son état d'esprit, et de parvenir à lui faire comprendre la portée de ce qu'on bricole ici. Pas simple, sa tête est rudement dure.

Ce monde est une illusion ! Tu le sens ? Tu le sens !
-Je ne sens pas beaucoup plus qu'une odeur de mort et de folie ici.

Elizabeth m'attendrit. Tu dois trouver ça culcul... Personne n'est ici par hasard. Enzo, mon témoin, s'occupera d'exporter à la surface tout ce qu'il dénichera dans mon monde. Elizabeth est là parce que son destin, lié à celui de Craig, est donc parallèle à celui de Doppio. Quand elle me regarde, elle voit toujours Craig. Craig par ci, Craig par là ! Lui aussi était en souffrance. J'aurais tellement aimé le rencontrer. Je suis certain que le Vide lui aurait parlé. Il aurait été un si bon pote !

Doppio est devenu Naxist parce que le Vide l'a appelé. Le libre-arbitre est une berceuse : la règle numero uno ici-bas, c'est que Tout est écrit. Dans cet univers, nous ne faisons que suivre le rythme, nous dansons sans entendre la musique. Si tu ne te satisfait pas de danser sans comprendre, le Vide est la seule option.

C'est la dernière fois que tu vois ton Craig, Elizabeth, ce soir. Dis lui Adieu !
Qu'est-ce que ces malades vont te faire ?
Tu avais l'air de tenir à Craig, d'une certaine manière, tu semblais t'être attachée à lui, tout en le haïssant, autant que lui te haïssait. Il n'existe plus rien de lui, depuis longtemps. Malgré ta puissance, malgré les torrents de sang que tu as fais couler, tu as le coeur assez mou.
Mais bordel, qu'est-ce que tu es en train de me baver...
Assez mou, j'en suis certain. Ils n'auraient jamais dû te faire subir tout ça. Le chaos est une bête qui se nourrit de lui-même. Tu n'as fais que ce que l'univers attendait de toi, et rien, aucun regret, aucune tristesse, aucune peur, tu ne dois rien laisser t'ébranler, jamais.
Tu ne sais rien de moi.
Les teintes de ton âme parlent pour toi ! Et je les aime bien. Elles sont sombres et agitées, à la manière de mes Abysses. C'est pour ça que tu es de ce côté de l'autel !
Pipine, Burton, Alister, ont chacun fait le dernier saut, Burton l'a fait de ta main, je le sais ! Ça n'était pas en vain.
Alister est mort ? QUOI ? Eh ! REVIENS ! REVIENS !
Le Vide n'est pas vain, il veut ton bien. J'espère qu'à la fin de la Culmination, tu l'auras compris.

C'est parce que nous sommes des esclaves du destin et que nous voyons d'un mauvais oeil ceux qui brisent leurs chaînes. Elizabeth, sur ce point là, on est pareils. On s'est nous-mêmes affranchis de nos tortionnaires ! On court après la puissance et la connaissance car elle nous extirpent de la misère que sont nos naissances. On est peu de dingues à avoir ce rêve puéril de devenir divinités, on est encore moins à avoir les moyens de le réaliser. J'espère que tu trouveras la paix, celle que Craig n'a jamais trouvée ! J'espère que tu te sortiras de ce Bourbier.

Je tourne le dos à Elizabeth, elle voudrait me suivre. Le colossal homme-orque s'interpose.

Le siphon m'appelle. Le vois-tu ? Il surgit des ténèbres. Un tourbillon d'eau noire, il ne produit pas le moindre son.

Enfin. ENFIN ! CULMINATION ! CULMINATION !

CULMINATION ! CULMINATION ! CULMINATION !

Maman !

Par-delà le siphon, tu distingues des contours changeants, ces contours dessinent premièrement une sphère compacte, d'une densité que tu devines défier l'ensemble des connaissances accumulées par l'ensemble des espèces intelligentes qui ont un jour foulé la surface de la planète.

De cette sphère surgit une tentacule, puis soixante deux, puis dix mille cent vingt-trois, en un laps de temps très court, dans une série de mouvements saccadés : la réalité peine à interpréter comment la Mère réagit en elle.

La Mère n'a pas de forme, ou plutôt, elle en a trop. Elle vibre, elle pulse, dans un ballet fractal, ses trop nombreuses tentacules dessinent des millions de combinaisons par seconde. La Mère suit une géométrie sorcière. Dans chaque tentacule sont intriquées X tentacules de même dimension que leur tentacule-hôte. La sphère centrale est parfaite. Aucun relief, aucune aspérité.

Ses mouvements semblent impossibles. C'est comme s'il manquait des instants, ça rend sa progression discontinue. Sa trajectoire est erratique et nombreuse. Elle avance sans logique. On sait qu'elle avance mais on ne voit pas comment. Parfois on a l'impression qu'elle recule, à grande vitesse. Et la seconde d'après, la revoilà, quasiment devant notre visage.

D'où viennent ces craquements ? D'elle ? Fait-elle... craquer l'océan ? Fait-elle craquer la roche ? Non... Rien de physique. D'où viennent ces craquements ? D'où viennent-ils... Fait-elle craquer le Vide ? Non plus. Ce craquement vient de notre âme. Elle menace de se briser.

La nausée, une nausée terrible s'empare de tes tripes : tu devrais en profiter, essaye de te focaliser dessus. C'est peine perdue, mais si ça peut t'aider à supporter Sa présence, tu devrais apprécier le tsunami brûlant dans lequel tes entrailles sont en train de se noyer.

Plusieurs philosophes du siècle oublié débattaient régulièrement à propos de l'existence de la Mère. La plupart devinrent déments en s'acharnant à vouloir la décrire. Les perceptions du vivant ne sont simplement pas suffisantes. Et aucune langue n'est armée pour dresser son portrait. Et lorsqu'on commence à comprendre, c'est trop tard. L'esprit est définitivement corrompu.

L'assistance entière est tétanisée. La Mère absorbe les sons, les pensées, les images, le temps, l'espace, puis remplace tout cela par la Mère. Plusieurs poissons sont debouts, immobiles, tu les penserais encore vivants, mais ils ont en fait été vidés. Vidés par la présence seule de la Mère.

Même son fils, même Naxist. Même lui n'a plus le moindre contrôle sur ses muscles, ni sur son âme. Même Naxist est terrorisé. Il redécouvre ce sentiment, depuis si longtemps oublié. Il l'avait oublié depuis 3,5 millions d'années, 4 mois et 21 jours.

M-Maman...

Naxist se sent seul et terrorisé. Il est redevenu Doppio, le petit poisson.

Quand tu contemples la Mère, la réaction naturelle est de vouloir mourir. Que tout s'arrête. Tu ne veux pas vivre avec l'idée de cohabiter avec la Mère. Tu n'envisages pas un lendemain avec la présence de la Mère gravée dans ta mémoire.

Des poissons s'écroulent, raides morts. Des humains dans l'assistance, aussi. Leur coeur a lâché, ou leur cerveau, ou tout en même temps. Leurs muscles faciaux, tordus, broyés par la peur.

Le siphon, hurlant, manifestement mu par une conscience dont la nature échappe aux mots, se rapproche. Il va aspirer Naxist puis tout sera enfin fini.

Soyez témoins...

... derrière moi... j'entends un sifflement métallique, un cri d'Elizabeth, une constellation rouge,
La tête de l'homme-orque... virevolte au-dessus de moi, puis, gobée par le siphon, servira d'apéritif à Maman...
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10413-fiche-de-craig
Un lourd sifflement me perce les tympans. Pas comme les chants, non, c’est quelque chose qui me perce le crâne, cette fois, c’est pas quelque chose qui veut m’ouvrir la voie, où se faire comprendre. Cette chose là veut tout détruire. Qu’il ne reste plus que des miettes de mon existence, plus qu’une marionnette, qu’un cadavre encore en mouvement, les yeux ouverts, mais vides. Plus d’âme, rien.

Mes yeux à moi, ils n’existent plus. J’ai encore mes deux globes oculaires, je les sens, mais ma vision a périe. Dès que j’ai posé les yeux sur… sur cette chose. Cette chose que je ne pourrai même pas qualifier, même en cherchant profondément dans tout les mots qui virevoltent dans mon cerveau. Rien. Cette chose-là, elle n’existe pas. Ca ne se peut tout simplement pas. Ni sous sa forme physique, ni ce qui me parvient d’elle et qui tambourine à l’entrée de ma tête, qui veut forcer le passage, qui me hurle de m’approcher. Qui me plaque ma dernière vision devant la rétine, qui me force encore et encore à y penser, l’image se déformant, devenant de plus en plus ignoble à chaque fois qu’elle me traverse l’esprit.

J’essaie de me raccrocher à ce que je peux, n’importe quoi. Je ne trouve rien, mes mains ne se posent que sur des cadavres, ou des homme-poissons en pleine ferveur, à genoux, tremblotant, implorant la mère, la remerciant, pleurant même, parfois. Je manque de m’écrouler, de me noyer sous les torrents qui vont et viennent, qui emportent ceux qui n’ont pas survécu à cette chose que les flots ont engendrés. Je serai bientôt de ceux-là, j’en suis sûr. Je n’ai jamais été plus sûr que ça. Je vais mourir ici. Et même si je remonte, il ne restera plus rien de moi. Thomas Lewis, Enzo Verace, Spade, même les vies qui m’ont précédé et dont je ne me souviens que vaguement du nom, cette chose aura tout pris.

Non. Il me reste quelque chose. Je tâte ma veste d’une main, j’y sens le cuir de mon carnet. Dedans, il y a tout. J’ai mis mon sang, ma sueur, mon âme dans ces mots. Si je revois plus la lumière de la surface, ce bouquin remontera. Mais il faut… Il faut que je signe. Un dernier message adressé à l’Humanité, les prévenir, leur dire… qu’ils sachent. Et qu’ils se souviennent de moi. Toi, tu t’en souviendras, hein? Mes pensées, mes souvenirs, tout ce que j’ai pas dis, ce que j’ai pas fais, ce que j’ai trouvé ici. Il est de toi aussi, ce livre. Mais tu ne peux pas le porter là-haut, même avec toute la volonté du monde. Non, il faut quelqu’un. Quelqu’un, pour sortir ces mots de ces grottes. Et…

« Bouge toi ! »

On me bouscule, je tombe sur le sol froid, je n’ai jamais rien senti d’aussi froid. Je me sens lourd, tout d’un coup. Comme si j’avais cessé d’être, un moment. J’avais accepté mon sort, j’étais prêt à dériver avec les autres, avec mes pauvres soldats, avec ces fous. Alors pourquoi? J’ai froid. C’est pas le froid des cavernes, j’ai froid en dedans. Tout mes membres sont lourds, comme si la gravité reprenait enfin le contrôle, qu’on voulait m’attirer jusqu’au Noyau de la Terre. Et puis, j’ouvre un œil. La vision d’horreur, à tout jamais ancrée en moi, se dissout, et laisse petit à petit place au chaos qui sévit devant moi. Des corps, encore plus qu’avant, mais cette fois, j’y reconnais des hommes-poissons, tranchés en deux. Ca hurle, ça siffle, quelque chose a perturbé… tout ça. Annabeth? C’est elle que j’ai entendu. C’est elle qui m’a sortie de ma catatonie, je crois. Je n’ose pas tourner la tête. Je la sens, derrière-moi, qui hurle, qui bave, qui bouillonne de colère, qui se débat contre ses chaînes immatérielles. C’est elle. C’est elle qui m’a appelé ici. Si je pose à nouveau les yeux sur elle, ç’en est fini de moi.

Et il n’y a que moi pour remonter mon bien le plus précieux, ce que j’ai eu de plus personnel de toute ma vie. Je me relève, difficilement, la tête baissée. Une poiscaille se rue sur moi, me plaque contre un rocher derrière-moi, il ouvre la gueule, grand, il bave, il hurle. Il lui faut plus, plus de sacrifice, qu’il hurle. Puis il s’envole, s’écrase dans l’eau, j’ai une dernière vision de sa gueule, déformée par la peur, une peur que je ne connaissais pas chez eux, une peur déchirante, qui lui tire les traits du visage, qui le tort, puis qui fini par le tuer. A côté, Eleanor se déchaine. Se rue en avant, vers, vers… Même lui? Même Doppio n’a pas tenu? Je vois des ombres qui l’entourent, qui se rapprochent, qui murmurent, leurs murmures résonnent dans tout le temple.

« Flammes du Vide ! Flammes du Vide ! Détruire CARCASSE ! Carcasse PRISON ! Mère, soit témoin !
- Soit témoin ! Flammes du Vide ! »

Des torches, d’un feu que je n’ai jamais vu auparavant. Tantôt bleues, tantôt noires, les flammes dansent frénétiquement sur leur nid de bois, le consument, comme elles consument tout ce qui s’en approche, même les hommes-poissons s’y brûlent les palmes, les bras.

Je me redresse, j’en ai assez. Je voulais étancher ma soif de savoir, satisfaire ma curiosité. Elle l’est bien assez comme ça. J’ai compris ce qui m’était accessible, cet endroit n’attends plus rien de moi. Ils voulaient faire de moi un Guide, comme ce salopard de navigateur avant moi. Peut-être avaient-ils prévu que je me laisserai tenter, comme lui. Tant pis pour eux. Un guide, je le serai peut-être. Je les guiderai vers leur destruction. Ce qui est écrit, sur les pages de mon magnum opus, ce n’est pas un message de bienvenue. C’est un avertissement.

Ma marche laisse place à une course, une course effrénée vers mon pote poiscaille, sans défense. Une tentacule s’écrase à côté de moi, brise le sol et les pauvres âmes qui se trouvaient là. Je tourne la tête pour ne pas y penser. Au moment où j’arrive, le sol tremble, et la plupart des ombres qui le guettent se retrouve comme brisées, envoyées dans le décor. Eleanor, sabre à la main, est prête à en découdre. Elle aussi, est un monstre. Moi, je suis qu’un type un peu stupide, pas capable de rivaliser avec quoi que ce soit ici. Mais je peux au moins aider Doppio à respirer l’air frais encore une fois. Je m’en approche, je le soulève d’un bras, Eleanor me couvre, broie tout autour d’elle. Doppio, lui, est désarticulé, presque léger, trop léger. Comme si quelque chose l’avait quitté, un poids qui l’habitait depuis un moment, un poids familier, qu’il avait fini par accepter. Je passe mon bras sous les siens, je le porte du mieux que je peux, on se traîne, ses jambes molles raclent le sol, sa peau s’écorche. Et puis, les tunnels qui se tenaient devant moi disparaissent, et laissent place à une gueule encore plus ignoble vue de près.

« Carcasse enfant, brûler ! Libérer entraves ! TOI TOUT RUINER ! VOUS ! FRRLLLL ! »

C’est la mort. Je le vois, Zinshtok, un surin dans la main, un surin couvert de sang, qui a déjà servi, rouillé par le temps, l’usure et les tripes. Il vise droit vers le cœur, et ne rate pas son coup.

« Aimer humain ! Mais arrêter lui ! »

Sa voix se noie dans mes songes. Je saigne? C’est la fin? Non. Je baisse les yeux. Son surin s’est brisé, à mon simple contact. La lame n’a même pas percé la peau. Je le regarde. Il a peur. De moi? Je reprends confiance.

Mais c’est pas de moi, qu’il a peur. Derrière-moi, quelque chose s’est rapproché. Quelque chose me plonge dans son ombre. Elle. Je lui vole son dû. Son fils. Je ressens toute sa colère qui me retombe dessus, qui tente de m’étouffer. Annabeth court vers moi, me hurle de me bouger le cul. Même elle… Tout autour de nous, je vois des choses remonter, depuis les failles que la Chose a provoqué. Des silhouettes, plus difformes encore que le poisson qui se tient devant moi, immobile, les yeux blancs. Qui se jettent sur ma partenaire, qui l’empêchent de voler à mon secours, qui tentent de réduire à néant mon dernier espoir.

Une odeur de mort m’englobe, me fait presque chavirer. Les tentacules s’écrasent, balayent tout ce qui se trouve sur leurs passages. Elle a ouvert la gueule. Je la laisserai pas m’avaler. Je tomberai pas dans les Abysses, pas encore. Je donne un coup à la poiscaille qui m’empêche de passer, puis un deuxième, un troisième, sa gueule s’écrase, sa mâchoire se disloque, mais il bouge pas. Je le prends par la gorge, l’écrase au sol, et avant que la chose ne s’abatte sur nous, je me retrouve transporté en avant, aidé du soru d’Annabeth, couverte d’un ignoble sang bleu. J’entends un dernier cri, un léger frrrllt, puis plus rien. J’ose pas regarder derrière-moi, c’est inutile, je sais très bien que la simple vue de cette chose pourrait me refaire dérailler, cette-fois à tout jamais. Alors je fonce, je bondis, je fends les airs, j’arrache tout ce qui se trouve sur mon chemin, mon bras se transforme en charpie, j’y pense pas. Je sens son souffle, glacial, dans mon dos. Je pense à la sortie, à cette immense porte qui ne devrait pas exister, comme tout ici, mais qui n’existe finalement déjà plus : mon ancienne partenaire l’a déjà brisée elle aussi, en mille morceaux, alors même qu’elle venait de récupérer quelqu’un sur son dos, elle aussi. La Nonne. Même elle n’a pas pu supporter cette vision. Elle aussi, est tombée de haut. Je me rue derrière Annabeth, elle ouvre la voie, elle s’en prend à tout ce qui ferait l’erreur de se mettre sur son chemin. Je croise le regard de Bertrand, qui me fixe d’un œil mauvais. Il n’a pas été convié, je sens sa jalousie d’ici, il me haït. Mais sa haine disparaît bientôt pour laisser place à la peur. Derrière-moi, ça hurle, ça hurle comme jamais ça n’a hurlé, un cri d’agonie, de haine, de souffrance. Ce n’est pas humain, ni animal. Mais rien de monstrueux ne sort du temple, si ce n’est l’armée d’hommes-poissons remontés des Abysses sous ordre de la mère, ceux-là n’ont plus rien d’humanoïde, les années et les siècles passés dans l’obscurité complète et les flots les plus profonds, tiraillés par la pression, les ont déformés, remodelés, jusqu’à en faire… ça.

Je n’y pense plus. Il n’y a plus rien à penser. Partir, je dois partir, remonter, prévenir les autres, le Monde entier, et… Mes soldats. Morts. Je n’ai rien pu faire. Je n’ai rien voulu faire? Non, inutile d’y penser. Je n’avais aucune chance de quoi que ce soit. Dès que nous sommes tombés ici, nous n’avions aucune chance. Mais ce chapitre n’est pas encore clôt. Ce fils de pute, ce chien, celui qui nous a mené jusqu’ici. Je vais étendre ses tripes comme ils ont étendu celles de mes soldats. Je le forcerait à regarder dans les Abysses, comme je l’ai fait, puis je le laisserai tomber, loin en bas. Sur mon épaule, ça bouge. Doppio est parcouru de soubresaut, il crache, il tremble, avant de retomber dans son sommeil. Et puis, alors que je m’embarque dans un énième tunnel, j’entends quelque chose. Il a ouvert un œil.

« Doppio, t’es pas mort ?
- … Doppio? »


Dégringolade Captur10


Ce que j’ai vu, de mes yeux vu, ce que j’ai ressentit, de toutes les fibres de mon corps, je ne saurais le décrire avec détail. Les mots se déforment, se mélangent, et perdent de leur sens dès lors que je tente de retranscrire par le langage humain l’image physique que ce monstre m’a renvoyé. Mais je vous prie de me croire, de croire que tout ce que vous avez pu lire sur ces pages n’est que stricte vérité. Non, vérité n’est pas le mot. La vérité, cher lecteur, est un concept vague. Ce que j’ai vu là-bas, dans les profondeurs du Monde, ne s’attache à aucun concept humain. Mais cette Chose, aussi ignoble et improbable soit-elle, existe bel et bien, et encore maintenant, j’entends parfois les échos de ses rugissements. Ne vous croyez pas à l’abri, à la surface, car de nombreuses forces s’échinent et s’acharnent à faire ressurgir ces vestiges du passé, et si je ne dois avoir qu’un message à faire passer, le voici :

Vous n’êtes pas prêt.
Personne ne l’est.



Extrait tiré de Cxiotli’k, ou les Murmures de Y'ha-nthlei,
Enzo Alfred Hazard, 1628
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