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Un vent de liberté [Reed]

Si tu me regardes de là-haut, pardonne-moi d’avoir tardé à venir en aide à ta frangine… Pour un avare tel que moi, ce n’était pas évident d’investir l’intégralité de sa bourse, afin de payer la caution de cette jeune délinquante. Je ne connaissais absolument rien d’elle, que ce soit son passé, ou même les actions qui l’ont mises au trou. Mais j’étais cependant déterminé à ce qu’elle fasse son deuil comme le reste de sa famille.
Le jour de sa libération, j’étais présent une heure avant l’heure fatidique, attendant patiemment devant le grillage de la prison. Comme à l’accoutumé, j’étais habillé de manière élégante : un costume en soie bleu marine, une chemise blanche, ainsi qu’une cravate à la même teinte que le costume. Une allure qui pouvait rappeler ceux de la pègre mais je n’étais plus des leurs, optant pour une profession plus lucrative, celle de Chasseur de Primes.
Fidèlement, mes armes ne me quittaient que rarement et même pour un jour tel que celui-ci je les avais sur moi. Placé dans un holster, un pistolet reposait à l’intérieur de la veste, tandis qu’un fourreau de katana était soigneusement attaché à la ceinture. Ne sachant pas ce que la vie nous réservait, il fallait donc être paré à toutes éventualités, notamment sur une île comme Whiskey Peak. Une forte concentration de chasseurs dans les environs signifiait qu’une chose, que le crime proliférait  ici.
Bon… Avec une telle avance j’avais tout le loisir de réfléchir à comment engager la conversation, quel type de posture adopter avec l’ancienne détenue. A vrai dire, je ne m’étais encore jamais retrouvé dans une situation qui n’impliquait pas d’intérêts financiers, et cela me troublait fortement. Pour faire baisser ma tension, je décidais de me griller une cigarette, au moins de cette façon je pouvais penser à autre chose le temps que cette dernière se consume. Le temps devenait long, très long même, les cigarettes s’enchaînaient presque à un rythme infernal, jusqu’au moment où….
Il y avait enfin du mouvement derrière le portail. Une petite vérification s’imposait, je sortis une montre à gousset de ma poche. En effet, c’était enfin l’heure. La silhouette semblait chercher quelqu’un du regard, mais il n’y avait que moi sur les lieux, je ne pouvais qu’imaginer sa déception lorsqu’elle se sera rendue compte que ce n’était pas son grand frère qui était venue la chercher. Ce qui était une silhouette devenait plus nette au point de dessiner clairement les contours de la demoiselle. Alors c’était donc elle, Reed, aux cheveux flamboyants ?
« Reed ? » dis-je en expulsant la fumée.
Cette question me permettait de savoir si c’était bien elle ou non.
« Je suis un ami de ton frère. On m’appelle Benny. »
Toujours une clope en bouche, je sortis un paquet pour lui en proposer. Est-ce qu’elle fumait ? Alors là, aucune idée. J’essayais tant bien que mal de créer une approche, certes ce n’était pas la plus approprié, mais au moins j’avais essayé. Elle devait certainement me trouver bizarre, et si c’était le cas, je ne lui en aurais pas voulu. C’était maladroit de ma part.
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Un jour, alors qu'elle avait perdu toute notion du temps passé ici, on lui annonça de but en blanc que sa caution avait été entièrement payée et qu'un homme l'attendait à l'extérieur. Sa première pensée vint immédiatement à Noam : son frère était venu la chercher. Elle ne savait pas comment, mais Noam était venue la chercher.

En quelques secondes, toutes les émotions qu'elle avait retenue à l'intérieur pendant toutes ces années remontèrent à la surface. Pendant quelques secondes, Reed était redevenue la gamine de huit ans perdue.

Elle sortit de prison aussi vite qu'on lui permettait, de grosses larmes roulant le long de ses joues. Elle avait tellement hâte... de lui demander pardon, d'entendre qu'il lui pardonnait. Elle appela son nom, encore et encore. Elle tourna la tête de chaque côté, si impatiente de revoir les silhouettes qui lui avaient tant manqué.

Mais Noam n'était pas là.

Et cet homme qui l'attendait lui était totalement inconnu.


Evidemment, comment avait-elle pu croire que sa famille avait réussi à amasser assez d'argent pour acheter sa libération ? Non, en fait, elle leur en aurait terriblement voulu s'ils l'avaient fait ; chaque berry devait être consacré au traitement de Noam. Ils ne devaient pas gaspiller de l'argent avec des choses aussi futiles que... sa sortie de prison...

Reed s'en voulu soudainement d'avoir eu des espoirs aussi farfelus et elle essuya ses joues avec sa manche, rageuse. Elle s'était autorisée à être faible pendant un instant - et elle détestait ça.

Pourtant, quelqu'un avait bien payé sa caution. Et dehors, il n'y avait que ce mec avec son costume brillant, coûtant probablement plus d'argent que ce qu'elle avait eu dans toute sa vie. Un monde les séparait, si ce n'était plus ; un gars comme ça n'avait rien à voir avec quelqu'un comme elle. Une erreur, donc ? Ils s'étaient trompés et avaient libéré la mauvaise personne ? Pas son problème. Quand ils s'en rendraient compte, elle serait déjà partie.

Pour une fois que la chance se penchait sur elle, Reed traça, passant à côté de l'homme et de ses clopes. Elle ne comptait même pas lui lancer un regard ; il n'y avait rien de bon à provoquer ces gens-là. Mais quand elle entendit son nom, prononcé par cette voix tout autant inconnue que ce personnage, la rouge s'arrêta net.

Elle le dévisagea, l'observant de haut en bas. Puis avec toute la délicatesse dont elle était capable, elle lâcha :

« Et vous êtes qui ? »

Benny, apparemment. Un nom qui sonnait bien idiot - ça ressemblait à bunny. Dans une autre situation, elle se serait probablement moquée après l'avoir imaginé avec des oreilles de lapin ; mais à la place, Reed fronça les sourcils.

« Mon frère n'est pas ami avec des proxénètes. »

Si sa voix s'était adoucie en parlant de Noam, le dernier mot avait été prononcé avec mépris. C'était impossible que son frère ne soit ami avec ce genre de personne et pour être franc, dans un coin paumé comme Whiskey Peak, les proxénètes étaient les seuls à s'habiller de cette façon.

« Et du coup, vous me voulez quoi ? Ma famille n'a pas les moyens de vous rembourser et je doute que vous faites ça par bonté de cœur. »

Avant de penser à sa propre situation, elle s'inquiéta pour ses frères et sœurs. S'étaient-ils mis dans une situation si difficile pour avoir recours à ce genre de contrat ? De son côté, elle se doutait que si l'homme s'intéressait à elle, ce n'était pas pour ce style d'emploi - elle avait beaucoup trop de répondant et de muscles pour être une catin, les hommes n'aimaient pas. Il voulait probablement la recruter pour jouer les gros bras devant l'un de ses bordels.

C'était l'éventualité la plus plausible...
    Elle a de l'humour, la p'tite n’empêche. Imaginer que je fasse partie de ceux qui exploitent la détresse de la gente féminine, ça a eu le don de me faire pouffer de rire. Moi proxénète ? Et puis quoi encore. Et même si je l’étais, ô grand jamais je me serais amusé à dépêcher ce garçon manqué, qui ferait fuir la clientèle et nuirait au bon déroulement du business. Donc elle, une personne soigneusement vêtue est forcément issue de ce milieu peu fréquentable ? Préjugés très intéressant…

    « Pourtant, que tu le veuilles ou non, lui et moi nous étions amis. »

    Dis-je habilement en mettant l’accent sur l’emploi du passé. Oui, notre amitié a pris fin au moment de la disparition de ce cher Noam. Mais bon, comment pouvait-elle le savoir, elle qui était enfermée dans cette geôle depuis un certain temps.

    « Je t’ai fait libérer pour que tu sois auprès de ta famille dans un moment difficile. Ils ont besoin de toi. D’être au complet pour traverser cette épreuve. »

    Ce n’est vraiment pas évident d’annoncer cette tragique nouvelle, d’autant plus que j’ai beaucoup d’estime pour le défunt. Comment le lui dire sans manquer de tact ? Après quelques instants restés sous silence, je sortis de la poche intérieur de ma veste, une enveloppe scellée contenant l’acte de décès de son frère, puis la tendit en direction de la rouquine. Avec l’appui de ce document peut-être que la gamine prendra la peine de m’écouter jusqu’au bout.

    « Tu devrais lire ça avant de dire quoique ce soit ou même de passer ton chemin. »  Si elle était un minimum observatrice, elle avait la possibilité de voir que j’étais un sérieux extrême. 

    A mon avis, elle me prendrait pour un vautour ou même un chien du gouvernement mondial, qui vient lui apporter de mauvaises nouvelles. Ce n’est pas grave. Toi qui nous regardes des cieux, ta cadette pourra à présent faire son deuil dignement, c’est la moindre des choses. Je me doutais que tu m’en aurais voulu si je l’avais laissé croupir en cellule. 

    Là, elle pourra être avec ses proches, panser sa douleur et vivre la vie que vous auriez tant souhaité. Explorer ce monde en étant libre. Une bien belle ambition. 

    « On y va ? Ils nous attendent. » prononce-je en ayant toujours la clope au bec.

    Sa libération était une chose, la suite du plan était légèrement corsée puisque je devais la conduire auprès des siens, mais pas certain qu’elle accepte que je l’accompagne. Qu’importe son choix, je l’y conduirai. Je suis certes un ancien criminel mais je tiens mes engagements. 



    En parlant d’engagement, que faisait-elle dans la vie mis à part s’attirer des ennuis ? Je lui poserai la question un peu plus tard, attendant un moment plus propice que celui-ci. Vu son caractère bien trempé, elle a un fort potentiel pour attirer les foudres du gouvernement mondial, si elle décidait de quitter ce trou à rats, qu’on ose appeler Whiskey Peak.
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