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L'Alpha et l'Omega

Quelque temps après la rencontre entre Izya Tahgel et Alexander Mountbatten, ce dernier se mit au travail. Il comptait faire d'Armada son nouveau chez-lui. Il venait tout juste d'arriver à la cité flottante, paradis des pirates. Cet environnement était très différent de ce qu'il connaissait. Il perdait ses repères. Mais de bonne grâce, la dragonne lui avait accordé la meilleure suite de son hôtel, le Repos des Cieux.

C'est là qu'il résidait depuis maintenant trois jours. La deuxième flotte de Kiyori, menée par Shoti Shota, l'avait emmené sur Armada, et était repartie la veille. Le seul visage familier qu'il s'était fait sur l'île, c'était celui d'Izya. Le Fantôme appréciait son hospitalité, mais restait méfiant. Tout lui était inconnu ici, et surtout le code d'honneur et de conduite des pirates. Il avait toujours cette mentalité des officiers de carrière de la Marine, fidèles et dévoués, raffinés et droits. Des fers de lance de la Justice, d'après la propagande de Marijoa. Toutefois, il savait pertinemment qu'il fallait aller de l'avant. Qu'il devait s'intégrer à cette nouvelle vie, au risque de se faire avaler tout cru.

La transition était difficile. Chaque fois qu'il sortait dans les rues et s'aventurait en-dehors de l'Atterrissage du Dragon, il ne pouvait que ressentir du dégoût et de la suspicion. Aussi, et plus que jamais, l'ancien commandant d'élite se sentait trahi. Abandonné par le Gouvernement Mondial qu'il avait tant servi pendant la guerre de Vindex. Après tous ses états de service, le voilà qui se retrouvait jeté ici. Il pestait. Et il promit, une fois de plus, de laver son nom de tous ces affronts.

Pérégriner pour pérégriner ne servait à rien, il le savait. Il fallait qu'il se change les idées. Qu'il pense à autre chose. Et le voilà qu'il se retrouvait accoudé au bar de son hôtel.

Bar en tout point remarquable. L'étalage de bouteilles d'alcool était impressionnant, tant par sa taille que sa qualité. Du rhum issu des îles les plus lointaines, du whisky vieilli de douze ans en fûts de chêne, des liqueurs de fruits dont il ne connaissait même pas l'existence… Rien qu'à l'aspect des contenants, il ne doutait pas de leur valeur. Il devait cette expertise à toutes ces soirées passées dans les bars, après le travail, du temps où il était encore à Terra. Là-bas, il fut professeur à l'académie militaire. Il fut – et est toujours – chef d'entreprise.

Mais oui. Il tapa le comptoir de son poing.

Bingo.

Son entreprise était toujours là. Il recevait toujours des appels et des documents sur sa société, dont il était encore propriétaire. Il but une énième gorgée de son cocktail, un Fitzgerald. Un subtil mélange de gin, de citron, de sirop simple et de bitters. Le primé sourit, presque bêtement. C'était son cocktail préféré. Et il venait tout juste d'avoir une idée brillante.

Le Complexe Militaro-Industriel de Terra, en dépit de son nom, pouvait tout à fait se développer à l'étranger. Entendre ici, en-dehors de Terra. Alors, il avait décidé d'étendre les activités de son entreprise à Grand Line. Et Armada constituait l'endroit idéal pour débuter les opérations sur ce nouvel océan. Oui, c'était décidé. La cité pirate deviendrait la tête de pont par laquelle le CMIT dominera le marché des armes sur la voie de tous les périls.

Son regard se troublait petit à petit. C'était son cinquième verre. Et au Repos des Cieux, ils savaient accueillir. Les cocktails étaient incroyablement chargés. Les clients s'en délectaient, étant donné que leurs chambres étaient dans la même bâtisse.

Et avant de remonter dans sa chambre, seul et très sûrement bourré, il se dit qu'il fallait changer le nom du CMIT.

Industries. C'est bien, ça faisait professionnel. Rajouter 'Industries' après un nom quelconque rajoutait toujours un petit cachet. C'est comme 'Inc', ou 'Père et fils', mais en mieux.

Avant de trouver sa clé dans ses poches, une énième pensée lui vint. Et pourquoi ne pas utiliser une autre langue que la langue vernaculaire ? Un langage disparu – ou presque -, ferait l'affaire. Ça donnerait un aspect mystérieux à l'entreprise. Et puis, la classe quoi !

"- Oh…

… Mais ? … Putain, c'était comment après, déjà...

Ga ? Ga …

Omega ?" Il gloussa. Ça sonnait vachement bien.

Omega Industries, donc.
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"- Bon… C'est pas terrible, mais ça fera l'affaire."

Un bon nombre de navires en piteux état s'étendait sur l'horizon. Un spectacle surprenant sinon désolant. Un amas de débris apporté par la mer s'ajoutait au lot. L'endroit était peu fréquentable, boueux, et peu développé. Devant lui, c'était le vrai Armada. Un ramas d'ordures rassemblées ici et là, et qui formait une terre d'opportunité. Ce grand espace défriché, c'était parfait pour le business, se disait Mount.

Ce qui l'intéressait, c'était l'accès direct à la mer. À peut-être plus d'une centaine de mètres, les vagues venaient s'écraser sur les quelques bouts de bois qui formaient une barrière naturelle. Le bruit monotone et apaisant de l'océan contrastait avec l'incessant vacarme du centre de la cité pirate. Les franges d'Armada formaient son cœur sans le savoir. C'était là où tout commençait, et tout finissait. C'est par la mer qu'on devenait pirate. C'est par la mer qu'on mourrait pirate.

Au-delà des considérations philosophiques, établir son entreprise aux bordures présentait plusieurs avantages. Déjà, cela rendait l'acheminement des marchandises facile et plus court. Le commerce s'en retrouvait facilité. Et c'est ce qu'il voulait précisément. Dans un premier temps, il allait importer les armes de Terra, dans le Nouveau Monde. Il comptait, à terme, produire directement ici. Ç'allait prendre du temps, étant donné que les usines ne seront opérationnelles qu'après plusieurs semaines de construction.

Le matin même, il avait reçu plusieurs coups de den-den de la part d'Hobarts. À Terra, les affaires étaient florissantes. Les commandes affluaient de l'étranger. Maintenant que le royaume était passé sous protectorat de la Déesse Enfant, sa société développait des liens commerciaux avec ses autres territoires et les flottes. Apparemment, Shoti Shota en personne avait demandé plusieurs canons pour la deuxième flotte. Le Complexe Militaro-Industriel de Terra – qui deviendra bientôt Omega Industries – avait commencé à se faire un nom. La qualité de ses armes à feu devenait renommée. Quant aux armes blanches, l'entreprise bénéficiait toujours d'une marge de progrès… Un euphémisme qui faisait office de cache-misère. Il faut dire que la fabrication de sabres avait été rajoutée lors du dernier investissement majeur ; et les forgerons manquaient d'expérience avec les outils standardisés qui avaient été installés dans la forge. Néanmoins, ce n'était pas plus mal. Se concentrer sur les armes à feu permettait de se démarquer de la concurrence. Et c'était tout à fait crucial à Armada, où les libres pirates Clotho et Izya tenaient des affaires de forges et de vente de sabres. Mountbatten ne voulait pas se faire des ennemis, et encore moins avec les patrons du coin.

Le Fantôme le savait. Il fallait faire plus. Grand Line attendait avec impatience de nouvelles armes à feu. Cela ne découlait pas d'une passion sanguinaire, mais plutôt de sa morale. Le Gouvernement Mondial représentait une immense machine à conquête et à oppression. Les derniers royaumes indépendants devaient s'équiper pour parer à toute éventualité. Ils devaient dissuader et prévoir le pire. L'ancien commandant d'élite avait vu de ses yeux les ambitions expansionnistes de Marijoa. Il y avait même participé. À l'époque, il ne s'était pas posé beaucoup de questions. Il avait ses ordres, des moyens matériels et humains, et une vision des choses radicalement différente de ce qu'il était à présent. Auparavant, il avait tout de ce brillant officier de carrière, fidèle en ses principes et envers son camp. Un homme qui avait son avenir tracé devant lui. Un homme qui aurait combattu son être du présent.

Cette chimère du passé le hantait. Depuis qu'il était arrivé à Armada, son lui d'avant revenait sans cesse dans ses pensées. Encore là, devant l'immensité des débris et de Grand Line, il se redemandait… Et si. Et si tout cela avait été différent. Et s'il n'avait pas été le bouc émissaire d'une affaire qui le transcendait. Tout aurait été plus facile, si facile. Avec la guerre sur Vindex, qui a duré près de sept mois, Mountbatten avait changé. Il avait ouvert les yeux sur la réalité du genre humain, sur l'impossibilité d'analyser l'ordre des choses d'un point de vue purement manichéen. Non, il avait vu les pires vices de la Marine, comme avait-il vu les plus immondes exactions de la part de l'Armée Révolutionnaire. Une guerre est sale, et ainsi allait la marche du monde. Toutefois, il avait encore foi dans le Gouvernement Mondial, comme étant le moins mauvais des systèmes.

Il s'était trompé. Lourdement trompé.

Subséquemment, il devait se réinventer une vie ici.

Il pesta. Puis, son regard se porta sur le bleu horizon des cieux. Qu'est-ce que Louise aurait pensé de tout ça ? Il se le demandait.

Louise fut un temps sa fiancée. Un autre officier de la Marine, comme lui. Ils s'étaient fiancés au début des combats, sur Vindex. Un jour, qui parut une éternité, sa compagnie de combat vint relever l'unité de Louise. Le ciel était bas, les crêtes enneigées n'étaient plus. À la place de l'immaculé blanc de la neige, un brun obscur recouvrait les montagnes des monts Kirov. Alors qu'ils passaient un énième village, c'est là qu'ils virent les premiers chariots redescendre le col sur lequel ils se dirigeaient. Un coup de vent ramena immédiatement une odeur pestilentielle aux nez des soldats. Puis, les corps glacés des morts de la veille passèrent les troupes. Les rares nouveaux avaient vomi. Mais surtout, le Fantôme se remémorera à jamais la vue de son corps démembré et décharné. Sa position avait été pilonnée par l'artillerie révolutionnaire pendant plusieurs heures. Il ne restait presque rien. Des membres ramassés ici et là, à la va-vite. Certains n'eurent même pas le droit à une tombe décente, tant le bilan humain fut élevé. Il ne pourrait jamais pardonner les révolutionnaires pour ça.

D'un autre côté, peut-être qu'elle avait eu de la chance. Elle était partie en effectuant son devoir. Ses parents avaient dû recevoir une poignée de médailles en guise de remerciement pour leur dévouement au Gouvernement Mondial. Au moins, en dépit de leur tristesse, ils pouvaient se convaincre qu'elle avait fait le bon choix. Les parents de Mount, eux, ne devaient que ressentir du dégoût pour leur traître de fils.

Au-delà de restaurer son honneur, le Marijoan souhaitait aussi une chose. Saigner à blanc le Gouvernement Mondial. Aussi, il comptait bien inonder le marché d'armes capables de mettre en déroute les flottes lugubres des Dragons Célestes. Les nobles mondiaux avaient décidé de se passer d'un énième fusible. Ils allaient également apprendre que la vengeance est un plat qui se mangeait froid, voire glacial.
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"- Tu sais souder ?

- Ouais.

- Tu sais travailler le bois ?

- Ouais."

Le gratte-papier valida quelques coches ici et là sur son formulaire, puis leva un œil peu intéressé vers son interlocuteur. L'homme en question était un quadragénaire que des décennies de travail acharné avaient vieilli. Il avait des rides à tous les endroits du visage, qui laissaient penser qu'il était encore plus vieux. Ses mains étaient celles des travailleurs manuels : ses doigts étaient gros, presque grossiers, colorés en nuances de noirs. Sa peau était épaisse, suffisamment épaisse pour ne pas abîmer la chair en dessous après des années à porter, agripper, taper, soulever, des quantités de choses. Un vrai travailleur. Certains diront même que les jeunes générations ne seraient plus capables de produire une telle force de la nature.

"- Engagé. Bienvenue chez Omega Industries." Répondit le bureaucrate, qui ne daigna même pas serrer la main de son futur collègue.

Collègue, collègue, c'était vite dit. Les deux individus n'auraient quasiment rien en commun au sein de l'entreprise qui émergeait à l'extrémité d'Armada. Un immense complexe prenait vie devant les yeux des nouveaux employés. C'étaient plusieurs dizaines de bâtiments aux fonctions diverses et variées qui poussaient de la terre – ou plutôt de la mer. Les employés de bureau n'auraient, a priori, pas besoin de se rendre sur les sites de production à proprement parler. Tous les constructeurs disponibles sur la cité pirate avaient été embauchés par Mountbatten pour avancer au plus vite sur les travaux. Le marché de l'armement n'attendait pas, et il le savait bien.

Des centaines de personnes s'étaient réunies ce jour-là, aux franges de la ville, pour être embauché. Mount avait collé plusieurs affiches signalant la vague de recrutement. À la clé, 'une bonne paie et une bonne situation'. C'était tout ce que les malheureux voulaient, après tout. Et puis ce n'était pas une promesse vaine : si l'antenne d'Armada arrivait à dégager les mêmes revenus que celle de Terra, alors fortune et prospérité s'abattrait sur ceux qui soutiendraient le projet.

"- Aller ! Dépêchez-vous ! Pas le temps de discuter, nom de Dieu !" Clama un bel homme, dont la chevelure blonde flottait au vent.

"- Du calme, Marian. Rien ne presse. Tout se déroule très bien comme tel." Répondit le Fantôme, en direction de son subordonné.

Marian Windsor était celui que Mount avait choisi comme directeur pour l'extension de sa société à Armada. Et même plus : il l'avait nommé directeur pour Grand Line.

Il faut dire que l'ancien commandant d'élite avait été séduit par le personnage. Marian était un homme avenant, extraverti : le type à rayonner dans n'importe quel cadre social. Il avait un physique plaisant, des traits de visage très fins, une bouche bien dessinée et des yeux bleus perçants, qui séduisaient la plupart des femmes qu'il rencontrait. Il cultivait son image de beau gosse en costard rose et à la cravate mauve, qui le distinguait parmi des milliers. Il appréciait les bons mets et la belle vie. Son train de vie était réputé pour être luxueux. En parallèle, il avait donné une impression légèrement différente au Marijoan. Celui-ci voyait en lui un ambitieux, un carriériste et un bûcheur que le sort n'avait pas épargné. Par là même, il se retrouvait dans la personne de Marian. Il avait développé sa propre entreprise à Lynbrook, mais ses fréquentations peu recommandables l'ont poussé à s'échouer sur Armada. Toutefois, Marian semblait avoir appris de ses leçons, et il avait l'avantage d'avoir eu de l'expérience en gestion. Couplé à ses compétences interpersonnelles, c'était un choix idéal pour étendre l'entreprise ici et dans tout Grand Line.

Et puis Mount était confiant sur sa capacité à canaliser les défauts de son employé. S'il merdait avec ses fréquentations une fois de plus, il était mort. Marian était conscient de cela. C'était un mélange de menace et de confiance qui liait à présent les deux hommes. Un équilibre fragile et improbable, qui pourrait à terme fleurir en quelque chose de mutuellement bénéfique.

"- Les hommes pourront travailler dès demain. Les commerciaux ont déjà commencé à prospecter partout dans la cité." Dit Marian, avant de continuer avec un franc sourire au bord des lèvres.

"- Ça s'annonce bien, tout ça. Très bien, même.

- J'espère. D'ailleurs, tiens."

Mountbatten sortit un den-den d'une poche de sa veste bleu marine.

"- Pour me contacter. Tiens-moi au courant des avancées des travaux, des nouveaux contrats, et de tout ce qui sort de la normale. Si t'as une question, pareil : n'hésite pas. Je pars avec Red et une bonne partie des libres pirates pour affronter Teach à nouveau.

- Teach… L'Emp… L'Empereur ?" Demanda Marian, immédiatement refroidi par la nouvelle.

"- C'est ça. Le Malvoulant. Et il n'est pas impossible que j'y gagne un cadran à la fin. Enfin... Si on gagne, et si je survis. D'ailleurs, tu resteras directeur de l'antenne d'Omega Industries dans tous les cas. J'ai vu tous les détails avec Hobart... L'entreprise doit me survivre dans tous les cas. Le Gouvernement Mondial ne perd pas un instant, ne l'oublie jamais."
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