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Tartuffe & Tartanfion - Partie 2

Le labyrinthe


Trois jours étaient passés depuis le dernier entraînement martial de Tartuffe et Tartanfion. Durant ces trois journées de permission, accordées aux deux jeunes mousses afin de leur permettre de se reposer et de retrouver force et motivation, je m’étais attelé aux diverses tâches administratives propres à mon statut de Commandant. En soit, rien de bien passionnant. Comme tout officier subalterne ayant pour objectif d’atteindre le rang convoité de Lieutenant-Colonel, je m’efforçais à être le plus minutieux possible quant à mes obligations. Même si les tâches les plus rudimentaires me permettaient d’apprendre et de consolider ma position, je n’avais qu’une seule et unique chose en tête : atteindre le grade de Commodore, atteindre la liberté, la possibilité de prendre la mer et de naviguer au gré de mes envies, de parcourir le monde et de faire régner l’ordre et la justice sur toute les iles de Grand Line ainsi que du Nouveau Monde.

Mais l’heure n’était pas à la rêvasserie. Refermant mon dossier en cours après analyse scrupuleuse et signature, je me levai et me dirigeai à la fenêtre de mon bureau. Idéalement situé au second étage du QG de North Blue, il m’offrait la chance de pouvoir, en tout cas de lassitude, de déprime ou besoin d’évasion, de contempler le doux reflet du soleil vibrer à l’unisson et se mêler aux vagues de la mer bleutée. Cette mer qui, avec un calme olympien, s’étendait à perte de vue. Malgré le bruit provoqué par la vie perpétuelle qui régnait au sein de la base, il m’était particulièrement facile de leurrer mon esprit, de changer de vie l’espace d’un instant et de m’imaginer dériver paisiblement, allongé sur cette mer transparente. Je pouvais alors observer les nuages éphémères aux formes irrégulières défiler sous mes yeux.

***

Je retrouvai Tartuffe et Tartanfion, les deux frères jumeaux, dès la première heure du matin. Comme à leur habitude depuis plusieurs semaines maintenant, ils étaient prêts, impeccablement vêtus devant la porte de leur couche. Leur dortoir, parfaitement entretenu, ne méritait même plus que je m’y intéresse. Cette journée, qui se présentait comme un véritable challenge pour eux, allait être des plus délectables pour moi. Leur formation initiale à présent terminée, il était temps de passer aux choses sérieuses, il était temps de les pousser à se surpasser. Après tout, ce n’est pas leur avenir seul qui était en jeu. J’avais en effet misé ma réputation quant à la réussite de leur formation. Ils ne devaient pas simplement achever ces deux mois sur une validation de leurs acquis, je m’étais personnellement engagé à ce qu’ils écrasent sans difficulté la totalité des autres jeunes marins. Eux, qui étaient perçus comme des ratés par la totalité des sous-officiers et marins de la base et qui n’avaient subis que moqueries et humiliations, allaient finalement forcer le respect.

Nous retrouvâmes ainsi les portes de la ville pour débuter la première des épreuves que je leur réservais. La ville qui, au QG de North Blue, faisait partie intégrante du système de défense de la base. Des rues exiguës et irrégulières, construites à la manière d’un labyrinthe, offraient culs-de-sac, structures identiques en vue de simuler une impression de déjà-vu, maisons basses, postes de tirs dispersés et autres chemins adroitement dissimulés visant à rendre toute progression ennemie lente et confuse.

« Voici votre entraînement du jour. Je vais vous faire une visite guidée et une seule, à travers la ville. Je vous abandonnerai ensuite sur la place centrale, yeux bandés, et votre objectif sera d’en sortir. Attention cependant : vous devrez sentir, analyser et éviter toute attaque ennemie potentielle. A chaque échec, il vous faudra réitérer l’expérience. Si vous ne parvenez pas à vous évader du labyrinthe d’ici la fin de la semaine, tout s’arrêtera et vous serez banni de cette île. Sur ce, en avant. »

***

Le tour de la ville fut rapidement bouclé. Avant-même s’y faire le premier pas, j’avais mis un point d’honneur à suggérer aux jumeaux, et de manière très insistante, de mémoriser chaque virage, chaque recoin, chaque allée condamnée et jusqu’à la moindre brique de la ville. Bâtie de manière à pouvoir retenir l’ennemi durant plusieurs heures, il n’était en effet pas facile d’en sortir sans en connaître le chemin logique. En tant que première ligne de défense du QG, cette ville labyrinthique à liberté contrainte était un espace utopique à part entière, une espèce d’immense tricherie qui donnait à celui qui y était enfermé l’impression malaisante de posséder le don d’ubiquité. Une fois la vérité dévoilée, le mensonge, l’illusion, semblable à une forme de paradis artificiel, laissait place à une vérité que l’on avait envie d’accepter. « Il n’est pas possible de sortir de là ». Le message poétique de ce labyrinthe était un message de sursis. Le pari étant qu’avant la chute, l’intru s’engage dans un parcours inlassable, pathétique et dérisoire, une sorte de défi lancé à l’obscurité de sa propre destinée.

Une fois les yeux bandés, Tartuffe et Tartanfion s’engageaient dans une épreuve qui allait faire non-seulement appel à leur mémoire, mais également à leur instinct, leurs reflexes et à leur capacité d’analyse. La ville, construite selon le modèle des anciennes cités guerrières, regorgeait de pièges et de planques dissimulées, toutes reliées entre elles via un réseau souterrain tout aussi complexe que celui de la surface. J’avais demandé, en ma qualité de Commandant formateur, à quelques volontaires de prendre place ci et là, à des positions stratégiquement avantageuses, et d’initier des attaques surprises à l’aide de projectiles non létaux. Pour chaque simulation résultant par la mort de l’un ou l’autre des deux frères, l’épreuve recommençait.

Une fois la nuit tombée, alors que la lumière du soleil avait laissé place aux luminaires et autres éclairages artificiels, mes deux protégés n’avaient pas fait le moindre progrès. Ils avaient passé la journée à marcher, tâtant les murs de manière craintive et confuse. Probablement morts une dizaine de fois, ils passaient leur temps valide à emprunter les culs-de-sac, à revenir sur leurs pas, à trébucher sur la moindre marche, bref, à tourner en rond dans un cycle qui semblait alors sans fin. Cependant, et ce pour la première fois, ils restèrent inflexiblement positifs face à la défaite. « Demain on y arrivera. » « Ce n’est qu’une question de temps. » « Je pense avoir mémorisé toute la partie nord de la ville. » Leur discours, bien que modeste, reflétait leur assurance et leur confiance.

***

Le lendemain, aucune différence majeure n’était perceptible. Ils avaient l’air de se battre avec eux-mêmes pour trouver leurs repères, pour identifier et conserver en mémoires les positons desquelles ils étaient attaqué. Plus les journées avançaient, moins elles se ressemblaient. Jusqu’à ce que le sixième et dernier jour arrive.

Les yeux bandés, il commencèrent par se frapper mutuellement le poing en signe d’encouragement. Puis… à ma grande surprise, ils prirent la décision de se séparer. Le premier partait vers le nord alors que le second pris le chemin vers le sud. « Diviser pour mieux régner, hein ? » Mais, le plus étrange restait leur manière de faire. Ils avaient tous deux sensiblement la même façon de se repérer, de se déplacer dans ce labyrinthe au multiples facettes. Ils ne marchaient plus. Ils ne montraient plus la moindre once d’hésitation, il étaient concentrés et imperturbables. Ils couraient, ils filaient droit, évitant chaque cul-de-sac, chaque impasse, chaque variation de terrain. Et en guise de repère, ils se contentaient de poser la main sur certains murs. Une technique particulièrement redoutable et efficace se basant sur la mémoire photographique. Sur le principe, il suffit de cartographier la zone (ici, en l’occurrence, la ville) dans sa tête afin d’en créer une image mentale parfaitement nette. Toucher certains éléments comme un mur, un banc, un lampadaire, ci et là, permet simplement de confirmer sa bonne position.

Malgré les bruits, les distractions des marchands, des commerces, des habitants ou encore des patrouilles, malgré les enfants jouant dans les rues étroites de l’île, le chant des oiseaux et autres mouettes survolant le QG, ils parvenaient, non sans mal, à identifier les caches et à anticiper les attaques éventuelles des marins embusqués. En plus d’éviter au mieux les planques les plus évidentes, il parvenaient à modifier leur route au moindre son suspect. Après moins d’une heure d’épreuve, les deux jumeaux se dressaient face à moi et enlevaient leur bandeau.

Ils avaient réussi.
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Le typhon


Il ne me restait que trois semaines pour achever la formation initiale des frères jumeaux. En repensant à leur état physique et mental du premier jour, je me rendais compte des énormes progrès effectués. Jusqu’à aujourd’hui, il ne m’avait été donné que peu d’occasions d’assister à une telle métamorphose. Mais beaucoup restait encore à faire. Beaucoup restait à prouver, non-seulement pour moi, mais également et surtout pour eux. Il n’était pas question d’un simple entraînement de routine, il n’était pas même question d’une simple formation d’accès au bas de l’échelle de la Marine. Eux qui, jadis, étaient persuadés de n’avoir aucune valeur, pensaient, non, savaient qu’ils étaient capables de tout accomplir.

Et pour preuve. Ils avaient tous les deux accompli en une semaine ce que d’autres passaient des mois à perfectionner. Mémoriser chaque recoin de la ville rattachée au QG et être capable d’en sortir, tout en esquivant les différents pièges et avec les yeux bandés, relevait d’une véritable prouesse. Cette expérience particulièrement stimulante de mise en situation avait eu un impact révélateur sur leur manière de penser et d’aborder les choses. Leur esprit craintif avait en effet laisser place à un esprit d’analyse plus serein. Et cette sérénité allait être primordiale pour la suite des événements.

***

Mais, avant d’entamer la seconde épreuve, un retour aux bases était indispensable. Deux heures d’instructions théoriques, obligatoires, étaient dispensées chaque jour. L’apprentissage nécessaire pour passer matelot de seconde classe était validé depuis longtemps. Il était question d’aller plus loin, de pousser leur apprentissage à un niveau de sous-officier. Et je m’y employais chaque jour avec la plus grande attention. La routine quotidienne de leur entraînement physique ne changeait pas. Push-up, sit-up, squat, course à pied. Leur corps étant devenu robuste et endurant, il était à présent temps de passer à un tout autre niveau. Après tout, un marin ne sachant pas nager n’est-il pas une honte ?

***

« Bien. Jusqu’à maintenant, vous avez tous les deux fait preuve d’une détermination dont je peux être fier en tant qu’instructeur. Mais si votre objectif est d’être les meilleurs, de au-dessus du lot, de gagner le respect de chaque membre de cette base, il va falloir en faire. Il va falloir mettre votre vie en jeu. Donc je vous le demande, êtes vous prêts à mettre votre vie en jeu ? »

« Oui, chef. »

« Oui, chef ! On leur montrera, on leur montrera à tous que les deux ratés qui ont franchi le seuil de cette base il y a 4 mois n’existent plus. Quel que soit le défi, nous sommes prêts à le relever ! »


« Parfait, voilà exactement ce que je voulais entendre. Dans ce cas, hâtons-nous. Nous n’avons que quelques jours pour vous préparer. »

Sans attendre, nous nous dirigeâmes vers le port du QG de North Blue. Celui-ci, construit sur le modèle de Marineford (l’ancien quartier général de la Marine), est la partie la plus traditionnelle de la base. Il se présente sous la forme d’une vaste digue en croissant protégée par plusieurs tourelles installées dans des fenêtre au sommet du mur. Une défense de faite de briques et d’acier qui, en soit, se veut être tout à fait classique. Les murs, épais et hauts, émergeants de la mer, permettent non-seulement d’entourer et de prendre au piège les ennemis potentiels, mais également de protéger les navires (ceux de la Marine ainsi que les marchands) des violents courants marins.

Après analyse rapide du terrain et de la météo qui se voulait calme, dégagée et propice à une nage débutante, je ceinturai les deux frères à l’aide de deux cordes, elles-mêmes solidement reliées à des attaches destinées à l’amarrage des sloops. Il ne me restait plus qu’à les jeter à l’eau.

« Nagez. Nagez le plus loin possible et, lorsque la corde sera tendue, continuez à nager jusqu’à épuisement. Nulle inquiétude, je vous ramènerai moi-même lorsque vous n’aurez plus la force de bouger les bras. Attention cependant, si je juge votre effort insuffisant, croyez bien que je vous laisserai vous noyer. »

« A… à vos ordres, chef ! »

« … Oui chef. »


Et ils commencèrent à nager en direction du large, comme pour quitter l’île. Ce fût là une grande surprise. Je ne les avais encore jamais vu à l’eau, et, je pensais, tout naturellement, qu’ils ne tiendraient pas plus d’une vingtaine de minutes. Tartuffe s’arrêta et commença à sombrer dans les eaux calmes et profondes de North Blue après plus de deux heures d’efforts. Tartanfion, quant à lui, parvint à tenir près de deux heures et trente minutes. Les cordes me permirent des les ramener jusqu’à la terre ferme en toute sécurité. Tous deux à bout de forces, je leur accordai une nuitée d’une dizaine d’heures pour retrouver leur énergie.

Le cinquième jour, les deux frères avaient passé plus de cinq heures à nager avant de s’épuiser.

***

Lorsque le soleil timide du sixième jour se leva, il était temps de passer à la seconde épreuve. Bien que mer se montrait calme et amicale, le ciel était couvert par des nuages suffisamment épais pour dissimuler les rayons chaleureux et éclaircissants. Rien d’alarmant cependant. Teintés d’un gris clair, ils présentaient une touche rosâtre rassurante qui annonçait un retour imminent de l’astre solaire. Et, dans le cas contraire, et bien, ma foi, ils devraient faire avec. Je pouvais alors donner mes ultimes instructions.

« La situation est très simple. Vous voyez, ce bateau, au loin ? Il se situe à environ deux milles nautiques de notre position. Tout ce que vous avez à faire, c’est l’atteindre. Simple. »

« M… mais… Oui chef ! »

« Bien reçu, chef ! »


« Prenez garde à la mer. Elle peut être dangereuse, imprévisible, arbitraire. Mais sachez que tout bon marin doit être en mesure de parcourir cette distance. Alors ne pensez pas « exercice », mais « situation réelle ». Il s’agit d’une question de survie dans un environnement qui, toute votre vie durant, vous sera familière. »

La sortie du port se fit sans encombre. Cependant, arrivés à mi-chemin du bateau, Tartuffe et Tartanfion ressentirent un changement. Le vent commençait à tourner, la mer à s’agiter, la pluie à tomber. La nage devenait plus difficile et la mer plus hargneuse. Et puis, à quelques dizaines de mètres seulement du navire, la tempête se déchaîna. Une rafale dans laquelle s’entremêlaient vent et eau salée frappait le visage des deux mousses avec une violence qu’ils n’avaient encore jamais rencontré. La mer, sur laquelle la rafale venait s’aplatir, se soulevait, submergeant les deux nageurs sous une épaisse ruée d’écume qui se prolongeait dans un paysage obscur et froid. Et sur cette nappe éblouissante étalée qui, sous les nuages sombres, déployait un éclat bleuâtre, je portais un regard désolé aux deux frères partis, que je ne pouvais alors plus voir ni entendre, fondus dans l’exigence du tourbillon. Ce ne fut que quelques instants plus tard, dans l’éclaircissement blafard apporté par une autre grande lame escaladant les eaux, que j’eus une vision des deux marins en devenir qui continuaient à nager inlassablement au gré du typhon. Ils luttaient, sans relâche, pour leur honneur, pour leur survie.

Soudain, le signal me parvint. La lumière du projecteur se frayant un chemin hors de la dense obscurité me confirmait que les jumeaux étaient bel et bien arrivés à bord, sains et saufs. Mon cœur se serra et je l’entendais battre de manière parfaitement claire parmi la discordance affreuse des bruits terrifiants qui semblaient venir de quelque contrée reculée, loin au-delà du sombre empire de la tempête.

Ils avaient réussi. Ils venaient de vaincre cette mer agitée et plus colérique que jamais.
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La forêt


Une semaine passa, durant laquelle l’entraînement suivait son cours habituel.

La formation des deux mousses touchait à sa fin. La lueur craintive qui annonçait le bout du tunnel était enfin perceptible. Un chemin qui, semé de nombreuses embûches, allait finalement mener les jumeaux à leur destination. Apprentissage théorique, épreuves physiques, c’était là l’aboutissement d’une longue préparation. Restait l’ultime épreuve, la dernière avant leur nomination officielle en tant que soldats de la Marine. Et s’ils avaient déjà une avance certaine sur la majorité des autres jeunes marins en devenir, la réussir leur offrirait une véritable consécration au sein du QG.

« Voici votre troisième et dernière épreuve. En tant que soldat de la Marine, vous aurez l’occasion, ou plutôt l’obligation, de vous rendre sur le terrain. Il vous faudra alors vous adapter à votre environnement pour mener à bien votre mission et, survivre. Et, aujourd’hui, survivre est votre mission. Vous passerez trois jours, seuls, dans la forêt de la base. Vous devrez vous adapter, et vous présentez devant cette porte à la fin du temps imparti. Gardez à l’esprit que même si les animaux de cette forêt ont effectivement été dressés, ils ne vous reconnaîtront ni vous, ni votre voix, ni votre odeur, et pourraient donc se montrer hostiles. Ceci étant dit, il est l’heure. »

Résultats des expériences menées par Shiki et le Dr. Indigo, les animaux de Strong World ont été créés dans le but de construire une véritable armée. Gigantesques, agressifs, rapides, puissants et endurants, la plupart des créatures de l’ancienne forteresse flottante sont mortellement dangereuses.

« Bonne chance, et bon courage. On se revoit dans trois jours. »

***

Lorsque les deux frères parcourant la sombre et lugubre forêt se trompèrent d’embranchement, ils tombèrent sur un chemin étrange et isolé. Les rochers disposés de chaque côté et bordés de ronces resserraient de plus en plus les ornières du passage tortueux. Les arbres de la zone boisée, omniprésents, paraissaient de plus en plus imposants et les broussailles et autres buissons présentaient en ces lieux une vigueur surprenante. Sans trop savoir pourquoi, ils hésitaient à avancer davantage dans cette jungle solitaire et distordue. Ils avaient la malaisante impression d’aborder un domaine interdit ou demeuraient des choses auxquelles il valait mieux ne pas avoir affaire. Et plus ils allaient de l’avant, plus ce sentiment de malaise bizarre s’accroissait. Ils le savaient : ils pouvaient croiser les légendaires créatures de Strong World à tout moment.

Après quelques longues minutes de marche, un bruit, non, un grondement plutôt, se fit ressentir. La terre se mit à trembler, le sol se mit à se mouvoir. L’espace d’un instant, ils crurent en effet distinguer certains signes de vie évidents. C’était un arbre. Un grand arbre majestueux, grand, qui s’étendaient aussi bien sur la hauteur que sur la longueur. Mais il semblait différent. Comme une imitation réussie, il prenait racines dans la terre, son feuillage frémissait au gré du vent silencieux, son tronc dégoulinait de sève, mais quelque chose semblait bizarre. Ne souhaitant pas savoir de quelle manière, les deux frères firent immédiatement demi-tour et prirent congé du Big Tree.

Le soir venu, alors que les rayons du soleil commençaient à disparaitre pour laisser place à la pénombre de la nuit, ils décidèrent de trouver un abri. La forêt étant particulièrement dangereuse, ils avaient le choix entre grimper dans un arbre suffisamment robuste et feuillu pour être efficacement dissimulés, ou se rapprocher de la côté afin de s’éloigner des plus grandes menaces. Ils choisirent la seconde solution, qui semblait moins risquée. En effet, les animaux de la forêt étaient non-seulement dressés pour éviter le bord de mer, mais portaient également un collier électrisant destiné à les maintenir dans une zone bien spécifique.

Au matin de deuxième jour, les deux mousses furent attirés par une légère odeur fruitée et décidèrent de la suivre. Ils faisaient alors face à un papillon coloré, dont la forme des ailes faisait étrangement penser à un sourire. Était-ce un animal amical ? Bien sûr que non. Les papillons, même de petites tailles (pour ne pas simplement dire normaux), arborent souvent un motif inoffensif destiné à amadouer ou a leurrer les prédateurs potentiels. Et celui-ci ne faisait pas exception. Mais… se cachait-il des prédateurs ou était-il le prédateur ? En considérant les nombreuses rumeurs vis-à-vis des animaux de Strong World, la réponse était tout sauf évidente. Soudain, un petit son strident, celui d’une branche craquant sous les semelles de Tartuffe. Aussitôt alerté, le papillon déploya ses ailes et, d’un geste presque imperceptible, dégagea un pollen à la limite de l’indolore. Premier réflexe, se retourner et, sans se poser la moindre question, se frayer un passage entre les branches pour quitter les lieus. Cependant, les spores toxiques ne tardèrent pas à faire effet. La vue des jumeaux se troublait, leurs membres s’engourdissaient, leurs forces les abandonnaient.
Pris au dépourvu, ils titubaient tant bien que mal pour ne pas s’effondrer, pour rester conscients. Le poison ne ferait sans doute pas effet éternellement. Une seule et unique chose leur traversait alors l’esprit : rester en vie.

***

Le troisième jour était passé. Au soir, à l’heure précise ou le soleil s’éclipsait pour laisser sa place à la lune, ils étaient là. Tous les deux se tenaient debout, face à la grille, prêts à sortir. Ils étaient certes bien vivants, mais avaient également l’air mal en point. Leurs corps étaient couverts de boue, les marques de lutte évidentes et les traces de sang séché trahissaient les heures difficiles qu’ils avaient du passer. Entailles et écorchures recouvraient leurs deux visages, leurs regards sérieux parlaient d’eux-mêmes. Ils s’étaient battus pour leur vie, et, encore une fois, avaient réussi l’épreuve avec brio.

« Vous êtes prêts. Vous avez dépassé toutes mes espérances, et assurément les leurs. Vous faites ma fierté. Vous pouvez aller vous laver. Demain, c’est jour de repos pour vous. »

Les regards, qui avaient jusqu’ici conservé toute leur concentration, se changèrent en quelque chose de plus doux et de soulagé.

« Bien chef, merci chef… »

« Merci ch… »


Ils s’écroulèrent alors de fatigue. Je les rattrapai tous les deux sur chacune de mes épaules, et les transportai jusqu’aux bains. Ils pouvaient enfin souffler.

***

Deux mois. C’était le temps nécessaire à la formation d’un Matelot de Deuxième Classe. Tartuffe et Tartanfion, eux, même s’ils avaient bien évidemment été recrutés sans la moindre difficulté, avaient aujourd’hui tout le savoir nécessaire pour devenir sous-officiers. Seul le temps leur manquait alors, mais j’étais persuadé qu’ils grimperaient les échelons très rapidement.

Le QG tout entier ne parlait plus que de leur cas, et de l’entrainement intensif qu’ils avaient subi. Comment étaient-ils passé du statut de ratés à celui de brillantes recrues ? Tous cherchaient alors à savoir et les deux jumeaux croulaient sous les questions. Destinés à une carrière plus que misérables, ils avaient défié toutes les règles et avaient prouvé à tous que même le plus insignifiant des hommes pouvait changer son étoile.

Méphis Toffel, Commandant des forces d’élite de North Blue lui-même, s’approcha des deux frères : « J’aimerai m’entretenir avec vous deux, si vous le permettez ? »
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