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Chemin de Damas

Alors que le combat faisait toujours rage au centre de l'iceberg contre l'Empereur affaibli, Mountbatten filait pour rejoindre l'endroit où il avait achevé James Richards plus tôt. Le Liberticide fut le commandant de la deuxième flotte de Teach, jusqu'à sa chute. C'est à la suite d'un affrontement difficile et douloureux que Jeska et Mount purent en arriver à bout. Celui qui possédait le fruit de l'humain modèle Buddha avait posé une menace mortelle aux deux. À plusieurs reprises, ils étaient passés à deux doigts de la catastrophe. En particulier, le Fantôme avait dû ruser pour pénétrer la peau dorée du mastodonte. Sans haki de l'armement, traverser une telle couche de métal couplée avec la force brute de l'ancien révolutionnaire s'était avéré délicat. Ironie de l'histoire, son fluide offensif s'était éveillé lors de l'engagement contre le Malvoulant en personne... Un peu tard, mais suffisamment tôt pour sauver Lola, et pour suivre l'ouverture créée par Reyson. Alors que ses deux sabres s'élançaient dans leurs trajectoires, son pouvoir s'éveilla. Presque miraculeusement d'ailleurs. Ainsi, Mount avait été capable de trancher une de ses jambes. Et alors que l'ultime rencontre s'opérait derrière lui, au cœur de la citadelle, le Marijoan s'était extrait pour récupérer son dû lorsque Teach activa son haki des rois. L'ancien commandant d'élite était au bord de ses capacités et de sa résistance. Dans le même temps, son mantra lui indiquait l'arrivée prochaine d'éléments adverses sur l'île. Plusieurs navires se dirigeaient vers la fin de Toreshky, et à leur bord, des personnes très dangereuses, compte tenu de ce que dégageait leur aura.

Le lieu qui servait de terrain d'entraînement à Teach était dans un piteux état. Des morceaux du glacier s'étaient détachés. Certains avaient écrasé des combattants des deux côtés, et en avaient entraîné d'autres dans l'océan glacial. Une odeur putride, composée d'un mélange de chair en décomposition, de poudre à canon, de poison et d'autres fluides humains, régnait dans l'air. Ces senteurs étaient familières pour Mount, lui qui avait combattu une guerre sur Grand Line pendant sept longs mois pour le compte du Gouvernement Mondial. Tout ça fut son quotidien durant des centaines et des centaines de jours. Il portait encore à ce jour les traumatismes du conflit. Il n'arrivait plus à faire des nuits tranquilles, dénuées de cauchemars. L'homme était condamné à revivre sans cesse des scènes qu'il aurait voulues oublier. Il revoyait son meilleur ami et sa fiancée morts. Avec eux, ses rêves et son monde s'étaient écroulés. Alors quelque part, les visages tuméfiés et les poses statuesques des morts avaient même quelque chose de relaxant pour lui. Il se sentait à l'aise, conforté. Ça lui rappelait une vie qu'il n'avait plus, et qui était bien plus simple que ce qu'il vivait à présent. À cette époque, tout était plus clair. Il servait dans la Marine d'élite et il combattait de méchants révolutionnaires qui avaient soulevé une île contre le joug bienveillant du Gouvernement Mondial. Aujourd'hui, tout était plus flou, plus gris.

Avait-il pris la fuite en quittant le cœur de l'iceberg ? Non. Mountbatten n'avait jamais fui face à l'ennemi. Il tenait de la tradition des officiers de la Marine formés dans les académies militaires les plus réputées. Un officier se doit d'être à l'avant, de mener de ses hommes, d'être l'exemple. Il n'y avait pas de place à la couardise pour un officier. Ces hommes-là ne se couchaient pas devant la mitraille. L'officier était courageux à l'extrême, presque fou. S'il était le plus fort de sa compagnie, c'était aussi le premier à vouloir tomber pour le bien de la cause supérieure. Et bien que Mount ne le fût plus, il avait gardé l'esprit, l'ethos de cette classe sociale si singulière. Les habitudes avaient la vie dure.

Non, la raison de son départ face à l'Empereur avait un caractère plus pernicieux encore. Le Fantôme glissait sur l'air à l'aide de son rokushiki et, tout en activant son invisibilité totale, se dirigeait vers le corps inerte de Richards. Il se posa à côté de sa dépouille. Autour d'eux, les pirates de l'alliance d'Armada, accompagnés de quelques soldats de l'Armée révolutionnaire, pansaient les plaies de leurs camarades blessés. Les râles d'agonie chantaient en chœur dans un registre sinistre, mais que le Fantôme trouvait mélodieux. C'était une mélodie triste et mélancolique qui le berçait dans son insanité. Les soldats étaient laissés à eux-mêmes, car les grands pontes étaient déjà partis depuis longtemps dans la salle de commandement pour affronter l'incarnation du mal.

Le capitaine de la seconde flotte avait mauvaise mine. L'homme arborait auparavant un style élégant, celui du pirate gentleman. Ses habits avaient été lacérés par les assauts répétitifs du vétéran de Vindex, tandis que les effets du poison de l'amante de Red avaient laissé des marques terrifiantes sur son corps. Il avait plus en commun avec un clochard de Saint-Uréa que du dandy qui avait débarqué sur cette plage quelques heures plus tôt. Son corps était tuméfié, ses mains portaient des marques d'un combat violent et sans merci. Mountbatten trouvait ça ironique, pour quelqu'un qui se donnait la peine d'avoir un air soigné. Dans une autre vie, il aurait pu sympathiser avec ce brave. Mais est-ce que tout ceci avait un sens ? Non, il n'y avait jamais de sens dans une telle entreprise. Un ennemi restait un ennemi. Après tout, humaniser ses opposants était la première porte vers la folie. Dans ce genre de combats titanesques, où les enjeux dépassaient les individualités de chacun, rien ne devait être personnel. C'était une pensée brutale, certes, mais c'était nécessaire pour ne pas sombrer.

Ensuite, le Fantôme se saisit de son Meitou Yakikatsu et procéda à une décapitation.

L'acte était barbare. Le coup fut net, sans bavure. La tête de Richards affichait une expression mauvaise, mais calme, comme apaisée. Mount avait l'impression qu'il avait trouvé le véritable repos éternel, celui qui n'obligeait à rien et libérait de tout. Dans les moments les plus difficiles de sa vie, il avait contemplé cette pensée. Il n'avait plus rien à perdre. Son nom avait été sali. Il ne tenait plus à grand-chose. Sa vie n'était qu'une quête de repentance sans fin, son chemin de croix. Peut-être que la tombe offrait une alternative plus glorieuse et plus facile à un long chemin de souffrance. L'ancien marin se reprit. Non, il avait encore un objectif en tête. Mourir maintenant signifiait la victoire du Gouvernement Mondial sur son être, et c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas supporter.

Il souleva la tête par la longue chevelure du défunt, qui devint instantanément invisible. Autour de lui, personne ne payait attention. Chacun était trop occupé. Le paysage d'une bataille était celui d'un chaos sans nom, d'une multitude de petites tragédies personnelles qui ne signifiaient rien à l'échelle d'un tel affrontement. La guerre était faite par les hommes, mais elle était inévitablement une abstraction, une idée. C'était l'organisation millimétrée de la violence. C'était un cadre dans lequel l'homme pouvait tuer son prochain sans avoir la culpabilité propre au meurtre. Et même plus, il y avait un côté honorable à tout ceci. Mountbatten avait longtemps réfléchi à cette question, et il ne pouvait trouver qu'une beauté sinistre et cynique à la guerre. La guerre était dénoncée comme elle était célébrée. Les vétérans revenaient chez eux non pas en criminels, mais en héros. On bâtissait des arcs de triomphe aux conquérants, et des fosses communes aux vaincus. La guerre était la symbiose de l'hypocrisie humaine et sa détestation pathologique d'elle-même.
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Plusieurs tremblements ébranlaient l'iceberg. Les plus faibles tombaient. De nombreux objets virevoltaient aux ondes émises depuis le centre du gigantesque navire. C'est au milieu de ce vacarme et de l'atmosphère pesante que Mountbatten s'éclipsa. Il était blessé, essoufflé, mais il était nécessaire qu'il quitte l'endroit.

L'eau qui entourait la fin de Toreshky était remplie de corps, de sang, et d'une multitude de débris. Quelques bâtiments des flottes de Teach avaient survécu : un peu plus d'une dizaine, de grandes tailles, encerclaient le lieu de la bataille. Le Fantôme se traîna jusqu'à l'un d'entre eux.

Le navire était vide. C'était au demeurant le plus petit qu'il trouvât : il voulut naviguer seul pour accomplir son but. Il était intéressé dans l'idée absurde et grotesque de la Corsair Race, selon laquelle le pirate rapportant le plus de prime serait admis dans les rangs des sept grands corsaires. L'objectif de Mount était clair : faire payer le Gouvernement Mondial pour sa fourberie, et laver son nom. Pour ce faire, il comptait montrer patte blanche, utiliser la carte de la rédemption. Et puis depuis son passage chez les rouges, l'eau avait coulé sous les ponts. Il était désormais plus puissant, capable de faire face à un commandant d'Empereur pirate. Pas seul, non, mais la tête de Richards qu'il traînait prouvait qu'il pouvait assumer un tel poste. C'était avec le statut de Shichibukai qu'il comptait prouver au monde son innocence, et par là même, démontrer la culpabilité de Marijoa et dénoncer ses pratiques. C'était un plan risqué, peut-être idéaliste, et sans doute doté de la même fourberie par laquelle le Cipher Pol 9 l'avait fait basculer dans le camp des hors-la-loi. Mais sa décision avait été prise, et il bénéficiait du soutien du maître d'Armada pour frapper le Gouvernement Mondial.

C'était un brick de taille modeste, doté d'une dizaine de canons tout au plus, tous situés sur le pont supérieur. Quelques boulets traînaient ici et là, sans grande organisation. Du vrai travail de forban. Plusieurs cadavres jonchaient le sol, qu'il s'empressa de jeter à la mer. Dans le même temps, il activa son pouvoir du démon, rendant le navire invisible instantanément, ainsi que tout ce qui se trouvait à bord. Lorsque les corps furent jetés à la mer, ceux-ci redevinrent visibles, et leur sang avec. Le Suke Suke no mi procurait des perspectives intéressantes pour voyager en toute furtivité, chose que le Fantôme n'avait jusque-là pas explorée.

Un vacarme assourdissant survint au même moment, depuis le centre de l'iceberg. L'Empereur des machines Jin Blackbone venait d'exfiltrer la carcasse du Malvoulant, grièvement blessé par son combat contre l'alliance pirate-révolutionnaire. Mount ne connut pas tous les détails sur l'instant, mais détecta avec son mantra que l'aura affaiblie du tyran pirate plongeait dans les abysses, jusqu'à ce qu'elle ne fût plus détectée par son haki. C'était ainsi que le premier acte de la chute de celui qui avait fait régner la terreur sur les mers du Nouveau Monde se conclut. Le Marijoan était heureux d'avoir pu participer à un tel événement, bien que sa participation dût être écourtée. Au fond de lui, il était fier d'avoir pu aider à abattre un tel monstre. Tout ce que Teach représentait allait contre sa morale et ses principes.

À l'intérieur du navire, il trouva le nécessaire pour naviguer : un trilog pose et des cartes. Qu'importait la destination, finalement. Pour participer à la vaste blague qu'était la Corsair Race, il ne fallait qu'apporter la tête d'un primé à la caserne de la Marine la plus proche. N'importe quelle île faisait l'affaire. En conséquence, il leva les voiles, s'assura du niveau des vivres, et se plaça derrière le gouvernail, avec le trilog pose en main. Une légère brise transporta le brick loin de l'iceberg, et bientôt, le calme plat revint à l'horizon.

Cela faisait longtemps que Mount n'avait pas navigué, encore moins seul. La dernière fois qu'il fut à la barre devait remonter à deux ans, voire un peu plus, lorsqu'il était encore dans la Marine d'élite. Néanmoins, il avait gravi les échelons rapidement, et lorsqu'il se retrouva dans une position d'officier, il n'eut plus à se soucier de la navigation de son propre navire. Alors tenir un gouvernail, s'assurer du maintien des voiles, détecter les vents contraires… N'étaient que des souvenirs qui redevinrent soudainement réels. Il avait d'ailleurs bien du mal à conserver son cap droit, tant les mers du Nouveau Monde étaient agitées. Par plusieurs fois, le Fantôme dut courir à gauche et à droite pour redresser la barre, puis pour dresser ou suspendre les voiles en fonction du vent et de la houle. Il avait perdu le pied marin. Ainsi, il devait redoubler d'efforts pour assurer un minimum de fonction à bord du bateau qu'il avait volé.

Plusieurs longues heures passèrent, qui se transformèrent en une journée, puis deux, puis trois. Il avait oublié à quel point les instants passés en mer pouvaient devenir long, surtout sans distraction. Le bruit des vagues constituait la seule interférence sonore du périple. Quelques sons provenaient du brick : celui du gouvernail, des voiles et du bois qui craquait. C'en était presque relaxant. Après la cohue du combat sur la fin de Toreshky, un tel calme était le bienvenu. Les blessures les moins profondes s'étaient déjà refermées et cicatrisaient vite. Le stock de nourriture et d'eau était bon : il pouvait tenir plusieurs semaines seul et sans escale. Loin du bruit du monde et de ses turbulences, Mountbatten s'en retrouvait reposé, apaisé. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait serein, en paix avec lui-même.
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Au bout d'une semaine, une mouette transportant le journal vint délivrer les nouvelles du monde à Mountbatten. Et en première page était annoncée la clôture de la Corsair Race. Il pesta. Il avait passé trop de temps à naviguer, la première fois pour accompagner les libres pirates d'Armada pour affronter Teach, et la deuxième en partant de ce foutu iceberg, sans parvenir à sa destination. Un vainqueur avait déjà été annoncé. Mount se ravisa. C'était une défaite, mais il n'avait pas perdu la guerre. Il y avait toujours des options envisageables. De plus, la septième place laissée vacante parmi les corsaires n'attendait que d'être réclamée… Ou alors, le Fantôme pouvait faire en sorte de lui voler la position d'un Shichibukai en place. L'homme se posa dans la cabine du capitaine pour réfléchir à tout ceci, et à poser le pour et le contre de chaque option. La lumière du jour éclairait dans la pièce. Il s'écrasa contre le fauteuil réservé au capitaine, jeta le journal un peu plus loin sur la table, et fixa l'entrée qui donnait sur le pont supérieur, pensif.

D'un côté, vaincre un capitaine corsaire apparaissait comme le choix le plus simple. Il suffisait de se pointer dans le repère de l'un d'entre eux, et de gagner le combat. Mais c'était plus simple à dire qu'à faire : si le Fantôme était confiant de sa puissance, il y avait une part d'inconnue. Il pouvait perdre le duel, voire plus. Par ailleurs, en plus de le vaincre, il fallait faire en sorte que sa destitution soit quelque chose de bénéfique pour le Gouvernement Mondial : en abattre un n'était pas gage d'obtenir sa place. Tuer un corsaire revenait à éliminer un servant de Marijoa : il fallait donc décrédibiliser la cible et se rendre désirable pour le poste. Malgré tout, il passa en revue les cinq corsaires de l'époque pour la suite de son plan.

Lady Humpf "Lust". Une corsaire efficace, mais relativement peu connue en comparaison de ses confrères, qui rapportait beaucoup de pirates vivants au Gouvernement Mondial. La rumeur courait qu'elle fendait les flots avec un équipage d'esclaves. Mount ne pouvait ressentir que du dégoût pour ceux qui se complaisaient dans la pratique de l'esclavage. Il crachait tout autant sur les Dragons Célestes, d'ailleurs. Du reste, il n'en savait pas plus. Anciennement primée à 140 millions de Berries, elle constituait une cible de choix.

Ensuite, il y avait Otello "Envy" Binks. Le Marijoan écarta immédiatement cette option. Du temps où il était dans la Marine d'élite, beaucoup le considérait comme le plus puissant des Shichibukai. Même si le bonhomme était un alcoolique notoire, c'était le plus efficace en termes de capture et de meurtre de forbans. C'était un chien fou, une véritable tornade qui satisfaisait ses pulsions meurtrières à travers sa place parmi les sept. S'attaquer à lui était ce qu'il y avait de plus risqué.

Il se souvenait qu'Anaha Douri "Sloth" inspirait la crainte parmi les rangs des bleus. Les rares marins qu'il avait rencontrés et qui avaient croisé le chemin de Sloth avaient été terrifiés par son passage. Elle inspirait naturellement la crainte, et tous avaient affirmé sa puissance. Il se rappelait en particulier d'un contre-amiral de Grand Line qui lui avait raconté à quel point la corsaire l'avait aidé à nettoyer une zone. L'officier était resté vague sur ses pouvoirs et ses capacités – ce qui avait agacé Mount sur le moment, comme si le contre-amiral voulait garder un secret et conserver l'avantage des 'sachants' sur les 'non-sachants' -. Mais croiser le fer avec Sloth ne semblait pas être particulièrement facile. À éviter donc.

Il y avait aussi Jack "Wrath" Calhugan. Un ancien Saigneur des mers, l'équipage de Tahar Taghel. Mount émit un rictus. C'était l'illustre père d'Izya Taghel, avec qui il venait de combattre de Teach, et qui l'avait accueillie sur Armada. La boucle était bouclée. Le monde était si petit que ça ? Il fallait avouer que la coïncidence était fascinante. M'enfin, il s'égarait. L'homme au zoan du gorille était une possibilité.

Le corsaire restant était Joe Biutag, aussi connu sous l'appellation Greed. Sa réputation d'enfoiré de première et son ancienne prime de 334 millions de Berries fit que Mount écarta le Blattard de son calcul. Pourtant, contrairement aux autres corsaires, Biutag était face à trouver. Il siégeait à Juicy Berry, l'île la plus riche de Grand Line. Cependant, ça voulait aussi dire que l'endroit était fortement défendu, en particulier à cause du fait que les pièces de Berries étaient frappées là-bas. Battre Greed et le reste des défenses de l'île était trop dangereux.

Les choix étaient limités. Une seule mauvaise décision pouvait l'envoyer dans une sordide prison de la Marine, ou six pieds sur terre. En y repensant, Mount s'accorda à dire qu'aller prendre la place vacante n'était pas une si mauvaise idée que ça. Battre Wrath ou Lust était faisable, mais le résultat du combat était trop incertain. Et le Fantôme n'aimait pas les incertitudes, surtout quand elles pouvaient le conduire à l'échafaud. Peut-être qu'en montrant patte blanche aux enfoirés de Marijoa, ça marcherait.

Le vétéran de Vindex soupira. Il restait toujours là, sur son fauteuil, à poser son regard sur un point fixe plus loin sur le navire à travers la porte entrouverte de sa cabine. Les choses auraient été tellement plus simples si le Gouvernement Mondial n'utilisait pas des méthodes tordues et fourbes. Il s'était rendu compte de la noirceur du régime trop tard. Lorsqu'il devint commandant d'élite, et qu'il commençait à avoir un niveau de responsabilité qui aurait pu le mener à faire changer les choses, il fut mis un placard d'une manière particulièrement violente. Il n'oubliera jamais le regard de l'agent du Cipher Pol 9 qui l'accusa à tort d'un régicide qu'il n'avait évidemment pas commis. Des yeux vides, dénués de sens et d'empathie. Un visage retord, acquis à une cause qu'il devait croire bonne, mais qui n'était que de la poudre aux yeux. Ces personnes ne souhaitaient que du pouvoir, du pouvoir, et encore plus de pouvoir. Les agents du gouvernement n'œuvraient pas pour le bien commun, pour cette prétendue Justice, mais pour les intérêts des leurs.

Bande d'enfoirés, pensa Mount.

Et voilà qu'il devait revenir vers eux en mendiant une place de chien, de servant, de faux homme libre.
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Le bruit des mouettes réveilla Mount dans un matin ensoleillé. L'homme émergea de la cabine où il avait pris un peu de répit. Son unique œil était encore un peu trouble à cause du sommeil, ses sens restaient flous, mais pourtant… Pourtant, le Fantôme ne put qu'ouvrir la bouche de stupéfaction lorsque son navire approcha Pantagonum. Était-ce un rêve ? Était-il mort pendant la traversée, et devant lui se trouvait les portes du paradis ? L'espace d'une seconde, il s'en fichait éperdument. Ce qui se trouvait devant lui était beau, de ce beau qui subjugue, qui fait perdre la tête et qui immerge d'un sentiment de plénitude immense.

Pantagonum était une île de la voie calme du Nouveau Monde, et une véritable merveille. Au cœur du pays se trouvait un palais exubérant et gigantesque. Il liait la terre, la mer et les cieux. C'était une vision divine, un miracle. Mountbatten n'avait jamais vu quelque chose de comparable à sa beauté. Dans une autre vie, il y serait resté pour l'éternité. Ou peut-être serait-il resté dans l'idée de sa somptuosité plus que dans sa réalité. Se satisfaire dans un bonheur idéal avait quelque chose d'attrayant pour un homme en perdition.

Le Marijoan accosta à Hom, une île située au nord de l'énorme palais, et le seul endroit propice à débarquer. La ville était également charmante : villa de luxe, hôtels cinq étoiles… Tout brillait, tout resplendissait. C'était comme un rêve, comme un conte de fée. Mount laissa son navire à la surveillance d'un docker, en échange de quelques Berries, et partit parcourir la ville. Hom ressemblait à Delta, sur Terra, l'île où Mount avait passé plusieurs mois à faire des manigances politiques. En vérité, le Fantôme avait été contraint par un lieutenant de Ravrak à faire basculer Terra dans le camp de Kiyori, ce qu'il fit après plusieurs mois d'infiltration et une lente quête pour obtenir la confiance de la souveraine du coin. Il n'avait été qu'un pion dans le grand jeu que menaient les Empereurs pirates. Sa mission là-bas l'avait forcé à affronter ses démons lorsque le Gouvernement Mondial envoya le diplomate Myosotis De Ville pour faire rentrer l'île dans l'Assemblée des Nations. Puis, dans le sillage des envoyés de Marijoa, une équipe du CP9 avait semé des troubles ; Mount vaincu les espions et fit face à l'agent qui l'avait accusé à tort de régicide. Il le tua, et avec lui partit son ancienne vie.

L'ancien marin s'était posé à un café haut de gamme, où il sirotait son capuccino dans un calme olympien. Il repensait aux événements de ces derniers temps. Tout s'était accéléré, il faut dire. Après avoir servi Ravrak et Kiyori sur Terra, il partit combattre Teach pour aider le Rossignol à prendre sa place d'Empereur. Tout ceci le dépassait. À côté de lui, un serveur était à sa disposition pour la moindre requête, mais il n'en avait guère besoin. Il appréciait la sérénité du moment et la beauté incessante de l'endroit. Il était au paradis pour quelques instants, avant de repartir vers d'autres horizons plus gris.

La différence avec la capitale de Terra était sans doute le niveau de richesse. Hom était extrêmement riche. Marijoa constituait une meilleure comparaison, pensa le Fantôme. Marijoa d'ailleurs… Il y repensait. C'était sa ville natale, là où il avait grandi, et là où se trouvait encore sa tendre mère, Mathilda. Il avait toujours voulu y revenir pour la voir et pour se rappeler son enfance. Une enfance dorée dans une famille noble. Un cadre idyllique, sans souci et loin des problèmes du monde. Il avait grandi entourer de ses deux frères et aimé de ses parents. Les envies d'aventure de la fratrie les avaient emmenés loin de la Ville Sainte. Son grand frère avait choisi la Brigade Scientifique, son petit frère la Brigade pénitentiaire. Et lui, la Marine d'élite. Breadge et Michael. Il sourit, avant de porter sa tasse à ses lèvres. Il aimerait tellement les revoir, et tout leur expliquer. Ce n'était pas possible pour l'instant, mais en devenant corsaire, ça le serait. Ils avaient grandi soudés entre eux et avaient gardé contact après avoir quitté le domicile familial. Ça devait faire quoi… un, ou deux ans qu'il n'avait plus eu de nouvelles ? La dernière personne qu'il avait eue était sa mère. Mount lui avait téléphoné après la campagne de Vindex, après sept longs mois de guerre éreintants. Il lui avait fait part de ses doutes sur les méthodes de la Marine, tout en éludant les atrocités auxquelles il avait assisté. Mount se rappelait avec un sourire en quoi de sa voix douce, qui avait toujours réussi à le calmer.

Marijoa.

"- Mais oui, bon sang."

Marijoa.

C'est là où il fallait qu'il aille.

Ce n'était pas en convainquant un quelconque commandant de base de la Marine qu'il allait occuper la septième place chez les corsaires. C'était en s'adressant aux plus hautes autorités du Gouvernement Mondial. En y réfléchissant, c'était même évidant. Il pesta de ne pas y avoir pensé plus tôt. Avec son fruit du démon, s'infiltrer à Marijoa étant possible. Après tout, le père Tahgel avait bien réussi à assassiner un Dragon Céleste deux ans auparavant. Et il n'avait pas l'invisibilité. Pour aller dans la Ville Sainte depuis le Nouveau Monde, il n'y avait qu'une seule route : par la flaque, à travers la base G-0. Pour aller dans la flaque sans eternal pose, il n'y avait également qu'une seule option : le train des mers. Au loin, il aperçut quelques mouettes. Le ciel était radieux. Il sembla que c'était son jour de chance.

Il vida sa tasse d'un coup, et laissa un généreux pourboire derrière lui. Son œil crépitait d'impatience.

L'Umi Ressha donc. Il s'avérait que Pantagonum possédait une station du train de mers. Le plan était parfait : il prendrait le train jusqu'à la base G-0, et remonterait Red Line jusqu'à la ville sainte, en restant invisible pour échapper à la vigilance de la sécurité. Puis, il irait voir le Conseil des Cinq Etoiles au château Pangea pour les convaincre d'occuper la place du septième Shichibukai. C'était décidé. Il irait dans l'antre du dragon pour le brûler à petit feu.
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Le train des mers était un projet fou, une merveille de l'ingéniosité humaine. Depuis le début du projet insensé de Galley-La-Compagnie de Water Seven, la ligne s'était étendue jusque dans la deuxième partie de Grand Line, et desservait la plupart des îles de la voie calme. Mount en avait entendu parler, bien sûr. Lorsqu'il était à l'académie de la Marine, la connaissance de la géographie était essentielle dans le cursus. Toutefois, le voir pour la première fois devant ses yeux était un événement dans une vie. C'était majestueux. Par ailleurs, la gare de Pantagonum était à l'image de l'immense palais. Elle était couverte d'un blanc immaculé venant du marbre le plus pur. L'architecture de l'édifice incorporait de nombreux détails qui donnaient une impression de dentelle, d'orfèvrerie.

"- Départ pour la Flaque dans 5 minutes !" Beugla un cheminot.

Les quais étaient faits de pierre, tandis que les rails flottaient sur l'océan. Le train était là et laissait les passagers débarquer et embarquer. Une myriade d'aurevoirs, parfois de pleurs, colorait ce paysage au combien dynamique. Devant les yeux du Fantôme se jouait le monde en mouvement, celui de ceux qui voyagent pour découvrir et pour vivre. La plupart des voyageurs étaient des bourgeois, des notables locaux, et pour une part significative, des marchands. Il faut dire que le prix du billet n'était pas à la portée de tous. Un million de Berries pour un aller simple, tout de même.

Mountbatten embarqua comme tout le monde, sans se dissimuler. Activer son pouvoir à ce moment-là n'avait que peu d'intérêt. Sans billet, trouver une place assise pour le reste du voyage allait être compliqué. De plus, l'Umi Ressha acceptait les hors-la-loi comme passager, à partir du moment qu'ils se tenaient tranquille. Enfin, il préférait conserver son énergie pour la suite. Une fois à la Flaque et à Marijoa, il ne pourrait plus désactiver son pouvoir, ce qui l'épuisera inéluctablement.

Un wagon du train des mers emportait près d'une cinquantaine de passagers. L'ancien commandant d'élite était assis et feuilletait le journal mondial aux côtés d'une vieille dame, et face à un père et son fils. Ceux-ci étaient visiblement apeurés par la présence du primé, et l'homme tentait de rassurer son fils comme il pouvait, et en essayant d'être le plus discret possible. Raté, puisque Mount notifia les messes basses des deux. Avant de poursuivre sa lecture, il voulut clarifier les choses avec eux pour passer le reste du voyage en paix.

"- Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous faire de mal. Je suis un passager comme un autre.

- Comme… Comme un autre ?! Tu… Tu n'es qu'un sale pirate !" Répondit le père, visiblement tiraillé entre peur et courage.

Le wagon se fit silence à l'injonction du quinquagénaire.

"- Alors déjà… Non, je ne suis pas pirate. Hors-la-loi, je veux bien ; mais pas pirate. Ensuite, quand bien même serais-je primé, ça ne veut en aucun cas dire que je suis ici pour tuer de la veuve et de l'orphelin. Alors monsieur, je vous prie de vous reprendre afin que nous passions un agréable voyage tous ensembles." Dit Mount, d'une voix posée et calmante.

Le père hésitait. Son fils était toujours tétanisé. Autour d'eux, quelques personnes chuchotèrent à la suite des propos du Fantôme. C'était vrai qu'il en avait presque oublié sa prime. Presque cinq cents millions de Berries. Il faut croire qu'il était devenu reconnaissable en public. Finalement, l'homme hocha de la tête, l'air résigné, et serra son garçon dans ses bras. Il ne répondit pas. Alors, le Marijoan entreprit de continuer sa lecture. Petit à petit, un silence de plomb s'était imposé au wagon tout entier : quelques bruits brisaient cette harmonie, dont les pages du journal qui se succédaient sous ses yeux. Il appréciait lire l'actualité. Pour ses projets, il était impératif de rester informé.

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"- Arrêt à Arcadia pour dix minutes !" Annonça le conducteur aux passagers du train des mers.

Arcadia était un bien étrange endroit. Avant d'arriver à la gare, Mountbatten put avoir un aperçu du pays. C'était un savoureux mélange d'avancée technologique remarquable et de bas-fonds malfamés qui faisaient honte au genre humain. Arcadia était cité technologique au passé tumultueux dont les plaies n'étaient pas complètement renfermées. L'année précédente, le passage de la pirate Bonny et du vice-amiral Fenyang avait amélioré les choses, et avait en tout cas permis la construction d'une gare pour l'Umi Ressha. Il s'y arrêterait, un jour, pour visiter ou pour commercer ; mais c'était évident à remettre pour plus tard. Dehors, l'inlassable balai de voyageurs commença, avec son lot d'histoires personnelles et uniques fusionnées dans la foule. Néanmoins, un détail interpella très vite le Fantôme : la présence de marins.

Arcadia n'était pas une île indépendante comme Arcadia, mais était sous le joug du Gouvernement Mondial depuis 1627. Une division d'élite y avait établi une garnison, d'après les souvenirs de l'ancien commandant. En revoir lui faisait toujours quelque chose. Il avait été eux, et le voilà comme l'ennemi. Les choses avaient tellement changé en un an… A priori, la compagnie de chemins de fer garantissait le voyage pour les hors-la-loi, mais Mount se demandait malgré tout ce que ferait la Marine s'ils surprenaient un primé dans un wagon.

Le père et son fils prirent leurs affaires et partirent, accompagnés de la vieille dame. D'ailleurs, une bonne majorité des passagers du wagon s'arrêtèrent à Arcadia. Puis, de nouveaux voyageurs embarquèrent. Des marines.

Le vétéran de Vindex leva les yeux et fixa les soldats qui rentraient dans le wagon. Tous étaient chargés d'affaires. Il n'était probablement pas là pour contrôler le wagon, mais pour faire voyage. À croire que les cuirassés de la Marine étaient trop lents, ou même trop chers à entretenir. Il se rappelait ses années dans les rangs que les bleus avaient un tarif spécial particulièrement avantageux sur les lignes du train des mers : ceci expliquait la présence des quelques militaires qui prenaient place.

Ceux-ci l'avaient remarqué en retour. Pas un mot fut échangé, simplement des regards. C'étaient des gars de l'élite postés sur le Nouveau Monde, comme en témoignait leur insigne de Marine d'élite, pas des péquenauds de la régulière payés à se tourner les pouces sur East Blue. Certains arboraient fièrement des cicatrices qui en disaient longs sur leurs états de service. Leurs armes étaient rangées.

Enfin, deux minutes avant le départ, une étrange personne prit place face à Mountbatten.

Chemin de Damas Vice-a13

Le vice-amiral Nagashimi Bayushi.

*Putain.*


Dernière édition par Mountbatten le Dim 16 Juil 2023 - 21:08, édité 1 fois
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Un vice-amiral, rien que ça. Les deux se faisaient face, sans se dire un mot. Alors qu'ils occupaient chacun une rangée de deux, personne n'osa s'immiscer dans leur opposition silencieuse qui dura une éternité. Ils s'ignoraient royalement tout en prenant compte de l'autre, dans une mise en scène théâtrale digne des meilleures tragi-comédies d'East Blue. Chacun connaissait l'autre sans le dire. Un vice-amiral était par définition une personnalité publique, tandis qu'un pirate à plus de 400 millions de Berries était évidemment une tête connue pour un marin. Pendant plus de vingt minutes, aucun mot ne fut échangé. Les soldats qui entouraient les deux personnalités avaient du mal à cacher leur enthousiasme à l'idée d'un face-à-face entre un des plus puissants traîtres du Gouvernement Mondial et le samouraï aux épaulettes d'or.

La rencontre entre les deux hommes dans le train était donc d'abord tendue. Mountbatten, l'ancien traître, se méfiait du vice-amiral et garda ses distances, sa main frôlant les armes qu'il gardait cachées sur lui. Le vice-amiral était tout aussi prudent, ses yeux papillonnants entre Mount et les autres passagers du train, s'assurant qu'ils n'allaient pas causer de problèmes.

Malgré la tension, les deux hommes ne parvenaient pas à s'ignorer complètement de manière indéfinie. Ils ne cessaient de se jeter des coups d'œil du coin de l'œil. Au fil du temps, leur curiosité prit le dessus, et ils se décidèrent à engager la conversation. Aucun combat ne pouvait avoir lieu à bord du train des mers, et tous deux le savaient. Alors autant rendre ce voyage intéressant.

Au début, la conversation était rigide et maladroite, mais à mesure qu'ils se détendaient et apprenaient à se connaître, elle devenait plus naturelle et coulait plus facilement. Mount s'était progressivement ouvert sur sa vie et ses expériences, racontant des histoires sur son passage dans la Marine et les événements qui ont conduit à sa défection. Le vice-amiral écoutait attentivement, posant des questions et offrant son propre point de vue. Il était clair que Bayushi n'avait pas été mis au courant des tenants et des aboutissants de la mise à l'écart du Marijoan. Son hostilité du début s'adoucissait.

Au fil de la conversation, les deux hommes réalisaient qu'ils avaient plus en commun qu'ils ne le pensaient au départ. Ils avaient tous deux un amour profond pour la mer, la chose militaire et une passion pour l'aventure, et ils ressentaient tous deux un sentiment de frustration face à la nature bureaucratique du Gouvernement Mondial. Ils finirent même pas rigoler, à force de se plaindre des gratte-papiers et des procédures interminables de la Marine. Même tout ce temps, le Fantôme n'avait pas oublié toutes ces petites anecdotes légères que tout militaire aimait partager.

Malgré leurs différences, ils découvrirent qu'ils étaient capables d'établir des liens personnels et de voir au-delà de leurs titres et primes respectifs. À la fin du voyage, qui arriva au bout de plusieurs heures de conversation riches et intenses, un lien s'était créé entre eux, et les deux hommes regrettaient que leurs chemins se séparent bientôt. Ils avaient appris à respecter l'autre. C'étaient deux hommes d'honneur, qui s'efforçaient de vivre leur vie dans la droiture et dans la morale. Le sort avait toutefois été moins clément sur l'un d'entre eux.

Alors que le train entra en gare, Mount prit les devants et dut s'éclipser pour éviter les contrôles de l'arrivée. Ils échangèrent des signes de tête et de brefs adieux, chacun reconnaissant le respect qu'il avait développé pour l'autre au cours du voyage. Malgré les circonstances qui les avaient réunis, ils se quittèrent en se sentant un peu plus grandis, ayant créé un lien avec quelqu'un de l'autre camp. Bayushi ne chercha pas à arrêter l'ancien marin d'élite, et fit signe à ses subalternes de rester à leur place. Il avait bien compris que si Mountbatten souhaitait se rendre à Marijoa, ce n'était pas pour causer du trouble au Gouvernement Mondial. Bien au contraire.
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La base de la Marine G-0 était la destination du Marijoan. Il venait de quitter le vice-amiral et descendait du train des mers, tout en activant son invisibilité. Les autorités fouillaient les wagons de fond en comble et procédaient à des contrôles d'identité vigoureux. Mount remarquait la présence de nombreux marins de la régulière avec plusieurs galons. Une pléthore d'officiers bouclait la zone. La grande concentration de gradés au G-0 dissuadait la plupart des primés de s'y rendre, et permettait d'intervenir en cas de trouble. Par ailleurs, et en y réfléchissant bien, le Fantôme décida de ne pas prendre de risque et activa sa furtivité totale. En concentrant son énergie dans son invisibilité, il était capable de se rendre indétectable aux utilisateurs du Mantra. Nul ne doute que certains de ces marins l'étaient.

À partir de la station du train des mers, la route vers la capitale céleste était longue, mais se passa sans encombre pour le vétéran de Vindex. Ceux qui empruntaient cette voie était principalement des résidents de Marijoa, auxquels se mêlaient une bonne poignée de bureaucrates du Gouvernement Mondial et des militaires de passage. Malgré tout, Mount ne prenait pas de risque. Il était trop proche du but. A de nombreux endroits, les voyageurs devaient se plier à d'énièmes contrôles de sécurité, lesquels ne s'appliquaient évidemment pas à l'ancien commandant d'élite. Il ressentait presque un sentiment d'impunité et de légèreté. Ça l'amusait même, de ne pas à avoir à passer à travers toute cette paperasse aussi fastidieuse qu'inefficace. Il faisait le fier, mais en réalité, était-il resté un citoyen de plein droit du Gouvernement Mondial, aurait-il aussi dû se plier aux règles. Contourner les lois était l'apanage des puissants et des hors-la-loi.

Marijoa apparaissait enfin devant ses yeux. Les lueurs de l'astre solaire rayonnaient dans une cité qui ne connaissait que l'abondance et le mépris d'ailleurs. C'était le bijou du monde et son cancer : une ville à qui tout fut donné, aux dépens des autres. Sa richesse était odieuse, insupportable pour tout idéaliste. C'était le symbole de tout ce que voulait détruire l'Armée révolutionnaire, et de tout ce que voulait piller la piraterie. Pour d'autres, c'était l'exemple de la réussite du Gouvernement Mondiale et de ses bonnes politiques : par son développement, elle inspirait d'autres. De toute manière, rien n'importait plus ici que le bien-être des Dragons Célestes. La resplendissance de Marijoa n'était autre que le reflet de la domination impitoyable des nobles mondiaux sur une partie des mers et océans, et des îles qui les composaient.

Mountbatten, lui, entrait dans la ville avec un sentiment de nostalgie, couplé à du dégoût.

Il y avait passé de merveilleux moments. Son enfance avait pris place ici. Il avait été formé au métier des armes en ces lieux, et avait même vécu ses premières amourettes. Son attachement émotionnel était fort. Toutefois, tout ici lui rappelait le système ignoble qui l'avait mené à sa perte plus d'un an auparavant. Il marchait en évitant les passants. Il déambulait. Il voulait revoir sa ville, mais ses poings se crispaient involontairement. Une foule d'émotions passait en lui. Ses traits devenaient plus fermes, sa bouche devenait sèche d'amertume. Que de gâchis.

Au loin, parmi la multitude d'édifices aux allures immaculées, se tenait fièrement le Château Pangea, le haut-lieu du Gouvernement Mondial où siégeaient les Cinq Vénérables. C'était sa prochaine destination.
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Il se baladait dans Marijoa, tout en conservant son invisibilité. Quelques endroits, quelques rues, lui semblaient familiers. Il se revoyait plus jeune, en train de courir sans réfléchir dans le dédale de rue. Il y repensait. Ces années d'ignorance avaient été les plus faciles, en fin de compte. Être enfant était aisé, même enviable. Les tracas des adultes étaient inintéressants, barbants au possible. En tout cas, c'était son avis de l'époque. Les temps avaient bien changé. Avant, c'était un enfant choyé d'une famille noble de Marijoa. Il s'y rendait à présent en tant que paria. Il devait même dissimuler sa présence. Quelle honte. Et dire qu'il y a quelques mois, il aurait pu se rendre à la capitale sans se cacher. Il aurait pu s'y rendre en officier rayonnant, en conquérant, bardé d'un placard de médaille tout scintillant. Le cours des événements en avaient décidé autrement.

Il entama la longue montée vers le château Pangea.

Chemin de Damas Pangaea_Castle_Infobox

L'édifice surmontait la capitale mondiale de plusieurs centaines de mètres. C'était véritablement prodigieux. Dans une ville qui reflétait la richesse et l'abondance, le gigantesque bâtiment était la preuve de quelque chose d'autre. C'était le centre du pouvoir, le centre du monde. Là où les prétendus dieux gouvernaient le monde. L'emplacement du trône vaquant. Là où, il y a plusieurs siècles, vingt familles s'unirent pour fonder le Gouvernement Mondial. Un lieu qui rassemblait les êtres les plus puissants qui existent. C'était tout simplement prodigieux.

Passer les gardes royaux de Marijoa était enfantin. Ces militaires, servant directement le Gouvernement sans passer par la Marine ou un organe affilié, étaient équipés d'une armure médiévale, avec un casque pointu et des lances. Nul ne doute qu'ils ne fussent pas vraiment là pour contrer une menace majeure. Non, ils étaient là pour l'apparat, et pour jouer les serviteurs avec les nobles mondiaux. Mount n'avait rien à craindre d'eux.

Après avoir passé l'enceinte du château, le Fantôme se figea. Sur le chemin, plusieurs officiers de la Marine prenaient le sens inverse, et viendraient bientôt à sa rencontre. Ils étaient quatre, deux hommes et deux femmes. Mais ce qui glaça le sang de l'infiltré, c'était qu'il les connaissait. Et même plutôt bien : tout marin était familier avec leurs visages.

Marchant côte à côte, le vice-amiral John Scar, le vice-amiral Jurgen Phillip et la vice-amirale Jafâr Mabelle accompagnaient Pink Pather, l'amirale de la Marine Boïna Halma. Ils étaient tout bonnement impressionnants. Si Mountbatten était resté dans leur camp, il se serait senti inspiré, même honoré de leur présence. Toutefois, l'heure était à la discrétion, d'autant plus qu'ils possédaient probablement le haki de l'observation. Il se concentra de toutes ses forces sur sa technique Complete Stealth, qu'il avait activée dès la sortie du train. Cette fois-ci, il vint jusqu'à s'immobiliser pour être sûr de canaliser toute son énergie pour effacer sa présence. S'écarter du chemin n'était pas une option, puisque son passage pouvait être détecté à l'aplatissement des herbes sous ses pieds, ainsi qu'au bruit.

Les officiers se rapprochèrent.

"- C'est un mal nécessaire, Jurgen. Tu le sais très bien." Exclama l'amirale Boïna.

"- Et vous lui faites confiance, vous ? À cette sadique de première ? On a une multitude de rapports qui peuvent la faire tomber !" S'indigna Phillip, sans trop hausser le ton.

"- Je ne la trouve pas si mal, moi, cette corsaire…" Murmura Scar dans sa barbe.

"- Le système des sept grands corsaires n'est pas parfait, je te l'accorde, mais il renforce notre position sur les mers.

- Tant qu'elle ne fait pas trop de vague, on peut se permettre de la garder." Intervint la belle vice-amirale à la peau noire, Mabelle.

"- Et puis lâche l'affaire, Jurgen. Ce n'est pas de notre ressort dans tous les cas.

- Oh, ça, c'est sûr… Sinon, ce système aurait été aboli depuis longtemps ! Qu'est-ce qu'ils en savent, ces sages dans leur tour d'ivoire ?

- Silence. Pas de blasphème. Encore moins ici." Clôtura la femme aveugle, sur une note résolue qui mit un terme à la conversation.

Ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de Mountbatten. Celui-ci serra les dents. Il avait intérêt à ce que ça marche. Toutes ces années d'entraînement de maîtrise de son fruit devaient aboutir à cet instant même. Tel un caméléon, il devait ne faire plus qu'un avec son environnement. Se rendre complètement indétectable, même avec le mantra. Leurs pas se rapprochèrent. L'inflexible chasseur de la Marine semblait amer sur la fin de la discussion, pendant que John Scar lançait des regards charmeurs à la porte-parole de l'amirauté, qui l'ignorait royalement. Au milieu de la troupe, l'amirale marchait d'un pas résolu.

Ils passèrent devant le Marijoan, sans que rien ni personne ne perturbe le bon déroulement des événements. Une fois qu'il estima qu'ils furent suffisamment éloignés, il reprit sa respiration. C'en était moins une. Il garda son invisibilité totale, mais se permit de relâcher la pression de manière significative. Il reprit le chemin vers l'intérieur du château.

Passé les portes, le bâtiment était aussi luxueux que l'extérieur. Le marbre blanc était brillamment nuancé par des tableaux, des cartes, des sculptures et autres décorations. Les gardes royaux pullulaient au sein du château. Ils étaient présents à presque toutes les portes et à toutes les intersections. Outre les gardes statiques, certains petits groupes allaient et venaient, patrouillant dans l'intégralité du château. Le silence de plomb imposé par leur fonction obligeait Mount à se déplacer lentement, le plus furtivement possible.

D'après ce qu'il avait appris lorsqu'il était basé à Marijoa, le Gorosei se réunissait dans ce qu'on appelait la salle d'autorité. Un endroit où les décisions les plus importantes du Gouvernement Mondial sont prises. Pour localiser la salle, Mount utilisa son haki de l'observation pour détecter les auras présentes dans le bâtiment.

Bingo.

Cinq auras puissantes se trouvaient dans le dernier étage du château. D'autres auras impressionnantes se trouvaient un peu partout, mais il n'y avait qu'à cet endroit que les cinq semblaient être réunis.

Alors, méthodiquement et sans précipitation, il arpenta les gigantesques escaliers dorés pour gravir les étages, tout en esquivant les gardes royaux. L'édifice était immense. Il cessa de compter le nombre d'étages après le dixième. Il croisa de nombreux officiers de la Marine, quelques agents du Cipher Pol, des bureaucrates servant dans les innombrables services du Gouvernement Mondial, et une poignée de dignitaires étrangers accompagnés de leur garde nationale. Aucun d'entre eux ne semblait aussi puissant que l'amirale Boïna.

Arrivé au dernier étage, une épaisse et immense porte en acier scellait la supposée salle d'autorité. Elle se dressait fièrement, face aux escaliers. Elle était également lourdement gardée, par un détachement anormalement nombreux de gardes royaux. Certains avaient également l'air bien plus capable que ceux qui patrouillaient dans les niveaux inférieurs. Entrer par la porte n'était donc pas possible, à moins de passer en force. Néanmoins, c'était une option que n'envisagea pas Mount. Pourquoi utiliser la force ici, maintenant ? Et puis, ça risquerait de braquer les Etoiles sur son cas. Proposer ses services après avoir tué leurs hommes n'allait probablement pas être accueilli d'une bonne manière. Non, il fallait trouver une alternative.

Un long couloir se prolongeait à droite et à gauche. Au bout, plusieurs fenêtres laissaient passer la lumière du jour. Il allait devoir passer par les airs.
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La boucle était donc bouclée. Le voilà qui utilisait le Geppou pour se propulser à l'intérieur de la salle d'autorité, lui qui avait appris le Rokushiki ici, à Marijoa, deux ans auparavant. Il grimaça. L'ironie de la situation ne s'arrêterait-elle jamais ?

Dans cet après-midi où le soleil tapait de plus belle, plusieurs fenêtres avaient été ouvertes pour le confort des Étoiles, et au plus grand bonheur du Fantôme. Il s'introduit par l'une d'entre elle, tout en camouflant sa présence. Plus loin, beaucoup plus loin, dans une pièce qui semblait immense par sa taille et son poids dans l'Histoire, siégeaient les Cinq Vénérables.

Mountbatten reconnut instantanément Kyozu Vagner. Il se tenait debout, presque stoïque. Cet homme était présent à Vindex, à l'épilogue de la guerre qu'il avait durement mené pendant de nombreux mois. Il avait présidé la parade militaire de la Marine où le vétéran avait défilé. Il se souvenait encore de son regard : d'une condescendance absolue, détestable. En une fraction de seconde, il avait représenté ce qu'il détestait dans le système du Gouvernement Mondial.

À ses côtés, Ike Basara restait lui aussi debout, en train de débattre avec deux des Étoiles, Charles Bukadan et Mint Figura, assis sur un long sofa élégant d'une couleur beige immaculée. Des têtes peu connues du grand public, mais qui deviennent connues en grimpant les rangs de la Marine. Enfin, Kateshi Kitano restait silencieux à leurs côtés.

"- Je vous le dis messieurs, ce va être compliqué de couvrir l'affaire." Clama Basara, chef de la branche média du Gorosei.

"- Elle nous met dans une situation difficile… Au prochain écart…

- Oublie. Elle nous est trop utile. Elle nous rapporte beaucoup de pirates captifs, au contraire de ses collègues. Il nous en faut." Dit le Vénérable Figura, en réponse aux doutes soulevés par Bakudan.

"- Le système des Sept Grand Corsaires a ses défauts… Mais c'est nécessaire pour l'équilibre du monde." Conclut Vagner.

"- Vous ne faites pas si bien dire." Articula Mountbatten, tout en enlevant son invisibilité et en s'approchant des Etoiles, d'un pas déterminé.

Il s'avançait, confiant. Ses deux sabres à la ceinture et son cache-œil sur la partie droite de son visage le rendait particulièrement reconnaissable, étant donné le cliché qui avait été pris sur son avis de recherche. Par-dessus sa tunique noire, arborait-il un manteau d'un blanc cassé qui créait un contraste de couleurs intéressant.

Les Cinq Vénérables tournèrent la tête. Ils ne paraissaient pas surpris. Ils étaient sereins, malgré la présence d'un hors-la-loi dans la salle d'autorité. En vérité, Mountbatten ne constituait pas une menace à leur propre sécurité, loin de là. Il n'empêchait qu'ils fussent tous intrigués de sa présence, ici.

"- Voilà une tête familière…" Dit Vagner.

"- Tu le connais, Kyozu ?" S'enquerra Figura.

"- Pas vraiment… C'était notre bouc émissaire pour placer Vindex sous l'autorité d'un gouverneur.

- Ah… Je me rappelle cette histoire. Remarquable coup.

- Que nous vaut ta venue, Alexander Mountbatten ?" Demanda le responsable politique du Gorosei.

"- J'ai une offre."

À cet instant, le Fantôme n'était plus qu'à quelques mètres des Étoiles. L'immensité de la pièce ne se faisait que plus ressentir. Une infime tension sortait de l'échange. Un ennemi avait ainsi pénétré dans le cœur du pouvoir du Gouvernement Mondial, et pourtant, il n'avait aucune intention maligne.

"- J'ai lu qu'une place de corsaire s'était libérée… Je viens donc soumettre ma candidature."

Les Vénérables Étoiles ne bougèrent pas, mais leurs yeux trahissaient un instant de réflexion.

"- Une première chose."

Mount enleva son sac à dos, et en sortit une tête humaine, dont le sang avait eu le temps de sécher.

"- Déjà, voici la tête de James Richards, le commandant de la deuxième flotte de Teach.

- Intéressant. Tu étais donc avec Red sur la fin de Toreshky ?

- Correct. Mais c'était simplement pour pouvoir participer à la Corsair Race. Visiblement, je suis arrivé trop tard. Toutefois, ce n'est pas grave. Ceci n'est qu'une preuve de ma force brute, de ma capacité à pouvoir endosser le rôle de corsaire…

- Et puis tu t'es infiltré jusqu'ici… Sans être détecté ?

- Négatif. Mon fruit du démon est certainement très utile pour ce genre de situation.

- Le Fantôme… Tu ne portes pas ton surnom pour rien.

- Enfin, et Sa Sainteté Vagner l'a mentionné, j'ai une prime uniquement à cause des nécessités politiques du Gouvernement Mondial par rapport à Vindex. Ce n'était pas mon choix que d'être hors-la-loi. Je supporte toujours la même Justice qu'avant, quand j'étais dans la Marine d'élite. Devenir corsaire, c'est l'opportunité pour moi de revenir dans le bon camp.

- C'est sûr.

- Et puis un ancien marine… Ça changera des autres vicieux.

- Néanmoins." Coupa Vagner.

"- Tes arguments sont… Convaincants, certes. Mais il nous faut plus que de belles paroles."

À ces mots, l'Étoile se dirigea vers l'unique table de la pièce, située en face du sofa, et prit une poignée de documents.

"- Va à Shabondy. Saint Oberon s'y rend dans quelques jours pour acheter des esclaves. Sauf que nous avons des rapports qui indiquent que l'Armée Révolutionnaire risque d'attaquer… Bien évidemment, nous avons nos propres forces déployées sur place… Ta présence pourrait être utile. Qu'est-ce que vous en pensez, messieurs ?

- D'une pierre, deux coups.

- Il vaut mieux être prudent.

- Et s'il n'arrive à rien ?" Demanda Basara.

"- On lui donnera une autre mission. Ce n'est pas ça qui manque, en ces temps turbulents…"

Pendant ce temps, Mint Figura s'occupait d'écrire un papier sur ladite table, puis le mit dans une enveloppe.

"- Ça te sera nécessaire." Dit-il, en tendant la lettre au Marijoan.

Celui-ci s'avança, et prit des mains de l'Étoile le document. Un passe-droit qui sera probablement très utile sur Shabondy.

"- Nous avons un marché ?" Demanda Kyozu, avec le même air autant qu'il avait affiché à Vindex.

"- Je ne vous décevrai pas." Répondit Mountbatten, dans un style très militaire, avant de tourner les talons et de disparaître à nouveau par la même fenêtre, en un coup de vent. Il laissait derrière lui la tête inerte de Richards, dont l'air horrifié fixait les Étoiles, sans qu'une once de vie ne traverse ses yeux globuleux.
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