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Jeska : dernière année

Nous voilà donc partis pour rejoindre la patrie de mon amie! L'itinéraire pour se rendre chez les Von Huckbein est des plus alambiqués. Héfy, notre princesse et chef d'équipe, nous explique que c'est un mal nécessaire pour éviter qu'elle ne soit la cible de l'Armée Révolutionnaire. De ce fait, discrétion et complication sont les maîtres-mots durant notre voyage. Et après pas loin d'une semaine de trajet, nous y voilà! Et je dois dire que je m'attendais à tout, sauf à ça. Red Line, la bande de roche qui sépare le monde en deux, voilà où nous sommes. Et on vogue droit vers ce mur! Et puis soudain, dans un vacarme assourdissant, j'entends la montagne qui se fend en deux, pour nous laisser passer. C'est impressionnant! Cette famille vit dans Red Line!

Le royaume troglodyte de Rokas est tout bonnement immense! Il s'agit d'un gigantesque réseau de galeries qui s'étend dans tout Red Line. Et à la tête de ce pays, la famille noble des Von Huckbein. Ils vivent là dedans depuis très longtemps et se sont enrichis grâce aux ressources minières. Et depuis le siècle dernier, ils ont commencé à se spécialiser dans la production d'armes, notamment pour la Marine. Heureusement, Héfy nous sert de guide, nous racontant l'histoire de son pays et nous montrant les lieux les plus beaux. Évidemment, pour moi, la caverne des cristaux arc-en-ciel ne peut pas m'émouvoir, mais apparemment, c'est un endroit magnifique. Enfin, il y a de quoi faire! Au bout d'un mois, on n'avait même pas vu la moitié de ce qu'il y avait à voir. Surtout le Manoir qui fait office de palais royal, mais qui est interdit aux gens de basse extraction. C'est étrange, mais c'est la première fois que je sens la noblesse de mon amie comme quelque chose qui nous sépare. A l'Académie, Héfy est comme nous, mais ici, c'est la Princesse Héphillia, et tous s'inclinent devant elle. Je dois avouer que je l'envie.

Et finalement, notre séjour sous terre se termine et on retourne à l'Académie. C'est étrange, mais bien que je ne puisse la voir, la clarté du jour m'a manqué. Et puis, vivre sous terre comme ça, je ne sais pas comment Héfy fait pour ne pas avoir peur que tout s'écroule. Et puis avoir en permanence l'écho de chaque son, c'est saoulant! Oui, finalement, en y mettant un peu de mauvaise foi, le royaume de Rokas ne casse pas trois pattes à un canard! Enfin, on embraye sur notre troisième année, et je dois bien avouer que le démarrage est rude. Après tout, on a passés nos deux mois de vacances à faire du tourisme et on a négligé l'entrainement. Du coup, on est à la peine pour la reprise. On doit donc mettre les bouchées doubles. Heureusement pour nous, on ne met pas trop longtemps pour se retrouver notre niveau. Et très vite la routine s'installe. Je reprends mes séances nocturnes, et j'ai toujours plaisir à participer aux soirées du Colonel.  Mes excellents résultats me permettent même de faire quelques missions pour la Marine en dehors de l’Académie !

Et alors que le Vice-Amoral Snowfall est jugé coupable de haute trahison, que le Gouvernement Mondial fait de nouveau appel à des Corsaires,  et que la Révolution pointe le bout de son nez, nos tours de garde du weekend changent. On ne va plus à Nibelheim, mais à Yukai, une grande ville portuaire tout à Nord de l'île. Malgré ses presque vingt mille âmes, l'endroit est paisible. Nos rondes consistent principalement à assister la garnison locale. Pour dire clairement, on leur permet de prendre leur weekend. Tout le monde est content. Et le temps file entre nos doigts comme de l'eau. Et les trois années suivantes s'écoulent sans incident notable.

Et puis un beau jour de Septembre 1620, on réalise qu'il y a de nouveaux habitants à Yukai. Une communauté d'hommes-poissons s'est installée. Une petite centaine d'individus. D'abord craintive, la population indigène adopte vite les nouveaux venus lorsqu'elle s'aperçoit des services qu'ils peuvent rendre. En effet, avec la force de dix hommes et la capacité à respirer sous l'eau, la pêche et bien d'autres activités s'en retrouvent grandement facilitées. Malheureusement, très vite des tensions apparaissent. Beaucoup d'humains reprochent aux habitants des profondeurs de leur prendre leur travail. Et malheureusement, ils n’ont pas totalement tort. Le hommes-poissons abattent bien plus de boulot que le locaux dans le même laps de temps. C'est une aubaine pour les patrons qui ne paient qu’un employé pour faire le job de cinq. Mais, dans le même temps, nos amis à branchies ne comprennent pas pourquoi ils sont payés si peu alors qu'ils sont bien plus efficaces qu'un humain.

Racisme et tensions sociales ne font pas bon ménage. Et, forts de leur majorité, les hommes s'empressent prendre des mesures ségrégationnistes. Séparation nette des deux races. Les hommes-poissons sont parqués dans un ghetto, et certains emplois leur sont interdits sous peine d'emprisonnement. Il en va de même pour la fréquentation de certains lieux, comme les bars, par exemple. Nous qui passons régulièrement dans les rues, on a rien vu au jour le jour, mais, quand on s'est mis à penser à ce qu'était cet endroit avant, on a eu l'impression que la ville s'est transformée en poudrière en l'espace de quelques mois. Moi, j'entends les murmures des humains quand ils voient Diego. Et je sens que mon ami fait ce qu'il peut pour rester maître de lui.

Et, un beau jour de Mars, le drame arriva. Le sol gelé craque sous nos pieds tandis qu'on fait notre ronde. Et soudain, on réalise qu'un attroupement s'est formé. On s'approche pour voir ce dont il s'agit et, la foule se disperse. Et je ne peux étouffer un cri d'horreur lorsque je réalise qu'un gamin homme-poisson gît là. Battu à mort.

J'avais déjà assisté au décès de quelqu'un, mais jamais auparavant je ne m'étais retrouvée face à un cadavre. C'est une chose bien étrange. Le corps ne dégage plus de chaleur, mais, en contrepartie il pue. Vraiment, pourtant, ça ne doit pas faire très longtemps qu'il est mort, mais ce gamin sent horriblement mauvais. Et puis, j'entends les pas pressés d'Héfy qui courent s'éloigner de la scène. Un bruit bien particulier m'indique que notre chef d’escouade n'a pas le cœur très bien accroché. Et alors que la princesse vide ses tripes sur le pavé, Wolfgang, notre tireur d'élite bègue, et Gaston l'apprenti médecin maladroit essaient tant bien que mal de dresser une sorte de cordon de sécurité afin de repousser les curieux qui commencent à affluer. Il faut vite prévenir la base. Et puis aussi, éloigner Diego avant qu'il n'explose. Les poings serrés, son rythme cardiaque s'accélère, après tout, lui aussi est un homme-poisson, c'est normal qu'il soit révolté par ce qu'il voit. Délicatement, je le prends par la main et ensemble on fend la foule en direction de la garnison, non sans avoir auparavant prévenu notre cheftaine de ce que l'on compte faire. Apparemment, cette dernière va mieux et nous donne sa bénédiction tandis qu'elle se presse de rejoindre le reste de la bande pour disperser la foule.

La base de Marine de Yukai est une sorte de vieille caserne. Une petite centaine d'hommes a la mission d'assurer la sécurité des braves gens. Le tout commandé par le Colonel Morris. Et c'est lui que nous allons voir. Il est vieux, très vieux. Et si on écoute la rumeur, il aurait largement passé l'âge de la retraite. Il aurait même été sur la fameuse Grand Line. Bref, un soldat émérite. Un homme qui est posté en garnison ici sans doute pour y couler calmement ses vieux jours. La nouvelle qu'on lui annonce ne l'émeut pas du tout. Il faut dire que durant sa longue carrière, il a du en voir des gens passer l'arme à gauche. Il dépêche une dizaine d'hommes ainsi que le médecin de la base pour sécuriser le lieu, enquêter sur ce drame, et aussi sortir la dépouille de ce malheureux gamin homme-poisson.

Et quand on revient, la situation est dramatique, apparemment, des hommes-poissons ont appris la chose et sont sur les lieux, prenant à partie mes amis restés là ainsi que la foule de badauds. Un des hommes tire un coup de feu en l'air afin d'attirer à lui toute l'attention, et aussi d'avoir un semblant de calme. En fait, l'attroupement se disperse assez vite. Il ne reste que les soldats, les gens des profondeurs et nous, les aspirants. Gaston et le médecin de la base discutent, apparemment la victime aurait été battue à mort. C'est affreux, quel genre de monstre peut s'acharner ainsi sur un enfant! Mais ce n'est pas le pire, selon le docteur, il y aurait plusieurs agresseurs. La main devant la bouche, je n'arrive pas a en croire mes oreilles, il faut absolument tirer cette histoire au clair! Si les hommes-poissons viennent à apprendre les conditions exactes du décès de cet enfant, ça risque fort de mal tourner.

C'est alors que je réalise que justement, les aquatiques ne sont plus là! C'est très mauvais! Immédiatement, on embarque le corps et on file à la base. On se doute que dans très peu de temps, une foule d'amis à branchies va battre le pavé et réclamer justice. Malheureusement pour nous, une fois au quartier général, on se retrouve avec la délicate mission d'attendre les hommes-poissons à la sortie de leur ghetto et de leur imposer de rester chez eux. Enfin, c'est surtout pour éviter qu'ils aillent se faire justice eux-mêmes! Parce que la chose mettrait sans nul doute la paisible petite ville de Yukai sans dessus dessous. Je me retrouve donc, avec le reste de mes amis, un fusil à la main, bloquant l'entrée du quartier des habitants de la mer. Enfin on n’est pas seuls, toute la garnison est de sortie! Et personne n'est tranquille. On sait tous que les hommes-poissons sont forts comme dix! Et même entrainés les braves soldats et nous appréhendons ce qu'il va se passer.

Ils arrivent. Et je sens les soldats trembler. Pourtant, Héfy à coté de moi qui me décrit la scène m'assure qu'ils ne sont pas armés. Seulement, ils sont largement assez forts pour ne pas en avoir besoin. Et c'est la raison pour laquelle personne n'est rassuré. On sent tous que la situation est très tendue, et qu’il ne suffirait de rien pour mettre le feu aux poudres. Alors quand un des manifestants se détache du groupe et nous demande de le laisser passer, toute notre attention se porte alors sur le Colonel Morris. Qui refuse poliment mais fermement. J'entends la grogne des hommes-poissons, et aussi les poignes se resserrer autour des armes de notre coté. La tension monte d'un cran. Je réalise alors que je suis en nage malgré la fraîcheur de la nuit. L'homme-poisson insiste, mais se heurte de nouveau à une réponse négative. Et cette fois-ci, la contestation est bruyante. On nous harangue, on nous invective, et même, quelques insultes fusent.

Et c'est là que je vois le métier des soldats. Ils encaissent tout sans broncher. Et de les sentir rester si calmes malgré la provocation est pour moi une source d'inspiration. Je suis admirative devant le sang froid et la discipline dont font preuve ces hommes! Je ne sais pas si ça a un rapport de cause à effet, mais les manifestants reculent. Malheureusement, ce n'est pas pour rentrer chez eux. En fait, ils prennent de l'élan. Comptent-ils sérieusement nous foncer dessus? Ou pire, sauter au dessus de notre barrage? C'est alors que la voix un Colonel se fait entendre. Il ordonne de mettre en joue la foule! Ses soldats obéissent comme un seul homme, mais, moi, je n'y arrive pas. Parce que je suis aveugle, mai surtout car ils ne sont pas armés. Il y a des femmes et des enfants! On ne peut quand même pas faire feu! Mais comme les hommes-poissons ne ralentissent pas, il dit le mot qui va faire basculer cette scène dans l'horreur.

Feu!

Les fusils tirent leur projectile de mort, fauchant les contestataires comme les blés. Et la situation dégénère. Certains fuient, et d'autres chargent. Les soldats dégainent des sabres et ... c'est une boucherie. J'entends tout, les coups, les cris, le sang qui coule. Je suis pétrifiée devant l'horreur qui se déroule devant moi. A mes côtés, Héfy vomit de la bile tandis que Gaston et Wolfgang ne sont pas de trop pour retenir Diego de frapper le Colonel Morris. Mais ce dernier n'a pas fini. D'une voix sans émotion, il commande.

Soldats, massacrez-les tous.

Pour la première fois de ma vie, je suis face à un dilemme moral. Je suis témoin d'une injustice. Mais, celle-ci est ordonnée par un de mes supérieurs. Que dois-je faire? Des hommes poissons se font massacrer alors qu'ils n'ont rien fait de mal. Et je ne peux rien faire pour les protéger! Moi qui m'étais engagée pour servir de bouclier entre les faibles opprimés et les puissants oppresseurs, je suis là, incapable de réagir, et même pire, de penser. Pétrifiée d'horreur, j'assiste impuissante à une épuration ethnique en bonne et due forme. La Marine, qui constituait pour moi un idéal de droiture et de justice, se retrouve souillée à jamais du sang de ces malheureux. J'entends leurs cris. Je les entends supplier pour leur vie. Et je ne fais rien. Puis soudain, Héfy me touche l'épaule et ça fait office d'électrochoc, je retrouve alors conscience de moi-même. On a des armes, et ce maudit Colonel n'est pas si loin de nous que ça. Les garçons lâchent Diego et comme un seul homme nous dirigeons tous nos fusils en direction du vieux Morris.

Arrêtez ça de suite! ordonne la princesse courroucée.

Ou sinon quoi? ironise le gradé. Vous allez me tuer? Non, je ne crois pas. Vous êtes trop jeunes, trop tendres pour prendre ma vie.

Il avance vers nous. Et je ne saurais dire comment, mais l'absolue certitude qu'il a qu'on ne lui tirera pas dessus me chamboule. Je tremble. Et de nouveau, j'ai l'impression que mon cerveau arrête de penser. Les autres sont comme moi. Immobiles. Je ne sais pas pourquoi j'hésite. Peut-être a-t-il raison. Je ne suis sans doute pas prête à tuer. En tous cas, un soldat "ami". Oui, ce doit être ça! S'il s'était agi d'une quelconque crapule, j'aurais tiré sans hésiter, mais là, c'est un colonel, un homme dont les hauts-faits de bravoure sont reconnus. Le doute s'insinue en moi. Et c'est une fois qu'il a presque la poitrine au bout de nos fusils qu'on réalise que le massacre est terminé et que nous sommes entourés de soldats qui nous mettent en joue.

Hé, mais attendez, nom d'une biscotte! Le méchant c'est lui!

Je me rends compte une fois que ces mots sont sortis de ma bouche à quels point ils traduisent ma naïveté. Ces soldats sont aux ordres du Colonel Morris depuis longtemps. Certainement bien avant que nous rentrions à l'Académie. Ils pensent sans doute comme lui et ne le trahiront pas si facilement.

Lâchez vos armes, aspirants. Vous savez que mes hommes n'hésiteront pas un instant à faire feu si je l'ordonne.
Laissez-tomber les gars. maugrée Héfy.

Et au moment où on lâche nos armes, ils fondent sur nous. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe pour les autres, mais on me plaque violemment au sol et on me menotte sans ménagements. A tel point que je pense qu'ils m'ont démis l'épaule! Je crie de douleur, mais en seule consolation je reçois un coup de poing au visage qui coupe net toutes mes velléités de protestation. Les autres aussi reçoivent le même "traitement". A demi-consciente, je sens qu'on nous traine tous quelque part. On finit dans des sortes de cellules froides et humides. Certainement en sous-sol. J'émerge péniblement. J'ai mal à la mâchoire et à l'épaule gauche. Je sens les odeurs de mes amis. Héfy, Wolfgang et Gaston sont avec moi, dans une cage, tandis que Diego est dehors. Il se fait passer à tabac par cinq soldats. Je suis trop loin pour saisir précisément ce qu'il se passe, mais rien que le bruit des coups et ses gémissements me retournent le ventre.

Arrêtez, vous allez le tuer!
Tais-toi, sale monstre! T'es la suivante!

Je recule machinalement au fond de la geôle. Au bout de je ne sais combien de temps, ils jettent mon ami dans la cellule comme s'il s'agissait d'un déchet. Ils viennent pour moi, je le sais, mes amis aussi et font barrage du mieux qu'ils peuvent. Mais, avec des menottes, ce n'est pas facile d'opposer une résistance significative. Je suis trainée par les cheveux et une fois dehors, on me roue de coups. Depuis nos débuts à l'Académie, on nous a fait travailler notre condition physique et on nous a enseigné les techniques de combat. On sait comment donner des coups. Mais pas comment les encaisser. Cet apprentissage accéléré, je m'en serais bien passée. Et après une heure de bastonnade, j'ai l'impression que mon visage n'est plus qu'une énorme boursouflure tuméfiée, j'ai mal partout, et au fond de moi, j'ai bien peur de passer de vie à trépas ici. Je ne sais même pas si on est le jour où la nuit. Nos seuls repères, c'est quand Diego et moi servons de punching-ball. A la quatrième "séance", j'ai cessé de lutter, j'en ai marre, j'ai trop mal. J'aimerais juste qu'ils me collent une balle en pleine tête et que ce calvaire se termine. A la huitième, j'ai l'impression que je ne sens plus la douleur. Comme si mon corps, pour m'éviter de devenir folle, avait coupé l'afflux nerveux. Ils tapent, mais ça ne me fait plus rien. C'est comme si j'étais devenue étrangère à moi-même. Une sorte d'expérience transcendantale. Je perds petit à petit toute attache au réel, je sombre dans une espèce de coma. Pourtant, j'entends ce qu'il se passe autour de moi. Diego, qui est dans un état pire que le mien. Héfy, Gaston et Wolfgang qui essaient tant bien que mal de nous protéger. Et puis, des éclats de voix, le Colonel Farlane? Je ne suis pas en mesure de comprendre. J'entends une voix me dire que tout va bien, que c'est fini. Soulagée, je me laisse aller et je tombe dans un profond sommeil.

Je me réveille dans un dispensaire. Ça commence à devenir une mauvaise habitude! J'ai la tête qui tourne, la bouche pâteuse et recouverte d'un goût de fer. Je déteste les infirmeries. Ça sent l'éther et le désinfectant. Et puis surtout, là, j'ai l'impression qu'un troupeau d'éléphants à dansé toute la nuit sur moi. Je me sens cassée. J'essaie bien de me redresser et de quitter le lit, mais rien que de tenter me fait atrocement souffrir. Résignée à rester allongée, j'essaie de faire attention à mon environnement. Où suis-je? Je ne sais pas trop, mais, en aiguisant mon ouïe, j'entends des bruits du dehors. Le hululement d'une chouette et le crissement d'insectes nocturnes m'indique qu'on doit être en plein milieu de la nuit. Mais, quand, je l'ignore. Il y a aussi plusieurs respirations. Je crois que sur le lit voisin du mien, il s'agit de Diego. Je pense reconnaitre la personne qui dort sur une chaise non loin de moi, mais je ne suis pas certaine, et puis surtout, une immense fatigue m'envahit et je retombe dans les bras de Morphée.

J'émerge à nouveau, et cette fois, c'est bien le gazouillis matinal des oiseaux que j'entends. Je sens même la douce chaleur de l'astre solaire sur ma peau. Cette sensation, j'ai l'impression que ça fait si longtemps que je ne l'ai pas ressentie. Puis soudain, c'est le choc, une torpille humaine me percute sans prévenir!

Jeska t'es vivante!
Plus pour longtemps... gémis-je.
On était tous si inquiets!

Et là, j'ai le droit au récit d'Héphillia qui me bourre le crâne d'informations. C'est beaucoup pour mon pauvre petit cerveau qui vient tout juste de se réveiller, mais bon, je ne peux lui en vouloir, je vois bien, à son débit de parole, que tout ça lui brûle les lèvres. J'apprends donc qu'on doit notre salut qu'à l'intervention du Colonel Farlane qui s'est étonné de nous voir manquer l'appel du Lundi matin. Il a contacté le Colonel Morris mais son explication lui a semblé louche. De ce fait, il a demandé à certains de ses amis (je suis certaine qu'il s'agit de ceux qui assistent à ses soirées privées) de venir en renfort. Du coup, avec l'avantage du nombre, ils ont pris le contrôle de la garnison de Yukai et nous ont libérés. Quant aux soldats de la garnison, ils ont tous été mis aux arrêts. Apparemment, après enquête, ils feraient tous partie d'une sorte de groupe clandestin "Les Chevaliers du Purgatoire" qui a pour but de "nettoyer" la Marine de tous ses éléments non-humains, mais aussi sous couvert du maintien de l'ordre, de pratiquer des épurations ethniques comme on a pu en être témoins. D'ailleurs, en parlant de témoignage, celui de la Princesse Héphillia Von Huckbein héritière du royaume de Rokas a pesé lourd dans la balance. Elle m'assure donc que tout ça est bel et bien fini, mais moi, je ne partage pas son enthousiasme, j'ai l'impression que nous avons eu affaire qu'à la partie émergée de l'iceberg et qu'on en a pas fini avec ces types.

Une fois que la nobliaude a fini de me transmettre les dernières nouvelles, Gaston, Wolfgang et le médecin de la caserne arrivent. Et après un assommant bilan de santé, je comprends que je ne suis pas en pleine forme. Il va donc falloir que je me ménage afin de guérir correctement. Seulement à moins de trois mois des examens qui valideront nos années à l'Académie, passer ne serait-ce qu'une semaine à garder le lit me parait être une perte de temps dont je pourrais bien me passer. Mais bon, je fais mine d’obtempérer pour avoir la paix. Après tout, je peux faire le mur et m'entrainer en cachette. C'est d'ailleurs ce que je fais! Diego sort du coma deux jours plus tard, et apparemment, il est déjà apte au service. Les hommes-poissons sont vraiment des forces de la nature! Je comprends qu'ils puissent inspirer la crainte. Ho, nom d'une biscotte! Quelle pensée horrible je viens d'avoir! Je secoue la tête de gauche à droite comme pour essayer de chasser cette idée nauséabonde de mon esprit. Mais au final, je me fais juste mal aux cervicales. C'est mon ami, on est dans la même équipe. Je n'ai aucune raison d'avoir peur de lui. Et pourtant, j'ai toujours maudit le fait qu'il soit avantagé physiquement de part sa nature d'homme-poisson. Du coup, est-ce que ça fait de moi une personne raciste? Comme ces fanatiques du tout-humain? J'ai soudain l'impression d'avoir découvert quelque chose sur moi-même qui ne m'enchante pas. Je ne suis sans doute pas une personne aussi "droite" que je le pensais. Et, en y réfléchissant bien, j'ai toujours eu ce sentiment étrange qu'il y a en moi un conflit. Une lutte entre la personne que je veux être et celle que je suis au fond de moi. Cependant, je ne peux pas me permettre de douter maintenant. Si près du but. Je chasse ces sombres pensées et je me laisse aller à un sommeil sans rêves.

La semaine suivante, j'entame avec le reste de l'équipe la dernière ligne droite vers la fin de notre cursus. On s'entraîne comme des fous pour les examens physiques, mais aussi, et c'est ce qui me fait le plus peur, on doit réviser les épreuves théoriques!

Les examens sont passés si vite. J'ai du mal à croire que je me suis autant mis la pression pour quelque chose d'aussi simple. L'épreuve physique, un simple parcours du combattant n'a été pour moi qu'une formalité. Je finis seconde sans forcer, derrière Diego. Depuis que j'ai renoncé à le dépasser, je suis plus sereine et moins amère vis à vis de sa nature d'homme-poisson. Et mine de rien, ça me soulage. Je dois bien avouer que j'avais peur d'être une de ces saletés de racistes! Enfin, là n'est pas le plus important, car après l'examen physique, vient le test écrit. Enfin, pour moi, ce sera un oral. Avec le Colonel Farlane en personne! Heureusement, au vu du nombre de soirées que j'ai passé en sa compagnie (et celle de ses amis), je ne suis plus du tout intimidée par le personnage! Au contraire, je suis parfaitement à l'aise. Et je pense avoir cartonné! En somme, je retrouve les autres dans la cours intérieure le sourire aux lèvres. Rapidement, on discute de nos performances. Je suis plus qu'optimiste quant à notre succès. Plus le temps passe, et plus on relâche la pression. On se détend au fur et à mesure que les autres aspirants nous rejoignent. Tous ne sont pas aussi sereins que nous, malheureusement. Enfin, une fois l'épreuve écrite finie, le Colonel nous rejoint et annonce.

Bonsoir aspirants. le silence se fait Vos résultats vous seront communiqués la semaine prochaine, lors d'une soirée spéciale. Votre bal d'admission! Ce n'est rien de plus qu'une version plus huppée des soirées que nous organisons à la fin de chaque année. Il est donc impératif de venir en robe de soirée pour les dames et en costume pour les hommes. Et bien que ce ne soit pas une obligation en soi, vous pouvez venir accompagnés. Si ce sont des personnes extérieures à la base, il faudra me les signaler au plus tard Vendredi. Sur ce, je vous laisse, j'ai une liasse de copie à corriger, bonne soirée!

Et voilà que le gradé prend congé, me laissant avec une question que je pose à haute voix.

Pourquoi on viendrait accompagnées?
Pour le bal, bougre d'andouille! Il faut un cavalier pour le bal! me répond Héfy sur le ton de l’évidence.

J'ai donc le droit à une explication détaillée de la chose. On va toujours au bal accompagné. D'une personne du sexe opposé. Dans le cas contraire, c'est très mal vu. Et on y danse. Nom d'une biscotte, c'est affreux! Ma pensée s'échappe alors de ma bouche.

Mais je ne sais pas danser, et pire encore! Je n'ai pas de cavalier!

Soudain, la pression remonte. Je me dis que tout ça, c'est pire que les examens! Comment apprendre à danser convenablement en moins d'une semaine! Et en plus, je dois trouver un cavalier! Misère de misère! Immédiatement, je pense à Phoenix, mais je ne pense pas que ce dernier soit disponible. Et même s'il l'était, il hait bien trop la Marine pour oser se pointer à une de leurs soirées. Devant mon désarroi, Héfy prends les devants.

Dis, Wolgang, ça te dirait d'être mon cavalier? Et toi, Diego, ça te branche d'y aller avec Jeska?

Deux "oui" plus tard, on avait nos cavaliers. Ce qui m'enlevait un grand poids! Mais je ne sais toujours pas danser, et je suis mortifiée à l'idée de me couvrir de ridicule lors du bal! Heureusement, Héfy, en bonne noble connait les danses de salon et me propose gentiment de m'aider! On se retrouve donc dans la grand-salle, à la nuit tombée. Je l'entends arriver, le pas décidé, mais c'est le son de sa voix qui m'indique qu'elle est ravie.

Alors, Jes', t'es prête à danser?
Franchement, pas trop... réponds-je timidement.
Bon, je ne vais pas t'apprendre toutes les danses. Il y en a trop et nous, on a trop peu de temps pour ça. Par contre, je vais t'en apprendre trois. Le paso doble, qui est la danse de South Blue, et en plus elle est assez simple. Par contre tu ne couperas pas à la valse et au tango, plus difficiles, certes, mais ce sont des incontournables.

Je dois avouer qu'Hephy est un excellent professeur. Et bien que pour moi le vocable spécifique à la danse reste une langue étrangère, j'arrive en une soirée à maitriser suffisamment les pas du paso doble pour réussir à m'amuser un peu. Enfin, ce qui pour moi est un exploit ne l'est pas tant que ça pour mon enseignante. En effet, j'ai mis quatre heures à assimiler les pas alors qu'il faut normalement que deux. Le lendemain soir, on attaque la valse. Et je constate qu'en effet, ce sera plus dur de bien pratiquer cette danse-ci. Mais au bout de deux soirées d'efforts, je me débrouille suffisamment pour ne pas me couvrir de ridicule. Et enfin on attaque le tango. Et là, je dois dire que c'est une horreur. Je n'arrête pas de choir. Mais finalement, je réussis à me familiariser suffisamment avec les mouvements. Je suis plus que ravie. Certes, Héphy trouve que je manque de grâce et d'aisance, mais, selon elle, ce sont des choses qui viennent avec la pratique. Enfin, je n’espère pas. Parce que la danse s'apparente plus à de la torture en talons hauts qu'à un loisir pour moi.

D'ailleurs, le problème de la robe s'est aussi posé. Heureusement, la nobliaude possède une garde-robe suffisamment fournie pour qu'elle puisse me dépanner. Et surtout, on a approximativement le même gabarit. Elle se propose même de me maquiller un peu. Apparemment, ça sublimerait ma beauté naturelle. Enfin, je pensais que ce genre de choses me ferait ni chaud ni froid, vu que je suis aveugle, mais en fait, je réalise que j'aime bien être complimentée sur mon physique.

Alors quand le grand soir arrive et que je sors dans la magnifique robe d'Hefy, j'ai les oreilles aux aguets. Et je les entends. Les commentaires des hommes. Certains sont un peu graveleux, mais je m'en fiche. Apparemment, cette tenue me rend canon! J'ai même vent de ce que disent les filles vertes de jalousie. Et je jubile! Mais ce qui me fait le plus plaisir, c'est quand Diego arrive, et que je prends ce bras qu'il me tend. Et que le silence se fait.

Ce soir, c'est mon soir!

C'est vraiment trop le pied d'être au centre de l'attention! Bien évidemment, quelques langues de vipères persiflent, pensant que je ne les entends pas. Mais je m'en fiche! Elles sont justes jalouses! En plus Diego est un cavalier des plus charmants! Galant et prévenant, j'ai l'impression d'être une sorte de Cendrillon. Princesse d'un soir, je ne boude pas mon plaisir. Installée dans un coin avec Héfy et Wolfgang qui sont aussi très beaux apparemment, on attend les résultats de l'examen final. Gaston ne tarde pas à nous y rejoindre avec sa cavalière. Et après quelques dizaines de minutes d'attente, le verdict finit par tomber.

Le Colonel Farlane fait son apparition, et impose le silence par sa seule présence. Il se dirige vers une petite estrade placée devant l'orchestre qui va animer la soirée. Il s'éclaircit la voix et prend la parole.

Bonsoir. Je vais annoncer les aspirants reçus par ordre d'admission. A l'appel de votre nom, veillez me rejoindre et je vous donnerai votre diplôme ainsi qu'un sabre. Premier admis et Major de la promotion : Diego Lamprey.

J'applaudis chaleureusement en même temps que l'assemblée tandis que mon cavalier va chercher les preuves qu'il a bien été reçu. Il me revient quelques secondes plus tard avec son arme d'apparat et un bout de papier. Je dois cependant avouer qu'autant je suis contente pour lui, autant je suis dégoutée de ne pas être première. En fait, depuis l'examen d'entrée, j’ai  toujours été major de la promotion, travaillant mes capacités physiques en secret pour dépasser l’homme-poisson. Force est de constater que je ne suis pas la seule qui a mis les bouchées doubles pour rattraper son retard. Quelle déception, non seulement je n’ai pas réussi mon objectif, mais en plus, je me suis faite coiffer au poteau. Pourtant, le Colonel cite mon nom en second. Des applaudissements, et une chaleureuse poignée de main plus tard, je me retrouve moi aussi avec un sabre dans la main droite et un bout de papier dans la gauche. Lentement, je rejoins mes amis qui me congratulent à leur tour. Et tandis que les noms continuent de tomber, Diego me prend à part.

Hé Jeska, ça ne va pas? Tu tires une de ces tronches? me demande-t-il avec son fameux accent hispanique.
Non, je t'assure que je vais bien.
Tu mens mal ,Jeska. Je sais ce qui ne va pas.
Ha bon?
Bien sûr! Je ne suis pas idiot! Je sais que tu partais t'entrainer la nuit. Tu crois que tu as fait beaucoup d'effort pour rien, mais c'est faux! Aujourd’hui, tu es bien plus proche dé moi que tu ne l'étais au début. Il n'y a pas de honte à être juste seconde!
Je te remercie, je vois que tu me connais bien. En effet, je suis un peu amère de ne pas t'avoir rattrapée. Mais ce qui est fait est fait. Ça appartient au passé maintenant. J'ai donné mon maximum, je n'ai aucun regret à avoir. Et puis, dans le fond, ça ne me gène pas tant que ça d'être deuxième si c'est toi le premier!
Je lui souris, comme pour lui montrer que cette histoire et bel et bien finie. Je n'ai aucune raison de me lamenter d'avantage sur mon sort. Comme je l'ai si bien dit, j'ai fait de mon mieux, et ça n'a pas été suffisant. Il n'y a aucune rancœur à nourrir. Et surtout aucune raison de gâcher son moment de gloire avec ma fierté mal placée. C'est alors que le Colonel reprend la parole.

Et voilà, c'est fini! Messieurs dames, je suis très fier de vous annoncer que vous êtes tous reçus!

Une immense clameur accueille cette nouvelle.

Et maintenant, comme le veut la tradition, c'est au Major de la promotion d'ouvrir le bal. Jeska, Diego, c'est à vous!

Pour la première fois de ma vie, je les sens. Ces d’innombrables paires d'yeux qui se braquent sur moi. Et sur l'homme-poisson. Je sens mon sang affluer vers mon visage, mes jambes devenir toutes cotonneuses. J'ai le trac! Danser, avec juste Héfy, et sans personne autour, ce n'est pas la même chose que d'ouvrir un bal. Je sens que je ne vais pas y arriver. Apparemment, Diego perçoit ma détresse et me glisse simplement au creux de l'oreille.

Ne t'occupe pas d'eux. Valse juste avec moi.

Il me tend alors son bras que je saisis sans doute un peu trop fermement. Mais mon ami à bien trop d'élégance pour ne serait-ce que geindre et me le faire remarquer. On s'avance lentement au centre de la piste, l'orchestre commence à laisser s’échapper quelques notes. J'inspire et j'expire profondément. La valse, ce n'est pas très compliqué, il suffit juste de bien respecter les trois temps et puis, c'est à l'homme de mener, moi, j'ai juste à bien suivre et tout devrait aller pour le mieux. Et je dois bien avouer que le Diego, il connait rudement bien son affaire! Alors on danse. D'abord doucement, mon cavalier accélère le rythme au fur et à mesure que je prends de l'assurance. C'est étrange comme sensation. Je sais qu'avec Diego nous ne sommes pas seuls. Et pourtant, malgré ma sphère perceptive, j'ai l'impression qu'il n'y a plus que lui. La nuit, l'orchestre, les autres, tout ça disparait progressivement. Pour ne laisser que nous en train de danser. J'ai le sentiment que je partage plus d'intimité avec mon ami lors de cette valse que durant nos six années d'Académie. Malgré la fraîcheur de la nuit, je sens une douce chaleur se répandre en moi. Ça part de mon ventre et ça se diffuse dans tout mon être. Je suis bien. Comme lorsque je resquille quelques minutes de sommeil en plus, emmitouflée sous de bonnes grosses couvertures bien douillettes. Et soudain, je ne sens plus le sol sous mes pieds. Je ne me suis pas mise à léviter, rassurez-vous, mais cette sensation d'apesanteur est terriblement grisante. Et puis, la musique s’arrête et c'est comme si je tombais d'un peu trop haut. J'en ai le souffle coupé pendant quelques instants, et puis, je reprends ma respiration en même temps que mes esprits.

Je ressens alors le besoin pressant de me rafraîchir parce que j'ai l'impression que la température est montée de quelques degrés, là. Je suis un tantinet confuse. Je marche comme si j'étais ivre alors que je n'ai strictement rien bu d'alcoolisé. Heureusement, Héfy m'aide à m'éclipser avant que Diego ne se rende compte de mon état. Elle me guide jusqu'aux toilettes. Et là, je peux enfin m'asperger le visage avec de l'eau bien fraîche. Je me dis naïvement que ça m'aidera à refroidir la mécanique. Mais je me fais vite enguirlander par mon amie : j'ai complètement oubliée que j'étais maquillée! Du coup, il y a tout à refaire! Toute penaude de m'être fait tirer les oreilles par la noble, je me fige alors qu'elle me repoudre la face.

Bon, Jes', ça va? Tu as l'air toute chose. s’inquiète mon amie.
Je ne sais pas trop ce qui m'arrive, je crois que je couve une gastro, j'ai le ventre en vrac!
Alors comme ça, madame Sainte-Nitouche est une femme comme une autre. lance-t-elle d’un air taquin.
Je te demande pardon ?
Tu n’es pas malade, Jes’, c'est juste tes œstrogènes qui sortent d'hibernation!
Mes quoi?
Tes œstrogènes, tes hormones de femme!
Tu connais le nom de tes hormones, toi?
Pas toi?
Bah, tu sais, je ne connais pas le nom de mes parents, alors...
N’empêche que tu craques pour Diego!
Que nenni! J'ai déjà un amoureux! protesté-je.
Et il est au courant?
Ben, pas encore... quand je le rencontrerai à nouveau, je le lui dirai! … hé, mais tu te fichais de moi en fait!
Hi hi hi! Enfin, si tu tiens à ton amoureux, évite de danser un tango avec Diego, conseil d'amie.
Pourquoi ça?
Parce que le tango des hommes-poissons est bien plus sensuel que le notre. Si tu te laisse embarquer là-dedans, ta petite culotte volera ce soir!

Elle m'explique alors que le tango des hommes-poissons, plus communément connu sous le nom de lambada, est une danse interdite, car peu d'humains sont capables de résister à la sensualité de cette danse. Et que malgré la grande tolérance du Gouvernement Mondial envers les différentes races, les hybrides, eux, sont difficilement acceptés. Et de ce fait tout procédé qui facilite la création de métis est proscrit. Moi, je me dis que tout ça est un peu trop galvaudé, une danse interdite, rien que ça! Cette Hefy, qu'est-ce qu'elle n'irait pas inventer pour pas que je lui vole la vedette! Bien évidemment, je ne lui dis rien de tout ça, lorsque je sors des toilettes, fraîche comme une rose au petit matin, c'est tout naturellement que je cherche mon cavalier et que je me pends à son bras.

Quelques minutes plus tard, le groupe annonce un tango. Je me souviens bien du conseil d'Héphillia, mais je ne sais pas pourquoi, j'ai furieusement envie d'essayer. Un peu comme ces papillons de nuit, inexorablement attirés par les flammes. Moi, je suis comme aimantée par Diego. Lui, il doute, me demande de confirmer. J’acquiesce. De la tête dans un premier temps, puis oralement ensuite, comme pour me convaincre moi-même. On avance doucement au centre de la piste, et je me mets en position. Seulement, ce que je ne sais pas c'est que la lambada se danse bien plus près du corps de son partenaire, alors quand Diego plie légèrement les genoux et cale sa main dans le creux de mes reins pour me plaquer contre lui, je sais que j'ai fait une grosse bêtise. Bassin contre bassin, cette danse est bien trop charnelle pour moi. Ces fichues hormones dont j'ignorais l'existence il y a à peine une heure sont en train de me rendre folle. J'ai des envies pas catholiques qui me traversent l'esprit. Éloignez les enfants! Ce n'est plus pour eux! Le papillon s'est trop approché de la flamme, il s'est brûlé les ailes... Je suis sur le point de succomber, de m'abandonner corps et âme, quand soudain, une déflagration se fait entendre.

Le bruit caractéristique d'un tir de canon! Un sifflement qui se fait de plus en plus strident. L'espace d'une seconde, on se fige tous. Comme si le temps s'était arrêté. Personne ne semble réaliser ce qu'il se passe et pourtant, c'est bien là. Un obus vient se fracasser à quelques mètres de Diego et moi. Je nous sens quitter le sol, et pas de la façon dont j'espérais le faire il y a juste quelques secondes. Je comprends alors la réalité de la chose.

On est attaqués!



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Je vole, et c'est étrange. J'ai l'impression que le monde tourne au ralenti, mais que moi je continue de tout analyser comme si j'évoluais à vitesse normale. J'entends les tirs de canon, les boulets siffler, le dallage crisser et exploser. Les cris, les bruits de pas affolés, les odeurs de pierre brulée. J'arrive à tout comprendre. C'est incroyable et terrifiant en même temps. Parce que je sais que je ne suis pas en train de voler, en fait. Je suis juste soufflée par une explosion et là, je plane en direction d'un mur. Et autant mes capacités sensorielles semblent être à leur paroxysme, autant mon corps semble comme figé. Et alors que j'arrive à saisir l'intégralité de mon environnement, je demeure incapable de faire quoi que se soit quant à ma situation personnelle.

Je m'écrase donc contre ce mur. Le dos dans un premier temps, puis c'est l'arrière de mon crâne qui vient se fracasser contre la pierre. Puis... plus rien.

J'émerge et je ne sais pas combien de temps s'est écoulé. J'ai un sifflement horriblement aigu accroché à mes oreilles qui m'empêche de distinguer clairement les sons. J'ai la tête qui tourne affreusement. Au point que je n'arrive pas à savoir si je suis sur le dos ou sur le ventre. Mais une chose est sure, je ne vais pas tarder à rendre les petits fours. Quelques instants et une purge plus tard, je sais enfin que je suis à quatre pattes. Petit à petit, le sifflement s'estompe et mes sensations reviennent. Je sors de ce flou pour constater que j'ai une substance tiède et visqueuse à l'arrière de ma tête. Avec d’infinies précautions, je palpe la zone pour me rendre compte que c'est du sang. Le mien, très probablement. A nouveau, je me sens défaillir.

C'est alors qu'une grande main vigoureuse me saisit par le bras et me remet d'aplomb.

Jeska il va falloir y aller!

C'est Diego. Quel soulagement de savoir qu'il va bien! Il s'en va vers la caserne et je m'apprête à le suivre. Et je me vautre lamentablement! Le choc a certainement du me secouer le sens de l'équilibre car je n'arrive plus à me tenir sur mes deux jambes.

Dépêche-toi, ils né vont pas tarder à débarquer! s’impatiente-t-il.

Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais je me hâte du mieux que je peux. C'est à dire en rampant à quatre pattes comme un gamin. J'entends des coups de feu et des gens hurler. Diego s'approche à grands pas de moi et me jette sur son épaule comme un sac de patates. Il file comme le vent en direction d'un bâtiment. Là, j'y retrouve mes amis. Gaston me fait un bandage de fortune tandis que j'entends Héfy essayer de briefer les survivants.

Les gars, on a été bombardés! Et maintenant qu'ils n'ont plus de boulets à nous envoyer, ils vont accoster et nous tirent comme des lapins! Ces mecs-là ne sont pas des enfants de cœur. S'ils sont là, c'est pour tous nous tuer!

"Alors il faut fuir!" dit une personne dans la petite assemblée de survivants que nous formons. Je sens que mon amie est désarçonnée. Elle voulait certainement galvaniser les troupes et organiser une espèce de résistance. Seulement voilà, en face d'elle il n'y a que des victimes apeurées, pas des aspirants Marines et encore moins des soldats. Alors je m'appuie sur Diego et je me redresse.

Mes amis. Je sais que vous avez peur. J'ai peur, moi aussi. Mais cette peur ne doit pas décider à notre place! Je refuse de fuir ce soir. Parce que, si je fuis ce soir, je fuirai jusqu'à la fin de mes jours! Nous ne sommes pas des civils, et nous ne sommes plus des aspirants. Nous sommes des soldats de la Marine! On a travaillés dur pendant six ans pour en arriver là où nous sommes! Nous n'avons pas le droit de fuir! Ce soir, notre devoir, c'est de prendre les armes et de rendre coup pour coup!

Une clameur accompagne la fin de ma tirade puis, le silence se fait. Tous attendent que j'explique mon plan. Sauf que je n'ai aucune idée. A vrai dire, j'ai la cervelle en sauce blanche là. J'ai juste réagi avec mon cœur. Heureusement, une voix familière se fait entendre et met tout le monde d'accord.

Que la moitié des soldats valides descendent dans l'armurerie et nous apportent toutes les armes dont nous disposons. Freyd et Hector, montez à mon bureau et ramenez-moi mon Den Den Mushi. Gaston, j'ai besoin que vous me fassiez un rapport sur les forces vives dont nous disposons. Allez, dépêchez vous, ils ne vont pas tarder à nous tomber dessus!

Comme une machine bien huilée, chacun fait ce qu'il a à faire et en moins de deux minutes, tout est là. Le Colonel nous explique alors brièvement la situation. Et c'est mauvais, très mauvais. Sur la centaine d'élèves de l'Académie et sur la trentaine d'encadrants, il n'en reste juste un peu plus de quatre-vingt hommes dans la caserne. C'est triste à dire, mais autant présumer que tous ceux qui manquent à l'appel sont morts. Malheureusement, la moitié des survivants sont bien trop amochés pour pouvoir prétendre combattre. Héphy et Gaston sont donc chargés de les évacuer pendant que nous retiendrons l'ennemi. Mais ce n'est pas tout, il n'y a pas assez d'armes à feu pour tout le monde. D'autant plus qu'il ne faut pas que ceux qu'on évacue sortent totalement désarmés. Bref, nous voila donc une grosse quarantaine de soldats qui se partagent trente fusils. Avec un nombre limité de munitions. La situation est mal engagée, mais ce qui nous sauve c'est que nos agresseurs n'ont plus de poudre à canon. Sinon, ils auraient continué de pilonner la base.

Le plan du Colonel est simple. Nos ennemis n'ont pas assez de poudre pour leurs canons. S'ils décident de débarquer, ils seront désavantagés. En effet, l'Académie est une ancienne caserne de la Marine vouée à l'entretien de petits navires. Il y a donc un port au Nord, une cale sèche à l'Est reconvertie en dortoirs et une autre à l'Ouest, qui sert maintenant pour les cours. Et au Sud, le bâtiment principal où sont situés le réfectoire, l'armurerie, et quartiers des soldats. C'est là que nous sommes. Au milieu de tout ça, il y a une immense cour pavée. Là où nous fêtions nos diplômes il y a à peine quelques minutes. Un passage obligé pour que nos adversaires soient obligés d'emprunter pour venir nous débusquer. Seulement, c'est aussi un endroit dégagé et totalement dépourvu de couverts. S'ils osent s'y aventurer, on va les tirer comme des lapins!

D'ailleurs, je réalise que nos assaillants ont arrêté de faire feu. Ils économisent sans doute leurs précieuses cartouches. Enfin qu'importe. Je tends l'oreille. Je focalise toute mon attention sur mon sens de l'ouïe et j'essaie de comprendre ce qui se passe. J'entends ces gens préparer l'amarrage de leur navire. Ils déploient une passerelle. Leurs bottes martèlent la planche de bois puis le pavé. Il y a quelque chose de familier dans le bruit de leurs pas. Je ne saurais me l'expliquer, mais, il me semble connaitre ce son. J'ai un drôle de pressentiment, je suis un peu mal à l'aise. Et ce n'est pas dû au fait que je n'ai pas de fusil. Et puis soudain, un coup de feu retentit. Puis un autre. Et c'est une véritable fusillade qui commence. Il y a trop de bruit. Ma perception de la scène est confuse. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il se passe. Je sais juste qu'Héphy et les blessés en ont profité pour filer à l'anglaise vers Nibelheim. Mais c'est tout. Et comme personne n'a le temps de me décrire cette bataille, je me roule en boule et je tremble comme une gamine apeurée. J'entends les ripostes adverses crépiter contre les murs, et même quelques un de mes camarades tomber au combat. Un a un nos soldats annoncent au Colonel qu'ils sont en rade de munitions. Alors ce dernier prend les devants.

Soldats, laissez les fusils et sortez vos sabres, on fait une sortie!

Je sors le sabre qu'on m'a remis avec mon diplôme. J'en vérifie le tranchant sur un de mes doigts. Outch! Ça pique! Je me redresse, mais je tremble encore. J'ai peur. Parce que ce n'est plus l'entrainement. Que cette fois, si j'échoue, je meurs. Je me surprends à penser que j'aurais mieux fait d'accompagner Héfy et les blessés. Je veux fuir cet endroit. Je ne suis pas prête! Et surtout, je ne veux pas mourir! J'ai le palpitant qui s'emballe alors que je sue à grosses gouttes. Ma gorge s'assèche et se noue en même temps. J'ai de grandes difficultés à respirer. Je suffoque. Je panique. Je vais crever ici! C'est certain! Sans avoir rien fait! Sans avoir rien prouvé!

Soudain, la voix claire du chef de cette Académie me fait reprendre mes esprits.

Il sonne la charge!

La voilà, ma première bataille! Je suis emportée par la fougue de mes camarades qui foncent en hurlant sur leurs adversaires. Je me demande si beugler comme un goret qu'on égorge donne du courage. Peut-être que c'est un moyen d'exorciser la peur qui nous étreint. Je ne sais pas mais tout ce bruit m'ennuie. Je ne me sens pas bien. Je crois que je vais vomir. Et puis, moi qui suis aveugle, je me suis toujours repérée grâce à mes autres sens. C'est d'ailleurs ce qui me rendait redoutable en un contre un. Mais aussi terriblement vulnérable lors d'une bataille rangée. Il y en a juste trop. Des sons, des mouvements d'air. Je n'arrive pas à déterminer qui est ami ou ennemi. Du coup, je reste plantée là comme un piquet. Comme la dernière des incapables. Alors que mes compagnons se donnent à fond pour rester en vie, j'ai l'atroce sensation d'être un poids mort. Et il ne faut que peu de temps avant qu'un ennemi ne réalise que je suis une proie facile.

Quelqu'un se jette sur moi et je me retrouve au sol. A cause de la surprise j'en ai lâché mon épée. Me voilà totalement désarmée face à un adversaire qui ne me laisse pas le temps de me relever. D'un grand coup de pied dans les côtes il m'envoie rouler sur le ventre. Je gémis tant la douleur est forte. Mais je ne peux pas rester là, il faut que je fuie! Malheureusement, il me saute littéralement dessus. J'en ai le souffle coupé. Je tente de me redresser mais une bonne tarte aux phalanges m'envoie presque dans les bras de Morphée. A demi consciente, je sens ses doigts se serrer autour de ma gorge. Je me débats énergiquement. J'essaie de le repousser, mais ce type est plus fort que moi. L'urgence se faisant sentir, je change mon fusil d'épaule et je me tortille afin de le désarçonner, et j'agite mes jambes en caressant le fol espoir que je puisse l'attraper par le cou et le tirer en arrière. Le bougre sent ma manœuvre et se penche en avant afin de rajouter tout son poids à la force de sa mortelle étreinte. Le manque d'oxygène commence à se faire sentir pour moi. Le moindre mouvement me demande de grands efforts tandis qu'une espèce de feu me consume la poitrine. Mue par la force du désespoir, j'essaie tant bien que mal de lui griffer le visage ou de lui esquinter un œil afin que la douleur le fasse lâcher prise, mais c'est tout le contraire. Dans un mugissement bestial, l'homme m'enserre le cou encore d'avantage. J'ai l'impression qu'il va me broyer la gorge tandis que des larmes commencent à perler de mes yeux clos. Il faut que je trouve une solution, mais je n'arrive plus à penser correctement. J'ai l'impression de m'enfoncer dans le sol comme dans un lit bien douillet. Oui, c'est ça, inutile de lutter, je n'ai qu'à me laisser aller à cette douce sensation de quiétude. J'ai des regrets, certes, mais tout ça n'a plus grande importance. Signe que j'abandonne, mes bras se déplient lentement et tombent sur le sol. Et puis soudain, ça me fait comme un électrochoc. Sans le vouloir, j'ai utilisé ce que j'appelle, l'écho sonar wave. Lorsqu'ils ont chu, mes membres supérieurs ont envoyé une sorte d'onde dans le sol, et cette capacité m'a permis de déterminer que mon épée n'était pas si loin que ça de moi. Et cette nouvelle ravive en moi l’espoir en même temps qu'une furieuse envie de ne pas mourir. Je me débats comme un beau diable, je m'agite, étirant mon bras droit au maximum afin que je puisse me saisir de l'arme. Je n'ai plus beaucoup de temps! Ça va se jouer sur le fil du rasoir! Encore un peu… allez! J'y suis presque!

Au moment où mes doigts touchent la lame, tout s'accélère. Dans un unique mouvement, je me saisis de l'épée par son tranchant et mon bras va frapper le cou de l'homme à la vitesse de l'éclair. Même moi je suis ébahie par ma propre célérité. Ses doigts se desserrent, et finissent enfin par lâcher prise. Je respire à nouveau! Quel soulagement! Je remplis d'air mes poumons comme si c'était la première fois que je respirais! Il me faut du temps pour reprendre mon souffle et me remettre de mes émotions. C'est la première fois que je tue un homme. Et je dois avouer que c'est très différent de ce à quoi je m'attendais. Pourtant j'avais déjà assisté au décès d'un de mes amis, mais force est de constater que c'est tout sauf la même chose. Alors que quand Hakim nous a quittés, un horrible sentiment d'impuissance me serrait le cœur, là, au contraire je me sens pleine d'énergie. Serait-ce une montée d'adrénaline qui obscurcit mon jugement? Ou alors l'expression d'un sentiment primal enfoui tout au fond de moi? Je ne sais qu'une chose, j'ai aimé ça, et je suis tout à fait prête, malgré mon état, à recommencer. Regonflée à bloc, je me redresse, prête à affronter une armée.

Seulement, la bataille est presque finie. Et elle tourne en notre faveur malgré un nombre de pertes conséquent. Malheureusement, ma baraka ne suffit pas, je suis toujours incapable de distinguer les amis des ennemis. Alors je me mets en retrait, afin de ne pas gêner, ou de me faire surprendre à nouveau. Et alors que je me repose, mon enthousiasme retombe. Et je réalise enfin ce que j'ai fait. J'ai tué un homme. Commis un meurtre. Certes en cas de légitime défense. Mais ça mon âme n'en a cure. Plus tard, je comparerai cette sensation à la perte de ma virginité. Ce soir, quelque chose s'est brisé en moi. Ça ne change pourtant pas la personne que je suis aux yeux des autres, mais moi je sais. Je sais que je ne suis plus la même. Qu'il y a un "avant" et un "après". Et qu'une fois passé ce moment charnière de mon existence, je fais partie de "celles qui l'ont fait". Maintenant que la bataille est finie, je constate que je ne suis pas la seule à être chamboulée. Certains vomissent, d'autres pleurent, il y en a même qui tremblent comme des feuilles. On a gagné, mais à quel prix, dix des nôtres gisent sur le sol, et nous avons autant de blessés, de plus hormis les hommes du rang, nous somme tous trop traumatisés pour continuer à nous battre. Il nous faut du temps pour digérer ça.

Malheureusement, une seconde vague d’adversaires sort du navire ennemi. Au son de leurs bottes martelant le pavé, ils sont deux fois plus nombreux que ceux constituant le premier assaut. Sentant le vent tourner le Colonel sonne la retraite. Nous voilà donc en train de nous replier, la queue entre les jambes, alors que nous avions remporté cette manche! Mais en stratège habile, notre chef sait qu'insister aurait été pure folie. Une grande partie d'entre nous ne sont plus en état de combattre et nos opposants ont décidé d'envoyer le paquet cette fois. Il est donc fort à parier qu'en plus d'être plus nombreux, nos antagonistes seront plus forts et plus expérimentés. Fuir n'est donc pas une si mauvaise chose. Ça nous permet de gagner de temps. Un temps précieux que les soldats encadrants utilisent pour nous permettre de nous reprendre. Et ils n'y vont pas avec le dos de la cuiller. Ils nous crient dessus, nous secouent, moi, j'ai même le droit à une bonne paire de gifles pour me faire sortir de cette sorte de torpeur dans laquelle je m'étais enfoncée. Une fois à peu près remis de nos émotions, on nous expose le plan.

Une stratégie qui va me secouer jusqu'aux tréfonds de mon être.


Ce n'est pas compliqué. Vous, les soldats nouvellement promus, je vous ordonne de quitter les lieux et de rallier Nibelheim dans les délais les plus brefs afin d'assurer la sécurité des blessés.
Oui, mais que va-t-il advenir de vous? questionne un soldat à juste titre.
Moi et mes derniers hommes allons retenir l'ennemi pour vous donner de l'avance. J'ai appelé les renforts, et ce n'est maintenant plus qu'une question de temps avant qu'ils n'arrivent. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir tenir un siège. Notre adversaire le sait et vient d'envoyer le gros de ses troupes pour nous écraser. Mon devoir en tant que Directeur de l'Académie est d'assurer votre protection. Quel qu'en soit le prix.
Mais nous ne sommes plus des aspirants! Nous sommes des soldats, maintenant. rétorque le jeune homme.
Alors voici le dernier ordre du Colonel Farlane. Fuyez à Nibelheim et protégez vos amis blessés à tout prix!
Je refuse.

Ces mots sont sortis de ma bouche sans même que je m'en rende compte. Je réalise alors que ce que je viens de faire porte un nom. Insubordination. Pour la seconde fois de ma vie je sens les regards se braquer sur moi.

Si on vous abandonne ici, vous allez mourir!
Il ne sera pas seul, on sera avec lui! tempère le première classe Ricky Martin.
Et quelle différence ça fait? Vous allez juste tous mourir! Si on reste tous ensemble, on a plus de chances de s'en sortir. m’insurgé-je.
Non, si on reste tous ensemble, on mourra tous. assène le plus haut gradé. Jeska, tu dois comprendre que j'ai deux missions. Vous former, mais aussi protéger cet endroit. J'ai failli à cette seconde tâche. Il est pour moi hors de question d'échouer d'avantage. Vous devez vivre! Pour que notre sacrifice ne soit pas vain. Pour que nos noms ne sombrent pas dans le déshonneur, ni dans l'oubli. Allez, filez, je les entends qui arrivent!

En effet, de lourdes bottent martèlent le sol. Et le bruit se fait de plus en plus proche. Le temps presse et, la mort dans l'âme, je tourne le dos au danger, laissant les soldats les plus expérimentés s'en charger. Les condamnant par la même occasion à une fin aussi funeste que prématurée. Je ne suis pas la seule à être amère de partir ainsi. Beaucoup partent la tête basse. Quant à moi, j'ai du mal à vider les lieux. Non pas que j’éprouve un attachement particulier à l'endroit. Mais surtout que je ne m'attendais pas à devoir quitter l'Académie de cette façon. Et surtout, j'ai besoin d'adresser quelques mots aux Colonel avant de partir.

Monsieur, merci pour tout, et désolée!
Pourquoi donc, soldat?
Je n'ai pas eu le temps de vous faire apprécier le doux parfum des camélias.
Soyez rassurée, Jeska. J'ai fini par le sentir, leur bouquet. Et je dois vous avouer que leur parfum est plein de promesses.

Les derniers mots du Colonel Farlane m'arrachent un sourire, malgré les circonstances, et surtout quelques larmes. Je tourne alors les talons et je file rejoindre mes camarades qui fuient.

L'ambiance est tendue dans le groupe. On marche vite et on ne parle pas. Pour beaucoup, c'est le soir des première fois. Premier combat réel, premières blessures de guerre, premier meurtre... Je n'ai pas besoin d'yeux pour voir que la grande majorité de mes compagnons d'armes est partagée entre le soulagement de quitter cet endroit, et la culpabilité d'avoir laissé le Colonel et ses hommes derrière. Je me demande combien d'entre eux réussiront à surmonter ça. Combien d’entre eux resteront dans la Marine après un tel traumatisme. Moi, je n'ai plus le complexe du survivant. J'ai dépassé ça. Certainement du fait que j'ai déjà eu à affronter cette épreuve avec la mort d’Hakim. Je suis aujourd'hui plus forte. D'ailleurs, je constate que je ne suis pas la seule dans ce cas. Diego et Wolfgang aussi ne sont pas abattus comme le reste de notre promotion. Je me rapproche d'eux alors qu'on entend derrière nous des bruits de combats. C'est le chant du cygne du Colonel Farlane. Son requiem. Je presse le pas. Je ne veux pas entendre ça. Et surtout chaque cellule de mon être veut fuir le plus loin possible d'ici. D'autant plus qu'il est naïf de croire que nos adversaires en resteront là. Je mettrai ma main à couper que dès qu’ils en auront fini avec notre leader, ils partiront derechef à notre poursuite.

Hors de question de ralentir.

Voilà, non seulement j'ai brisé le silence quasi religieux de notre procession, mais en plus je passe sans le vouloir pour la fille sans cœur. Stoïque, j'encaisse ces remarques pas toujours très gentilles à mon égard. Je dois poursuivre la mission du Colonel. Afin qu'il ne soit pas mort en vain. Et ça signifie que je dois les sauver en vers et contre eux. Je le ferais sans hésiter. J'obtiens d'eux qu'ils pressent le pas. Mais ce n'est pas mon plus grand défi.

Je suis persuadée qu'on va devoir encore se battre.

On arrive à Nibelheim sur les coups de minuit. On a mis plus longtemps que prévu à rallier le petit village de montagne. Il faut dire qu'on a marché dans le cœur de la nuit et que personne n'a pensé à prendre des torches. Moi, l'obscurité ne me gène pas et j'aurais pu tout à fait guider notre petite troupe dans les bois. Mais hormis Diego et Wolgang, mes autres camarades ne me font pas assez confiance pour me suivre les yeux fermés. Et puis, on compte beaucoup de soldats traumatisés que j'ai dû pousser à avancer coûte que coûte. Je crains que la plupart d'entre eux soient incapables de quoi que ce soit avant longtemps. Même moi, je suis en proie au doute. Le Colonel a enfin reconnu ma valeur. Ça aurait du me faire plaisir, gonfler mon moral. Mais je ne peux m’ôter de l'esprit qu'il m'a dit ce que je voulais entendre afin de se débarrasser de moi. Après tout, qu'ai-je fait? Qu'ai-je prouvé?

Rien.

Rien du tout.

Certes je suis seconde de l'Académie. Mais ce n'est que du scolaire. En conditions réelles, j'enchaîne les ratages. Lors de la bataille de l'Académie, je n'ai été capable de me défaire d'un seul ennemi, et encore sur un coup de chance. Je n'ai pesé en rien sur l'issue des combats. J'ai été inutile. Et j'ai peur. J'ai peur que si je doive me battre à nouveau, je sois incapable de faire mieux. Je crois que j'ai atteint ma limite. Déjà? C'est affreux. Être encore aussi jeune et déjà à l'apogée de son talent! Le Colonel m'a confié le sort de mes camarades. Mais si le pire devait advenir, serais-je capable de les protéger? Je n'en sais fichtrement rien. Et cette incertitude me paralyse. Alors que notre groupe rejoint celui des blessés parti quelques dizaines de minutes auparavant, je constate qu'ils n'ont pas chômé. Ils ont réveillé les villageois et ont monté un dispensaire de fortune sous un préau. Ils ont même commencé à soigner les blessés les plus graves. Pas toujours avec succès, malheureusement. Deux des nôtres se reposent sous un drap blanc me confie Diego. C'est le moment que choisit Héphy pour me questionner.

On fait quoi, maintenant? On attend les renforts? Où sont les soldats de la base? Où est le Colonel?
Le Colonel et ses hommes sont restés derrière pour protéger notre fuite. Cependant, je pense qu'on doit se préparer au pire. Si nos ennemis réussissent à se débarrasser du Colonel, c'est qu'ils sont forts. Bien plus que nous. Ils n'auront donc aucun mal à nous rattraper.
M... m... mais... ils ne sa... sa... savent pas où est? s’inquiète Wolfgang.
Ils auraient pu se contenter de nous bombarder et de filer. Mais ils ont débarqué. Après qu'on ait vaincu leur première vague, ils auraient pu s'enfuir. Mais ils sont restés. Je ne crois pas qu'ils se contenteront de gentiment nous laisser filer. Ils vont nous poursuivre.
Encore faut-il qu'ils nous trouvent. coupe Gaston.
Quelqu'un à pensé à effacer nos traces? demande Diego.

Un silence gêne répond à la question de l’homme-poisson. Je ne laisse pas le doute s'installer et je reprends.

Donc ce n'est plus qu'une question de temps avant qu’ils ne trouvent notre piste et la suivent jusqu'ici. Ils sont certainement déjà en chemin.
On fait quoi alors? interroge un de mes camarades.
On se bat. On n'a guère le choix, de toute façon. Il nous faut nous préparer à tenir le plus longtemps possible le temps que les renforts arrivent. Quelqu'un à pensé à prendre un Den Den? Qu'on puisse indiquer aux secours que nous ne sommes plus à la base.

Encore un silence évocateur. On est vraiment des bleus! On fuit sans couvrir nos traces et sans moyen de communication. Nom d'une biscotte, le Colonel doit avoir honte de nous à l'heure qu'il est.

Vous pouvez emprunter un des nôtres si vous le voulez. propose un villageois.
En fait ça ne règle pas le problème. On ne connaît pas le numéro du QG. Et même si on le connaissait, on est juste des soldats tout juste promus. Des inconnus au bataillon. Rien ne nous garantit qu'ils nous croient sur parole.
On est foutus, alors?
Non, je peux encore faire quelque chose!
Toi? Mais comment?

Moi je sais comment. C'est un secret. C'est d'ailleurs ce que répond la jeune princesse en partant s'isoler. Elle va appeler son père. C'est un noble suffisamment important pour que les responsables du QG de South Blue l'écoutent et le croient. C'est alors que je comprends. Je comprends pourquoi nos adversaires s'acharnent autant contre nous. Il s'agit d'Héphillia. C'est son témoignage ainsi que l'intervention du Colonel Farlane qui ont envoyé le Colonel Morris à Impel Down. C'est donc certainement les Chevaliers du Purgatoire qui ont donc lancé contre nous une expédition punitive. Et ils ne s'arrêteront pas avant de tous nous avoir passés au fil de l'épée. Je décide de garder cette information pour moi. Inutile d'affoler les autres. Ou pire, des les diviser. Lorsque la noble revient, elle me dit que les devraient être là dans deux heures, tout au plus. Apparemment, ils étaient déjà en chemin. Ils ont bien reçu le changement de lieu de sauvetage.

Mes amis et moi, on réunit tous les soldats valides et les villageois. On va devoir leur annoncer qu'ils vont vivre les deux heures les plus éprouvantes de leur existence.

Si ce n'est les dernières.

Voilà Héfy sur un tas de caisses qui explique le plan. C'est simple. Mais elle y met les formes. Du coup notre situation semble moins désespérée qu'il n'y paraît. Il faut juste tenir jusqu'à ce que les renforts arrivent. Et pendant qu'elle attire sur elle toute l’attention des gens en galvanisant les troupes, moi, je m'éclipse discrètement.

Je ne peux pas me contenter d'attendre que nos adversaires viennent. J'en ai marre de subir le cours des évènements. Et surtout, je sais que je ne suis pas encore prête à participer à une bataille rangée. Mes sens, aussi aiguisés soient ils, n'arrivent pas à analyser autant d'informations. Si c'est pour servir à rien, autant que je m'en aille. Pas pour fuir, ça ce n'est bon que pour les robinets, mais pour faire ce que je fais de mieux. De la reconnaissance. Ces bois, j'y ai patrouillé dedans durant trois ans. Je les connais comme le fond de ma poche. Et puis en tant qu'aveugle, j'ai appris à me déplacer silencieusement, afin de ne pas embrouiller ma propre ouïe avec des sons parasites. J'avance donc sans un bruit dans les bois. Légèrement à l'écart du sentier, histoire de ne pas tomber nez à nez avec nos poursuivants. La nuit et la végétation m'offrent un couvert idéal. C'est alors que je me mets à réfléchir. S'ils suivent notre piste, ils auront forcement des torches. Du coup, il faut que je me cache un minimum. Aïe! La tuile! Je ne sais pas comment faire, moi! Penser aux angles de vue et tout le tralala, je n'ai ai jamais pigé goutte! Mais si j'ai compris une chose avec mes amis. C'est que les yeux ne voient que ce qu'ils ont devant eux. Du coup la solution est simple! Il faut que je monte me cacher dans un arbre. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Me voilà perchée sur une grosse branche tel un rapace prêt à fondre sur sa proie.

Et je n'ai pas longtemps à patienter. Ils sont là, suivant la trace qu'on a malencontreusement laissé derrière nous. J'aurais préféré ouïr le Colonel ses hommes. Je constate la mort dans l'âme qu'il n'en est rien. Je les entends, avancer précautionneusement, mais ce n'est pas suffisant pour me repérer. Ces imbéciles ne pensent qu'en deux dimensions! Je vais leur faire payer ce qu'ils ont fait à mes amis, et à mes enseignants! J'attends que leur troupe passe. Je compte les adversaires. Ils ne sont plus que seize? Le Colonel a du se battre comme un lion et vendre chèrement sa peau. C'est alors que je me mets à réfléchir. Pourquoi juste faire de la reconnaissance? Pourquoi ne pas leur tendre une embuscade? Après tout, ils ne m'ont pas vu. Avec l'effet de surprise, je devrais pouvoir en éliminer deux ou trois sans coup férir. Après, j'aurais juste à filer me cacher dans les bois. Et a recommencer! Oui, c'est ça! La stratégie du "hit'n'run". Ha ha! Je suis trop intelligente! Je vais tous me les faire un par un! Ils ne verront rien venir!

Je me laisse choir de ma branche et je tombe sur le soldat qui ferme la marche avec mon épée. C'est incroyable avec quelle facilité elle rentre dans ses chairs. Assassiner un homme c'est si facile. Presque trop d'ailleurs. Sa vie, toute sa vie, ses joies, ses peines, ses souvenirs, tout ce qui faire de lui un homme, tout ça, je l'ai détruit en un instant, et avec une facilité déconcertante. Et c'est aussi grisant que c'est dérangeant. J'ai toujours cru que la vie d'une personne avait un certain poids. Je réalise à quel point je me suis fourvoyée. Ou pas. En fait, c'est peut-être mes entrainements qui portent leurs fruits. Je suis forte! Mais pas encore assez pour affronter la quinzaine d'autres gars. Allez, Jeska, reprends-toi! Tiens-en toi au plan! On frappe et on se cache!

Ni une, ni deux, je file me mettre à couvert peu de temps avant que l'ennemi ne réalise ce qu'il vient de se passer. Aussi vite que faire ce peut, je les contourne et je frappe l'homme de tête alors que tous ses compagnons se sont retournés pour voir ce qui se passe en queue de peloton. C'est presque trop facile! Cependant, il faudrait que je pense à arrêter là. Ils vont se méfier maintenant. Allez, encore un. Oui, j'ai le temps d'en tuer encore un! C'est le dernier, après, je m'enfuis et je préviens les autres. Mais après tout, ils ne sont plus que quatorze. Et même s'ils sont maintenant sur leurs gardes, j'ai pour moi l'avantage du terrain et le couvert de la nuit. Deux attaques-éclair plus tard, et ils ne sont plus que douze. Je les entends commencer à douter. Ils s'apostrophent, se motivent. Je décide alors de laisser retomber la pression avant mon prochain assaut. Il faut dire que je n'ai plus l'avantage de l'effet de surprise. Je les suis donc discrètement, dissimulée dans les bois. Ils avancent lentement, et ça c'est une bonne chose. Plus tard ils arrivent à Nibelheim, moins longtemps mes amis devront tenir. Du coup, je réfléchis un peu, je n'ai même pas besoin de les attaquer pour les tuer. Je dois juste les taquiner suffisamment pour les immobiliser. Et même, qui sait, je pourrais les retarder assez pour que les renforts finissent le job. Alors que je laisse mon esprit vagabonder, j'entends soudain.

Là, j'ai cru voir quelque chose!

Nom d'une biscotte, je suis grillée! J'étouffe un juron quand je réalise que le type pointe son bras dans ma direction. Je n'attends pas le déluge pour me carapater alors que ces types se lancent à ma poursuite. Exit l'effet de surprise, je suis passée de prédateur à proie. Sacrebleu, ce n’est pas facile de courir en forêt! Des branches et autres ronces me giflent le visage et m’entaillent les chairs. Et surtout, le sol inégal me pénalise au niveau de la vitesse. Je fuis en direction de l'Académie, soit à l'opposée de Nibelheim. Je suis ravie et à la fois un peu triste de constater que ces types ont bien mordu à l'hameçon et qu'ils me suivent. Malheureusement, ce n'est plus qu'une question de secondes avant qu'ils ne me tombent dessus.

Ça arrive peu après que je sois arrivée dans une petite clairière. Le combat, si on peut appeler ça ainsi, est aussi bref que violent. Malgré tout, je me défends comme une lionne, et je vends chèrement ma peau. Pour ce que ça change... Je me retrouve désarmée face à une douzaine de types en colère. J'ai peur, je tremble malgré moi. Ça les fait bien marrer. Ils rient encore en me rouant de coups. J'ai mal, c'est horrible. Je me dis qu'ils vont me battre à mort, qu'il n'y a plus échappatoire. Je regrette d'être partie seule, bille en tête, dans une mission suicide alors que personne ne me l'avait demandé. Finalement, ils se lassent de me cogner et me laissent tomber au sol, à peine consciente.

Hé, quelle heure il se fait?
Il est pas loin de onze heures.
D'après les communications qu'on a interceptées du QG, les renforts devraient être là vers minuit, non?
C'est exact.
On a donc plus le temps d'aller jusqu'à Nibelheim s'occuper des autres?
Non, il faut se replier. On a subi assez de pertes comme ça.
C'est un échec cuisant, le Grand Maître va être furieux.
Du coup, on fait quoi d'elle? Après tout, elle n'est pas humaine.
En effet, mais... malgré le fait qu'elle soit aveugle, elle a bien rempli sa mission. Puis, même si ça reste une aberration de la Nature, elle a fait preuve d'un courage et d'un sens du devoir qui l'honorent.
Tu ne va pas épargner cette chose?
Nan, mais je vais lui laisser une petite chance de s'en sortir.

Il se penche sur moi. Instinctivement, j'essaie de m'échapper, mais tout ce que j'arrive à faire, c'est blobloter de façon assez ridicule et pousser un petit couinement plaintif. Des rires gras fusent. Je suis à la fois morte de honte et ivre de rage. Il me soulève le menton. Dans un autre contexte, son geste aurait pu paraître presque tendre, mais là, moi, je me méfie. D'un coup sec, il me tranche la jugulaire. Pas assez pour me tuer net, mais assez pour que je saigne abondamment. Instinctivement, je plaque ma main sur la blessure, pour faire un point de compression de fortune.

Voilà, c'est bien. Si tu retires ta main, tu va te vider de ton sang en quelques minutes. Cependant, tu as sans doute remarqué que sans une aide médicale, tu ne fais que retarder l'inévitable. En plus, l'odeur du sang ne va pas tarder à attirer des bêtes sauvages. Bref, tu es mal barrée, mais pas totalement foutue. Avec un peu de chance, tu pourrais t'en sortir.
De chance? Mon œil! Vous êtes juste un salaud!

Et ils partent en riant. Me laissant seule, aux portes de la Mort.

Je me retrouve seule dans les bois. De nuit, et blessée de surcroît. J’essaie de me relever. Parce que je sais que, même si on est dans un coin relativement tranquille de South Blue, il y a ici des bêtes qui pourraient tout à fait décider de manger de la Jeska comme en-cas du soir. C'est assez dur de me remettre sur pied en n'utilisant qu'une main. Je sens mon sang s'en allant de ma blessure malgré le fait que ma main droite appuie sur la plaie. Nom d'une biscotte! Je ne pensais pas en avoir perdu autant. Ce n'est qu'une fois debout que je réalise que j'ai laissé échapper bien plus de fluide vital que je ne l'aurais cru. Ma tête tourne, mes jambes sont cotonneuses, et je me sens très très faible. Ma sphère perceptive s'est complètement évanouie. Je me retrouve dans le "noir" sensoriel le plus complet. Les sons me paraissent flous et comme déformés. Ma peau semble comme du marbre, incapable de percevoir le moindre mouvement d'air. Mon odorat est en panne. Bref, je suis comme une enfant, à errer dans les bois, avançant un pied devant l'autre de peur de trébucher, et une main devant moi, pour tâtonner ce qui pourrait m'arriver en face. On dirait une pauvre gamine aveugle. C'est pathétique...

Je commence à avoir froid. Signe que je ne suis plus très loin de la fin. J'entends de façon assez indistincte des bruits autour de moi. De pas, des grognements. Des bêtes sans doute. Je vais mourir ici! Dévorée vivante! Si je n'avais pas été aussi faible, j’aurais sans doute pu grimper dans un arbre, mais là, dans mon état, et avec une seule main disponible, c'est tout bonnement hors de question. J'envisage un instant de me tirer une balle dans le crâne avant de me faire bouffer. Puis je réalise que, de toute façon, je n'ai pas d'arme à feu sur moi. Mes larmes me piquent les joues. Je pleure? Sans doute parce que je n'ai plus d'espoir. Je m'adosse à un arbre et je me laisse lentement glisser au sol. Ce n'est pas trop la façon dont je souhaitais mourir. Et encore moins l'heure. Quitte à choisir, je préfèrerais que ce soit le plus tard et le moins douloureusement possible. Au moins, j'aurais eu la chance de réaliser mon rêve, je suis une soldate de la Marine! Je n'ai aucun regret...

Foutaises! J'en ai des regrets! J'aurais aimé pouvoir sauver Hakim, le Colonel et les autres. J'aurais aimé connaître l'Amour. J'aurais aimé être une haute gradée dans la Marine! Une personne forte et respectée. Inspiratrice de vocations tant qu'à faire! Je ne serai rien de tout ça. Je vais crever seule, avec comme seule compagnie les bêtes qui vont se repaître de ma chair. C'est marrant les pensées qui vous traversent l'esprit au moment où vous vous en allez dans un monde meilleur. Moi, l'aveugle, celle qui n'en a rien à faire des apparences, je me demande si ma dépouille sera reconnaissable. Si mes amis sauront ce que j'ai fait pour eux. S'ils me pleureront, et combien de temps ils le feront. Si j'aurais le droit à un enterrement avec les honneurs.... je divague... je me mets à penser au Paradis. Où irais-je après? Est ce que notre monde ne serait pas une sorte du Purgatoire. Peuplé de gens qui sont morts ailleurs et dont les actions ici conditionneraient leur montée au ciel ou leur descente aux enfers?

Et puis soudain, je le sens. Mon corps se détend, mon esprit se vide de toute pensée. La douleur s'efface progressivement. Et je vois. Oui. Dans les ténèbres, il y a comme une grosse tache. J’ai du mal à la fixer sans fermer les yeux. C'est... chaud et ça m'appelle. Puis soudain, c'est comme si un crochet était attaché à mon nombril et qu'on me tirait violemment en arrière. Non! J'étais bien! J'allais aller au Paradis! Laissez-moi tranquille. Petit à petit, la tâche chaude s'estompe. Ses contours deviennent flous et finalement, elle disparaît.

Je me réveille. Je suis dans un lit. J'ai l'impression étrange d'avoir trop dormi. Je me demande si tout ce qui vient de se passer n'était pas qu'un mauvais rêve. Et puis, insidieusement, la douleur revient. Et je réalise avec horreur que je suis bien dans l'affreuse réalité. Je veux me redresser mais mon corps m'en empêche. Je ne peux pas bouger. Où suis-je d'ailleurs? Mon odorat fonctionnant à nouveau, je réalise que je suis dans un lieu médicalisé. Une désagréable sensation dans le creux de mon bras droit m'indique que je suis perfusée. Ma bouche est sèche et pâteuse à la fois. Et surtout, j'ai l'atroce sensation d'avoir été piétinée par un troupeau d'éléphants. J'ignore combien de temps j'attends là, plantée comme une cruche dans ce lit attendant que quelqu'un vienne. Et j'ai une foule de questions qui bouillonnent dans ma tête. Où suis-je? Qu'est-il arrivé à mes amis? Comment je suis arrivée ici? Mais sans interlocuteur, difficile d'étancher ma curiosité.

Combien de temps avant qu'un médecin n'arrive. Je ne pourrais le dire. Mais je me suis ennuyée ferme. Hormis me poser des questions et repasser dans ma tête les évènements qui m'ont conduit ici, je ne pouvais faire grand chose. C'est donc avec un soulagement non-dissimulé que j’accueille les pas qui se dirigent vers moi. C'est alors qu'un doute affreux me saisit. Et si j'étais captive? En fait je suis peut être aux mains de nos ennemis! Ils m'ont sans doute retapée pour mieux me "questionner" ensuite! Je me crispe. Je ne suis pas en état de résister! Je réalise que je tremble. Je suis morte de peur. Et dans mon état de faiblesse actuelle, je ne pourrais pas faire grand chose. Alors le mieux que je puisse faire, c'est de concentrer toute mon énergie à garder le contrôle de ma vessie. Puis, quand il fut assez près de moi, je l'implore.

Pitié, ne me faites pas de mal.

Il recule vivement d'un bon mètre, comme si je lui avais fait peur. Il laisse s'échapper un petit rire nerveux. Il a été surpris, mais ne tarde pas à se reprendre. Il m'explique que je suis dans un hôpital civil sur une petite ile de South Blue. J'y suis en observation car j'ai perdu beaucoup de sang. J'étais à ça d'y passer. "ça" étant une petite distance entre le pouce et l'index de mon interlocuteur. Ce dernier m'informe aussi que mes amis vont bien. Je suis rassurée, j'avais peur qu'il ne leur soit arrivé quelque chose. Après une vérification de mes constantes, il m’ôte la perfusion et me dit qu'il va prévenir mes camarades.

J'attends, encore. Mais pas au point de gamberger. Et lorsque la porte de ma chambre s'ouvre à nouveau, je sens l'odeur familière de mes amis. Ils ont tous survécu, et j'en suis ravie.

Tu as une sale tête, Jes'. me lance Héfy en guise de salutations. Ravie de voir que tu es encore en vie. Apparemment, ce n'est pas passé loin... Elle laisse un instant de silence s'écouler. Mais quelle idée tu as eu de nous fausser compagnie! On était tous super inquiets! Tu aurais pu mourir, tu sais?

Je vous épargne les détails, mais j'ai le droit à un sermon de la part de chacun de mes camarades! Même de Wolfgang le bègue. Je dois rester sérieuse et afficher une mine contrite, même si je ne sais pas trop comment faire. Je me contente donc de baisser la tête et de faire semblant de regarder mes pieds. Une fois l'orage passé, mes amis en viennent enfin à ce qu'ils voulaient me dire.

Jes', écoutes, des hommes vont venir te voir pour t'interroger. On est tous passés par là. Mais on a fait tout notre possible pour te voir avant eux. On plus beaucoup de temps, je vais devoir faire court. On a tous quittés la Marine, et on veut que tu fasses de même.
Quoi? Vous êtes sérieux? Après tous les efforts qu'on a fait pour en arriver là, vous abandonnez à la première difficulté? Vous me décevez beaucoup.

Je ne sais pas si ce sont les anti-douleur qui m'ont désinhibée, mais je réalise que la franche brutalité de mes propos a heurté mes amis. Hephy, mon amie, recule d'une bonne paire de pas, comme si je lui avais envoyé un coup dans la poitrine. Les autres demeurent silencieux. Je sens que j'ai creusé un fossé entre nous. Maladroitement, j'essaie de recoller les morceaux.

Mettez-vous à ma place. Rejoindre la Marine, me battre pour la Justice, c'est mon rêve de gosse...
Justement, c'est de Justice dont il s'agit! Ces gens qui nous ont attaqués, ce sont les Chevaliers du Purgatoire, ce sont des marines! Ils portent le même uniforme que nous!

Alors, elle a fini par l'apprendre. Tant mieux. Je ne savais pas comment le lui annoncer. Alors je mens, je fais mine d'être surprise. Là, elle continue son laïus sur le fait qu'on ne peut plus faire confiance à la Marine. Qu'ils sont tous corrompus. Je la coupe.

Enfin, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier. Ces types ne sont qu'une minorité. Il y a surement plus de révolutionnaires infiltrés que de Chevaliers du Purgatoire...
Exactement, la Marine toute entière est pourrie! On ne pourra jamais obtenir Justice si on reste sous leur pavillon.
En dehors du cadre de la Marine, il n'y a pas de justice, juste de la vengeance.
La vengeance, ça nous va très bien, figures-toi!
Vous rendez-vous compte à quoi vous vous exposez? En sortant de la Marine pour vous en prendre à ses soldats, vous projetez de devenir des criminels!
C'est toujours mieux que de rentrer sagement dans le rang! Tu crois quoi, Jeska? Qu'en baissant la tête et en bossant dur, tu vas y arriver? Qu'ils finiront bien par reconnaitre ta valeur? Tu te plantes le doigt dans l’œil jusqu'au coude, ma cocotte! Pour eux, tu seras toujours un monstre, une non-humaine. Jamais ils ne te considèreront comme leur égal, même si tu te tues à la tâche pour prouver que tu es meilleure qu'eux. Et lorsque tu feras un faux-pas, parce que tu en feras, crois-moi, ils ne te laisseront pas de seconde chance. Ils se diront juste que c'était prévisible que c'était juste une question de temps. Et ils te mettront au placard si vite que tu n'auras même pas le temps de comprendre ce qui t’arrive.
Donc ma seule alternative, c'est de vous rejoindre? Merci, mais non merci. Je ne compte pas pardonner à ces types, mais je ne compte pas non plus trahir mes idéaux pour eux.
Tu ne vas donc rien faire? Je vois, tu ne changeras donc pas d'avis. Tu préfères tourner le dos à tes amis pour satisfaire ta petite ambition? Hé bien, tu me déçois énormément, Jes'.

Silencieusement, mes amis quittent la pièce, et je ne les retiens même pas. Ce seront les derniers mots que j'échange avec eux avant pas mal de temps. Et, je dois avouer que ça me chagrine. J'aurais préféré qu'on se sépare en bons termes. Mais là, certaines choses qu'Héfy m'a dites m'ont blessé plus profondément que les coups que j'ai reçus la veille. Ces bleus de l'âme ne sont sans doute pas prêts de se résorber.

Je suis là dans ce lit d’hôpital, alors que mes amis quittent la pièce. Je regrette de ne pouvoir me lever et d'aller les retenir. Mais, tout au fond de moi, je sais que même si j'avais pu me mouvoir, je n'aurais pas bougé pour autant. Plus les gens vous sont proches, plus leur départ vous fait mal. Et ces gens ont été plus proches de moi que quiconque. J'ai le cœur en miettes. Je ne comprends pas. Je ne les comprends pas. J'essaie pourtant. Mais j'ai beau tourner la chose dans tous les sens, je n'arrive qu'à me faire des nœuds au cerveau. Je culpabilise. Alors j'essaie de me souvenir des événements de tout à l'heure. Pour essayer de déterminer à quel moment la situation est partie en sucette. Sans succès. Est-ce parce que je n'arrive pas à me remettre en question? A me donner tord, finalement? Sans doute.

Je soupire. Je crois qu'il faut que j'arrête de me prendre la tête avec un problème que je ne peux résoudre. Il faut que je me vide l'esprit. Mais comment faire? J'ai trop d'interrogations qui se bousculent! C'est comme une tempête dans mon crâne. Raaaaah! Nom d'une biscotte! Je n'en peux plus! Il faut que je bouge de là! Rester alitée va me rendre folle! Je vais me lever et retrouver Héphy! Lui parler. On ne peut pas se quitter comme ça! Alors, je retire ma perfusion avec d'infinies précautions et je décide de me lever. Mon corps proteste énergiquement. Et je grimace de douleur. Mais je serre les dents. Je frissonne quand mes pieds entrent en contact avec le dallage froid de ma chambre. Ce frimas est cependant assez revigorant. De plus il a le mérite de me sortir de cette semi-torpeur morphinique dans laquelle j'étais jusqu'à présent. J'étire mes membres endoloris et je réalise tout de suite que ce n’est pas ma meilleure idée. Car ça fait revenir la douleur au galop.

J'ai du mal à marcher. Mes pieds semblent avoir oublié la sensation du sol et, du coup, je ne me sens pas très stable quand je me déplace. Et puis, sans canne d'aveugle et avec l'anesthésiant qui brouille mes sens, je galère un peu pour me diriger. Il me faut bien dix minutes pour faire la douzaine de pas me séparant de la sortie. Quelques minutes de solitude supplémentaires pour trouver la fichue poignée de porte et me voilà dehors! Vite, mes amis n'ont que quelques minutes d'avance.

Tout ça pour me retrouver dans un couloir. Et avec deux options. Droite où gauche? Ce sera la droite, j'ai l'impression d'y sentir l'odeur de mes compagnons d'armes. Utilisant le mur comme guide, je longe la paroi jusqu'à me retrouver à une intersection. Cette fois, je bloque. J'hésite. Retrouver mes amis? Mais que pourrais-je bien leur dire? Recoller les morceaux, mais comment? Partir à l'aventure au risque de me perdre, ou revenir sur mes pas? Soudain, alors que je tergiversais tranquillement, je me sens partir en avant. Je chois. Et...

Je suis à nouveau dans mon lit. J'aurais rêvé m'être levée? J'émerge en grognant. J'ai un mal de crâne carabiné. J'essaie de me relever, mais une main se pose sur ma poitrine.

Mademoiselle Kamahlsson, vous devez rester allongée. Vous avez perdu beaucoup de sang, si vous ne voulez pas refaire de malaise comme tout à l'heure, il faut que vous vous ménagiez.
Mais je dois rattraper mes amis.
Vos visiteurs sont partis depuis longtemps. Et... Il y a des gens qui veulent vous parler. Ils vous expliqueront sans doute tout ça mieux que moi.

Deux personnes rentrent dans la pièce. Ils ne se donnent même pas la peine de se présenter ou de me saluer. L'un d'entre eux tourne dans la chambre, comme s'il cherchait quelque chose tandis que l'autre se dirige vers la fenêtre, inspecte le dehors, et tire les rideaux. Puis, chacun d'entre eux va se chercher une chaise, non sans avoir vérifié que la porte était bien verrouillée. Et finalement, après avoir assisté à leur petit cirque, la question qui me brûle les lèvres finit par sortir toute seule.

Bonjour, vous êtes qui?
C'est nous qui posons les questions. coupe sèchement l'homme de droite.

Le ton n'autorisant pas la réplique, je tais mes interrogations. Je me contente de répondre aux leurs. Ces deux types s'intéressent aux événements de la veille. Malheureusement, je sens que je ne leur suis pas d'une grande aide. Les seules descriptions que je peux leur faire de mes agresseurs sont auditives ou olfactives. Ils auraient sans doute préféré que je leur fasse un portrait-robot. Du coup, je me mets à supposer qu'ils font partie des affaires internes ou du Cypher Pol, et qu'ils cherchent les coupables. Et ça me frustre énormément de ne pouvoir les aider d'avantage.

Je ne sais pas trop depuis combien de temps ils me cuisinent, mais là, je sens que je sature. Ça fait déjà trois fois que je leur répète la même histoire. Et j'ai l'impression que ma version des faits ne leur convient pas. Mais je ne vais pas raconter une autre version pour leur bon plaisir. Ce serait mentir. Alors, je finis par craquer.

Vous savez, ce n'est pas en me posant cinq fois la même question que la réponse changera, non?
C'est nous qui posons les questions. répète l'homme de droite.
En effet, mais elle a cependant raison. pondère celui à ma gauche. Nous sommes certains que vous êtes persuadés de nous raconter la vérité. Il laisse un silence s'installer. Cependant, les faits sont graves et on ne peut pas laisser le bruit courir que des soldats de la Marine ont volontairement assassiné leurs confrères. Surtout pour de bêtes raisons raciales.
Comment la Marine pourrait-elle prétendre protéger tous les peuples si on sait qu'elle abrite en son sein une faction comme les Chevaliers du Purgatoire. C'est bien ce que vous voulez dire, n'est-ce pas?
Exactement! Ravi de voir que vous comprenez vite!
Donc, plutôt que de rechercher les coupables, vous utilisez vos ressources pour sauvegarder les apparences.
Elle ne perds pas le Nord, celle-là...
Hum que diriez-vous d'une place dans la Marine?

Là, je manque de m'étouffer. Le mec me balance ça, le plus sérieusement du monde. J'ai du mal à garder un ton neutre.

Je suis déjà dans la Marine, alors...
Je crains que vous ne vous fourvoyiez la dessus, Mademoiselle. L'Académie à brûlé. Il n'y a aucune trace administrative de votre passage.
Et personne pour témoigner non plus. Le Colonel Farlane et ses hommes sont tous morts. Quant à vos collègues, entre ceux qui ont déserté et ceux qui ont décédé...
Pour faire simple, vous n'êtes jamais allé à l'Académie. Vous êtes une simple civile. Et ne pensez même pas entrer dans la Marine par les voies conventionnelles, pas avec votre handicap.
Votre offre est généreuse, mais je ne la comprends pas vraiment. Ce ne serait pas plus simple de me faire disparaitre?  A moins que… vous ne vouliez vous servir de moi comme d’un appât pour attraper les Chevaliers du Purgatoire.
Elle comprend vraiment vite, hein? Rien d'étonnant pour une fille qui termine seconde de sa promotion.

C'est là que je percute que je n'ai pas vraiment le choix. Si les documents administratifs ont tous été détruits dans un incendie. Comment diable peuvent-ils savoir mon classement final? Simplement parce que ce sont certainement eux qui les ont volés, ou brûlés. Mais pourquoi tendre un piège aussi tordu? Pour attraper les Chevaliers du Purgatoire? Ca semble trop simple? Par contre il y a des soldats qui ont désertés, à ce que j'ai compris. Sans doute Héfy et les autres. Ils doivent compter sur moi pour les retrouver? Non. Ils doivent espérer qu'elle va rentrer en contact avec moi sous peu. Ignorant par là même que cette entrevue a déjà eu lieu. Je garde pour moi cette information Ô combien précieuse. Je ne leur dit pas non plus que plusieurs gradés peuvent attester que j'étais bien à l'Académie de la Marine. Mais là, mon silence sert juste à protéger les joyeux invités des soirées privées du Colonel Farlane.

J'accepte, je garde tout ça pour moi.

Apparemment, ils sont ravis et ne tardent pas à quitter la pièce. Moi, je dois avouer que je suis loin de partager leur joie. J'ai passé six ans à l'Académie. Six ans d'épreuves et de galères. Et tout ça pour rien! Je dois tout recommencer de zéro. Tout ça pour une hypothétique chance d’obtenir justice.

Vraiment, si dieu existe, il me déteste!
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