[1628] Le Dard du Scorpion

Samedi matin
Cinq heures.
Bureaux du CP5


Claudication légère, sourire freedent white à couper le souffle. Habits impeccables. Cache-oeil institutionnel. Costa avait tout de suite repéré l'individu qui sortait des bureaux de René Scorpion en ricanant. Gilles le Traitre était le responsable RH du CP0 mais il était avant tout plus bien que cela. C'était une mine de renseignements pour tout agent qui se respectait. Costa le connaissait de réputation mais généralement les agents de catégorie III et II n'osaient pas aller le voir. C'était un peu leur croquemitaine en réalité. Le voir en vrai avait toujours un côté dérangeant.

- HINHINHIN. Vous me surprendrez toujours Scorpio. Décidemment vous avez de la suite dans les idées mon vieux.Tenez-moi au courant.
- Je n'y manquerai pas Gilles. Ah. Agent Cruise, entrez.

R.R Scorpio toisait Costa d'un air chaleureux. Autant dire inquiétant. Se faire convoquer un Samedi matin dans les bureaux aux trois-quarts vides du CP5 ressemblait fortement à un film d'horreur. S'il était là, on allait lui demander quelque chose. Généralement, les types qui avaient ce genre de meeting finissaient le plus souvent par voyager en navire de luxe la semaine d'après puis par recevoir les honneurs du gouvernement la suivante. A titre posthume bien sur. Désireux de masquer son anxiété, Costa se leva et entra. Il ne marqua pas de remarquer le parfum de l'administrateur. Pouvoir et Splendeur, de Chapo Cravanne, un parfumeur en vogue ces derniers temps. Une véritable infection pour ceux qui ne désiraient pas le pouvoir. S'installant sur le fauteuil qui lui était proposé, il en profita pour chiper un des bonbons qui dépassait du pot disposé sur la table et l'enfourguer dans son gosier. Menthe. Au moins il ne puerait pas du bec.

- Agent Cruise. Cela me fait plaisir de vous voir.

Costa répondit d'un petit hochement de tête. Il préférait s'économiser en mot au risque de ce qui allait suivre. Evitant la voix dans sa tête qui lui recommandait de fredonner une comptine, il se figea et regarda Scorpio dans le blanc des yeux tandis que l'administrateur remuait une pile de dossiers sur son bureau avant de s'arrêter et de sourire.

- J'ai relu votre dossier et je dois dire que... je suis perplexe. Cela fait bien longtemps que vous êtes agent de catégorie III.

Costa déglutit. Il avait longtemps souhaité passer agent de catégorie II avant de voir les responsabilités supplémentaires que cela engendrait pour un salaire pas forcément plus incroyable. Et cela créait surtout des problèmes en interne. Il l'avait vu sur nombre de ses collègues. Aussi s'était-il efforcé d'être compétent sans plus. Histoire de ne pas être embêté. Apparemment, cela le rattrapait aujourd'hui.

- En effet monsieur.
- Je dois dire que vos résultats sont pourtant bons. Il semblerait que vous ayez victime d'une quelconque injustice que je me dois de réparer.

Sourire carnassier.

- Je ne...
- Pas de ça avec moi Cabana. Je vais vous faire une offre qui ne pourra que vous satisfaire.
- Mais...
- Vous souhaiteriez bien passer agent de catégorie II n'est-ce pas?
- Et bien...
- Parfait. Donc vous pourriez bien me rendre un petit service?
- C'est qu'en fait...
- Cessez Costa, faites une phrase bon sang.
- En fait je ne souhaiterais pas être promu.

Scorpio s'arrêta de bouger un instant. On pouvait presque en voir les rouages tourner.
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- MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE COSTA?

L'administrateur fit voler les dossiers sur son bureau en déchirant sa chemise et en montant sur son bureau. C'est ce que Costa aurait rêvé voir se produire. Un doux rêve. La réalité était toute autre. L'administrateur avait passé sa main sur son menton quelques instants et avait continué de sourire.

- Ce n'est pas grave Costa. Vous avez déjà entendu parler du Kapharnaum?
- Euh oui je crois, dit-il en suant.
- Ce serait tout de même idiot d'être affecté là-bas vous ne pensez pas?

La simple pensée concernant ce lieu lui tirait des sueurs froides. S'occuper d'une prison ambulante ou peut-être même y résider était à l'opposé de ses envies de vacances. En masquant à peine sa menace, Scorpio la rendait très (trop?) réelle pour l'agent Cruise.

- Oui ce serait idiot en effet.
- Bien. Je vois que nous sommes sur la même longueur d'ondes. Je n'y irai donc pas par quatre chemins. Agent Cruise, le monde a besoin de vous. Le CP5 a besoin de vous. J'ai. Besoin. De. Vous.

Ces mots résonnèrent un long moment dans la tête du poulet avant qu'il ne se mette à dodeliner doucement. Besoin de lui? Autant dire qu'il avait besoin d'un séide discret, remplaçable, impossible à relier à lui pour effectuer ses basses œuvres. Dommage. Il aurait pensé pouvoir être à l'abri de Scorpio le marionnettiste un peu plus longtemps. Aussi se redressa-t-il sur sa chaise et répondit-il sèchement.

- Dites-moi ce que vous voulez que je fasse et ce que j'en tire. Ne serait-ce que pour la forme.
- Prenez ce paquet sur la table.

Costa regarda le colis devant lui. Un paquet enveloppé de kraft qui semblait peser quelques kilos. Contenu mystère bien évidemment. L'homme au masque de poulet s'en saisit et le secoua. Cela ne faisait pas tictic ce n'était donc sans doute pas une bombe.

- Vous allez remettre ce paquet à Baltazar Longfield. Vous voyez qui c'est? Un de nos chefs d'équipe. Trouverez-le et donnez lui. Rien de plus.
- Juste ça?
- Juste ça. Je vous recontacterai si jamais j'ai besoin de vous. Bonne journée agent Cruise.

D'un geste de la main, Scorpio appuya sur un bouton disposé sous son bureau et sa secrétaire ne tarda pas à venir. Costa était un peu désemparé par la situation et il se retrouva vite devant une porte qui se fermait, un paquet à la main.
Sans doute avait-il prévu qu'on lui demande quelque chose d'horrible de but en blanc. Il avait oublié qui était R. R. Scorpio. Un manipulateur. Il ne se salissait jamais les mains lui-même. C'était rassurant car le poulet avait une chance de s'en tirer pour le coup. D'un pas décidé, il partit vers les bureaux à la recherche du chef d'équipe du CP¨5 à qui il devait remettre le paquet. Longfield... Ce nom lui disait quelque chose.
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Costume impeccable, chaussures cirées en mode miroir, balafre sur le visage. Baltazar Longfield avait tout d'un mafioso sorti d'un film des années folles. Pourtant ici, on l'appelait l'Etoile Polaire et quand la comptabilité du CP5 prenait un mauvais coup, il était là pour remonter la trésorerie vitesse grand V. Caisses noires, pots de vin, racket, maquillage de comptes, ce type était un artiste pour tout ce qui avait trait à l'argent. Il aurait pu faire passer les fonds de financement de la Marine pour un don à une association pour enfants lépreux. Et malgré tous ses talents, il contemplait le paquet que venait de lui donner Costa, sagement enfoncé dans un épais fauteuil de cuir, d'un air circonspect.

- Je vais vous le redemander mais... vous êtes sûrs que ça vient de René Scorpio? Certain?
- Oui certain Monsieur Longfield.
- Et il vous a donné ça à vous?

Le contenu du paquet était toujours secret mais il avait été ouvert par le chef d'équipe quelques instants plus tôt. Celui-ci avait semblé perplexe un instant avant de lui reposer la question susmentionnée. Qu'est-ce que cela pouvait-il bien être pour qu'il réagisse ainsi? Cela l'intriguait au plus haut point en réalité. Mais bon.

- Bon. Et bien vous ne parlerez donc à personne d'autre que moi de ce que nous allons dire.

L'Etoile Polaire posa ses fesses sur le coin de son bureau et sortit un cigare d'une boîte, le coupant d'un revers de la main et l'allumant en le frottant sur la semelle de ses chaussures. La classe. Aspirant plusieurs longues bouffées, il resta pensif un instant puis lâcha:

- Vous allez faire soupçonner l'agent Falk du CP4 de corruption.
- Quoi mais...
- Laissez-moi terminer et je vous laisserai démarrer votre crise d'angoisse, le coupa Longfield. Vous n'avez pas de choix de toute façon. Vous plaindre? Personne n'écoutera. Et puis ce n'est pas comme si vous n'alliez pas à terme vous y retrouver. Femmes, drogues, argent, vous aurez ce qu'il vous faudra si vous vous taisez, écoutez et agissez efficacement. Dans cet ordre-là précis.

Son masque le faisait drôlement suer tout à coup.

- Donc je reprends. Vous allez vous rendre dans les bureaux du CP4. Là-bas, on vous y remettra une photo de l'agent Falk et un sac. Ce sera simple. Vous rendre à l'adresse de Falk qu'on vous communiquera. Y poser le sac. Puis c'est tout. Vous voyez, pas si dur non?
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Costa se faisait littéralement dans le froc. Assis sur un rebord de barrière d'un parc de Marie-joa, il contemplait le sac à ses pieds tout en jetant des coups d'oeil chaque demi-seconde à gauche puis à droite. Sa migraine avait commencé depuis qu'il avait ouvert le sac. Elle s'était aggravée quand il avait compté les liasses. Bordel de merde. Dix millions de berrys, dans un sac comme ça? Et il devait foutre ça chez un autre agent? Dans quelle affaire venait-il de s'embarquer?
Depuis de longues minutes, il débattait du pour et du contre quant à l'attitude à adopter. Jusque-là, rapporter la situation aux autorités ne pouvait que lui attirer des problèmes. Foutu Scorpio et son service à rendre. Il lui en foutrait du service à rendre. Chiotte. Rah et pis merde. Il regarda la porte de l'immeuble en face de lui. Apparemment, Falk habitait ici. En fait, c'était sûr. Voilà quinze minutes qu'il était parti de chez lui, vêtu de blanc. On aurait dit qu'il allait à l'église. Bah tiens. Il se pavanait avec un air de bourgeois qui avait failli faire vomir Costa. C'est en partie ce qui l'avait décidé à mener cette "mission" à bien. Puis sans doute la peur de devoir se retrouver dans une prison aussi. On lui avait mis la main dans un engrenage qui commençait déjà à le broyer.

Il se gifla.

Bordel Costa. On t'a pas appris à te défendre? C'est la dernière fois que tu te fais couillonner comme ça mon p'tit. Capiche?

Oui capiche. Il allait devoir s'endurcir s'il ne voulait pas se faire bouffer dans ce service en apparence calme. Tu verras, vas au CP5 qu'on lui avait dit. Ils te laissent 'libres'. Mon cul. Des emmerdes jusqu'au coup, des missions solo sans soutien si ça tourne mal, un salaire de misère. Et maintenant la hiérarchie qui te presse pour un citron pour faire des choses en zone grise si ce n'est rouge. Bah tiens.

Ses pieds touchèrent le sol tandis que sa main ramassait le sac. Il allait devoir s'y coller avant la nuit. Optant pour une approche décontractée, il avait décidé de ne pas mettre son masque habituel mais échangé son look pour une perruque blonde aux cheveux longs et des lunettes noires rondes. Dans le type un peu flippant et louche.

DRING DRING.


V'là qu'il appuyait à la sonnette tandis que l'immeuble s'ouvrait sur une vieille dame sans âge. La concierge. Il l'avait repérée ce matin quand elle sortait promener son clebs. Un petit chihuahua tout aussi ridicule que le visage de la mémée qu'il avait en face.

Un peu de respect pour les mémés Costa. Woh.

- Je peux vous aider?
- Oui bonjour je m'appelle Mario. Je viens pour les travaux de plomberie dans votre cave.
- La plomberie? Vous avez fait vite tiens !

Tu m'étonnes. Costa avait bousillé l'arrivée d'eau de l'immeuble à coups de club quelques dizaines de minutes plus tôt en dégondant les canalisations extérieures à l'immeuble. Un p'tit coup de club sur l'arrière du réparateur, une p"tite combi enfilée et hop. Il était plombier.

- Roh vous savez ma p'tite dame chez Express Plomberie, la rapidité ça a un prix ! lacha-t-il avec son meilleur sourire.
- Ah et ça va nous coûter combien tout ça?
- J'irai voir au compteur d'eau et je vous dirai. A coup sur qu'c'est quelqu'un qui vous a azimuté tout l'bordel en tirant trop d'eau chaude.
- Bon bon. Entrez, vous allez pas rester dehors dans le froid.
- Merci bien !

Hop. Phase un du plan terminée. Il était dans l'immeuble. Il se laissa conduire par la petite vieille jusqu'à son appartement de fonction en rez-de-chaussée. Elle avait toutes les clés d'appartement sur un grand mur. Il n'y avait plus qu'à détourner son attention et prendre les clés. Profitant de l'arrivée inopinée d'un chihuahua aussi petit que laid, Costa lança son bras vers la clé numérotée 21. BINGPOT. La glissant subrepticement dans sa poche, il fit semblant de réparer puis monta dans les étages jusqu'à l'appartement désigné. Il l'ouvrit, jeta le sac et referma le tout. Une bonne chose de faite. Un poids de disparaitre pour Costa qui s'affaira rapidement à saluer la vieille dame et à décamper. Pour lui, tout était fait proprement.

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Quelques instants plus tard.
Appartement 08


PULUPUPULUPULU
PULUPULUPULU...

- Oui?
- Monsieur Scorpio?
- Oui.
- Ici Croûte de Gâteau. Le ver est dans le crumble. Je répète, le ver est dans le crumble.
- Parfait. CRAC.

Pour un peu, on aurait pu découvrir le sourire carnassier de R. R. Scorpio qui jouait avec une balle antistress dans son bureau.
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