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Le Moine Guerrier

Robina se trouvait sur l’Iceberg, à regarder la chaîne de montagnes. Là se trouvait le temple de la Plénitude. Elle avait déjà fait la rencontre de Guro Bidu. Un moine versé dans l’utilisation d’alcool pour se battre. Pourtant, depuis sa première visite, elle avait entendu des rumeurs de la part des habitants de l’île. Un moine mystérieux vivait là aussi. Portant un masque, taciturne, il ne se mêlait pas aux autres autochtones, vivant toujours sur les hauteurs de l’île et dans le temple.

Elle s’était rendu compte de plusieurs choses durant son aventure. Elle avait énormément de sabres qui étaient convoités par les autres. Deuxièmement, elle n’était pas une sabreuse, mais une cuisinière. Et pour finir, certains n’appréciaient pas ce qu’elle faisait avec, comme la cuisine. Le premier et le dernier point ne pouvaient pas être changés, toutefois, elle pouvait faire évoluer le deuxième. Ce fut pourquoi elle commença à s’intéresser à ce moine masqué qui vivait légèrement à l’écart de la société.

Elle devait donc en avoir le cœur net. Voilà plusieurs jours qu’elle réfléchissait. Mais la situation ne changerait pas si elle restait sur son navire. C’est pour la Sanderrienne pris Billy avec elle, pour venir avec toutes ses armes.

— Madame, où allons-nous aujourd’hui ? L’armurier et porteur posa la question, excité de faire partie de l’aventure.

— Je retourne au temple de la Plénitude. Elle se stoppa et regarda l’homme. Mais cette fois, vous venez avec moi.

— Je vais suivre un entraînement ? L’homme se fit plus nerveux, il n’était pas prêt pour ça.

— Non, c’est moi qui vais m’entraîner. Elle sourit en voyant le visage de l’homme reprendre des couleurs. Et vous venez avec moi pour vous occuper de mes armes bien sûr. Je ne sais pas laquelle je vais utiliser durant mon entraînement.

— Ah ! Oui. Oui, bien sûr. Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? L’homme remit en place la lanière sur son épaule. Vous savez, il va falloir que vous fassiez attention, je sens que ce sac ne va pas réussir à les contenir encore très longtemps.

— C’est vous qui m’avez proposé cette option quand nous sommes partis de Shabondy pour aller à Marine Ford ! Le ton monta alors qu’elle était agacée. Maintenant, il faut que vous assumiez les conséquences de vos actes.

— Ça, ça n’est pas ce que je voulais dire, capitaine ! Sa voix se fit tremblotante. Tout plutôt que de perdre sa place de porteur. Je voulais dire par là que je devrais prendre ma forme de chaudron s’il doit y en avoir plus à l’avenir.

— Votre forme de chaudron ? La chasseresse de primes étrécit ses yeux. Vous pouvez vous transformer ?

— Bien sûr !

Joignant le geste à la parole, l’homme devint rond, en acier et ses bras se transformèrent en hanses.

— Vous voyez ! Sa voix se faisait maintenant plus caverneuse, plus grave. Vous pourriez même cuisiner à l’intérieur.

— C’est… étrange. La jeune femme le regarda en levant un sourcil vers le ciel. Mais d’accord, je peux donc avoir autant d’armes que je le souhaite. Merci de l’information.

Mettant fin à la conversation, la capitaine des Glaciers descendit la rampe d’accès pour partir. Trottinant derrière elle, le Bronze du Baroque Works faisait beaucoup de bruit avec toutes les armes qu’il portait. La jeune femme aux longs cheveux blancs se retourna après un moment de ce tintamarre. Elle foudroya l’homme qui se stoppa pour prendre un rythme plus lent, mais avec beaucoup moins de bruit. Elle avançait en prenant son temps, elle ne pouvait pas aller trop vite avec l’armurier qui ne pouvait pas suivre.

— Nous pourrions faire une pause, s’il vous plaît ? Billy suait à grosses gouttes derrière. Il ne l’avouerait jamais à sa capitaine, mais son travail lui demandait bien plus d’efforts qu’il ne l’avait pensé.

— Aucun souci. Elle se retourna vers lui et lui indiqua un rocher où s’asseoir. Ils étaient au pied de la chaîne de montagnes. Ils n’avaient même pas encore fait le quart du chemin. Vous allez bien ?

— Parfaitement bien. Le chasseur de primes était plié en deux, tentant de reprendre son souffle. Il avait posé son sac par terre. Nous pourrons repartir dans quelques minutes.

Robina s’approcha du sac en cuir et récupéra ses armes. Libertalia, Coupe-Faim et Hinode Tasogare. L’homme se leva, tentant d’arrêter sa supérieure.

— Non, je peux m’en occuper ! il faisait des gestes incohérents, ne sachant pas comment faire pour arrêter la cuisinière.

— Peut-être. Elle plongea son regard dans celui de Billy. Mais je dois aussi aider mes hommes quand ils sont en difficulté. Et je vois bien que vous n’êtes pas forcément en forme. Donc, nous allons nous partager la tâche.

— Et mon rôle de porteur alors ? Mulet n’était pas à l’aise et sa voix se fit chevrotante. Je ne vous sers à rien là.

— Mais si, vous prendrez l’espadon de Minoël et vous l’amènerez avec moi jusqu’au sommet de la montagne. Elle fit une pause pour que le Glacier comprenne. Parce que c’est là que nous allons.

— Ah ! Oh… Il prit un instant pour réfléchir avant de répondre. Alors je vais m’occuper de lui. Je vous suis de prêt, madame.

Les deux Glaciers reprirent alors leur marche vers le temple de la Plénitude.
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Robina grimpait le long de la paroi rocheuse. Elle avait déjà fait le chemin plusieurs fois avec Jin ainsi que d’elle-même. Deux aller-retour avaient gravé quelque chose en elle, ménagé son énergie. Elle l’avait dit à son porteur, toutefois, ce dernier ne semblait pas l’avoir entendu ou compris. Billy transpirait à grosses gouttes, se battant contre la gravité et le poids de l’arme qu’il portait sur son épaule. La cuisinière lui avait pourtant dit de lui indiquer quand il aurait besoin d’une pause. Elle le regarda en train de s’abîmer la santé et se stoppa en s’asseyant sur une marche.

— Vous êtes fatiguées, capitaine ? L’homme tentait de faire bonne figure. Toutefois il soufflait comme un bœuf.

— Non, mais je vois bien dans quel état vous êtes. Elle posa ses yeux sur lui. Vous arrivez à peine à marcher. Si je vous poussais, vous vous retrouveriez au bas des marches sans aucune résistance.

— Ne vous inquiétez pas pour moi, commandante. Il posa les mains sur ses genoux. Je peux encore suivre le rythme.

— Arrêtez de faire le fier. La voix de la Sanderrienne claqua dans les airs. Je déteste quand on ne connaît pas ses limites. Reposez-vous et buvez, vous en avez besoin.

L’homme s’écroula sur le sol, déposant toutefois délicatement l’espadon sur le sol. Il vida une outre d’eau à lui tout seul et se mit à respirer bruyamment. Plusieurs minutes passèrent lentement, la respiration du porteur se fit plus calme, mesurée. Il se tourna enfin vers la forêt en contrebas, prenant la même pose que sa capitaine. Les jambes dans le vide, le regard vers l’horizon. Il comprenait pourquoi la chasseresse de primes avait fait cela pour lui. Pourtant, il savait aussi que personne n’aurait fait la même chose dans cette situation. Elle était celle qui donnait les ordres, qui dirigeait, à qui il fallait obéir.

Qu’elle se préoccupa de lui était déjà énorme, mais qu’elle se soit arrêtée le toucha. Il devait faire plus d’effort pour mériter sa place chez les Glaciers. Il reprit l’arme en main et se leva.

— Vous voulez repartir ? La commandante de l’Iceberg leva les yeux vers son caddie qui semblait prêt à repartir.

— Oui, capitaine ! Il n’avait pas parlé fort, pourtant on pouvait entendre la motivation dans la voix de l’homme.

— Très bien. Elle se leva et épousseta ses fesses. La prochaine fois, n’hésitez pas à me dire quand vous aurez besoin de vous arrêter.

— Je le ferai, madame ! Prêt à tout, l’homme repartit dans son ascension vers le Temple de la Plénitude.

La jeune femme aux longs cheveux blancs souffla légèrement. Elle sentait que la montée allait être longue. Il avait compris qu’il pouvait se reposer, mais pas qu’il devait faire attention à ne pas s’épuiser en dépensant toute son énergie. Pour essayer de gagner le plus de temps possible, elle imposa un pas lent, plus que ce qu’elle avait déjà commencé en grimpant.
Frustré, l’armurier se trouvait juste derrière Robina, il voulait la doubler, aller plus vite. Malgré cela, il s’en empêchait, il ne pouvait tout de même pas dépasser sa capitaine sur le chemin. Alors il prit son mal en patience. Il s’arrêtait parfois pendant quelques secondes pour revenir à toute vitesse derrière la cuisinière, qui n’accélérait pas. Il aurait voulu changer ça, mais rien n’y faisait.

Voyant que rien n’y faisait, Billy s’arrêta pour s’asseoir. La Sanderrienne se retourna vers lui, il ne semblait pas avoir besoin de repos.

— Eh bien alors, vous ne venez plus ?

— Si. Il se tourna vers elle, boudeur. Mais j’ai l’impression que vous vous moquez de moi.

— Pourquoi dites-vous cela ? La chasseresse de primes se retenait de ne pas rire aux éclats.

— Parce que j’ai bien compris votre manège. Il croisa les bras devant lui. Vous prenez votre temps alors que je veux aller plus vite. Tout ça pour économiser mes forces, mais je n’en ai pas besoin !

— Ah bon ? Elle leva un sourcil. Pourtant, vous avez eu besoin d’une pause, tout à l’heure.

— C’est vrai, mais je vais bien et nous avons encore beaucoup de chemin à faire !

Passant une mèche de ses cheveux derrière son oreille, la capitaine des Glaciers répondit.

— Nous y sommes déjà en fait. Elle se tourna de l’autre côté. Vous étiez tellement frustrés que vous n’avez pas vu le temps passé, mais nous sommes arrivés.

— Vous vous moquez de moi, c’est ça ? Le souffle coupé, l’homme n’en croyait pas ses oreilles. Je ne vous crois pas !

— Vérifiez par vous-même alors. Elle se décala, se plaquant contre la paroi rocheuse. Vous allez voir le temple apparaître après le prochain tournant.

La jeune femme aux longs cheveux blancs s’amusa en voyant la réaction de son homme d’équipage alors qu’ils tournaient vers le Temple de la Plénitude. Elle lui repassa devant alors qu’ils se trouvaient sur un palier en pierre.

— Bienvenue au Temple de la Plénitude. Elle posa sa main sur l’épaule gauche de Billy Mullet. Merci de ne plus douter de moi, s’il vous plaît. Elle ne le montrait pas, toutefois ici c’était un avertissement, pas une demande. Et maintenant, allons-y, j’aimerais voir quelqu’un.

Elle repartit vers l’intérieur du temple avec son caddie derrière elle.
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Les Glaciers avançaient lentement sur le chemin pour se rendre au Temple. En vue, Billy avait compris qu’il n’avait pas besoin de se presser. Et avec ses anciennes expériences pour venir jusqu’ici, Robina ne comptait pas aller plus vite. Les moines se retournèrent pour regarder le groupe avancer, en voyant que la cuisinière revenait, ils se détournèrent. Elle n’allait pas rester longtemps, elle était déjà repartie une fois. Elle venait ici pour s’entraîner, devenir plus forte, comme tous ceux qui étaient là.
Sortant du lot, Guro Bidu s’avança et salua la cuisinière ainsi que son porteur.

— Robina. Et bienvenue à vous, monsieur. Sa voix se fit interrogative. Un large sourire s’affichait sur le visage rond du moine.

— Billy Mulet, je suis un membre de l’équipage de la capitaine Erwolf. Il mima l’homme qui se trouvait face à lui et s’inclina légèrement pour le saluer.

— Je vois. Le maître brasseur se tourna vers la Sanderrienne. Il est ici pour suivre un entraînement, tout comme Jin ?

— Non. Elle se mit à sourire à cette pensée. Il me suit pour porter mon arme, tout simplement.

Le distillateur regarda l’espadon un instant avant de hocher la tête.

— Je vois, vous êtes une combattante armée après tout. Il se tourna vers l’intérieur et commença à marcher. Si je me souviens bien, vous aviez déjà deux de vos quatre armes la première fois que nous nous sommes rencontrés.

— Oui, Libertalia et Coupe-faim, les premiers meitous que j’ai récupérés lors de mon voyage. Elle tapota la garde de son premier sabre. J’y suis très attachée.

— Je peux l’entendre au timbre de votre voix, à la façon dont vous les traitez. Le moine entra à l’intérieur de l’enceinte, suivis de prêt par les deux étrangers. Mais ici, je ne vais pas pourquoi vous aidez, je suppose que si vous êtes revenus, ça n’est pas pour rien.

— Exact, j’ai entendu des rumeurs sur l’un d’entre vous. Elle fit une pause incertaine de ce qu’elle allait dire. Le moine de Fer.

— Ah ! Il fit durer le son longtemps, comme s’il se souvenait. Oui, je vois de qui vous parlez. Vous êtes venus le voir alors ?

— En effet. Elle assembla ses idées avant de reprendre. Je me suis rendu compte ces derniers temps que je n’étais pas une véritable épéiste. Je suis avant tout cuisinière, mais certains de mes hommes m’ont fait comprendre que je devais arrêter de me comporter comme telle en combat.

— Vraiment ? L’homme se prit le menton avec sa main, levant le visage vers le ciel. Je comprends votre inquiétude et je suis certain que maître Sho Taï pourra vous guider.

— Merci, maître Guro Bidu.

C’est un silence respectueux que le petit groupe traversa plusieurs carrés du temple. Après avoir passé la majorité du temple de la Plénitude, Guro ouvrit une porte et laissa les deux chasseurs de primes entrer. Lui fit demi-tour, laissant les deux Glaciers sur place. Dans le patio se trouvaient plusieurs moines en train de s’entraîner. Épée, lance, bouclier et autres armes se frappaient l’un contre l’autre dans des combats d’entraînement. Un homme se trouvait sur le côté, un masque d’acier sur le visage.
Sho Taï les fixa du regard et but une gorgée de thé avant de poser sa tasse. Il se leva et tous les néophytes s’arrêtèrent dans un même ensemble.

— Je suis Sho Taï, moine de Fer. Et maître des moines-guerriers du Temple de la Plénitude. Qui êtes-vous ? Et que venez-vous faire ici ? L’homme derrière son masque dégageait une froideur presque palpable.

Il ne semblait pas être le genre de personne à avoir la main légère avec les exercices. L’entraînement qu’allait suivre la jeune femme aux longs cheveux blancs promettait de ne pas être piqué des hannetons.
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Les élèves se tournèrent vers Robina et Billy. Les deux nouveaux arrivants étaient en train de se faire observer sous toutes les coutures par le maître. Une main sur le menton de son masque, Sho Taï regardait l’homme et la femme des pieds à la tête. Il ne faisait aucun son, à part quelques onomatopées de contentement ou de déplaisir. Il fit un second tour, s’arrêtait cette fois-ci pour analyser certains éléments dans la posture de ses potentiels futurs élèves. Il grogna. La cuisinière ne savait pas si c’était bon signe, mais elle garda le silence en attendant que cette inspection soit finie.

— Je veux bien vous prendre en élève. Les yeux du maître des moines-guerriers plongèrent dans ceux de la demoiselle derrière son masque. Mais vous… Il se tourna vers l’armurier. Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre avant de nous rejoindre.

— Je ne suis pas là pour apprendre de vous ! Surpris par la tournure des événements, le chasseur de primes s’affola, il n’était pas venu pour souffrir.

— Vous ne le pourriez pas, même si vous le vouliez. Il se tourna vers l’intérieur du patio, tournant le dos aux deux Glaciers. J’enseigne la voie des armes aux moines qui viennent me rejoindre. Vous êtes loin d’en être encore digne. Il se retourna brusquement, fixant l’homme aux cheveux grisonnants. Aller voir maître Bidu, il vous inculquera les bases de nos enseignements. Vous serez alors peut-être digne de nous rejoindre.

— Capitaine ? Suppliant, Billy se tourna vers sa supérieure. Je ne suis pas venu pour suivre un entraînement intensif, je pensais juste porter vos armes, moi !

— Oh, allez, monsieur Mullet. Elle posa son poing sur sa hanche gauche. Vous êtes aussi un membre du Baroque Works, vous devez vous améliorer pour devenir autre chose que Bronze.

— Vous avez raison. Il souffla, découragé de devoir faire un effort alors qu’il pensait qu’en suivant la chasseresse de primes, il n’aurait plus à s’en faire. Je vais donc retourner à l’entrée, nous nous reverrons dans quelques heures, je suppose.

Alors que le caddie était en train de faire demi-tour, le moine de fer s’avança d’un pas en avant.

— Laissez l’arme de madame ici. Il plongea son regard dans celui de la capitaine de l’Iceberg. Elle est tout à fait capable de le faire elle-même.

— C’est mon travail de m’occuper de ses armes.

— Peut-être, mais ces prochains jours, j’apprendrais à cette femme à se battre avec toutes les armes qu’elle a avec elle. Il se détourna des deux arrivants, claquant dans ses mains. Vous pouvez donc laisser l’espadon ici.

Au son du clappement, les élèves reprirent l’entraînement. Le choc des armes s’éleva dans les airs alors que les moines-guerriers se préparaient à une bataille qui ne viendrait peut-être jamais.

— Je vais montrer ses quartiers à notre nouvel élève. Vous continuerez l’entraînement durant mon absence. Il observa les élèves sous son œil scrutateur avant de reprendre. Fei Zhu ! Tu superviseras en mon absence.

— Oui, maître ! Une élève d’une petite vingtaine se détacha du groupe et s’inclina pour saluer l’homme masqué. Elle se retourna après avoir salué le départ de Shao Taï. Reprenons l’entraînement !

La jeune femme aux longs cheveux blancs ne put pas rester pour observer. Déjà, le moine de fer s’aventurait dans les entrailles du Temple sans elle. Elle n’avait d’autre choix que de suivre ses pas, sans pouvoir voir la suite. Le maître ouvrit une porte d’une chambre qui faisait quatre mètres de large et trois de profondeur.

— Voici vos appartements. Il fit un pas en arrière pour laisser passer Robina. Vous nous rejoindrez après avoir mis une tenue de combat. Elles se trouvent dans la commode sur votre gauche. Vous laisserez vos armes ici, personne n’y touchera, je m’en porte garant.

Ne pouvant pas douter de la parole de son interlocuteur, la cuisinière déposa ses armes exceptionnelles sur un côté de la pièce. Toutefois, elle ne comprenait pas : c’était un moine qui apprenait le maniement des armes à ses élèves. Pourquoi laisser ses sabres ici ? Elle comprendrait plus tard, elle en était certaine. En tout cas, elle l’espérait en son for intérieur. Alors qu’elle était en train de se préparer, elle se retourna pour voir que le maître avait disparu sans faire un bruit. Il était retourné dans sa classe, attendant sa nouvelle disciple.
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La jeune retrouva sa chambre. Celle que Guro lui avait indiquée il y a de cela quelques jours à peine. Elle passa le pas de porte pour se changer. Ici, personne ne toucherait à ses affaires. Elle avait appris avec le temps qu’elle avait vécu ici. Elle déposa Libertalia, Hinode Tasogare, Coup-Faim et l’Espadon de Minoël sur un des côtés de la pièce. Cela lui fendait le cœur de le faire, toutefois elle n’avait pas le choix.
Qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir apprendre d’un moine-guerrier ? Surtout s’il devait lui apprendre le maniement du sabre. Alors qu’elle n’avait pas un seul sabre avec elle. Elle hocha des épaules, elle n’avait plus qu’à revenir sur ses pas. Les réponses viendraient en son temps.

La classe avait changé, plus d’armes dans les mains des élèves. Chacun était à deux mètres de son voisin. Le silence régnait dans la pièce. Le moine de fer pointa une place à la cuisinière. Au dernier rang.

— Aujourd’hui, nous allons reprendre les bases, pour notre invitée. Il hocha de la tête pour saluer la jeune femme. Mettez-vous tous en position.

Dans un seul ensemble, les novices prirent une position de combat. Surprise, la Sanderrienne sursauta. Elle regarda de tous les côtés pour voir comment les autres avaient fait pour les copier.

— Bien. Un bâton dans la main droite, le moine-guerrier passait dans les rangs, vérifiant la posture de chacun d’un regard scrutateur. Il s’arrêta pour donner des conseils, pointant les erreurs avec sa baguette.

Il se rapprochait lentement de la chasseresse de primes. Il ne disait rien, mais son regard revenait souvent sur elle. Ne se sentant pas à l’aise, elle reprit plusieurs fois sa position, changeant quelques détails. Son genou commençait à trembler à force de rester toujours dans le même angle. Pourtant, elle endura tout ça, elle déplia son genou pour qu’il ne s’ankylose pas et reprit la pose.

Vint enfin son tour. Les autres la regardaient, elle était la dernière. Pourtant, personne ne bougea, tous dans leur garde de combat, identique. Sho Taï donna enfin ses instructions à la capitaine des Glaciers.

— Votre poing, légèrement plus bas. Il pointa le problème.

Corrigeant, la jeune femme aux longs cheveux blancs visa un peu plus vers le sol.

— Encore un peu. Il tapota le dos de la main de la demoiselle.

Se laissant guider, elle suivit les instructions de son nouveau maître.

— Vous êtes trop descendu, remontez un peu. Il attrapa le poignet et guida les mouvements du bras de Robina. Voilà. C’est la bonne hauteur.

À peine un millimètre de plus, tout juste. Pourtant, la cuisinière ne se plaignit pas, elle apprenait, essayant d’absorber ce qu’elle comprenait.

— Votre bras, il est trop tendu. Il pointa le coude de la Sanderrienne. Replié le, légèrement. Il suivit le mouvement de son élève, la stoppant quand il était content du résultat. Comme ça. Ainsi, vous ne vous brisez pas le poignet ou le coude en frappant votre adversaire.

Cela rappelait les leçons que ses parents donnaient à la chasseresse de primes quand elle était plus jeune. Si elle avait su qu’elle y reviendrait plus tard, elle aurait écouté un peu plus durant ces cours. Elle continuait de suivre ce qu’on lui disait. Après plusieurs manipulations, elle se retrouva dans la même posture de combat que tous les autres élèves. Chacun regardait devant lui. Concentré. Cho Taï passa dans leur rang, vérifiant qu’il n’y avait pas de relâchement.

Content de ce qu’il voyait, il fit claquer son bâton sur les lames de bois du plancher ;

— Cinq minutes de pause. Il balaya tous ses élèves d’un regard. Profitez-en pour vous rafraîchir.

Déjà transpirante, la commandante de l’Iceberg se posa sur son séant. Elle aspira une large bouffée d’air. Ce qu’elle pouvait avoir chaud alors que cela ne faisait que quelques minutes qu’elle était ici ! Un des moines se rapprocha, le tendant une louche remplie d’eau.

— Voilà de quoi boire, mademoiselle. Sa voix était apaisante. Vous avez réussi pour votre premier cours avec le maître.

— Vous trouvez ? Elle s’arrêta de parler pour boire. Sa voix se fit moqueuse. J’avais plutôt l’impression d’être une crétine qui ne connaissait rien.

— Absolument pas. Un autre s’approcha, il lui posa une main sur l’épaule. Vous savez, je n’ai jamais vu le maître se comporter comme ça. Il semble heureux de vous avoir parmi nous. Vous n’avez mis que quinze minutes pour prendre la bonne position.

— Quinze minutes ?! Surprise, la voix de la jeune femme aux cheveux blancs grimpa dans les aigus. Sérieusement ?

Les différents novices se regardèrent en souriant. Certains rigolaient doucement.

— Oui. Le premier hocha de la tête avant de continuer. Mais vous avez bien réussi. Certains ont mis des jours pour y arriver. Savoir suivre les instructions du Moine de Fer n’est pas chose aisée.

— Merci pour tous vos encouragements. Elle les remercia d’un signe de tête.

— Vous le méritez. Plusieurs voix s’élevèrent. Malheureusement, c’était la partie facile. L’entraînement ne faisait que commencer.

Sur ces mots, le maître des moines-guerriers revint dans le dojo. Il regarda tous ceux qui s’étaient réunis autour de la nouvelle avant de prendre la parole.

— Tout le monde ! En place ! Son bâton toujours en main, il se frappa l’épaule avec tout en marchant.

La journée promettait d’être longue pour la jeune femme aux longs cheveux blancs.
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La leçon reprit avec la position de combat. Robina avait déjà plus ou moins compris, toutefois elle dut être reprise à plusieurs endroits avant que le cours ne puisse continuer. Les élèves ne se moquaient pas d’elle, ils la regardaient. Contents de voir qu’une étrangère s’intéressait à ce qu’ils faisaient. Le chef des moines-guerriers repassa sur un des côtés de la pièce, marchant autour du groupe.

— Attaque haute ! Il annonça énergiquement son ordre.

D’un seul tenant, chacun fit la même attaque. Décalée, la cuisinière regarda ce que les autres avaient fait. Un pas en avant, dans la même position. Elle avança lentement, mimant ce qu’elle pouvait observer. Un coup de poing au niveau du visage. Toujours le bras légèrement détendu, le poing bien en avant, le poignet cassé pour ne pas se blesser. Elle devint alors une statue. Elle devait se comporter comme les autres et attendre.

En perfectionniste, Sho Taï passa dans les rangs. Principalement pour observer les efforts de sa nouvelle élève. Il se rapprocha en donnant quelques indications aux autres. Mais les moines étaient là depuis tellement longtemps que cette leçon était triviale pour eux. Eux aussi regardaient cette petite chasseresse de primes en habit de moine. Et ce qu’ils voyaient les surprenait. Elle n’était pas débutante, loin de là. L’énergie qu’elle dégageait montrait qu’elle savait se battre.

Peut-être n’était-elle pas habituée à la façon de se battre du Temple de la Plénitude ? Pourtant, ils ne doutaient pas un seul instant qu’ils ne faisaient pas le poids. La rumeur avait déjà circulé sur elle et son compagnon qui étaient venus quelques jours plus tôt. Des chasseurs de primes. Et loin d’être des étrangers du public. La femme aurait dernièrement attrapé un équipage de géant avec l’aide d’un capitaine corsaire sur une autre île. Malgré cela, elle n’était qu’une néophyte face à eux et aux leçons de leur maître.

— Mademoiselle Erwolf. Sho Taï s’arrêta devant elle. Vos dons de mimétisme m’impressionnent. Vous ne faites que regarder ce que les autres font et pourtant vous arrivez presque à la perfection à les imiter. Comment faites-vous ?

— Je travaille en cuisine, maître Taï. Elle parlait fort et vite. Et pour apprendre rapidement le métier, il faut être observateur. J’ai donc appris à refaire les mouvements des autres sur le tas pour pouvoir faire mon travail.

— Une bonne habitude. Il pointa le poing de sa baguette. Légèrement trop haut. Il toucha le genou une seconde. Votre genou n’est pas au-dessus de vos orteils. Votre coude, plus près du corps pour votre garde. Gardez le dos droit ! Plus bas, vous avez repris de la hauteur !

Gardant le silence, elle suivit les instructions de son professeur. Ce dernier vérifia encore une fois que tout était bon avant de continuer la leçon.

— Encore !

Nouvelle attaque, la même. Cette fois-ci avec le poing droit. Moins rapide, la commandante de l’Iceberg avança tout de même. Elle reprit sa position, ne perdant pas sa concentration. Elle vérifia plusieurs fois que tout était bon puis regarda en avant. Le masqué passa à côté d’elle, l’examinant. Il reprit plusieurs points qu’elle ajusta contente, il redonna un ordre pour avancer, toujours dans le même mouvement. La leçon continua sur toute la longueur de la salle. Lent, le rythme s’accélérerait alors que les directions du moine de Fer se faisaient de moins en moins nombreuses.

— Demi-tour ! Il frappa avec sa baguette sur le sol. Attaque moyenne !

Les élèves tournèrent sur eux-mêmes, frappant du poing inverse à la jambe avancée. Il fallut encore plusieurs minutes d’adaptation. De réglages. La patience du maître était infinie. Il n’élevait pas la voix, ne pressait pas la jeune femme aux longs cheveux blancs. Il la regardait avancer lentement sur le chemin de son enseignement. De temps en temps, il changeait de rythme. Passant plus lentement sur chacun pour revoir leur posture. Ou rapidement, sans pause, les novices enchaînant plusieurs dizaines de frappes sans s’arrêter.
Robina ne savait pas depuis combien de temps cela durait. Mais une chose était certaine, elle transpirait énormément. Elle n’avait qu’une seule envie : se reposer et ne plus bouger. Comme s’il avait entendu les pensées de la cuisinière, Sho Taï prit la parole.

— Fin de l’entraînement pour aujourd’hui. Il tapota plusieurs fois son épaule avec son bâton de bois. Nous reprendrons la même chose demain.

Percluse de douleurs, la Sanderrienne passa la soirée à boire et à marcher, pour limiter les douleurs que la journée avait passées à toute vitesse. La nouvelle élève avait dormi à peine la tête posée sur sa couchette.
Le jour d’après, elle souffrait le martyre. Des douleurs circulaient partout dans son corps. Malgré cela, elle s’était présentée à l’heure pour le début des cours. Et la même chose avait recommencé. Les mêmes mouvements, tous coordonnés au signal du maître des moines-guerriers.

— Encore ! Comme un chef d’orchestre, le masqué battait la mesure en frappant le sol de sa baguette.

La chasseresse de primes sentait ses muscles rouler sous sa peau. La force qui partait de son épaule, de la rotation de son buste pour donner plus de force. Elle souriait en sentant qu’elle aurait pu faire tout ce qu’elle voulait en ce moment. La douleur reculait avec le temps. Le cours continua longtemps, même après le repas du midi. Le crépuscule étendait son voile sombre quand la baguette claqua sur le sol plus violemment que les autres fois aujourd’hui.

— Nous passerons aux armes demain. La voix du moine était toujours aussi sévère.

Toutefois, s’il changeait de programme c’est que la capitaine des Glaciers devait avoir fait quelque chose de bien. Mais qu’est-ce que cela pouvait bien être ?
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Le lendemain, Robina avait des courbatures partout. Elle s’étira longtemps avant de sortir de sa chambre. La première cloche du levé venait tout juste de sonner. Il lui restait encore une bonne heure avant que les cours commencent. Les élèves discutaient doucement entre eux. La cuisinière écoutait en silence, elle n’avait pas l’énergie de parler. Elle souriait en voyant que les voix se faisaient de plus en plus faibles. Jusqu’à disparaître quand toutes les places autour de la table furent prises.

Au bout de trente minutes, tout le monde avait fini. Déjà les moines repartaient à leurs occupations. Les élèves retournèrent à l’air d’entraînement. Ils devaient attendre là pendant que maître Sho Taï faisait le ménage. Curieuse, la Sanderrienne se rapprocha du groupe pour poser la question qui lui brûlait les lèvres.

— Maître Sho Taï ne mange jamais avec vous ? Elle leva un sourcil vers le ciel.

— Jamais. Un premier élève répondit en se retournant. Il n’a jamais montré son visage à personne. Pas même au maître du temple. Ils murmuraient pour ne pas se faire surprendre. Certains disent que c’est un okama. La seule autre femme du cours se rapprocha. D’autres rumeurs racontent qu’il serait défiguré et qu’il est extrêmement laid.

Un raclement de gorge retentit à l’entrée de la pièce. Les quatre personnes qui discutaient se tournèrent vers la source du bruit. Le masqué les regardait. Il ne fit aucune remarque, soit il ne les avait pas entendus, soit il s’en moquait.

— Nous allons changer de salle. Vous êtes trop nombreux pour un cours aux armes ici. Il attrapa une lance sur le côté de la salle. Vous ! Il pointa la chasseresse de primes du doigt. Prenez ce sac et suivez-nous.

S’exécutant, la capitaine des Glaciers attrapa un grand sac en jute. Le posant sur son épaule, elle se courba sous le poids et l’effort. Elle accéléra le pas en voyant qu’elle perdait du terrain. Le groupe passa plusieurs salles avant de se retrouver à l’air libre. Ici, un grand air de sable comportait plusieurs espaces. Des mannequins ainsi que des airs d’affrontements se mêlaient. Quelques équipements d’exercice pour développer ses muscles se trouvaient même sur le côté.

— Posez-le là. Le moine de Fer pointa un banc sur le côté. Asseyez-vous maintenant.

Il faisait les cent pas devant les moines qui l’observaient. Il garda le silence. Il semblait réfléchir à quelque chose. Après un long moment, il se tourna vers ses élèves et récupéra des sabres de bois dans le sac. Passant dans les rangs, il en distribua un à chacun. Dès que les autres reçurent leurs armes, ils prirent de la distance avec les autres et se mirent en garde.

Mimant les moines, la capitaine des Glaciers se mit en position, à côté des autres. Frappant le sol avec sa baguette, le masqué attira l’attention de tous. De nouveau, le même rituel au début d’une nouvelle leçon. Le maître regardait sa nouvelle élève, la corrigeant, reprenant chacun des points qui n’allaient pas dans ce qu’il voyait. Plusieurs minutes passèrent. La jeune femme aux longs cheveux blancs n’en pouvait déjà plus. Avec tous les jours qu’elle avait déjà eus, elle était courbaturée partout.

À peine la position prise que le corps de Robina était sur le point de céder. Elle se mit sur le côté. Elle n’arrivait plus à tenir. Le cours avait à peine commencé que déjà ses jambes ne la retenaient plus. Le professeur se rapprocha d’elle alors qu’il lui avait tourné le dos pour vérifier les autres élèves. Il la toisa de toute sa hauteur. Son bâton dans le dos qui frappait son omoplate. Ses yeux la fixèrent une seconde avant qu’il ne fasse demi-tour.

— Que deux d’entre vous la ramènent dans sa chambre. Il frappa sur le sol. Pour les autres… Reprenez l’entraînement !

Il battait la mesure alors que la jeune femme les regardait du coin de l’œil. Les trois élèves disparurent après une dizaine de mètres. Déçue d’elle-même, la cuisinière se retrouva rapidement sur son lit, le regard perdu dans le vide. Les deux porteurs la regardaient sur le pas de porte. Ils comprenaient ce qu’elle vivait, ils avaient connu ça aussi. L’un d’eux posa sa main sur l’épaule de la demoiselle qui releva la tête.

— Ne vous inquiétez pas. Il lui sourit. Vous n’avez rien fait de mal. C’est même plutôt le contraire. Il partit d’un petit rire de gorge. Je ne pensais pas que vous arriveriez à suivre hier avec les douleurs que vous aviez. Le maître nous pousse dans nos retranchements. Il est déjà surpris que vous ayez réussi à suivre avec vos courbatures aujourd’hui jusqu’à l’air de combat.

— C’est vrai ? La Sanderrienne en doutait clairement.

— Oh oui ! Celui qui était resté à l’entrée se rapprocha. Qu’il nous ait demandé de vous aider le prouve. Normalement il vous aurait dit de rentrer dans vos appartements vous-même. Il croisa les bras en la regardant. Qu’il ne l’ait pas fait montre qu’il a un profond respect pour vous. Donc, reposez-vous, soufflez et revenez demain.

Les deux novices repartirent au pas de course. Ils devaient retourner suivre les cours du jour. Seule, la chasseresse de primes s’étala de tout son long sur son lit. Elle n’avait donc pas échoué, elle avait trébuché. Et l’événement avait été prévu par Sho Taï. Comment l’avait-il su ? L’expérience, sûrement. Il avait été instructeur pendant des années, il avait dû voir son compte de personnes épuisées.

La journée passa à toute vitesse. Tous les efforts des jours passés retombèrent sur le corps de la jeune femme qui s’écroula. En ouvrant les yeux, elle se retrouva au crépuscule. Les autres avaient fini les cours depuis un peu plus d’une heure. Elle ne chercha même pas à se réveiller. Elle tourna dans sa couche et repartit pour finir sa nuit. Elle n’entendit même pas le gong sonnant l’heure de s’endormir au temple.

Sa première journée d’entraînement aux armes commençait vraiment. Toujours rigide, la jeune femme roula ses épaules pour s’échauffer en arrivant avec les autres. L’homme montra les huit mouvements de base. Toujours la même chose. Répété encore et encore, comme le message d’un escargophone qu’on reprenait à l’infini.

Attaque verticale, descendante. Première frappe. Elle utilisait la gravité pour gagner en puissance. La Sanderrienne n’avait besoin que d’une simple rotation du poignet pour déplacer le vent autour d’elle.
Attaque verticale, montante. Deuxième mouvement. Rotation du buste de trois quarts, les épaules suivant. Un mouvement de balancier pour donner la force et l’articulation donnant la direction.
Attaque diagonale descendante, de droite à gauche. Troisième. Les hanches pour aider à la rotation durant le coup. Le pied gauche qui reculait de quelques centimètres pour permettre une plus grande simplicité dans la frappe.
Attaque diagonale basse, de droite à gauche. Quatrième. Rotation de l’entièreté du corps pour faire passer l’arme de l’autre côté de l’adversaire. Le bras droit remontant jusqu’à l’épaule pour donner le plus de puissance possible.
Attaque diagonale haute, de gauche à droite. Cinquième. Un pas en arrière avec le pied droit pour permettre une plus grande amplitude. Utiliser le poids de son corps avec sa main gauche pour développer une plus grande puissance.
Attaque diagonale basse, de gauche à droite. Sixième. Pas sur le côté tout en inversant la garde sur l’arme. Le bras droit guidait l’arme alors que le gauche faisait levier pour donner la puissance.
Attaque horizontale. Septième. Les épaules donnaient toute la force pour exécuter.
Estoc. Huitième. Bras regroupé sur sa gauche, au niveau de ses côtes, sous son épaule. Envoyant tout son poids vers l’avant pour transpercer.

Voilà le programme que suivit la commandante de l’Iceberg pendant des heures. Sans s’arrêter. Sans se plaindre. Sans qu’elle ne fasse un seul commentaire. Elle frappait, encore et encore, contre un adversaire toujours invisible. Ou bien contre un mannequin de bois. Elle continua jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus. Pour recommencer le lendemain. L’entraînement avec une arme dura trois jours, sans compter le jour de pause. Puis vint le soir.

— Vous avez fini votre entraînement, mademoiselle Erwolf. Il la regardait durement derrière son masque. Vous allez pouvoir partir ce soir, si vous le voulez. Vous pouvez déjà préparer vos affaires.
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Robina se trouvait au clair de lune. Elle avait fini ses journées ici. Le maître des moines-guerriers lui avait dit qu’elle n’avait plus besoin de lui. Elle était entièrement capable de se battre par elle-même avec son éventail d’épée. Pourtant, elle ne se trouvait pas à la hauteur des attentes qui pesaient sur ses épaules. Elle se retrouvait telle une statue à regarder les étoiles. Billy attendait juste derrière elle, il ne disait rien, attendant les ordres de sa supérieure.
De longues minutes passèrent, et bien que patient, l’armurier ne savait pas quoi faire. Il sautait sur ses jambes pour patienter alors que le froid s’installait.

— Pardon de vous déranger durant votre contemplation, capitaine. Il souffla dans ses mains pour les réchauffer. Vous pensez que nous en aurons encore pour longtemps encore ?

— Oh… Pardonnez-moi, monsieur Mullet, j’avais oublié que vous étiez là. Vous pouvez rentrer à l’Iceberg. Je vous rejoindrai dans peu de temps.

— Vous en êtes sûre ? Elle regarda l’escalier qui s’enfonçait dans le noir. Je veux dire, il fait déjà sombre, il ne faudrait pas qu’il vous arrive quoi que ce soit.

— Je m’en sortirais très bien, ne vous inquiétez pas. Elle lui fit un léger sourire. Au pire des cas, je demanderais à ce qu’on me raccompagne, ne vous inquiétez pas.

— Très bien.

L’homme partit en forme de chaudron, chargé de nombreuses armes de la jeune femme. Il avait appris à mieux maîtriser sa transformation ici. Cherchant à devenir plus fort lui aussi, il n’allait pas louper cette occasion de descendre les marches en forme féérique. La Sanderrienne resta là, plongée dans ses pensées. Était-elle devenue une épéiste avec cet entraînement ? Est-ce qu’elle était digne d’être appelée ainsi ? Elle ne le savait pas. Elle regarda Hinode Tasogare à sa ceinture, les autres armes qui partaient avec Billy. Est-ce qu’elle ne méritait pas ses épées ?
Elle commençait à le croire. Fang et d’autres personnes lui avaient dit la même chose. Peut-être y avait-il un fond de vérité dans ce qu’ils disaient ? Vide de toute énergie, elle ne se voyait pas rejoindre les Glaciers.

Un bruit derrière elle la fit se retourner. Sho Taï. Il la regardait, sans rien dire. Quand leurs regards se croisèrent, il se détourna, s’asseyant sur un banc de pierre au bord de la falaise. La cuisinière n’avait pas besoin de mot pour comprendre. Elle le suivit, s’installant à ses côtés. Un silence pensant se glissa entre les deux personnes. L’homme masqué gardait le silence, une tasse de thé dans la main. Il porta la boisson à la fente de son masque pour en avaler une gorgée avant de se racler la gorge.

— Vous savez, mademoiselle Erwolf, je n’ai jamais vu d’élève comme vous. La voix de l’homme était douce, pas comme à son habitude.

— Oui, je me doute que vous ne devez pas apprendre à vous battre au sabre à une cuisinière tous les jours. La tête basse, aucune gaieté ne résonnait dans la voix de la chasseresse de primes.

— Il est vrai qu’une cheffe qui vient apprendre la voie du sabre est pour le moins hors du commun. La capitaine de l’Iceberg pouvait entendre le sourire dans le timbre du moine de Fer.

— Vous n’avez pas dû vous amuser avec moi, c’est sûr. Une larme commença à couler sur la joue de la jeune femme aux longs cheveux blancs.

— C’est vrai que ça n’a pas été une partie de plaisir. L’homme gardait sa bonne humeur. Je n’ai jamais connu un élève comme vous.

Se décomposant un peu plus, Robina comprit, elle ne serait jamais une véritable épéiste. Elle serait toujours un ersatz, une copie, jamais une figure de respect.

— Je vous remercie pour votre honnêteté. Elle renifla. Je vais vous laisser maintenant, maître.

— Pourquoi partez-vous ? Il se tourna vers elle.

— Je crois que vous ne voulez plus me voir. Elle ne voulait pas montrer son état à son ancien mentor. Elle lui tournait le dos en lui parlant. J’ai compris que j’étais un échec.

— Mais pas du tout ! Il éclata de rire. Je disais le contraire, vous êtes une de mes meilleures élèves, si ça n’est la meilleure. Il avala la dernière gorgée qu’il restait dans sa tasse avant de se resservir avec sa théière qu’il avait posée au sol.

— Vraiment ? Surprise, les yeux de la cuisinière s’asséchèrent en un instant. Mais, vous venez de dire que vous n’avez pris aucun plaisir à m’enseigner ! Que j’étais la pire de vos élèves ! Je ne comprends plus, expliquez-moi…

Déboussolée, la Sanderrienne se rassit sur le banc de pierre, aux côtés du moine. Elle ne savait plus quoi penser.

— Bien sûr. Il fit tourner un peu son thé avant d’en reprendre. Vous savez, je n’avais jamais vu quelqu’un apprendre aussi vite. J’ai été impressionnée par votre vitesse, votre maîtrise, certes imparfaite, du combat.

— J’avais compris que vous me trouviez ridicule. Penaude, la jeune femme se fit petite.

— Ridicule ? Il éclata de rire. Parce que j’ai dit que je n’avais jamais vu d’élèves comme vous ? Vous avez assimilé des années de cours de combat en à peine une semaine. Vous savez déjà vous battre, bien mieux que la majorité de mes élèves ne sauront jamais le faire dans mon école.

— Pourquoi avoir dit que ça n’était pas une partie de plaisir alors ? La chasseresse de primes ne comprenait pas, elle avait besoin de réponses.

— Quand je donne des cours, ça n’est pas pour le plaisir. Il retrouva son sérieux un instant. Je le fais pour que les moines puissent défendre le Temple de la Plénitude. Nous devons nous défendre contre les pirates, les révolutionnaires ou toute autre attaque.

— Je comprends. La commandante de l’Iceberg releva la tête. Alors, je ne suis pas une mauvaise élève ? Malgré le fait que je sois cuisinière ?

— Absolument pas. Il avala une nouvelle gorgée avant de reprendre. Votre métier n’est jamais entré en ligne de compte. Vous avez votre propre style. Prise inversée, rapide, plus furtive et en souplesse qu’en force pure. Vous ne l’avez pas utilisé dans nos murs, mais j’ai pu le voir dans vos mouvements de déplacements, votre façon de frapper à certains moments…

— Oui, je reste une cuisinière avant tout. Elle sourit, de façon amère. Je ne serais donc jamais une épéiste.

Le moine de Fer partit dans un grand rire avant de se frapper la cuisse.

— Vous en êtes déjà une, mademoiselle Erwolf. Il s’arrêta de rire, reprenant un calme serein.

— Pourtant, vous venez de dire que j’avais mon propre style de cuisinière. Confuse, la jeune femme aux longs cheveux blancs ne comprenait pas.

— Oui, mais vous vous battez au sabre. Vous bloquez, esquivez, vous avez déjà l’habitude de vous battre avec des armes de belle qualité. Il posa une main sur l’épaule de son élève. Vous êtes une épéiste.

— C’est vrai ? Surprise, des larmes de joie perlaient aux coins des yeux de Robina.

— Bien sûr. Vous en étiez une avant de poser les pieds sur Karakuri. Il se leva, faisant craquer ses articulations. Et vous en serez une encore plus grande en repartant. Ne l’oubliez jamais, Robina Erwolf. Vous êtes une sabreuse et une des plus grande que ce monde connaisse.

Sur ces derniers mots, il récupéra sa théière et rentra dans le Temple de la Plénitude. Laissant seule la cuisinière qui venait de comprendre quelque chose. Elle était une épéiste, depuis le début, depuis toujours. Comme elle était cheffe. En regardant la lune et les étoiles, elle eut un grand sourire sur le visage. Elle aussi était une grande de ce monde.
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