Tu marchais sans peine à travers les rues de Virus. Le peu de miliciens qui s’opposait à toi tombait comme des mouches. Tu pris même le parti de détruire quelques bâtiments d’apparence fragile en t’attaquant à leur structure de soutien en bois, bien plus abordable que leur mur en acier.
Ton objectif du moment, le Roc et, surtout, trouvé un moyen de sortir de cette île enclavée par la pierre. Traversé Favela n’avait pas été un problème, la loi du plus fort qui y régnait te donner presque un statut dans cette partie de la ville tant tu dominais tes adversaires, des bandits de seconde zone, des malfrats et autre personne malintentionnée. Ainsi, tu massacras des innocents et diverses brutes à tour de bras.
Non, le défi se corsa quand tu arrivas devant la porte de la cité qui séparait ce quartier au suivant. Les soldats du clan Darkness étaient dépeints comme plus redoutable que le reste. Tu n’affrontais pas les énigmatiques, ta survie aurait sûrement été compromise, mais les gardiens de la paix qui parcourait normalement les rues de ce district se montraient dangereux pour autant.
Une dizaine d’hommes et de femmes te barrèrent la route, rentrer dans le Roc ne sera pas chose aisée.
— Arrêtez-vous là et rendez-vous sans faire histoire, madame ! Par ordre des Darkness !
Le plus gradé d’entre eux s’avança vers toi avec autorité et tu te moquas de lui avec un rire de démence à peine voilée. J’apparus à tes côtés dans un nuage vaporeux de noirceur et de Mon immense doigt, Je les désignai tous un à un.
— Hors d’mon chemin. Ou vous passerez sous l’fil d’ma faux.
— Comme si la garde avait peur de toi, minab…
Tu ne lui laissas même pas le temps de finir sa phrase, sa gorge s’ouvrit sous la rapidité de ton assaut et son sang éclaboussa le sol et le visage de ses alliés. Il s’étouffa en un instant et tomba la tête la première. Sans coup de semonce supplémentaire, les neuf autres soldats foncèrent sur toi.
En fauchant le premier à niveau de ses hanches, tu pivotas sur toi-même en le dépassant pour sortir de ce cercle restrictif et tu rangeas la lame de ton arme entre tes omoplates, derrière de ton sac. D’un geste précis, tu en fusillas deux entre les yeux.
Ensuite, tu permis à l'un d'eux, une armoire à glace mesurant une fois et demie ta taille, de t'approcher. Pourtant, tu ne te laissas pas débinée et lorsqu’il fut prêt à te déborder, tu le contournas d’habillement pour venir grimper dans son dos et te maintenir à la hauteur de sa tête. Le regard froid et intense porté sur ses acolytes, la main sous le nez de ce mastodonte, une vapeur violacée se dégagea de ton poignet et tu lui inoculas enfin Pestilence avec une morgue non dissimulée.
Bien vite, il frissonna et trembla fortement. Des bubons en nombre conséquent apparurent sur son derme, il suffoqua sous la virulence de la maladie. Les autres observèrent le spectacle, médusé.
— Elle lui a filé la peste noire ! cria l’un d’entre eux, reconnaissant les symptômes devant lui.
Avec un sourire carnassier, tu les toisas, voyant la peur dans leur yeux. Tu jubilais, cette situation de puissance, de pouvoir, était galvanisant, voire grisante.
— Pas que… Une version améliorée et dopée d’mon cru. Il a souffert bien plus qu’s’il avait attrapé la souche classique.
— Monstre !
— Fuyez, fuyez ou aucun n’en ressortira vivant,articulas-tu les menaçant d’une voix presque trop joviale, par trop aiguë, impactée par la psychose qui te rongeait.
Les plus pusillanimes du groupe encore vivant prirent leurs jambes à leur cou sous les invectives des quatre derniers soldats présents.
— Des audacieux, bien. J’imagine qu’vous faites honneur à vot’e fonction, mais tant pis pour vous. Vous auriez du suivre l’exemple d’vos potes.
Tu explosas dans un rire défiant la raison et te rapprochas rapidement des hommes dans une position évoquant le prédateur fondant sur sa proie. Et malgré ton aplomb, il se montra bien plus tenace que ce que tu pensais. Il anticipa ton attaque et la para de justesse, redonnant par la même un brin de foi chez ses compagnons. Eux-mêmes te chargèrent, la rage au ventre.
Tandis que tu étais toujours aux prises avec le récalcitrant, échangeant passe d’arme un peu plus maladroite pour toi et plus assurée pour lui, le plus près parvint à te faire une estafilade sur le flanc, t’arrachant un cri de douleur au passage. Les derniers voulurent refermer le cercle pour t’oppresser, ce qui te força à adopter ta stratégie.
Tu levas les yeux vers l’immense porte de la cité, le double huis bâillant laissait entrevoir les pavés du Roc. Sur le linteau de la structure, tu remarquas des porte-drapeaux dont pendaient les étendards aux couleurs du quartier.
Ta décision fut prise en un éclair, sous le visage étonné de ton opposant, tu pris appui sur son torse et te propulsas dans les airs, déployant tes ailes pour gagner davantage d’hauteur. Tu dégainas également tes armes à feu et les canardas pendant ton ascension. Une fois à portée, tu t’accrochas au mât et te juchas dessus. De cette position privilégiée, tu en profitas pour les viser avec minutie et les abattre comme des chiens.
Tu ricanas de la vanité de leur courage et redescendis de ton perchoir. Après une dernière contemplation de ton œuvre macabre, tu pénétras le Roc. Le paysage se révélait bien différent. Des maisons de pierres, comme l’hôtel qui t’avait logé, s’étendaient à perte de vue.
Bien que tu eusses laissé partir deux pleutres et que la rumeur de ton massacre à travers les quartiers grondait depuis une heure, la population de cette partie de la cité marchait encore comme si de rien n’était, défiant sans vergogne ta pulsion vorace de mort. Il devait se croire à l’abri entre ses murs et sous la protection de sa milice. Les premiers badauds que tu rencontras ne prirent pas vraiment conscience de ce qui leur arrivait quand ils tombèrent sous la morsure de Moissonneuse.
Tu les exterminas petit à petit, certains eurent la chance de s’enfuir, d’autres non. L’odeur du sang se répandit comme le doux parfum d’un croissant de bon matin. Tu ne comptais plus vraiment le nombre de tes victimes. Les cris s’accumulaient, les suppliques aussi. Une poignée avait tenté de se défendre, d’implorer ta pitié, de t’acheter, d’offrir ce qu’il n’avait pas en échange de leur vie. Futile, inutile, ils moururent quand même de ta main.
Alors que tu pensais que ton charnier ne connaîtrait aucune limite, un bruit métallique résonna dans l’air bien plus fort que le brouhaha ambiant. Il évoquait deux bâtons qu’on percutait l’un contre l’autre à intervalle régulier.
Sans trop savoir pourquoi, tu t’arrêtas dans l’artère que tu remontais. L’origine du martèlement se rapprochait de toi, indéniablement. Plus fort, plus entêtant, cela t’irritait au plus haut point. Soudain, une voix se rajouta.
— Jessica… Jessica… Pourquoi ?
Ce timbre ne t’était pas inconnu. Tu l’avais côtoyé quelques heures il y a deux mois. Tu te retournas pour lui faire face.
— Thompson
Il continuait de cogner ses deux tonfas, comme une litanie incessante, un avertissement pour ceux qui connaîtront sa colère.
— Que vous ont fait tous ses pauvres gens ? Aucun d’entre eux ne méritaient ce sort.
— L’monde doit payer pour l’mal qu’il m’a fait ! vociféras-tu, ta faux dépliée dans tes mains, en plantant fermement tes pieds sans le sol.
— Il y avait pourtant d’autres moyens pour faire votre deuil que d’en venir à ça.
— Vous n’comprendriez pas Thompson, vous êtes personne pour vous placer entre moi et mon dessein. Alors, foutez-moi l’camp avant d’le regretter.
— Je suis désolé, mais non. J’ai un devoir envers la ville et ses habitants.
Alors qu’il mettait un terme à votre dialogue, il fonça droit sur toi avec assurance. Là, ou tu pensais le cueillir dans son élan, il te contourna au dernier moment et te frappa de toutes ses forces dans le dos avec ses armes. Malgré la couche de pseudo-protection que représentait ton havresac, tu le sentis passé. Le choc fut si violent qu’il se répercuta dans tout ton squelette et te propulsa sur quinze mètres.
Ta course ne fut stoppée qu’à cause du mur que tu percutas. Tu l’avais pénétré face en avant de vingt bons centimètres. Un cratère s’était même formé autour de toi. De frustration, tu t’extrayais de la brèche et cognas du poing la façade.
— Vous ne m’aurez pas si facilement, Jessica. La protection de Carcinomia est tout ce qui compte pour moi.
— La ferme, Thompson. À la fin, vous croupirez dans la Cité en la mer comme tous les autres, alors, fermez-la et venez mourir !
Tu pris appui sur la paroi et te jetas derrière toi à toute vitesse, comblant la distance qui vous séparait en un clin d’œil. Tu armas ta lame et l’abattis sur lui. Pourtant, il la para avec une aisance particulière. Il lisait en toi comme dans un livre ouvert. Il était clair que l’affinité qu’il te manquait avec ton engin de mort, comparée à la sienne avec ses deux tonfas, jouait en ta défaveur.
Alors qu’il te tenait en respect de ses deux bâtons, il en dégagea un pour tenter de te cogner dans les côtes. Ce fut à ton tour de venir le surprendre un bref instant. Toujours au coude à coude, tu lui décochas un coup de pied magistral dans son service trois-pièces avant qu’il ne pût exécuter son mouvement. Il s’écroula de douleur, se couvrant l’entrejambe.
— C’est…petit… ça…
— Rien à foutre.
Du bout du manche de ta faux, de tes deux pistolets fusionnés en somme, tu lui frappas le menton et il voltigea sur une courte distance. Prendre du champ pour analyser la situation ne mangeait pas de pain.
C’était un homme fort, expert dans le combat rapproché au vu de son outillage. Le tenir à distance serait plus efficace que de persévérer dans ce simulacre d’affrontement. Aussi assurée de tes compétences que tu l’étais dans la médecine et le tir, tu péchais dans ce genre de duel. Quand bien même, tu compris qu'il fallait que tu combles cette lacune rapidement.
Pour l’heure, tu rangeas la lame de Moissonneuse dans ton dos et rendis leur forme d’origine à Poussière et Désespoir tandis que ton adversaire se relevait enfin. Tu bondis sur le mur derrière toi et y pris appui pour atteindre d’un geste gracile le toit en surplomb.
—On a peur petite souris ? te provoca-t-il, mais stoïque, tu n’y apportas aucune réponse.
Tu amorças la grêle de balles que tu lui destinais et sans sourcilier il alla se réfugier à couvert. Une fois à court de munitions, tu te mis toi-même à l’abri pour recharger. Quand tu extirpas discrètement la tête pour découvrir ce qu’il trafiquait, une dénotation résonna et un plomb vint se loger dans les briques qui te protégeaient.
— Vous ne pensiez quand même pas être la seule à savoir manier la poudre ? Quelle arrogance.
Sans piper mot, tu ressortis de ta cachette, et pris une balle dans l’épaule en retour, mais tu soutins la douleur en silence et répliquas à nouveau d’un déluge de projectile. Vous vous échangeâtes de la sorte plusieurs salves, allant d’une position à une autre, parcourant plusieurs dizaines de mètres avant de recharger et décharger vos barillets respectifs.
Lui comme toi aviez accusé des blessures plus ou moins graves. Abritée derrière une cheminée, tu respiras une bouffée de résilience, qui, après un court instant, te fit coaguler bien plus vite et inhibait les souffrances engendrées par les perforations. Il faudrait d’ailleurs que tu penses à virer les balles logées dans tes muscles une fois ce combat achevé.
Avec cette routine bien établie, vous aviez fini par atteindre le port de la ville, où le sous-marin de Thompson attendait gentiment le retour de son capitaine dans la baie. Tu n’en pouvais plus, cela devait cesser. Tu devinais qu’il en était de même pour lui. Vous aviez prouvé que votre habilité s’équivalait, mais seul l’un d’entre vous parviendrait à en réchapper.
Tu avais trouvé refuge dans un entrepôt de matériel parmi la kyrielle qui jonchait l’endroit. Certains servaient à stocker des marchandises tandis que d’autres contenaient de l’équipement militaire. Te vint alors une idée. Telle une ombre se faufilant un peu partout, tu glissas de hangar en hangar à la recherche du dépôt de poudre. Tu te tenais au plus loin de ton poursuivant tout en parcourant le port. Et une fois trouvé, tu lui tendis un piège. Tu l’attiras à l’endroit le plus propice à ça mort en faisant le plus de bruit possible.
— Allons, Jessica, arrêter ce jeu du chat et de la souris, rendez-vous, j’ai l’avantage.
— Jamais, Thompson ! À la fin, personne ne s’tiendra debout d’vant la Faucheuse, même pas moi.
Tu sortis de ta cachette, derrière un étale offrant un point de vue immanquable sur les tonneaux et tiras deux balles dans leur direction. Sans attendre, une détonation des plus impressionnante retentit. Elle emporta le bâtiment et certaines autres structures qui l’entouraient. Quant à toi, tu observais en silence le spectacle. Et contre toute attente, le capitaine de la marine de l’île s'extirpa des flammes.
Son corps était à moitié calciné, il se traînait plus qu’il ne marchait et tenait péniblement un tonfa dans son dernier bras valide. Tu comblas la distance et il s’effondra à genoux devant toi. La rage de vaincre l’habitait toujours, mais tu l’avais dominé. Tu sortis la lame de Moissonneuse de ton dos et l’enfonça dans son torse jusqu’au crâne qui l’ornait.
Il écarquilla les yeux et saisit ton poignet et contempla tes traits avec difficulté. Son regard était voilé, la vie commençait déjà à le quitter. Il combattit pour la moindre bouffée d’air et s’humecta les lèvres avant de lâcher sa dernière parole.
— Je…ssica… La voie que… vous avez…choisie… ne vous apportera rien… de bon,s’époumona-t-il a articuler, la voix brisée. À part de… la peine et de la…souffrance.
— J’sais et j’compte bien emporter l’plus d’monde possible dans ma chute. Au revoir Thompson.
Alors qu’il rendit son ultime souffle, tu lui baissas les paupières et te relevas, t’éloignant du feu en rangeant ton arme à sa juste place. Tu pris ensuite la direction du submersible et y entras sans ménagement. Tu refermas le sas et les hommes stationnés là t’accueillirent en pensant retrouver leur capitaine victorieux.
Tu les menaças un à un de les tuer à leur tour s’ils ne t’obéissaient pas d’un sort pire que celui que tu avais apporté à leur chef. Apeurés en observant les dégâts que tu avais causés, ils s’exécutèrent et te firent quitter la ville.
Ce n’était que le début, les prémices de ta vengeance, mais le monde n’avait qu’à bien se tenir pour la suite.