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Premières armes

C'était quand même un comble d'avoir peur de l'océan lorsque l'on vivait sur un monde composé à pas loin de 80% de cette immense et insondable étendue tempestueuse.

Makaya se faisait la remarque à chaque fois qu'elle embarquait sur un des navires judiciaires de la Marine qui l'emmenait délivrer son jugement dans tout South Blue. En ce moment, elle venait de quitter le port du G4 sur l'un de ces bateaux et comme à chaque fois, elle avait toujours ce même irrépressible frisson qui la glaçait lorsque les amarres étaient ramenées à bord et qu'elle voyait s’éloigner le littoral et par la même occasion, ses chances de survie si jamais il arrivait un accident en mer.

Entre les rafales à décorner les bœufs, les houles dantesques qui lui donnaient des hauts de cœur de tous les diables, une rencontre inopinée avec un équipage pirate un peu trop hardi ou la perspective de tomber sur un Roi des Mers affamé ou taquin...Décidément arpenter les océans était très loin d'être sa tasse de thé. Elle aimait le contact sans équivoque de la terre ferme, le fait de pouvoir observer autour d'elle un paysage composé de reliefs, de forêts, de maisons...et pas cette infinie ligne d'horizon aussi pleine d'espoirs que d'angoisses.


Et dieu sait qu'elle avait matière à avoir des angoisses. Cela faisait un mois qu'Aleida Rosales, agent détachée du Cipher Pol l'avait approchée pour la convaincre de rejoindre les rangs de la mystérieuse organisation gouvernementale. Durant ses dix années à exercer, Makaya en avait finalement assez peu entendu parler et n'avait été au contact de leurs agents que trois fois. Des gens dans son souvenir discrets et assez procéduriers. Soit des profils bien éloignés de la grande masse de marins qu'elle côtoyait fréquemment, ayant le verbe haut, paradant volontiers en prétendant avoir occis moult menaces, en faisant tournoyer leurs sabres et en brandissant leurs mousquets vers le ciel.

Elle avait grandi dans un univers chaleureux, animé, plein de gens vociférant assez constamment et s'était bien accommodée de ce tumulte. Par conséquent, alors qu'elle était accoudée au garde-corps de la frégate, en train de fixer un point fictif au dela de l'horizon, elle se demandait ce qui avait bien pu la décider d'ainsi changer de vie de façon aussi drastique.
En réalité, elle avait une bonne situation, un bon salaire, était entourée d'amis, de gens de confiance et compétents...Ainsi la perspective d’atterrir dans une officine minable entourée de gratte-papiers austères et vaguement dogmatiques vis-à-vis du gouvernement mondial avait de quoi l'inquiéter.

C'est vrai qu'elle aimait et avait une foi sans équivoque en son métier et sa fonction. Même si elle avait conscience que tout le monde ne partageait pas son sens de l'équité, chose dont elle avait eu trop souvent conscience avec sa hiérarchie. Souvent elle avait du se taire lors de cas avérés de népotisme, de corruption et de trafic d'influence initiés par ses collègues ou ses responsables.


Le pire à gérer étant sa position relative au Dragons Célestes. A l'évocation de cette pensée, elle se rembrunit tandis que la frégate fendait l'écume de plus en plus.

Elle était constamment gênée lorsque cette thématique était abordée. Et dans un monde régi selon le bon vouloir de cette caste dirigeante, qui régnait sans considération réelle pour les notions de justice, de vivre-ensemble, d'équité et de partage...il était réellement compliqué pour elle de se positionner en faveur de ces soit-disant sauveurs de l'ordre mondial. Oui leurs ancêtres avaient certes contribués à façonner le monde connu, à l'ordonner et à le rendre fonctionnel. Mais de ce qu'elle avait perçu de leur comportement puéril et de leurs décisions arbitraires au cours de sa carrière, il semblait difficile de voir en eux autre chose que des enfants gâtés et irresponsables.



Et cela la mettait régulièrement en porte-à-faux avec son entourage, qui avait tendance à opter pour une posture fascinée, presque religieuse. Beaucoup semblaient littéralement incapables de remettre en cause cette oligarchie, qui méritait selon elle d'être changée au profit d'une vraie gouvernance partagée des peuples, nettement plus efficace que la Rêverie.

D'ailleurs la Rêverie...il y avait tellement d'ironie dans ce titre. Comment ce qui devait être l'organe démocratique concret du monde pouvait avoir comme nom quelque chose au sens si vaporeux, si intangible... C'était assez révélateur du poids décisionnel de cet organe gouvernemental.

Pourtant, elle restait convaincue que l'ordre actuel était à préserver. Tant pis pour les arcanes du pouvoir supérieur, elle avait toujours un rôle à jouer ici sur son océan, comme garante des institutions. Restait à savoir si le Cipher Pol allait contenter sa soif de réalisations concrètes.



Ca avait été l'objet de leur première rencontre en tête à tête avec Ms Rosales, sur la terrasse du mess des officiers de la base. Dès la première phrase, cette dernière avait attaqué d'emblée l'égo de la juriste.

« Comment sentez-vous concrètement la mesure de votre utilité au maintien de l'ordre mondial en restant assise sept heures par jour derrière un bureau à recevoir des dossiers mal écrits rédigés par des bourrins de la marine ?
-Pardon ? Répondit très sèchement Makaya, piquée au vif par cette étrangère.
-Attention, je m'en voudrais que vous puissiez trouver de l'ironie dans mon propos. Point de cela, je suis juste curieuse. Vous avez l'air d'adorer votre métier, je me demande donc simplement de quelle manière la haute stature de votre fonction et la conséquence de votre pouvoir régalien éclaboussaient de joie et illuminaient de fierté votre quotidien.
-Ca ressemble pourtant vachement à de l'ironie...Je veux dire, tu ne te caches même pas, t'es morte de rire derrière ton cocktail !
-Ah, on en est déjà au tutoiement ? » Rétorqua l'agente, sur la défensive.
« Je ne vouvoie personne. Pour moi c'est une aberration : ce n'est pas parce que je te tutoie que je te manque de respect. Je considère que le tutoiement nous place toutes et tous sur une base beaucoup plus égalitaire et facilite et fluidifie la discussion. Ou la complexifie si en face la personne tient et insiste à être placée sur un piédestal lexical. Et dans ce cas, à défaut de rendre la conversation simple,  ça me permet vite de repérer les gens pénibles.
A la fin de cette phrase, Makaya s'adossa pleine de suffisance en croisant les bras, attendant la réaction de son interlocutrice.


« Je vois, intéressant...C'est une position qui sera peut-être compliquée à tenir avec les supérieurs, mais qui pourrait s'avérer judicieuse selon ou vous ferez vos armes...enchaina Miss Rosales en aspirant son breuvage de sa longue paille.
-Je ne me souviens pas avoir déjà dit oui quand au fait de rejoindre le Cipher Pol, dit Makaya. Des rumeurs et de ce que j'en ai vu, ça n'a pas l'air d'être le fun votre truc quand même.
-Parce qu'on maitrise notre image, sinon on se retrouverait avec tous les bas du front qui s'engagent dans la Marine, répondit la spécialiste en regardant un contingent de soldats en train de faire des pompes torse-nu en face leur position, en jetant des regards de moins en moins furtifs vers les deux femmes installées au soleil. « Je veux dire, il faut un espace pour tous ces gens en quête de gloire...et de cadre. Sinon ils se seraient peut-être engagés chez les pirates. Mais chez nous, on sélectionne un peu plus durement, on coopte, on cherche des profils spécifiques plutôt que de recruter le tout-venant. Tu sais, tu devrais te sentir honorée que tu m'aies ainsi tapée dans l’œil.
-Ah, on en est déjà au tutoiement ? » Rétorqua la juriste.
-Belle répartie Makaya...j'aime bien le concept, je me permets donc de tester. Et j'essaie de m'enlever l'étiquette de pénible que j'ai collée sur le front. » Répondit-elle en esquissant un clin d'oeil. « Le fait est qu'on a peu d'agents. C'est un avantage et un inconvénient. De fait le public sait moins ce que l'on fabrique, on se demande moins si on est dans les parages. Et on est plus solitaires et isolés dans la tâche. Mais quand cette dernière réussit ? La fierté, la gratification...et la promotion sont bien plus rapides. Rappelle moi encore au bout de combien d'années tu es passée procureure ? Huit ? Neuf ?
-Tu es vraiment agaçante...C'est pas souvent que j'ai envie d'emplafonner quelqu'un que je viens tout juste de rencontrer tu sais ? » Enchaîna Makaya, les mâchoires serrées en tenant fermement son verre.

Aleida posa son verre et s'approcha par dessus la table jusqu'à presque toucher du nez Makaya.

« Tu ne pourrais même pas me toucher »

Autant Makaya se trouvait très sûre d'elle et de ses capacités, autant elle avait la très désagréable impression que même ainsi, à cinq centimètres de son visage, elle serait incapable de repousser cette gênante invasion de son espace personnel.

Les deux femmes restèrent ainsi face à face pendant un instant qui sembla être une éternité, jusqu'à ce qu'Aleida recule et se réinstalle au fond de sa chaise en reprenant son verre au passage.

« C'est vrai que le tutoiement c'est pas mal. Si j'avais dit « vous ne pourriez même pas me toucher » ça aurait eu moins d'impact je pense. Merci pour le tuyau ! » dit-elle devant une Makaya médusée. « Et si je peux me permettre d'agir ainsi, c'est que j'ai avec moi la même assurance que toi, que me confère ma position d'agent de l'ordre légitime » dit-elle juste avant de reprendre une longue gorgée de son verre. Puis elle-reprit : « Et le fait que je puisse aussi te perforer instantanément le crâne avec simplement mon doigt, et disparaître dans le ciel sans que personne ne l'ai remarqué. Même devant tous ces gars qui nous reluquent à coté ».

Et une fois encore, Makaya sut intimement qu'elle ne disait rien de plus que la simple vérité.


Finalement l'échange se conclut suite à ce démonstration de force passive, et Makaya finit par rentrer chez elle avec une partie de ses convictions chamboulées. Oui elle avait du pouvoir, du respect, des responsabilités dans son travail. Mais elle était parfois frustrée des lenteurs de la bureaucratie, des traitements de faveur, des gens incompétents dans son administration...
Et il fallait bien avouer qu'à plusieurs moments, elle aurait adoré rendre justice elle-même, par la force des poings et non par la force de ses compte-rendus détaillés d'audience.

Ainsi elle rumina durant deux semaines et revit trois fois Aleida Rosales avant qu'elle ne reparte pour une autre mission, pour en savoir plus sur le Cipher Pol. Et au terme de cette dernière entrevue, Aleida parut satisfaite et lui fixa un rendez-vous sur Bliss, une île sous le giron du gouvernement, pour qu'elle y rencontre un recruteur-instructeur. A priori tout était déjà arrangé : le formateur l'attendait, tout comme une lettre de démission posée sur le bureau du procureur général de South Blue, manifestement signée de sa propre main selon les dires d'Aleida. Il lui restait 2 semaines pour préparer ses affaires et prévenir ses proches qu'elle ressentait un irrépressible besoin de changer de vie et de devenir fermière sur une petite ile perdue de West Blue.


Le choc fut immense mais l'originaire de Torino sut se montrer convaincante auprès de son entourage et quitta ainsi la base du G4, pensive, pour s'essayer à cette nouvelle vie.


Elle était donc désormais sur la balustrade de la frégate qui naviguait depuis maintenant deux jours vers l'important port de Bliss, cette île spécialisée dans la construction navale. Elle y était déjà venue plusieurs fois, pour des formations, des jugements, et pour plusieurs remarquables escapades un peu trop alcoolisée à Las Atlantik.

Cela lui faisait d'ailleurs penser qu'il lui faudrait absolument repasse dans ce rade, pour ôter son portrait du «  mur des poches à vin ».

Plus que quelques jours et elle retrouverait le plancher des vaches pour entamer sa nouvelle vie. N'était-elle pas trop vieille pour cela ? Arriverait-elle à se plier aux us et coutumes de cette nouvelle administration ? Et surtout, serait-elle à terme capable de faire des sorties passives-agressives et de proférer des menaces de mort dans la plus grande décontraction à des aspirantes impuissantes ?

Rien que cette dernière perspective avait de quoi lui redonner du courage.



Le voyage s'acheva sans accroc, les quelques jours se succédant paisiblement, rythmés par des parties de pêche, des entraînements à la lutte sur le pont avec l'équipage et de la pratique musicale qui enchanta ses pairs. Au loin, elle voyait les volutes de fumée des aciéries de Bliss qui entachaient le ciel et ressenti soudain une forte impatience : ces cinq jours à enchaîner les parties de carte tout en se demandant quand est-ce qu'un Roi des mers viendrait dévorer le navire avait endormi son excitation...mais maintenant elle était sur le point d'effectuer un probable grand tournant dans son existence.


L'amarrage terminé, Makaya laissa le gros de ses affaires à la consigne de la caserne de la Marine et s'enfonça dans la ville pour visiter un peu la ville, se remémorer des souvenirs de soirées d'ivresse, et acheta un cadeau à envoyer à ses parents avant de se rendre à l'adresse indiquée par Aleida. Une fois arrivée, elle qui s'attendait à trouver un sordide bureau au fond d'une impasse sombre fut surprise de se retrouver en face d'un rutilant complexe sportif de la taille d'un hangar, à proximité de l'hyper-centre. Une fois entrée, la guichetière la dévisagea puis marmonna dans un escargophone, et avant même que Makaya puisse se présenter au comptoir, une petite femme relativement âgée apparut comme par miracle face à elle, clouant sur place la juriste.

« C'est mauvais. C'est très mauvais. Aucun réflexe de votre part, même pas un poing fermé, une mise en garde...Comment voulez-vous survivre dans un milieu hostile si vous n'avez aucune réflexe ? »Dit-elle d'un ton sec.

La femme la toisa et bien qu'elle fit pas loin du double de sa taille, Makaya eut de nouveau ce très désagréable sentiment d'impuissance qu'elle avait éprouvé avec Aleida. Elle était totalement vulnérable

« Disons que je m'attends peu à me faire poignarder par des inconnus dans un club de sport. D'autant plus par des gens ayant l'âge de ma mère.
-Va falloir vous y faire ma petite. On vous piste depuis votre arrivée à Bliss et apparemment vous avez bien flâné dans les rues, fait du tourisme...c'est fini ça. VIGILANCE CONSTANTE !
-Quoi ? Non mais attendez, ça va un peu vite pour moi la. A qui ai-je l'honneur déjà ?
-Marianne Velba. C'est évidemment un faux nom. Je suis la responsable physique du secteur. On va être plusieurs à s'occuper de vous. Ms.Rosales m'a prévenue de votre arrivée et de vos aptitudes. Suivez-moi ».

Le centre était immense, très haut de plafond et derrière la réception, il y avait quantité d'espaces compartimentés, dont les parois fleuraient la verrière tout en haut. Tout en avançant dans ce dédale de box à la suite de cette petite femme acariâtre, Makaya pouvait voir des gens s’entraîner sur toutes sortes de machines, quand elle n'entendait pas des forts impacts

« On a toujours un peu de mal à recruter et donc pour se faciliter la tâche, nous avons monté ce centre sportif. Ca nous permet deux choses : trouver et former facilement des gens avant des prédispositions physiques. Et pouvoir les entraîner facilement sans alerter le voisinage. Quand les recrues ici s’entraînent au Rankyaku, ils s'imaginent qu'on fait juste des cours de karaté.
-Au quoi ? »

La femme s'arrêta. Soupira. Et elle repartit de plus belle.


« Bien. Considérez les trois quarts de ce complexe utilisé par monsieur et madame tout le monde. Des gens qui veulent soigner leur santé, leur apparence et souvent purger leurs nuits d'excès à Las Atlantik. Donc motus sur les activités du Cipher Pol ici. Je vous dit tout ça car Ms. Rosales vous a déjà briefé sur notre nature et nos activités. En gros vous avez les bases de la théorie, mais vous manquez cruellement de pratique. Donc ici on va donc vous entraîner : vous allez sculpter votre corps pour la suite des prérequis. Et quand vous ne ferez pas ça, vous irez collecter des informations dehors.
Pourquoi ? Parce que cette île est vitale pour les instances dirigeantes. La gouvernance sur les mers ne peut se faire qu'avec des moyens de transports fiables. Et justement, les révolutionnaires ont parfaitement compris ça et nous avons trop régulièrement affaire à des gens qui collectent des informations sur les navires, leurs méthodes de fabrication, leurs destinataires...et qui tentent de s'y infiltrer quand ils ne les sabotent tout simplement pas. Il vous faudra trouver ces gens et nous rapporter vos renseignements pour que nous puissions les interpeller.
-Je ne pourrais pas le faire moi-même ? » demande Makaya, certaine qu'avec sa stature et son entraînement à la Marine, elle saurait arrêter quelques malfrats et vite prouver à son apparente supérieure qu'on ne lui résistait pas.


Lorsqu'elle posa la question, les deux femmes venaient d'arriver devant l'un des box que Marianne ouvrit, s'engouffrant à l'intérieur, Makaya sur ses talons.
A l'intérieur la situation était étrange. Les cloisons faisaient bien cinq mètres de haut, elle avait donc l'impression d'être dans une cage très étroite bien que la surface au sol avoisinait les vingt mètres carrés. Autour d'elle, il y avait toute une batterie de machines, des armes, des parois étrangement trouées.

« Bien. Attaquez-moi. Dites-vous que je suis une ennemie du gouvernement, que j'ai attaqué votre île. Vos parents, votre frère, votre sœur sont morts par ma faute. Et si vous ne m'arrêtez pas maintenant, je vais purifier par le feu tout ce à quoi vous tenez. Notamment ce perchoir ridicule sur Torino qui vous sert d'arbre sacré. Prenez l'arme de votre choix. Ne discutez pas, je sais ce que je fais ».

Interloquée mais écrasée par le charisme et l'assurance de la petite vieille, et passablement irritée par sa sortie sur son passif, Makaya saisit une lance posée sur un râtelier d'arme. Vu sa taille, les sabres avaient l'air toujours trop petits et elle savait que sa grande taille n'était pas toujours un avantage, considérant qu'elle était de fait très facilement atteignable. Elle s'approcha pour pour frapper, assez doucement d'estoc son adversaire à la poitrine qui la regardait d'un air las..jusqu'à ce qu'elle touche ce qui lui semblait être un mur impénétrable.

« Encore »

A la fois rassurée de ne pas avoir blessée une personne rencontrée il y a de cela cinq minutes, et déstabilisée d'avoir été repoussée de la sorte, Makaya obéit et réitéra. Toujours impossible de faire réagir la femme qui venait pourtant de se prendre deux coups de lance consécutifs.

« Plus fort »

Obéissante et fascinée par ce qui se passait, Makaya se mit à assener des grands coups de hampe de plus en plus fort, à tâcher de fendre en deux cette petite dame qui lui avait immédiatement manquée de respect, à vouloir transpercer cette personne qui semblait bien trop connaître sa famille. Mais toujours ses attaques étaient repoussées, les mains vibrantes.

Quand soudain...

A défaut de trouver l'habituel roc cutané dont elle semblait être fait, Marianne perdit subitement toute substance et s'enroula autour de son arme comme si Makaya avait frappé un drap qui séchait. Elle était médusée par ce qui venait de se passer et alors qu'elle secoua sa lance pour se débarrasser de cette horreur, Marianne reprit forme et disparut subitement de sa vision, pour réapparaître de dos, exactement entre son corps et son arme, d'ou elle tendit son doigt pour fendre la lance en deux. Avant de...s'envoler à trois mètres du sol pour l'invectiver de la sorte, la regardant de haut.

« Vous êtes inapte. Vous venez de cruellement vous en rendre compte. Si vous voulez servir dignement le Gouvernement mondial, il va vous falloir vous raffermir. A terme, je vous souhaite de savoir faire ce que je viens de vous montrer. Pour être une vraie agente du Cipher Pol, vous allez devoir coupler une intelligence affûtée avec un corps qui l'est tout autant. Si cela vous paraît inatteignable, cessons tout de suite de perdre notre temps et rentrez chez vous. Vous êtes déjà un bon élément, vous n'aurez pas à rougir.
-Non...je...je tiens à rester. Je ne comprends pas ce qui vient de se passer mais si vous me dites que vous pouvez me transmettre ça, je ferais l'effort. En effet, je n'ai plus envie de servir à la seule force de la plume et de la loi, à attendre qu'on me présente des gens dont la culpabilité est déjà toute prouvée. Je veux débusquer moi-même, sans qu'ils soient prévenus, les fauteurs de trouble. Je ne tiens pas à rentrer, surtout après avoir vu ça ! »Rétorqua Makaya, subitement surprise par sa verve.
« Bien. Vous allez donc vous faire les dents ici et tâcher de collecter le plus d'informations possibles sur les factieux locaux. Vous avez un logement de fonction qui vous attend et que vous partagerez avec une autre recrue dans un quartier proche. La réceptionniste vous donnera toutes les informations en sortant. Maintenant, voici votre planning : de dix heures à seize heures, je veux vous voir ici, pour vous entraîner. Le reste du temps, je veux que vous trouviez des renseignements sur les révolutionnaires. Si dans une semaine vous n'avez rien trouvé de concluant, vous rentrez chez vous. C'est clair ? Oui ? Maintenant sortez ».



C'était très étrange. Makaya reposa les bouts de lance brisée sur le râtelier, sous l’œil acerbe de cette vieille femme juchée à trois mètres de hauteur qui la regardait les bras croisés. Elle referma ensuite la porte du box derrière elle et réalisa qu'elle n'avait absolument pas mémorisée de le chemin vers l'entrée si bien qu'elle erra dans ce labyrinthe pendant une vingtaine de minutes.

Une fois parvenue à l'entrée, Marianne Velba l'attendait, toujours les bras croisés. Et ce très probablement depuis dix-neuf minutes. La réceptionniste lui tendit un papier avec toutes les instructions pour son installation à Bliss, puis elle sortit du hangar, n'en revenant toujours pas.


La semaine promettait d'être intéressante.