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The Outlaw Tahar Tahgel [FB 1622]

Fin d’journée minable dans un coin minable. Coin d’South jsuppose. Fait un temps à pas mettre les pattes dehors, mais j’y suis. Dehors. J’me plains pas, à quoi ça servirait ? Trempé jusqu’ dans l’âme j’me bouge, direction un coin d’chais pas trop quoi où, à l’abri d’un chambranle vermoulu, jpeux r’garder où j’ai atterri. Ma tignasse finit d’s’égoutter par-d’ssus mes mirettes mais d’vant ça s’éclaircit ent’ les grêlons. J’m’allume un clope en galérant pour faire flamber l’papier mouillé. Une habitude qu’j’ai prise d’puis quelques temps, ça donne un côté stylé qui va bien avec la trentaine grisonnante et l’côté crade chic, puis ça occupe l’esprit. Ca y est, ça grésille, ça sent l’tabac boueux, et j’regarde. Des bateaux, des vieux bateaux tout pourris partout. Démâtés, éventrés, bavant leurs entrailles démolies sur la longueur d’c’qui doit être un ilôt d’terre ferme. A moins qu’le sol soit qu’d’la poussière collée sur une montagne d’autres navires encore plus vieux qui s’s’raient entassés dans c’coin des océans par les bonnes grâces du Hasard.

L’vieux Haz’ c’est mon copain. C’lui qui m’a débarqué ici.

Comme j’ai dit plus haut, jsais pas trop où c’est, ici. South ? Ptêt bien. Ca pourrait être aut’part. T’façon d’puis qu’j’ai quitté East dans les cales des Ghost et qu’j’me suis r’trouvé sur c’t’île de drogués avec l’autre gamin sans savoir comment, j’ai abandonné la navigation. J’vais à vue, rar’ment très droit. Et donc me v’là après une dérive de plus, dans c’cimetière pour rafiots abandonnés par leurs cap’taines et-ou la force du destin. Vrai, si y avait pas c’temps d’crevure, c’s’rait probablement un bon coin pour monter une boutique d’pièces détachées. T’veux un gouvernail pour caraque deux mâts ? Y en a un là-bas qui dépasse du sol poisseux. T’veux un hunier ? J’pense qu’si parfois l’soleil se pointe, y a moyen d’trouver ça quelque part dans c’te forêt d’mâts à moitié brisée. S’ra ptêt un peu déchiré mais y prendra l’vent comme y faut. C’est les poulies ton truc ? Y a qu’à s’pencher pour les ramasser, on dirait des escargots qui sortent avec la flotte. Penche-toi et ramasse, penche-toi et ramasse.

A propos d’s’pencher, va falloir qu’j’m’asseye. C’pas qu’y fait soif mais c’pas non plus c’déluge qui va m’rincer la gorge. Trouver un rade, c’doit bien être d’l’ordre du f’sable ici. L’bazar pour marin en détresse, ptêt jpeux être le premier à avoir eu l’idée, mais si y a bien deux boulots pour lesquels l’est impossible d’être précurseur où qu’y ait d’la vie, c’est pute et barman. Et les ombres qui sautillent ent’ la boue et les hall’bardes pissées par l’ciel, y a pas quarante endroits où elles peuvent aller vu les circonstances. La fosse commune ou l’versoir à prune faite maison. Comme ça qu’ça marchait partout où j’ai foutu les bottes jusqu’à maint’nant, pas d’raison qu’ça change. J’prends l’temps d’en r’pérer deux qui vont dans l’même sens et j’adjuge : c’par là qu’tu vas mon gars. Ca tombe bien, mon mégot vient d’s’éteindre. M’a même brûlé la lippe c’con, probabl’ment pour s’venger. S’venger d’quoi ? D’mande-lui.

"Lugubre", tiens, voilà. Fait pas encore nuit, ‘fin jcrois pas, mais c’est l’mot qu’irait bien au paysage. Que j’me dis pendant qu’j’marche droit vers la lumière au fond là-bas. La lumière au fond là-bas, c’est une meurtrière creusée au pic dans l’seul truc qui doit être en pierre dans c’trou du cul d’monde dévasté. Mais rien qu’la vue en réchauffe la pierre qu’j’ai sous les côtes, alors j’rentre après une dernière glissade sur un truc que jperds pas d’temps à identifier.

La porte craque, et tout l’bruit qui s’ret’nait à l’intérieur m’gicle au tympan. Un bruit d’rires mêlés d’cris et tartinés à la joie crasse d’être avec des bêtes humaines qui comme toi ont deux yeux, deux oreilles, et d’quoi planter les gueules pas nettes. L’genre de bruit qu’tu braves que quand t’as soif. Et j’ai soif. Soif et chaud, j’me rends compte. L’grand feu dans la ch’minée probablement. Vrai qu’c’est pas l’bois qui manque alentour, z’auraient tort de s’priver. J’tombe l’armure et j’la balance sur la première chaise libre que j’croise. Y en a pas des masses, le bouge est plein. A part l’serveur à qui jfais l’signe universel pour dire "une boutanche – verre inutile", personne a r’marqué mon entrée. Ca vaut ptêt mieux, un r’gard m’rappelle que l’humidité fait parfois r’ssortir la mouette sérigraphiée sur l’cuir. Presque dix ans maint’nant, c’te salope d’animal à la vie dure. Ca tombe bien, c’pour ça que je l’garde. J’ricane tout seul et l’patron s’ramène. Lui il a l’œil, mais y dit rien. J’sais pas si j’ai trop une gueule de mouette de toute façon. Ptêt j’ai tué l’gars à qui appartenait l’manteau, qu’y doit penser. Y r’part.

Et maint’nant qu’j’ai tous les éléments en main, j’pense. A m’sure qu’mon œsophage s’imprègne, mes neurones s’agitent. J’pas trop eu l’temps d’voir ça mais la nouvelle du r’tour du colonel Tahgel doit avoir fait dong sur West. Sur East, j’ai en partie cassé une banque de riches. Sur North personne m’connaît. Sur South ça doit aller aussi. J’pourrais rester là, r’commencer une nouvelle vie pépère. Mais c’est des pensées d’mec pas réchauffé ça. J’reprends une lampée, elle m’remet dans l’droit ch’min. J’ai l’souriant qui r’vient, les raisons du pourquoi j’ai fait parler Jeuv le chasseur de primes mort aussi. Les souv’nirs pas glorieux d’avant c’jour où j’ai craqué un boulon en passant d’poivrot à poivrot tueur d’milouf. Pis l’souv’nir d’la Sublime qui doit s’emmerder toute seule chais pas trop où là-bas.

Nan, y a pas, faut qu’jretourne la chercher. Pis expérimenter l’côté connu d’la loi, l’idée m’fait d’l’œil un peu. L’mauvais côté. J’ai des r’lents d’cour martiale qui m’viennent, à moins qu’c’soit l’rhum qui tape trop vite et qu’l’estomac suive pas… Mais même à l’époque j’avais des soutiens dans la force, c’que jveux là c’est du criminel solitaire, qu’a plus qu’ses tripes pour s’tirer d’la merde où y s’met. Etape qu’j’avais pas franchie sur l’moment. J’pense trop, ça m’nuit.


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    « File-moi mon fric. »
    « Dans tes rêves Poupée. Je donne pas un berry aux tricheuses. »

    Tricheuse ? L’espace d’une seconde, un rictus déforma le visage de Louise. Elle n’appréciait guère les propos du pirate en face d’elle.

    « File-moi mon fric. Je ne le répèterais pas une troisième fois. »
    « Et sinon quoi ? T’vas me transpercer avec le couteau qui dépasse de ton sac ? »

    Comme pour ponctuer ses paroles, l’homme avait sorti son propre sabre. Si l’arme ne payait pas de mine, la poignée usée et les mains calleuses de son propriétaire attestaient une utilisation régulière. En combat singulier, la blonde n’avait aucune chance.

    « Comme si j’avais besoin d’une arme. »

    Ce fut au tour du pirate de grimacer. Il n’aimait visiblement qu’une petite impertinente se moque de lui. Elle avait déjà eu le culot de l’écraser durant leur partie d’échecs, il ne comptait pas la laisser s’en tirer si facilement. Autour des deux joueurs, les curieux qui avaient assisté à la partie s’étaient reculés prudemment et avaient rejoint leur siège, observant de loin la confrontation. Ils étaient avides d’action et n’attendaient qu’une chose : que la bagarre éclate.

    L’orage au dehors contraignait tout ce beau monde à rester enfermé et les poivrots du Cimetière d’épave tournaient comme des lions en cage dans le bar pourri. Ils buvaient, chantaient, s’engueulaient… Tout était bon pour tuer l’ennui. Certains se contentaient seulement de ronfler sur leur table crasseuse, se réveillant par intermittence en se souvenant qu’ils avaient une chope à finir. C’était pas le genre de coin où on trouvait habituellement une fille potable. Pas le genre de coin où on les cherchait non plus. Et c’était ce dernier point qui avait attiré Louise ici. Elle se tenait un peu à l’ombre le temps que son copain le révo de l’autre soir lui foute la paix. Mais là n’était pas là question.

    « Bah vas-y ma jolie, montre-moi ce que tu sais faire. »

    Le chasseuse de prime détailla le fond de la salle, jugea qu’elle était au bon endroit et sourit. Elle était certaine qu’il n’y avait personne dehors et la rangée de table du fond n’était occupée que par des solitaires, elle et le pirate. Elle se leva, recula d’un pas et frappa le sol du talon. L’extrémité de la salle fut soudain recouverte d’un damier illusoire.

    « Qu’est-ce que… »
    « Mon fric si tu veux pas finir dans la cheminée. »

    Le pauvre pirate semblait un peu perdu. Toutefois, il ne se démonta pas et se redressa pour aller à la rencontre de Louise. Avant même d’avoir pu l’atteindre, il se heurta à une barrière invisible. Autour de lui, le brouhaha s’était arrêté puis, comme les vagues avant un raz de marée, il reprit d’autant plus intense. Dans cette animation, personne ne remarqua la porte s’ouvrir sur un nouveau venu. Le courant d’air généré par l’ouverture de la porte attira pourtant le regard de Louise et, du coin de l’œil, elle vit un homme trempé entrer. Elle suivit distraitement son parcours à travers la salle et reporta son regard sur son adversaire du moment. Elle verrait pour l’autre type après.

    « Espèce de… »
    « Fou en D2. »

    L’insulte se perd sous la voix autoritaire de Louise. Avec surprise, le pirate trébuche et se déplace malgré tout en direction de la cheminée. Il ne s’arrête qu’à la limite des flammes. Un pas de plus et il aurait brûlé vif.

    « Mon fric. »

    La menace dissimulée sous les paroles est assez évidente pour que la jeune femme n’ait pas besoin de la formuler. Elle a un contrôle parfait sur la situation et voir le pirate se débattre avec son pouvoir l’amuse au plus au point. La semaine passée, la partie contre cet Ivélias avait été bien plus difficile à gérer. Mais ici, il n’y avait que des imbéciles et elle n’avait pas besoin d’établir une stratégie aboutie. La peur seule menait la partie. D’ailleurs, autour de son principal adversaire, elle voyait ses autres « pièces » la contempler. Pris dans le jeu malgré eux, ceux qui étaient encore conscients hésitaient entre incompréhension et panique. Mais il y en avait aussi un ou deux préféraient mettre ça sur le compte de l’alcool et qui retournèrent à leurs songes.

    « J’attends. »

    Pétrifié, le pirate ne sait pas quoi faire. La voix impérieuse de la blonde le ramène à la réalité et il fouille frénétiquement dans ses poches pour en sortir une bourse. Sans réfléchir, il la lance à la jeune femme.

    « Merci. »

    Avec un nouveau coup de talon, la blonde fait disparaitre le plateau et regarde son adversaire filer sans demander son reste. Ils ne jouaient pas au même niveau. Pourtant, avec un peu de réflexion, il aurait pu s’en sortir. Louise hausse les épaules et se rassoit tranquillement. La bourse contient cinq mille berry, à peine de quoi passer la nuit ici. Mais avec le fric qu’elle a amassé toute la semaine, elle a de quoi payer pour se faire embarquer sur un bateau. Elle en avait marre de se planquer. On lui avait parlé de l’île d’Iwai et elle comptait s’y rendre pour obtenir de nouveaux renseignements sur le groupe Révolutionnaire. Mais avant ça, elle devrait trouver quelqu’un pour la faire quitter ce coin minable de South Blue ; et elle avait déjà une petite idée de qui pourrait faire l’affaire. Elle n’espérait pas se tromper de cible.

    Rangeant son échiquier dans son sac et embarquant sa chope de rhum, elle libéra sa table et traversa la salle. Ceux qui avaient prêté attention à son altercation avec le pirate s’écartèrent instinctivement, mais dans l’ensemble, ce ne furent pas des regards de crainte qui se posèrent sur le postérieur semi-dévoilé par le pantalon taille basse de la jeune femme. Ignorant les mains baladeuses qui se tendaient parfois sur son passage, Louise se posa sur un siège en face du type qui était rentré quelques instants plus tôt. S’il ne payait pas de mine au premier abord, la chasseuse de prime espérait tout de même qu’il avait un bateau pour se tirer d’ici. Elle n’avait aucune raison de croire à cela, mais qui ne tente rien n’a rien.
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Quand Cortex part en vrille, y a pas vingt solutions pour qu’y s’arrête. La première c’est l’mettre Minus soi-même. Pour certains c’est fumer d’l’algue séchée, pour d’autres c’est chercher un fournier capable de t’sortir un pain d’trente livres sur commande, pour moi comme pour pas mal de désabusés c’est l’noyer comme tu noierais un moteur. Excès d’liquide. Va pas croire, c’t’une tâche délicate. Faut pas aller trop vite sinon tu rends toute ta substance et après t’es plein réveillé, faut pas aller trop lentement sinon tu t’endors du sommeil des ivres morts et tu t’réveilles avec le ciboulot infirme pour la journée. Voire tu t’réveilles pas. Pour l’heure, j’m’en sors pas trop mal. Jsuis consciencieux, patient, appliqué. Des qualités qu’j’ai appris à développer avec l’âge. Mes portugaises sont toujours aux aguets mais les sons d’bases m’deviennent moins importants. L’gars là-bas beugle moins fort, j’ai moins envie d’aller lui arracher les ratiches pour le calmer. C’ui-ci à la table juste à-côté bave un truc que j’comprends plus et c’est très bien. L’autre là-bas près d’la ch’minée a l’air d’crier mais j’l’entends pas vraiment.

Jsuis pas bourré : jsuis juste bien. A température. D’ailleurs mes tifs sont secs et ont arrêté d’perler, c’est un signe. J’sais pas plus qu’avant comment j’vais r’partir vers West, mais ça m’est d’moins en moins vital. On verra d’main quand y f’ra beau et qu’y s’ra temps d’choper un bateau. Ou on verra pas.

Et là c’est l’drame. Une chaise. Une foutue chaise qui crisse contre la poussière du sol, qui crisse d’un peu près. Périmètre de sécurité envahi. Ca agite l’diapason en veille. L’diapason agite l’système fibreux. L’système fibreux transmet au bulbe. L’bulbe analyse et décrète l’branle-bas. Tout s’secoue en même temps : les feuilles, les globuleux, l’blaire et la bavarde.

Ca c’est la deuxième solution pour calmer l’cérébreux quand tu rumines trop. L’élément extérieur. Ca distrait. Normalement jdirais rien, c’est sympa d’être distrait. Mais là non. Certes j’ai la roue libre qui s’est arrêtée pareil, mais là j’ai aussi l’sentiment qui gratte. Pas agréable, comme quand un sombre con t’sors de ta grasse mat’ que tu voulais en profiter. M’enfin, c’trop tard. C’est fait, jdis rien quand même. J’laisse l’processus s’enclencher. L’bruit d’fond m’revient en pleine oreillette, les images d’tous les clients en pleine mirette. ’reus’ment la vision d’horreur dure pas. Une chopine d’abord, qui s’pose derrière mon litron d’ambré sur l’bois d’la table bouffée aux vers. Puis un visage m’vrille la pupille. Un visage honnête, r’gardable. C’est pas commun c’soir. Un visage d’femme. Ca m’réveille plus vite.

J’lampe un coup, manière d’prendre le temps d’me faire une idée. C’est important d’jauger les gens. Enfin jdis ça. Jsuis en mode outre, c’pour ça qu’jsaute pas sur la gueuse. Pour ça qu’j’m’attarde sur les préliminaires. C’te blague. J’ai dit qu’elle avait la face honnête plus haut. Là jsais plus bien si c’est l’bon mot. C’est une mignonne, ça s’lit vite. Margoulette toute fine, presque fragile, mais à coup sûr une garce. Trop d’feu dans ses yeux pas d’la même couleur. Trop d’crasse dans la crinière pour pas aimer jouer la fille fatale. J’ai dit fille, c’packe c’est une jeunotte. A point, ça r’luqe d’tous côtés. Et elle elle le sait. Le sait et s’en fout. J’avais raison, c’t’une catin. Pas qu’ça m’dérange, note bien. Faut juste être au courant. Pas s’faire avoir sur les termes du contrat. J’souris en vague et m’gratte le barbu.

Ca crisse, comme la chaise plus tôt.

Jrésonne un peu du bruit en question. Jraisonne aussi. Pendant qu’on joue à c’ui qu’à la plus grosse endurance rétinienne. Une fille comme ça veut toujours quelque chose. Qu’est-ce qu’moi jpeux lui offrir ? Du bon temps ? Mh, ça d’ordinaire c’est l’moyen d’paiement. D’la protection ? Bof, trois contre un qu’elle en a autant b’soin qu’mézigue. Alors quoi ? J’ai quoi en poche ? Une poulie magique et un sabre de warrior, rien qu’elle sache manier vu ses mains. Des doigts pareils, ça m’fait penser à un pianiste. Une sort’ d’pianiste particulière sûrement. Bref. Des thunes ? Hn. Genre j’ai du blé et jviens dans un rade pareil pour passer mes vacances. Genre.

Bon, jtrouve pas. La rasade qui va bien et j’lance les hostilités.

Jpeux t’aider, chérie ?


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    Sans gêne ni souci de bienséance, Louise s’était posée face à l’inconnu. D’un autre côté, il y avait fort à parier que le sens des convenances n’était pas l’aspect le plus développé de la personnalité des ivrognes ici présents. En tout cas, ce n’était pas le cas chez Louise et, au vu de l’interpellation familière, ce n’était pas non plus le cas de l’autre type. Bien, ça leur faisait déjà ça en commun. La blonde prit le temps de détailler son interlocuteur avant de répondre. Son regard scrutateur se balada sur son corps, de bas en haut, avant de revenir se ficher dans les yeux de l’homme. Il ne payait vraiment pas de mine, mais Louise avait besoin de se tirer d’ici. Tant qu’elle pouvait trouver quelqu’un pour l’y aider, elle se foutait bien des apparences.

    « Possible. »

    Elle avala une gorgée de rhum et laissa planer un court silence. Fallait bien installer un peu l’ambiance.

    « Hey ! »

    Avant même d’avoir eu le temps de reprendre la parole et d’entamer les négociations, une large main se posa sur l’épaule de la jeune femme. Croyant avoir à faire à un saoulard qui voulait lui faire une proposition vaseuse, Louise se retourna avec nonchalance, prête à l’envoyer paitre. Le coup de poing qui s’écrasa violemment sur sa mâchoire, elle ne le vit pas venir.

    Sonnée, une douleur vive au visage, elle sentit à peine le bois de la table s’enfoncer brutalement dans ses cotes et elle ne se retint que miraculeusement à sa chaise. Elle reprit toutefois ses esprits pour constater que son agresseur n’était autre qu’un des hommes du pirate qu’elle avait humilié quelques instants plus tôt. Ce dernier se cachait lâchement derrière les quatre hommes qui l’accompagnaient. Elle porta machinalement la main à sa lèvre fendue alors que le goût métallique du sang envahissait sa bouche.

    Une autre femme serait sans doute entrée dans une rage folle à la pensée de son visage tuméfié, mais pas Louise. Avec son corps décharné et ses vêtements dont l’indécence n’avait d’égal que le mauvais goût, elle se moquait bien de son apparence. Sa seule préoccupation était de rester baisable. Blessures, douleurs, mutilations, elles n’étaient que le résultat d’une vie de débauche, elles étaient un choix assumé et peut-être même mérité.

    Une nouvelle fois, le regard étrange de la blonde se posa sur son agresseur puis sur son répugnant boss. Elle se leva lentement alors qu’un sourire guère rassurant prenait naissance sur ses lèvres.

    « Sournois, faible et lâche, on se ressemblerait presque. A un détail près. Je te laisse deviner lequel. »

    Un éclair de rage passa dans les yeux du pirate humilié alors que la blonde, anticipant cette fois-ci le coup, se déplaçait pour gentiment se mettre à l’abri derrière le type avec qui elle avait compté faire affaire. Visiblement, la chose était fortement compromise, mais elle pouvait toujours trouver une utilité à l’homme. Une utilité qu’il n’apprécierait peut-être pas, mais ça, c’était le cadet des soucis de la blonde. Seule contre cinq, elle ne pourrait pas s’en sortir. Et désormais au centre de la salle, son fruit devenait inutilisable. Connerie de pouvoir. Cela dit, elle ne manquait pas de ressources. Elle venait de faire preuve de sa lâcheté, elle pouvait également montrer à quel point elle était sournoise.

    « Cela dit messieurs, si vous venez récupérer votre fric, c’est à lui qu’il faut le demander. Je n’ai fait qu’obéir à des ordres. »

    Ce faisant, elle désigna son précédent interlocuteur. S’il se battait pour elle, qu’il le veuille ou non d’ailleurs, elle pouvait s’en sortir. Quitte à se tirer par la porte de derrière et trouver un autre plan plus tard pour se barrer du cimetière d’épave. Le coin devenait vraiment trop dangereux pour elle. Mais avant ça…

    La jeune femme sortit discrètement son poignard de son sac et posa la lame contre le dos de son combattant attitré avant qu’il ait le temps de répondre. Autant s’assurer de sa bienveillante coopération. Le menaçant ainsi, elle se pencha à son oreille et lui murmura :

    « C’est pas le genre d’affaires que je voulais avoir avec toi, mais j’ai pas le choix. Sois gentil avec ces ploucs et ma lame ne te transpercera pas. J’ai gagné cinq mille berries contre le gars là-bas, je suis sûre que tu peux intercéder en ma faveur. Si besoin est, je te dédommagerais en nature… »

    Elle se redressa et s’adressa de nouveau au petit groupe qui avait suivi l’échange avec suspicion. Ils n’étaient pas complètement stupides et se doutait bien qu’il y avait anguille sous roche, Louise ne pouvait compter que sur son prétendu patron pour la sortir de ce merdier.
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La garce cause, ça d’vient intéressant. Ca d’vient intéressant puis ça s’arrête. Pourtant j’suis tout ouïe. Encore un truc d’aguicheuse. J’vais pour protester mais l’intérêt r’vient d’un coup. Sous les traits d’un parpaing dans la mandibule à la donzelle. Une bonne brique qu’envoie valser la table pendant qu’elle elle reste assise je sais pas comment. D’mon côté j’vois à sauver mon fond d’tafia mais c’est déjà une flaque sous les pieds du voisin arrière. Putain. Un sale gars avec deux ratiches en trop et une oreille en moins. A moins qu’c’est l’inverse, j’le regarde pas assez longtemps pour bien voir dans la demi-lumière qu’règne dans la taverne. J’lui prends juste sa bouteille, m’sers la gorgée qu’j’ai pas pu prendre y a deux secondes et m’retourne. Ca y est, jsuis re dans l’instant.

Mais l’temps que jmets, la miss m’est passée dans l’dos et m’désigne comme son patron qu’l’aurait chargée d’faire des trucs pas bien réguliers au patron du gars qu’on a en face. L’gars c’est l’jumeau du mec que j’viens de dépouiller. Sale tête, tête à claques. Réflexe : jvais pour l’claquer. Foutre mon rhum par terre ça fait partie des choses qui s’font pas. Mais la catin m’fait du gringue à l’oreille, agite son cure-dents vers ma colonne. Même pas elle a attendu d’voir si j’étais pas d’bonne volonté. Encore une qu’a un problème pour faire confiance à un homme jparie. Brah.

Pas l’temps de m’faire une idée sur quoi faire, ma prochaine cible m’prend à parti aussi.

Hé connard, c’vrai c’qu’elle a dit ?

Ca sent l’sapin. Littéralement. Derrière j’avise un pelé qui triture deux chevrons d’14 dans l’âtre. Ca flambe et ça craque par chez lui. Y a même une étincelle qui gicle et fait cramer sa ch’mise. Le con.

Ah ben la v’là l’idée. J’me casse même pas à répondre aux accusations fallacieuses dont jsuis l’objet. Ca va être redondant sinon, vu qu’y a autre chose qui va s’casser. D’abord jpose l’ambiance. D’bons préliminaires, c’est vital pour bien s’foutre sur la gueule. Une volte bien placée et jfais donc l’tour de Blondie, m’retrouve dans son dos à elle. Ca fait très valse de haute volée, nos mouvements. Tout en grâce et souplesse qu’on bouge. La fessée qu’elle s’prend après sonne bien sec par contre. Une main sur la nuque pour la faire s’mettre en position. Deux frappes, pour la forme et pack’ c’est agréable. On est plus dans l’très souple mais c’pas bien grave. L’besoin d’chaste érotisme est passé, maintenant on est dans le sérieux. J’attends pas qu’elle m’saute à la gorge, jrelance les branques.

Vrai ou pas vrai, qui s’en fout ? Honnêt’ment ? J’l’ai corrigée la princesse, on passe l’éponge ?

Merde, elle m’a même pas dit c’qu’elle voulait après tout. Un peu d’compréhension dans c’monde de brutes, c’pas possible ? On a pas idée d’faire irruption dans une conversation ent’ gens d’bien comme ça. Puis z’ont pas l’air de vouloir lâcher l’morceau en plus. L’gars derrière, l’baron, s’lève.

J’les oublierai pas l’moment v’nu mais c’pas ses promesses d’une nuit torride qui m’font pencher du côté d’la tourneuse de têtes. C’la grosse chevalière au riquiqui d’la patte gauche du truand. J’aime pas, elle m’revient pas. Pis j’le sens pas vraiment cifique. Alors autant prendre les d’vants, nspas ? Comme elle a d’mandé et comme j’viens d’le faire déjà une fois, j’intercède d’nouveau en sa faveur. Bon gars l’Tahar. Trouvez pas ? D’abord la partie pour elle. A l’oreille, comme elle m’a fait.

Tu connais l’dicton, chérie. Culbute avant d’aller au lit fait passer bonne nuit ?

Du coup on va bien s’fendre la gueule, v’sentez ça vous autres ?

Et ça c’est la partie publique, pour tous. Aucune des deux en finesse, c’pas l’lieu ni l’moment. Pis jfais un envoi groupé tant qu’à faire : j’balance la table avec. Mouvement naturel, du plat de la botte. Au loin l’tôlier apprécie pas, s’planque sous son comptoir. Au près on s’excite un peu, mais sont tous un peu plus spectateurs qu’acteurs. Ca s’sent à leurs yeux gonflés par l’chaud-froid entre dehors et dedans. Et à leurs haleines pataudes qu’on sent jusqu’ici. Tout ça c’la faute à l’ambiance pas folichonne d’c’te soirée d’fin d’année. Putain d’hiver, putain d’pluie, putain d’garce.

L’silence est tombé pendant qu’le meuble a pris son envol. J’m’absente une seconde, jrepense à c’que j’étais pas trop connu sur South jusque-là. Et bam il atterrit sur un coin d’crâne. Un d’moins, restent trois sous-fifres et un lâcheton. Ca r’met l’son et l’ambiance. J’rericane et jrepars dans l’tas.


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Pirate skulls and bones
Sticks and stones and weed and bombs


    Eh bien c’est la fête. Maudits pirates, comme dirait l’autre. Même si elle n’aime pas ça, Louise doit bien admettre qu’elle s’est faite pigeonner comme une bleue. Le type qu’elle menace, il est un peu plus dégourdi que la petite troupe qui lui cherche des noises. Comme quoi, mieux vaut ne pas se fier aux apparences, surtout face à un pirate. En moins de temps qu’il n’en faut pour dire ‘échec et mat’, la blonde se retrouve à la place de son complice involontaire. La valse improvisée aurait pu amuser Louise s’il n’y avait pas eu la suite…


All I wanna do is (BANG BANG BANG BANG!)
And (KKKAAAA CHING!)


    Même si elle ne le voit pas, le regard de la blonde crie un virulent « connard ». Elle ne bouge toutefois pas, attendant la suite. Elle s’est foutue toute seule dans la merde, ce n’est pas le moment de retenter de jouer à la plus maline. Elle n’a peut-être pas réussi à mener le fou où elle le souhaite mais elle a encore des pièces en réserve. Ces mecs en face, ils ne sont rien que des pions. Quoi de plus facile que de les renverser pour une reine ? Cette pensée la rassérène et même si son corps est tendu sous la poigne de l’autre, elle n’en retrouve pas moins une certaine assurance. Elle avait survécu à bien pire, et la situation avec son petit air de déjà-vu la confortait dans l’idée qu’elle pourrait s’en sortir sans trop de problème. Elle l’a déjà fait une fois, pourquoi pas deux ?


I fly like paper, get high like planes
If you catch me at the border I got visas in my name


    Un rictus narquois se peint sur le visage de la blonde lorsque son compagnon d’infortune imite son propre comportement.

    « Comme c’est joliment dit. »

    Si c'était le seul prix à payer pour son aide, elle ne s’en plaindrait pas. Elle avait l’habitude, alors un homme de plus ou de moins à son tableau de chasse, ça ne ferait pas grande différence. Finalement, le type se décida à la lâcher pour foncer dans le tas en bonne grosse brute qu’il semblait être. Elle aurait pu choisir ce moment pour s’éclipser, pour agir comme la garce qu’elle était. Elle n’en fit rien. Ce serait malvenu de quitter une fête qui commence à peine. Elle aura bien le temps de déguerpir plus tard et de se faire oublier. Chaque chose en son temps.


Running when we hit ‘em
Lethal poison through their system


    Aux alentours, les yeux vides ou avides, ça suivait ou pas la castagne. Un peu d’action était la bienvenue visiblement. Faut dire, jusqu’ici, c’était pas la joie dans le coin. Mais la blonde n’a pas le temps de s’occuper de tout ça. Pendant que les pirates se mangent une table et l’autre type, Louise saisit une choppe vide qui trainait par là. Elle la soupesa et, satisfaite, l'envoya voler dans la tête d’un de ses adversaires. Avec un certain plaisir, elle vit l’objet éclater le nez et quelques dents au gars. C’est ce qu’on appelait faire mouche. Par contre, le mec sembla pas apprécier la beauté du geste… Avec un grognement bestial et quelques propos très imagés, il se rua sur la « putain de salope » qui lui avait gracieusement offert un verre.



Some some some I some I murder
Some I some I let go


    Avec une grimace, Louise vit le pirate se jeter sur elle. Celui-là, ce serait pas de la tarte de s’en débarrasser et elle n’avait pas le luxe de se jeter dans le tas comme l’autre type. Aussi, à l’image d’un toreador, elle ne bougea qu’à l’ultime instant, admirant la manière dont les bras de son adversaire se refermèrent sur le vide. Elle se permit même un petit soupir désabusé devant son air hagard. Le temps qu’il réalise que la jeune femme était plus petite et rapide que lui, elle s’était déjà coulée dans son dos pour lui coller un magistral coup de pied au cul qui lui fait perdre l’équilibre. Bon, la flaque de rhum au sol et la chaise qui trainait sur le chemin ont bien aidé, mais c’est le résultat qui compte. Le colosse était à terre et sans lui laisser le temps de se reprendre, Louise lui assena un coup sec derrière la nuque à l’aide de la même chaise sur laquelle il avait trébuché.

    « Tu bouges pas, Poupée. »

    Et merde. Sans mal, Louise identifia la voix et la sensation froide entre ses omoplates : le capitaine pirate de tout à l’heure la menaçait à coup de flingue dans le dos. Lâche.

    « File-moi mon fric. »

    Les mains en l’air, la blonde se retourna.

    « Ton fric ? »

    La chasseuse de prime agita doucement son sac où se trouvait le bien désiré. Une lueur de convoitise s’alluma dans le regard du pirate et il tendit avidement la main pour se saisir de l’objet. Avec un sourire, Louise, lanière solidement enroulée autour de la main, fit mine d’envoyer le sac au loin. Malgré lui, le pirate suivit des yeux le trajet de la sacoche. Fatal Error. Profitant de la distraction, la blonde envoya son poing dans le visage du pirate et s’écarta rapidement pour rejoindre son « partenaire » à quelques pas de là. Elle ne tenait pas à affronter seule les hommes de main de l’autre lourdaud.
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L’bal reprend. La valse jveux dire. Valse tribale, comme en dansent les sauvages sur les îles pas civilisées. Ouais, l’homme red’vient homme dans une baston. Perd sa culture. S’il en a jamais eu une.

J’ai la tête dure, l’premier sur qui jfonce s’effondre après un craqu’ment sonore d’cage thoracique. Pourra plus respirer comme avant. S’y survit. Tahar mon canard, t’es d’venu trop puissant. T’peux plus t’amuser comme avant avec les gars normaux. Pas l’temps d’avoir trop d’scrupules, Tête de pioche à côté s’prend une chopine dans la caboche, fonce sur la catin qui la lui a envoyée. Jnote qu’elle s’est pas barrée. Besoin d’moi à c’point ? Ou alors c’mon charisme naturel ? Hin. Pas l’temps non plus pour l’self-kiffage : l’copain à Tête de pioche veut l’venger. M’prend pour cible. Tesson dans la paluche, m’approche comme s’y savait s’battre. L’baron m’passe sous l’nez, direction la garce. D’solé poupée mais va falloir qu’tu survives seule deux ptites secondes, ton sauveur est occupé.

Occupé pas longtemps. Glandu sait c’qu’y fait mais l’fait pas si bien qu’y devrait. Bouge vite pour son poids, m’arrache même deux pouces d’peau avec son bout d’verre brisé. La faute au tafia qu’j’ai dans l’sang sûrement. Bu trop vite, v’là l'résultat. Suis un poil trop lent. Mais. L’bras gauche c’pas mon préféré, alors jgrogne mais jsurvis. Lui par contre… Jme déporte pendant qu’y m’grafigne. Et avec la palme droite, j’l’envoie dire bonjour à un pilier en bois qui traînait par là. Font connaissance. Doivent bien s’aimer, s’écroulent dans les bras l’un d’l’autre. Belle scène, émouvante. J’aurais presqu’ la larme à l’œil, dis. Ca jette un froid, y a plus un truand à deux tables à la ronde. Y a plus d’table non plus. L’impression d’être en forêt, dans une clairière. Jmire autour pour choisir la suite.

Y en a un autre qu’l’a, la larme à l’œil. L’chef bandit avec son chapeau d’con et sa bagouse moche. Fin là l’en a plus, d’galurin. L’truc a volé en même temps qu’sa ratiche. Jolie droite qu’elle a, Blondie.

Seulement v’là, parfois tu tapes fort mais ça suffit pas. M’sieur l’branque joue avec son râtelier comme pour l’remettre d’aplomb. Pis nous braque avec son calibre. Jdis nous. Au lieu d’le finir avec son cure-dents la chérie a préféré m’rejoindre. Tu m’le laisses ? C’gentil ma belle, mais j’ai beau être overfort l’plomb j’digère toujours pas bien. Estomac fragile, qu’ont dit les docs. Elle passe carrément derrière, m’laisse gérer. Jdis rien, ça fait partie du deal. C’pas comme si j’étais surpris non plus, r’marque. Jsais bien comme ça s’travaille une mignonne. D’puis l’temps qu’j’en croise.

C’pas ta peau qu’je veux, dégage.

Qu’me dit l’fouineux. L’public nous r’garde, m’laisse répondre. Faut dire qu’ça fige, un pistol. Un peu comme si j’sortais l’Narnak. Tiens, jpourrais l’sortir d’ailleurs. M’frais moins chier pour finir c’débat.

Meh. L’déranger pour une bataille d’taverne ? Pis quoi encore.

Ca tombe bien tu l’auras pas.

Pendant qu’jmoque, jpense. Multitâche, ouais. L’a qu’un coup dans sa pétoire. Ca s’évite facile un coup. L’problème c’est la gueuse derrière. Si j’attaque sur l’côté, s’ra offerte. S’ra morte avant qu’je touche. Compter sur ses réflexes ? Jpourrais.

Mais c’comme pour le Kan : j’le sens pas complet. Alors on passe en couillu style. J’m’avance tout droit, pas d’fioriture, en l’fixant dans les yeux. Un r’gard de chien. A la couleur près, jdois avoir le même. Dix pas à faire à la base, plus qu’huit. L’temps qu'y réalise, ça fait sept. A six, jfais une pause, manière d’le sonder encore. J’prends ma mauvaise face, lui laisse l’temps d’s’impressionner tout seul en m’matant. Y en a qu’appellent ça l’esprit combatif, moi jparle de charisme. L’essaie d’résister. Cinq, quatre. Y s’crispe. Va tirer. Au moins par réflexe. Mais jsuis trop près maint’nant. En un saut jsuis à distance d’bras. D’mon gauche qui saigne, jlui chope le poignet, l’fais tirer au plafond. Bam, poussière qui tombe et patron qui geint d’rrière son comptoir. Pis du droit qu’est toujours en forme, jlui r’fais un pharynx. Et pendant qu’y cherche à tousser sans pouvoir vraiment, jle balance à la donzelle là-bas.

V’là chérie. Son blé, ta solution au problème.

Et mon plaisir après. On verra ça. T’jours en la r’gardant, jvais récup’ ma pélerine sur la chaise que personne a osé toucher. Braves gens, vot’ respect pour la chose d’autrui m’fait chaud au cœur. Et en l’enfilant. La pélerine. Et en l’enfilant, jzyeute quel choix elle fait. Bonne coquine ou coquine salope ?


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Jeu 2 Fév 2012 - 19:53, édité 1 fois
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    PAN.

    Coup de feu. Poussière.

    Les minuscules particules vinrent chatouiller les narines de Louise. Avec un froncement de nez, elle réprima un éternuement et reporta son attention sur la scène. L’improvisation de son sauveur tout aussi improvisé la fit sourire. Il se débrouillait aussi bien qu’elle avait pu l’escompter en l’abordant. Pour une fois, la chance était de son côté. Même si, dans le fond, contre des ivrognes de pirate, guère besoin d’autre chose que d’un peu d’astuce. En d’autres circonstances, elle aurait privilégié la disparition à la manière forte. Toujours est-il que la bagarre de taverne touchait à sa fin et les pirates ne faisaient plus les fiers. Tout comme les clients qui, contraints ou prudents, avaient préféré s’éloigner tant qu’ils pouvaient du centre de l’affrontement. La chasseuse de prime ne leur accorda aucune attention, concentrée sur la silhouette apeurée et groggy qui glissait jusqu’à elle.

    « Merci. » Un sourire faussement aimable gratifia son partenaire du jour pour sa délicate intention.

    La blonde s’accroupit ensuite, se mettant au niveau du capitaine pirate. A moitié assommé, son humeur belliqueuse semblait envolée. Louise en profita pour récupérer l’arme déchargée qu’il avait toujours au poing. Elle l’examina une seconde puis, voyant que l’homme commençait à reprendre du poil de la bête, elle alla s’assoir nonchalamment sur son dos, empêchant le pirate de retrouver son souffle. Elle s’accorda même le luxe de grimacer en sentant un os craquer sous elle.

    « A ta place, je ne bougerais pas. »

    Un gémissement lui répondit alors qu’elle fouillait avec une lenteur méthodique dans son sac. Elle sentait sous elle la respiration irrégulière de l’homme. N’éprouvant aucune pitié, elle continua son manège en retirant une balle qu’elle plaça dans le chargeur du six coups qu’elle avait ‘emprunté’. Près de l’oreille du capitaine, elle fit rouler le barillet et reprit la parole.

    « J’ai toujours été tentée par la roulette russe. »

    Elle se releva et fit rouler le corps du pirate sur le dos. Ignorant les jérémiades qui essayaient vainement de sortir de sa bouche, elle pointa le canon de l’arme sur son front. Doucement, elle fit basculer le chien et, après quelques secondes qui parurent interminables au pirate, elle pressa la détente.

    « Pan ! »

    Le cri de terreur de l’homme fut couvert par le rire satisfait de la jeune femme.

    « Je garde ce jouet en compensation. J’espère qu’on pourra à nouveau faire affaire. »

    Echec et mat. La partie avait été mouvementée, mais comme à son habitude, elle en avait maitrisé tous les pions. Son jeu terminé, la blonde se releva pour rejoindre son partenaire. Si elle l’avait fait attendre, il avait su trouver la compagnie d’une choppe d’un alcool quelconque. Pas du genre à se laisser dépérir le brave homme.

    « On en était où ? »

    Ramassant un tabouret, elle s’installa en face de son futur associé et commanda un nouveau verre, le sien ayant été depuis longtemps perdu dans les dommages collatéraux de la bagarre. Finalement, il y avait de l’animation dans le cimetière d’épave. Fallait juste savoir à qui s’adresser pour tuer l’ennui.
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On en était qu’tu m’dois des faveurs, chérie.

Tes faveurs. J’aime bien être lourd. Insister. Rentrer dans les clichés. Rentrer pas que dans les clichés. Hinhin. T’as vu ? J’l’ai refait. Mais y a pas qu’ça comme déjà-vu en c’moment. Par exemple, nous r’vlà case départ avec la poupée. Elle, moi, assis face à face, une bouteille entre les deux. Dans ma main c’te fois, faut pas déconner. Pas d’table mais c’est un détail. Et l’monde autour que d’un coup on s’en fout.

Et qu’à la base tu d’vais vouloir aut’ chose.

Les filles comme ça veulent toujours aut’ chose. Pendant qu’elle me dit rien j’la scrute. Elle me scrute aussi. J’la mate. Jdoute qu’elle fasse pareil. Avec son r’gard de chienne. Chienne perdue sans laisse. Coquine. Coquine salope, pour répondre. Son ptit numéro d'barillet a pas dû servir à grand-chose. Vu l’état dans l’quel j’avais lancé l’bonhomme. Dix contre un qu’y passe pas la nuit. Qu’y r’nonce à respirer. Douloureux la gorge écrasée, y paraît. Sale. Mortel. Une bonne coquine l’aurait achevé.

Et j’la tête. La boutanche. Et non j’propose pas. Vu c’qui reste ce s’rait mesquin. Ah.

C’est dans son œil. Y a eu un sursaut. Elle a décidé. Va ouvrir la baveuse. L’ouvre. Entame un mot.


Pis rien. La suite, encore reportée. Le reste, dans ma gueule. Dans ma nuque. J’encaisse. Pas très bien. Galipette vers l’avant et pieds dans la gueule à la donzelle avant d’finir allongé sur elle. Sorry angel, jpensais faire ça avec plus d’intimité. Jpeux m’en prendre qu’à moi-même. J’ai tourné l’dos à la porte. Et faut pas. L’monde autour qu’nous on s’en foutait, y en a d’dans qui s’en foutaient pas. D’nous. Qu’sont allés chercher du monde. Ou bien qu’étaient du monde. Bref, ils sont là. Des putains d’marins. Des putains d’vrais marins en service actif. Y en a un qui gueule.

Personne ne bouge ! Marine mondiale !

Et ’videmment, tout l’monde bouge. La marine ici ? Ces connards sont pas censés poser une botte par ici à l’année. Putain d’guigne, pas ma tournée. C’ui qu’a gueulé l’a fait en m’foutant le talon sur l’cul. Toujours affalé sur la gueuse, j’l’imagine avant de m’retourner pour le voir et lui péter les dents. Mince, blond, jeune. Con et procédurier. Honnête. Echoué dans un coin où il aurait pas dû. Paumé.

J’me suis pas planté. Tout dans la voix, rien dans l’physique. Mauvais mélange, ça veut dire inflexible. Mauvais mélange pour lui. Un ptit coup d’abdos et l’v’là chuté. Inversion des rôles. L’chef à terre, l’méchant quillé. Ca la fout mal. Pendant qu’la miss s’relève, à mon tour d’foutre les poings sur les i au naïf. Ouais, t’as bien compté. Y en a deux des points sur le i d’naïf. Double-ration pour lui. Ses six pelés d’hommes me r’gardent. Se r’gardent. S’rappellent c’qu’à dû leur dire leur chef.

C’qu’a dû dire à leur chef la pute qui dans l’assistance m’a r’connu bien qu’on soit sur South et qu’jm’étais jusqu’alors jamais illustré dans l’coin. Un branque à dix millions. J’les entends penser. Ca les vaut ou ça les vaut pas ? C’ui sur la droite a l’air d’penser qu’ça les vaut. Mauvaise pioche, j’les valais pas. A peine y s’est avancé qu’y s’est r’culé. Sa crosse dans l’bide jusqu’à l’os. Si tu connais ton anat’ tu t’seras rappelé qu’le seul os du bide c’est la colonne verté. Et donc il a eu mal.

Réflexe grégaire ensuite. Instinct d’groupe. Formés à la naissance, qu’elle est, la bleusaille : si y a danger, vous mettez g’noux à terre et en joue. Je l’sais, j’l’ai été aussi. Formé. Et donc me v’là. Dans l’dos, une colombe qui m’doit des explications. Entre autres. Devant, trois œils d’acier qui m’veulent du bien. J’viens d’éviter l’plomb d’l’autre crevure. Qu’est toujours à terre, d’ailleurs. Mais un soldat ça tire mieux. M’auront à quatre contre un. A moins que.


Ils m’ont pas eu. Encore une valse et j’tais rev’nu derrière elle. Déjà-vu, quinzième. D’venue otage, jsais pas si elle leur a fait un sourire ou une gueule d’otage effrayée, mais z’ont pas tiré. Pis après j’l’ai traversé. Le mur. Tahar subtil. Avec elle. Dans les bras. J’aime pas les impayés. Alors jtrimballe mes débiteurs dans ma valise jusqu’à c’qu’y crachent. Et elle a pas encore craché.

Ca gueule derrière. Blondin a dû s’rel’ver. Et Blondie dans mes bras s’énerve. Jréfléchis. Et jtrouve. Marins en expédition dans une zone de non-droit égale navire en pas trop sale état pas loin. Reste plus qu’à… Ah.

Trouvé.


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 12 Mar 2012 - 14:44, édité 1 fois
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    Jeune, blonde, prise en otage par un vilain et cruel pirate… C’est qu’elle a tout de la jouvencelle en détresse notre Louise ! Tout sauf la crédibilité. Faut dire aussi, vous imaginez le valeureux héros sauver une princesse jurant comme un charretier et promettant au méchant de lui crever les yeux et de les lui faire bouffer ? Tout de suite moins féérique, le conte, hein ? D’un autre côté, on pouvait pas non plus dire que la subtilité avait été le thème de la journée. Le prince n’était pas charmant, la princesse pas démunie et à la fin, ils se contenteraient pas d’un bisou sur la joue pour fêter la réussite de leurs aventures. Y’avait une version un peu moins chaste et un peu plus censurée au programme. Mais on n’en était pas encore là. ‘fin si, mais non. C’était bien parti, puis des marines avaient voulu se joindre à la fête. Genre y’a des marines au Cimetière d’épave. C’était bien leur veine !

    « Putain… »

    Et avec tout ça, la blonde n’avait même pas eu le temps de parler affaires avec son compagnon d’infortune. C’était trop demander de trouver une solution pour se tirer de ce bled pourri ? Pas qu’elle en avait marre d’affronter tous les mecs armés du coin, mais un peu quand même. Ah ! Quoique… Mais le vilain pirate ne vient-il pas se mettre devant elle pour lui offrir un rempart de son corps ? Quelle amabilité, mon bon. Un vrai gentlema… Connard. Pas le temps de réagir que la blonde passe au statut d’otage. Ravalant sa colère pour éviter le pire, elle se compose instantanément un visage effrayé et suppliant. Pour un peu, elle aurait versé une larme pour apitoyer les marines et les empêcher de tirer. S’ils la prenaient pour la complice de son tortionnaire du moment, elle risquait de servir de passoire pour les monstres marins. Niveau plan de carrière, on peut rêver mieux…

    La suite, Louise ne la vit pas trop passer. Une seconde elle jouait la demoiselle en détresse, l’instant d’après elle était ballotée entre les bras du pirate qui la trimballait elle ne savait où, comme si elle était un simple objet. Pour elle qui était légèrement obsédée par le contrôle de son environnement, la situation était plus qu’inconfortable et elle se mit rapidement à râler. Par râler, vous pouvez comprendre qu’elle l’a insulté et menacé d’une manière plutôt imagée et haute en couleur. Puis soudain, miracle ! Le pirate s’arrêta, regard fixé vers l’océan et – re-miracle – un bateau marine ! En voilà une jolie porte de sortie pour ce trou perdu. Finalement, ça valait bien une petite balade et quelques marines aux trousses, non ? Manquait plus qu’une idée de génie pour rallier le navire. Ou une barque. Comme celle juste là, devant. La blonde n’est pas la seule à l’avoir remarquée. En effet, avant qu’elle puisse faire une remarque, son porteur attitré gagnait déjà le petit habitacle et hop, voilà nos deux aventuriers en mer, au nez et à la barbe des marines ! Sauvés ? Pas encore. Pour éviter de servir à nouveau de bouclier, Louise eut tôt fait de se caler à l’autre bout de la barque, se baissant au maximum pour éviter les tirs des marines. Les fusils, c’pratique mine de rien. Que son ‘sauveteur’ soit touché ou non, elle s’en moquait, au pire elle se ferait recueillir par les marines, mais la blonde n’avait aucune envie de devenir elle-même une cible pour les soldats. Tout ce qu’elle demandait était de se tirer d’ici ; le moyen lui importait peu.

    « Dès qu’on se serra barré de ce cimetière, j’aurais eu ce que je voulais. Ce fut un plaisir de t’avoir en guise de chevalier servant. »

    Inutile, je suppose, d’insister sur l’ironie de la dernière remarque.

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Ca claque. Les tirs. Ca résonne aussi. La faute à la flotte qui tombe du ciel. Et à la flotte qu’on rame dessus. Que je rame. Profiteuse née, la donzelle m’laisse faire. M’laisse faire encore, m’laisse faire toujours. Grognasse, t’vas voir ta mise t’à l’heure. Bientôt. J’rame vite. La canarde m’motive faut dire, j’ai pas encore trouvé l’moyen d’bien bloquer les balles. Les ptites billes de plomb nous volent autour, butent les mouches. Les stiques et les aut’ bêtes marines. Mais pas nous. Nous on est bons. Moi jsuis bon. Alors on s’casse tranquilles. Arrive un moment où on est trop loin pour les mousquetaires, où jsifflote. Ca fait ballade d’amoureux. Elle, moi. La mer. La barque. Romantiques.

Sur la côte les marins s’sentent cons. Vont passer une mauvaise quinzaine d’ici qu’on vienne les r’pêcher. Si on vient. On viendra pas. Plus qu’à r’tourner vos vestes les gars.


Chevalier servant hein ? Et quand on s’ra en route vraiment, elle aura b’soin d’moi pour barrer l’navire ou elle m’poignard’ra dans l’dos, façon veuve noire ? Nan, pas veuve noire. C’est un sac d’os, mignon petit sac d’os, mais elle a pas une gueule d’araignée. Disons mante religieuse. ’l’a l’côté diaphane des insectes. Elle croit qu’j’ai pas compris son manège ? Qu’jsuis un gland fini ? Vrai qu’jpourrais. Etre un gland. J’ai l’physique. Un peu. Mais non. Jsuis moi. Jsuis Tahar. Tahar Tahgel. Et on m’baise pas comme ça. C’moi qui baise. D’ailleurs…

Attentive Poupée, y en a bien un ou deux pour êt’ restés.

On arrive à quai. A flanc d’navire. Bruit d’bois contre bois. Un navire bizarre. Jfais l’tour pour repérer une échelle d’corde. Avec des ch’minées et une voile. Ah, trouvée. Déjà vu des steamers dans ma jeunesse, mais ça r’ssemble pas à un steamer. Silence total, oreilles aux aguets. Jgrimpe, r’nifle. Ca sent l’homme, mais jsais pas où. C’pas un grand vaisseau, doivent être pas loin.

Sont pas loin. A peine jme r’tourne pour balancer une corde à la jeunotte avec laquelle attacher la barque, on m’bondit dans l’dos, lame au clair. Y s’passe c’qui doit s’passer. Mes aventures s’terminent pas là. Celle du bon diable en r’vanche. Ben. Boum, y s’écrase aux pieds d’la belle. Dans la barque. Nuqué. Elle grimpe à son tour, s’occupe du dernier survivant qui voulait pas. M’regarde. Ben quoi, t’as pas l’droit d’buter du bleusaillon chérie ? T’inquiète, personne le saura. Ca veut dire qu’t’es une gentille ? Une officielle ? Pfeuah. Jme fais une idée. Une idée qu’j’aime bien. Urbaine.

Pis on s’met en branle. Si j’ose dire.

J’ose.

Ca dure pas si longtemps. L’temps qu’y faut à un huissier pour recouvrer une créance. Du bon temps, pas perdu. Pied pris et dettes effacées. On est quittes et on s’le dit. On s’quitte aussi. Mais ça on s’le dit pas. J’lui dis. Unilatérale la décision. Ca gémit, ça geint. Ca feule. Pour un peu ça griff’rait, jsuis sûr. ’reus’ment j’ai prévu l’coup. Direct après l’acte. Veuf noir style, héhé. Suis content d’moi en la r’gardant en bas dans l’canot. Droite comme un i avec un seul point. A côté du macchab’ resté là. L’a pas l’air d’s’être fait mal en atterrissant pourtant, pourquoi donc qu’elle fait la gueule ?

Ben. D’quoi tu t’plains Chérie ? On est barrés du cim'tière, t’as d’la compagnie. T’as tout. Nan ?

On dirait pas. Elle tire une tronche, putain. Détends-toi, maraude. Allez. C’plus prudent, not’ relation aurait pas t’nu l’long terme. Pis tu l’sais bien en plus. On est des chiens tous les deux. T’as pas l’air d’avoir r’mis ma bouille, mais ça t’viendra. Et si ça t’était v’nu pendant qu’on était en lune d’miel, ça aurait viré au divorce sanglant. Tu l’sais. C’mieux comme ça, ouais. Tu comprendras plus tard. Et tu m’diras merci. Ou pas, mais.

J’lui susurre tout ça. En tranchant l’amarre. Détaché. Détachée aussi. La chaloupe. Les adieux sont déchirants. Surtout pour elle. Elle dégoise un truc mais j’entends pas, jvois qu’ses lèvres qui bougent, qu’son masque qui s’déforme. Tant mieux, jsuis un sentimental, ça m’aurait r’tourné l’grand sensible, probabl’ment. Si j’avais ouï sa plainte. J’aurais pas su masquer mes émotions. C’aurait été pire. Ptet.

Mon navire continue son b’nhomme de ch’min. J’la r’garde s’éloigner. Ptite chose blonde sans nom. J’aurais pu lui d’mander. Dû ? Boarf. Echange d’civilités, pourquoi faire ? Y vase sec. Ca lui donne un air chétif, tout frêle. J’me fais violence pis l’image s’en va.


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    Les imprécations de Louise n’étaient pas belles à entendre. Seule sur sa barque, alors que le bateau de la marine s’éloignait, elle pestait encore contre le pirate qui l’avait larguée là. Salaud ! La blonde s’était attendue à ce qu’il tente un coup dans ce genre là, mais pas aussi rapidement. Elle s’était faite avoir comme une bleue. Putain de pirate. Et putain de fruit ! Si elle avait été capable de nager…

    « Connard ! »

    Le cri se perdit dans les flots. Rageuse, la blonde donna un coup de pied dans le cadavre du marine à ses pieds et fit un bras d’honneur au pirate qui la regardait s’éloigner. S’il ne pouvait pas l’entendre, au moins, il l’aurait vu celui-là ! Enfoiré ! Raclure ! Bon sang, quelle merde !

    « Si je te retrouve, je te jure que… Oh et puis merde ! »

    Réalisant que ses cris étaient vains, Louise se laissa tomber dans sa barque en ruminant. Si elle croisait à nouveau le chemin du pirate, elle se ferait un plaisir de lui faire la peau ! Elle ne supportait pas l’idée d’avoir été abusée. Elle était la manipulatrice, la reine, celle qui empoisonnait ses proies pour en tirer profit ; elle n’était pas celle qui se faisait avoir comme la dernière des idiotes. Putain ! Et elle ne savait même pas où elle était dans ce foutu océan. Le cimetière d’épave était encore en vue, mais hors de question d’y retourner. Devait-elle ramer ? L’idée lui tira un nouveau juron. Elle allait crever au milieu de la flotte avant même de pouvoir atteindre la prochaine île. Et c’était pas son nouvel ami le cadavre qui allait l’aider. Elle était belle la marine, tiens ! Vachement efficace les soldats.

    « Fais chier. »

    Râlant toujours, comme si ça allait résoudre ses emmerdes, la blonde attrapa les rames et entreprit de s’éloigner du cimetière. Elle allait bien croiser un bateau dans les prochaines heures, non ?

    ***

    Deux jours plus tard

    Sous le soleil brûlant de South Blue, Louise sentait poindre l’insolation. Elle avait récupéré la casquette et les fringues de son pote le cadavre avant de le couler par le fond, mais cela ne l’avait pas avancée à grand-chose et son dos était marqué par les coups de soleil alors que ses mains étaient écorchées par les rames. Elle était pas du genre à minauder sous prétexte qu’elle était une faible femme, mais là… elle était à bout de force, déshydratée et elle avait la dalle. Pourquoi était-elle dans le seul coin de South Blue où aucun navire ne passait ? Le Destin lui en voulait-il à ce point ? Elle n’avait même pas le courage d’y réfléchir. Découragée, elle fixa le ciel désespérément bleu avant de se laisser emporter par le sommeil ou l’inconscience. Dans son état, elle ne savait plus trop. Con de pirate.

    ***

    Le soir

    « Mademoiselle ? Mademoiselle, vous allez bien ? »

    Une voix masculine et inquiète résonna dans les oreilles de la blonde alors qu’elle sentait la fraicheur agréable de l’eau dans sa bouche. Hagarde, elle ouvrit les yeux pour voir une haute silhouette vêtue de blanc penché au-dessus d’elle.

    « Je suis où ? »
    « Sur un bateau de la marine, nous vous avons trouvé tout à l’heure, en train de dériver en plein soleil. »

    Ah ouais… Le soleil, les deux jours, la soif… Louise se souvint. Se redressant péniblement, elle remarqua que ses mains avaient été pansées et que l’homme qui lui parlait tenait une gourde à la main. Ignorant les nouvelles interrogations, elle tendit la main vers la boisson et s’abreuva comme si elle n’avait pas bu depuis une éternité. Elle était sauvée.
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