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[FB 1622] La planque infernale

Le temps était couvert au-dessus du petit navire qui venait de jeter l'ancre, mais beaucoup plus loin dans les terres, le soleil dispensait largement ses rayons. Le genre de temps qui vous laisse une impression étrange... Depuis le rivage, des plaines verdoyantes parcourues par quelques ruminants s'étendaient à perte de vue jusque l'endroit où le soleil traversait les nuages, ouvrant la voie vers une forêt étrangement sombre. Bien loin à l'est, non loin de la côte, un petit village d'une dizaine de maisons se dressait, seul au milieu de nulle part. Kyoshi n'avait encore jamais vu d'île aussi paisible et sauvage à la fois. Un endroit parfait pour une retraite loin des contraintes du monde civilisé pensait-il.

La petite crique dans laquelle se trouvait le bateau révolutionnaire, l'Étranger, était parfaite pour rester discret. De part et d'autres, l'île s'élevait en collines de quelques dizaines de mètres de haut, cachant l'intérieur aux bateaux passant au large de l'île. La mer restait calme, et personne ne se souciait de l'île de Karuga.

La petite troupe de six révolutionnaires se mit en marche en suivant le capitaine qui semblait savoir où il se dirigeait bien que, selon Kyoshi, ça ressemblait plus à une balade au milieu des prés pour se rendre au milieu d'autres prés. Une balade des plus pénibles entre le type nommé Arthur et Homme. Le premier racontait des blagues sans finesse à tout le monde sur les manchots et sur les handicapés en riant avec le capitaine, tandis que le deuxième tentait, semble-t-il, de jouer avec ses propres pieds, trébuchant tous les dix mètres dans une danse qui faisait peine à voir. Les deux autres compagnons semblaient plutôt normaux, propres sur eux, l'un avec des petites lunettes, une chemise à carreaux rentrée dans son pantalon et un crayon derrière l'oreille, et l'autre plus classique en apparence, mais plongé dans un bouquin qui semblait traiter de Biologie. Malgré leur apparence familière au physicien, il n'avait aucune envie d'aller leur parler en ce moment. Le baby-sitting de Homme durant le voyage avait épuisé son énergie et il ne voulait pas se retrouver à nouveau face aux classiques regards interrogateurs dirigés vers son poing.

Heureusement, le capitaine s'arrêta après une vingtaine de minutes, au milieu de nulle part. Kyoshi observa autour de lui ce lieu qui semblait en première apparence comme tous les autres. Cependant, en y regardant de plus près, l'endroit était situé dans une cuvette, au milieu de plusieurs collines, à l'abri des regards. Ensuite, deux autres détails marquaient le lieu. D'abord, le sol semblait étrangement régulier, comme une belle pelouse aménagée. On ne posait plus les pieds dans des ornières à chaque pas, se demandant si on allait se fouler la cheville ou si la chance allait durer. Ensuite, les herbes elles-mêmes paraissaient étrange sur une petite superficie à côté du capitaine. On remarquait une subtile discontinuité le long d'un carré d'environ 60 cm de côté.

- Bon alors, les quatre qui sont jamais v'nus ici, vous savez déjà tout l'tuin tuin sur la discrétion, j'vous l'passe donc. Ici, vous serez parmi vos semblables, sauf toi l'abruti qui m'écoute pas. C'est une base pour les têtes! Allez, on descend, ça se passe par là.

Il se baissa et ouvrit la trappe devinée par Kyoshi. On pouvait voir une échelle mener vers un couloir sombre, environ trois mètres plus bas. Le capitaine et Arthur ne s'embarrassèrent pas de prendre l'échelle, ils sautèrent simplement par l'ouverture et dégagèrent le passage. Ils firent bien puisque, directement à leur suite, intrigué, Homme décida de regarder par la trappe tout en continuant de jouer avec ses pieds, et se planta royalement. Les trois scientifiques fermèrent la marche, et la trappe au passage.

- Bon allez, suivez-moi, j'vais vous montrer vos quartiers et tout... C'est pas la porte d'à côté, donc ne me perdez pas, y'a des couloirs partout et beaucoup ne mènent à rien... Vous pouvez rester perdus des jours entiers. J'suppose que vous avez compris l'intérêt...

En commençant une longue marche dans des couloirs plus ou moins étroits, le capitaine se livra à quelques explications sur la base. Elle avait été créée du temps du légendaire leader de la révolution, Dragon, mais n'avait jamais servi de grosse base malgré le fait qu'elle n'ait jamais été découverte. Les différents leaders qui avaient suivi l'avait jugée trop lointaine par rapport aux grandes îles du secteur, en plus d'être petite et couteuse à aggrandir. Seuls une quinzaine de permanents géraient l'entretien de l'endroit où se trouvaient généralement une quinzaine de scientifiques, mais à ce moment, peu de gens y séjournaient, et seuls six confrères scientifiques rôdaient dans les couloirs.

- Capitaine? Vous savez comment est équipé le lieu? Les labos permettent-ils de donner notre plein potentiel?

- Haha, content qu'tu m'poses la question, l'Empereur! J'y connais rien, donc j'peux pas t'répondre, hahahaa! Tu d'manderas ça aux autres scientifiques.


Kyoshi rumina à l'arrière du groupe, maudissant l'ignorance de cet homme qui se disait responsable de la zone. Après quelques minutes de marche supplémentaires, il commençait à se demander si son sens de l'observation était assez performant pour retrouver son chemin vers la sortie. Les murs de terre et les arches soutenant le tout étaient bien entretenues et partout semblables les unes aux autres. Les torches disposées à chaque coin de couloir ne permettaient pas de distinguer de détails marquants sur les murs.

- Bon, on arrive dans la base à proprement parler, c'est en grande partie sous la forêt, les aérations sont plus discrètes dans les racines qu'en plein milieu d'une prairie. Les quartiers sont là-bas, indiqua-t-il en pointant un couloir face à celui qu'on venait d'emprunter. Les salles communes, les labos, c'est par là. Y'a un p'tit entrepôt avec des matières premières, un forgeron à votre disposition, mais là, il est en mission ailleurs, une cuisine avec un chef coq, et un secrétariat. Vous y trouverez un Den Den Mushi si besoin est, vous demandez à la secrétaire, si elle est pas en train de cuver un tonneau de saké. Hahaa! Bon, j'vous laisse vous débrouiller à partir d'ici et j'retourne à mon bateau. Ah, l'manchot, j'ai failli oublier... T'as pour mission de rendre l'autre apte à servir la révolution. On en attend pas de grandes choses, donc dans six mois, il rejoindra une cellule de la révolution plus... Mmmh... Adaptée aux gens limités intellectuellement. Haha! À la revoyure!

Les yeux écarquillés, Kyoshi resta coi observant les deux hommes repartir dans le tunnel. Après une vingtaine de secondes, il commença à se tourner vers ses deux compagnons d'infortune, pour se rendre compte qu'ils étaient déjà partis, laissant l'Empereur à sa tâche, seul. Homme était déjà en train de s'éloigner en regardant le plafond et en sautant. Le suivant pour le rattraper, Kyoshi avança vers une grande salle qui semblait être une espèce de réfectoire...


Dernière édition par Kyoshi Okabe le Lun 12 Mar 2012 - 19:00, édité 2 fois
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Toute la salle commune était complètement vide à l'exception de Kyoshi et de Homme qui avait commencé à tripatouiller ses oreilles. Le scientifique soupira, rabaissa son chapeau et entreprit d'aller déposer son paquetage et son djembé dans ses quartiers. Il regarda autour de lui. Une salle... Trois couloirs. Ils venaient de celui-là... Le type qui les avait amenés ici avait indiqué une direction pour les quartier, c'était certain, mais Kyoshi n'avait pas fait gaffe, réfléchissant aux flux d'air avec l'extérieur, air vicié à tous les coups, au milieu d'une forêt, cinquante mètres sous terre. Il se disait qu'il faudrait sans doute qu'il jette un coup d'oeil au système d'aération. Mais il avait loupé des informations dans l'aventure!

* Bordel, j'vais déjà me paumer dans ce trou où pas un chat ne semble vivre, nom d'un epsilon! Allez, tentons par là... *

Kyoshi décida de traverser la salle dans la longueur en tirant Homme par la manche. La pièce suivante ressemblait à un réfectoire. Sur l'un des murs, une ouverture avec un volet baissé et une porte barricadée et clouée, placardée d'insignes indiquant un danger de mort et une pancarte avec l'intitulé "cuisine" trahissait la nature de la pièce située derrière. Le cuistot avait l'air un peu paranoïaque... À nouveau, Kyoshi au bout retomba sur deux longs couloirs qui menaient à deux directions opposées. Devant cette nouvelle possibilité, il hésita un peu plus.

Kyoshi observa le couloir sur la droite, toujours très sobre. Enfin, presque sobre... Il ne subsistait certes aucune décoration, aucun accessoire inutile, une seule torche dispensait le minimum de lumière nécessaire. Cependant, alignés le long d'un des murs du couloir se trouvaient quinze petites tables, peut-être vingt. Sur chacune d'elle, un moulin à café, une bouilloire et un sac qui semblait à vue de nez faire 15 kilogrammes pour les plus remplis. Le couloir avait l'air de mener vers un lieu d'intense travail intellectuel, un lieu où assurément les gens avaient un besoin vital d'avoir du café à proximité. Sans doute étaient-ce les laboratoires ou des bureaux, en conclut Kyoshi.

Alors que Homme gambadait sur place, trébuchant à presque chacun de ses petits sauts, le scientifique se dit donc que les quartiers ne devaient pas être de ce côté et s'aventura sur la gauche en tirant toujours l'autre énergumène en le relavant à chaque fois qu'il se plantait.

* Faudra quand même que je trouve au plus vite un moyen de le rendre moins attardé celui-là où on va pouvoir me transférer en chambre aux murs capitonnés et me passer la camisole. *

Ce couloir-là était nu, une simple bifurcation au bout d'une trentaine de mètres où semblait briller une lumière. Alors qu'ils avançaient, deux voix semblèrent émerger. L'une semblait à la fois douce, mais remplie d'insanités et cruauté... Cette dualité intrigante fit presque peur à Kyoshi, et ce n'est pas l'autre voix qui le rassurait: entre les hoquets, elle semblait faussement mélodique, avec des hauts et des bas, des espèces de silences qui ressemblaient à des relents pas très frais. Il y avait des gens complètement saouls dans cette base? Et le sérieux des scientifiques révolutionnaires, qu'en était-il? Cependant, les deux voix perçues étaient clairement attribuables à des femmes. Quelques étoiles apparurent dans les yeux du jeunot et un sourire radieux apparu sur ses lèvres. Il ajusta son chapeau et tourna au coin du couloir.

Devant lui, un petit couloir avec une femme appuyée dans une encadrure dans le mur à droite. Cette femme, assez jeune, la petite trentaine à première vue, avec d'élégants cheveux blancs lisses et bouclés, sous un haut-de-forme. Une femme à chapeau devait être une femme de goût, c'était indéniable. Quelques éléments perturbèrent un instant Kyoshi. Un vieux gadget en métal tout rouillé sur le haut-de-forme semblait n'avoir rien à faire là, et il était impossible de dire à quoi cela pouvait bien servir. Cependant, le plus perturbant était le fait que les yeux de la femme n'étaient pas visible sous le chapeau et qu'un monocle semblait faire prendre vie à un oeil qui gigotait dans tous les sens. Pour le reste, la femme qui se trouvait là avait l'air plutôt normale, avec une vieille robe brune et terne assortie à son chapeau. Bon, c'est vrai que le tout faisait un peu vieillot, mais quelque chose se dégageait de cette femme. Elle n'avait pas remarqué l'arrivant, focalisée sur sa discussion vive avec l'autre femme que Kyoshi n'apercevait pas encore.

- Je te dis qu'il me faut absolument ces vis et ces engrenages! Depuis quand la chef doit-elle commander ce dont elle a besoin? MOUAHAHAHA! Sois gentille, s'il te plaît... JE VAIS T'ÉGORGER SI TU CONTINUES!

L'homme regarda d'un drôle d'oeil celle qui venait d'alterner une voie douce et sibylline avec une voix puissante et rauque en trois phrases et un rire. L'image de son oeil tournait de plus en plus vite dans son monocle. Elle frappa énergiquement du poing sur bureau devant elle, puis se décontracta aussi soudainement qu'elle s'était emportée et récupéra des traits angéliques.

L'homme regarda d'un drôle d'oeil celle qui venait d'alterner une voie douce et sibylline avec une voix puissante et rauque en trois phrases et un rire. L'image de son oeil tournait de plus en plus vite dans son monocle. Elle frappa énergiquement du poing sur bureau devant elle, puis se décontracta aussi soudainement qu'elle s'était emportée et récupéra des traits angéliques.

- Héhéhé ma jolie, crois pas qu'parc'que... Hips! parc'que t'es jolie ou chef, tu v.... Tu vas avoir droit à ce qu'tu veux! Hahahaha! Cent ans, mam'selle! Cent ans que... Hip! j'suis là! Où cinquante, jeuuu sais plus! Héhé!

Kyoshi s'avança doucement pour observer celle qui venait de parler. Assurément une vieille bique... Mais une vieille bique visiblement ivre. La vieille dame à moitié dénudée était affalée sur un tonneau géant d'où sortait un tuyau que la vieille mâchonnait, aspirant un liquide qui était indubitablement un alcool quelconque. La vision de ses bras nus, faits de chair tout flasque et pendouillante, était presque aussi dégoutante que la vision de ses bourrelets tout fripés par la vieillesse. L'homme au chapeau retint un haut-le-coeur. Il lâcha le bras de Homme et leva sa main droite légèrement plus haut que l'épaule, timidement, et demanda à la jeune femme:

- Ex... Excusez-moi, mad... Mademoiselle?

SBAF!

Le vague souvenir d'une grande baffe... Un léger picotement dans la jouer... Un voile blanc devant les yeux... Plus rien.
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Cloué au sol par un somnifère léger, Kyoshi n'entendait rien de ce qui se disait au-dessus de lui. La jolie demoiselle venait de la baffer violemment sans raison apparente et se tenait maintenant les bras croisés face à Homme et adressa un regard haineux au scientifique impuissant.

- Héhéhée! Faut pas m'chercher! Enflure d'intru!

Elle sembla enfin remarquer l'olibrius en retrait. Elle changea complètement de ton et s'adressa à lui d'un ton mielleux.

- Oh monsieur, pardonnez mon impolitesse, je ne vous avais pas vu. Vous devez être l'un des nouveaux recrutés... Bienvenue mon brâve! Bienvenue dans mon humble, base. Je suis Hiroko Lifchitz. Vous vous appelez?

Homme la regarda d'un air bête, arrêtant un instant de jouer avec ses oreilles pendant un intense effort de réflexion. Après près de trente secondes, il répondit enfin.

- Euuuh.. Homme! C'est comme ça! Ouiiiiii...

Hiroko, aussi étrange soit-elle, perçut quelque chose derrière ces yeux vides, derrière cette réponse vide de sens, cette langue tirée au coin des lèvres. Et le déclic se fit enfin. Enfin parce que, franchement, c'était quand même plutôt évident que si l'un des deux devait être un scientifique, ça ne devait pas être celui-là. Et puis pourquoi le type au chapeau bizarre lui aurait-il parlé poliment?

- Mon dieu-en-lequel-je-n'crois-pas... Je pense que j'ai fait une grosse erreur! Aide-moi Fernande, s'il te plaît. Il faut ranimer le malheureux. HAHAHA! Ce tranquillisant dans un aiguillon dans la paume de la main: discret et efficace. Dommage que je n'puisse pas mettre plusieurs doses. Hahaha!

Elle s'agenouilla près de Kyoshi pendant que la secrétaire restait derrière son pupitre en dénouant le long tuyau qui s'était emmêlé. Quelques longues baffes violentes plus tard, le scientifique était sur pied avec les joues entre le rouge et le bleu. Confus, il tenta de chercher le regard de la demoiselle qui fondit en excuses après s'être présentée. L'homme ne trouva qu'un oeil fou pour le dévisager. Mal à l'aise, il passa tous les autres détails du visage de cette étrange femme. Elle était quand même très jolie, malgré son air un peu flippant... Et puis ça devait pas être grave si elle l'avait giflé au point qu'il s'évanouisse... Si?

- Ma... Mademoiselle, si vous me le per... Permettez, je... Je vais rendre homm... Hommage à votre beauté en chantant.

- CHANSOOOOOOOOON! ON VEUT UNE CHANSOOOOOON! SUR LE VIN, P'TIT GARS! HAHA!

Le charmeur raté eu à peine le temps de décrocher son djembé de son paquetage et d'apercevoir un oeil tourner de plus en plus vite pendant que la bouche d'Hiroko se tordait. Une grande baffe supplémentaire termina de tuer l'entrain et les prétentions de Kyoshi qui se relâcha et baissa les yeux vers sol. Qu'est-ce qui pouvait foirer encore et encore? La demoiselle ne lui avait même pas laissé le temps d'exprimer son amour naissant. Il n'avait eu aucune chance. Qu'avait-il donc de si peu attractif avec les femmes? Le costard, c'était la classe pourtant... Bon, son statut de manchot n'était peut-être pas très reluisant, mais son poing avait quand même la classe, lui aussi. Après que les deux femmes se soient gaussé pendant une bonne minute, le ton d'Hiroko changea à nouveau, elle indiqua avec gentillesse touchante la direction de ses quartiers à Kyoshi.

* Et merde... Nom d'un beta! Où-est passé l'autre analphabète? *

Derrière lui? Non. Homme avait disparu dans le labyrinthe que constituait cette base. Le scientifique embarqua son paquetage et couru dans le couloir jusqu'à l'apercevoir à l'entrée du couloir aux machines à café, plongeant sa main dans les sacs de graines, et enfournant des poignées de grains dans sa bouche avec un sourire de hamster.

* Un jour... Un jour, il sera moins con... J'espère! *
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