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[1620] John qui ?

Vent de nord nord-est, mer calme à peu agitée, ciel clair à peu nuageux, visibilité bonne à moyenne.

La proue fend l’eau, avance, ralentit. Le capitaine donne deux ordres et les amarres sont lancées. Un matelot saute sur le quai, les noue aux bittes les plus proches, puis finalement le bateau accoste modestement. C’est une petite embarcation qui ne fait pas de vagues au milieu des mâts déjà présents. Un, deux, la manœuvre est achevée. Ne reste plus que le tangage que cause la petite houle du bassin. Le cri d’un albatros qui s’éloigne inspirer un poète au large. La passerelle qu’on jette et les passagers qui descendent. Ils sont une dizaine. Un groupe de quatre charpentiers, trois soldats qui reviennent de permission, un couple de retraités en perdition. Et un prêtre déjà perdu.

La traversée a été longue depuis Suna Land alors ils ont appris à se connaître les uns les autres. Même l’homme de foi, au début réticent, a consenti à quelques échanges sans théologie. De ce fait, les au revoirs sont un peu longs, on se confie qui à Dieu, qui à la fortune, et on se souhaite à tous bon vent. Enfin chacun s’en retourne vers son destin propre. Le quatuor dans une auberge, le trio à la caserne, le duo dans un hôtel chic et le solitaire dans l’alcool et la Bible. L’équipage aussi se disperse, décidé à profiter de la semaine à l’ancre avant le départ pour le trajet retour. Le capitaine a des affaires à régler, murmure-t-on. On s’en frotte les mains.

Hotch le timonier vole vers une maison de passes. L’y accompagne le mousse Morgan et le cuistot Gideon. Rossi quant à lui disparaît après avoir laissé à l’oreille de son capitaine un nom de casino clandestin et Reid, Reid part sûrement quelque part mais on ne veut pas savoir. Personne ne le dit car ses bras sont les bienvenus dans les manœuvres mais personne ne l’aime à bord. Qu’il devienne ce que les dieux voudront bien faire de lui, à boire du pastis ou à se noyer dans une ruelle de débauche. Le capitaine ferme les deux cabines derrière lui, verrouille la barre, relève la passerelle, saute à quai d’un pas encore alerte, et va.

Le lendemain, La Galante aura pris la mer depuis cet instant précis plus une demi chandelle de dix, avec à son bord une huitaine de fripons coupables jusqu’aux ongles. Le capitaine s’en mordra les doigts mais on ne laisse pas un bateau sans surveillance.

Mais, pour l’instant, transportons-nous dans une maison de deux étages sise à quelques croisements, virages et portes fermées sans mot de passe de là. Laissons les deux étages de côté pour descendre au sous-sol. Les choses intéressantes sont souvent au sous-sol des maisons à l’allure respectable. En l’occurrence, deux gorilles étendus à terre en position fœtale et un troisième penché jusqu’aux bottes dans un tonneau de houblon défoncé, le tout devant une forte porte de chêne close derrière laquelle retentissent cris, bruits de vaisselle brisée et détonations savamment poudrées.

Le timing est idéal. A peine le moins bien assommé des mastards se réveille-t-il qu’un ovni fracasse l’huis de l’intérieur, traverse le vestibule souterrain et lui retombe sur le crâne pour le replonger dans les limbes innocentes de l’inconscience. Un regard avisé reconnaîtra, en l’objet morcelé qui vient d’ainsi s’abattre sur l’occiput du garde, une table de jeu. Certes il lui manque deux pieds sur quatre mais le tapis vert dont elle est revêtue ne laisse pas planer grand doute.

Profitons de ce que l’obstacle visuel de la porte a été levé pour avancer encore. Que voyons-nous ? Rien. Que sentons-nous ? La poudre noire. Qu’entendons-nous ? Pas grand-chose. Ah, si, un bruit. Une allumette au phosphore qu’on gratte. Qui crépite et qui s’allume. Qui allume une lampe par hasard encore intacte. Ou est-ce bien par hasard ? Si le chaos est partout alentour, l’homme qui tient la source de lumière et contemple son œuvre ne semble pas vraiment agir sans avoir une idée bien précise des conséquences de chacune de ses actions. Sur sa tête, un tricorne de cuir épais. Sous son tricorne, des traits qui n’existeront plus demain, une morphologie confuse, brouillée par l’effort fourni.

Dans le silence des quinze personne qui geignent au sol, le dos se voûte un peu, une épaule semble se décaler vers la droite et un bras se raidir un peu. Un pied se tourne un peu, reprend un angle bien calculé par rapport à l’axe de la marche. Puis quand les deux yeux un peu bleus un peu verts qui balayaient la pièce ont fini leur rapport au cerveau, une botte slalome entre les débris et les victimes. Slalome et slalome encore jusqu’à s’arrêter aux côtés d’un corps plus inconscient que les autres.

Si tu continues à faire le mort, je vais devoir vérifier que tu l’es vraiment…Dis, tu m’entends, Steinway ? Non ? Hm.

Bruit d’une lame de dague qu’on extrait de son fourreau et légère pression au-dessus du cœur. Le miracle s’accomplit et le mort revient à la vie, à la fois blanc comme neige de crainte et rouge de la honte d’avoir été percé à jour.

Qui, qui es-tu ? Je t’offre le double de ce qu’on t’a payé pour m’abattre ! Là, maintenant, tout de suite ! Réfléchis !
Menteur, il n’y a plus un sou dans ton coffre. J’ai vérifié avant la partie. J’arrive à temps on dirait… un peu plus et tu te me filais entre les pattes, hein ? Allez, redresse-toi, que je te fasse un nœud confortable. Redresse-toi, c’est pour ton bien.
Qu…
Quand tu voudras envoyer quelqu’un me tuer du fond de ta cellule, essaie de les envoyer après Joe. C’est moi.
Qu…
Tu parles trop, Steinway. Tu parles trop.

Le lendemain matin, Steinway Battista, organisateur de jeux illégaux recherché pour quinze millions de Berries par toutes les forces de South Blue observe de sous le soupirail de sa cellule le ciel sombre de son avenir, en se massant la bosse qu’il a au front. Au même instant, le colonel de la 19ème division basée au royaume de Bliss ouvre et lit d’un œil suspicieux puis furibond la lettre anonyme qui se trouve sur son bureau. Dans un de ces rugissements dont il a le secret, trois éléments-clefs de sa base sont convoqués pour manquement au devoir. Au même instant, sur un quai secondaire du port, Rossi écoute le capitaine lui annoncer qu’il ne pourra plus l’employer à l’avenir car son entreprise de transport ne pourra survivre à la perte de son navire. Et désolé pour le retour à Suna Land, je sais que tu y tenais mais il va falloir que tu trouves un autre moyen de rentrer, moi je n’ai pas le courage d’aller revoir ma femme avec la nouvelle. Tiens, prends ces deux mille Berries, veux-tu ? C’est tout ce que j’ai après avoir payé les autres. Et adieu. Rossi a un sourire triste et refuse de la main en se massant le veston d’un geste machinal et confiant.

Nan Captain, t’un chic gars et t’auras plu b’soin qu’moi avec ta belle qu’est grosse. Garde don ça, jtrouv’rai un truc. Adieu.
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