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[FB 1623] Joindre l'utile à l'agréable

Une journée comme une autre, une auberge comme une autre et des citadins on ne peut plus normaux. La routine par excellence, alors que j’voyage de plus en plus, celle-ci reprend le dessus. C’est mauvais ça. Quelques minutes après avoir monté les quelques marches que j’me retrouve en face à face avec une porte en bois humide. J’tourne lentement la poignée, celle-ci semble freiner à cause du manque d’huile à l’intérieur du mécanisme. J’ai déjà vu pire… J’ouvre la porte tout doucement afin d’éviter de lui abréger ses souffrances. Un léger couinement laisse présager une rouille avancée sur les joints. Pas celui qu’on fume jusqu'à se sentir bien, qu’on soit d’accord ? J’n’ai pas tête à ça aujourd’hui. C’est le jour « Remise en question ». Un pied, deux pas, me v’là à l’intérieur de ma piaule. Les murs sont craquelés, les fenêtres ne laissent plus passer la lumière ; il fait nuit uniquement dans cette pièce et le lit à l’air très… je n’dormirais pas dessus se soir. Il y a aussi une table, une table qui penche sur un côté. Et une chaise par la même occasion, qui se rapproche plus d’un tapis de fakir qu’un bon siège relaxant. J’en profite pour retirer ma veste et la poser délicatement sur le dossier. J’attrape ma cravate que je desserre un tant soit peu. J’déboutonne les avant-bras de ma chemise puis je la retrousse jusqu'à un peu plus bas des coudes.

Quelle journée de merde, l’ennui commence à me gagner. Pas l’temps de démoraliser Justino’. J’m’approche des « fenêtres » puis je les ouvre pour laisser passer un bon courant d’air… chaud. Insupportable cette chaleur mais à quoi bon réfléchir sans avoir le moindre soufflement de vie, le moindre contact avec l’extérieur. Prêt à tourner en rond pendant des heures ? Non pas vraiment, je n’suis pas du style à dépenser mon énergie là-dedans. J’me retourne et je m’assoie sur la fameuse chaise en bois. La tête dans le creux des mains et l’esprit qui voyage vers de nouveaux horizons. Quoi répondre à cette fameuse question : « Comment transformer ce jour en un jour meilleur ? ». J’entends les bruits des rires et des chants au rez-de-chaussée de l’immeuble, beaucoup de monde en pleine après-midi, bande d’alcooliques ! Je fais semblant de me lever mais j’renonce. C’n’est pas l’heure Justino ! Il faut occuper ses journées autrement qu’au bar.

La volonté est si forte qu’une nouvelle idée prend le dessus. Et si j’passais juste devant l’tavernier et ses bouteilles sans m’arrêter ? Puéril Justino, une feinte comme ça ne marchera pas avec ton « moi-intérieur ». J’me caresse le menton, geste signifiant que j’suis en pleine méditation et qu’il ne faut pas me déranger. Sinon quoi ? Sinon rien. Alors que faire quand c’est le néant ? Tout d’abord on pense à un tas de truc, moi ce à quoi j’pense là, c’est quand j’serais un putain de riche, le style de mec qu’a plus de berrys que les berrys en ont. Costard haut de gamme, cigare à la bouche et des superbes crayons pour signer des documents. Ce style de vie me monte de plus en plus à la tête. J’en prends la position, je pose mes pieds sur la table tout en croisant les jambes. J’me balance comme un cow-boy de far-west. J’sors le vieux crayon que j’ai dans ma poche intérieur de costard puis j’me le mets à la bouche. J’essaie de crapoter tant bien que mal en imaginant tout les berrys qui me tombent dessus, une avalanche, un éboulement, une pluie torrentielle. J’imagine tellement bien cette ambiance que j’dérive sur le délire mafia and cie. La fumée qui s’émane de mon crayon de papier et qui prends le dessus sur l’oxygène. Petrichov et Pedro, mes hommes de mains qui sont respectivement à gauche et à droite de la porte. Les bretelles en cuir par-dessus la chemise qui servent de rangement pour deux armes de poings, deux bon gros revolvers.

Et à partir de là, on pense généralement à comment faire pour se retrouver dans une telle situation. Là tu obtiens ton but, ce que pourquoi tu es encore en vie. Alors voilà, j’ai le choix. Cambriolage, vol, vol à main armé, racket, braquage et toutes les magouilles de fripouilles, pas mal la rime. Bref, j’n’ai pas envie de me bouger l’cul aujourd’hui. Moi aussi j’aimerais bien qu’l’argent arrive tout seul à ma porte, moi aussi je les envie ces putains de tenryuubito.

Du coup quand t’as pas les moyens à ta disposition, ou plutôt que tu t’en donne pas les moyens. En général tu divagues ailleurs. C’est mon cas aujourd’hui, j’devrais aller faire du shopping ? J’devrais aller manger un bon petit plat ? Exactement ! Voilà qui m’sortirais de ma misère d’un jour. Encore une fois, c’est à ce moment où t’es paré à l’action qu’il faut qu’tu vérifie tes comptes bancaires. J’fais mes poches, rien, nada, quedal. Ou comment être blasé en deux minutes, j’ai utilisé ce que j’avais dans cette putain de chambre miteuse. Dernière solution, faire un somme et espérer d’un meilleur lendemain. J’me lève de la chaise, je traîne des pieds jusqu’au lit puis j’m’allonge sur l’ventre, complètement désemparé. Je n’ai pas dit que je n’devais pas dormir là-dessus ? Boarf à quoi bon, au point où j’en suis.

J’fais l’vide. Les oiseaux chantent, les rires sont de plus en plus bruyants, les poissonniers ont la voix de plus en plus grave et les enfants sont encore plus excités. Soudain, un raclement de gorge me fais sursauté, le son est si près que…

Aperrrrro ? Aperrrrro ?

J’ouvre l’œil qui n’est pas contre le drap. Que vois-je ? Un perroquet à la con posé sur mon épaule, la tête de traviole’ qui me fixe et qui m’endoctrine chez les alcooliques anonymes. Quelles belles couleurs dans ce ramassis d’ombres noires. Son plumage rouge, bleu, vert et un soupçon de jaune fait qu’il rayonne comme… comme euh j’n’ai pas d’inspiration sur ce coup-là.


Dernière édition par Justino Bege le Mer 28 Nov 2012 - 15:51, édité 1 fois
    Au final, on relativise, on se dit qu’on n’est pas le seul à qui sa nous arrive de surprendre un oiseau coloré qui à comme seul mot au bec, l’heure de la débauche. J’devrais m’lever ? J’devrais bouger ? J’devrais prendre le temps de secouer mes membres qui n’ont pas l’envie de se mouvoir ? Bonne nuit p’tit piaf, je ne bougerais pas d’un doigt. Peut-être d’une paupière, même sûrement. Comment veux-tu dormir les yeux ouverts ? Si on est mort, c’est plausible. Je me laisse emporter là ? Tu trouves ? Ouais, je n’sais pas comment j’ai atterris sur cette pensée sordide. V’là qu’un coup sur le crâne me fait revenir à la dure réalité.

    Aperrrro ? dit-il en sifflotant juste après.

    J’te jure que j’vais t’en foutre des cocktails à ras bord et tu va les boire jusqu'à l’épuisement, j’te le dis mon grand. Fuck ! En regardant plus attentivement la volaille, j’remarque qu’elle traine une lettre. Etrange, qui peut bien se soucier de mon bien-être ? La marine peut-être. Mais non ! J’suis couillon ! C’est une invitation à un apéritif dinatoire. Héhé ça c’est de la réflexion ainsi qu’une grosse source de motivation. Mais attends si j’bouge, il va fuir l’piaf non ? Bon, après tout... Je pousse sur mes bras pour me lever du lit et à ma grande surprise, il ne s’est pas barré par la fenêtre. Il a juste fait un battement d’ailes avant de se reposer sur mon épaule gauche. C’est qu’il est docile l’perroquet ! Je mets ma main droite contre sa patte, j’commence à attraper délicatement le papier. Un coup, deux coups, trois coups de bec. Putain la vache, ça fait mal c’te merde. A ce stade là, j’le fixe avec un air du style « Tu te fous de ma gueule ou quoi ? ». Véridique, j’sens que je n’vais pas tarder à le déplumer.

    Je force sur l’document qui commence à se déchirer quand brusquement, une brise d’air fini le boulot. La lettre plane dans la pièce et se pose sur une pile de livres. Des livres ? Berk ! Quelle torture. Qui peut bien aimer lire des histoires à part ces rats de bibliothèques et encore, on n’me la fait pas à moi. Bref, j’m’avance pour choper mon invitation, normal quoi. En la regardant de plus près, il y a un cachet du gouvernement. Si c’est une blague, c’n’est pas drôle. J’ai entendu parler des agents secrets « super-infiltré-dans-le-milieu-qui-sont-des-assassin-professionnel-sans-pitié-et-sans-cerveau. »Pff, quelle bande de lopettes. J’jette quand même un coup d’œil autour de moi, qu’il n’y ait pas d’ « espion-trop-sombre-et-trop-bien-camouflé » dans les alentours. Ils m’feront toujours sourire ces guignols. Bon, une fois qu’on s’est rassuré en n’prenant pas la chose au sérieux, il est peut-être temps de déballer l’cadeau, tu n’crois pas ? Je coupe délicatement l’enveloppe avec mon index. A mi-chemin, j’me dis que j’devrais peut-être pas faire ça. C’est un document officiel quand même merde. Boarf, il y en a qui ont fait pire que moi.

    Aperrrrro ?


    J’continue jusqu’au bout après m’être fait surprendre encore une fois par ce putain d’oiseau des îles. Il est maintenant temps de déplier la lettre. Un dernier balayage du regard avant de lire le contenu. Rien à Signaler Justino ! Tu peux y aller à fond.
      AVIS D’IMPOSITION N°777
      Votre conseiller : Math Lénéné


      Sous le règlement -effacé par les intempéries-, le partage d’une partie de vos revenus doit revenir au Gouvernement Mondial. En effet, le fait que vous œuvrez sans avoir déclaré vos gains, qu’ils soient en bénéfices ou en pertes, reste dans l’illégalité. Pour pallier à ce problème et pour éviter des ennuis avec la justice, vous devez impérativement remettre la somme due en main propre à un agent du gouvernement.

      Vente d’arts (Catégorie 1 : Peintures, tableaux, sculptures) = 5% de taxe.

      Mme Héléna VYGATRICE, artisane et entrepreneuse à son compte personnel est prié de calculer le montant à versé au Gouvernement Mondial, chez nous, on n’a pas le temps de faire les comptes.

      Cette lettre est la dernière, nous sommes à court de papier.

      Merci d’agréer Madame, l’expression de mes sentiments distingués.

      Oh putain de doux jésus. C’est quoi ce bordel ? Je relis attentivement, une deuxième fois. Mon index accompagne la lecture ainsi que certains bruits tels que « Mh, hm, mh ».

      Math Lénéné ? C’est quoi ce nom là, Math Lénéné ? Bizarre.

      La porte de la piaule s’ouvre soudainement et une dame paniquée débarque dans ma chambre. Je tourne la tête pour faire plus amples connaissances avec son corps et d’une autre part, savoir qui diable est-elle ? Un agent « de-la-mort-qui-tue » ? Son physique est celui des plus belles femmes : lèvres pulpeuses, brune aux yeux bleus, taille de guêpe et 1 mètre 75 à tout casser. Son style vestimentaire doit refléter son porte-monnaie ; talons-aiguilles, porte-jarretelle, robe moulante laissant entrevoir ses jambes et décolleté plongeant. Tellement plongeant que j’me noierai bien dedans d’ailleurs. Le tout d’un noir corbeau. Le stéréotype de la femme fatale qui va me faire passer un sale quart d’heure. Agent ou pas, j’l’aime déjà. A bout de souffle et les mains sur les genoux, elle me questionne.

      Kuf..kuf… c’est bien ici la… kuf… 307 ?

      Oui bien-sur. Vous èt… - dis-je en étant absorbé par le pendentif en or qui rebondit de sein en sein.

      Math Lénénééé ! Math Lénénéééé.

      Ferme ton clapet, enculé de piaf. Ma parole, elle à l’air déstabilisée et devient rouge pivoine. Il y a maintenant un gros silence, l’après-coup d’une blague pourrie.