Dans le port d’Amstramgram, les mouettes chient sur les passants sans sommation. Tu passes et tu changes de couvre-chef. Le matin, il caille encore plus que le reste du temps, et ça, Drum sait y faire. Y a de la neige partout, tout le temps. J’n’ai jamais vu un climat aussi merdique.
Faut être un gros bourge pour n’pas claquer d’une pneumonie ici. Tu t’allonges pour roupiller une seconde et tu n'te lèves plus. Y a même des gars de la municipalité qui ramassent, il paraît. Les charognards.
Remarque, depuis que la révolution est ici, ils ont tenu leurs promesses, à savoir que rien ne changerait. Je n’sais pas si c’est pire, je ne m’en rends pas compte. Depuis les quatre semaines que j’ai passées ici, je me sens abruti par le froid. Le simple faite de n'pas perdre mes orteils me demande un gros effort. Alors, me chier la bite avec leurs histoires de prolos, très peu pour moi.
Sauf que l’pognon, ça n’pousse pas sur les arbres, si encore y en avait ici. Y en a peut-être par là dans la forêt, mais faut voir les engins. C’est ce que m'raconte un collègue, un gros type avec une barbe de trois jours et une forte haleine de soupe de poisson. Y m’fait les couilles en sorbet de dinde avec ses histoires. Il me propose un job, un truc facile, j’entre, je me farcis une prime et je sors.
Mais oui, y en a des tas des gus qui proposent à d’autres dix millions de biffetons gratos. Il ne la ferme jamais, on dirait. Je me demande ce qu’il fait quand il est entre les cuisses d’une femme, s’il lui analyse les bienfaits médicaux du sexe ou une connerie dans le même parfum.
Bon, y a pas moyen de bouffer tranquille. Et comme j’n’ai plus un rond, je veux bien y aller avec lui. Je le laisse payer ma note et il m’explique sur le trajet ce qu’il sait sur la cible : une trajectoire et une date. Rien de plus. Ça promet, le paquet surprise en pleine mer, et pas n’importe laquelle. Dans Grandline, ça chauffe. Ça ne m’ferait pas de mal, d’ailleurs.
Mais, j’ai déjà dit oui.
Deux jours plus tard, je suis armé et paré à l’assaut. Je le rencontre à quatre heures dans une crique. Il a des hommes avec lui, ils sont moches et ils puent, une sorte de tradition chez les péquenauds.
Le capitaine, le gars lourd de l’aut’jour. On quitte le sol et on décolle pour zigouiller du révo, ces têtes de veau.
C’est nul, je m’arrête là.
Le bateau n’est pas bien grand. À peine trente mètres et les vingt gars sur le pont se bousculent, des fois. On est partis au lever du jour, si bien qu’il fait assez sombre. Ça n’a pas l’air de gêner qui que ce soit dans le périmètre. Ils fonctionnent bien ensemble.
« Si tu veux garder ton bateau à flot, faudrait que tu perdes du bide, capitaine. »
Il m’envoie chier. Ça y est, il n’a plus besoin de me lécher le cul pour que je vienne à sa thérapie de groupe. Et on dirait qu’il veut me faire voir son côté hargneux.
« La ferme, le vieux. Garde ton énergie pour n'pas nous ralentir »
Ça n'sert à rien de continuer, il ne m’intéresse déjà plus. Plus loin, on voit un autre navire approcher. Le ciel se fait de plus en plus clair et il est difficile de n’pas percuter qu’on va se mettre sur la gueule.
J’me prépare dans ma tête. La peur, c’est la même, des années après. Je fais mon p’tit rituel : je regarde les têtes de ceux autour de moi, je sens l’odeur de l’embrun. Je grave en moi les sons de roulement. C’est comme une machine qui s’met en marche, mes sens que j’aiguise avant de me jeter sur l’autre. La tension dans mes muscles aux premiers boulets échangés, trop imprécis pour faire du dégât.
Enfin, le choc des vaisseaux. Mes genoux tremblent, mais j’ai les guitares qui collent au pont. On saute tous chez les nouveaux copains. J’ai à peine le temps de m’poser que je passe déjà ma lame en travers de la gueule d’un larbin.
Y aura à becter pour les corbeaux, ce soir.
Faut être un gros bourge pour n’pas claquer d’une pneumonie ici. Tu t’allonges pour roupiller une seconde et tu n'te lèves plus. Y a même des gars de la municipalité qui ramassent, il paraît. Les charognards.
Remarque, depuis que la révolution est ici, ils ont tenu leurs promesses, à savoir que rien ne changerait. Je n’sais pas si c’est pire, je ne m’en rends pas compte. Depuis les quatre semaines que j’ai passées ici, je me sens abruti par le froid. Le simple faite de n'pas perdre mes orteils me demande un gros effort. Alors, me chier la bite avec leurs histoires de prolos, très peu pour moi.
Sauf que l’pognon, ça n’pousse pas sur les arbres, si encore y en avait ici. Y en a peut-être par là dans la forêt, mais faut voir les engins. C’est ce que m'raconte un collègue, un gros type avec une barbe de trois jours et une forte haleine de soupe de poisson. Y m’fait les couilles en sorbet de dinde avec ses histoires. Il me propose un job, un truc facile, j’entre, je me farcis une prime et je sors.
Mais oui, y en a des tas des gus qui proposent à d’autres dix millions de biffetons gratos. Il ne la ferme jamais, on dirait. Je me demande ce qu’il fait quand il est entre les cuisses d’une femme, s’il lui analyse les bienfaits médicaux du sexe ou une connerie dans le même parfum.
Bon, y a pas moyen de bouffer tranquille. Et comme j’n’ai plus un rond, je veux bien y aller avec lui. Je le laisse payer ma note et il m’explique sur le trajet ce qu’il sait sur la cible : une trajectoire et une date. Rien de plus. Ça promet, le paquet surprise en pleine mer, et pas n’importe laquelle. Dans Grandline, ça chauffe. Ça ne m’ferait pas de mal, d’ailleurs.
Mais, j’ai déjà dit oui.
Deux jours plus tard, je suis armé et paré à l’assaut. Je le rencontre à quatre heures dans une crique. Il a des hommes avec lui, ils sont moches et ils puent, une sorte de tradition chez les péquenauds.
Le capitaine, le gars lourd de l’aut’jour. On quitte le sol et on décolle pour zigouiller du révo, ces têtes de veau.
C’est nul, je m’arrête là.
Le bateau n’est pas bien grand. À peine trente mètres et les vingt gars sur le pont se bousculent, des fois. On est partis au lever du jour, si bien qu’il fait assez sombre. Ça n’a pas l’air de gêner qui que ce soit dans le périmètre. Ils fonctionnent bien ensemble.
« Si tu veux garder ton bateau à flot, faudrait que tu perdes du bide, capitaine. »
Il m’envoie chier. Ça y est, il n’a plus besoin de me lécher le cul pour que je vienne à sa thérapie de groupe. Et on dirait qu’il veut me faire voir son côté hargneux.
« La ferme, le vieux. Garde ton énergie pour n'pas nous ralentir »
Ça n'sert à rien de continuer, il ne m’intéresse déjà plus. Plus loin, on voit un autre navire approcher. Le ciel se fait de plus en plus clair et il est difficile de n’pas percuter qu’on va se mettre sur la gueule.
J’me prépare dans ma tête. La peur, c’est la même, des années après. Je fais mon p’tit rituel : je regarde les têtes de ceux autour de moi, je sens l’odeur de l’embrun. Je grave en moi les sons de roulement. C’est comme une machine qui s’met en marche, mes sens que j’aiguise avant de me jeter sur l’autre. La tension dans mes muscles aux premiers boulets échangés, trop imprécis pour faire du dégât.
Enfin, le choc des vaisseaux. Mes genoux tremblent, mais j’ai les guitares qui collent au pont. On saute tous chez les nouveaux copains. J’ai à peine le temps de m’poser que je passe déjà ma lame en travers de la gueule d’un larbin.
Y aura à becter pour les corbeaux, ce soir.
Dernière édition par Julius Ledger le Sam 17 Nov 2012 - 23:47, édité 1 fois