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Amour [FB 1624 - sur mer]

Si le QG de South Blue n'avait pas à sa tête le célébrissime Aizen Hour, l'équipage de Pastrik Couillard aurait put s'y réfugier encore un peu, histoire de « faire le point sur les événements de la bataille de South Blue » et fuir un tant soit peu les responssabilités d'un marine. Hélas, la petite altercation entre la nouvelle recrue de « La Chouette » et le commandant d'élite de l'autre île avait accélérer le départ de Couillard. Aujourd'hui, il flottait d'un îlot à l'autre à la tête d'un équipage de nuls et n'ayant d'élite que leur rang. La déception tournoyait au-dessus de la tête du Commandant, qui avait un air morose depuis qu'ils avaient dépassé Amerzone.

Quant à Old Crow, difficile de dire ce à quoi elle pouvait bien penser, car depuis le départ hâtif, on ne l'avait revu poindre son nez que pour répondre à un ordre du Commandant d'un magnifique bras d'honneur. D'ailleurs, elle avait un malin plaisir à ne jamais écouter le bougre, qui se voyait fulminer instantanément — mais il abandonnerait bien vite de lui inculquer le respect de la hiérarchie, comme il avait bien abandonner la réduction de la consommation de Soldat Poivrot ou l'éducation du bête Caporal Baka.
Pourtant, malgré ces petites rixes qui laissaient le sourire aux hommes d'équipage, les journées restaient longues. Le manque d'action tétanise tout simplement l'entrain d'un homme de l'élite.

Puis, en une chaude nuit, Crow vint rôder sur le pont, encore toute ensommeillée et s'alluma sa pipe. Le tabac avait mauvais goût. Son regard plongeait dans la mer. Crow avait une nouvelle fois cet air peu coutumier chez elle, si triste. Comme ordonné, le soldat Poivrot était au garde à vous à quelques pas seulement de Crow, le caporal Baka surveillant la recrue d'un oeil... de piaf.
Pastrik aussi ne dormait pas. Il rejoignit Crow.

    - Bonne nuit Commandant !
    - Je ne me couche pas, triple buses !
    - C'était une salutation...
    - Imbécile, on dit bonsoir.
    - Mais c'est la nuit, et non le soir. Alors on dit bonne nuit.
    - Tout à fait. Logique.
    - La logique même, Commandant !
    - Pourquoi n'êtes vous pas couché, caporal ?
    - Parce que je suis debout, Commandant !
    - Et pourquoi êtes-vous debout ?
    - Parce que je ne suis pas couché.
    - C'est vrai. Logique.
    - La logique même, Commandant !
    - Dîtes-moi Caporal ?
    - Oui Commandant ?
    - Pourquoi chaque fois que vous converser, vous semblez citer Ionesco ?
    - Je ne connais pas de Ionesco, commandant.
    - Ionesco n'est pas commandant, il est écrivain.
    - Autant pour moi. Je voulais dire Commandant, Commandant.
    - Ne dîtes qu'une fois Commandant, caporal.
    - Bien Commandant. Sauf votre respect, où cette conversation mène-t-elle ?
    - Terminez vos interrogations par Commandant, caporal, c'est une marque de respect, 'spèce d'idiot.
    - Vous ne m'aviez pas dit de ne le dire qu'une fois ?
    - C'est juste. Logique.
    - La logique même, Commandant !

Un moment de silence digne du Roi de l'Absurde plus tard.

    - ARRÊTEZ AVEC CE DIALOGUE D'ANDOUILLE QUI NE MÈNE NUL PART ET QUI NE FAIT QU'ENNUYER LE LECTEUR ET RÉPONDEZ À MA QUESTION : pourquoi la recrue Sarah est-elle debout à cette heure ?
    - Elle n'est pas debout, elle est assise...
    - NE FAÎTES PAS L'IMBÉCILE, CAPORAL !
    - Oui mais non, Commandant. Imbécile est juste mais ne l'est pas. C'est Baka, Commandant, caporal Baka. C'est du japonais, Commandant.
    - ...
    - C'est peine perdue Commandant, mon personnage ne peut avoir une converssation normale.
    - Je suis d'accord. Logique.
    - La logique même, Commandant !

Couillard soupira et dépassa Baka, qui le laissa passer. Il n'avait aucune raison qu'il ne le laisse pas, d'ailleurs. La logique même...

Couillard s'appuya contre la rambarde au côté d'Old Crow, qui, les jambes dans le vite à travers la rambarde, semblait totalement perdue dans la fumée qu'elle soufflait par ses narines. La pipe dans une main, les lèvres serrées, Crow pensait aux derniers événements qui l'avaient quelque peu ébranlés. En peu de temps, elle avait perdu sa fille, perdu son équipage, arrêté de boire, s'était mise au service d'un homme et changé de camp. Mais le plus incroyable restait sa confrontation avec « La Matrone » des cuisines du QG est, qui l'avait amoché. Sa jambe lui faisait encore un mal de chien, mais son égo était le blessé. Sans aucune raison, elle n'avait put tenir tête à « La Matrone ». Sa force s'était tout simplement envolée... Comme si la source de son pouvoir avait disparut avec ces changements soudains.
Pastrik Couillard l'avait bien compris, et c'était pour cela qu'il désirait discuter avec Crow, par cette nuit sans lune.

    - Qu'est-ce qui vous motive, X. Crow Sarah ? Qu'est-ce qui vous oblige à combattre ? dit-il le regard perdu dans la houle à son tour. Pourquoi encore vivre, alors que vous avez tout perdu ?
    - J'l'ai pas perdu. Pas encore. 'Est que'que part, dans mer, pis elle m'attend. J'vas la r'trouver. J'te jure... Pis quand j'vas la r'trouver...
    - Je ne vous cerne pas, Old Crow. Vous êtes une femme étonnante. Même acculée, vous ne vous empêchez pas de mordre ! Cependant, vous cachez une faiblesse qui...
    - Tch. Si tu l'dis, Couillon.
    - C'est Couillard, Old Crotte.
    - Mouais. Pas mal. T'façon, j'ai pas d'faiblesses.
    - Si vous l'dîtes.

Le bruit des vagues se fracassant sur la coque au ralentit monta dans cette nuit sans lune. Le soldat Poivrot commençait à chanceler sur son salut prolongé, qu'il n'avait tout simplement pas lâché depuis l'arrivé du Commandant.

    - Pourtant... On vous dit plus forte que ce que j'ai vu. Vous aurez beau dire ce que vous voudrez, recrue Crow, vous êtes encore loin d'être sans faiblesse.
    - Tch. T'façon, tu m'connais pas.
    - Effectivement. Cependant, votre réputation vous précède et...
    - Ouais ben j'ai changé ! Pis c'pas toi qui va m'dire comment m'battre !
    - Non... Bien sûr. Bien sûr. Non. Mais maintenant que je suis votre supérieur, de m'attends à de meilleur résultat de votre part. Ainsi qu'à une meilleure efficacité. Prochaine fois, votre rétablissement ne sera pas aussi clément. Soyez-en sûr.
    - Mouais. S'tu l'dis.
    - Demain, vous irez aux cuisines. Mettre la main à la pâte. Je ne veux pas de larbins sur mon pont.

Pastrik laissa seule Old Crow. Il repartit et demanda à ceux qui accompagnaient toujours la brute de la laisser en paix, non sans de pointilleuses insultes. Crow ferma les yeux lentement, jusqu'à s'endormir. Sa tête dodelinait selon le mouvement du bâtiment marine.
    ♥ FIST OF LOVE !! ♥

    Le corps se projeta dans les airs, le poing bien haut dans la silhouette de l'astre lumière. D'un cri de guerrière, Crow s'écrasa sur le pont dans un fracas, de tout son poids et sa force. Son poing effleura le nez du soldat Poivrot qui, d'agiles mouvements, s'extirpait une nouvelle fois du corps à corps. Il était plutôt habile pour fuir à la dernière seconde et riposter tout aussi rapidement. Old Crow ressentit les légers coups que lui avait enfilé Poivrot, au même moment qu'il se décalait.
    Cependant, aussi agile et rapide qu'il pouvait l'être, Poivrot n'avait aucune chance contre Crow qui était en forme ce matin. Son poing en était d'ailleurs rouge de plaisir. Et puis, elle y mettait vraiment du coeur !

    L'entraînement était quotidien sur le pont de Pastrik Couillard. Chacune de ses recrues devaient s'affronter. Au départ, l'exercice commença par des couples de recrues qui entamèrent les hostilités. Seul le caporal Baka n'y avait pas pris part. Cependant, une ou deux minutes plus tard, « l'entraînement » de Crow et Poivrot déplaçait déjà beaucoup d'air et dépassait de l'espace attribué. Les autres avaient peu à peu délaisser le leur pour entourer ces deux combattants et les encourager. Dans la foulé, Pastrik n'avait même pas put placer son veto. Il assistait maintenant à ce qu'il détestait le plus : un léger chaos.
    Cependant, il voulait savoir ce dont était capable la vieille Crow.

    Poivrot se prit le pied dans son propre talon et s'affala sur ses fesses. Crow, rapide, en profita pour le surplomber et lui écraser la poitrine de son pied. Sourire carnassier, elle lui portait le coup de grâce lorsque, sortit de nul part, un uniforme blanc lui barra la route de son propre corps. Le poing de Crow perdit automatiquement sa puissance contre la joue du caporal Baka qui, les bras en croix, encaissait sans même un son. Sa casquette blanche baissée sur son nez, il n'avait plus l'apparence de l'imbécile fini qui... Enfin, il releva le menton et son regard mit mal-à-l'aise Crow : aussi vide que l'espace, la morve lui coulait du nez.
    Crow recula, écoeuré. Baka présenta une main à Poivrot et l'aida à se relever. Aussitôt, celui-ci s'élança vers Crow et d'un rapide enchaînement, déversa une tonne de coups de talon que la brute eut du mal à contenir la force. Puis, lorsque ce fut le tour de Sarah de répliquer, une nouvelle fois, sorti de nul part, Baka s'interposa et absorba le choc.

    Le duo était bon. Poivrot surmenait Old Crow de ses rapides coups qui, quoique faible, causaient des dommages réels. Il ne se fatiguait pas outre mesure puisqu'à chaque fois que la Mère tentait d'asséner un puissant Fist of Love, Baka se dressait de l'ombre et s'interposait constamment. De plus, l'air profondément idiot du caporal n'aidait pas Crow à réfléchir.
    Elle commençait d'ailleurs à perdre ses moyens devant ce duo choc, d'élite. Après tout, ils étaient les recrues les plus prometteuses de Pastrik Couillard, l'Élite-man par excellence.

    Le combat s'éternisait.

    Les deux camps commençaient à perdre haleine. Le rempart de Baka se faisait moins rigide mais Crow ne frappait pas pour autant plus fort, au vu de son épuisement palpable. Quant à Poivrot, il avait une incroyable envie de gerber, il fallait croire.
    Puis, lorsque Crow, d'un hasard heureux, balança un revers de poing un peu banal, elle rencontra la tête du soldat Poivrot qui s'écroula sur le pont. Haletante et toute en sueur, Old Crow poussa un cri de guerre et avança d'un pas vers Baka. Mais ce dernier recula aussitôt en montrant les mains. Faut croire qu'il ne savait qu'encaisser et qu'il approchait de sa limite...

    Alors l'entraînement était terminé.
      Couillard applaudissait froidement en descendant du château arrière. Ses soldats s'écartaient sur son passage. Malgré son faciès inexpressif, ses yeux semblaient jeter des éclairs. Et nul ne le défiait du regard sauf... Old Crow, imbécile qu'elle était.
      Baka était au sol. Poivrot à son côté, étendu et inconscient.

        - Bravo recrue Sarah, vous avez tout d'une... SALE FOUTEUSE DE MERDE !!

      Son bras véloce arma aussitôt un fusil court, qu'il pointait directement entre les deux yeux de la belle. Il fit un pas en avant et la coupe du canon s'étampa dans le front de Crow. Celle-ci semblait déconcertée, bien que tout aussi arrogante.

        - VOUS NE SAVEZ MÊME PAS VOUS BATTRE !! Ri-di-cu-le ! Des coups qui n'aboutissent à rien, qui manquent de coeur. Vous balancez votre poing d'une désinvolture IMPARDONNABLE ! SALE PIRATE, RAT D'ÉCOUTILLES, EX-SÂOULONNE, BAGARREUSE INSOLITE, VIELLE FILLE, IDIOTE, RECRUE DE MES [...]

      Il forçait sur sa crosse. La fureur de ses propos poussait la vieille à reculer. Elle serra un poing, tandis que Pastrik continuait à la traiter de noms. Elle grinçait des dents.

      Le Commandant était furieux. D'habituel plus noble dans ses propos, il était rare qu'il insulte ainsi en tout automatisme. Il ridiculisait le nom de la mère, la noyant sous son sarcasme. Un rictus mauvais éclairait son faciès moins froid qu'à l'accoutumé — même lorsqu'il s'emportait.

        - [...] POSSÉDÉE BELLIQUEUSE, PAUVRE FEMME, RÉVOLUTIONNAIRE, SOUBRETTE INCOMPRIE, MÈRE INDIGNE !!!

      Le poing de Crow s'écrasa contre la joue de Pastrik.

      Le Commandant recula de plusieurs pas, étourdi.