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The Talking Dead

J’ouvre les yeux péniblement. Très peu de luminosité autour de moi, mes côtes me font mal. Ma bouche est sèche comme une vieille prostituée et ma tunique est à moitié déchirée. Grosse bosse sur la tête, cheveux en bataille, regard vaseux, le réveil est difficile.


Autour de moi, je distingue quelques cages. À ma droite un type recroquevillé sur sa paillasse crasseuse. À ma gauche, un gros dormeur ou un gros cadavre. En face, pas grand chose, un long couloir horizontal qui longe un mur en brique sombre. Et dans le fond, comme un grésillement de ruche, le son d’un amas d’insectes étouffé par la matière. On crie là bas, on scande des noms, on hurle sa rage et son excitation.

Je me masse les tempes. Un morceau de pain rassis et un verre d’eau tiédasse sont posés non loin de ma couche. Maigre repas, mais les rats qui gambadent un peu partout doivent penser que c’est déjà pas mal.

Une question avant toute chose : qu’est-ce que je fous là !? Je me souviens...l’escale sur Loguetown, la poursuite de Glenn, la mort de Shane. Y’avait Dale avec moi, on allait se barrer. Une sale soirée sur les quais, de la bière. Beaucoup. Ah putain impossible de recoller les morceaux.


« Tiens tiens, on est réveillé. »


Un type. Grand, costaud, chauve, avec les tatouages de celui qui en a une moyenne mais qui veut passer pour un étalon.


« Je suis où ?

- Shhh, doucement. Y’a des règles ici, tu parles quand je le permets. Moi les nouveaux, je les cajole s’ils sont respectueux. »



Moment d’hébètement. Le mec porte une sacrée moustache. Et de quoi il me parle ?


«  Bordel qu’est-ce que... »


Douleur. Une douleur sévère, qui traverse les nerfs, qui éprouve l’échine. On vient de passer un espèce de bâton assez long par les barreaux. Et à son contact, c’est tout le corps qui implore le pardon.


«  Mieux. Je sais que c’est difficile au début, mais tu dois t’y faire. Quand tu auras tout compris je ferai en sorte que ton séjour ici soit plus agréable. Moi c’est Abraham, je suis chargé de te garder en assez bonne forme pour que tu puisses participer à ce qui se fait à côté. »



Je veux balancer une centaine d’insultes, vomir mon indignation à la barbe et à la moustache de ce pédéraste du dimanche. Mais la raison est parfois plus importante, et je dois garder des forces pour comprendre au moins ce qui se passe ici. Il me fait un signe joyeux, comme s’il était content, et consent à me laisser poser une question.


« Où on est ?

- Un petit îlot à quelques miles de Loguetown. Tranquille en apparence, mais les gens d’ici appellent cet endroit Le Purgatoire. Tu devrais le savoir non? »



J’ai même pas envie de demander pourquoi. Le Macho man me regarde avec un mélange de jubilation et de tendresse. Il doit aimer ça, les hommes libres perdus dans les limbes.


« Écoute, tu n’as pas de Talking à faire aujourd’hui alors pour que tu comprennes mieux je vais te faire voir tout ça en tant que spectateur. »



Il ouvre la serrure, en ayant au préalable pris soin de me cramer les neurones avec son machin, me menotte et m’emmène. Celui à ma gauche ne bouge toujours pas mais ronfle à présent comme un ogre de Barback. On traverse le couloir, et je vois défiler un nombre certain de prisonniers attendant leur heure le mieux possible. Je n’ai pas le temps de réfléchir, mais comment diable ai-je fait pour me retrouver dans cette merde ? Sur le chemin, mon geôlier me fait la conversation.


«  On t’a pris parce que ton dernier exploit a titillé notre intérêt. Et t’as bien le profil de celui qui parle peu mais qui en a gros sous le champignon. Les affaires des uns font les malheurs des autres apparemment. Quoi que... p’tet bien que tu vas t’y plaire ici. »


Et après avoir passé deux larges portes je comprends soudain l’origine des étranges sons que j’entendais.
Des gradins, une salle immense. Et au centre, un terrain de sable. Des bras sont levés, une foule de damnés conjure les deux êtres au milieu qui tentent de survivre en remportant un âpre combat.


« Voilà un Talking, une bataille entre les combattants. Ici on extériorise nos sentiments, on crie aussi fort que l'on peut. Ici sont regroupés ceux qui sont morts depuis un bon moment. Bienvenue étranger. Bienvenue au Talking Dead, la rédemption des âmes maudites. »


J’en reste sans voix. Sur le terrain, des créatures semblables à des serpents sur deux pattes participent aux joutes en narguant ou en blessant les deux participants. Quel est le principe ? Survivre sans doute. Un rassemblement immonde de psychopathes venus pour voir du sang et des larmes.


« Bon dieu. »


Je viens de regarder avec plus d’attention l’arène. Aux prises avec un colosse poilu, le buste transpirant et la chair meurtrie, je vois Dale qui tente de rester en vie quelques minutes de plus dans cet enfer.


Dernière édition par Rimbau D. Layr le Mar 25 Juin 2013 - 13:09, édité 3 fois
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Sale temps, aujourd'hui. C'est bien. J'aime pas l'soleil. J'suis sur un caillou pas loin de Loguetown, il parait. Un endroit où se trament des affaires d'un mauvais genre. C'est bien. Les sales plans, c'est mon pain quotidien. C'est le vieux Ossoï qui m'a mis sur le coup. À la base, on allait à la capitale d'East Blue pour y rencontrer une connaissance à lui capable de nous faire basculer de l'autre côté de la montagne, Red Line. Karaël, son nom, à la minette. Mais arrivé sur place, pas de contact. Personne. Juste, un atelier de peintre en bordel, des traces de lutte, et une fenêtre brisée qui laissait s'infiltrer à l'intérieur un courant d'air sifflant et l'orage. Fâcheux. Fallait tirer ça au clair, j'ai cogné. Dru. Les réponses ont plu, froides et désagréables. Plus de Karaël dans l'coin, on l'a embarquée vers un poncif où s'déroulent des festivités un peu particulières. Du genre combat de cirque, avec des gibets de potence qui se battent pour le plaisir d'autres gibets de potence un peu plus riches et mieux fringués qu'eux. Qu'est ce que peut bien foutre quelqu'un qui se bat avec un pinceau au milieu d'artistes de la cogne, c'est une autre question. J'suis d'un naturel curieux, j'veux savoir. Alors, j'ai emprunté le canot à la peinture caillée de celle que j'vais sauver, et j'ai mis le cap vers la direction qu'on m'a approximativement pointé d'un doigt crasseux sur la carte. Ramer, j'sais faire, passer une nuit sans bouffer aussi. Les étoiles m'ont guidé, mes bras m'ont porté. Le lendemain, à l'aube, j'ai aperçu la forme chauve d'une île à la végétation morte découper l'horizon et les nappes de brouillard qui drapent l'endroit. Y'a comme un micro-climat malsain. J'ai trouvé un mouillage sûr pour l'embarcation, et me suis orienté vers l'infrastructure qui surplombe toutes les autres, dans le coin.

Et maintenant, je marche. Un vent agressif freine ma progression. C'est bien. J'suis pas pressé. Ça me laisse le temps d'observer les alentours. Y'a tout bonnement personne. Pas âme qui vive. Je traverse deux ou trois hameaux abandonnés, délaissés aux chiens errants, aux chèvres qui sont sorties de leur enclos, aux poules et à tout ce genre de ration de viande sur pattes. Ça pue, la mort flotte dans l'air ici. Les seules empreintes dans la fange sont celles des animaux. Personne n'est passé par là depuis bien longtemps. Au moins, j'vais pas tomber sur un local un peu trop téméraire. Un espèce de chat de gouttière me suit, depuis quelques minutes. Son pelage est mordu, à des endroits, presque absent. Une sale griffure lui fend le visage et une oreille. Il pense peut-être que je vais lui trouver de la bectance. Ou m'en trouver, et qu'il pourra s'faire les crocs sur les restes. Il va être déçu. Les seules charognes au menu aujourd'hui sont celles que je vais frapper. Et j'sais pas si elles sont comestibles. Mais il me suit. Pourquoi pas.

Plus j'avance, plus la silhouette devant moi grossit. Ça ressemble à une arène. Massive, imposante. Un brouhaha nocif s'en élève. On peut presque deviner le champignon malsain qu'il forme. Autour, des caravanes. Pas vraiment gardées, pour l'heure. Des cages, vides, même si on devine la marchandise qu'elles transportaient, des tentes de toile miteuses et devant, simplement un pouilleux ou deux avachis sur leur chaise, devant leur stand. Ils attendent, bêtement, un fond d'alcool frelaté entre les mains. Ces machins là n'ont aucune envergure, ne présentent pas grand intérêt. J'pourrais demander à l'un si parmi ses esclaves, il y avait une peintre, mais ça mènerait pas bien loin. Il me rirait au nez, jle prendrais mal, jlui ferais mal. Non, pas la peine de déclencher les hostilités si tôt. Mieux vaut passer son chemin, même si on me lorgne comme un intrus qu'a rien à foutre là.


Hé, un chat.
Quoi ?
LÀ ! UN CHAT !
Hé, t'as vu ... un chat !
.. ff' ... On l'bouffe ?
Quoi ?
ON L'BOUFFE ?
Hé, dis ... on l'bouffe ?
...
Quoi ?
...


L'un des bouseux bavards sort un couteau de lancer à la lame émoussée et vise la petite bête. Sauf qu'elle a de l'instinct et flaire l'arnaque. C'est bien, l'instinct. Elle se faufile entre mes jambes et prend la clef des champs. L'autre a pas eu le temps de l'ajuster. C'est pas plus mal, j'aurais mal vécu qu'il me plante un orteil. J'repars.

Z'auriez pu l'attraper, idiot !
Quoi ?
NON PAS TOI. Vous là !


L'insecte me parle. Volette autour de moi, et vient planter son bec édenté devant le mien. Je ne l'aime pas. Il est faible et fragile. Il me lorgne. Bêtise. Je le toise. Froid, tranchant. Le rictus mécontent sur son visage se défait. Il comprend.

Vous avez dit quelque chose ?
Euh ... non rien.
Bien.


J'aim bien faire ça.

Je repars. Traverse la ceinture du campement sans embûche. J'suis au pied de l'édifice. Y'a plusieurs entrées, jles identifie à mesure que je fais le tour de l'endroit. Y'a des gardes, postés ici et là. Qui me regardent sans trop en avoir l'air. Mais jles ignore. C'est pas encore l'heure. J'fais un tour entier, et un peu plus. Pour venir me planter juste sous la tribune principale. C'est là que sont les gens qui savent. C'est là qu'il faut aller. Mais j'peux pas m'y pointer tout bêtement. Faut emprunter un accès moins évident.

Y'a un miaulement, derrière moi. C'est le chat. Mon chat. Qui a pas trouvé où aller se faire cuisiner ailleurs. Il rôde le long de la paroi. Flaire. Jle regarde faire. Tout d'un coup, il disparait par un trou à peine plus gros que lui à la base de l'édifice. Je lorgne autour. Personne. Ça va pas durer mais c'est pas un problème. Une fois les joyeusetés lancées, j'compte pas faire dans le discret. J'tâte la pierre, à l'endroit le plus friable Hm, ça devrait le faire.


Crok. Crok.

Deux coups de pied pour agrandir la fracture dans le roc. Du gravas se dérobe, un rideau de sable grossier aussi. L'accès est dégagé. Je m'engouffre, à l'aveuglette, les jambes les premières. On verra bien ce qu'y se trouve de l'autre côté.

Il fait sombre. Y'a des barreaux. Et y'a un mec pas jouasse qui me toise. Je trouble son petit sommeil de petit esclave. T'aimes pas qu'on te réveille pendant la sieste, le déchet ?


Boom.

Alors rendors toi.

Tiens, il tombe pas. J'aurais dû cogner plus fort. Surtout qu'là, il gueule bien comme il faut pas. Voilà, c'est maintenant. C'est maintenant qu'on enclenche le mode Frakass.
    J’ai vu. J’ai vu plusieurs massacres couverts par les hurlements de la foule. J’ai compris pourquoi on appelait ça un Talking Dead, quand la règle d’or est de laisser agoniser son adversaire, que la salle devient silencieuse pour entendre grâce à un Den Den les dernières paroles du supplicié. Tout ça m’a pas fait peur, non. Ce qui me fait peur c’est la lueur bestiale que j’ai pu apercevoir dans les pupilles de tous les spectateurs vociférant. La civilisation ça existe plus ici. La société elle attend sagement son tour dans le hall d’accueil, la bienséance et l’honneur on leur a offert un billet low cost pour une contrée lointaine.

    J’ai vu ça alors que je l’avais pas demandé.

    Aujourd’hui c’est à moi. Abraham est venu me chercher et m’a encore lavé avec son bâton. Je m’y habitue presque à ce machin. C’est censé cramer tout ce qu’y’a à l’intérieur, pour ceux qui sont faits de vide ça prend jamais bien longtemps.

    J’arrive par une travée, en mode boxeur de la honte dans la cage aux tigres. Vous êtes fous les gars. Sauf que votre problème c’est que vous avez trop besoin de l’exhiber. C’est ce qui nous perd, c’est toujours ce qui finit par nous perdre.

    J’ai eu quelques poignées d’heures pour réfléchir à la situation. Mes objectifs ? Retrouver Marisa et Simon et me barrer d’ici. Je serai pas très efficace sans mes deux compagnons de route. Impossible en restant réglo, y va falloir feinter.
    Je peux pas embobiner Abraham. Déjà il a pas l’air d’être le genre et en plus de ça j’ai jamais été doué pour la rhétorique. J’ai jamais été doué pour grand chose de toute façon, le talent ça oblige à rendre des comptes à la vie.



    « Tu dois être impatient hein mon petit ? »



    Non, faut que j’arrive à me faire remarquer. Aucune envie de plaire à ces tordus certes, mais dans l’état actuel des choses j’ai pas énormément de choix. Je peux pas fuir, j’ai pas le droit de mourir non plus.



    « Tu les entends ? Ils t’attendent. »



    Je dois savoir qui tire les ficelles, qui dirige ce foutu endroit. Remonter à la source du mal, chercher le siphon de la vérité.
    L’arène est là, toujours aussi sale et oppressante. Un toit sombre et rudimentaire cache la lumière du soleil, c’est qu’on se croirait sous terre, éclairés par d’immenses flambeaux et agressés par l’odeur de sueur et de sang qui emplit les lieux.
    En face de moi, un lutteur. Amaigri, couvert de cicatrices, c’est pas son premier combat ici. Il est calme, ne tremble pas. Il a appris à dompter sa peur, à retenir sa vessie et à se concentrer sur l’essentiel : survivre.


    « N’oublie pas, si tu gagnes, laisse le en vie. Les spectateurs sont friands des dernières paroles, les plus frappantes sont affichées sur le mur du fond. Frappe, crie, bave, mais ne le tue pas de suite. Ou à l’inverse, cherche quelques mots qui te donneront une belle fin. Allez. »




    Je déteste le combat rapproché. Ça pue la mort et la mort encore. Ça me remplit de quelque chose alors que je suis né pour rester vide. Mon adversaire s’approche, les lézards étranges nous narguent déjà.
    Y veut pas. Je le vois dans ses yeux qu’y veux pas me buter, que lui aussi c’est une victime, que sa peau sombre et ses muscles saillants aimeraient retourner chez lui pour embrasser une femme ou un parent. T’as l’air brave mon cher, je te ferai pas d’offense, c’est promis.




    Le gong retentit, les morts et les vivants exultent.
    Attaque, esquive, saisie, rotation, nuque. Dix secondes. Il est mort sur le coup, n’a pas eu à se prostituer verbalement pour ces chiens.



    Un grand silence se fait d’un seul coup.
    Je regarde les centaines de monstres autour de moi.
    Vous êtes frustrés ?
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    Il a pas gueulé bien longtemps. Parce que son cou s'est vite retrouvé enfermé dans un étau implacable, entre mon bras et mon avant-bras. Ses deux pognes se sont agrippées, ses doigts ont essayé de forcer le blocage en vain. Il a vite compris qu'il pourrait pas se défaire, qu'il était à ma merci. Sauf que, une fois n'est pas coutume, j'ai pas porté le coup de grâce. S'il en avait eu la force, l'autre aurait pas hésité à me faire la peau, et pourtant, ça m'dérange de l'envoyer dans la fosse comme ça, sans autre forme de procès. Tous les esclaves ici ne sont pas des criminels. Pour preuve, celle que je recherche n'en est pas une, Ossoï répond de sa probité. Alors, ce type qui souffle fort, agenouillé par mes soins et ma supériorité, c'est juste un gars qui a appris à lutter pour vivre. La loi de la jungle. Et se montrer magnanime pourrait le ramener à son humanité. De toute façon, s'il ne mérite pas de vivre, je saurais réviser mon jugement une fois notre affaire conclue.

    Tu te tais. Au prochain son, je t'achève.

    Il hoche la tête, éloigne ses mains, paumes ouvertes, de leur prise.

    Une femme est arrivée ici, tout récemment. Captive. Où se trouve t-elle ?

    L'étreinte se desserre, imperceptiblement. Il peut murmurer sa réponse. Il dit ne rien savoir. Je le crois. On ne me ment pas quand je questionne. Il se fait prolixe, tout d'un coup. Il explique que de nouveaux esclaves arrivent continuellement, qu'il est impossible d'en repérer un en particulier. Et puis, il implore pour sa vie, pour sa liberté. Il ne mérite pas la mort, son sort déjà tout tracé. Il est fort mais un jour, quelqu'un le vaincra dans l'arène et lui volera son dernier souffle. Il continue. Demande si je suis là pour le sauver. Pour les sauver. Les dizaines de combattants. Le monde ne sait pas ce qu'ils endurent ici. Ça donne à réfléchir.

    Il y a des gladiateurs, ici. S'ils sont en vie, c'est qu'ils ont tué, pour la plupart. Ils sont capables. Potentiellement dangereux ou criminels, mais avant tout, ici, une force vive à exploiter. Chaque chose en son temps.


    Des gardes, combien ?
    Énormément.
    Où ?
    La plupart protègent les spectateurs de marque. Ici, seulement un toutes les trois cellules.
    Les autres esclaves, ceux qui ne se battent pas ?
    A la surface, ou dans les loges privés, en haut des gradins.


    Pas le choix. Je ne peux pas fouiller l'endroit dans son ensemble à moi seul avant d'être repéré. Il va me falloir une diversion. Finement orchestrée.

    Tu veux vivre ?
    Oui.
    Ton nom.
    Oxat.
    Oxat, à partir de maintenant, tu me suis.


    Il demande comment on va sortir. Je souris, lui réponds d'appeler la garde. Il ne bronche pas, obéis. Deux malabars que rien ne différencie de ceux qui croupissent de l'autre côté des barreaux à l'exception des armes à leur ceinture arrivent. Ils me voient, je n'ai pas cherché à me cacher. Ils se fâchent, je les coupe. Leur laisse le choix. Se rendre ou mourir. Les idiots rient, trop infatués pour laisser leur instinct de survie les avertir. Tant pis pour eux.

    Je prends une impulsion contre le fond de la cellule, et percute de plein fouet les barres de fonte qui nous parquent. C'est lourd, c'est solide, mais pas assez bien ancré dans le sol pour résister à pareil assaut. La structure entière sort de son axe, ma charge se prolonge jusqu'à repousser les deux cerbères contre le mur opposé, dans le couloir, écrasés par la grille. Le choc est dur, mat. Knock out double.

    La disposition oblique du couloir a masqué à la vue des autres geôliers ma manœuvre; deux autres approchent pourtant, attirés par le bruit. Oxat, avec une lucidité tout à fait louable, a déjà fait disparaitre les corps dans sa cellule, pour garantir le meilleur effet de surprise possible. Quand les matons réalisent, yeux rivés sur leurs collègues inconscients, il est trop tard pour eux. Chacun sa cible. Une main bloque la bouche, l'autre tranche la gorge. Mouvement sûr et vif. Le sang vient maculer le sol de terre, deux masses inertes s'écroulent. Mortes, celles-ci. Regard satisfait vers Oxat. Une première bonne chose de faite.

    Par une alcôve, la lumière du jour perce. Les huées de la foule nous parviennent. Le spectacle a commencé, et il plait pas à tout le monde. Une clameur, cette fois-ci. Trois nouveaux combattants entrent en piste, manifestement. Depuis l'entrée opposée. le coup d'œil prolongé révèle qu'une partie des gardes en position au niveau des cellules est postée devant les artères qui communiquent avec l'arène. Ça signifie, moins d'effectifs ici. Et risque d'être repérés minimisé, avec l'animation qui s'élève des tribunes. Bien. Le plan se met en place petit à petit.


    On va rappeler le bon goût de la liberté à tes compagnons de galère.
      J’ai goûté du bâton. Je m’y attendais. Y m’ont menacé. Je m’y attendais. Et leur chef m’a aussitôt demandé. Putain je m’y attendais pas si vite dis donc !


      J’arrive dans une sorte de bureau situé en hauteur, offrant une vue plongeante sur les horreurs d’en bas. Et assis au milieu d’un espèce de trône en acier, je vois...un gamin. Un gosse, un rejeton, un salopard de damoiseau qui a même pas un seul poil au menton.


      « C’est ton père le gérant ? C’est pas raisonnable de laisser un garçon voir ces atro...ouarghh. »




      Le ouarghh c’est pas une créature ressemblant furieusement à un gros chien dégueulasse sévissant dans une contrée fantastique, mais un gros chieur dégueulasse à l’allure fantomatique qui vient de ma labourer les côtes.



      « Tu parleras au seigneur Joffrey quand on t’en donnera la permission. »




      Cet endroit est encore plus sale que je le pensais. Le blondinet en face de moi me regarde de tout son dédain teinté de satisfaction, avec son sourire de pré pubère élevé par des monstres.


      « Ton petit jeu était divertissant mon chien, tu es plus coriace que les derniers lutteurs qui sont passés par ici. »


      Et là on m’explique que pour les mecs comme moi y faut d’autres mecs comme moi, et que je rentre dans une classe spéciale qui va faire de ma petite personne un combattant cruel. Et même qu’on rajoute que je les supplierai pour qu’on abrège mes souffrances. Le baratin habituel propice à ce genre d’situation en somme, je préfère fermer ma gueule, les coups gratuits acquis par pure fierté c’est pas tellement mon domaine.


      « Emmenez-le chez Bolton, il fera moins le fier. Nihééééhéhé ! Et qu’on m’amène mon arbalète ! Je veux jouer. »


      Alors on continue à me trimballer comme un sac de patates sur plusieurs corridors. La foule continue de rugir au milieu de tout ça, moi je résiste pas. Le temps viendra où je les ferai tous regretter, mais c’est pas de suite.

      On me fait rentrer dans une pièce, on m’harnache, on m’amène un type. Le dénommé Bolton. Pas bien grand, pas bien charismatique, juste un petit regard pincé de vicieux en manque et un teint blanchâtre d’homme invisible. Coucou qu’il me fait. Le reste je préfère pas trop détailler, mais apparemment y z’ont décidé de purger l’adversité à l’ancienne. Les heures qui suivent, je me réfugie dans mon esprit un maximum, j’essaie d’habiter le vide qui m’enserre de l’intérieur. Je dois crier pas mal aussi, personne ne m’entend. Personne sauf mon bourreau malingre qui rigole joyeusement. Un classique, un classique, attends un peu voir.



      Ils ont arrêté finalement. J’ai rien de définitivement cassé, ils ont besoin de ma force en même temps. Mais bordel qu’est-ce que je pisse sur le sol ! La porte s’ouvre à nouveau, un Bolton de moins, une bonne taule de plus. Et un joli minois fait son apparition. Teint rouquin, fringues moyenâgeuses et un bazar dans ses mains. On va me soigner avant de recommencer. Ces connards ont tout leur temps, leur reste plus qu’à briser ma volonté.

      Elle s’approche de moi, m’essuie comme elle peut pendant que je continue de me tordre misérablement. Elle finit, se relève, va s’asseoir sur ma couche sommaire.


      « Vous avez souffert, je suis ici pour que vous alliez mieux un petit moment. »


      Sa voix tremble pas, mais est âcre comme la résignation. Je comprends direct ce qu’elle veut dire, elle se raidit un peu pendant que je peine à me relever.


      « Comment tu t’appelles ? »


      Que je demande en m’asseyant devant elle sur le sol crasseux.


      « Suzy.

      - Comment tu t’appelles ? »



      L’ours que je suis regarde la belle qu’elle reste malgré les mauvais traitements. Elle finit par plier.


      « Karaël. Je m’appelle Karaël. »


      Ça me dit étrangement quelque chose. J’essaie de lever mon bras, juste assez pour poser ma main sur la sienne.


      «  Écoute moi Karaël. Ton corps j’en ai rien à foutre. Mais je vais nous faire sortir d’ici tu comprends ? »


      Elle reste stoïque, méfiante, une vraie dame, j’aime beaucoup.

      « Je sais pas quand, mais je vais nous faire partir. S’en sortiront pas comme ça. Maintenant attends dix bonnes minutes et va dire à ces pourritures ce qu’ils veulent entendre, que j’suis qu’un pauvre type qui fourre sa bite où y peut. »



      Je m’effondre à nouveau. Faut que je dorme, que je prenne soin de moi. Je vais en avoir sacrément besoin bientôt. J’nous ferai sortir d’ici, et j’irai écrire en lettres de feu sur leur stèle de merde ce qu’on appelle vraiment de la poésie.


      Dernière édition par Rimbau D. Layr le Mar 25 Juin 2013 - 13:08, édité 1 fois
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      L'arène focalise toutes les attentions. Les matons ont les yeux rivés sur le spectacle, comme l'ensemble des gradins. Après tout, si le danger devait survenir, les plus susceptibles d'en être la source sont les gars qui crachent leur tripes, le sang à l'air, en foulant le sable qui se pare de cette teinte rouge mort. L'entrechoc des armes baisse en fréquence, bientôt remplacé par les cris de douleur de ceux qui supplient non pas pour leur vie, mais pour une fin rapide. Et partout dans l'air vicié, on sent la jouissance abjecte d'un public tout entier résolu à voir la bête blessée s'humilier avant de s'éteindre définitivement. Comment pardonner ? Impossible. Mais on peut rien pour ses gars, il faut s'en tenir au plan. Y'a qu'à espérer que les victimes du jour étaient de vrais salopards, des qui auraient de toute façon mérité un traitement spécial à la sortie de l'arène si leur bonne étoile et ma rébellion les avaient tirés d'affaire.

      Quand les clameurs crépitent pour ce qu'on devine être le bouquet final, on a déjà parcouru un bon quart de l'enceinte, en sous-sol, à l'abri des regards, avec vitesse, méthode. A chaque cellule, le même rituel. Toiser le combattant usé qui sort les crocs, rendu méfiant devant l'inconnu par sa vie d'esclave; faire miroiter doucement la tête du plus infect de tous les geôliers, en signe de paix, et aussi un peu pour lui montrer de quoi je suis capable; faire sauter les barreaux de sa cage et lui refiler une arme. Coupe-choux, pilum, qu'importe. Ceux qui ont encore une gueule présentable pour être les derniers arrivés ici se parent de l'uniforme de service légèrement maculé de carmin des gardiens tués. Une pièce d'armure replacée, un casque type corinthien qui couvre les trois-quarts du visage et le tour est joué. Deux gladiateurs partent faire leur ronde, comme si de rien n'était. On réunit comme ça une quinzaine de gars, traits tirés, torse attaqué par les cicatrices et la malnutrition; mais tous restent secs et forts, des gars comme on en croise rarement à l'extérieur de l'enceinte.

      Oxat se charge de convaincre les sceptiques, ceux qui ont suivi mais restent prêts à retourner sagement dans leur enclos si ça tourne mal en se disant qu'après tout, s'ils ont survécu jusque là, ce sont leurs futurs adversaires qui sont le plus à plaindre. On parle peu, mais ça lance surtout des " on y arrivera jamais ", des " aucune chance que ça marche " quand on s'autorise à un commentaire. Non, ça marchera; ça doit. Pas dans mes habitudes d'échouer, pas prévu de commencer aujourd'hui. Surtout quand on voit le traitement qui nous attend si ça devait mal se finir. Faut faire en sorte que ça se produise pas; faut prendre les bonnes décisions.

      On a réuni un quart des gladiateurs, environ. On reste encore en large infériorité numérique face à la garde, à un contre sept ou huit. Impossible de tenter de les combattre de front. La discrétion est notre meilleure alliée, il faut tâcher de retarder au maximum le moment où l'alerte sera donnée. Et prévoir un plan B lorsque les cors retentiront. Sans oublier l'objectif premier de ma venue ici, retrouver la peintre, Karaël. On marche, je cogite. Sans moufter pendant une bonne minute. Jusqu'à ce que mon second officieux, porte-parole désigné des mutins, me relance pour la troisième fois avec la même question :


      Alors, c'est quoi la suite ?

      Je m'arrête. Tout le monde m'imite, notre progression se suspend. Dix secondes d'un silence de plomb où le doute, la crainte et l'excitation mêlées exsudent.

      La cage aux fauves, on en est loin ?
      Environ cent pas en continuant dans cette direction.
      Un moyen d'accéder aux étages supérieurs, aux coulisses.
      Euh ... je ne s...
      Y'en a un, oui ! Un escalier à même la cloison, qui donne vers le haut.


      Nouvel intervenant, une masse de muscles, un véritable colosse au visage encore juvénile pourtant. Ma main à couper qu'il a pas encore fêté ses vingt piges.

      On tombe sur quoi, là-haut ?
      Un couloir, y'a l'armurerie pas loin, la cantine des gardes je crois, c'est une des servantes qui m'a dit ça une fois ...
      Et après ?
      Après ...
      Tu t'appelles ?
      Trip.
      ... Ok, on continue de progresser tant qu'on ne se heurte à aucune opposition. Va arriver un moment où les vrais gardes de ronde verront vos cellules vides, et ça se corsera. Alors écoutez bien la suite, voilà le plan...


      [...]

      Une alarme retentit, au dessus de nos têtes, envahit les entrailles du Colisée. On a progressé de trois cellules encore, enrôlé autant de nouveaux soldats. Un roulement sourd dans la foulée. Des centaines de pas qui foulent le sol et répondent à l'appel pour venir mater la révolte. Un mouvement de recul, imperceptible, une grimace sur les visages. Mais ma voix gronde bien vite au dessus du bruit nocif et annonciateur de difficultés.

      C'est l'heure. Vous savez quoi faire. Vous côtoyez la mort, chaque jour. Vous connaissez la douleur. Vous réclamez vengeance. Saisissez-là. Et n'oubliez pas : vous êtes des monstres. Tuez.

      La cavalcade se rapproche. L'ennemi arrive. Les glaives sortent de leurs fourreaux. Quatre de front pour tenir le couloir, de chaque côté. Huit gars en retrait pour les remplacer. Cris hargneux, claques sur le visage, coups de poing contre le torse. Une poigne qui se raffermit autour de la garde. Visage de marbre. Regard de plomb. Nous sommes des bêtes. Pressées d'en découdre. Coup d'œil vers Oxat, prêt à remplir son rôle. Puis vers Trip, attentif à mes moindres faits et gestes.

      A mon signal, tu me suis.

      L'ennemi est là. Pas de pause. Pas de silence malsain. Non, une charge féroce et bruyante. Le corridor entier résonne, tremble. C'est la guerre.


      Dernière édition par Trinita le Sam 6 Juil 2013 - 17:33, édité 1 fois
        Souffle, souffle. Régule ta respiration, t’es assez fort pour le faire. Dans ma semi inconscience je vois des formes, des couleurs. J’ai des souvenirs flous qui se ravivent peu à peu. Trop de mauvais traitements, trop de sueur sur ma peau.

        Je profite de mes quelques moments de tranquillité pour entendre la voix de Karaël. Une fille courageuse, c’est sûr. Je crois que ça lui fait du bien de parler aussi. Quand on est seul dans sa misère c’est un bon moyen de tromper la peur. Apparemment c’est une artiste. C’est pas vraiment sa seule occupation que je crois deviner. Mais c’est pas mon problème. Alors que des explosions de lumière martyrisent mon esprit, j’essaie de faire le point. Bolton est qu’un pion, un préparateur un tantinet sadique comme y’en a partout. Ce qui faut c’est aller au cœur du problème, ce qui faut c’est une rébellion.

        Mais ça s’organise. Et tel que je me connais, sitôt dehors, c’est pas vers la main d’œuvre que je me tournerai mais plutôt vers les barils de poudre. Un musée mortifère ça se détruit pas par les poings, ça s’embrase, ça se calcine.


        « Je...suis pas bien habile avec les mots. Pas devant les autres. »


        Elle le sait bien. Mais à défaut de faire preuve d’ingénuité elle semble accepter cette incertitude qui me définit si bien. Tu es gentille Karaël, bien plus qu’un mec comme moi peut mériter. Je t’oublierai pas au moment de conclure, je te laisserai pas brûler dans cet asile nauséabond.


        Ça a repris. Encore. Bolton est ingénieux, y trouve toujours de nouvelles manières pour susciter l’effroi. Mais je dois pas être un cas d’école, les lacérations qui se multiplient entachent pas la sève de l’homme. Ces meurtrissures boursouflées me rappellent justement que je suis pas un monstre, mais un homme comme les autres.
        Et cette fois-ci, il ramène la damoiselle avec lui. Pas après l’acte, mais en plein milieu. Comme s’il avait deviné nos échanges fugaces et qu’y voulait lui montrer ce que c’est vraiment que la vie, dans sa crasse indigente, dans sa laideur la plus froide.


        « Ne détourne pas les yeux voyons ! Tu nous ferais honte à tous ! Regarde bien, ne cille pas. »


        Elle pleure pas, ne fais aucun mouvement. Nos regards se croisent un instant, et mes yeux tuméfiés tentent de lui instiller une bravoure qu’elle a déjà.
        Alors le bourreau ouvre les bras comme un patriarche avant le dîner, écarquille des yeux injectés et sourie comme un demeuré. Avant qu’elle ne bouge. Avant qu’elle le pousse. Avant qu’il se retrouve dans mes bras crucifiés. Avant que mon crâne ne s’abatte violemment sur son front.

        Y tombe. Bravo Karaël, t’as été forte. Elle me détache, je prends quelques instants pour respirer. Nulle trace de colère sur mes traits, seulement une satisfaction et une impatience. Je prends mon héroïne dans mes bras. Cette tendresse que je n’ai pas ressentie depuis longtemps, je me l’octroie quelques secondes. Quelques secondes avant de replonger dans l’enfer du quotidien.


        « Allons-y. »


        Je toque à la porte, on m’ouvre, je frappe. Ça y est, nous sommes dans les couloirs. Et je me souviens du chemin dans ce dédale. J’ai pas besoin de miettes de pain, juste des futures cendres qui voletterons sur un champ de ruines. Allons dispenser notre enseignement, allons éclater cette bulle de puanteur.
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        Lames qui transpercent boucliers et corps, chairs qui se déchirent dans la chaleur du combat rapproché. Le premier choc est rude, mais les corps sont solides, durs au mal. La douleur leur rappelle qu'ils sont en vie, les genoux forcés de ployer de leurs ennemis qu'ils sont plus forts. Plus forts, parce que la peur de la mort leur est étrangère, il n'y a que le goût sucré de la liberté pour eux, derrière cette effusion de sang et de larmes. Rien à perdre, tout à gagner. À arracher, à n'importe quel prix, des griffes d'aciers qui les assaillent. Et la première secousse contenue, on se rend compte qu'on peut le faire, qu'on a raison d'y croire. Les cris de hargne sont plus hauts que ceux des mourants. L'architecture des lieux constitue leur meilleure alliée, neutralise l'infériorité numérique et ramène le combat à sa définition la plus stricte. Et au un contre un, ils sont plus forts. Plus grands par la taille, plus mauvais par les coups donnés, plus implacables par leur détermination sans faille. Ils dominent.

        Un semblant de science tactique, pour asseoir la supériorité physique, permettre de gagner, pied après pied, du terrain sur les esclavagistes. Cri d'effort, à l'unisson, à chaque nouvelle charge, et le bloc avance, lentement mais sûrement, vers son objectif. La cage aux fauves. Quand le poids du nombre reprendra enfin la barre et fera entendre raison à ses cœurs fiers, les crocs acérés des prédateurs tirés de leur sommeil et libérés de leur prison viendront jeter une zizanie qui fera jouer l'instinct de survie de chacun. Les félins n'ont que faire des étiquettes, qu'importe les statuts, oppresseurs ou opprimés, ils sont tous égaux face à la loi de la jungle. Et à ce moment-là encore, quand s'abattront les sabres de la nature, les plus à même de s'en tirer seront ceux qui déjà se sont heurtés à cet adversaire ô combien plus redoutable que tous les autres. Il y aura des pertes, il y aura des morts. Quelle importance ? Ils sont déjà des cadavres en sursis, on prolonge leur existence pour satisfaire le sadisme de quelques huiles. Celles qui ne trouvent leur plaisir qu'en usant de leur supériorité pour retrouver ce sentiment de domination unique. Mais pour l'heure, tout leur pouvoir, leur si précieuse fortune est inutile face à la fureur de vivre de ses révoltés. Les murs se parent du voile carmin de la mort, le sang vient se mélanger à la terre battue, au sol, à mesure que les souffles faiblissent, s'estompent. La sueur et la clameur rauque des combattants règnent sur les entrailles de l'arène. Ils progressent.

        La volonté de bourreaux débordés moralement s'effrite, la retraite organisée se maquille bien vite en débandade. On court pour sa vie, on tremble de sentir fondre sur sa nuque la lame glacée du châtiment et le tranchant d'un glaive. Pas de place pour l'honneur. Tous les coups sont permis. Un homme tué maintenant, c'est un ennemi de moins quand se seront réorganisés les troupes en déroute. Les effluves de sang et de mort se diffusent partout, la rumeur d'une révolte en passe de réussir se répand comme trainée de poudre et bientôt, les cellules dont les occupants n'ont pu être libérés par les insurgés se mettent à chanter, faux et fort, à cogner de lourds rocs contre les barreaux pour répondre à l'appel, encourager leurs frères d'armes et les porter plus avant dans leur entreprise. Ce sont les fondations même de la structure qui tremblent sous le tumulte. On rugit d'impatience en attendant la reprise des combats.

        Les soldats de ronde, infiltrés, profitent de leur position pour faire gonfler les rangs de la révolte, depuis l'opposée de l'arène, et former un deuxième bloc de combat. Le premier se met en place à proximité de l'enclos aux fauves, et forme une barricade toujours plus haute en entassant les corps encore chauds des premiers tués. On a achevé certains mourants, sans compassion. Gorge tranchée, vie qui s'éteint, corps qui rejoint le mur en construction. Quatre des leurs sont tombés, pour presque vingt ennemis. Un leader harangue les hommes, dispense les ordres. Demande à un éclaireur de se placer en amont pour prévenir du retour de l'ennemi. Pendant ce temps, la garde se rassemble, des hommes frais venus de la surface viennent suppléer les blessés, les morts. La seconde vague s'annonce plus féroce, plus forte. Les armes sont plus tranchantes, les boucliers plus solides, les hommes plus nombreux, plus entrainés. Le danger est pris très au sérieux cette fois, on établit une stratégie. Chaque force en présence est prête à en découdre, à nouveau. Depuis les deux accès avec le rez-de-chaussée, une marée humaine afflue. Le deuxième round approche. Pour tous.

        Sauf pour eux. Deux hommes au visage barbouillé de sang, aux bras tailladés, au corps perclus de douleur. Ils filent en douce, de la salle des armes où ils se sont tapis pendant que les autres blessés rejoignaient l'extérieur et un campement de premier soin monté d'urgence pour sauver ceux qui peuvent encore l'être. Il n'y a plus personne ici. L'un s'en assure, l'autre jette un regard depuis l'opposé du corridor, pour savoir ce qui les attend. La voie est libre. Ils longent les murs, leurs chausses à lanières laissent une empreinte rouge sang sur le sol de dalles. Celui qui mène connait la voie, l'autre couvre leurs arrières. Sans un bruit, sans un mot, ils avancent. Le poing du premier se referme, les deux se figent en dépassant une porte de bois. Un bruit, à l'intérieur. Des chuchotements dans le couloir, on se décide.


        C'est chez Bolton.
        Bolton ?
        Le bourreau officiel. Il "emprunte" parfois une fille.
        Karaël... on entre.


        Ils comptent jusqu'à trois. Puis, dans un même mouvement, viennent écraser une lourde épaule contre le bois qui craque. On retient une grimace, on brandit bien haut son arme devant soi. Ils entrent.
          Plus de refuge pour les fugitifs, on peut pas se permettre de se poser trop longtemps où ils vont finir par nous trouver.

          Nous sommes passés près de l’arène, on a pu voir le combat inégal qui opposait un homme épuisé à une meute de vendus. J’ai un pincement terrible à l’âme, Dale vient de mourir sous mes yeux. Et son dernier soupir est en train d’être gravé sur la stèle infâme qui insulte la nature humaine. Maudits soient-ils.


          « Karaël, tu dois m’attendre près de cette porte. Cache toi comme tu  peux, je vais revenir. Je dois faire ça seul. »



          Ma voix est âpre comme la désolation et rauque comme la tristesse. Je vais avoir besoin de pas mal de choses. Doit y avoir quelques joujoux pas bien loin. Et l’uniforme du garde au sol va m’être bien utile.





          ***





          Je suis de retour. Mais la belle demoiselle n’est plus là. Quel sac à merde je peux être parfois, laisser une fleur tenter de s’épanouir discrètement au milieu d’un champ de ronces acérées. Elle a du se faire reprendre, je dois aller la chercher.

          Je furète le long des couloirs. La nouvelle de mon évasion est peut être déjà arrivée aux oreilles des dirigeants du coin. Je suis seul, et loin d’être un handicap ça me permet de m’exprimer avec tout mon talent de chasseur de primes. Discrétion, efficacité, on y va.

          Elle est chez le patron. Voilà ce que j’ai fini par apprendre après quelques séances de questionnements musclés. Mon plan est en place, je pourrais me barrer silencieusement et admirer tranquillement les futurs décombres de l’endroit. Mais non, j’ai cette sensation peu commune qui me tiraille le bide, j’ai la certitude de finir damné si je respecte pas ma parole. Qu’est-ce que je dois faire ?




          ***






          Joffrey est furieux.



          « Il recommence avec ses conneries ? Combien de fois est-ce que je vais devoir le mater ce gladiateur du dimanche ? »


          Les pontes du coin sont là, l’arène exulte alors que les combats font rage à l’intérieur. Karaël est à genoux, encore indemne. Je sors de l’ombre.


          «  Et bien le voilà le forcené ! On a décidé de faire un baroud d’honneur mon chien ? Tu as déjà été plus inspiré. »


          On m’encercle rapidement. Certains gardes que je n’ai pourtant jamais vu me regardent comme si j’étais le diable en personne. On me qualifie même d’assassin dans le lot. Les gars, vous emballez pas, c’est pas encore le grand détournement.


          «  Très bien, je vais renoncer à mes projets te concernant, c’est assez dommage. Je vais m’en occuper moi même. Mais avant, un petit cadeau ? »


          Y prend son arbalète et la pointe sur Karaël. L’enculé ! T’auras pas le temps, allez, t’auras pas le temps !


          Dans une salle voisine, la cire d’une bougie qui fond lentement s’en va enfin rejoindre un sol inflammable. Tout est affaire de timing dans une situation inextricable. La traînée volontairement longue s’en va rejoindre un carrefour où elle se sépare en plein de bébés mignons à souhait. Et chaque ondée terrestre est reliée à une autre salle pleine de produits plus ou moins contrôlables s’ils sont utilisés seuls. Sauf qu’ils sont couplés à du zinc, du phosphate, des éléments sympathiques pour tout petit chimiste en herbe. C’est fou ce qu’on arrive à faire quand on est motivé.


          Le premier grondement fait vaciller tout le monde et la flèche manque sa cible pour aller se ficher dans un des gardes du corps. Alors que les piliers principaux sont les cibles des explosions en série, Karaël et moi on est déjà sortis de la pièce, courant sans regarder en arrière, tentant d’atteindre le seul endroit de l’édifice qui selon mes calculs ne sera pas grandement touché par la manœuvre, le centre de ce lieu de culte démoniaque, l’arène où tout a commencé et où tout s’achèvera.
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          Personne. Le bruit s'est évanoui. On s'interroge, croit à un piège, mais fouiller l'endroit ne requiert qu'un rapide va et vient du regard. L'évidence dérange et pourtant. Il n'y a rien. Rien que du vide. Juste, cette odeur macabre, juste, cette atmosphère malsaine. Tout dans la pièce respire le vice et la mort. La luminosité y est anormalement faible, la clarté blafarde ne s'infiltre que par une timide lucarne. Mobilier dépouillé, matelas défoncé et coincé à même le sol dans le recoin le plus sombre. Et à côté, une armoire. Baignée d'un halo de douleur. Sertie de poussière et sueur. La porte ne refuse pas de s'ouvrir quand une main tire sur la poignée, comme heureuse de dévoiler les outils de mort qu'elle renferme. Mouvement de recul, sous l'effet de la surprise. Une lueur blanche danse sur chaque arme, l'ensemble génère plus de lumière que le reste de l'endroit. La tête pivote dans un tic. On ressent le malaise, chaque seconde un peu plus distinctement. La sensation dérange mais les yeux examinent plus attentivement le matériel contenu. Des lames, des fils, des cales. Fer et bois. Tout est soigneusement entretenu. Tout est méticuleusement rangé. Un profil s'établit. Et il n'est pas beau à voir. Bolton appartient à une espèce dangereuse, il est un prédateur.

          La température est anormalement froide. Trip renvoie un regard fermé, réprime le frisson qui lui parcourt le dos en fronçant les sourcils pour réaffirmer sa détermination. Son regard plonge dans le mien pour y puiser force, volonté. Mes traits renvoient la détermination implacable qui m'anime. Il va falloir en découdre avec un danger véritable si l'on veut retrouver Karaël. Mon âme se prépare au combat à livrer. Cet état second me gagne, chaque instant un peu plus. Le calme avant la tempête.

          Mais l'orage est tout proche. Le grondement sourd, étouffé qui remonte depuis les entrailles de l'endroit rappelle que cette chambre est l'œil du cyclone. Sensation désagréable de ne pas savoir comment atteindre son objectif. Attendre ici ? Risqué, la porte fracassée témoigne de notre venue ici. D'un autre côté, pourquoi courir quand on sait que l'ennemi va venir à nous. Le gros des troupes est consommé dans la lutte qui fait rage sous nos pieds. Accueillir un contingent moins nombreux, probablement moins fort. Procéder ainsi sans hâte ni précipitation. Hm. Un travail de sappe en surface, ronger patiemment le tronc pour abattre l'arbre quand les racines sont trop profondément ancrées dans la terre. Idée honnête. Grimace de satisfaction. C'est un bon plan. On fait ça.

          Suis-moi.

          On sort. Envisager la porte voisine, entrer en douceur cette fois et écouter le bruit des pierres, des pas qui ne manqueront pas d'approcher, tapis au plus près de la chambre de Bolton. Un fauve à l'affût. Un chasseur. L'exquise sensation. Ce serait parfait, à un détail près. Détail qui prend l'apparence d'une dizaine de gardes, en armes et armure, près à nous bondir dessus quand on se glisse dans la pièce. Un entrepôt où dorment glaives, pilums et autre tridents. Trip s'empare d'une épée recourbée. Je dégaine mes pognes. Plan B. On cogne.

          Les bras s'ouvrent en grand, près à accueillir la première charge. Deux poings féroces, nourris de hargne, de haine. Une première lame zèbre ma joue droite. Raté. À moi. La paume gauche fond sur le casque le plus proche; bruit sec, mât en dehors, qui résonne là-dedans. Un corps inconscient tombe à genoux, vient s'effondrer à mes pieds. Knock-out. Un de moins. Ça calme les ardeurs, on a pas l'habitude de négocier avec des cas pareils. Mais On est nombreux, alors On repart de plus belle. Tous ensemble, cette fois-ci. Échange tumultueux, tornade dansante de bras armés autour d'un point central. Moi. Dommage, le noyau est instable. Très. Les électrons sautent les uns après les autres, touchés un peu partout où ça fait mal. Foie, tempe, gorge. Un, deux, trois de chute. Je compte les points, ils les mangent. Ça commence à manquer d'air dans la pièce, le feu de l'action se meurt peu à peu, pour s'éteindre totalement en une minute à peine.

          Trip souffle. Pas vraiment touché, faut dire que j'ai abattu le plus gros du travail. Il a l'air convaincu par ma petite démonstration. Pas le temps de fêter la victoire, on a de nouveau de la visite. Ils sont plus nombreux. Font irruption mais ne se précipitent pas, préfèrent contempler le carnage et laisser passer leur meneur. Grand, chauve, bizarre. Bolton ? On s'en fout. Je veux me battre, l'identité des victimes, négligeable. Ça dégaine; mais ça temporise. Frustrant.

          J'attends.

          Ils sont timides. Faut les motiver. J'vais pour faire chauffer un tour de manivelle quand on se met à parler, sur ma droite.

          Il est venu pour sauver une fille. Il est très fort.

          Trip. Sale petit cafard. Une pourriture dans le corps d'un jeune colosse. Y'a pas d'âge pour être un enfoiré, remarque. Ça m'apprendra à me fier aux gens. Je le fusille du regard, il recule un peu pour aller rejoindre prudemment ses geôliers. Le leader me cause.

          Ok, connard. Tu bouges, t'esquisses le moindre geste et je donne l'ordre de faire saigner toutes les putes de ce trou.

          Ça a le mérite d'être clair. Il dévoile un mini Den-Den, manière de montrer qu'il rigole pas. Soit. Va falloir changer son fusil d'épaule. Léger hochement de tête, ça respire un peu mieux en face. Y'en a plus d'un que l'idée de se frotter à moi emballait pas. Trip demande qu'est ce que ça loyauté va lui rapporter. Meilleure position, meilleures armes pour combattre, qu'importe. On verra, ça lui répond. Je vais l'aider à tuer le suspense.

          Un pas soudain, un mouvement, vif. Une main qui tord un poignet pas assez vigilant, s'empoigne de l'arme et vient la planter jusqu'à la garde dans la poitrine du jeune con. Il gueule, fort, très fort. Ça pisse des flots de sang. Deux gardes veulent intervenir, leur boss les en retient. Mes pognes tournent un coup sec au niveau de la nuque de Trip. Krok. Il s'arrête de gueuler. Il est mort.

          Je me retourne, toise le groupe entier.

          Soit. Allons-y.
            Nous voici au milieu de l’arène. Autour de nous, une vision de l’Apocalypse grandement méritée. La structure s’effondre sur elle même, et d’ici quelques poignées de minutes c’est l’endroit entier qui finira enseveli par ma colère.

            « Il me reste quelque chose à faire avant de partir. »

            Je lâche la main de Karaël. Les gradins ont été déjà à moitié désertés par ceux qui croyaient avoir une chance de s’enfuir. Ils doivent déjà maudire leur impuissance devant les différents éboulements qui bloquent les sorties du lieu. Oui, durant ma cavalcade silencieuse j’ai pu arranger quelques portraits et préparer quelques surprises. La typographie du lieu a été beaucoup plus facile à retenir que ce que j’avais prévu. Une intuition sans doute, un déjà vu.

            Une bonne tripotée de soldats un peu plus futés que les autres me rejoint quand même sur le sol ensablé. Le cadavre de Dale est encore là, tiède comme un lendemain de bûcher. Joffrey arrive, la mine déconfite de ceux qui sont en train de tout perdre, les yeux haineux de celui qui va chercher à étouffer sa rage. Je t’attendais. Je vous attendais tous.

            « Tu tiens à mourir sur le devant de la scène ? »


            Voilà, vous êtes tous là, à l’intérieur de mon cercle. J’ai beau être temporairement sourd d’une oreille, j’entends quand même le glas de la défaite planer au dessus de vos têtes.

            « Cette stèle...c’est une insulte. Une insulte aux artistes qui créent de vrais œuvres sur les océans.
            - Je ne te ferai même pas l’honneur d’y figurer. »


            La flèche fuse de son arbalète. Karaël crie. Je tombe en arrière alors que ma poitrine est assaillie violemment. Plus un bruit pendant quelques secondes. Malgré le chaos ambiant, ce silence paraît divin, comme rythmé par une puissance mystique qui paralyse tous les acteurs présents.
            J’ai eu de la chance tout de même de pouvoir en arriver là. De la chance d’avoir pu libérer une âme pure pour quelques minutes. De la chance d’avoir récupéré mes flingues avant le grand final. De la chance d’avoir rangé Marisa sous ma tunique près de mon cœur, là où une déflagration métallique pouvait tout gâcher.

            La flèche tombe au sol, ma main se lève, empoigne mon arme préférée et vise le plafond. Au dessus de nos têtes, quelques explosifs n’attendent qu’un signal pour parfaire le travail. Je tire.

            Le dôme se brise en mille morceaux, la chute est inéluctable. Adieu Joffrey, adieu mes chers ennemis, adieu vous monstres drapés de couleurs d’apparat. Ce lieu n’aura bientôt plus de propriétaire, il laissera le vent être son seul possesseur.
            Lorsque je parviens à me relever, je me rends compte que Karaël m’a tiré jusqu’à la gigantesque stèle, seul vestige encore à moitié debout. La partie supérieure a été arrachée, ne reste qu’une base fébrile mais solidement ancrée dans la terre.

            « C’est bientôt fini. »


            Ma limite je l’ai atteint depuis un bon moment. C’est le pas claudiquant et le visage ensanglanté que je ramasse un roc pointu et que je commence à graver une dernière phrase sur la surface rugueuse.
            Nous sommes sortis. Je ne sais pas s’il y a des survivants, ce n’est plus mon problème. L’endroit est silencieux, une poussière épaisse flotte encore dans les airs. Près de l’enfer, près du charnier, une ligne de plus resplendit parmi les ombres.


            J’étais ici et ces mots ne vous guideront nulle part. RT


            Nous avons trouvé une petite embarcation. Mes tempes me lancent dangereusement et je crois plusieurs fois m’évanouir. Mais j’ai un ange à mes côtés, qui me supporte et m’aime quand même pour ce que je ne serai jamais. Alors que les flots nous bercent, je me laisse partir sans regret, priant pour que rien ne puisse venir me réveiller avant l’aube. Et mes rêves se mêlent à une réalité contradictoire, où les sphères du temps se tordent les unes avec les autres. Attendez-moi, j’arrive pour une nouvelle partie, seul et froid comme la mort peut le devenir.

            J’ouvre les yeux. Sale temps, aujourd’hui. C’est bien. J’aime pas l’soleil. J'suis sur un caillou pas loin de Loguetown, il parait. Un endroit où se trament des affaires d'un mauvais genre. C'est bien. Les sales plans, c'est mon pain quotidien.
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            Les contours d'un final pas exactement comme je l'ai anticipé se dessinent déjà. Saloperie de Trip. Il l'emportera pas au paradis mais il me colle dans un sacré merdier. Un parfait exemple de ce que vaut la jeunesse actuelle. Je sais pas encore où ils m'emmènent, j'sais juste que tous les geôliers font gaffe. Une peur toute légitime qui se maquille en vigilance exagérée. Je dois avoir facile huit lames fichées autour de moi et quinze yeux rivés sur ma trombine. Y'a un borgne. On repart en chemin inverse, pour le moment, vers les escaliers qui mènent au sous-sol. Et sans doute vers ailleurs aussi. Une visite chez l'infect personnage qui est en charge ici ? Hm, ce serait pas de refus. Toujours mieux de savoir à qui on a à faire. Dans les rangs, ça moufte pas. Y'a que les bruits de nos pas qui claquent sur la pierre, et les soubresauts d'un combat plus si agité que ça pour gargouiller depuis les entrailles de la Bête, dessous.

            Le Bolton parle peu, lui aussi, et surtout pour me narguer. Dire qu'on la lui fait pas; qu'il est très costaud et en plus de ça, très malin. J'en doute pas mon pote, tu pétilles d'intelligence. Je lui bouclerais le clapier avec plaisir. Un bon gros coup de boule droit dans son nez, là où ça saigne. Pour le beau geste. Et parce que Don't fuck with me. Mais j'suis pas tout à fait en mesure de le faire. Y'a l'épée de Damoclès au dessus du cou de Karaël pour me rappeler à un peu de sagesse. De patience. Fort bien. Il suffit d'attendre la bonne opportunité. Ses sbires m'encadrent en rangs serrés. Faut guetter la brèche dans la formation pour foudroyer le meneur. Lui arracher le Den-Den des mains, d'abord, et son cœur ensuite. Y'a une furieuse envie d'agir qui se débat en moi, d'envoyer une première décharge, mais ça n'apparait pas en surface. Je pipe pas mot, même si ça fume en dedans; je marche bêtement les bras le long du corps. Un docile supplicié qui marche vers l'autel. Je chambre.

            Tiens.
            Hm ?

            J'ai fait un jeu de mots.

            L'escalier se présente devant nous, un peu trop vite. Pas la moindre ouverture à exploiter. Pas de faille dans laquelle s'engouffrer. Fâcheux, même si c'est un simple contretemps. Ça va venir. Ça vient toujours. Il suffit d'un instant de flottement. D'une brèche. Et je m'y engouffre.

            On va aller voir ce qu'il est advenu de tes copains, ça te tente ? Yak yak yak ...

            Il a dit ça tout fier, comme un sale merdaillon de cancre qui va faire une bonne blague au premier de la classe. Avec un sale sourire, toutes ses dix-sept dents en dehors parce qu'il a encore une bonne dentition. Bonne chose, ça veut dire qu'il lui en reste quelques-unes à perdre. La manière dont il a dit ça laisse suggérer que ça a tourné au vinaigre pour ceux d'en bas, il oserait pas me raconter des salades. J'sais pas s'il attend une réponse, mais je lui donne une.

            Concrètement ? Jm'en tape.
            Hein ?

            Hm. C'était rhétorique en fait. À mirer ses gros yeux bien vides, je lui trouve une similitude avec ces gros poissons pas bien frais qu'on trouve au marché. J'ai faim.

            Ça veut dire oui, Einstein.

            Et pour lui faire bien comprendre, je lâche une grimace parfaitement simiesque et un peu glauque qui peut se traduire par, rigole tant que tu le peux, bonhomme. Aux flatulences qui s'emparent de l'endroit, je crois que certains ont déjà pigé que ça présage rien de bon, ma gueule barrée d'un truc qui serait un sourire si je savais faire. Ou alors, c'est que je les fais bien chier, et c'est pas mal non plus. Bolton râle, dit qu'il attendait pas de réponse, qu'il s'en cogne pas mal de mon avis, que sale con d'abord, ferme-là, on avance. Je lui demande s'il en fait de même si je la bouche, il dit que oui. Ça m'va. Jme tais. On repart.

            Je compte les marches. Y'en avait cinquante tout à l'heure. Plus on approche du sous-sol, moins y'a de bruit. Et c'est pas ici que je vais pouvoir intervenir. On passe pas à plus de deux de front, pour atteindre Bolton, il me faut en croquer quatre d'un coup. Délicat. Alors je descends sans faire de vagues. En bas, on croise d'autres gars en uniforme, qui font savoir à leur boss qu'ils lui ont réservé une surprise. La foule se fend pour dévoiler un homme barbouillé de sang de la tête aux pieds qui m'est vaguement familier. C'est Oxat. Il est bien amoché. Et il est seul. J'entends dire que tous les autres sont morts, que la situation est sous contrôle. Merde.

            J'échange un regard avec le dernier des insurgés. Conciliabule entre Bolton et ses lieutenants. Ça fleure salement les messes basses entrecoupées de gloussements. Jusqu'à ce que s'élève encore la voix que j'apprends doucement à détester de celui qui mène le bal.

            Messieurs. Bonne nouvelle, la maison embauche. L'un de vous va se voir offrir la chance de se représenter dans l'arène. Un seul. Ceci est votre entretien d'embauche. Que le meilleur gagne. Yak yak yak !

            Un cercle resserré se forme autour de nous. On me pousse au centre. Et on balance un glaive entre Oxat et moi. Je bouge pas. Le colosse soupire, pas décidé à avancer non plus. Mais autour, ça gueule, ça menace de nous tuer tous les deux. Oxat se relève, méfiant. Il marmonne un désolé, mâchoires crispées, s'approche prudemment. Je bouge toujours pas.

            J'vais t'faire une fleur. Tu vas bientôt être libre.

            Il court. Attrape l'arme dans une roulade parfaitement exécutée et enchaine d'un bond qui le fait se projeter droit sur moi, bras armé tendu, orienté vers ma poitrine. Pas de côté, esquive. Une prise sur son poignet, une autre au niveau de l'épaule en retrait. Un pivot pour le faire s'orienter vers Bolton, dans mon dos, aux premières loges. C'est Oxat mon arme. Et elle s'approche à vitesse vertigineuse de sa cible. Un cri de hargne. Oxat ne lutte même pas, accepte sa mission. Les gardes sont pris de court, redressent les piques de leur lance un peu trop tard. Les crocs d'acier lacèrent mais ne perforent pas. Prends ça Bolton.

            Schlak.

            Ça déchire en plein abdomen. Y'a du sang qui coule, une barrique entière. Et le cri de terreur de Bolton qui couvre le raffût. Cri de terreur. Pas de douleur. Il a vu sa mort future. Il ne l'a pas épousée. Oxat s'écroule, la dague du bourreau plantée jusqu'à la garde dans ses tripes. C'est pas passé loin. C'est perdu.

            Toi !!

            On se rue sur moi. Je fais chauffer les pognes et distribue le plomb à la volée. C'est maintenant. Le dénouement. Plus question d'attendre. De déposer les armes calmement. Je suis Furax. Je suis Baston. C'est comme ça. Peu importe le contexte. Faut que je l'exprime. Je cogne. Le sang en ébullition, la vue brouillée par la colère. Cache-œil déchiré, une pupille qui déverse toute sa rage. On me frappe. On me bat. Je réplique, c'est un torrent de colère. Une tornade de coups. Ça pleut, ils s'écroulent. Mais ils sont nombreux, et certains touchent. Une masse vient marteler mon flanc, ça part direct sur les os, là où ça fait mal. Je serre les dents, il en faut plus pour me faire plier. Je marche sur les inconscients, j'écrase les combattants. Leur roule dessus. Cerné, acculé mais pas vaincu.

            Je suis un roc. Un acharné. Une îcone de violence. Je suis Trinita. Et j'vous butte t...

            Boom.
            ...chier.

            Je te sauverai Karaël...

            [...]

            J’ouvre les yeux péniblement. Très peu de luminosité autour de moi, mes côtes mes font mal. Ma bouche est sèche comme une vieille prostituée et ma tunique est à moitié déchirée. Grosse bosse sur la tête, cheveux en bataille, regard vaseux, le réveil est difficile.

            « Tiens tiens, on est réveillé. »

            Et ça recommence.