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Une nuit d'ivresse humaine

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« Psss ! Le Gazé ? Tu dors … ? Ca ne te dit pas d’aller s’en jeter un en l’honneur de la nature humaine ? »

Wash s’était invité dans l’ambiance ensommeillée d’une pièce dont l’éclairage prêtait plus au réveil. Ses compagnons, puisqu’ils étaient désormais officiellement présentés, dormaient comme des loirs et étalés comme des ours, la mèche sur la face pour l’une, le masque pour l’autre. Cette saine osmose de ronfleurs rendait notre balayeur des plus souriants, forcé de constater que le sourire attise son envie de sociabilité, il s’était mis en tête de réveiller le plus jovial pour se faire une petite virée humaniste.

D’un geste ample, il envoya valser sa serpillière sur son épaule, arrachant un éternuement aux Marines en faction qui s’étaient pris les lamelles d’éponges tressées en pleine face. Wash avait franchi la porte de sortie du palais de réceptions, il ne manquerait pas d’être suivi par le Gazé quelque instants plus tard. Les rues de LogueTown revêtaient d’un tout autre cachet une fois la sombre clarté des étoiles tombait sur les ruelles pavées. Les petites échoppes s’animaient de lampes torches et autres artifices d’éclairages, les chansons d’ivrognes se mêlaient aux crissements du cuir des bottes de la justice, les matous concédaient leurs territoires aux clébards et c’est bientôt dans le rôle des clebs que le Cipher Pol 5 allait se placer. Pour le moment, ils n’étaient assurément pas plus dangereux que des chatons de gouttière en quête d’une poubelle servant un lait pas trop tourné, c’était en fuyant les marches aux pas que l’on trouvait les plus beaux endroits de dépravation humaine. Les dreads portées par le vent marin, Cleaner observait derrière ses lunettes les ruelles étroites et terriblement hostiles aux jeunes filles, il cherchait l’ambiance sans jeter un seul regard à l’autre énergumène qui devait suivre. Le nettoyeur savait plus que n’importe qui qu’un individu comme le Gazé avait une philosophie à toutes épreuves.

Un bruit sourd retentissait au détour d’une impasse, tout en replaçant ses lunettes de son majeur, Wash s’engagea vers ce qui semblait être la litière de désœuvrements des rats de mers de tous les environs. En bref, un charmant petit bistro placé dans un coin des plus sombres d’où hurlaient et vociféraient une tripotée de gentilshommes de fortunes, les stores découpaient des halos de lumières tantôt obscurcis par des silhouettes massives ivres de folie nocturne. Les caniveaux bordant le respectable taudis dégorgeaient de détritus qui ne semblaient pas être là depuis longtemps, on aurait dit que les occupants avaient mis un sacré foutoir aux alentours, les mendiants avaient déserté et l’uniforme d’un représentant de la loi était planté sur la porte d’un coup de couteaux. Le ton était donné, soit le patron était un contestataire notoire ou soit ses clients étaient des contestataires du comptoir.

« Cet endroit me semble des plus sympathiques ! Et puis il n’y a pas de hasard, si on est là, ce n’est pas pour rien ! Hahaha ! »




!!!! HAN !!!!   ►  Affirmation/Rage

.... HEM .....  Doute/Gêne

???? HUM ????
►  Interrogation/Surprise

?!?! HOM ?!?!
 ►  Incompréhension/Hésitation
    Par un curieux sens du devoir, Rei ne put s'accorder qu'une petite heure de sommeil. Sommeil rendu en outre agité par l'insidieux malaise qui le poursuivait pour avoir manqué à ses obligations en ignorant délibérément de s'informer du contenu de la missive portée à sa connaissance. Tiraillé entre une fatigue grandissante et une conscience peut-être trop scrupuleuse au vu de la situation, son repos tenait de la séance de répit forcée à laquelle il astreignait un corps et surtout une âme refusant d'entendre raison. Une heure et ce fut tout.

    Incapable de goûter davantage la nuit dans un lit pourtant confortable, Rei se redressa sur son séant, encore somnolant. Un état tout sauf agréable, mais à qui la faute ? La sienne bien sûr. Il se supporterait donc ainsi jusqu'à ce que son corps se découvre un regain d'énergie ou demande grâce. Il serait forcément confronté à l'une des deux alternatives, plus probablement même les deux. Et fort heureusement, la logique voulait dans un premier temps qu'il s'élève vers un pic de forme. La chute n'en serait que plus dure, mais qu'importait.

    Décidé à tirer profit de ce second souffle, il ne prit pourtant pas la décision qui semblait s'imposer. Le cachet ne quitta pas le bureau sur lequel il reposait. Au lieu de celà, Rei se changea. Délaissant sa tenue d'apparat, laquelle lui avait valu quelques critiques favorables sur son bon goût lors de la réception, il opta pour une tenue bien plus décontractée. Chemise ample et pantalon de ville traditionnel. Certains jugeraient l'ensemble déjà fort présentable, mais pour lui c'était un cas exceptionnel. Et pour cause.

    Rei avait jugé plus judicieux d'effectuer une promenade nocturne dans les quartiers du voisinage, pour se familiariser avec cette ville encore étrangère à ses yeux qu'était Loguetown. En évitant autant que possible d'attirer l'attention sur lui, d'où le style vestimentaire somme toute passe-partout. Apprivoiser son environnement était sa manière à lui de se rassurer, de prendre confiance. Après un verre d'eau bu d'une traite, il sortit de sa pièce à pas de velours, pour profiter de la fraîcheur nocturne.

    Lorsqu'il sortit de la résidence, il eut la surprise d'apprendre de la bouche d'un des gardes en poste qu'il n'était pas le seul papillon de nuit à prendre son envol. Curieux. A la description des membres de l'atypique duo, Rei n'eut aucun mal à deviner leur identité et se mit à craindre le pire. Serei n'en serait pas à son premier coup d'essai, loin de là, en s'hasardant à jouer les aventuriers hors des heures de service. Et quant au dénommé Wash Cleaner, hé bien...sans mauvaise foi, son accoutrement et son intervention lors de la soirée parlaient pour lui. Une paire de fou partis semer la zizanie sur un échiquier dont chaque case recelait sa part de mystère. Voilà qui forçait le jeune homme à revoir ses plans. Ce serait donc une descente vers les bas-quartiers, vers lesquels ses collègues s'étaient sans doute orientés. A défaut de mieux.

    Fort heureusement pour lui, son sens de la courtoisie trouva écho auprès des quelques représentantes de la gent féminine qu'il croisa au détour des rues qu'il empruntait. Même s'il dut auprès de certaines se défaire de quelques Berrys. Le renseignement valant l'investissement, le scientifique déboursa sans rechigner, masquant même sa surprise et sa déception derrière un sourire charmeur. Rei put donc suivre l'itinéraire emprunté par Serei et Wash. L'un arborait un masque à gaz, l'autre une coupe rasta; chacun dans leur style, singuliers s'ils en sont, ils ne pouvaient prétendre à passer inaperçus. Ainsi, d'indication en indication, il remonta jusqu'à la source.

    La nature de ladite source, où étaient allés choir les deux originaux, ne le surprit qu'à moitié. Un trou à rat, mal-famé, avec son lot de brigands et de truands. Peut-être même un lot plus fourni plus qu'ailleurs, à moins que sur ce point, ce soit là simplement le ressenti d'un Rei privé de douce ballade au clair de lune qui s'exprimât. Mais déplaisir ou pas, le jeune homme se trompait rarement dans ses évaluations.

    Comme dans toute échoppe du style, on était pas du genre à poser des questions. Un bien moindre mal pour le nouveau client dont les fouineurs n'étaient pas le plat favori. C'était aussi l'endroit rêvé pour enfreindre en toute impunité les principes de vie que se devait de respecter un représentant responsable de la Justice. Responsable et théoriquement irréprochable, mais espérer de ces deux-là qu'ils comblent ses attentes sur le deuxième point relevait de l'utopie pure et simple. Tant pis pour lui. Tant mieux pour eux. Lâchant un soupir, non pas d'aise comme il lui arrivait parfois de le faire, mais de contrariété empreinte de dégoût, Rei pénétra dans l'échoppe. Pour s'assoeir directement dans un recoin un peu moins fréquenté que les autres, la mine fermée, l'air presque grave, tâchant de donner le change à ceux que son regard croisait pour ne pas dénoter dans le décor.

    Tandis qu'une serveuse aux moeurs légères lui servait le sempiternel verre de rhum synonyme de bienvenue, ses yeux battirent l'établissement pour repérer ses subordonnés. Trouvés. En dépit d'une luminosité déficiente, ce n'avait été l'affaire que d'une poignée de secondes. Même ici, ils étaient peu nombreux, ceux à pouvoir tenir la comparaison en terme d'originalité avec la paire la plus saugrenue du Cipher Pol. Maintenant, il ne restait plus qu'à les observer sagement, dégustant modérément l'élixir de tout bon pirate, bercé par l'hymne repris en coeur par une taverne entière, symbole de toute une classe sociale.

    Fifteen men on a dead man's chest...Yo ho ho, and a bottle of Rhum !

    En espérant que l'irrémédiable ne serait pas commis. En tout cas, pas par les moins pirates parmi tous ici présent, de préférence.

    Yohoho and a bottle of Rhum...hein ?


    Dernière édition par Yakutsuki Rei le Sam 19 Fév 2011 - 4:23, édité 1 fois
      - Psss ! Le Gazé ? Tu dors … ?

      - Huummmm?

      - Ca ne te dit pas d’aller s’en jeter un en l’honneur de la nature humaine ?

      - Aller s’en jeter un? T’es pas chiant dans ton genre toi ! Il est tard, j’suis claqué, j’ai d’jà rendu mes tripes ce soir et j’ai encore cette putain d’zik qui m’tambourine dans la tronche. Allons-y gaiement haha !

      Serei n’était pas le genre contrariant, pas quand il s’agissait de boire. L’ivresse, voilà un état qui avait le don de le fasciner. Même s’il n’était pas tout le temps logique, quoi que, selon lui, toutes ses actions l’étaient, il aimait être saoul, cela lui faisait faire quelques actions dont il n’avait pas le contrôle. C’était enivrant. Exaltant. Jouissif.
      Mais l’homme était déjà parti et Serei n’avait même pas eu le temps de repasser sa chemise avant de le suivre, voilà qui le gênait quelque peu. Mais bon, tant pis. Enfilant sa chemise, son pantalon et ses chaussures, il attrapa sa veste tandis qu’il se levait du lit pour suivre le balayeur du CP5. Il rattrapa sans peine Wash qui marchait d’un pas assez lent. Une fois à sa hauteur, l’homme ne prononça pas un mot. Il ne devait pas être loquace.

      - Tu m’emmènes où "La terreur des groupes de musiques" ? Oui, je sais que c’est toi qui les a stoppé tout à l’heure. Alors? Dans un troquet tout pourri où on sert d’la tortom? Dans un truc trop classe où on aura l’air de deux pouilleux?

      Une chose était sûre, son « camarade » n’était vraiment pas très bavard. Dommage, lui qui aimait discuter. Mais bon, quitte à ne pas discuter, autant profiter de ce moment pour mémoriser les ruelles de la ville, c’était barbant, mais ça servait toujours. Chaque petit repère avait son importance. Le clodo à moitié mort, la boîte aux lettres fracassées et la ruelle sombre comme le trou du cul de l’enfer étaient autant de petites choses qui lui permettrait de se retrouver au cas où. Au cas où quoi? Eh bien en cas d’agression ou encore en cas de poursuite qui tourne au drame. Il était plutôt fort et il le savait, mais on tombait toujours sur plus fort que soi. Même dans une ville comme LogueTown. Soudain, lui vint une irrépressible envie de chanter.

      - Un balayeur me sort d’mon lit
      Y m’dit pas où on va ni pourquoi
      J’dormais dans un beau lit avec des draps
      Et on m’traine vers un rade tout pourri

      Aaaaah qu’la vie est injuste
      Et si ça n’tenait qu’à moiiiii
      Je partirais d’ce piège à raaaat
      En l’laissant comme un sac de jute

      Merde, ça colle pas, j’ai une syllabe en trop. Bon, pas grave, j’m’arrête là t’façon.


      Ils arrivaient désormais en face d’un bouge et Serei l’examinait minutieusement, en même temps qu’il regardait son collègue. Les deux allaient bien ensemble et un petit gloussement fut étouffé par son masque.

      - On va là-d’dans j’suppose.

      Il avait tiré cette conclusion en regardant simplement le rasta-man sourire à la vue de l’uniforme cloué sur la porte. Évidemment, le balayeur lui donna raison avec un petit :

      - Cet endroit me semble des plus sympathiques ! Et puis il n’y a pas de hasard, si on est là, ce n’est pas pour rien ! Hahaha !

      *Des plus sympathiques? C’est clair !*

      Le chimiste pénétra dans le taudis d’une démarche claudicante. Pourquoi? Parce qu’il en avait envie, quelle question ! Il se racla la gorge et cria à qui voulait bien le regarder et surtout au barman.

      - Tavergiste ! À boire !

      Sans écouter le tavernier lui demander ce qu’il voulait boire, Serei s’installa à une table sans demander autour si elle était prise. Il ne s’était même pas soucié de Wash. L’avait-il suivi? Peut-être ou peut-être pas. Pour s’asseoir, il s’étala sur la chaise comme si le poids d’une journée de travail particulièrement rude lui tombait dessus et, petit détail qui avait son charme, il laissa sa jambe droite raide, de façon à faire croire au handicap qu‘il avait mimé. Il prévoyait souvent ce genre d’astuces. On ne frappe jamais un handicapé et, si jamais des salauds essayaient, le chimiste retrouvait la vigueur de ses vingt ans et frappait au bon endroit. Il n’a que dix-neuf ans? Ah… Tant pis alors.



      [hrp] Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la Tortom, sachez que c’est une recette ancestrale mélangeant de la merde avec des pommes. Voilà pour la parenthèse culturelle haha. [/hrp]
        Le Gazé, fidèle à ses ancêtres enfumés au monoxyde de carbone, s’était vautré sans aucunes réticences dans cet exécrable taudis. Sa jambe fièrement raidie en signe d’infirmité physique, il s’attendait à siroter un bon vieux verre de tord-les-tripes. Wash observait le curieux personnage qui s’en allait se faire servir sa choppe sous le regard respectueux dû à un infirme de son rang, le balayeur aimait cette façon d’emplir les lieux de présence humaine. Dans une société, il semblerait que les fortes personnalités ne peuvent cohabiter dans un environnement clos, Cleaner s’était posté accoudé au bar, la serpillière calée sous l’aisselle et le rhum aux lèvres, non pas car il ne pouvait vivre aux cotés de Serei, mais parce que les énergumènes du bar s’en débecteraient.

        « Observons ! »

        Il régnait dans le gîte alcoolique une sainte ambiance pirate, les trognes boursoufflées se mêlaient aux chants de fortunes, l’ensemble des hommes réunis dans l’office portaient un même tatouage à tête de lynx et aux épées tordues, un équipage sans aucuns doutes. Le plus bruyant d’entre-eux frappait du poing sur toutes les surfaces boisées disponibles, il enchaînait les liqueurs d’ivresses avec ses compagnons d’infortunes en se pavant des exploits qu’ils avaient semblerait-il accumulé durant la folle journée logue Townienne.

        « BOAWUHUHU ! Les LYNXERS sont les futurs Rois des mers ! Nous allons partir pour La route de tous les périls mes amis ! BOAWUHUHU ! La Marine nous recherche déjà ! Ils sont compris notre potentiel ! BOAWUHUHU »

        Les hourras se couplèrent de rires gras et de violentes rasades de boisson, le meneur d’homme à la longue moustache brune et aux poils sur les oreilles qui rappelaient non pas sans humour ceux des Lynx, claquait amicalement du plat de la main un petit bonhomme aux épées pliées en zigzags. Ils étaient les maîtres du troquet pour le plus grand déplaisir du tenancier qui comptait les verres cassés, sans espoirs de remboursements, s’il restait en vie, il en serait déjà redevable devant les stèles supérieures.

        Le capitaine s’élança à la conquête du comptoir, les poils fièrement dressés en pointe sur ses oreilles tel un fauve dans ses hautes gerbes. Il ne manqua pas de remarquer notre balayeur qui lui adressait des regards amusés depuis le manche de son instrument de travail, les dreads nouées en un tas de cheveux compacts et terriblement solidaires devant la détresse ivrogne et bienheureusement humaine. Cleaner amorça un petit signe du verre pour trinquer en l’honneur du capitaine, petit signe qu’il amena jusqu’à la hauteur de ses oreilles, ce qui bien-entendu était la dernière chose à faire face à un complexé de la pilosité auditive.

        « ESPECE DE CON… »

        La phrase d’une haute philosophie ne pue arriver à son terme, une jambe droite comme l’horizon fit trébucher l’homme aux poils mal agencés plus bas que terre, il avait roulé sous la table plus tôt que son ivresse ne l’aurait permise. Son regard félin se porta vers l’homme au masque de gaz, possesseur de la guibolle folle, l’inconnu descendait une bonne vieille choppe alors qu’il n’était pas convié tout comme le dreadeux à la petite beuverie pré-aventurière. Trop de cherche-la-merde pour un si petit troquet. Le petit escrimeur sortit ses deux lames aux étranges allures en signe de confrontation.

        « ON NE S EMOQUE PAS DES LYNXERS IMPUNEMENT ! YAHAAAA »

        L’énergumène s’adressait à la quinzaine d’hurluberlus aux mines d’écumes, le folklore de la piraterie lisible sur chacune de leurs faces.




        !!!! HAN !!!!   ►  Affirmation/Rage

        .... HEM .....  Doute/Gêne

        ???? HUM ????
        ►  Interrogation/Surprise

        ?!?! HOM ?!?!
         ►  Incompréhension/Hésitation
          La tempête approchait. Les monstres marins allaient bientôt sortir des bas-fonds. Cependant, pour l'heure, c'était une simple marée humaine, agitée, mais encore domptable par les plus aguerris.

          Provisoirement libre de laisser son regard voguer à sa guise dans cette représentation originale de l'immensité bleue – et pourtant, fait ironique, pas la moindre goutte d'eau en vue dans le boui-boui – Rei ne se fit pas prier. D'ici peu, un alcoolique notoire parmi tant d'autres viendrait remplir son office, à savoir parler à un inconnu sans la moindre préméditation ni but précis, pour la plus grande contrariété du jeune homme. De là, il deviendrait le meilleur ami de l'outre à vinasse, ou son pire ennemi selon la tournure qu'adopterait la conversation. Là encore, bien malin celui qui pourrait en prédire la nature avec exactitude. Peut-être un autre gai et imbibé luron. Peut-être fallait-il être au moins aussi ivre que le sujet d'étude, pour pouvoir déceler la logique qu'il adoptait, prouesse néanmoins émérite. Peut-être, peut-être pas. De toute façon, peu lui importait, il avait mieux à faire que de dilapider son temps en d'accessoires débats.

          Rapidement, quelques détails recoupés entre eux, pendant la trentaine de secondes qu'il s'accorda pour évaluer de la scène dans son ensemble, lui fournirent la certitude que la quasi-totalité des turbulents clients de la nuit ne formaient qu'un seul et unique équipage. Leur tatouage similaire bien en évidence, comme preuve la plus éloquente. Mais aussi, les discussions évoquant la vieille époque, rythmées par les anecdotes que tous partageaient, preuve manifeste que les gaillards avaient un passé commun. Ou enfin, les regards qui convergeaient de temps à autre vers deux acteurs principaux. Un petit bretteur affublé d'un rictus narquois inamovible, et un solide gaillard aux cheveux hirsutes, avec la particularité d'avoir aussi du pelage jusqu'à la pointe des oreilles. Très probablement les meneurs de la bande.

          Dans cette fresque, Wash et Serei s'y plaisaient bien, manifestement. Le premier s'assit nonchalamment au comptoir, apportant un peu plus de crédit encore à l'une des hypothèses de Rei à son sujet, selon laquelle le rasta avait derrière lui une longue carrière de pilier de bar. Son jumeau quant à lui opta pour la comédie.

          Ah, le coup de l'infirme, un de ses grands classiques...

          Aurait-il pu s'abstenir ? S'abstenir quitte à ne pas gratifier l'assemblée d'une de ses pitreries ? Sans doute pas. D'ailleurs, il avait déjà opté pour des numéros autrement moins cauteleux et bon enfant par le passé. Celui-là eut presque le don de faire sourire Rei. Jusque là, l'ambiance ripailleuse n'eut donc pas à souffrir de leur présence.

          Seulement, pour peu que l'on croie à la symbolique des dictons, il fallait se méfier de l'eau qui dormait. Et heureusement pour lui, Rei y croyait. Dur comme fer, même, la faute au grain de folie de son instable de frère. Alors, quoi ? Une taverne en guise d'arène, vingt bons hommes pleins comme des outres et deux polichinelles au casting, et pas la moindre gaffe ? C'était trop beau. Les deux admirables canailles qui se faisaient passer pour des agents de son Cipher Pol, à moins que ce ne soit l'inverse, ne pouvaient en rester là. Alors, lequel serait l'allumette, lequel serait la dynamite ? Wash, Rei ? Rei, Wash ? Ses yeux dansaient de l'un à l'autre, scrutant le mouvement déclencheur à venir. Et il vint sans se faire plus prier. C'en était trop prévisible.

          En bon mâle dominant, Grand Fauve ouvrit la gueule, tous crocs en dehors. Le faux infirme la lui cloua aussi sec. Le fidèle second, Petit Grincheux, rameuta alors les troupes. Toute la clique fut bien vite sur le pied de guerre. Chacun semblait n'avoir attendu que ce moment toute la soirée, guettant le prétexte qui viendrait mettre le feu aux poudres. Les vraies festivités allaient enfin commencer.

          Mon agent d'entretien préféré va avoir rendez-vous avec Grand Fauve...et Serei aura droit à son tête à tête avec Petit Grincheux. Soit. Tâchons d'éclaircir les rangs des troufions, ce serait bien ingrat de leur voler la vedette, ils l'ont bien méritée.

          Enfin, la générale se déclencha. Tous se jetèrent dans la mêlée. Plus qu'un règlement de compte, le passe-temps favori de beaucoup présentement en ce lieu. Les uns se matraquaient à poings nus, d'autres armés de chaises. Parfois même, c'est entre Lynxers que ça s'expliquait. Inutile de chercher Logique dans le secteur, elle n'y était pas passée depuis un moment.

          Rei, lui, ne s'était encore attiré les foudres d'aucune tête éminente. Occupé avec ses plus proches voisins, il dispensait les frappes avec générosité; des pieds, des poings. Encore des pieds, encore des poings. Un genou aussi, tiens. Parfois, il usait d'une tables pour parer les coups bien ajustés, s'autorisant à une ou deux répliques plus puissantes pour neutraliser les moins saouls ou les résistants. Au terme d'un échange nourri de politesses, il finit par "nettoyer" son périmètre. Les trois ou quatre forcenés qui l'avaient pris en grippe s'écroulèrent au sol. Des gibets de potence sans talent, sans technique ou presque, asservis par l'alcool en outre. Un jeu d'enfant. Mais seuls les amuses-poings avaient déjà rejoints le plancher. Échauffourée commençait à peine. Elle allait même gagner en intensité et céder sa place à Carnage. Ça sortait les flingues des chemises, les lames des bottes, pour passer aux extras avec les plus coriaces. Dans ce lot, ses deux compères du CP, aux prises avec une véritable meute, Grand Fauve en tête.

          Un océan s'embrase et je suis aux premières loges, j'en ai de la chance...

          Pour la suite, n'auraient été chanceux d'être là en vérité que les survivants. Ceux qui resteraient debout au terme de l'explication. Pour les autres, à l'inverse, ça aurait vraiment pas été le bon jour pour aller se coller une cuite au final. Comme quoi, boire aussi, ça pouvait être mortel.
            Mortel, voilà comment était l’ambiance. Serei était rentré, tout fier de son tour, mais personne ne l’avait remarqué. Quand il se dirigea vers la table, personne n’avait prêté attention à lui. Pas même un coup d’œil. Le barman était venu lui servir la pisse de chat qu’il servait aux touristes, mais le chimiste y décela une lueur d’inquiétude. Cela le fit sourire, finalement, les handicapés pouvaient inquiéter les gens. L’hôpital qui se fout de la charité. Finalement, ce furent les petits coups d’œil en coin vers les tablés voisines qui firent déchanter le fou. Ce n’était pas lui que craignait le barman, mais les marins voisins. Décidément, c’était vraiment une soirée de merde. Quelle idée de suivre le dreadeux hors de son lit. Il avait chaud, du moins, sur les parties couvertes, il dormait dans la même chambre qu’une fille pour le moins pas dégueulasse. Mais nan, c’était trop beau, autant venir et lui gâcher son sommeil. Plongé dans ces mauvaises pensées, Serei examina tout le beau monde qui rôdait dans le bar, son regard parti de Wash Cleaner, passa par les grouillots habituels, puis sur ce qui semblait être un groupe de pirate. Il parvint même à apercevoir Rei dans tout ce boxon.

            *Que?! Rei?!?*

            Mais le temps de se rendre compte qu’il avait entraperçu son jumeau, l’image de celui-ci s’était vaporisé.

            *Hm, tu craques mon pauv’ garçon. Rei est pas l’genre à trainer ses guiboles là-d’dans.*

            Wash sirotait son verre tout en observant lui aussi la foule. Rien de passionnant. Serei profita de ce moment pour boire une petite lampée. Il retira la partie inférieure de son masque pour permettre au verre de laisser couler son doux nectar dans sa gorge. Doux nectar qui le fit toussoter tellement il était mauvais en bouche. L’odeur n’avait déjà rien d’alléchante, mais il fallait vraiment goûter pour se rendre compte que le barman venait de se soulager dans le verre. Plus maussade que jamais, le chimiste resta de marbre durant de bonnes minutes. Le temps au chef des " têtes de chat " de s’indigner sur Wash alors que ce dernier portait un toast à son équipage. Le " ESPECE DE CON " emplit le taudis. Le petit bonhomme s’en retourna, fâché, vers ses camarades. Voilà ce qu’attendait Serei pour agir, voilà qui égaillerait sa soirée, voilà qui l’amuserait un bon coup. Acteur principal de la scène, le fou souffla un coup, il ne devait pas rater son coup.

            - Ciel, non, ma patte folle !!!

            La jambe semblait animée. En tout cas, elle bougeait d’une façon que quiconque qualifierait de bizarre. S’immisçant sans mal entre les petites pattes de celui qui semblait être le chef du groupe, la jambe fit son office. Vive. Sans pitié. Vraiment pas cool en somme. Le petit bout d’chou s’écrasa de tout son long dans un ralenti parfait. Le visage tordu sous la surprise, les bras battant follement l’air pendant un instant et les paroles incompréhensibles parce que pas préméditée. Tout y était. Il fallait y ajouter une touche de plus et ce serait un chef-d’œuvre. C’est donc tout naturellement que Serei se mit à rire à gorge déployée. Un peu plus de mise en scène? Il devrait frapper du poing sur la table, comme sous l’effet de la meilleure boutade qu’on ait jamais entendu. Mais ce n’était qu’une vautre après tout, pas de quoi frapper la table à la trachée.

            Tout à coup, le sabreur de l’équipage se mit à beugler comme un veau.

            - ON NE SE MOQUE PAS DES LYNXERS IMPUNEMENT ! YAHAAAA

            Lynxers? En voilà un nom qui fout les miquettes. Un de ces noms qu’on ose pas prononcer de peur qu’un individu de ce groupe vous égorge alors que vous pissez. En même temps que la réplique lui venait, Serei préparait la prochaine contre-attaque, une cinglante de préférence.

            - On s’moque pas des handicapés ouais !!!

            Debout tant bien que mal, car oui, le chimiste gardait sa jambe raide, il fit face au groupe qui se préparait à batailler. Le poilu se releva tout en bombant le torse, c’est qu’il avait sa fierté le bougre. Il s’occuperait lui-même de cet énergumène. C’était sans compter sur les réflexes du jumeau qui fit effectuer à sa jambe droite l’effet tampon. Comme un taquet, mais avec le pied quoi. La semelle vernies du chimiste rencontra le torse tout aussi poilu que les oreilles du type. Le choc fut rude. Le boulet humain valsa vers un Wash quelque peu surpris.

            - J’te l’laisse, c’est à toi qu’il a refusé un toast, pas à moi haha.

            Lui, celui qu’il cherchait du regard, c’était le sabreur. Dommage que Rei n’ait pas été là, il lui aurait laissé en temps normal, escrimeur contre escrimeur quoi, le B-A-BA du combat bien ficelé. Mais il n’était pas là et Wash ne pouvait peut-être pas prendre et le capi-chef et le type qui donnait des ordres comme un capi-chef. Quoique, peut-être… il n’eut pas le temps de pousser sa réflexion plus loin qu’une chaise lui arrive sur le coin de la tronche. C’est à ce moment que sa jambe raidi décida de retrouver son aplomb. Une petite flexion des genoux et l’ovi (comme l’ovni sans le n) fut évité de justesse. Dans un mouvement circulaire ascendant à faire pâlir une danseuse étoile, Serei se tourna vers la chaise sur laquelle son séant se tenait il y a encore peu, l’empoigna et l’écrasa sur la première tête qui s’était approchée. Un de moins et tout ça avec classe.

            Désormais, l’objectif était de rejoindre la mêlée principale. Une seule solution s’imposa au jumeau : balancer le type dans ses potes. Tel Atlas portant le monde sur ses épaules, l’homme au masque porta le pirate au-dessus de sa tête et le propulsa sur ses potes. Il suivit alors le mouvement pour laisser libre cour à la folie qui montait petit à petit depuis qu’il était debout. Dans cette situation, le meilleur moyen d’avancer restait encore celui de la fameuse danse dont il ne se souvenait plus du nom. Poing en avant, poing en arrière, re-poing en avant, faire des petits ronds, faire le boogie-woogie et aller de l’avant. Tout se jouer sur la rapidité. Cette vélocité ne permettait pas à Serei d’écraser ses ennemis comme il le voulait, mais elle lui permettait d’avancer sans encombre ou presque dans le point fort de la bataille. Il recevait quelques coups mal placés parfois : une jambe qui dérapait sur ses côtes, un pied de chaise qui lui chatouillait la tempe. Il pouvait être fier de cette agilité dont la nature l’avait doté. Plus que quelques mètres avant la confrontation contre l’épéiste. Serei en souriait déjà. Et ce sourire, c’était celui d’un dément.

              Dormir… Dormir… Un mot qui résonne agréablement aux oreilles de la blonde allongée dans son lit, mais qui pour l’instant ne brille pas par sa présence. Et dire que tout à l’heure, Morphée faisait son possessif. Baillant, la jeune femme se redressa sur son séant. Repoussant les couvertures d’un geste ample, elle se mit en tailleurs. Une bougie brillait toujours faiblement dans un coin. Grâce à cette lueur, Mayaku remarqua qu’elle était désormais la seule présente. Plus d’homme masqué sur le lit d’à côté, plus de mec à la serpillère, ni rien. Partis faire la fête sans elle ? Haussant les épaules, consciente également que le sommeil se faisait désirer pour mieux la surprendre plus tard, elle se chaussa rapidement, souffla la chandelle, et se dirigea à tâtons vers la sortie du bâtiment. Toujours vêtue de la tenue qu’elle portait à la réception, la blondinette borgne passa devant le garde en faction en sautillant légèrement. L’air frais la réveillait tout à fait, et elle trouva un certain charme à la ville vue de nuit. Sans s’y attarder toutefois, elle se sentait d’humeur exploratrice. En quête d’amusement, elle entra dans quelques tavernes, s’arrêtant boire un verre de rhum, testant la qualité de la boisson selon les auberges.

              Elle failli s’endormir un moment. Mais c’était finalement une fausse alerte. Elle coiffa rapidement ses courtes mèches de miel, dévoilant l’orbite où restait l’œil mort. Des regards inquiets, horrifiés ou curieux la suivirent lorsqu’elle sortit de la dernière taverne visitée, sans tituber un seul instant. Ces tavernes-là étaient trop… Trop bien réputées. Elle ne s’amusait pas assez. Pas d’imprudents à corriger, pas d’exemples à donner … L’ennui. Mais la suivante fut plus intéressante déjà. A peine eut-elle passée la porte qu’un ivrogne l’approchait. Son haleine avinée était plus désagréable encore à la vue des quatre chicots noircis qui lui restaient. L’homme vacillait. La nouvelle agent du CP5 le poussa de côté, observant par la suite les occupants de ce joyeux capharnaüm. Elle eut la surprise de reconnaître –assez facilement il faut dire– les autres membres du CP5. Oooh, mais ils n’étaient pas seuls… Une troupe de bonhommes mal fagotés, mal lunés aussi sans doute, braillaient quelque chose à propos de « Lynxers ». Qu’ess-cé-qu’ça les Lynxers ? Un nouveau groupe de musique ? Une barre protéinée ? Ah moins que.. Ouii ! C’est ça ! C’est sans doute le nom de l’équipage des forbans qui infestent les lieux. D’ailleurs, le bonhomme qui l’a accostée à l’entrée va pour se lancer dans la bagarre, mais ayant envie de s’amuser, la blonde ne lui en laisse pas l’occasion et l’attrapa par le col. Un sourire torve aux lèvres, et le pousse dehors, jetant un œil –difficilement les deux– sur ses camarades avant de sortir à son tour. Son sourire, son regard, rien en elle n’indique de bonnes choses pour le type. Et même bourré, il le comprend bien vite et bouscule la demoiselle pour rentrer à nouveau, aller à la rescousse de ses camarades plutôt que d’y laisser salement sa peau.

              Étonnée, la borgne esquissa une grimace déçue. Rangeant l’éclat de verre ramassé sur le comptoir pour l’occasion, Maya’ rentre à nouveau dans l’établissement. Évitant une chaise en se baissant pour ramasser un couteau, la demoiselle dérangée se dirige vers celui qui était son supérieur. Ray ? Non, Rei. Un sourire distrait aux lèvres, elle laissa un joyeux souvenir à sa proie échappée –Le bout de verre cassé et le couteau s’invitant dans son dos et sur sa hanche– avant d’enjamber quelques corps assommés. Assommés ou assoupis ? Peu importait. Redressant une chaise, renversée par tout ce bazar, elle s’y assoit en s’accoudant au dossier et elle penche la tête sur le côté.


              _ C’est une petite fête privée ? C’est pour ça qu’elle n’y était pas conviée ?

              Son regard, l’unique œil fixé sur le leader du CP5, était juste interrogateur. Ni vexé, ni frustré, ni rancunier. Juste curieux. Qui sait ce qui peut lui passer par la tête de toutes manières ?

              _ Y manquerait plus que les catins pour encourager les combattants, et le tableau serait parfait…

              Elle appuya son menton sur la paume de sa main, tournant son œil d’émeraude vers la scène, et se saisit de la chope de rhum de Rei pour en prendre une gorgée. Il faut bien s’hydrater. Tel est le secret d’une bonne vie.
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              Lorsqu’un vulgaire caillou dévale une petite pente, il tape contre une pauvre pierre un peu plus grosse, la caillasse dévale à son tour l’inclinaison naissante pour finir dans un rocher, au final on se retrouve avec quinze morts dans un éboulement des plus anodins. La situation actuelle était sensiblement pareille, Wash était ce petit morceau de minéral du départ, le Gazé, ou du moins son esprit, était l’inclinaison et le désaxé de la pilosité auditive n’était autre que le rocher. Il en découle un éboulis terrible, avalanche de petites raclures qui se frappent les uns et les autres, aidés par l’inclinaison et relayés par notre caillasse du départ : Wash. Le technicien de surface envoyait des coups de serpillières à qui voulait les recevoir, il nettoyait avec véhémence la trogne encrassée de vices des Lynxers. Les tiges d’éponges côtoyaient les chicots en or et les balafres rosées, le nettoyeur prenait son boulot à cœur et il n’attendait aucune rémunération pour sa peine, ou si peu. Son verre de rhum était décidément trop vide pour la circonstance, Cleaner lançait des signes de têtes en direction du tenancier à mesure qu’il frottait, il inclinait son menton en direction du récipient à tord-boyaux, si bien que le bougre derrière son comptoir cessa de numéroter ses déboires pour lui redonner à boire.

              « C’est qu’il commençait à faire soif ! Ahaha »

              Le manche en bois s’entarta durement en plein front du supposé médecin des Lynxers, l’homme à la croix rouge fonçait tous scalpels dehors vers le dreadeux. S’enquillant sa lampée de rhum, Wash le stoppa net en l’envoyant aux pays des anabolisants pharmaceutiques, un œuf traumatique dans l’axe frontal. Il aurait pu enchainer les loulous pendant le reste de la soirée, mais Serei en avait voulu autrement en lui balançant, la face entartée dans le crachoir, le capitaine à choux fleurs touffues des terribles pirates félins. Les longues moustaches dégoulinaient de glaires lorsqu’il se releva bouillonnant de colères, ses yeux fixaient le noir des carreaux de Cleaner, plus un son ne sortait de la gueule boursouflée des sous-fifres. On aurait pu palper la tension qui débordait du capitaine, la morve n’en donnait juste pas l’envie, à tord ou non, le technicien du cp5 avait du boulot pour la nuit. Une bulle verdâtre claqua lorsque le capitaine ouvrit la bouche, il bullait dans tous les sens du terme, la rage aux dents, la crispation dans le poing et les nœuds en pointe des oreilles.

              « TREMBLEZ SALES INTRUS ! ON EST LES LYNXERS ! NOUS SOMMES LES FUTURS DANGERS DE GRAND LINE ! »

              La réplique avait eu le mérite de mettre une touche de sérieux dans le personnage tout de glaviaux vêtu, il plongea l’une de ses mains dans la doublure de sa veste pour en sortir un pistolet de couleurs jaunes et foncées, une touffe de poils sur le canon et une griffe en guise de gâchette. Un souffle retenu se fit entendre depuis les membres d’équipages, certains s’écartèrent vivement des alentours de la curieuse arme. Wash replaça ses lunettes sur le haut de son nez en lâchant un large sourire, il porta le verre à ses lèvres, la serpillière reposant contre le comptoir en bois clair. Le capi-chef brandissait l’arme vers le member one en vociférant des paroles de menaces.

              « TREMBLES DEVANT MA PUISSANCE ! Ce pistolet est la fierté des Lynxers, il est le fruit d’un travail d’équipe de plusieurs années, il projette des griffes de lynx à une vitesse hallucinante ! Trembles ! BOWAHUHUHU ! Chacune des griffes arrache les chaires dans un souffle de mort et tu … »

              CLEAN RIGHT

              Dans un geste ample, Cleaner avala de sa serpillière la main du vociférateur, un halo blanchâtre enveloppa l’instrument de travail faisant disparaitre la terrible fierté du grand patron. Une longue morve, cette fois-ci, issue du pif du malheureux Lynxers en chef, pendouillait mollement, la gueule grande ouverte ne laissait mugir aucun son et les yeux renvoyaient un vide insondable. Les membres d’équipage reléguaient à un rôle d’observation s’écroulèrent de stupéfaction autour de leur chef de meute, les espoirs flouaient par la disparition de l’arme divine. Wash tendait fièrement le doigt en direction du tavernier tout en pointant du menton son verre vide, le liquide inonda une nouvelle fois le récipient pour la plus grande joie du nettoyeur. Cleaner lançait des regards à son camarade doué d’infirmité, il semblait faire face au petit second aux épées tourmentées, il devait mourir de soif le bougre, d’un revers de main, Wash prit la bouteille du maître des lieux et l’envoya en direction du Gazé.

              « On passe la serpillière, on travaille et sans s’en rendre compte, on se dessèche ! Attrapes !»

              Comme pour ramener le balayeur à l’action, un râle puissant fit remonter le filet de glaire dans l’orifice nasal, le leader reprenait ses esprits. Toussotant quelques instants pour s’éclaircir la voix, il lança un doigt accusateur vers son opposant. Il adoptait une position théâtrale qui avait le mérite de faire relever ses camarades d’infortunes ravivaient par le courage de l’homme.

              « MAIS … T’ES QUI TOI BORDEL ?!!! »

              « Moi ? Un simple balayeur »

              La suite des hostilités s’annonçait des plus organisée côté Lynxers.




              !!!! HAN !!!!   ►  Affirmation/Rage

              .... HEM .....  Doute/Gêne

              ???? HUM ????
              ►  Interrogation/Surprise

              ?!?! HOM ?!?!
               ►  Incompréhension/Hésitation
                Peu friand des empoignades comme celle qui battait son plein dans la taverne bien mise à mal par les évènements, Rei eut tout de même la satisfaction de constater qu'en dépit de son tour de force tout relatif, personne ne semblait vraiment s'intéresser à son cas de plus près. La situation semblait plutôt s'orienter vers une confrontation entre ses deux collègues et le reste de la bande des Lynx qui leur tenait grief pour le petit spectacle proposé ci-avant. Et pour le moment, les deux excités s'en sortaient plutôt bien malgré leur infériorité numérique prononcée, ce qui valut à leur supérieur de ressentir un léger sentiment de fierté et de satisfaction, faisant fi du contexte qui lui restait loin d'être flatteur. Pourtant, l'ambiance tournait au vinaigre, de seconde en seconde. L'empoignade houleuse mais jusque là bonhomme gagnait en sérieux au gré des invectives des uns et des autres. Intervenir eut semblé avisé. Dans un autre contexte, on aurait même pu se demander : "mais que fait la police, bordel ?". Mais pas là. D'ailleurs, la police ici participait activement à jeter de l'huile sur le feu. Mais comme lui volait sous les radars et s'en accommodait parfaitement, c'est presque tout naturellement que Rei s'en retourna vers sa table, délaissé du plus grand nombre, se lavant les mains de cette histoire...pour tomber nez à nez avec la touche de féminité un brin glauque du Cipher Pol n°5, Mayaku.

                _ C’est une petite fête privée . C’est pour ça qu’elle n’y était pas conviée...

                Mayaku parlait bizarrement. Mayaku avait de drôles de questions. Mayaku était bien blonde.

                Ne voyez pas là une pique acerbe retranscrivant un quelconque dédain pour une population entière - comme certains peuvent en manifester en d'autres circonstances et sur d'autres fondements à l'encontre des roux - mais tout au plus une boutade, une galéjade tout sauf subtile certes, mais avec sa pointe de malice. Comme pour les roux, en fait je crois. Vous avez pigé l'idée ? Parfait. Et maintenant que l'Association des Droits de la Blonde aura saisi la portée de ma remarque, ou pas difficile de savoir avec elles, trêve de digression.

                Rei ne releva pas le style fantaisiste ou la suggestion absurde. Il n'était plus à ça près cette nuit. Dans un soupir, il dispensa quelques indications sur le pourquoi du comment.

                Une fête privée ? Si c'en était une, elle a singulièrement dégénéré...On a du titiller les molosses, et On a plongé ce lieu de débauche dans le chaos. Je vous laisse deviner l'identité du on-auteur de ce haut fait d'arme...

                Et, relevant une chaise plus épargnée que ses consoeurs et de fait encore en état de supporter que l'on s'y assît dessus, Rei prit place aux côtés de la nouvelle venue à sa table. D'humeur à engager une conversation au milieu du capharnaüm ambiant qui composait le plat principal du soir, avec vol de bouteilles et de bons hommes en supplément. Triste constatation, Mayaku semblait encore la personne la plus censée dans le périmètre. Les circonstances la désignait donc comme interlocutrice, bon gré, malgré. Et pourtant, son observation sur le manque de public averti pour l'occasion présente pouvait suffire à justifier des soupçons sur son intégrité mentale. Mais c'était justement là une bonne opportunité d'en découvrir un peu plus sur elle, alors après tout, pourquoi pas.

                Nous nous constituons déjà spectateurs sur l'affaire, en quelque sorte, je suppose. Tâchons d'apprécier le divertissement à sa juste valeur.

                Comme transcendés par la dernière remarque, les acteurs majeurs offrirent aux débats une nouvelle envergure. Le leader des lynxers abattit sa carte majeure. Sans bluffer à en juger les mimiques de ses compères forbans. Ou alors tous ici présents avaient raté leur vocation pour le théâtre tant leur jeu d'acteur impressionnait. Mais trop sûr de lui, il ne vit venir que trop tard la coupe sèche de Wash, qui fit miroiter pour l'occasion des capacités bien mystérieuses.

                CLEAN RIGHT


                Comme quoi, les nuits dans les tripots peuvent s'avérer instructives en un sens...

                S'en suivit un sommaire échange que l'on pourrait appeler "de l'art de se la jouer" par W.C, puis le bourdonnement reprit. Les petites abeilles vinrent se frotter au gros bourdon, qui en envoya quelques unes voler plus loin à grand renfort de coups de serpillère bien ajustés. Dans le même temps, son acolyte repoussait lui aussi la marée tumultueuse dans son style particulier de combat de corps à corps. Ces deux flux combinés eurent pour effet de projeter une bonne moitié des assaillants vers l'arrière-salle, plus précisément même vers les deux autres agents du CP5. Renversant leur table, et par la même le verre de rhum délicatement siroté par la demoiselle jusque là, la foule s'écroula et s'étala dans un beau fracas. L'attention de tous se porta naturellement un instant vers la scène. Rei et Mayaku apparurent dans le champ de vision de l'autre duo. Bref silence. Et Serei manifesta sitôt après sa surprise en les apercevant d'un détonant " Qu'est tu fous là frangin ? ".

                Oh, subtil... si si, vraiment.

                D'un oeil mauvais, la troupe lorgna ses deux nouveaux potentiels ennemis. L'un d'eux, pour voir, se rua sur Rei. Il fut reçu d'un monumental coup de pied au menton qui le laissa assommé. Comme si ce geste s'était avéré révélateur de son identité, tout le contingent prit alors pour cible le jeune homme, et Mayaku également par association.

                C'est le moment de montrer que tu n'es pas douée que pour débouler à l'improviste, on dirait...

                Le regard presque bienveillant s'était brièvement posé sur sa collègue avant de se retourner vers les gesticulants. Rapidement ses mains agrippèrent le col de son manteau, pour le repousser derrière lui. Ceci eut pour effet de dévoiler deux armes blanches dans leur fourreau qui attendaient patiemment depuis le début leur tour pour entrer en scène. Et tandis que la meute le cernait, vigilante, lui se redressa, en reculant sa chaise pour qu'elle ne gêne point par la suite. Puis fit un pas, dévisageant sereinement les hyènes. Quand, elles bondirent, lui dégaina. Pour châtier dans un tourbillon les inconscients.

                Axel Slash.

                Là par contre, vous pouvez y voir une subtile référence à Guns N' Roses.

                Un tour et demi. Les lames mordirent en une spirale à 540 degrés. Trois fois chaque cible en théorie. À hauteur des tripes, pour neutraliser, blesser, grièvement dans les cas les plus extrêmes, mais sans tuer. Les plus chanceux goûteraient au wakizashi plutôt qu'au katana. Mais les plaies demeureraient bien réelles. La première vague s'abattit au sol dans un beau tumulte. Mayaku se chargerait probablement de la seconde avec la même efficacité.

                Nouveau silence. Un peu plus long, même si entrecoupé des cris de douleur des malchanceux, jetant sur la scène un voile macabre. La question ne s'était pas manifesté, mais les regards parlaient d'eux-même. Rei se sentit obligé, question de principe.

                Nous, on est les renforts. Agents du Cipher Pol numéro 5, au service du Gouvernement Mondial et de la Justice.

                Au moins, tout le monde était désormais prévenu.
                  Un semblant de sourire flottait sur les lèvres de Mayaku. Ni amusé, ni moqueur, ni même choqué. Un sourire -ou une esquisse de sourire- d'allure mystérieuse. Rei, tout comme elle, s'était posé là, en spectateur, sans vouloir gêner non plus les principaux protagonistes, acteurs d'une scène digne d'un film d'action. Hochant la tête, montrant non pas son accord à quelque chose en particulier mais signalant plutôt qu'elle entendait bien, qu'elle écoutait ce qu'il disait, la blonde laissait son regard errer sur les pirates rassemblés autour des deux agents en mouvement. Une gorgée de plus franchit la barrière de ses lèvres, alors que le serpilleur fit état de son surprenant pouvoir. Sa serpillère « avala » l'arme brandie quelques instants plutôt par le bonhomme -le chef à priori- alors qu'il prononça deux simple mots. Seulement deux. Mais éloquents. « Clean Right ». Il avait, de ce fait, coupé la parole au capitaine de ces « Lynxers ». A celui-ci, Mayaku aurait bien dit qu'il parlait trop et n'agissait pas assez, mais apparemment, il devait l'avoir compris, étant coupé en plein élan dans sa tirade explicative à propos de son joujou. Un sourire, franchement amusé cette fois, se glissa sur les lèvres de la jeune femme, avant qu'elle ne réponde par quelques mots à Rei. Bien qu'une réponse n'était pas demandée. Évidemment.

                  _ Hum. Instructive oui.
                  Étrange, mais jolie serpillère qu'il a là...


                  Plissant l'œil, la demoiselle lorgna l'action sans rien ajouter, captivée en quelques sortes par la rixe entre l'équipage pirate et les deux hommes. Vraiment, les pirates sont désavantagés là. Il est évident qu'il en faudrait au moins le double, sobre et armés jusqu'aux dents pour venir à bout des deux agents du CP5 en pleine action. La preuve, les brutes pirates furent repoussées. D'ailleurs, elles furent repoussées jusqu'à l'endroit où se tenaient Rei et Maya. Le rhum de celui-ci, que celle-ci s'était approprié, fut malheureusement renversé, coulant sur la table et gouttant jusqu'au sol. Ou plutôt, ça aurait été la solution idéale. Malheureusement, le rhum ne s'écoula pas sagement jusqu'à terre. La table fut renversée et la chope avec. C'est grâce à une subtile utilisation du Soru, la jeune femme aurait pu éviter les projections d'alcool sur sa tenue. Mais c'est grâce à son agilité qu'elle le pu. Aux côtés de Rei, la blonde posa son regard sur l'assemblée. L'homme au masque, Serei, qui l'avait si aimablement portée jusqu'à leurs quartiers plus tôt dans la soirée, s'étonna de voir Rei. Il l'appela même « Frangin ». Chose qui étonna la demoiselle, mais après tout, elle ne pouvait pas tout connaître de ces énergumènes avec qui elle allait faire équipe.

                  Penchant la tête de droite à gauche, faisant craquer son cou, Mayaku esquissa une moue ennuyée. Le rhum était renversé, et elle avait encore soif. Chose déplaisante que d'avoir soif. La gorge sèche, a déglutir difficilement parfois. Vraiment, ces pirates n'ont aucun sens des convenances. On laisse toujours son adversaire finir de boire avant d'attaquer. Et même si là, dans ce cas présent, ils avaient été repoussés contre la table, ce n'est pas une raison. Passant une main dans sa chevelure, Maya n'écoutait que vaguement. Elle entendit cependant parfaitement le leader du CP5 lui dire que c'était le moment de prouver sa valeur. A ces mots, rejetant les mèches blondes vers l'arrière l'œil d'émeraude brilla fugitivement d'une lueur de contentement. Elle n'avait pas d'arme sous la main, mais ce n'était pas un problème. Avec elle, n'importe quoi pouvait devenir une arme. De la simple petite cuillère à la chaise moitié défoncée. C'est d'ailleurs cette dernière qu'elle prit. Lorsque les gaillards arrivèrent sur elle, formant également une espèce de cercle menaçant, elle s'en servi dans un premier temps comme bouclier de fortune. Repoussant les premières attaques des plus zélés, elle sourit. S'ils croyaient qu'en formant un cercle ils allaient avoir l'avantage...

                  Ayant calmé les ardeurs des premiers attaquants, elle brisa la chaise sur son genoux, ne ressentant qu'un picotement lorsque le bois se rompit sur sa jambe, et brandit les deux parties de l'assise en les tenant par le dossier. Briser la chaise n'était pas difficile en soi. Mais la briser en deux, presque symétriquement, c'était impressionnant, non ? Toutefois, là n'est pas l'action. Jouant avec le bois entre ses mains comme si c'était un simple couteau, ou une épée, la blonde pencha la tête sur le côté et effectua un grand mouvement du bras droit, fauchant deux hommes. La surprise du mouvement et la violence du choc sur leur torse les fit s'écrouler, le souffle coupé. Et peut-être même qu'en tombant sur le sol, ils se cognèrent le crâne. Un second mouvement, du bras gauche de la jeune femme, en faucha deux autres. Personne ne s'attendait à ce qu'elle agisse si rapidement, avec autant d'aplomb. Les deux restants furent plus prudents, et l'un d'eux attrapa l'arme improvisée de la borgne. Une main sur chaque partie de la chaise. Face à face avec elle. Qu'à cela ne tienne. Elle lâcha le bois de ce qui fut une chaise et posa ses mains sur les épaules du type étonné. Avec un sourire enjôleur, voilà qu'elle se colla contre lui et remonta brusquement son genou. Le laissant s'écrouler sur le sol, probablement hors d'état de nuire -et de procréer- pour un bout de temps, elle récupéra ses « armes » et se tourna vers le dernier.

                  Se baissant pour éviter un coup, elle le frappa dans l'abdomen avec une partie de la chaise. Lâchant l'autre bout, elle cassa de nouveau le bois sur sa jambe. Ayant en main le pied de la chaise, elle s'en servit comme d'une dague et dévia les coups de son adversaire, pour finir en beauté et planter l'éclat de bois dans l'épaule. Paf, l'instrument y entra comme un couteau coupe du beurre. Le dernier s'écroula, privé de son bras moteur. S'époussetant les jambes, enlevant les éclats de bois, Mayaku grimaça en voyant les deux qu'elle avait eu en premier se relever, l'air étourdit. Retirant le pied de la chaise de l'épaule du dernier, Mayaku l'utilisa comme massue, frappant d'un coup net et violent les tempes des hommes. Pour s'assurer qu'aucun ne se relèvent inopinément, elle fit de même avec les deux qui étaient tombés ensuite, et avec les deux derniers. Non mais oh. Puis elle lâcha le pieu/massue/couteau improvisé et se redressa. Voulant passer relever la mèche qui masquait son œil mort, la blonde remarqua qu'elle avait une écharde dans la main. Du genre cinq centimètres de long sur un de large. Encombrant quoi. Ne s'occupant plus des corps à terres, elle la retira d'un geste négligent. Se penchant sur l'un des hommes à terre, elle déchira un bout de sa tunique et se redressa à nouveau, bandant la paume de sa main. Puis elle enjamba ses adversaires pour se rapprocher des autres.

                  Rei les présenta. Maya' inclina légèrement le buste, mimant un ironique salut à l'adresse des pirates, et tourna le regard vers le tavernier.


                  _ Elle apprécierait bien une autre chope de rhum après cet échauffement...

                  Fronçant les sourcils, celui-ci mit un moment à percuter ce qu'elle voulait. Elle dut s'approcher du comptoir pour avoir sa chope. Glissant ses doigts dans une poche, elle en ressorti un Berry qui y traînait depuis un bout de temps et le déposa sur à la place de la chope. Sûr qu'il faudrait plus d'un Berry pour rembourser les dégâts, mais après tout, il s'agit d'une bonne intention, non ? Maya était polie, elle payait sa consommation. Bon, ce n'était pas le prix exact. Mais c'est un Berry Symbolique. C'est l'intention qui compte. Portant le récipient à ses lèvres, la borgne se désaltéra et retourna à la place qu'elle occupait avant.
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                  À cet instant, Serei se sentait comme un virtuose composant un chef-d’œuvre, il frappait en rythme et avec style. C’était un diamant de beauté habilement taillé dans un univers de brute. En parlant de diamants, ses poings s’abattaient et assommaient aussi durement que ceux-ci. Il était désormais un tourbillon de violence virevoltant à droite et à gauche en s’approchant inexorablement de sa cible : le bretteur. Ce dernier, le regard dans le flou était aux prises avec des partisans de la justice, soit, deux alcooliques qui ne faisaient pas partie de la bande et qui désirait aider un compatriote boiteux. Le temps qu’il se débarrasse de ses assaillants et un poing tombait violemment sur sa tempe, le laissant dans les choux pour un certain temps. Fier de lui, le chimiste se mit à rire et à chercher un autre adversaire qui opposerait un semblant de résistance. En balayant la salle du regard, il revit alors l’image de son frère. Sauf que cette fois-ci, il ne délirait pas.

                  - Qu'est tu fous là frangin ?

                  Ce fut les seuls mots qu’il parvint à articuler alors que Wash parlait en même temps.

                  - On passe la serpillière, on travaille et sans s’en rendre compte, on se dessèche ! Attrapes !

                  Serei n’en revenait pas, son frère l’avait suivit dans ce bouge sans broncher. Était-il là pour les espionner? Pour s’assurer qu’il n’y aurait aucune casse? Pour les couvrir? Pour les…
                  Sa concentration fut interrompue par une bouteille se fracassant lourdement sur l’arrière de sa tête. Ainsi, le fou bascula tout aussi lourdement sur le sol, sonné.
                  Mais cela ne dura pas bien longtemps, il avait beau être assez mince, il en restait tout de même assez résistant. Il se réveilla alors que la plupart des pirates était à terre. Il en restait quelques uns tapant comme des manchots et il savait qu’il serait bien vite maîtrisés. Ce qui l’intéressa alors, ce fut le bretteur. Il regarda rapidement à l’endroit où il l’avait laissé, mais rien. Le lâche, il s’était enfui sans demander son reste. Vite, se remettre sur pieds, le retrouver et l’achever. Pas au sens propre du terme évidemment, mais il allait quand même bien dérouiller. Le mot sortit de sa bouche dans un murmure.

                  - Soru.

                  Bien mal lui en prit d’utiliser cette technique. C’était celle qu’il maîtrisait le moins bien dans son entraînement au Rokushiki. Son pied heurta le premier corps et la vitesse l’entraîna dans une belle chute. Point de départ, la taverne. Point d’arrivé, la rue. Et tout venait d’être fait en une vautre, quelle classe. La tronche râpant salement le bitume, Serei effectua une petite cabriole pour se rétablir et aperçut sa proie un peu plus loin en train de fuir, la queue entre les jambes.

                  - Haha, cette fois, pas d’couilles, j’te cours après à la régulière.

                  S’ensuivit alors une course-poursuite finalement assez rapide. Le membre 0 fut sur lui en quelques instants et déjà, son bras s’armait. Lorsque l’ombre l’engloutit, il se retourna, mais trop tard. Il n’avait plus ses sabres pour parer, ses seules armes : ses poings et ses réflexes. Ces derniers le sauvèrent d’un Knock-out fulgurant cela dit. Il s’était projeté en arrière au bon moment. Le combat s’engagea, cette fois, pas de coup en douce. Un duel. Un combat. De mano à mano. Une confrontation de testostérone. L’homme était rapide et esquivait pas mal les coups de Serei, mais l’alcool ne l’aidait pas vraiment, il n’était pas en état de tenir très longtemps le rythme imposé par le jeune qui lui faisait face.

                  - Don't forget this
                  You're my apprentice
                  You need to sweat this

                  And I'm so controlling
                  We're both controlling
                  I control the whole thing

                  Open your mouth and listen the beat
                  This is the power of rap music.


                  Il prenait du plaisir dans ce combat. Il prenait du plaisir à surpasser son adversaire. Il prenait du plaisir à l’écraser. Que de plaisir. Oh oui, que de plaisir.
                  Malheureusement, l’affrontement avait été bref. L'alcool n'ayant pas aidé le pauvre bougre, il avait laissé sa garde grande ouverte trop longtemps et un simple coup dans la gorge avait suffit à le terrasser. Il avait abdiquer proprement, rapidement, simplement. Le chimiste agrippa la col du bretteur pour l’amener au bar et se rendre compte que ses collègues avaient envoyé les autres pirates sur le carreau. Il jeta son trophée sur le plus gros tas de forbans et rejoignit ses camarades pour boire un coup.

                  - Allez tavergiste, perds pas la main et sers-moi donc la même liqueur que la demoiselle à l’émeraude unique.

                  Un bon verre de rhum après cette échauffourée et ce serait parti jusqu’au bout de la nuit.
                    Après le retour du Yakutsuki masqué, c'est presque un grand silence qui régnait dans la pièce. Même le leader des pirates, forte gueule d'après ce qu'elle venait d'en voir, ne pipait mot. Sans doute cherchait-t-il à intégrer le fait que quatre inconnus ont facilement défaits la plupart de ses confrères. C'est vrai que ce devait être dur à enregistrer. Mayaku lorgnait celui-ci avec un sourire flottant sur les lèvres. Un sourire irritant, dégoulinant de moquerie. A priori, ce devait être l'adversaire du Serpilleur. Mais le hasard en décide autrement. Qu'est-ce qu'elle y peut la demoiselle si le cap'tain des Pirates se met à divaguer, baragouinant un truc à propos de l'inutilité des femmes et leur faiblesse -tout en lorgnant ladite femme- ? Maya' était justement en train de croquer un carré de chocolat entre deux gorgées lorsqu'elle releva le regard de l'homme. Pas féministe en temps normal, elle n'aurait pas réagit. Mais, sans être question de féminisme ou autre connerie du genre, si elle laissait passer, cela sonnerait comme une faiblesse à l'oreille des pirates. Or, Mayaku était folle, certes, mais pas faible. Finissant son rhum, rapidement, elle s'excusa rapidement auprès de Cleaner et s'avança. En passant, elle reprit un reste de chaise. Un pied aux allures d'immense écharde.

                    _ Tu penses que Mayaku est incapable de te faire mordre la poussière, hmm ?

                    Il sourit à moitié, comme s'il ne croyait pas qu'elle oserait s'attaquer à lui. Sans doute pensait-il qu'elle avait eu ses camarades avec de la chance. Il se trompait dans ses cas-là. Voyant pourtant qu'elle avançait vers lui sans paraître vouloir s'arrêter, il se mit en garde. Mayaku sourit, anticipant avec plaisir le combat qui allait avoir lieu. Elle lui laissa l'honneur d'engager les hostilités. Appréciant -ou pas- cet honneur, l'homme tenta un uppercut. La demoiselle esquiva. Tout comme elle esquiva les attaques suivantes. Elle tournait autour de lui, sautant pour éviter un projectile, se baissant pour esquiver un coup de poing ou de pied, voir même se reculait légèrement lorsqu'il utilisait comme elle des reliefs de chaise. D'ailleurs, son pied de chaise était toujours dans la main. Alors qu'il fatiguait visiblement, il se décida à utiliser une sorte de sabre. Ou plutôt, le genre d'épée que la borgne ne pourrait pas tenir. Trop large. Trop lourde. Trop inutile. Elle effectua un saut en arrière pour esquiver le premier coup, et para le second avec le bout de bois. Un sourire moqueur sur les lèvres, elle susurra :

                    _ On fatigue ?

                    Avant qu'il ne puisse répondre -faut pas abuser non plus- la blonde fit un écart sur le côté en laissant l'épée finir sa course sur le sol, donna un coup de genou dans l'abdomen du pirate (ou peut-être même un peu plus bas) et acheva de le faire plier par un solide coup de matraque sur le dos. Son pieu en bois s'y brisa. Zut alors. Mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la folle gouvernementale ramassa l'épée tombée avec peine. La soulevant avec quelques difficultés -c'est vachement lourd ce truc mine de rien- elle la maintint en l'air quelques instant, et la laissa s'abattre sur le dos du Lynxer. Le plat de la lame heurta violemment le haut de la colonne vertébrale de l'homme alors que le pommeau s'abattait avec force sur le bas. Un léger craquement se fit entendre. Elle ne l'avait pas tué, non. Elle l'avait sans doute handicapé pour quelques semaines. Pour parfaire le tout, elle shoota dans le flanc de l'ancien leader charismatique des pirates. Son front était couvert de sueur. C'est vrai que ça devait être éprouvant de tout supporter sans un cri. Avisant quelques cordes dépassant de son, haut, Maya' les tira à elle. Assez solide, ces cordes suffiraient à maintenir tranquille l'homme si ses blessures n'y suffisaient pas. Elle lui lia les poignets dans le dos avec une rapidité et une agilité étonnante compte tenu qu'elle n'y voyait que d'un œil. Les chevilles furent liées de la même manière et tout aussi rapidement. Ligoté ainsi, le bonhomme ne risquait pas de bouger. Il serait aisé de l'emmener dans les geôles du Cipher Pol.

                    S'époussetant, la blonde enjamba le pirate et alla s'accouder au bar. Elle était un peu essoufflée. Elle avait accusé un coup dans le flanc un peu plus tôt. Sa rapidité lui avait fait défaut. Mais elle était plus intacte que le leader des pirates. Tout au plus, elle aurait un bleu demain. Et mal pendant quelques jours. Enfin mal... Ce serait plus une gêne qu'autre chose. Elle s'empara de la chope que l'aubergiste avait visiblement placé là pour elle et but une longue gorgée sans rien ajouter. En fait, elle sentait que le sommeil n'allait pas tarder à avoir raison d'elle. C'était d'ailleurs préférable à s'endormir en plein combat. Mais tout de même, sa narcolepsie était un sacré désavantage parfois.


                    _ Mayaku vous salue. Et...

                    Elle ne finit pas sa phrase et dodelina de la tête, sa chope se renversant sur le comptoir. Boarf, c'est une belle sortie mine de rien.
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