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L'Être Monde.

Je n’ai jamais dit au revoir.
A personne.

Je n’en ai peut-être jamais vu la nécessité. Je ne me suis jamais dit que ça pourrait être important. Je n’ai jamais pensé que je n’aurais jamais plus l’occasion de le faire. Dire ça, à quelqu’un, c’est comme poser un point final à une énième rencontre. Mais quand cette rencontre a été un moment délicieux, pourquoi vouloir qu’elle s’arrête… « Au revoir », c’est un point. Final. Un point. Comme une lame qu’on abat sur un cou. Comme un point mort. Ça n’a pas de sens. C’est vide de sens. Vide. Un instant sans symbole, qui ne trouve d’écho nulle part. Il n’y a jamais de fin et toujours un après. Il n’y a jamais de fin et on verra demain.

Bientôt futile.
Il n’y a pas de demain pour aujourd’hui. Il n’y en aura plus.

Demain, c’est vide.

Je me sens vide. Comme si une partie de moi s’en était allée, sans que je ne sache d’où ça vient. Je ne saurais en dire l’endroit. Peut-être là, à côté du foie. Ou là, derrière les poumons. C’est peut-être un os qui manque, un rein qui ne répond plus. Ou c’est peut-être tout, tout ce que j’ai à l’intérieur, qui ne veut plus fonctionner parce que finalement à quoi ça sert... Je ne sais pas comment j’arrive encore à marcher. A me tenir debout. A me lever le matin. Mécanique, oui. C’est le mot. Je suis comme une machine qui n’avance que parce qu’il le faut. Mais ces mouvements sont vidés de sens, vides de tout, et vide de moi, et je ne sais pas où je vais, ni d’où je viens.

Je n’entends rien, je ne vois rien, je ne suis rien.

Il n’y a qu’un bourdonnement à mes oreilles, inlassable, qui résonne encore et encore, et qui jamais ne s’arrête. Ça n’a pas de besoin répit, pas besoin de souffle. J’ai cette impression de marcher sur du coton, d’avancer avec de la neige jusqu’aux genoux. Qu’il n’y a devant moi qu’une étendue blanche, et que je n’ai aucune boussole pour savoir où aller. Une traversée du désert où personne ne me tient la main. Un bandeau sur les yeux qui masque la vue. Je ne vois que des formes qui ne me disent rien, et quand elles me parlent, je n’y comprends rien. Tout ce qui faisait sens hier n’en a plus aujourd’hui. N’en aura plus jamais peut-être. Ou plus jamais le même qu’avant.

Peut-être que c’est moi qui suis morte. Peut-être que j’ai arrêté de vivre et je ne m’en rends pas compte. C’est sûrement pour ça que je me sens vide et vidée. C’est pour ça que ça n’a rien d’évident. C’est pour ça que je suis ce fantôme qui erre sans jamais s’arrêter d’errer. Qu’il y a quelque chose d’éteint qui ne peut plus se rallumer. Peut-être qu’au fond je n’ai jamais vraiment vécu, ou j’ai trop vécu, et je ne peux plus continuer. Un poids. Un poids dans le ventre qui me cloue au sol. Un poids qui m’empêche de parler, de voir, d’entendre et de comprendre. Un poids dans le cœur qui ne veut pas me laisser parler. Un poids qui m’empêche de dire au revoir.

Dire au revoir.

J’en reviens au même point, un peu comme j’erre et je tourne en rond en allant ici et là sans jamais savoir si j’arrive. Si je peux y arriver. Un point. Encore un point. Un point qui ne se met pas de lui-même et qu’on me contraint de mettre par moi-même. On. Je. Je dois. Je devrais. Je ne peux pas. Je ne veux pas lui dire au revoir.
J’ai le droit de dire « non » ? J’ai le droit de dire « non ». Je pourrais. Peut-être qu’un non donnerait du sens à tout ça qui n’en a pas.

Non.

Silence.

Rien n’a changé. Rien. Pas un mouvement dans l’air, pas un retour en arrière. Pas de question, pas de réponse. A regarder autour, encore et encore en attendant que ça fasse. En se disant que ça doit faire. Que si je refuse alors il n’y aura rien. Mais on ne m’écoute pas et il y a.

Respiration lente.
Respiration douloureuse.

Comme des poumons à vif. Comme des yeux qui brûlent à trop retenir des larmes.

Et des heures encore à me dire que si je lâche, si je pleure, si je crie, si j’enrage, c’est que c’est vrai. Et tout repartira. Et rien ne changera.

Accrochée, encore. Accrochée. Du bout des doigts, à s’en éclater les phalanges.

Accrochée à ne pas comprendre pourquoi…

… L’horloge continue son cours, le temps ne s’est pas arrêté. A l’intérieur, il n’y a toujours pas de mouvement. Et à l’extérieur, il y a en a trop. Pourquoi est-ce que personne ne comprend ? Pourquoi est-ce que tout le monde vit ? Comment font-ils ? Pourquoi font-ils ? Parce que. Rien ne s’arrête et rien ne continue. Il n’y a pas d’après, ou peut-être pas. Ce non n’est pas un point. Je ne sais pas mettre des points.

Et je ne dirai rien. Pas d’au revoir. Parce que rien ne s’arrête et rien ne continue. Et il n’y a pas d’après, ou peut-être que si.

Ferme les yeux.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Dim 13 Oct 2013 - 17:54, édité 1 fois
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Porte close.

Mouvement du corps comme mouvement de la pensée. Sur cette ligne droite que je retraverse, comme la première fois. Cette première fois ou je n’ai rien conclu, et rien terminé. Cette première fois qui, aujourd’hui, me laisse devant ce mur infranchissable. Cette porte close. Une porte dont je n’ai pas la clef, une porte qui ne s’enfonce pas, et qui ne s’ouvre pas. Des poignées qui ne s’abaissent pas et, quand elles le font, n’ouvrent que sur un mur en brique. Ni issue, ni fenêtre ou passer. Pas cette fois, je crois.

Demi-tour. Premier pas.

Premier pas pour voir où j’ai loupé. Ce que je n’ai pas terminé. Qu’est-ce que je n’ai pas fait ? Où j’ai foiré ?

Où j’ai foiré.

A tellement d’endroits. A tout instant. Dans tout ce que je n’ai pas dit, et ce que je ne dirai pas, et ce que je suis incapable de dire. Des premières aux dernières entrevues, auxquelles je n’ai accordé aucune importance, en me disant que ça ira, et que tout va toujours, de toute façon. Mais non. Aujourd’hui, je suis face à un mur que je ne franchis pas, et je n’ai pas de fenêtre par où passer et ça ne va pas. Je tombe. Sur cette chaise en bois, sur l’osier qui grince. Et je regarde devant sans regarder en arrière. Devant cette porte qui n’a pas de serrure et des poignées brisées. Devant ce mur qui ne me donnera pas de réponse.

Et j’attends.

Un miracle, peut-être. Une réponse, sûrement. Une solution surtout.

C’est un combat intérieur, Lilou. L’acceptation, c’est un combat quotidien.

Je me retourne. Vive, et debout. La chaise s’est envolée, laissant place à cette silhouette haute, corpulente. Silhouette que je reconnais. Mon père est là. Yumen est là, et il regarde cette porte avec cet air incroyablement dur qu’il garde sans cesse.

Un combat au commencement  flou et à la fin abrupte.
C’est ce que je pense ?
C’est ce que je t’ai dit.

Rachel se dandine et avance vers moi. Une brosse à la main, une voix fluette. Elle tend les bras pour aller vers mes cheveux. Je m’abaisse pour lui laisser l’accès et elle brosse. Délicatement. Elle brosse comme s’il s’agissait du plus beau bien du monde.

Tu tombes. Perpétuellement, continuellement. Et il n’y a pas d’arrêt entre les étages.

Une angoisse me prend aux tripes. Je ne veux pas tomber. Et je n’aime pas ce qu’elle me dit. Elle a l’air tellement adulte dans ses yeux d’enfants. Est-ce ça qu’elle a vu la première fois ?

Je vous prête mes pensées… Et c’est ce que vous en faites…
Nous ne sommes qu’une adresse.  

La main de Yumen sur mon épaule me surprend. Une main affectueuse, douce. Une chose dont Yumen aurait été incapable. Je sursaute, lui fais face, enlève cette paluche formidable pour le regarder dans les yeux. A qui je parle ? A qui j’en veux ? Une colère monte, elle n’a pas d’écho.

Et il faut que tu lâches prise.

Lâcher quoi ?

Je ne préfère pas.
Tu n’as jamais eu peur du vide.
Je n’ai jamais eu à lâcher.
Tu n’en as jamais eu le courage.
Si, je…

Je suis courageuse ! Je l’ai toujours été ! J’ai affronté des tempêtes sans plier ! Moi, moi, je l’ai fait. J’ai du courage à en revendre !

Tu es agrippée aux gens, et quand ça te fait trop peur, tu tournes le dos et tu t’enfuis.
Non je…
Si, tu.
Je n’ai pas peur ! D’accord ? Admets-le !
Alors pourquoi tu ne le laisses pas partir ?
Pourquoi tu n’avances pas ?
Parce que je n’ai pas envie !
Envie ? C’est plus une question d’envie maintenant.
Si, c’est ma volonté j’en…
Non. Tu ne peux pas. Et si tu continues sur cette voie, tu deviendras folle.
Tu le deviens déjà.
Non.
Si. Tu es un fantôme sur un navire abandonné.
Comment veux-tu qu’il avance sans toi ?
Oswald y arrivera.
Oswald n’est pas là.
Oswald peut tenir.
Alors toi aussi.
Laissez-moi tranquille !

Je ferme les yeux, je me bouche les oreilles. Je ne sais même pas comment j’en suis arrivée là. Il n’y a plus un bruit, et quand je rouvre les yeux, il n’y a plus personne. Mon cœur se serre, je ne voulais pas. Je ne voulais pas faire de mal à cette petite Rachel, je ne voulais pas faire de mal à Yumen. Ils ont déjà bien assez souffert. Alors l’affolement me prend et je dois me faire pardonner. Ils sont là. Devant ce long couloir qui s’étend à n’en plus finir. Yumen de dos, tenant la petite main de Rachel qui s’est retournée et me regarde avec un grand sourire :

On se reverra ?
Je…

Je voudrais bien. Je voudrais tellement.
Tu me tiendrais la main pour passer ce moment.

… Je ne crois pas.
D’accord ! Au revoir Lilou !
Au revoir.
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C’est pour venir me voir souffrir que vous êtes là ? Vous jubilez ?

Une fumée plane dans l’air. Odeur distincte de sueur et de tabac, un peu âcre, qui imprègne mes vêtements et mes cheveux. Je me tiens toujours devant cette porte, tâtonnant pour trouver une issue. Lorsque je me retourne, ils sont là. Tous les deux, à se tenir droits comme des piquets. Rafaelo, dans sa tenue d’assassin, capuche découvrant son visage émacié, ses deux yeux saphir et ses sourcils froncés. Il a l’air tellement sérieux. Et Oswald, juste à côté, qui semble aussi froid que son complice, cheveux ébouriffés et air négligé d’un après-affrontement. Lèvres fendues, cicatrices, sangs qui coulent… Une image que je n’oublie pas. Qui s’inscrit. Durable.

Un sourire perce sur mon visage. Un sourire plein d’ironie.

Vous me faites rire... Au plus profond, vous en êtes ravis.
Ce n’est pas vrai…
Hinhin… Hinhinhin, cette blague… Tu es tellement drôle Auditore…

Un rire nerveux me prend et me quitte aussitôt. J’avale la distance jusqu’à lui. Mon poing s’imprime dans son buste, brutalement. Il recule d’un pas, mais revient aussi vite. Inébranlable. Je suis en colère. Tellement en colère. Contre lui et sa voix hautaine. Contre l’autre et son air penaud. Qu’ils aillent en enfer.

Toi, toi et tes idéaux, toi et tes méthodes. Toi, tu es si heureux qu’il soit parti. Tu es si heureux qu’il soit mort.
Arrête ça.
Et toi…

Je fais un pas de côté. Et pareil à son confrère révolutionnaire, mon poing s’imprime contre son torse. Je veux qu’il ait mal. Qu’il sente ce que je sens.

Toi, tu vas prendre son bureau prochainement, et sa place, et sa vie. Tu vas tout prendre et rien laisser de lui.
Lilou…
Qu’est-ce que vous faites là ? Vous n’avez pas le droit d’être ici… Vous n’avez pas le droit d’être là ! TIREZ-VOUS !

Je me retourne pour retrouver ce mur qui ne s’ouvre pas, cette porte qui ne se démonte pas. Obstinée, irritée, agacée, mes mains parcourent les fentes qui ne me disent rien. Et une voix tinte à mes oreilles, comme juste à côté, à une distance trop courte pour m’être supportable. Nouveau mouvement en arrière. Je me bouche les oreilles. Refais face à ces idiots qui ne veulent pas partir. Regard furieux, je leur somme de dégager avant que je ne les blesse. Mais ils ne m’écoutent pas et je suis contrainte d’entendre.

Laisse-le partir…
Laisse-le s’en aller…
Si tu le retiens plus longtemps, tu te rendras folle.
Tu cours après une chimère.
Lâche prise.
Rends-toi à l’évidence.
Vous mentez…
Non, tu le sais.
Tu l’as vu.
Vous mentez !
Lilou…
TAIS-TOI !

Un éclat de verre. Un autre. Il semble que je balance des choses contre les murs de mon esprit. Je ne m’en rends pas compte, parce que la violence brouille ma vision. L’ambiance se déchire, éclate. En mille morceaux de verres brisés qui jonchent le sol…

Tu ne pourras pas maintenir le cap de cette manière…
Où est-ce que tu échoueras ?
FERMEZ-LA !

Une droite part dans le visage du révolutionnaire qui se dissipe en un jet de fumée qui m’aveugle. Je tousse, tousse encore dans ma manche en essuyant mes yeux qui pleurent à cause de la poussière. Quelle poussière ? Mes yeux pleurent. Et je m’énerve d’autant plus en m’en rendant compte. Un nouveau bruit part. Je me sens explosée, moi, à l’intérieur. Me diviser en des milliers de morceaux de verres… Un cri s’étrangle dans ma gorge, il m’asphyxie. Je me plie en deux, tousse pour le faire sortir. Je tousse encore, la main devant la bouche, avant de recracher un morceau de glace souillé de sang qui renvoie mon reflet…

Silence…



Et une fois que tu auras tout détruit, tu feras quoi ?
Tu seras toujours en colère. Tu ne cesseras jamais de l’être.
C’est de ta faute ! Tu aurais dû… Tu aurais dû le…
Je sais. Mais toi aussi.
Mais le Roi était là et…
Et je ne peux pas nager.
Tu aurais dû faire quelque chose...
Tu dois arrêter de te détruire. Tu finiras par te consumer de l’intérieur.
Je n’ai pas de leçon à recevoir de toi.
Tu m’estimes si peu ?
Je te hais au plus profond.
Menteuse.
Allez mourir… Partez !

Rafaelo s’évapore. Il ne reste rien de lui. Mais Oswald ne bouge pas. Il me fixe, de ses deux yeux inhumains et me renvoie une image que je n’aime pas. Il était là. Quand tout ça est arrivé. Il n’a rien fait pour l’aider.

Tu ne me diras pas au revoir ?
Je te le dirais cent fois si ça pouvait te mettre à distance.
Ne t’en veux pas trop longtemps.
Bon vent.
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C’est qui ce type ?
FAITES UN BISOU A PAPA !
Va crever.
C’est pas gentil ça ! DIS PARDON !
Hum…
Je vais lui en coller une s’il se calme pas.
GNOH OH OH OH !
C’est vraiment ton ami ? Et lui c’est… C’est un samouraï… Lilou, pourquoi tu me colles avec un pédophile et un samouraï ?!
Aucune idée…

Gharr est dans un coin, le faciès sérieux derrière ses lunettes noires et sa barbe broussailleuse. Punk se tient à côté de moi, assis négligemment sur un fauteuil trop beau ses chaussures crasseuses, la clope au bec et les cheveux tirés en arrière. Robb, lui, court dans la pièce, poursuivant une horde de petits enfants que je ne distingue pas. Seulement des ombres qui passent, suivant les courants d’air. Je m’accoude au fauteuil, regardant le capitaine qui semble ne rien voir et ne rien penser.

Remarque, tu ne parles pas vraiment de cette manière d’ordinaire…
Vrai. Tu me vois bizarrement. On est là pour quoi ?
Si je le savais.
POUR TOI LILOUUUUUUUUUUUU !

Robb surgit devant nous et repart aussitôt en bondissant toujours. Mes yeux le suivent, un sourire s’inscrit sur mon visage en le regardant faire. Sa course et son air décontracté me soulagent d’un poids. Mes épaules sont plus lâches, je prends même le temps de m’étirer et de soupirer un bon coup. Et c’est à l’oreille attentive de mon père que je m’épanche :

Ça fait tellement longtemps que je ne l’ai pas vu. Je ne sais pas pourquoi je garde un souvenir comme celui-ci. De lui et ses surnoms pourris, et de son énergie…
C’est ce qui t’a marqué. T’aurais peut-être besoin de lui maintenant. De sa bonne humeur.
C’est ce que je pense.
Je sais.
J’aurais besoin qu’il soit là. Il saurait quoi faire pour avancer. Il connait tout ça, il a toujours plein de solutions.

Ma voix se porte d’elle-même.

Robb ? Qu’est-ce que je dois faire ?
Sourire ! Toujours sourire ! De toutes tes dents !

Il arrive, en face de moi, et tire sur mes joues crispées. Il les tire jusqu’à former un sourire qui dévoile même mes gencives.

Et rire ! Rire fort ! Et ne jamais t’arrêter même quand ça ne va pas !

Et j’éclate de rire. Il me relâche, repart en arrière, tournoie sur lui-même et disparait soudainement.

Tu le vois heureux.
Il l’est toujours, même dans la douleur.
Tu aimerais l’être.
Je le suis parfois.
Tu ne l’es jamais vraiment.
Je cours après des choses absentes. Des rêves impossibles.
Si tu ne les laisses pas aller, tu les traineras derrière toi, comme un poids.
Je ne veux pas qu’il parte.
Il faudra.
Mais si je le laisse s’en aller, si je ne le retiens pas, qui le fera ?

Ces mots, je les entends. Je les dis. Ils sortent de ma bouche, comme de celle de mon père. Ils raisonnent comme une caisse vide. Ricochent.

Papa…

Et je les entends si bien que ma voix s’étrangle dans ma gorge. Je me sens comme partir en arrière, comme si mon corps implosait d’une certaine manière. Je me sens comme remplie d’eau, puis vidée soudainement… L’équilibre me revient, comme les bras de mon père qui m’entourent au niveau du cou. Il me tient. Fermement.

Je vais perdre pied sans lui…
Tu trouveras des branches auxquelles te raccrocher.
Non…
Tu trouveras un autre cocon où te lover.
Dis pas ça…



S’il te plait, ne dis pas ça…
Tu devrais le laisser partir.

Gharr. C’était la voix de Gharr. Et sa main sur mon épaule. Faisant volte-face, je le regarde intensément, attendant un autre mot de sa part, une autre solution qui n’advient finalement pas. Des secondes s’écoulent, se transformant en minutes intenses…

Pas encore…
Alors nous, nous partons.

Il se craquèle et s’effondre. Mon père sourit et fait de même. Il ne reste d’eux qu’une ligne de poussière sur le sol, s’enfonçant dans les rainures du carrelage trop propre…

SALUT LILOU !

La voix disparait en même temps que le vent, ne me laissant le temps que de lever la main pour le saluer…

Bye…
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Je ne pensais pas qu’on se reverrait un jour, Gamine.
Môsh ?

Mes mains quittent le mur qui me fait obstacle pour me laisser le temps de voir l’immense stature de l’homme poisson. Inchangé depuis plus de quinze ans, la moustache finement dessinée, les petits yeux luisants, il ne sourit pas, ni ne dit rien, mais semble content d’être là.

Vous ne devriez pas l’appeler « gamine », monsieur. Ce n’est plus une gamine depuis longtemps !

Canne en main et barbe longue, Harry avance en remontant ses lunettes de protection. Le dos vouté d’un homme qui a beaucoup porté sur ses épaules vieillies, le pas lent, les mains noircies par le travail dans les machines qu’il répare… Près de dix ans sans le voir, lui, dix ans loin de ses gestes tendres et ses sourires vivants, de ses histoires de preux chevaliers et de princesses en danger. Loin de cette île qui m’a vue grandir avant que je ne la fuie, elle aussi…

Vous êtes là pour ça ?
Bien sûr.
Le temps que ça passe.
Et si ça ne passe pas ?
Mmh… Ça passe toujours. Avec le temps.
Je ne veux pas.
Ça ne veut pas dire que tu l’oublieras, Lilou.
Ce n’est pas juste… Je n’ai pas envie, vous comprenez ?

Je me mets à marcher. Devant ce mur qui se dresse toujours. Un fracas énorme m’interrompt dans ma marche frénétique… Là, je remarque qu’une brique est tombée pile derrière moi, sur la trace de mes pas, s’éclatant en une poussière rougeâtre. Je relève la tête, tente de voir d’où ça vient, mais je suis vite contrainte de refermer la porte et de cacher ce mur immense qui n’a diminué que d’une brique… Ma colère remonte. Je ne suis pas d’accord.

Ce n’est pas juste. C’est lui. C’est pour lui que je me bats. Si je le laisse, qu’est-ce que je deviens ? Et pourquoi lui d’ailleurs ? Il est meilleur que nous tous ici ! Ce n’est pas juste, qu’on me prenne moi plutôt, ou quelqu’un d’autre…
Qui ?
Personne, je disais ça en l’air !
Mmmmh…

Regarde désapprobateur de l’homme poisson. Il m’a connu moins vindicative sans doute. Mais ça aurait dû être moi. Et pas lui. Jamais lui. Il est intouchable, et son image ne peut pas s’effondrer.

Vous vous rendez compte ? Sur la tonne de personnes que j’ai pu croiser dans ma vie, c’est lui qu’on m’enlève… Il y en a eu tant avant… Toutes celles pour qui je ne me suis jamais arrêté, toutes celles avec qui je n’ai rien vécu, toutes celles avec qui je n’ai jamais levé mon verre, avec qui je ne boirai jamais un verre et… Il faut vraiment que ça soit lui ? Je refuse. Je ne veux pas. Je n’abdiquerai pas. Je resterai plantée devant ce mur à attendre qu’il revienne me chercher. Et tant pis si ma barque s’écrase sur un rocher.

Et ma marche reprend, et derrière moi s’écrase une dizaine de briques qui tombent de nulle part. Elles ne me touchent jamais, elles ne restent pas longtemps sur le sol, mais elles tombent et le mur ne diminue toujours pas. Mes yeux finissent par se lasser de regarder en l’air, et moi, par me lasser de ne pas avancer. Alors ma marche reprend de plus belle, comme ces chutes, m’obligeant à radoter parce que les mots qui sortent sont entendus, et si je les entends c’est qu’ils existent.

Sur la tonne d’inconnus, il faut que ça soit lui. Eh bien, je ne suis pas d’accord. Je ne continue pas sans lui.
Mmmmh… Tu souhaites qu’un autre s’en aille à sa place ?
C’est ce que tu veux ?
Non ! Je ne veux pas qu’il parte... C’est tout ! Je ne veux pas lui dire « au revoir » ! Ça ne peut pas s’arrêter comme ça !

Ishii s’allume un cigare, qu’il coince entre ses dents, dans sa gueule difforme. Il tire une bouffée, recrache la fumée et reprend d’une voix grave :

Mmmmh… Tu peux simplement continuer pour celle qui compte encore...
Daenerys… ?
Oui. Elle. Et d’autres.
Tu lui as promis.
Comment tu sais ?
Parce que tu le sais.
Pas encore.

Je secoue la tête. Négativement. Non. Pas encore.

Je ne veux pas. Pas encore. A plus tard…

Un bruit éclate. Un tas de briques à leurs anciennes places… Et dans l’air, il ne reste que l’odeur des cigares qu’Ishii Môsh fumait.
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Je savais que tu viendrais.
Faut croire que tu saurais pas vivre sans moi.
Non mais ça ne va pas ?

Mains enfoncées dans les poches et moue boudeuse, je m’adosse au mur en le regardant dans les yeux. Tahar approche doucement, se plante à un pas et attend patiemment avec ce même sourire que je lui connais si bien. Celui d’avant. Un an déjà. Un an sans te voir. Et j’ai toujours cette même image de toi. Je ramène une mèche de cheveux derrière mon oreille, les joues rougissantes en oubliant un instant ce que j’attends ici.

Pourquoi je te pense aussi arrogant ? Mh… Qui est avec toi ?
Personne.
Ah ?

Je regarde autour de lui, à gauche, à droite. Mais non, personne. Ni silhouette qui se distingue de l’ombre, ni apparition soudaine d’inconnu oublié. Je pensais voir Yoru, Rydd, Wallace, Adrienne ou Daenerys peut-être, mais eux n’ont pas fait le déplacement. Pas même la trace de l’illustre inconnu dont je ne sais pas le nom qui m’a repêchée une fois en mer… Pas de trace de Bee non plus… Tant pis pour cette fois…

Pourtant ils… Ils étaient toujours deux… Alors je… Je me disais que…

Nouveau regard vers lui. Regard intense, comme à chaque fois que j’y pense. Phrase interrompue au milieu que je reprends comme si je ne l’avais jamais laissée, avec le regard pétillant en plus de la jeune rosière qui craque.

Que tu ne viendrais pas seul.
On doit avoir besoin d’intimité…
QUOI ?!

Froncement de sourcils, bouche ouverte, je m’offusque avec un sourire qui s’étend malgré moi :

Dégueulasse !
Oh !
Ce n’est pas le moment !
T’es raide dingue de moi, chérie, c’est le destin.
Et t’es incroyablement con en plus !

Je ris, oui. Je ris. Toujours malgré moi. Et il le souligne habilement :

Au moins ça te fait rire.

Hochement de tête. Je me mets à regarder mes pieds, avec une timidité toute fraiche que je ne me connaissais pas. Je sens le rouge me monter aux joues, comme les larmes aussi, mais j’ignore ces dernières.

Laisse-le partir.

Pichenette sur le front. Je redresse le regard et le fixe avec les sourcils froncés, cheveux hirsutes, air fâché. Il est là pour ça aussi ? Ils sont tous là pour ça. Ça n’a plus de sens désormais. Et je fais ce que je veux. Et je veux qu’il ait mal aussi, même si finalement, ça ne lui fera rien et que je le sais pertinemment...

Peut-être que j’aurais dû te laisser couler, à Bliss.
Peut-être que j’aurais dû tuer ton canard, à Bliss.
Connard.
Tu m’aimes trop pour ça.
Je sais... Mais je n’ai jamais dit ça. Et si tu le répètes, je nierais en bloc.
Je le répèterai jamais à personne. Je suis même pas au courant.
… Pourquoi t’es là ?
C’est toi qui m’as choisi.
Je ne veux pas te voir.
Tu mens. Je serais déjà parti sinon.
Je n’ai pas besoin de toi.
Menteuse…

Détournement de regard. Je ne mens pas. Je n’ai besoin que d’une personne, et on me l’enlève. J’ai en fait besoin d’une dizaine de personnes qui vont et qui viennent sans jamais s’arrêter. Dans une valse interminable. Mais j’en ai besoin, et là, ma balance se déséquilibre…

Arrête de fuir, tu veux ?
Tu sais quoi ? Je t’emmerde ! Toi, et tous les autres ! Je fuis, oui ! Je fuis et alors ! Merde ! Je fuis, droit devant, tête baissée et sans regarder en arrière ! Et tu sais quoi ? Tu m’emmerdes ! Ça ne m’a jamais fait défaut ! Ça m’a toujours aidé à supporter ! Alors pourquoi aujourd’hui ça ne serait pas possible, hein ? POURQUOI ?

Il me saisit par les épaules, me force à le regarder dans les yeux :

Parce que c’est trop important.
LA FERME !

Mouvement ample pour qu’il me lâche, retour en arrière, tête contre le mur. Un coup part. Et un autre. Et encore un autre. Etouffant les sanglots qui me prennent dans le bruit de ce martèlement infâme…

Lilou…

Nouveau coup. La douleur me fait oublier sa voix. Elle s’empare de mon crâne et bat au même rythme que mon cœur. Douleur lancinante, douleur diffuse, qui gagne mon corps entier et serre l’étreinte autour du palpitant.

Arrête ça Lilou…

Sa main fait obstacle. Mon mouvement s’arrête. Je reste posée, un temps. Interminable. Un temps silencieux ou seule ma respiration se fait entendre, rythmée par mes sanglots.

Je ne dis pas au revoir parce que ça blesse. Et qu’être blessé, je connais. Cette douleur... Je la connais.
Ça fait du bien quand ça s’arrête.
Je n’ai pas envie de dire au revoir. Je n’ai pas envie que les choses s’arrêtent. Ne rien dire, c’est laisser des points de suspension.
C’est plus simple, plus facile.

Un bruit. Puis un autre. Claquement sourd dans ce silence doux. Lumière chaude sur air frais.

En restant accrochée, tu te fais plus mal…

Ombre dans la lumière.

Laisse-toi aller.

Silhouette indistincte que je reconnais pourtant.

Lâche prise.
Ah ! Tu vois que tu n’étais pas tout seul !

Pas en avant. Regard en arrière.

Tu peux lui dire au revoir maintenant.
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Au revoir Salem.

Et désolée.
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