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Rébellion illégitime

    J'avais été convoquée dans la salle de réunion, et je me doutais que j'allais être affectée à une nouvelle équipe, pour une nouvelle mission. Il y a moins de trois mois, cette nouvelle m'aurait réjouie. Je voyais alors dans toute responsabilité qu'on me déléguait la preuve de ma capacité à être quelqu'un en qui on avait confiance. Quelqu'un pour lequel on avait des attentes et pas simplement celle d'être jolie – chose pour laquelle je n'y étais pour rien – et bien apprêtée. Toute ma carrière était bâtie sur mes efforts, et non la réputation de ma famille qui agissait en « piston », déclenchait une sorte de « paiement en retour d'une ancienne faveur » ou pire encore débouchait sur l'espérance qu'aider mon dossier allait provoquer chez mon père une envie soudaine et irrépressible d'être en dette envers autrui.

    Non, c'était moi et à moi seule que je devais mon poste d'agent au Cinquième Bureau. J'avais appris les manuels et plus ou moins maîtrisé les techniques martiales. J'avais suivi comme tous les autres l'entraînement technique et avait démontré une certaine intelligence lors des cours de stratégie et de management de l'information.
    Avant j'avais été désireuse de faire mes preuves, et j'avais été une très bonne élève, assidue dans les travaux de préparation et efficace sur le terrain. Avant, l'idée d'une nouvelle mission m'aurait enthousiasmée et j'aurais déjà fouiné ici et là pour en découvrir le maximum, pour pouvoir potentiellement avoir une bonne idée ou connaître le détail crucial lors des briefings. J'aurais aussi comparé mes statistiques avec mes « collègues » de grade, pour savoir si j'étais plus ou moins demandée dans les équipes. Oui, c'était un esprit de compétition peu valorisant, mais c'était tout ce que nous avions. Et aussi petit que cela pût être, être choisie parmi un pôle de quatre-cinq bleus, que ce fut par sélection précise ou par pis-aller, c'était en soit très satisfaisant.

    Désormais, ce genre d'annonce me donnait envie de vomir, alors qu'une pierre aussi lourde qu'un menhir tombait dans mes entrailles. Savoir que je n'étais pas mieux qu'un pion, manipulée sans considération, à peine reconnue comme personne consciente avait fait éclater tout le bonheur que me procurait cette vision dans mon miroir, celle d'une Shaïness en uniforme, tirée aux quatre épingles, rutilante dans son tailleur impeccable. Non, qu'importe notre humanité, nous n'étions que des machines, envoyées pour réaliser tel ou tel objectif, écouter, voir, voler et parfois tuer. Souvent tuer. Qu'importe qu'au milieu de tout ça et des impératifs du métier, de la loi de la nécessité de tous, que notre honneur, notre âme soient réduits à l'état de pulpe. Et si nous échouions ? Et si nous ne devions pas être à la hauteur du sacrifice ? Serions-nous laissés pour compte ? Mis à mort par nos collègues plus doués, plus zèles, moins embarrassés par ces questions de moralité ?
    Oui, j'aurais pu fuir. Abandonner. Rentrer dans la demeure familiale où m'attendait un destin bien éloigné de ces considérations philosophiques de culpabilité, d'obéissance et devoir. Un monde féerique où tout le monde est bien habillé et beaucoup moins poli. Un monde où je ne serais qu'une coque vide, mais libre de penser...

    Quoi que... Père est certes loin des hautes strates de l'amirauté, mais il a été en charge de la communication du QG de West Blue pendant des années. Il a beaucoup de défauts, mais idiot ne fait pas partie de la liste. Il doit donc savoir avec lucidité les exactions que le Gouvernement commet au nom de la Justice, des déséquilibres inhumains (ou in-homme-poissonniens) de la société. Sans parler des problèmes écologiques et économiques.
    Il était complice bien plus que victime ! Et je n'arrivais pas à comprendre comment mon père, cet homme que j'avais toujours admiré, avait pu vivre autant de temps sans se révolter, sans taper du poing et manifester sa désapprobation. Comment avait-il pu boire du vin tiré à la sueur et au sang d'esclaves ? Se complaire dans une sorte de manoir accolé à un terrain de plus d'un hectare, alors que tant n'ont même pas de quoi se vêtir convenablement, dépouillés ou déportés pour plaire à un tout petit nombre ?

    Lorsque je me présentais au meeting, prenant ma place à l'arrière, comme la bonne petite junior que j'étais, j'étais à bout de nerfs. Je savais bien que je voulais pas l'exprimer de façon délibérée qu'aujourd'hui marquait le début de ma rébellion : je ne ferai plus de gestes qui pourrait me plonger plus encore dans le rôle du coupable tortionnaire. Qu'importe les menaces de renvois ou de court martiale. J'avais juré de défendre le Gouvernement... et c'était exactement ce que j'allais faire, dus-je le défendre contre lui-même.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:39, édité 1 fois
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Agent Cooper.

Rébellion illégitime Cersei11

Tu as à peine eu le temps de t’installer sur ta chaise et de croiser les jambes pour te mettre à ton aise au fond de la salle qu’une bonne femme déboule de nulle part. Tu ne l’as jamais vu avant, son visage ne te dit probablement rien et tu n’es même pas sûre de l’avoir vu dans les couloirs en arrivant. Autant dire qu’elle a parfaitement mémorisé le guide du parfait petit agent secret et sa règle numéro vingt-huit disant qu’un terrible agent se doit de toujours surprendre son vis-à-vis, et ce, qu’importe la manière. Elle te considère imperceptiblement, s’asseyant juste à côté de toi en gardant un facies aussi impénétrable qu’immuable. Tu peux noter qu’elle a les cheveux aussi longs, sinon plus que toi, et qu’ils sont remarquablement bien démêlés comme entretenus…

Vous avez une mission.

C’est là que tu remarques qu’elle tient sous son bras un dossier qu’elle te refourgue dans les mains sans plus te demander ton avis. Elle ne jette d’ailleurs même plus un regard dans ta direction pour connaitre tes réactions. Non, elle a les yeux fixés vers le meeting qui commence enfin et le seul truc que tu peux percevoir sur son visage, c’est comment ses narines s’ouvrent et que son visage se durcit lorsqu’un bonhomme d’une quarantaine d’année prend la parole pour causer de dieu sait quoi sur la formation des jeunes recrues…

Veuillez apprendre ce dossier et le détruire quand vous en aurez terminé.

Elle murmure à peine, de telle sorte à ce qu’il n’y ait que toi qui puisse l’entendre. D’une voix toujours ferme et froide, aussi sèche que sa morphologie.

Je serais votre agent de liaison.

D’ailleurs, il te suffit d’ouvrir le dossier pour connaitre son nom et son poste. Ainsi, te voilà à devoir bosser avec Aurora Berenike, une fille dont personne n’a jamais entendu parler, qui n’a jamais eu son nom noté dans les manuels du Cipher Pol, mais qui est certifié comme ton agent de liaison comme elle le dit, et faisant partie du troisième bureau. Tu as des questions ? Oui, hein.

Retrouvez-moi ce soir au Red Carpet. Prenez-y un cocktail de couleur… Rose.

Et avant même que tu ais eu le temps de lever le regard vers elle pour confirmer ou non, ou dire quoi que ce soit en fait, elle a disparu.

Faut croire que les questions viendront après.

      J'aurais aimé pouvoir dire que je n'avais pas cillé, que je m'étais sortie de cette situation comme une pro. La vérité reste, en dépit de mes vœux, que je restai là, bouche bée, tentant de comprendre ce qui se passait. Ce fut son regard glissant qui m'électrisa. Comment, elle ne me regardait pas, comme si je n'en valais pas la peine ? Que fallait-il être, pour que le CP vous considère comme un être ayant une valeur, même la plus minimale ? Et puis, elle s'est vue, la pov' truie du Troisième Bureau ? Oh, elle avait l'air belle. Et c'était bien tout ce qu'elle avait pour elle. L'air.
      Parce qu'à bien y regarder, la couche tartinée au couteau à fromage de fond de teint ne cachait pas vraiment les petites taches sur les joues. Pas plus que le front aussi lisse qu'un cul de bébé rendait aveugle aux plissements autour de sa bouche, elle qui avait les lèvres amères. Quant à ses cheveux. Oui, ils étaient longs et brillants, mais ça aurait été mieux s'ils avaient été naturels. Ce blond... alors qu'on a une teinte brune, et brune foncée si je devais en croire les sourcils épilés au demi-millimètre près.
      Bref, c'était une vieille peau sûrement mal baisée et je ne devrais pas m'en faire.

      Ça, c'est la théorie. Dans la pratique, je n'en menais pas large. Une mission en solo, avec un agent coordinateur juste pour moi. Dans le temps, je m'en serais tortillée d'aise, à en rejeter mes mèches en arrière pour me tourner de biais, dévisager mes camarades de promotion et bien leur faire remarquer, sans le dire, que moâ avais une mission solo. J'aurais hoché la tête d'un air entendu et n'aurais pas trouvé à redire de son départ expéditif.
      Là, tout ce que je voyais, c'était que j'allais devoir annuler ma séance de massage aux algues et devoir aller refaire faire ma manucure en urgence. Ah oui, je n'étais ab-so-lu-ment pas préparer pour aller au Red Carpet. Et parfaitement, la couleur des ongles est un détail ultra important pour ce genre de mission. A se demander si ce n'était THE détail.

      Pendant que le gros devant le tableau parlait, je listais tout ce que j'avais à faire, tout en prenant connaissance du dossier. Pfff, c'était.... comment dire ? Un peu vide. Franchement, c'était tout ce qu'elle savait faire, la Madame? Parce que ça, ce n'était même pas au niveau d'un novice de premier rang. Bon, peut-être pas, ils étaient spécialement cloches, les novices de premier rang. Au moins avais-je vécu cette période en ayant la classe. C'était donc ça, mon but ultime : avoir peiné pendant deux ans, pour me retrouver à devoir supporter une vieille mal maquillée en mal de reconnaissance ? Hé quoi ? Je valais bien mieux que ça. Je le savais, ils le savaient. D'ailleurs, tout le monde devrait le savoir. Ça se voyait à ma démarche : bitch, please, quoi.
      Et puis ensuite et après quoi... Bon, il ne pouvait avoir tué père et mère, ce gars. Plus je le regardais, plus je lui trouvais un charme de carton-pâte. A la rigueur, je le voyais bien avoir fait du gringue à la fille de l'amiral Prout ou autre. Et pourtant, c'était sur cette affaire que mes nombreux talents étaient mobilisés.
      Non, honnêtement, quiconque était à la tête du dispatch des missions avaient sérieusement d'un bon massage aux algues. Et d'une trépanation, mais ça, ce n'est que mon opinion toute professionnelle.
      Professionnelle, je l'étais.
      Je suivis à la lettre les indications de Peau de Vache, détruisant le dossier après avoir appris son contenu, me préparai pour le Red Carpet – un amour de petite robe sans bretelle, une paire de stiletto et une bonne dose de parfum – afin de me mettre en route.
      Le RC avait été élu lieu « in » du moment ; coqueluche de la bonne société qui voulait se donner l'air de se gaillardiser, le lieu présentant un mélange subtil entre subtilité et provocation. Ça tapait à l'oeil, mais sans dégoûter. Ça affolait les sens de ces messieurs-dames, à commencer par ces dernières qui rougissaient de voir les serveuses en tenue plus courte que la bienséance ne le permettait, ce qui donnait l'occasion à Messieurs de se rincer l'oeil en toute tranquillité, tout en assurant à Mesdames une nuit ou deux de reconnaissance matrimoniale, par l'action conjointe de la culpabilité et l'excitation.
      Des « bourg' » qui s'encanaillaient, dans le luxe et la sécurité, quoi.
      La déchéance de l'espèce humaine.

      Je m'assis au bar, croisai délicatement les chevilles et m'absorbai dans le spectacle donné sur scène – ou en tous les cas, en donnai l'impression. Derrière mon cranberrie dry, avec du champagne rosé, j'examinai la salle, à la recherche de Blondasse Senior. Je ne voyais pas ce qu'elle me voulait, ici encore plus... Enfin, la fille sur scène qui chantait du jazz à voix rauque n'était pas sans talent et le pianiste plutôt beau gosse de dos. Disons que sa chute de dos était agréable à regarder et comme son profil était du genre longitudinal, cela laissait présager du meilleur.
      Heureusement, parce que je me sentais parfaitement idiote, là, avec mon cocktail rose. Qu'est-ce qui aura pris à Madame Berenike d'imposer une telle boisson ? Manque d'imagination, sûrement. Comme si ce n'était pas une idée suggérée par ma couleur de cheveux ? Comme si quelqu'un qui me regardait pouvait penser à du bleu ou du orange...



    Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:42, édité 1 fois
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    Nous avons cinq minutes pour prendre connaissance de certaine information supplémentaire.

    Aurora déboule de nulle part, avec le même verre que toi. Rose. Elle porte un sourire que tu sais crispé, habillement comme une femme faussement mondaine. Elle n'est pas de ce monde mais elle ne fait pas tâche.

    Il arrivera a vingt heure trente cinq, tapante. Accompagné d'une escorte d'amis machos crétins, d'une petite secrétaire timide et insignifiante et de femmes plus belles et stupides les unes que les autres. Il va aller jouer gros sur les tables de Black Jack avant de consommer à gogo et de finir soul comme un cochon à rouler sous la table sûrement. Vers une heure, il partira avec une femme magnifique dans ses appartements ou il consommera une nuit d'amour sans précédent.

    Il ne faut pas être particulièrement futé pour savoir ce qu'elle attend de toi. Et ça a sûrement de quoi te mettre soit mal à l'aise, soit en colère. Aurora le sait, c'est pourquoi elle reprend presque aussitôt avec la même voix ferme et monotone, regardant autour d'elle pour vérifier que la cible n'arrive pas.

    Mais je ne veux pas que vous soyez cette femme. Je veux que vous soyez LA femme. Je veux que vous rentriez dans son cercle intime et que vous le rendiez fou de vous pour avoir accès à sa vie, à ses affaires et surtout à un dossier caché soit dans une mallette dans ses bureaux, soit dans un coffre fort chez lui. Inventez vous une vie, soyez quelqu'un d'autre. Je me chargerai de vous écouter et de rendre tout ça réel à ses yeux. Je ferais de vous la personne que vous voulez être pour quelques semaines aux yeux du monde et surtout à ses yeux à lui. Analysez, et soyez celle qu'il veut.

    Et au cas ou...

    N'angoissez pas. Vous êtes montée pour ça. Il est temps d'y aller sans filets. Il y a plusieurs raisons pour laquelle je vous ai choisi pour cette mission : Vous êtes belle et c'est indéniable, et apparemment tout à fait son genre. Ensuite, vous êtes une chieuse comme toute bonne femme qui prend soin d'elle, typiquement le style à rendre un homme fou accro. Enfin, je suis tout bonnement incapable moi de feindre toutes formes quelconque de sentiments amoureux à l'égard d'un type et je ne correspondrai pas à ses attentes. Je ne peux pas effectuer cette mission. Mais vous, oui. Vous aurez très probablement des réticences à le faire au début, mais quand vous verrez l'idiot arrogant et arriviste qu'est ce gars, vous lui écraserez le coeur et les couilles avec un malin plaisir.

    Elle t'attrape la main et y glisse un escargophone minuscule, qu'elle te demande de cacher quelque part.

    Je vous donne ceci. Je vous entendrai et serai apte à improviser autour de vous. Montez un mensonge simple et croyez-le. Si jamais quelque chose tourne mal, dites "que vous aimeriez adopter un chaton"... ça sera votre phrase code pour que je vous sauve les miches en cas de pépin.

    Et à peine a-t-elle terminé son long discours que les doubles portes du Red Carpet s'ouvre pour laisser passer un homme suivi d'une bonne dizaine de personnes.

    Rébellion illégitime 007_by10

    Il est là.

        J'écoutais. Je comprenais. Quelque part, cela ne m'atteignait pas. Comme si ce n'était pas de moi qu'on parlait. Ce détachement m'effrayait, mais je pense que c'était là une mesure de préservation que j'avais mis en place de façon inconsciente, pour éviter de balancer mon verre à la figure de Aurora. Ce n'était la pseudo-insulte qu'elle avait tout de suite corrigée qui alimentait ma colère. Je savais, ma famille savait, tous ceux et celles qui méritaient de savoir savaient que je n'étais pas une fille facile. S'il fallait coucher et feindre pour le bien d'une mission, je le ferais. Enfin, si le type se prêtait à un tel exercice. Aucune chance que je me compromisse pour un gros moche. Non, ce qui me blessait dans mon amour-dignité – ou mon orgueil – c'était le fait qu'on me croyait totalement capable de mentir et de contrefaire des sentiments amoureux. Quelque part, la façon dont elle avait présenté ça... c'était comme si elle m'avait dit « je suis trop bien pour ça, alors que vous, vous êtes une faux-derche de A à Z, une pimbêche aguicheuse, donc forcément, vous savez simuler. D'ailleurs, vous ne savez faire que ça. » Peut-être pensait-elle qu'elle m'avait fait un compliment détourné, en me félicitant d'avoir des aptitudes que d'autres comme elle n'avait pas – nul doute qu'elle ne se prenait pas pour rien, la Berenike... Mais j'avais opté pour la seconde réaction.

        Avec un peine un hochement pour lui signifier que j'avais compris, j'empochai le mini Den-den, pour le glisser dans la masse de mes cheveux artistiquement coiffée en chignon lâche et je me détournai, toute concentrée sur la mission. Plus tôt elle était finie, mieux c'était.
        Séduire un homme, l'amener à me faire confiance, pour récupérer des dossiers chez lui. Ce que contenait ces dossiers restait du domaine du mystérieux. Ce fut peut-être ça qui me sauva la mise en me déconnectant loin de mon indignation (juste ou pas) : la curiosité de mettre mon museau dans les affaires d'autrui. Désormais, j'étais en mode « challenge accepted ».



        Ma cible était bel homme. Prétendre le contraire serait une preuve de stupidité profonde. Il se dégageait de lui une sorte de virilité animale, alors qu'il agissait en séducteur bourlingueur. Loin du cliché du suave dandy, il était homme du monde, dans le sens où il avait vu le monde, qu'il en connaissait la dureté et pourtant pouvait agir en parfait gentleman. On lui pardonnait la pointe de rusticité qu'il se plaisait à distiller dans ces propos et attitudes, parce que c'était justement là tout son charme. Je n'imaginais que trop bien les réactions de mes tantes et de leurs amies s'il avait été introduit dans le salon de Mère : regards furtifs par en-dessous et petits commentaires piquants sur son manque d' « élégance », mais toujours accompagné d'un petit soupir pour ponctuer le traditionnel « mais c'est un homme tellement charmant ! »... Hypocrite phrasé pour exprimer à quel point toutes fantasmeront ce soir à son propos, l'imaginant leur susurrer des choses indécentes à l'oreille, pendant que leur bonhomme de mari sera en train de pomper son cigare d'un air magistral et tout aussi futile.

        A vrai dire, c'était exactement ce genre d'homme qui m'avait attiré loin de mon « destin ». L'agent gouvernemental qui avait navigué dans les eaux troubles qu'était la « cour du QG de West Blue », celui qui m'avait séduite et donné l'envie de rejoindre à mon tour les Bureaux plus que la Marine, avait cette odeur de danger autour de lui. Il vivait danger, il respirait danger, il était danger.
        Mais je n'étais plus la petite précieuse égoïste et choyée qui trônait comme la pire des pestes, enamourée d'une gueule et d'un soupçon de mystère. Je ne rêvais plus d'aventure : je la pratiquais régulièrement. Aussi voyais-je clairement tous les défauts, les stéréotypes et les codes. Enfin, c'était ce que je me disais.

        Pour s'attaquer à un poisson de ce genre, il fallait l'appâter à deux niveaux : la cuisse et le porte-monnaie. Le cerveau, n'en déplaisait à Aurora, venait après. Si je n'étais que jolie, sans représenter un intérêt pécuniaire, je ne dépasserais pas la catégorie « conquête du soir ». Or, je refusais que ma tête empaillée vînt orner les couloirs de sa mémoire, à côté de la gourdasse blonde ou brune d'hier soir. Ah, et ce n'était pas ma mission. Je vais donc lui faire miroiter la promesse d'un retour-sur-investissement, à court ou moyen terme. Je devais également m'imposer comme une femme de caractère, et non pas une de cette poupée qui agitait la tête au grès de la houle. Je devais avoir une étincelle qui m'était propre, et ne pas dépendre de facteurs étrangers : qu'il m'ôtât l'argent, je resterais une femme qui l'attirerait par.... hum, mon provoquant déhanché ? Mon sens de la répartie mordant ? Ma capacité à charmer ? Hum, difficile à dire. Et il n'y avait qu'un moyen de le savoir.

        Saisissant mon cocktail, je me faufilai dans l'ombre jusqu'à devancer le groupe qu'il menait. Alors je me retournai et marchai, comme si je quittais la salle de jeu pour aller au bar. Ma démarche se voulait souple et assurée. Je n'avais pas la plus haute de mes paires de talon-aiguilles, mais c'était bien suffisant pour ce que je voulais. Sans me préoccuper le moindre du monde par les personnes autour de moi – et sa troupe en particulier – j'avançais. Mon chemin allait rapidement intercepter celui d'une greluche qui avait eu la main trop fort sur le eye-liner, de telle façon qu'elle avait l'air d'une sorte de panda. Elle se trémoussait en agitant un long collier de perles – de culture, à en juger par leur éclat terni – et se comportait clairement comme la vice-reine, en recherche d'attention, pour détrôner celle qui pour le moment, s'accrochait au bras de Bad Boy comme si c'était le summum de la réussite sociale.
        Lorsqu'elle me vit venir, cette midinette, elle se campa dans ses positions, bien décidée à me faire altérer ma course, prouvant ainsi que c'était elle la dominante. Hé oui, c'est un code sociétal bien connu : les alpha ne bougent pas, ce sont les autres qui s'arrangent de leur mouvement pour ne pas les arrêter ou les contrarier. C'était un geste de soumission que de devoir se décaler, ralentir, céder le pas... C'était exactement l'affrontement que je souhaitais, et je savais que j'allais le gagner. Clairement, elle n'était pas de mon niveau.
        Pas un instant, je ne lui accordai un regard. J'oblitérai totalement sa présence tandis que je regardais un point au-dessus de son épaule. Je n'avais pas la moindre idée de ce que j'allais exactement faire : la heurter de l'épaule, susciter un scandale, m'arranger pour la faire trébucher ? Peut-être devrais-je aller voir la « reine » de l'essaim, lui plaquer la bise en m'écriant d'une voix dégoulinante « Mon dieu, très cher, cela fait une éternité ! Très chic, le manteau et-- oh, je dois me sauver. Il faut qu'on se voit, après tout ce temps. Un brunch, peut-être. Appelle-moi, et ne m'oublie pas, cette fois. »
        Oui, cette option me tentait, jusqu'à ce que je visse un duo de Marine franchir la porte. Ils étaient encore en uniforme, j'en déduisais donc qu'ils devaient tout juste avoir touché quai, ou qu'ils sortaient d'une réunion. L'un dans l'autre, ils étaient tous deux ici ainsi vêtus pour le seul intérêt de marquer les esprits, en particulier ceux des jeunes femmes. L'attrait de la livrée et tout ça. Leurs galons indiquaient respectivement un Lieutenant-Colonel et un plus jeune Commandant. Plus jeune de ma cible de quelques années, ils devaient donc leurs postes soit au mérite soit au piston, ce qui ne faisait aucune différence à mes yeux. Ils avaient juste assez de prestige pour attirer l'attention.
        Je leur dédiai un sourire lumineux et agitai la main dans leur direction, comme si je les attendais. Entre temps, la distance entre moi et Panda-girl n'était plus que trois pas et comme elle avait été assez bête pour suivre des yeux ce qui m'avait apparemment donné tant de plaisir, elle s'était inconsciemment décalée. Juste ce qu'il fallait pour que je passasse devant elle sans sourciller, l'obligeant même à reculer encore un peu pour garder entre nous la distance de sécurité entre nos deux espaces « intimes » dictée par les bonnes manières. Je n'avais pas besoin de miroir pour savoir que l'Homme examinait mon dos, appréciant ce qu'il voyait, amusé de la confiture de la dinde et notant ce qu'il y avait à noter sur moi. Ce genre de mec ne survivait aussi longtemps qu'en étant constamment en train d'enregistrer.
        - « Messieurs, je ne vous attendais plus. Votre journée a-t-elle été agréable ? » fis-je d'une voix un peu plus forte que normale, en m'approchant des deux Marines. Déjà étonnés par mon salut, mais étant des « garçons bien éduqués par Mère, Nounou et Gouvernante », ils s'arrêtèrent et me firent un sourire de circonstance. Le fait que je fus jolie comme cœur aida leur décision de ne pas m'ignorer. [color=#ff33ff]« Toutes mes excuses pour cette apostrophe un peu cavalière... »[color] repris-je d'un ton plus cachottier, « mais vous venez de me sauver la vie. Je cherchais à me débarrasser d'un inopportun et nul doute que vous lui avez prouvé que passer son chemin était une merveilleuse idée... » Nouveau sourire, un peu plus timide, léger rougissement et petit papillotement de cils. « Colonel, Commandant, j'espère que vous me laisserez vous offrir un verre pour remercier mes chevaliers... Oh, je m'appelle Shaïness... Shaïness Raven-Cooper... » Et là, ils furent tout sourire. Qui dans la Marine ne connaissait pas un Raven ou un Cooper ? Les probabilités voulaient qu'ils eurent été formés ou affectés avec l'un de mes nombreux cousins au x-ième degré. Une chance que je naviguais dans mon arbre généalogique comme certains dans les eaux de Grand Line. Et de leur point de vue, les chances que je fus reliée à l'un de ces nombreux officiers ou sous-officiers faisaient qu'ils ne pouvaient pas me repousser ainsi.

        Ce fut donc sans difficulté que nous primes un verre au bar, puis un second dans un des canapés qui constellaient les pourtours des tables de jeu. Deux boissons dont je ne m'acquittais nullement, puisqu'ils payèrent tout. J'avais tactiquement choisi des places dans l'angle de vue éloigné de Bad-boy, de telle sorte que je hantais sa périphérie, là sans être ici. Le meilleur moyen pour se faire voir. Une chose qu'on apprend dans les Bureaux: une bonne filature ne se fait pas à distance, mais plutôt rapprochée.
        La nuit se passa sans autre incident et lorsque je me séparai de mes deux amis du moment, ce fut sans mal que je tirai d'eux la promesse de ne pas parler de cette nuit... Ils comprirent ce qu'ils voulurent, notamment que mes parents n'approuveraient guère mes sorties nocturnes et nous en restâmes là.

        Plus tard, je contactai Aurora à l'aide du micro den-den :
        - « Oui, j'ai pris mon temps. Il faut l'appâter, et ne pas brusquer les choses. Je dois éveiller son intérêt... Demain soir, je retourne au club. J'ai besoin d'une table VIP, et deux hommes. L'un plutôt âgé, qui fait distingué, le second jouant le rôle du secrétaire-homme de main du premier. Un rendez-vous qui se terminera vite. Puis, trois soirs après, une petite bande de jeunes femmes, qui seront très évaporées pendant qu'elles dépensent une petite fortune en cocktails et paris. Et enfin, coup sur coup, pendant … trois, quatre, cinq soirées... un homme par soirée, entre vingt-cinq et cinquante ans, qui porte bien, l'air classe et riche. Là aussi, des entretiens sérieux et plutôt courts... »
        Je devais me forger une identité et surtout une activité professionnelle, qui alliait revenus stables et glamour. Si j'avais su chanter, je me serais faite passer pour une artiste et me serais produite sur scène. Or, si mon brin de voix n'avait rien de discordant, il n'avait pas de place autre que dans ma salle de bains. Pourtant, cela aurait été la couverture parfaite : le charme et les paillettes du show-biz, les promesses d'une vie plus ou moins facile et/ou débauchée...
        Il fallait aussi un rôle dans lequel je devais me sentir à l'aise, pour donner une certaine crédibilité à mon histoire. La cible n'était pas un mécréant du dimanche, il devait en savoir assez pour flairer les mensonges. Or, une fois que toutes les inconnues étaient posées, il ne restait qu'un tout petit nombre de métiers que je pouvais exercer.
        Marieuse était le plus alléchant.

        Ah, les rencontres matrimoniales dans la bourgeoise Marine. Tout un rituel, précisément orchestré mais jamais, au grand jamais évoqué. C'était un secret de polichinelle, mais personne n'en parlait. Les marieuses, ça n'existait pas.
        Et pourtant...
        Quand deux jeunes gens décidaient de s'unir, par un mariage d'amour, il y avait forcément des discussions entre familles. Ce n'était pas un homme ou une femme qu'on épousait, c'était aussi un père ou un frère avec tel ou tel galon, tel ou telle réputation. C'était des familles avec telle ou telle fortune et il était hors de question d'une mésalliance. Mais comme mon monde est un monde de politesse d’apparat, jamais il n'était dit ouvertement le plaisir – ou déplaisir – que procurait le rapprochement entre deux « de nos cheeeers bambins ». Non, nous passions par le truchement d'une dame. Généralement une vieille fille ou une jeune veuve, de « haut lignage », plongée continuellement dans les potins de la « bonne société », un parti neutre entre les querelles et historiques des dynasties. Quelqu'un qui, à bien y regarder, était nièce ou cousine de tout le monde. Elles étaient une poignée, jamais plus d'une dizaine, à faire le va-et-vient entre pères.
        Puis, il y avait des mariages arrangés. Et c'était là qu'elles déployaient la toute puissance de leurs réseaux et de leurs jugements. Si une jeune fille devait les froisser, ou manquer de satisfaire leur exigence, elle pouvait alors tout aussi bien s'exiler dans la plus paumée des îles car jamais, ô combien plus jamais, elle ne pourrait reparaître dans la société, à moins d'endurer les regards et les chuchotis et d'accepter dès l'âge de treize ans qu'elle finira seule et dépendante de la charité de ses parents et proches.

        Une marieuse connaissait tout. Une marieuse n'avait aucun taboo. Une marieuse était le mal honni nécessaire au bon fonctionnement de l'univers. Une marieuse créait des empires généalogiques ou défaisait des années de plans minutieusement préparés de « mon fils, tu sera amiral et toi, son frère, ira briller dans la brigade scientifique, que cela vous plaise ou non », d'un simple froncement de nez.
        Qui résisterait à entrer dans les petits papiers de la vipère qui vendait des pucelles et de l'amour, des dindes en blancs et des appuis politiques ? Sûrement pas l'Homme.
        Pendant toute la semaine et un peu plus, nous nous croisâmes au Red Carpet, lui toujours entouré de sa nuée de sycophantes et de femme légères, moi active comme une diligente abeille, mais avec le charme du papillon. Je savais parfaitement qu'il s'intéressait à moi et qu'il n'avait pour le moment que peu d'informations à se mettre sous la dent, si ce n'était mon identité. En effet, je n'avais pas jugé bon de changer de nom de famille, puisque c'était là la justification de mon rôle de marieuse. J'avais juste opté pour mon second prénom, moins inusuel, de Stella.

        L'homme qui jouait le candidat interrogé en vue d'un mariage pour la soirée s'en était en allé depuis près de cinq minutes, et alors que je terminai mon cocktail tout en rangeant « mes notes », l'Homme s'approcha de ma table et s'assit directement, un demi-sourire en coin.
        - « Ça a été plus rapide ce soir. N'était-il pas à la hauteur ? » me fit-il en guise de salutation. J'inclinai la tête sur le côté, sans montrer de surprise ou de colère à cette apostrophe particulière, lui glissant un regard rapide, mais intense, avant de retourner à tapoter mes feuilles de papier.
        - « Il se trouve que je l'avais déjà rencontré. Pourquoi cette attention soudaine, Monsieur Salvatore ? Dois-je comprendre que mon compagnon a éveillé votre intérêt ? Au risque de ruiner votre réputation ? »
        Adrian Salvatore eut un sourire sans chaleur. Je lui avais prouvé que je le connaissais, de nom comme de réputation. C'était le moindre à attendre d'un personnage comme celui que j'incarnais. Il avait testé, j'avais répondu. Balle au centre.
        Le jeu venait juste de commencer...


      Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:44, édité 1 fois
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        Somme toute, je m'ennuyais.
        Le rôle de la marieuse pouvait sembler amusant, vu de loin. Arranger les rencontres, soutirer les informations à des cœurs nouveaux en proie aux premières palpitations de l'amour, dresser un plan de bataille à l'assaut du célibat le plus endurant du coin tel un général prépare ses troupes. Excitant... et terriblement répétitif et plus encore sordide. Et dire que je ne faisais qu'imiter, refléter la réalité d'une marieuse. Quelque part, je me faisais l'effet d'une marchande de poisson, en ayant remplacé la viande blanche et les arrêtes par des peaux pales, de la soie et des os. Une trafiquante de chair, à peine plus éduquée que la poissarde. Elle vantait les mérites de sa sardine et annonçait une promotion au kilos, tandis que je louais la lignée d'une jeune fille sans prendre en considération ses qualités personnelles, agrémentant le tout de touches de dotes et de privilèges.
        Parfois, je me prenais à m'arrêter dans mes parodies, laissant mon interlocuteur ou -trice un peu désorienté-e (d'autant plus que certains me prenaient réellement pour une véritable marieuse), pour me demander si mes parents avaient envisagé de recourir au service de mes « semblables » en ce qui me concernait. J'osais espérer que non. Père et Mère n'avaient pas fait un mariage arrangé, mais bien d'amour. Certes, cet amour avait été prédestiné, les Raven et les Cooper passant de nombreuses vacances ensembles. L'un dans l'autre, mon Raven de père aurait épousé une Cooper, mais il avait pu choisir laquelle. Quelque part, je m'étais toujours imaginée jouir de cette même liberté relative. Choisir mon compagnon. D'ailleurs, j'avais commencé, quelques mois avant ma décision de partir pour les Bureaux, à prendre plus consciencieusement note des hommes de mon entourage, pour repérer les partis qui étaient ainsi subtilement proposés à mon jugement.

        Ces pensées assombrissaient mon humeur, et je n'avais qu'une idée : finir cette mission au plus vite. Il n'y avait qu'un Adrian Salvatore pour trouver un intérêt dans les petites affaires d'une marieuse. Ce qui revenait à avouer un travers malsain pour les affaires d'autrui et la mesquinerie du monde civilisé. Bah, ça collait à son image de barbare éduqué, mais au bout du compte, j'en venais à me demander si tout en lui était un mensonge élaboré ou s'il était définitivement et surtout, fondamentalement... glauque...
        Je n'aimais pas cette ambiance lourde de mensonges. Je n'avais pas signé pour ça, quand j'étais rentrée dans les Bureaux. Je n'avais signé pour rien de tout ça. Certes, j'avais été très innocente, mais rapidement, j'avais pris conscience du mal nécessaire. Mais ça ? Oui, je sais, assumer ce rôle, séduire un primate boosté aux stéroïdes avalant des tubes de dentifrices à pleines dents, ça semblait anodin à côté de tout ce qu'ils m'avaient déjà fait faire. J'avais déjà sacrifié au nom du bien du plus grand nombre mon sens moral... mais fallait-il aussi que j’hypothéquasse mon honneur... ouais, d'accord, mon orgueil.

        Le truc était que si j'avais eu un sens de l'honneur, j'aurais répondu à l'invitation d'Adrian. Il avait fait le premier pas, maintenant les us et coutumes des parades nuptiales du Boloss Bogoss Humanus Erectus voulaient que je repris l'initiative d'un échange. Ceci dit, depuis quand je jouais selon les règles du jeu ? Finalement, je me demandais bien pourquoi je me sentais insultée... Je trichais systématiquement à tout ce à quoi je pouvais tricher depuis que j'avais cinq ans. C'était ça ou me faire bouffer toute crue par mes frères. Apparemment, mon instinct de survie était plus large que mon sens de l'honneur.
        Tout ça pour ne rien dire que je pris un malin plaisir à ignorer ce cher Adrian, ce qui bien entendu l'amusa, l'intrigua, le surprit, le vexa. Et ça, pour le vexer, il se vexa. Comme quoi, un homme, il en faut peu pour le vexer. Aurais-je trouver mon maître en terme d'égo surdimensionné ?
        En fait, je commençais à me maudire. Stella aurait-elle eu le ventre plus gros que le ventre, ou aurais-je surestimé ma capacité à entortiller les mâles autour de mon petit doigt ? Le pire ? Je ne pouvais pas me permettre de revenir en arrière, ne serait-ce d'un sourire. Ça serait admettre mon échec. Il n'attendait que ça, je le savais maintenant. Le vile prédateur, tapi derrière son ginko rhum-bananes, n'attendant qu'un faux-pas pour se rengorger de ma faiblesse, d'être celui qui sera resté le dernier debout. C'était un combat – épique – de volonté, d'esprit contre esprit, de sacré tête-de-mule Vs bourricot expérimenté.
        Nos affrontements se multipliaient et tout prétexte était bon pour pousser l'autre dans ses derniers retranchements : depuis l'ombrelle de son cocktail jusqu'à la manière de lancer ses dés à la table de jeux. J'aurais aimé dire que tout était raffinement et subtilité, mais parfois, dans le confort de mon bain ou le moelleux de mon lit, repensant aux singeries auxquelles je m'étais livrée, je sentais le rouge de la honte ébouillanter mes joues et je devais étouffer mes cris de frustrations honteuses dans l'eau ou avec un oreiller.

        Combien de temps nous nous-perdîmes dans ce jeu aussi enfantin que futile, d'arrogance plébéienne ? Et surtout, au fur et à mesure que la mission s'éternisait, que Berenike me laissait à mon bien triste sort de maquerelle des hauts quartiers, la question de savoir ce que Salvatore pouvait bien avoir dans son placard de si crucial que mes efforts fussent toujours et encore mobilisés ? Quel lourd secret, quel code ou cryptogramme ? Dans l’intimité de mes nuits, mon imagination me prêtait des scenarii improbables où il était un agent CP, ou un traître, me prenant en otage ou me poussant à le poursuivre à l'autre bout du monde. Adrian Salvatore, un criminel ? Un pirate ? Un Empereur ? Et moi, dernier rempart de la civilisation aussi apathique qu'ignorante crasse, contre le Mal incarné... Oui, mes nuits étaient très occupées et mes romans de chevet totalement à accuser... Qui était ce Ihann Flémigneux et son héros de pacotille Jay M. Bondeux ?

        Et de toutes les fins possibles, je n'aurais jamais imaginé celle-ci. A vrai dire, il y avait belle lurette que j'avais arrêté de planifier une fin. Nous étions trop impliqués dans notre querelle pour y mettre fin de nous-même. L'omerta avait été lancée et ne serait tue que dans le sang. Il fallait donc que les Puissances Supérieures s'y mêlassent. La chose était que les Puissances Supérieures avaient un tantinet de problèmes à doser. J'avais déjà remarqué ça. Peut-être leur enthousiasme, ou alors leur incompréhension du monde mortel, faisait qu'elles manquaient singulièrement de subtilité.
        En l’occurrence, ce fut un orage qui s’abattit sur Logue Town. Une de ses tempêtes maritimes que personne ne peut réellement prévoir, pas même les vieux loups de mers au visage buriné par les embrumes, capables de lire les nuages comme moi la colonne horoscope de la Gazette, et dont les articulations tordues valaient tous les baromètres. J'étais entrée au Red Carpet alors que rien ne présageait pluie ou vent, et deux heures plus tard, un déluge aqueux aux relents d'iode se déversait, comme autant d'ironie sur la situation.

         « Nous étions coincés comme des rats. »
        C'est ce que je me disais en contemplant depuis le petit sas d'entrée les trombes d'eaux. Cela faisait plus d'une demi-heure que j'attendais une éclaircie pour pouvoir rentrer chez moi, en pure perte. Même les taxis avaient renoncé à parcourir les quelques artères vivantes durant la nuit. Un lieu-clos, impossiblilité d'échapper à la présence de l'autre. Et en parlant du loup.
        Je sentis qu'il venait de me rejoindre un ou deux pas en retrait, cigarette à la main. Un pseudo-prétexte pour justifier sa sortie, parce que seul un fou pourrait avoir envie de fumer dehors dans ces conditions. D'autant plus que le tabac n'était pas interdit dans les salles de jeux. Oui, je percevais son regard sur ma nuque, s'amusant de ma déconfiture. Oui, ça l'amusait, de me sentir tiraillée entre l'envie de partir – de le fuir ! - et l'aversion provoquée par cette averse. Et oui, ça m'énervait de me sentir aussi transparente, et de lui donner encore plus raison, puisque oui, je voulais pour une fois ne pas passer ma soirée à nos petits jeux de dupes.
        La colère n'est jamais la meilleure des conseillères. Celui qui dira le contraire est un imbécile fini ou un fou suicidaire.
        Parce que là, mon satané orgueil aiguillonné par l'ire de l'injure me poussa à faire le truc le plus débile que je n'eusse jamais fait – et pourtant, on parle de moi, là !!! J'émis un petit « hum ! » dédaigneux, pointai mon menton en avant, rejetai mes cheveux en arrière avec un regard glissé méprisant en sa direction, et fis le pas de trop. Droit sous la pluie. Mais je n'allais pas laisser Adrian Salvatore ou pire, un gros paquet de nuages, me dicter ma conduite. J'étais Shaïness Raven-Cooper, tout de même !

        A la demi-seconde où je m'infligeasse ce traitement d'hydrothérapie, je sus que non seulement, je venais d'agir comme une gamine ridicule et sous les yeux de ma cible, mais qu'en plus je venais de me mettre en danger.
        Le vent rabattit les pans de ma jupe déjà détrempée sur mes genoux, entravant ma marche, et mes cheveux gorgés d'eaux me flagellèrent le visage avec force, tout en m'aveuglant. Le crépitement des gouttes sur le pavé résonnait, me rendant sourde à tout autre bruit et je me retrouvais prisonnière entre deux lames de pluie. Puis mon talon se prit entre deux galets cimentés au sol et je tombai comme une patapouffe, ou même une pouffe tout court.
        Une douleur me vrilla le genou. Je ne savais pas qu'on pouvait avoir aussi mal alors que l'instant d'avant, on ne ressentait plus ses membres tellement ils étaient engourdis par le froid et l'impact des milliers de petites aiguilles de pluie.
        C'était comme un colosse à terre. Non que je fusse particulièrement grande ou forte. En fait, j'étais une pathétique misérable crevette bien rose, et bien marrie. Alas, ainsi vont les choses et la grandeur ne fait que rendre la chute plus douloureuse. Ah, n'avais-je vécu que pour cette infamie ? Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! Enfin, techniquement, c'était la nuit...

        Lorsqu'on est à terre, admettre qu'on doit, qu'on peut se relever est parfois plus dur que le faire. Pour moi, c'est ça, l'expression du désespoir, de la défaite : quand finalement l'humiliation de rester dans la boue valait mieux que la douleur de l'affrontement. Et j'y succombais.
        Jusqu'à ce que je fus sauvée par celui-là même qui n'avait rien à gagner à m'épargner. Adrian était soudainement à mes côtés, à le tirer par le coude, à m’exhorter à lever mon popotin en des termes assez colorés.
        - « Bon sang, je peux savoir à quoi vous jouez ? » Il hurlait à plein poumon pour se faire entendre
        - « Arrêtez de me secouer !!! »
        - « Arrêtez de gémir et avancez !! »
        - « Mais mon talon est coincé et--- »
        - « Quand on ne sait pas marcher avec des talons, on évite d'en porter. »
        - « Mais de quoi je me mêle !!!!! »
        - « Ah, ça veut jouer les rebelles, mais badaboum, hein ? »
        J'allais lui badaboumer sa petite gueule – personne, PERSONNE n'insulte mes talons et ma démarche – quand il décida que la pluie était trop forte pour sa petite personne et qu'il risquait de fondre. Bouhouhou. Il m'entraîna donc par le bras, par les rues et les ruelles de Logue Town, moi pieds nus et lui … aucune idée... entre l'obscurité et la pluie, je ne voyais à peine que son dos, comme une tâche blanche à la limite de mon horizon... Était-ce donc ça, la mort ? La lumière au bout du tunnel ?

        Ce fut le changement de tout... ou plutôt l'absence de l'absence de tout.... qui me tira de la torpeur dans laquelle cette course à travers la ville m'avait plongée. Soudainement il y avait plus qu'un bruit. Le silence, puis nos reniflements, le grésillement des ampoules, les couleurs des tableaux aux murs, la dureté d'un paillasson sous mes pieds...
        Chez lui. Cet enfoiré de fils de pute (et ceci n'était pas une injure mais une probabilité) m'avait conduite chez lui ! Il avait sournoisement profité du premier instant de faiblesse, ce chafouin !! Bon, j'aurais fait pareil, à sa place... Quelque part, je crois que je détestais autant ce gars car il affichait publiquement sa nature profonde de salopard, cette même nature que je cherchais désespérément à cacher... Me dire que nous étions à ce point semblables... J'en frissonnai et il en profita pour me prendre dans ses bras, sous prétexte de me réchauffe.

        Ô douce vengeance ! Il souriait en coin, savourant sa victoire : il pensait m'avoir mené par le bout du nez, m'avoir amenée là où il le voulait – à savoir entre lui et une adorable petite desserte sur laquelle trônait une horrible statuette de chat il n'y a pas trois secondes. Ironie !!! Je le laissai m'embrasser alors que je me gaussais intérieurement du fait qu'il m'avait amené exactement là où je le voulais, du premier coup. Chez lui... Dans la tanière de la bête...


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        Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais. D'un côté, j'avais bien en tête le cliché installé et les phrases redites et réchauffées, et je m'imaginais la scène comme si je la vivais : le cœur battant la chamade, les mouvements furtifs autour des meubles, le silence glacial qui s'alourdissait au moindre grincement de plancher. De l'autre, je ne pouvais empêcher le bon sens de me dire qu'à moins de me mettre à jouer de la grosse caisse, Adrian allait continuer à dormir en ronflant légèrement, et que de toutes les façons, rien n'allait grincer, puisqu'il avait du dallage et pas du plancher dans son appartement. C'était comme avoir l'ange de la raison et le diablotin de la tentation chacun sur une épaule, et le premier pas hors du lit où nous avions fini notre bataille restait un défi, un geste dangereux et l'un des plus difficiles qu'il m'eut été donné de faire.
        ** « Allons, ne fais pas l'enfant. Au pire des cas, tu pourras toujours dire que tu cherchais la salle de bains ou les toilettes. » ** me houspillai-je. Délicatement, doucement je glissai ma jambe hors du drap. Le contact sur le carrelage froid me fit frissonner et je réalisai que j'étais partie pour une inspection de l'appartement de M. Salvatore dans mon plus simple appareil. Ma robe était non seulement trempée mais gisait je ne savais où dans la succession de pièces, là où elle avait chu, transpercée à mort par la dextérité audacieuse d'un certain playboy. J'aurais pu avoir recours à un autre stéréotype, celui consistant à me glisser dans la chemise de mon amant, mais non seulement son habit connaissait les mêmes égarements que ma robe, sans rajouter au fait que je refusais catégoriquement de tomber dans le lieu commun.

        Bon, ben, ça sera nue. Au pire des cas, j'attraperai froid et je bénéficierai de congés maladie.
        J'atteignis la porte de la chambre sans encombre. A cause de l'heure avancée de la nuit et de la pluie qui continuait de tomber bien que de façon moins dévastatrice qu'auparavant, très peu de lumière éclairait le bel appartement. Et je n'avais pas vraiment eu l'occasion de bien regarder la disposition des lieux, occupée que j'étais à... à... à tromper Adrian sur mes véritables intentions. C'était ça, parfaitement.
        Me voici donc à tâtonner dans l'obscurité ambiante, heurtant parfois une étagère ou une sorte de commode, frissonnant de plus en plus. Le danger, ou le froid... ou pour être totalement exacte une sorte d'excitation un peu perverse de me retrouver à exercer mon métier dans de telles conditions. Ah, j'imaginais bien la tête de mon adolescente de petite-fille quand je lui raconterai que sa grand-mère s'était baladée cul nu dans un appart totalement étranger, après avoir épuisé le propriétaire dans les jeux du lit, à la recherche d'un dossier dont j'ignorerai toute ma vie le contenu...

        J'avais passé la salle-de-bains et m'étais assurée après une pause que soit Adrian demeurait encore entre les bras de Morphée, soit il était vachement doué pour imiter le sommeil.
        ** « Tu pourras toujours prétendre avoir une petite faim... oui, la cuisine est plus loin.. » **
        Je continuai.
        La cuisine aurait pu reluire de propreté s'il y avait eu un reflet à attraper. A mon avis, Salvatore se faisait livrer ou mangeait au restaurant. D'ailleurs, je m'imaginais un appartement avec serviteur intégré. Au moins une cuisinière et un valet de pied. Mais s'il était suffisamment louche pour que le Troisième Bureau s’intéressât à son petit cul – qu'il avait fort bien moulé soit dit en passant – on pouvait supposer qu'il était assez intelligent pour savoir qu'introduire une tierce personne dans son intimité était une faille. Ou alors, cet appartement n'était pas le sien, juste un lieu de parade et d'apparence et ce que je faisais là dans les couloirs ne servaient à rien car jamais je ne trouverais de dossiers personnels dans un endroit d'apparat.
        Je soupirai et remis au travail. Je ne pouvais pas laisser tomber aussi facilement, sans m'en être assurée. Juste à côté de la cuisine, la salle-à-manger n'offrait qu'une exposition de décoration digne d'une image tirée d'un catalogue. Encore une pièce vide de vie. Par contre, le canapé avait un côté avachi qui me rassurait un peu plus. Et c'était dans le salon que je retrouvai ma robe, que je ramassai et secouai un peu. Histoire de ne pas être complètement fripée demain.
        Et là, dans le repli de tissu, je mis la main – le doigt plutôt – sur le micro-mini-den-den que m'avait donné Berenike. Je l'activai d'un geste, ayant toutes les difficultés à le faire coopérer. Cochonnerie de den-den. Moi aussi j'avais froid et faim !
        Accroupie derrière un fauteuil, j'établis la communication.
        - « Où étiez-vous passée ? Ça fait deux heures que la communication est coupée !!! On ne vous a jamais appris à ne jamais couper la commu--- ? »
        - « Chuuuuut moins fort !!! Je n'ai pas eu le temps, j'ai du saisir l'occasion au vol. Bon, je suis dans ce qui semble être l'appartement de Salvatore... sauf que ça me semble être assez impersonnel. Savez-vous s'il a plusieurs biens ? »
        - « Négatif, on ne lui connaît qu'une adresse et aucun autre point de chute...Bien joué... mais ne vous rengorgez pas, maintenant, il faut trouver le dossier. »
        - « D'accord. Plus de détail sur ce à qui il ressemble ? Que je ne perde pas mon temps ? »
        - « Vous êtes un agent oui ou non ? Alors faites votre boulot et ne perdez pas le mien ! » Et clic....
        - « … salope, va... » murmurai-je en emportant le den-den. Cette fois, je n'hésitai pas à m'enrouler dans une sorte de plaid qui se trouvait sur un accoudoir. C'était moins pratique, mais plus confortable.

        Localiser le bureau d'Adrian ne fut pas très compliqué. L'appartement était grand, mais pas si grand. Ce n'était pas un château de 187 pièces non plus. Et clairement, il n'avait pas plus que moi prévu le tournant que prendrait cette soirée, à vue des documents posés et visibles sur sa table de travail. Je n'étais pas bête : il ne devait pas ramener beaucoup de filles chez lui, et quand il le faisait, nul doute que cette pièce était soigneusement verrouillée et tout ici sous clé. C'était quelque part flatteur, de me dire que je l'avais à ce point asticoter qu'il eusse craqué à ce point, sans réfléchir plus en avant aux conséquences.
        Je ne vis rien de bien intéressant pour le CP3 sur son bureau. Dans le doute, je fis une note mentale de ce que j'avais vu. Je n'avais pas de mémoire eidétique, juste une bonne mémoire. C'était suffisant. Tous n'avaient pas à être des héros boostés au fruit du démon et à je ne savais quoi encore. Ironie de moi-même, quand on sait comment je finis... Finalement, je trouvai une mallette, fermée mais non bloquée et là, je sus. Rien qu'en feuilletant rapidement la liasse de documents, je vis des photos en noir et blanc d'hommes en uniforme, prises avec un grand objectif si j'en croyais les floutés. Je ne m'attardais pas sur le contenu : quoi que fissent ces officiers, ils n'avaient pas à être pistés par un homme comme Salvatore.
        - « J'ai le dossier. Est-ce que je pars maintenant en grillant ma couverture, ou est-ce que je dois veiller à ne pas provoquer de soupçons ? Est-ce qu'on aura encore besoin de lui ? »
        - « Non ça ira. Étant donné comment vous avez massacré la mission, il est peu probable qu'il vous ramène ici, même si vous deviez continuer à vous voir. »
        Définitivement une sale grognasse. Non, mais ! Elle me refile la mission parce que Madame n'est pas capable de prétendre être intéressée par le flirt et l'amour – tu m'étonnes, pour émouvoir ce cube de glace, il n'y avait eu que les mammouths... - et elle ose critiquer... Pour faire bonne mesure, je pris l'attaché-case et le remplis jusqu'à la gueule des documents suspects. Imaginez que je me fus plantée et que j'eusse réellement planté mon infiltration ? J'aurais l'air malin, tiens... Puis, avec la plus grande réticence, je renfilai ma robe encore bien mouillée. Mes sous-vêtements ? Abandonnés dans la chambre. Adrian n'aura qu'à les considérer comme une prise de guerre, des vaillants soldats abandonnés à leur triste sort. Hors de question que je prisse le risque de retourner là-bas. Et ce n'était pas comme si ma vertu avait encore quelque chose à cacher, maintenant que Berenike savait comment j'avais passé les dernières heures...

        Chaussures dans une main (dont l'une au talon cassé), porte-documents dans l'autre, et la couverture en guise de cape, Super-Shaïness quitta le lieu du crime. Ce ne fut que dans l'escalier qu'il me vint l'idée que prendre juste les documents auraient été moins flagrant, car la disparition de sa serviette allait forcément lui sauter aux yeux. Bah, qu'importe. De toutes les façons, je serais accusée. Ne serait-ce que du vol de sa couverture...

        Dehors, il pleuvait toujours et pourtant, je m'élançai sur les pavés polis comme un cabri.
        Qu'est-ce que le Gouvernement ne m'aura pas fait faire ?


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      Tu fonces droit devant sans demander ton reste, essayant de passer entre les gouttes en te disant que c'est de toute façon désespérer... Ton brushing est fichu depuis bien longtemps pour espérer sauver quelque chose. La mallette sous le bras en trottinant sur les pavés pour éviter de te fouler la cheville. Et là sans que tu ne comprennes d'ou ça vient et ce que c'est, une ombre furtive te percute, membre de t'éborgner avec son parapluie et tombant droit sur toi avec une force et un poids... Insoupçonnés.

      Oh non !

      Les quatre fers en l'air et écrasée par une petite chose, le dos et les fesses trempées jusqu'aux os, tu te vois sans doute déjà pester et insulter ce qui t'a fait ça, mais une petite voix adorablement mignonne retenti déjà, se relève de toi en essayant de nettoyer ta robe avec ses petites mains et de te protéger de la pluie avec son parapluie retourné. Mais rien n'y fait...

      Oh non, je suis terriblement désolée !

      Rébellion illégitime Thai_h10


      La secrétaire... Elle se relève comme elle peut, tente de te remettre sur tes béquilles, mais à peine a-t-elle attrapé tes mains pour t'aider qu'elle te lâche en remarquant qu'elle a fait tomber tout le reste de ses affaires. Et paf ! La Shaïness, de nouveau droit sur le pavé, étalé comme une étoile de mer. Et tu la vois, ramasser, maladroitement, avant de remarquer qu'elle t'a fait tomber, pour ensuite lâcher toutes ses affaires et revenir vers toi pour te remettre debout !

      Je suis tellement maladroite, excusez-moi d'être une fichue empotée ! Mon patron me le dit souvent : Maya, tu es une quiche, je me demande comment tu arrives à mettre un pied devant l'autre !... Je me demande aussi figurez-vous... A chaque fois que je fais quelque chose -Oh ! Regardez nous avons la même mallette ! C'est un signe !-, ça tourne mal ! Si je sers quelqu'un, ça se casse, si je cherche un objet, il est forcément perdu, si je...

      Blah blah blah blah blah ! Et elle continue, sans s'arrêter, prise d'une diarrhée verbale soulante au possible. Et elle a un don pour ne jamais te laisser la possibilité d'en placer une. Elle est là, en train de parler, en ramassant un costume emballé dans une housse de protection, une robe magnifique, un sac plein de vêtement en tout genre, une mallette similaire à la tienne, ta mallette, faisant en même temps de grands signes de bras pour t'expliquer au combien elle est maladroite en manquant de t'en coller une avec ses affaires... Et puis tout d'un coup, elle s'interrompt :

      Oh ! Vous êtes l'ami de Monsieur... J'imagine que si vous partez si tôt, c'est que vous ne reviendrez pas ? J'espère que Monsieur n'aura pas été trop rustre avec vous ! Il a des manières qui ne conviennent pas toujours, mais... Il m'avait demandé de vous fournir un rechange pour demain matin... J'avais ceci pour vous !

      Et paf ! Elle te tend la robe en manquant de te la foutre dans la tête, te la fourrant dans les bras avant de chercher frénétiquement dans son sac à dos une paire de chaussure et des sous-vêtements qu'elle va presque à étaler sur la place public. Et soudainement, elle s'interrompt encore :

      Oh, mais vous êtes déjà prête, je suis bête... Bon, je suis désolée d'être en retard, j'aurais dû prévoir que vous étiez une femme occupée... Pour me faire pardonner : tenez... Prenez mon parapluie, vous serez plus à l'aise !

      Et elle te colle dans les mains sa protection et ta mallette, tournant très vite les talons en te saluant d'une main miraculeusement pas prise par ses responsabilités :

      A bientôt j'espère ! Je vous aime beaucoup, vous êtes vraiment gentille !

      C'est sans doute la première fois que quelqu'un te trouve gentille sans que tu n'ais pu en placer une, n'est-ce pas ? Aurora te trouvera sûrement aussi gentille quand elle découvrira la mallette pleine de soutien-gorge.

          Si la rencontre avait été percutante, mon intuition aussi. Il y avait quelque chose plus que louche dans ce scénario, et ce n'était pas bien compliqué de comprendre quoi. Nous étions au beau milieu de la nuit – l'aube devrait pointer son museau mouillé dans peut-être un duo d'heure – et au beau milieu d'une pluie interminable succédant à un gros orage. Je n'aurais dû rencontrer que des ivrognes en errance et des gens aux affaires louches, le genre d'affaires qui ne vivent que dans la nuit. Des gens comme moi, quoi. Or, cette fille, elle n'était pas comme moi. Elle, c'était un cliché sur pattes de la parfaite petite secrétaire gourdasse. Or la parfaite petite secrétaire gourdasse n'avait rien à faire dans ces heures de perdition, encore moins équipée ainsi, comme s'il était sept heures du matin et que la journée commençait sous un grand soleil.

          Son second défaut fut d'attirer mon attention sur le fait que nous eûmes la même mallette. Étant donné que je venais de la voler à Adrian, qu'Adrian n'avait pas des goûts de chiotte sur ce point, les probabilités que SA mallette fît partie d'une série limitée ou même fût du fait-main étaient très élevées. Et paf, comme par hasard, Nitouche avait la même. Mais bien sûr. A ce stade, il y avait anguille sous roche.

          Mais le pompon du mensonge éhonté vint avec le « vous êtes une amie de Monsieur ? Monsieur m'a demandé de vous préparer... »... Alors, si Monsieur devait avoir une secrétaire, elle serait moche et intelligente, et pas mignonne et pas capable de se torcher les fesses. En plus, Monsieur, je ne l'avais pas quitté d'une semelle depuis notre départ du club et il n'avait en aucune manière eu la possibilité de prévenir sa soi-disante secrétaire. Maintenant, j'en étais sûre, c'était baleineau sous gravillon, et pas sans même avoir eu recours à mon terrible sens de la déduction CP.

          A la seconde où elle s'éloigna, je sus que nos mallettes venaient d'être échangées. Rien qu'au poids. Et puis, bon, c'était injurieux, comme mise en scène. Un camouflet à mon intelligence. Je ne savais quoi, qui, comment ou pourquoi, mais cette fille allait souffrir, longtemps, lentement et énormément. Et sûrement plein d'autres trucs en -ment que je n'avais pas le temps de chercher dans mon lexique.

          Laissant derrière moi housse, soutien-gorge et chaussures, toujours aussi « bien » vêtue et chaussée, ma cape de circonstance flottant derrière moi, je me lançai à la poursuite de « Maya ». Maya la fine mouche, hein ? Si je t'attrape, je t'arrache les ailes... à la petite cuiller.
          Depuis ma mission avec Red et Oswald, j'avais appris à maîtriser le soru et le geppo. J'avais cependant un peu de retard sur ma cible, mais l'avantage que me procurait un point de vue élevé me permit rapidement de repérer une silhouette solitaire qui trottait à vive allure sur dans les rues. Faut dire que... vu l'heure et la pluie, il n'y avait pas des masse de personnes non plus. Maya avait encore la mallette à bout de bras et ce fut comme grâce à ça que je l'identifiai. Parce que bon... avoir un point de vue élevé, c'est bien beau, mais vu que ma visibilité était réduite à peu près que dalle... Finalement, la chance tournait un peu. Enfin, je crois.

          Comptant sur ma vitesse et discrétion – vu que c'était tout ce que j'avais en main, je ne pouvais pas non plus faire celle qui avait l'embarras du choix, d'autant plus que c'était non seulement à peu près mes armes de prédilections mais mes seules armes – je fondis depuis les toits sur le dos de Maya.
          Ou du moins, tel était mon plan...
          Et c'est bien connu, si les plans fonctionnaient toujours....


        Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:45, édité 1 fois
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        Tu es sur le point de la toucher, de saisir sa chemise trempée par l'eau et de la mettre à terre. Mais alors que ta main se referme sur cette chemise, tu sens qu'elle ne contient que de l'air et que c'est sans doute beaucoup trop simple. Pas besoin de faire partie du Cipher Pol pour comprendre que la mignonne petite secrétaire naïve a fait sauter les boutons de son vêtement pour s'en défaire, envoyant aux diables les paquets qu'elle tenait en nombre dans ses bras chargés. Et d'ailleurs, tous les dits paquets te viennent à la figure, avec la chemise, et tu te sens brutalement partir en avant.
        Le sol se dérobe sous tes pieds et pour la deuxième fois en moins de cinq minutes tu finis à terre. Mais le pire, c'est quand tu essayes de te remettre sur tes jambes, tu sens un poids sur ton arrière train, un poids qui te cloue au sol. Et tu comprends que cette abominable petite secrétaire s'est installée sur ton derrière et a l'air tout confort !

        Moooooh Mademoiselle Raven...

        Elle croise les jambes, ramène sa frange en arrière en rabattant ses lunettes sur son crâne pour dégager son visage. En tournant la tête comme tu le peux, tu peux voir deux petits yeux malicieux et un sourire victorieux. Mais le plus notable, c'est qu'elle connait ton nom...

        Ne soyez pas mauvaise perdante ! Acceptez la défaite, je vous ai bien eu ! Bon, j'admets... C'était plutôt facile... Hihihi... Ca ferait une chouette conte, vous ne trouvez pas ? "La voleuse volée" ! J'aime beaucoup notre histoire, Shaïness !...

        Et elle se moque de toi ! Ouvertement ! Sans gêne ! De nos jours, il n'y a plus de respect ! Et, toujours installée sur ta chute de reins, ouvrant la malette pour feuilleter le dossier qu'elle t'a dérobé comme une petite voleuse. Elle garde même son petit sourire ravie en tournant dans tous les sens les photos qu'elle trouve...

        Mais trève de chamailleries ! Vous avez lu ce dossier, Mademoiselle Raven ? Vous savez ce qu'il contient ? Ou vous jouez à fermer les yeux par peur de voir ce qu'il y a à voir ?...

          Je ne savais pas si cette fille était la secrétaire d'Adrian ou pas, mais une secrétaire qui savait se battre à ce niveau, c'était louche. Car oui, cette seule manœuvre confirmait ce que je supposais déjà : « Maya » avait des capacités assez détonantes sur son CV, entre « sténo » et « maîtrise du den-den ». Pour procéder au jeu de petit passe-passe auquel elle s'était livrée, et surtout, esquiver une attaque qui bien que peu puissante avait le mérite de ne pas être un simple pain dans ta tronche... je ne savais pas qui elle était, mais elle n'était clairement pas ce qu'elle disait être.

          Insolente, sûre d'elle et à mon avis, pas si jeune et ingénue qu'elle voudrait le faire croire. Ce n'était pas aux vieux singes qu'on apprenait à faire la grimace. Certes, je n'étais ni âgée, ni simiesque mais je savais manipuler et mentir bien mieux que la plus part de mes camarades de ma génération. Je n'étais donc pas dupe sur ce qui se passait là.
          Dupe ne voulant pas pour autant dire d'accord. Cependant, il fallait avoir les moyens de sa politique, et là, bizarrement, mon programme électoral prenait l'eau et partait au caniveau. Littéralement. D'autant plus quand l'autre rajouta une couche sur le naufrage de mes espérances. Qu'elle connût mon patronyme, pourquoi pas, je ne l'avais pas caché... Par contre, mon prénom. Oui, des Raven-Cooper, il y en avait, l'union de mes parents n'étant pas le seul mariage entre ces deux familles. Je n'étais pas l'unique fille de mon âge. Donc, pour peu qu'elle se fut renseignée sur ma famille, retrouver mon prénom était plus compliqué. D'un autre côté, des filles dans mon genre, c'était déjà moins courant, surtout avec ma particularité capillaire. De l'autre, mon identité de « Stella » ne devait berner qu'un sacripant de Logue Town, pas un.... une.... pff, je ne savais même pas comment qualifier l’ignominie qui trônait sur mon popotin.

          - « J'avoue que je ne m'attendais pas à ça de la part de Salvatore. Mais je dois dire que vos arguments ne manquent pas de poids... » persiflai-je. Elle n'était pas légère, la Maya... Et moi, j'étais peut-être en une mauvaise position, mais je n'étais pas encore finie.
          Bandant mes muscles, je me retournai et la propulsai sur le côté, dans l'espoir de pouvoir l'attraper au rebond. Mais elle fut capable de pirouetter comme une Magical-girl « turlututu ! » et d'éviter ma prise, sans pour autant lâcher ce qu'elle tenait à la main. La mallette, par contre, je me la pris en pleine poire et c'était fait exprès. Et surtout, ça faisait mal.

          - « Non, je ne sais pas ce que contient ce dossier. Il y a des photos, c'est tout ce que je sais. Et je n'ai pas peur, juste pas eu le temps ! » Ne m'en déplut, il me fallait reconnaître que j'étais battue à plat de couture. Cette fille en savait plus sur moi, sur ce dossier, sur tout, en plus d'être capable de s'enfuir comme elle le voulait. A se demander si elle n'avait pas fait exprès de se faire rattraper... Mais je pensais plutôt qu'elle m'avait sous-estimée, ce qui faisait bien plus mal qu'un coup de porte-documents. L'un dans l'autre, ma mission tournait au cauchemar. Ma seule option, c'était de gagner du temps, de trouver une accroche, ou une défaillance de sa part. Elle m'avait déjà méjugée une fois, et rien ne prouvait qu'elle allait revoir sa notation à la hausse. Je devais donc la réconforter dans cette idée, que j'étais une poule à peine plus évoluée. Si elle savait mon nom, elle devait connaître mon appartenance au Cipher Pol. Mais savait-elle mon rang ? Ou avait-elle réellement une telle piètre opinion sur le gouvernement ?
          Et puis d'abord, qui était-elle ? Je ne pouvais toujours pas croire qu'un personnage comme Adrian eut embauché une fille comme elle. Oui, elle était diablement intelligente... mais justement, trop intelligente, et Salvatore se méfiait de tout ce qui le surpassait, en particulier les femmes. Ce type entretenait un machisme plus que latent. Il désirait les femmes belles et indépendantes, mais elles devaient toutes lui céder le pas. Oui, Maya pouvait lui avoir servir le jeu de la cruchonne, comme pour moi. Ce n'était pas pour autant qu'Adrian l'aurait suivi sur ce terrain. Il avait beau être une petite crapule, il avait tout de même bien réussi, et les magouilles, il les pratiquait que de trop pour se laisser ainsi mener par le bout du nez.
          Pas une secrétaire, pas une civile. Une agent d'une organisation criminelle qui voulait manipuler Adrian, ou qui le protégeait ? Sûrement pas une autre CP et j'avais du mal à la visualiser en Marine. Le mystère restait complet, et je me devais de le percer, pour ne pas trop faire capoter la mission.

          Bon, échouer ne me faisait pas si peur que ça. Cela faisait deux semaines que je commençais à en avoir ma claque, de ce jeu de séduction débile, ce qui n'avait fait que renforcer mon dédain, ma colère vis-à-vis du beau et grand Gouvernement.


          Le pire peut-être, dans toute cette histoire, était que j'avais eu l'intention de rentrer chez moi, prendre une douche chaude, me changer et avant d'aller au bureau faire mon rapport à Béréniké, consulter à loisir le contenu des documents prélevés. Le pouvoir, c'est le savoir, ne disait-on pas ? Et puis, je voulais savoir ce qui avait pu motiver un déploiement aussi acharné de la part de Miss Colagène...

          - « Non, je ne sais pas. Mais j'aurais aimé savoir. Je suppose que vous n'allez pas me le dire ? »


          Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:46, édité 1 fois
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          Comment va votre conscience en ce moment, Shaïness ?

          Question innocente. La jeune femme se remet sur ses jambes et te regarde, rattrapant son chemisier pour le renfiler et avoir une tenue correcte face à toi. Elle n'attend pas vraiment de réponse, vu qu'elle sait plus ou moins comment va ta conscience. Lorsqu'on est un agent, elle n'est jamais au mieux de sa forme. Et elle n'allait déjà pas avant de le devenir.

          Vous connaissez le Contre-Amiral Akbar ?

          Elle sort la malette et le dossier, et te le tend le plus innocemment du monde. Oui, elle va te le remettre. Elle est même en train de faire un pari fou en elle-même. Te faire confiance. En sachant que tu peux ne pas prendre la bonne décision. Te donner la responsabilité d'une existence même. Et te faire comprendre combien ça pèse sur des épaules...

          Avant de remettre ce dossier à votre supérieur, j'aimerais que vous le lisiez, et que vous vous renseigniez sur le personnage. Que vous pesiez le pour et le contre : Est-il un bon sacrifice pour tout le monde ?... Vous pensez au bien de tous, Shaïness, n'est-ce pas ? En tant qu'agent, je veux dire...

          Maya, ou quel que soit son nom, t'affiche une mine sérieuse.

          Vous n'êtes pas obligée de répondre. Vous n'aurez qu'à me dire si ça fait sens pour vous d'ici demain soir. Même heure, même endroit ?
              Puisqu'elle savait qui j'étais, puisque je pouvais sans trop me planter supposer qu'elle savait ce que j'étais, je lui répondis au tac-au-tac, pour ne pas montrer de faiblesse, et parce que l'engagement verbal, c'était encore mon domaine de prédilection. Miss grande-gueule et langue de serpent, mes frères vous le confirmeraient sans à-coups :
              - « Je n'ai pas été informée que j'avais le droit à une conscience. » Qu'elle interprète ça comme elle le veut. Mon visage était neutre, mais je me rappelais encore de la voix de cette enfant que j'avais dû tuer pour ne « laisser aucun témoin ». « Je vis ici depuis assez longtemps pour connaître le Contre-Amiral. Qui ne connaît pas le contre-amiral ? Mais je n'ai pas été personnellement présentée. Et vous ? » Sûrement idiot de la provoquer ainsi, mais il fallait bien que je fisse quelque chose, au lieu de simplement subir.

              Au fond de moi, tout s'enclenchait vitesse Train de Mer. Qu'est-ce que Adrian ferait avec des documents impliquant le Gouverneur de l'île ? Sûrement un chantage odieux. D'où le fait que le CP doive les récupérer. Dans ce cas, Maya.... Maya me rendrait-elle ce dossier pour préserver un homme ayant œuvré pour le bien-être des citoyens de East Blue pendant des années ? Dans ce cas, pourquoi me l'avoir pris au départ ? C'était moi, ou ça sentait l'embrouille à plein nez... ?

              Pourtant, je fis le pas nous séparant, et je pris le dossier. C'était pour le moment la seule action logique et cohérente. La suite par contre...
              - « Ma chef est déjà au courant que j'ai les dossiers. Si je ne les présente pas plus tard ce matin, elle saura qu'il y a eu quelque chose... Même si je ne suis pas en mesure de définir le quelque chose. Vous ne vous appelez pas Maya et vous n'êtes pas secrétaire. Puisque apparemment, vous sollicitez mon « avis » sur ce dossier, au nom de la morale et de la justice... pourquoi ne pas me dire immédiatement ce qu'il y a dans cette pochette ? Si c'est si critique que ça, la décision ne devrait pas me rendre des heures à venir. Comme je vous l'ai dit, je ne connais pas Akbar. Je ne lui dois rien personnellement. Par contre, si je rentre au bureau sans la moindre pièce d'information valable, c'est ma carrière qui est fichue en l'air. C'est peut-être égoïste, mais je ne vais pas sacrifier 2 ans de ma vie pour sauver un homme dont j'ignore tout réellement. Il est peut-être un bon gouvernement, mais peut-être égorge-t-il des chatons tous les matins ? Ou ferme les yeux sur un trafic d'armes ou l'expulsion d'honnêtes citoyens afin de satisfaire les désirs de maison secondaire d'un autre amiral ?

              Vous en savez bien plus moi. Vous savez même de quoi il retourne exactement. Alors, dites-moi. Je vous écoute, et je pense même que ça sera la vérité. »

              A mon tour de tendre une perche, de montrer que moi aussi, je fais un pari osé. Maya n'était pas une tueuse sanguinaire ou une folle écervelé. Il y avait un plan, un motif dans tout ceci. C'était trop bien organisé pour être un hasard. Et maintenant, je comprenais pourquoi Béréniké ne m'avait pas relevé de mes fonctions au bout de quelques jours. Il se passait ici quelque chose de grave. Ici, là, maintenant, devant moi.
              «A la croisée des chemins », qu'ils disent. « le point d'équilibre » ou encore « l'étincelle ». Je ne sais pas ce que j'ai ressenti ce jour là, dans cette allée, trempée par la pluie et détrempée par la couverture de plus en plus gorgée d'eau qui pendouillait dans mon dos. Je crois que si j'avais su, je serais partie en criant comme une môme. Mais je savais que je faisais face à un de ces instants où, dans les films, on retient son souffle. J'avais toujours rêvé d'être une héroïne. Mais bizarrement, c'est beaucoup plus glamour, dans les films. Et le héros n'a jamais à se retrouver dans une situation de quitte ou double.

              - « Quitte ou double. »


            Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:47, édité 1 fois
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            Elle pousse un soupir et fait mine réfléchir. Décidément, les choses se précipitent.

            Adrian est un homme d'affaire arriviste et gourmand, qui n'hésite jamais à écraser plutôt que de demander gentiment. Depuis les quatre mois que je suis dans ses pattes, j'ai eu le temps de me faire une idée du bonhomme. Vous avez eu l'échantillon en une nuit ce qu'il peut être lorsqu'il est à peu près humain. Il faut au moins lui reconnaître qu'il sait faire affaire. Malheureusement, il a des méthodes douteuses.

            Akbar est un homme bon. Il assure la prospérité des habitants de Logue Town et leur sécurité, et je lui accorde ça. C'est pour ça qu'il doit rester à sa place, parce qu'il pense aux autres. Mais Akbar est un homme qui aime et qui tombe amoureux, pas toujours des bonnes personnes. On ne choisit pas ces choses-là, j'imagine... Et qui ne sait pas se faire discret. Adrian le fait chanter avec ces photos pour assurer la prospérité de son propre travail... Il fait parvenir des îles de Grand Line une herbe qui est interdite sur le territoire, un thé qui, infusé, a les mêmes propriétés que l'opium. Un thé coûteux, comme vous pouvez l'imaginer.

            Votre superviseuse est l'âme soeur d'Adrian. Du même genre que lui... Et elle doit avoir une certaine pression derrière, la poussant à mettre Akbar a la retraite plus vite que prévu pour laisser la place libre à un autre... Et vous imaginez que l'autre ne conviendra pas tout à fait. Croyez-moi.

            Je veille à protéger Akbar. Et je peux veiller à protéger vos intérêts. Je vous donne la tête d'Adrian sur un plateau si vous sauvez le derrière d'Akbar.


            Elle se pose, affiche un sourire complice.

            Je vous montre mon jeu, Shaïness. Vous en faites ce que vous voulez, mais j'aurais toujours un joker dans ma manche. Donnez ce dossier si vous n'en avez rien à faire de tout ça. Ou arrangez-vous si ça vous importe un minimum... Gagner du temps peut-être... Je fais le pari de vous faire confiance. Peut-être que vous me porterez chance, à moi comme à Léonce.

            Quitte ou double.


                - « Si vous avez encore un joker dans votre manche, ce n'est pas du quitte ou double. » lui répondis-je d'un ton qui ne laissait pas place à réponse. Je n'étais pas friande des jeux de carte ou de dé, mais j'en connaissais assez pour savoir que là, on essayait de m'entuber.

                - « Vous me demandez de faire la « bonne chose » ? Mais là, on parle d'accusation une agent CP de conflit d'intérêts, de corruption et même d'atteinte à l'intégrité morale du gouvernement. Pourquoi devrais-je vous faire confiance ? Qui me dit que vous n'êtes pas un agent anti-gouvernement qui tente de faire tomber un bon agent, telle qu'elle semble l'être, telle que sa hiérarchie semble le croire ? Et qu'en la faisant tomber, je n'ouvre pas la porte à dix fois pire ? Vous dites que vous me faites confiance. Alors, faites-moi confiance. Donnez-moi votre nom, et expliquez-moi clairement qui vous êtes. J'en ai un peu marre de me faire prendre pour un pion aveugle et idiot. Je ne suis ni l'un, ni l'autre.

                Je suis un agent du Gouvernement, et je veux agir pour le bien de tous, voilà ce que je suis.
                Alors, je vous le promets : si vous m'apportez la preuve de la culpabilité de ma chef, je la fais tomber. Si vous m'apportez la preuve qu'Akbar est simplement coupable de faire de galipettes avec une personne ne correspondant pas à son rang et à son image, alors, j'enterrerai ce dossier. »
                Je resserrai la pochette contre moi, comme pour l'empêcher de me la voler à distance.

                Dans mes cheveux, mon micro den-den s'agita. Béréniké tentait de me joindre et je l'entendais à distance...
                - « Mais où êtes-vous bon sang ? Vous devriez être de retour au bureau à l'heure qu'il est !!! »
                Lentement, sans quitter Maya des yeux, je retirai mon den-den pour le mettre dans ma main, à portée de ma bouche.
                - « Il y a des complications, je dois faire silence radio. Si tout va bien, je serai de retour au Bureau dans quelques heures. »

                Et cette fois, je fus celle qui coupais la communication. Et dans un geste assez imbécile, mais mû par la certitude qu'à défaut de faire la bonne chose, je ne faisais pas forcément la mauvaise, je lançais la petite bestiole à Maya.
                - « Il faudra me le rendre plus tard. Sinon, je vais avoir des problèmes. »
                Comme si je n'y étais pas déjà jusqu'au coup. Mais justement, pas besoin non plus d'en rajouter...


              Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:49, édité 1 fois
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              Lisez simplement ce dossier. Qu'est-ce qui vous retient, Shaïness ? Vous aurez au moins une partie de vos réponses.

              Quand au reste... Est-ce vraiment si étonnant que ça qu'il y ait de la corruption au sein d'une machine aussi immense que le Gouvernement ? Est-ce vraiment surprenant que des agents comme vous travailliez pour en mettre d'autres à la retraite ? Avez-vous sincèrement l'impression de vivre dans un monde où tout est beau, tous les gens sont gentils, et où on veille toujours au meilleur ? La porte, vous l'avez déjà entrouverte, ne faites pas la vierge effarouchée... Rien que le fait de continuer à me parler prouver que vous savez déjà ce qu'il y a derrière. Que vous avez entrevue le pire. Mais surtout, que vous avez peur de l'admettre.

              Vous avez des doutes, n'est-ce pas ? Sur un peu tout, et tout le monde. Vous ne savez plus faire confiance, à personne, parce qu'on vous a fait faire des choses qui vous semblez inimaginable. Ou était votre limite, Shaïness ? Pourquoi l'avez-vous franchi ? Allez-vous vous en remettre ? S'ils ont été capable d'aller trop loin une fois, pourquoi ne pourraient-ils pas recommencer ? Et la fois ou ils vous ont forcé à faire cette chose atroce que vous ne vouliez pas faire, était-ce vraiment pour "le bien de tous" ?

              Est-ce que les dommages collatéraux sont acceptables pour satisfaire les ambitions d'un seul ? La réponse est claire. Combien d'hommes de pouvoir ont des jolies maîtresses cachées dans leur placard ? Des dizaines. Des centaines... Donc, pourquoi Akbar Léonce dérange cette fois-ci alors qu'il y a plus urgent à traiter ailleurs ? La réponse est claire également.

              Berenike n'est pas corrompu. Berenike fait son travail, comme un robot, sans sentiment, sans tenir compte du facteur humain. C'est comme ça qu'elle se protège. On ne peut pas lui reprocher d'être un outil. Comme on ne peut pas vous reprocher d'en être un également pour vos chefs. C'est ce qu'on attend de vous. Le fait est que vous êtes un moyen de parvenir à un but, et il faut que vous vous en rendiez compte. Au lieu de fermer les yeux, il vous suffirait de les ouvrir et de gratter la surface pour comprendre. Mais c'est dur, n'est-ce pas ? Dur de se décider à ne plus nier le couteau qu'on vous a déjà mis entre les omoplates. Pourtant, c'est difficile de l'oublier.

              Pensez juste, Shaïness, a tous ces officiers qui lorgnent sur la place d'Akbar. Combien de nom vous viennent à l'esprit ? Trois ? Plus ? Est-ce toujours aussi étonnant qu'on le vise, lui, maintenant ? Et que vous travaillez à le défaire de son siège ? Vous n'êtes pas idiote. Vous êtes loin d'être. Mais vous avez encore ce bandeau devant les yeux et vous avez du mal à le retirer.


              Elle marque enfin une pause, sans te quitter du regard. Derrière ses (fausses) lunettes, elle a ce regard pénétrant, qui semble lire en toi comme dans un livre ouvert. Le petit sourire rassurant, tu pourrais parler comme à une amie.

              Au fait Shaï -Je peux t'appeller "Shaï" ?-, si on te demande, tu pourras dire que tu as parlé à Raven.
                  Plus que la pluie, plus que le froid pénétrant de l'aube, c'était ce sentiment d'être perdue et volontairement abandonnée qui me pénétrait les os. Tant d'informations qui répondaient à tant de questions, mais qui en soulevaient tout autant. Un peu comme une hydre : alors qu'on pensait avoir réglé un problème, deux ou trois autres fissures se formaient sous vos pieds, manquant de vous avaler.
                  Oui, c'était exactement ça : une dégringolade en chute libre, dans un puits de noirceur, à tourner et virevolter, à ne plus savoir où était bas et haut, à ne plus sentir si on tombait ou si on flottait. Cette perte de repère, ce manque de distinction entre bien et mal : voilà la définition parfaite de ma peur la plus absolue.

                  Je me targuais d'être une jeune femme d'opinion. Certes, j'étais butée et de mauvaise foi, mais on ne pouvait pas me reprocher d'être une de ses limaces sans avis, sans connaissance. Mes frères pourraient même vous dire que je faisais partager mes prises de position bien trop ouvertement et ce, à profusion. Si encore mon monde s'était arrêté à cause d'une barrière, d'un mur surgissant soudain devant moi. A la rigueur... Au moins aurais-je eu un support sur lequel marteler de mes petits poings rageurs. Mais là...

                  Je crois que tout c'était arrêté avec le nom de Raven. Ça avait été comme une fulgurance en moi, et je sus, à cet instant, avec toute la force possible que pouvaient me donner intuition, doute et conviction, que j'avais en face de moi la vraie Raven. Celle que je connaissais comme ennemie au Gouvernement, car révolutionnaire. J'avais devant moi une révolutionnaire.
                  Personnellement, j'avais toujours imaginé les révolutionnaires bardés d'armes, la bave aux lèvres, l'air totalement halluciné en train d'ululer des menaces de mort au Gouvernement tout en tentant de convaincre les peuples des Blues de les rejoindre dans la guerre, la débauche et la souffrance. Autant dire que « Maya » ne collait en rien. Physiquement parlant, mais aussi, mais surtout, au niveau des compétences. Quoi, la révolution, ce n'était pas que des attentats ? En tous les cas, pour la petite CP que j'étais, c'était la vision qu'on m'avait servie. Et puis... depuis quand la révo se souciait de qui portait l'uniforme de la Marine et de qui posait son cul sur le siège d'administrateur ?
                  Apparemment depuis un bout de temps, pour que Raven, LA Raven, eut joué le rôle de secrétaire d'Adrian Salvatore depuis un bout de temps. Parce que je pensais clairement qu'Adam et ses copains avaient autre chose à faire de leur temps... Donc le dossier était sensible. Très sensible.

                  Je n'étais pas dans le pétrin, tiens... Mais alors là ! Pire, je voyais difficilement comment faire. Oh, en cherchant un peu, oui. Par exemple, comme ça, par pur hasard... être arrêtée pour avoir conversé avec l'Ennemi, avec un grand « e » bien majuscule, traînée devant les tribunaux, jugée coupable de traîtrise, pendue haut et court ou bien envoyée pourrir à Impel Down, dénigrée par ma famille et sans après-shampooing. J'en frissonnais rien qu'à l'évocation de cette possibilité.

                  Bah, je n'avais qu'à faire comme si cette scène n'avait jamais eu lieu. Après tout, il n'y avait pas de témoin à notre rencontre. Nul doute que je pourrais repousser cette mémoire au fin fond de mon placard à souvenir. Sauf qu'il était plein, menaçant de déborder. Des bouts de conversation, des bribes de rapports, des on-dits et des rumeurs, des images attrapées au vol et des ordres qui m'avaient été aboyés. Autant de choses qui, enfilées en sautoir, auraient fait un joli collier de perles.
                  Et là, je compris que j'avais peur. Pas peur de Raven, mais peur d'être surprise avec elle. Peur de ne pas être vue en train de la combattre. Apeurée de cette peur légitime qu'ont les coupable, celle qui pourtant vous sent être encore un peu plus vivant, le cœur battant la chamade, l'audace aux lèvres et l'impunité en cape. Moi, j'avais une couverture presque miteuse, volée qui plus était à un truand à la petite semaine.
                  Tant qu'à avoir peur, tant qu'à être coupable, autant l'être entièrement.
                  A cet instant, je savais que j'avais pris ma décision depuis déjà quelques temps, et que je vivais une occasion comme je n'avais jamais vraiment osé l'espérer.

                  - « Pour qui me prenez-vous ? Une idiote ? Est-ce que c'est vraiment l'idée que je donne de moi ? Une idiote qui idéalise le Gouvernement Mondial ? Sans voir tous ses torts, ses travers et les maux qu'il inflige à ceux et celles qu'il est censé protéger ? » J'eus un petit « hum » dédaigneux. « Je sais ce que j'ai à faire... mais je ne sais pas comment le faire. » Quelque part, c'était un aveu de faiblesse, mais plus je passais du temps sous la pluie, moins je trouvais peu de raison de jouer la fière-à-bras alors que je ressemblais à un chat pelé. « Contrairement à Berenike, je ne me laisserai pas piétiner. Ce qu'elle fait ou ne fait pas, c'est tout autant un crime que si elle invitait des pirates à entrer à Logue Town. Mais je ne sais pas comment luter contre ce genre de personne. Je sais juste que je suis censée lui apporter très rapidement un dossier compromettant que j'aurais récupéré chez Salvatore. Est-ce que vous avez ça en stock ? »
                  L'enfer est pavée de bonnes intentions, dit-on, et moi, je proposais calmement de passer un pacte avec le diable...


                Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:49, édité 1 fois
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                [HRP : je continue le RP en solo avec les indications données par Lilou, qui se concentre sur ses examens * fingers crossed *]


                  - « Si c'était si facile, ça se saurait. » me répondit Raven d'un ton presque amusé. Son regard avait l'art de me faire sentir toute petite, comme une gamine qui apprenait encore à marcher toute seule. « Si c'était facile, je ne serais pas passée par vous. »

                  Quelle révélation ! Oui, je ne doutais plus que si elle avait voulu m'arrêter AVANT que je ne misse la main sur les dossiers, elle l'aurait fait. Son interception en bas de l'immeuble n'était pas une contre-mesure désespérée, mais bien le déroulement d'un plan soigneusement préparé. Comment avait-elle fait, sachant que personne, ni Adrian ni moi, savions ce qui allait se passer cette nuit ? Là, je m'arrêtais un instant, pour tenter de calculer combien de possibilités Raven avait considéré, combien de plans, actions et dispositifs elle avait dressé pour faire face à l'action du Gouvernement, et combien de cartes elle pouvait avoir en main.
                  Et là, je réalisais que je n'étais qu'une de ses cartes. Je jouais exactement son jeu. Elle s'était laissée rattrapée, elle s'était laissée aller à cette conversation, elle m'avait amenée exactement là où elle le désirait. A sa merci. Pourtant... il y avait quelque chose de sensiblement différent dans son attitude. Au lieu de me promener comme un pantin, elle faisait tout pour me montrer les fils qu'elle agitait. J'étais poupée entre ses mains, mais elle voulait que je le susse. Et pas pour le plaisir pervers de m'écraser.
                  Pourquoi ?
                  Oui, pourquoi...
                  Pourquoi insister sur cette différence ? Qu'est-ce que cela m'apportait de plus ou de moins entre savoir que j'étais manipulée ou de voir comment j'étais manipulée ? Le résultat était le même.

                  - « Ce qu'il y a de bien, une fois qu'on connaît le jeu de l'adversaire, c'est qu'on peut le contourner, ou l'obliger à jouer à sa façon. »
                  Hein ? De quoi parlait-elle ? Du dossier ? Oui, maintenant que je savais de quoi il retournait, je pouvais rêver à agir contre Berenike. Mais ce regard pénétrant qu'elle fixait sur moi m'indiquait elle espérait toute autre chose. Elle avait dit avoir besoin de moi. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire qu'elle ne le pouvait. Elle était dans les petits papiers d'Adrian, connaissait la réponse à toutes les questions, même celles auxquelles je ne pensais pas même. Je n'étais qu'une petite agent Cipher Pol. Qu'est-ce que je pouvais faire de plus ou moins, moi que passais mon temps derrière un bureau à chercher dans les archives ou à rédiger des rapports ?

                  ….
                  Et c'était exactement le genre de choses qu'une révolutionnaire ne pouvait pas faire si facilement. Fouiller les archives, traîner dans les couloirs. Raven n'avait-elle pas dit qu'elle avait vu le jeu de l'adversaire, et qu'elle l'obligeait à jouer à SA manière ? Quelle autre meilleure manière que de retourner une arme contre son propriétaire ? Amener le combat sur le terrain conquis. Une aide de l'intérieur, infiltrée... Typiquement révolutionnaire. Exactement ce que j'avais fait les semaines passées, vis à vis d'Adrian.

                  - « Et quand l'adversaire vous montre son jeu ? »
                  - « C'est qu'il a un autre jeu derrière. »
                  - « Et dans votre cas, quel est-il, cet autre jeu ? »
                  - « Le pantin qui sait qu'il est un pantin... qui voit les fils qui l'agite... reste-t-il un pantin ? »
                  - « Hein ? » Non, vraiment, ce n'était ni l'heure, ni le lieu, ni encore la tenue pour jouer aux énigmes.
                  - « Comment définit-on un patin ? Celui qui est manipulé, n'est-ce pas ? Et quand le pantin prend conscience qu'il est manipulé... reste-t-il un pantin ? »
                  - « Je ne vois pas l'intérêt de la question, mais admettons. Je dirais que oui, il est toujours attaché par des fils, après tout. »
                  - « Hum, hum... Tu sais bien que toute chose a son pendant. Donc les fils qui attachent le pantin, à quoi sont-ils reliés ? »
                  - « Aux doigts du marionnettiste et alors ? »
                  - « Alors, le pantin ne pourrait-il pas être en position de contrôler le marionnettiste ? En tombant, à l'obligeant à sortir de son rôle ? »
                  - « … mais de quoi... ou de qui parle-t-on, là ? »
                  - « Mais de toi, Shaïness, de qui d'autre ? Vois-tu une autre personne ici ? » Ce qu'elle pouvait m'énerver.
                  - « Vous voulez que je fasse quoi ? Pour le moment, mes fils, c'est Berenike qui les agitent, non ? »
                  - « Et qui agitent ceux de Berenike ? »
                  Alors ça, c'était pervers comme plan.
                  Et surtout plus clair.
                  Raven avait besoin de moi pour dévoiler non pas Adrian, mais....
                  - « Mais à qui profite le crime ? Pas Adrian. Enfin, pas que. Il y a quelqu'un d'autre. Berenike et Adrian ne travaillent pas ensemble. Quelqu'un a mis Berenike sur la trace d'Adrian, qui a répondu avec ce chantage. Ce quelqu'un savait qu'Adrian allait répondre ainsi. Il voulait que le dossier sur Akbar sorte. Je cherche donc quelqu'un qui en veut au contre-amiral. »
                  - « Tu fais un très beau pantin, Shaïness, mais surtout, un très bon contre-jeu. »
                  Elle s'éloignait déjà, tandis que je restais là plantée, à me demander si sa dernière phrase était un compliment ou une injure.
                  - « Et si je vous balance ? » finis-je par presque hurler dans sa direction.
                  - « En effet, tu pourrais. Mais tu ne le feras pas, parce que ce n'est pas la bonne chose à faire. Et toi, tu fais les bons choix, n'est-ce pas ? Tu es un bon agent, n'est-ce pas ? Si cela peut apaiser ta conscience, dis-toi que tu ne fais que m'utiliser. »
                  - « Mais je ne veux pas vous utiliser !! » Cette fois, j'avais poussé ma voix. « Et je ne veux pas être utilisée non plus !!! »
                  - « Shaïness, ma chère, tu as prêté serment, et dans ce serment, il était question de sacrifice et de don de soi. Aucune mention d'une promenade sous ombrelle avec service de limonade. Tu as juré, de ton plein gré. Il faut vivre avec les conséquences de son choix. »

                  Et cette fois, je ne pouvais plus rien dire.



                Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:50, édité 1 fois
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                  Je m'étais toujours félicitée d'être une femme de libre-pensée. N'avais-je pas refusé un destin tout tracé, parce que je voulais faire mes preuves, explorer la vie par moi-même ? Oui, j'étais fière de cette indépendance face au dictât autoritaire, fût-il familial. C'était pour ça que le Cipher Pol m'avait attirée. De toutes les carrières possibles, seule une poignée correspondait à cette notion de l'accomplissement personnel, de l'honneur et de la grandeur d'âme qui m'avait été inculquée depuis mon enfance. Chez les Raven et chez les Cooper, la Marine n'était pas qu'une tradition. C'était un sacerdoce. J'aurais pu devenir mannequin de mode, ou présentatrice des émissions de visio-den-den, me lancer dans des études de communication dans une grande entreprise civile, mais j'avais choisi de m'engager.
                  Et si j'avais choisi de faire carrière au Cipher Pol, ce n'était pas par hasard, croyez-moi bien. Les Agents semblaient moins contraints à une hiérarchie aveugle à tout ce qui n'était pas réglementaire. Nous étions par définition des hommes et des femmes de l'ombre, agiles et capables de pirouettes vis à vis de la loi. Pour un Marine, tout ce qui n'est pas légal est illégal. Pour un Agent, tout ce qui n'est pas légal est exploitable.

                  Pourtant, quand je me retrouvai dans la situation de devoir agir, de choisir, de prendre une décision par moi-même, je me pris à regretter de ne pas avoir un chef pour me dire exactement quoi faire, et comment le faire. Femme, contrariété est ton second nom.
                  Au début tout allait bien. Rentrée chez moi dans l’indifférence d'une ville encore endormie et frileusement blottie sous ses draps, j'avais pris une douche presque brûlante et maintenant attablée avec une large tasse de café, je pondérais mes options. Que faire ? Je savais que j'allais devoir rapidement retourner au QG de Logue Town. A cette perspective, j'avais déjà fait le tri dans les documents volés à Adrian Salvatore. Tout ce qui incriminait directement Akbar se retrouvait glissé sous la cuisinière. Je procédai ensuite à une étude méticuleuse des feuillets restants. Je devais donner suffisamment à Berenike pour la convaincre que j'avais fait du bon travail. L'objectif premier était de ne pas se faire virer, car nous n'appartenions pas à la même unité et avec mon renvoi de cette mission, je perdrais toute excuse de traîner dans la section du Troisième Bureau. Après, je devais m'arranger pour que les trafics d'Adrian fussent bels et bien révélés, pour forcer la main à Berenike à clore l'affaire. Je n'étais pas sûre de pouvoir remonter jusqu'à la main qui agitait les fils, pour reprendre l'expression de Raven. Mais au moins pouvais-je faire en sorte de limiter les dégâts.

                  Ma décision prise, il ne me fallut que ce qui me parut n'être qu'un trop court instant pour arriver au boulot. Un bâtiment à plusieurs étages, accolé à la base Marine de Logue Town mais à l'accès libre puisque certains services étaient ouverts au grand public, tels les archives ou le bureau de renseignement. Nombreux étaient les chasseurs de primes à venir obtenir auprès de nous des informations sur leur proie. Le Cipher Pol était, comme tout organe du Gouvernement Mondial, au service de la population et du plus grand bien.
                  Je dus attendre que Aurora Berenike eusse fini une réunion et l'attente me sembla d'autant plus longue. Enfin, elle apparut à quelques pas de moi, et sans même la saluer, je lui tendis la mallette :
                  - « Voilà ! »
                  - « Vous en avez mis, du temps ? Pourquoi ce retard ? Notre dernier contact remonte déjà à plusieurs heures. »
                  - « Je suis rentrée chez moi me changer et je me suis endormie. » C'était la moins dangereuse des fausses excuses que j'avais trouvé, dans le sens où c'était la plus plausible.
                  - « Dormir, en mission ? Tsss, je devrais mettre ça dans mon rapport. »
                  Était-ce une menace ? Une promesse ? Ou voulait-elle se la jouer « grand cœur » en me faisant une faveur – ce qui voudrait dire, selon le code immuable des agents et de la hiérarchie, que je lui en devrais une autre, plus grande. Parce qu'elle était la chef et que les intérêts courraient.
                  - « Je--- » Et je n'eus pas besoin d'aller plus loin dans ma réplique, car elle me coupa la parole.
                  - « Mais... ce n'était pas ce que je cherchais !!! » s'exclama-t-elle avant de se reprendre, les lèvres pincées. D'un geste de la tête, elle m'indiqua de passer dans son bureau où elle me fusilla du regard. Cette fois, je fus celle qui pris la parole en premier.
                  - « Comment ça, ce n'était pas ce que vous cherchiez ? Vous m'aviez dit de chercher une mallette !! »
                  - « Mais elle ne contient pas ce qu'elle devait contenir !! » répondit-elle d'un ton accusateur.
                  - « Qu'est-ce que j'en sais ? » C'était difficile, de prétendre ne pas savoir. J'essayais de me mettre dans la peau de moi-même, mes réactions, mes gestes, mes mots si j'avais ignoré le contenu exact de l'attaché-case. Ceci dit, entre savoir et avoir à jouer la comédie, et devoir faire face à une mallette de culottes, le choix était vite fait. « Vos indications n'ont jamais portées sur la nature des documents !! » Non, trop... trop littéraire, trop sur la défensive. « Vous m'avez dit de prendre la mallette, vous m'avez même confirmé qu'il n'y avait pas d'autres endroits. J'ai fait ce que vous m'avez dit de faire. »
                  - « ! » Son air outragé ne cachait pas son trouble. J'avais raison, elle le savait. Mais elle savait aussi que quelque chose ne tournait pas rond. Elle savait que la sacoche devait contenir plus. Mais connaissait-elle la nature exacte de ce contenu ? Après tout, l'agitateur de fils avait forcé Bérénike à poursuivre Salvatore, pour que celui-ci lâchât le dossier Akbar. Rien ne me disait que la blondasse avait connaissance du projet. Si ça se trouvait, elle était un pantin en plus.
                  - « Hum, et si vous me décriviez les documents ? Peut-être que je les ai vu, sur le bureau ? Et que je ne les ai pas pris ? »
                  - « Comme si cela allait changer quelque chose ? Vous pensez vraiment qu'Adrian Salvatore va vous ouvrir les portes de son appartement après que vous l'ayez volé ? »
                  - « Bah, il n'a pas de preuve... »
                  - « Ne sous-estimez pas votre adversaire. » me sermonna-t-elle, d'un ton de professeur obtus.
                  - « Et vous, ne sous-estimez pas le Cipher Pol. Vous n'allez pas me dire que nous n'avons pas les moyens de trouver une solution ? Un coupable même ? Il suffit de chopper un miséreux, le forcer à avouer qu'il a profité de mon départ précipité pour s'introduire dans son appart, par exemple. »
                  - « Pour ne voler que sa mallette ? »
                  - « Parce que c'est ce qu'on lui a demandé de voler. Salvatore doit avoir bien des ennemis qui doivent vouloir sa peau. Enfin, ça dépend des informations qu'il y a dans cette mallette. »
                  - « Vous ne me ferez pas croire que vous n'avez pas ouvert cette mallette !! »
                  - « Bien sûr que oui, j'ai ouvert la mallette. Ne serait-ce que pour vérifier son contenu, dans son appart. J'ai vu des comptes, une sorte d'inventaire codé, quelques photos, mais rien de plus. »
                  - « Vraiment ? »
                  - « Vraiment. Bien que je sois actuellement en train de mourir de curiosité, et ce à double titre. »
                  - « Bon, je vais réfléchir à comment rattraper ce coup. Si j'ai encore besoin de vous, je vous fais signe. Pour le moment, vous pouvez retourner à vos occupations habituelles, et n'oubliez pas de rendre le matériel. »
                  Et c'était là que je l'attendais. En bonne supérieure désireuse de donner des ordres, elle avait fait le pas que je désirais. Me faire envoyer dans ce que nous appelions l'Arsenal. Une pièce de taille assez conséquente, partiellement occupée par de hautes et longues étagères, chacune empli à ras la gueule de gadgets et de nouvelles trouvailles. Le mini den-den faisait partie de cet équipement.

                  Séduire le préposé du jour ne fut pas bien difficile. L'étape la plus délicate fut de lui fourrer mon décolleté sous le nez sans avoir l'air. Il tomba dans le panneau et put se rengorger de m'avoir soutiré un rendez-vous en contrepartie du prêt d'une poignée de bidules.
                  - « Tu comprends, Markus... Je peux t’appeler Markus, hein ? Ma mission avec l'agent Berenike ne sait pas très bien passée. J'ai plutôt foiré mon coup, et j'aimerais réfléchir de mon côté à un plan à lui soumettre, pour rattraper. J'ai besoin de cet équipement pour tester. Promis, il ne quitte pas le bâtiment !! »
                  Et pour cause ! Le matériel d'écoute et de surveillance que j'avais ainsi récupéré sans que le prêt fût enregistré était destiné au bureau de Bérénike. Il ne me restait plus qu'à l'y installer.
                  Ouais, plus que...


                Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:50, édité 1 fois
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                  Ce n'était pas que c'était difficile per se. C'était que j'étais assaillie de questions, de doutes et de sensations bien étranges. Mentir ou agir comme si j'étais aussi pure que l'agneau venant de naître, cela ne m'avait jamais posé aucun problème. Faux-derche jusqu'au dernier degré. Une capacité, une qualité même qui m'avait valu plusieurs commentaires flatteurs lors de mes classes à Marie-Joie. Maintenant ? J'avais l'impression que tous les regards glissaient vers moi, tous désapprobateurs, et que le moindre chuchotis se faisait à mon sujet. Je sentais sur ma nuque un millier de picotements, comment autant de suspicions que mon passage soulevait. J'avais les mains moites, la gorge serrée et l'impression d'avoir écrit « traître » en gros sur mon front. Mes semelles couinaient sur le linoléum de petite qualité, et j'entendais dans chaque son un écho de « révo », « révo », « révo ». Ce qui était particulièrement idiot, puisque « révo » ne 'sonnait' nullement comme un couinement. Mais que voulez-vous, j'avais toujours eu l'imagination fertile.

                  Je tentai de me concentrer sur mon travail en cours. Pendant que je jouais les marieuses, les dossiers s'étaient empilés sur mon bureau, mes collègues n'ayant bien entendu aucunement pris l’initiative ou eu le bon sentiment de m'en décharger, même partiellement. Ceci dit, je n'aurais pas fait un geste pour eux, nos rôles inversés. De bonne guerre. Seuls les plus hargneux se hisseraient à l'échelon supérieur. La loi du plus fort. La règle de survie numéro un.
                  Et là, ça me frappa. Pourquoi parlions-nous encore de survie ? N'étions-nous pas une civilisation avancée, qui connaissait un âge d'or culturel ? En paix, nous ne l'étions jamais vraiment, mais depuis la mort de Luffy Chapeau de paille il y a cent ans, les pirates se tenaient généralement tranquilles. Dans nos eaux, en tous les cas. Ce qu'ils fabriquaient de l'autre côté de Red Line, dans ce nouveau monde si mystérieux, on ne savait pas, et c'était tout aussi bien. Alors pourquoi avais-je toujours cette impression d'être au bord du précipice ?
                  Je ne savais pas et je savais qu'il n'y avait pas de réponse immédiate à une telle question. Secouant la tête, je me remis au travail. Mais les mots dansaient devant moi, parfois flou, parfois mélangés. Tête baissée, j'avais le regard vide. Ce regard, si j'avais pu me voir, je l'aurais reconnu. C'était celui des prisonniers aux abois, qui voyait la porte de la prison approcher alors qu'ils savaient que seuls la corde ou le sabre les attendaient.
                  Cependant, perdue dans mon petit monde, je n'étais pas totalement déconnectée du reste de la vie. Et quand mon nom fut chuchoté, mes oreilles le captèrent immédiatement, mieux encore que si j'avais été là à me concentrer pour espionner mes collègues.
                  - « ---- Shaïness ---- mission spéciale ---- »
                  - « --- talent --- Raven-Cooper --- test---- »
                  - « --- tu parles ! --- talent ? --- naturel, oui --- »
                  - « --- j'sais pas --- apparences --- »

                  Leur conversation fut interrompue par l'arrivée d'un agent de première catégorie qui nous aboya ses ordres et se déchargea sur nous d'une pile de papiers, tickets, journaux, etc. Et oui, nous étions chargés de rédiger les rapports et les compte-rendus, pour nos aînés. Ça nous apprenait le travail, qu'ils disaient. Ça laissait plus de temps aux agents de se consacrer sur leurs missions. Ça leur permettait aussi de nous bizuter, et certains exagéraient en déléguant les notes de frais et autres tâches techniques effectuées par l'agent. Mais c'était les règles du jeu.

                  J'avais moi aussi sursauté et je repris mon travail avec diligence, désireuse de moucher mes très chers collègues en faisant baisser en une journée la pile de dossiers. Juste pour les faire rager. Du coup, je pris un déjeuner sur le pouce, depuis mon bureau, pour avoir le temps d'examiner le matériel d'écoute et de piratage que j'avais récupéré. Le plus délicat était les connexions. Les den-dens cibles n'aimaient pas être manipulés par des étrangers, et refusaient généralement la présence d'autres escargophones, surtout s'ils avaient l'air louche. Or, les den-dens d'espionnage avaient l'air spécialement louche. En tous les cas, c'était l'impression qu'ils me donnaient. Le premier enregistrait tout ce qui se disait dans la pièce, le second, plus avancé, ce qu'un autre den-den prononçait. Pourquoi le premier n'enregistrait pas le den-den « officiel », je ne savais pas. Apparemment, les den-dens normaux ne se copiaient pas. Il fallait un escargophone spécial pour ça.
                  Et je savais maintenant comment les mettre en place.

                  Mon sourire satisfait s'effaça tandis qu'un groupe débarqua pour reprendre le boulot en cette après-midi. Non pas à leur vue – ils m'étaient assez indifférents – mais parce qu'à ma vue, eux s'étaient arrêtés nets. Pour des espions, ils manquaient singulièrement de discrétion. S'ils avaient voulu m'avertir qu'ils parlaient de moi, ils n'auraient pas pu faire plus direct, à part peut-être me le dire. Je fronçai les sourcils, avant de les lever, en un signe de « surprise » et de défi. Allez, je vous ai grillé, semblais-je leur dire, donc soyez grands et matures, venez me dire en face ce que vous vous régaler de colporter.
                  Sûrement des jalousies intestines. N'avais-je pas été choisie pour une mission solo sous la supervision unique d'un agent de haut rang... tiens, Béréniké, elle était quoi ? Il faudrait que je me renseignasse. Ce n'était le genre de « détail » que je devais sous-estimer. Si elle était chef d'équipe, par exemple, en cas de « sa voix contre la mienne », je ne donnais pas cher de ma peau.
                  Ce fut ainsi que je passai le reste de mon après-midi : à osciller entre mes affectations réelles et à peaufiner mon intrusion dans le bureau de cette CP3, afin d'écouter ce qu'elle avait à dire. Je buttais toujours sur le point essentiel qu'était l'installation du matériel dans les lieux, mais j'avais décidé que je verrais ça au moment opportun. Quand j'aurai répondu à toutes mes autres interrogations, quand je n'aurai plus de doute et pas mieux à faire.

                  Tout au long des heures, les coups d’œil et les murmures autour de moi n'arrêtèrent pas. Force me fut de rayer jalousie de ma liste et de chercher une autre explication. La peur me gela soudain les entrailles. Se pourrait-il que quelqu'un m'eusse vu avec Raven ? Et que j'étais sous le coup d'un interrogatoire imminent ? M'enfin, voyons, arrête de délirer, ma pauvre ! Si tu étais soupçonnée, tu ne serais pas là à subir leur attitude de petits macaques décérébrés, mais en train d'être déjà de déguster dans une cellule dans un navire en direction d'Impel Down.
                  N'empêche. Ce climat de suspicion commençait à sérieusement m'énerver, d'autant plus que je n'arrivais pas à savoir ce dont il s'agissait vraiment. Que me reprochait-on ? Qu'avais-je fait ou dit, ou pas fait ou dit, qui méritait l'opprobre et la moquerie populaire ? Surtout la moquerie. On ne se moque pas de Shaïness Raven-Cooper impunément.
                  Une détermination froide m'envahit. Me noya même. Tout comme une fois immergée dans l'eau, les sons et les images nous arrivaient déformées, j'arrivai à me détacher du brouhaha local. Je fixai mon attention sur un trio de filles à l'autre bout de la pièce, peut-être cinq ou six mètres de là. Mes yeux ne les quittaient. Je ne savais pas lire sur les lèvres, mais à cet instant précis, j'en fus capable. Peut-être parce que j'avais suivi leur conversation et que je savais associer leurs mouvements de lèvres, avec des mots qui formaient une suite logique à un échange. Sans le contexte, je n'en aurais pas été capable. Oh, je ne comprenais pas tout, mais avec les bribes de sons qui passaient de temps à autre à travers les autres conciliabules, je sus.
                  Ils disent que le savoir, c'est le pouvoir. Personnellement, j'ai toujours penché pour, la colère, c'est pouvoir. La colère m'avait toujours aiguillonnée. Surtout quand elle était mal placée. La fierté des Raven, l'orgueil des Cooper. Ou était-ce l'inverse ? Aucune idée, notre généalogie était emplie de vieux croûtons ayant connu des morts débiles sur le champ de bataille en s'égosillant « pour l'honneur !! ». Leurs portraits prenaient la poussière dans les corridors plus ou moins désaffectés des grandes maisons de ma famille. Il était peut-être mort honorablement, l'arrière-grand-oncle Horace, mais il était surtout mort.
                  Et moi, je n'allais pas mourir. Si la honte tuait, ça se saurait. Mais je me sentais mal. Très mal. Blessée, et surtout en colère.
                  Ramassant les affaires devant moi pour me donner contenance, j'avalais la distance entre les services, trottinant sur mes talons dans les couloirs, pour pénétrer dans le bureau de la blonde Béréniké en trombes :
                  - « Je peux savoir comment la moitié du CP 5 est au courant que j'ai couché avec Salvatore cette nuit ? Je croyais qu'il n'y avait que des pro de l'autre côté du den-den, et je croyais que des pro n'iraient pas compromettre l'intérêt de la mission !! » Plus que n'importe qui, c'était elle dont je voulais arracher les yeux.
                  - « De quoi parlez-vous ? »
                  - « Du fait que la moitié du CP 5 est en train d'apprendre au reste des autres Bureaux ce qui s'est passé cette nuit !!! » Et elle eut un sourire mauvais.
                  - « Ah, donc ça vous gêne ? Vous avez des regrets, et un sens des convenances, maintenant ? » Ouais. Et ? Facile à dire, de la part de la frigide qui n'était pas capable de feindre des émotions amoureuses. Surtout qu'Adrian Salvatore n'avait pas été le pire de mes amants, loin de là.
                  - « Non, mais ce n'est pas pour autant que je souhaite que tout le monde sache avec qui et comment je m'envoie en l'air. D'autant plus que ça compromet le reste de la mission. Autant de gens au courant... ça va forcément sortir d'ici, et une fois sur la place publique de Logue Town... Fini la Shaïness marieuse. Fini le contact avec Adrian, que j'aurais pu convaincre de me refaire « confiance ». Quelqu'un dans votre équipe a merdé et je ne veux pas voir tous les efforts que j'ai fait réduit à néant parce qu'un de vos sbires n'a pas pu s'empêcher de faire un commentaire salace à mon propos. » Son visage se ferma. Elle savait que j'avais raison et que si les bruits de couloirs quittaient justement les couloirs....
                  - « Je reviens. » fit-elle laconiquement, et nous savions toutes les deux qu'une tête ou deux allaient tomber.
                  Et là, je réalisai que j'avais réussi. J'étais dans le bureau de Béréniké, seule et dans ma main, le kit d'espionnage que j'avais machinalement empoché avec le dossier que je traitais. Rapidement, le cœur battant la chamade, et persuadée d’entendre toutes les deux secondes des pas ou la porte s'ouvrir, je positionnais le système. Jamais la femme ne soupçonnerait d'être écoutée dans son bureau, au sein même de l'institut gouvernemental spécialisé dans les manœuvres douteuses.
                  Maintenant, je n'avais juste qu'à attendre et venir récupérer les informations récoltées.
                  «  Juste que », hein...
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