Mes Racines et mes Ailes

Seule.

Comment ai-je pu me retrouver ainsi ? Comment ai-je pu abandonner les autres ? Je ne sais pas.
Je regrette.
Je n’aurai pas dû.

Comme avec les Shinoryuus… Me voici seule rescapée de cette bataille livrée sans moi. Sans moi alors que je devrai y être.
Mais là, c’est différent non ? Là, il y a Red ! Il va s’en tirer non ? Il est fort ! Surement l’homme le plus fort que je connaisse ! Alors il va s’en tirer…

Mizu aussi était fort… Mizu aussi était l’homme le plus fort que je connaissais, et il ne s’en est pas tiré… Mangé par les loups d’Impel Down.

Mais Red ne se fera pas manger ! Non, Red est bien plus fort ! Alors il va s’en tirer, il va se sauver. C’est le plus fort des pirates ! Le capitaine d’Armada !
Et c’est contre le plus puissant des marines qu’il se bat…

Je regarde ce Den den qu’il m’a filé, et cette marque noir dans ma main. N’oublie pas de m’appeler Red… Ne l’oublie pas. Ne m’oublie pas.
Car contrairement à la marque de mon père, toi, je ne te sens pas. Je ne saurais dire vers où aller pour te retrouver. Je ne peux qu’attendre. Attendre que tu daignes me donner de tes nouvelles. Attendre que tu te souviennes de moi.

Et en attendant je suis seule avec mes pensées. Seule dans les airs au-dessus de cette mer calme et sereine. Où dois-je aller ? Je ne le sais même pas. Je pourrais sans doute dire que je suis perdue. Oui, sans doute. Mais sommes-nous vraiment perdus lorsque nous n’avons pas de cap à suivre ? Je ne sais pas.
Je ne pense pas.

Il y a bien eu un début, mais je ne sais pas où se trouve la fin de ce voyage. Alors j’erre. Et je m’ennuie sans voir le bout de cet ennui.
Je dois trouver où je dois aller.

A bien y réfléchir, je ne suis pas si seule. Dans une main des ténèbres me tiennent compagnie, et dans l’autre du sang. Une main pour Red, une autre pour Tahar. L’un que je ne sens pas, et l’autre si. Alors je ne suis pas si perdue que ça. Si je le voulais, je pourrais avoir un cap. Et ce serait mon père que je trouverai au bout.
J’aimerai tant pouvoir le suivre.
Je pourrais le suivre…

Mais non, Red a mis tellement d’énergie à m’empêcher de le retrouver maintenant que je ne me risquerai pas à tout gâcher. Comme il me l’a si souvent dit, je dois le laisser venir vers moi, et non l’inverse.
J’espère juste qu’un jour, il viendra… Car c’est mon père, et je meurs d’envie de le connaitre.

Heureusement, je n’ai pas besoin d’attendre qu’il se décide pour en savoir plus sur lui. J’ai trois tonnes de lecture qui m’attendent. Je préférerai tout de même me poser dans un coin tranquille avant de l’entamer, mais, à bien y réfléchir… Est-ce vraiment nécessaire ? De toute façon, je n’ai rien à faire, pas de cap à respecter… Alors je pourrais simplement couper les dials et me laisser porter par les courants tranquilles de cette mer bleue.
Et c’est ce que je fais.
Un simple atterrissage en douceur avec l’arrêt des dials. Ça fait toujours un bruit de fond en moins, et ce n’est pas plus mal.

Et maintenant que je suis de retour à hauteur du plancher des vaches, je regarde cette armoire que j’ai ramenée au péril des vies de Red et Reyson.
Ça fait quelques heures déjà… Je devrais pouvoir les appeler non ? Un coup d’œil à l’escargophone dormant à côté de moi me dit que non.

Pulu pulu pulu. Pulu pulu pulu.

Ça sonne ! Enfin ! Je me précipite sur le gastéropode.

RED ?!
Vo… Hm. Vous n’êtes pas Vogon.

Déception.

Et vous n’êtes pas Red…

GOTCHA

Je raccroche. Et l’escargophone se rendort aussitôt. Comme quoi, y’en a qui sont imperturbables.

Mais moi, je suis perturbée. Je dois faire un choix. Appeler ou ne pas appeler ? Telle est la question.

Si je l’appelle, j’ai une chance de savoir enfin ce qui s’est passé et s’il va bien. Mais si je l’appelle alors que l’amiral les poursuit, ils pourraient se faire débusquer à cause de moi, où pire… L’amiral les a peut être déjà capturé et peut être qu’il serait capable de retrouver ma trace grâce à l’escargot ? Non. Non. Ce n’est pas plausible.

Ça ne l’est pas hein ?

Hm…

Bon, de toute manière, c’est beaucoup trop risqué pour eux si je les appelle. Alors autant s’occuper l’esprit autrement, car si je ne fais rien, je vais de nouveau avoir envie d’appeler.

J’ouvre enfin cette fameuse armoire et une liasse de papier me tombe dessus. Ça commence bien…

1614, North Blue : Tahar Tahgel aide des fermiers…

Hm, trop loin. En 1614 j’étais déjà née. Et ma mère était surement déjà morte. Si je veux retrouver ma famille maternelle, je dois chercher plus en avant dans le temps.
Et puis, si je veux connaitre l’histoire de mon père, autant commencer par le commencement plutôt que de compter sur le hasard…

Je regarde donc cette grande armoire. Sur les étagères, je peux voir de petites étiquettes avec des dates, des périodes. Rangées par ordre chronologique : d’en haut à droite jusqu’en bas à gauche. Alors je prends la première pile de papier. Je survole rapidement du regard la première feuille, à la rechercher d’un nombre. 1600. Puis, sans réellement porter attention au texte, je sorts la dernière page du tas et fait de même. 1595.

Le début est en dessous. Cette dernière page sera donc la première de ma lecture.

5 Juillet 1595, Troop Erdu, West Blue : Au cours d’un jeu d’enfant, Tahar Tahgel tua son frère ainé.

Je m’arrête, choquée.
Choquée ? Est-ce vraiment ça ? Je ne sais pas. Si, sans doute… Surement. La vie de mon père commence au meurtre de son frère. N’y a-t-il rien d’autre à dire avant ? Une enfance difficile peut être ? Des circonstances atténuantes ?

Non. Rien.

Juste que c’était un jeu. Alors peut être était-ce un accident ? Un simple accident ? Peut être. Surement.
Je l’espère.

Car s’il a tué son frère de sang froid, s’il a tué un membre de sa famille sans regret ou remord, comment pourrais-je un jour être en sécurité auprès de lui ? Comment pourra-t-il m’aimer et m’accepter ?

Mais il m’a déjà sauvée, non ? Et peut être même acceptée ? Si j’ai ce cercle là, dans ma main… Si j’ai ce cercle rouge de son sang qui me permet de le sentir et ressentir, alors peut être m’a-t-il acceptée ?
Ou peut être se laisse-t-il juste une option… Peut être qu’il ne sait pas encore comment me juger, me considérer…

Qu’en sais-je moi ? Rien.

Tout comme je ne sais pas pourquoi il a tué son frère.

Et quand je survole les pages suivantes à la recherche d’information, je ne vois que des bassesses et autres crimes.
Un criminel ? Ou simple ado perturbé ? Mais que pensait-il dans tous ces moments ? Pourquoi a-t-il fait tout cela ?

J’ai beau feuilleter des piles et des piles de feuilles, il n’y a pas d’explications à ces actes. Juste les faits. Et alors que je jette des tonnes de papier sur le fond de mon vaisseau ; des tonnes de pages que je ne prends pas le temps de lire entièrement tant les informations dessus sont répétitives et sans explications ; je tombe sur une enveloppe assez épaisse.

Izya Tahgel (Sélindé)

Je suis dubitative a la vue de cette enveloppe. Ai-je vraiment ma place dans cette armoire ?

Oui, bien sûr, je suis sa fille. Sa fille… Ai-je encore envie de l’être ?

Tahar a toujours été la personne que j’admirai secrètement et ce depuis que je l’ai rencontré il y a plus de 10 ans. Je ne sais même pas pourquoi. Quelque chose chez lui m’a tout de suite attirée et sans même m’en rendre compte, je l’ai tout de suite apprécié.

Peut être parce qu’il a cru en moi, qu’il a accepté de m’apprendre ce qu’on m’avait toujours refusé avant son arrivé.

Ou peut être est-ce simplement une question de sang. Parce que son sang, qui tourne dans ma main, coule aussi dans mes veines. Et que ce lien du sang, même l’ignorance de l’esprit ne peut le rejeter et qu’à défaut de l’expliquer, il l’accepte tel qu’il est.

C’est surement pour ça, oui, que je l’admirai et l’admire encore, quoi que je ne sais plus vraiment… Et c’est sans aucun doute pour cela que je refusais d’écouter mon autre père, celui qui m’a élevée, lorsqu’il me racontait toutes ces choses horribles sur celui qui m’a conçue. C’est pour ça aussi que je ne lis pas les journaux : je ne veux rien savoir par autrui, je veux laisser mes seuls yeux juger.

Mais cette armoire… Cette armoire va à l’encontre de tout cela. Elle me révèle ce que je ne veux pas savoir. Ce que je ne veux pas croire.

Non, je ne veux pas y croire.
Il doit y avoir des explications à tout ça. Et ces explications, je ne les obtiendrai que d’une seule personne, et son sang coule dans mes veines.

Mais il n’y a pas que son sang dans mes veines. Il y a aussi celui d’une autre personne, celui d’une ange.
Celui de ma mère.

La seule chose que je sais d’elle c’est qu’à priori, elle voulait me concevoir. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais ce n’était surement pas par désire d’élever un enfant puisqu’elle m’a abandonnée. Et elle n’est plus de ce monde pour me le dire.

Pour me dire ce qu’elle attendait de moi.

Maintenant, la seule chose que je peux espérer, c’est de trouver la réponse dans cette enveloppe. Alors délicatement, je l’ouvre et en sors le contenu dans un coin du bateau volant encore vierge d'informations.

             

Deux photos tombent à terre alors que je sors les feuilles. Il y a cette femme aux longs cheveux rouges et aux yeux verts et il y a…
Moi.

Moi, lorsque j’étais plus jeune. Moi, regardant l’un des chefs d’œuvre de mon père, de Géralt. Je m’en souviens. C’est lui-même qui a pris cette photo. Alors comment ce fait-il qu’elle soit là ?

Géralt, Maria, j’espère que vous allez bien tous les deux…

De nombreux souvenir me reviennent à la vue de cette image, mais je me force à en détourner le regard, je ne souhaite pas entrer dans la mélancolie. Je ne souhaite pas penser à eux que je ne peux plus me permettre de revoir. Car si cette photo est ici et non dans le cadre sur la cheminé, c'est qu'ils ont du avoir quelques ennuis par ma faute. Mais ce sont des gens bien, alors il n'y a pas de raison qu'ils aillent mal, non ?

De toute façon, je ne peux malheureusement rien pour eux, je ne dois plus y penser. Alors je m’intéresse à la seconde photographie.

Cette femme, je ne la connais pas, mais elle me ressemble. J’aurai bien dis que c’était ma mère, mais elle n’a à priori pas d’aile. C’est étrange.
Curieuse, je retourne l’image à la recherche d’indice.

Séléna Amnel

Red disait que ma mère s’appelait Séléna. Alors ce serait elle ? Mais d’où viennent donc mes ailes ?! Je ne comprends pas…

J’espère que ce tas de papier m’aidera.

1600, Île avec une montagne creuse, Calm Belt : Séléna Amnel quitta son île céleste avec sa gouvernante, Irysia Shining.

1603, Las Camp, West Blue : Attaque de Séléna Amnel par des anges où elle réussit à s’enfuir mais se fait blesser à l’aile droite. Irysia la convint de se couper les ailes.

1603, Port d’Esperanza, West Blue : Séléna rencontre Tahar Tahgel.

1604, Amerzone, South Blue : Naissance d’Izya Tahgel.

1604, Scarlet Town, South Blue : Abandon d’Izya Tahgel qui devient Izya Sélindé.

1605, Sirup, East Blue : Mort de Séléna Amnel

Source : Irysia Shining, Sirup, 1624

Alors c’est tout ? C’est tout ce qu’il y a sur ma mère dans ce dossier ? Et toutes ces pages alors ?

Je feuillette rapidement… Toutes sont sur moi. Toute ma simple vie résumée en quelques pages.
Je connais déjà ma vie, alors tout cela est inutile. Et ces quelques lignes que j’ai pu lire ne m’apprennent qu’une chose : ma mère était bien une ange… Alors mes ailes ne sont pas tombées du ciel.

Mais le reste ? Pourquoi ?! Pourquoi a-t-elle fait cela ? Pourquoi s’est-elle enfuit ? Pourquoi m’a-t-elle conçue ? N’étais-je qu’un fruit du hasard ? Voulait-elle me concevoir ?
Je ne sais plus.
Il n’y a aucune réponse là dedans.

Et maintenant ? Que dois-je faire ?

Je me laisse tomber au fond de mon bateau par dépit. Au dessus de ma tête le ciel est bleu, limpide. Pas un nuage, rien que du bleu et le soleil réchauffant l’atmosphère. Je me perds quelques secondes dans cette contemplation, essayant de trouver un moyen d’arriver à mes fins.

En dernier espoir, je relis cette simple feuille. Mais rien de plus ne me vient.

Rien.

Sauf peut être… Cette petite ligne, à la fin. Le Cipher Pol a eu ces renseignements grâce à une personne… Une personne qui connaissait bien ma mère vu qu’elle vient du même endroit et qu’elle était sa gouvernante…

Irysia Shining.

Je me relève d’un bon. Je sais enfin où je dois aller, qui je dois rencontrer.

Oui, cette femme, je dois la trouver.

Irysia Shining, Sirup, 1624

Avec un peu de chance elle est toujours au même endroit.

Je rallume les Dials et cherche les cartes que Red a pensé à mettre dans cette machine volante avant de quitter Armada.

Et après quelques minutes de recherches, je trouve enfin ma destination sur le plan d’East Blue : Sirup.