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Deux simples monstres

"Monstre ! Monstre ! Soldats ! Arrêtez ce monstre !"

Incroyable. Voilà maintenant que je courais comme un dératé, sur mes getas, à travers les rues de Logue Town. Et dire que tout cela était parti d'un rien du tout...



J'étais arrivé sur l'île quelques temps avant. Je cherchais des camps révolutionnaires un peu partout, et je m'étais dit que pour les informations, il n'y avait rien de mieux que Logue Town, la "capitale" d'East Blue. Sauf qu'il y avait beaucoup de monde à Logue Town. Et beaucoup de monde, voulait dire beaucoup d'interactions.

Je marchais tranquillement, dans la rue, m'asseyant quelques fois contre un mur. Je continuais à mendier, encore et encore. Les gens faisaient sembler de ne pas me voir, de ne pas m'entendre, de ne pas remarquer mon existence. Comme à l'accoutumée. Quoiqu'ils étaient plus gentils que certaines personnes que j'avais pu croiser dans mes voyages précédents. Du moins, c'était ce que je croyais.

Aujourd'hui, il pleuvait. Une pluie assez conséquente d'ailleurs : les nuages atténuaient sérieusement la luminosité de la ville, transformant la capitale en paysage bleu et fade. Aussi, je décidais de cacher un peu plus mon visage, de tirer ma capuche vers l'avant, histoire que la bruine n'atteigne pas les couleurs de mon masque Kitsune fait main. Et sans m'étonner plus de ces intempéries, je continuais calmement mon quotidien de mendiant. Malheureusement, la prochaine personne que j'abordais était la mauvaise. Il s'agissait d'une quarantenaire assez âgée, dans une robe rose de mauvais goût, sous un parapluie fuchsia, de mauvais goût également. Mais Bouddha n'étant point investi dans la mode, je ne me permettais pas de juger ses habits. Je m'approchai doucement, et lui demandai quelques Berrys. Et je pouvais lire un certain malaise dans ses yeux qui dévisageaient ma silhouette encapuchonnée. Un mélange de crainte et de dégoût se reflétaient dans les yeux trop gras de la bourgeoise. Elle me dit alors de ficher le camp, et plus vite que ça. J'allais obéir, quand je tombai soudain dans un sommeil surprise. Je restais donc, contre mon gré, à quelques centimètres d'elle.

Quand je revins à moi, elle était en train d'approcher doucement son visage du mien, inquiète par mon sort. Aussi, la proximité de son double-menton me fit sursauter, et elle avec. Emportée par l'élan des mouvements, ma capuche partit en arrière. Ce qu'avait dû voir la vieille dame, c'était mon visage de Kitsune, avec le bel éclairage sombre du temps, ainsi que deux nageoires qui me servaient d'oreille. Elle se mit alors à hurler et hurler et hurler encore. Les gardes arrivèrent très vite.



Et voilà comment je m'étais retrouvé dans cette situation invraisemblable. Même si je cachais le fait que j'étais un homme-poisson, j'inspirais toujours la peur, mine de rien. La vie était dure quand même, me disais-je alors que mes getas claquaient sur le sol et menaçaient de glisser à n'importe quel moment. Elle l'était. Les gardes me poursuivaient sans relâche, sans même me donner une seconde de répit. Je tentai de les semer, je tournai à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis à droite. Et je me rendis compte qu'emprunter deux directions inverses consécutivement revenait à la même chose que d'aller tout droit. Alors je continuai devant moi, priant pour ne pas tomber de sommeil encore une fois.

J'empruntai bientôt une ruelle sombre, très sombre. Je m'y arrêtai alors, me plaquant contre le mur. Et je laissai échapper un soupir de soulagement quand je vis que les gardes empruntèrent un chemin différent du mien. Rassuré sur mon sort, je repris mon souffle, et je remis ma capuche. Cependant, la vie restait toujours aussi dure. Parce que le prochain pas que j'effectuais me fit tomber dans une bouche d'égouts ouverte.



Je perdis conscience suite à ma chute. Quand je la repris, rien n'était perceptible. Juste le bruit de l'eau, et la texture des horreurs gluantes sur mon corps. Je me relevai et allumai ma pipe à l'aide d'une boîte d'allumettes. Ça me faisait déjà un peu de lumière. En plus, je devais philosopher sur ce qui venait de se passer. Je réfléchis un instant à la situation, laissant l'inspiration couler à travers moi. Et alors, je récitai mon nouveau haïku.

"Détritus gluants,
Eau verte répugnante,
J'suis dans la merde."




Hmm. Bien celui-là. Faudrait que je l'écrive. Malheureusement, suite à ma diction poétique, j'entendis soudain un bruit qui venait vers moi. Je n'étais pas seul. Il y avait quelque chose d'autre pas loin. Je pris alors mon bâton et gardais le silence.

Ce n'est qu'après-coup que je réalise qu'avec ma pipe et mon poème, cette chose me verrait avant moi.


Dernière édition par Zetsu Dorenji le Mer 15 Oct - 14:48, édité 2 fois
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La bête se nourrissait paisiblement, appréciant chaque aspect de son frugal repas. Le craquement des os sous ses crocs acérés, le couinement des chairs se déchirant lentement et bien évidemment, le sang qui se déversait sur ses droits crochus, s'écoulant lentement jusqu'à ses paumes. Frémissant donc de plaisir en dégustant un rat crevé au fin-fond des égouts de Logue Town, Nazgahl se sentait plutôt jovial. Le ventre plein, donc jovial.

Et subitement, un imperceptible fracas vint le perturber. Une vibration légère, de là où il se situait, mais pourtant si inhabituel. Les oreilles du fauve se tendirent en un réflexe animal tandis que ses prunelles enflammées se tournaient en direction du long couloir menant à la source de ce son si particulier. Il connaissait par coeur le son des canalisations agitées et des petits mammifères et objets tombant à l'eau, mais ce bruit là venait d'autre chose. Il devait savoir, et tout de suite.

Abandonnant la carcasse sans se soucier du liquide pourpre qui trempait son faciès bandé, le monstre enfila son long manteau de cuir déchiré pour ensuite s'aventurer dans les galeries souterraines. S'approchant peu à peu de sa cible, Nazgahl put distinguer des mots, puis finalement une lueur provenant d'une flamme soutenue. Du boulot d'humain, sans aucun doute, et donc d'une proie potentielle. S'accroupissant subitement, le monstre se positionna au cas où il aurait besoin de bondir sur sa cible, et reprit sa lente marche. Etrange constatation, ça sentait la poiscaille à deux cent mètres à la ronde...

Passé maître dans l'art de la lâcheté et de l'attaque en traître, la créature se posta face à son ennemi et se redressa. Après l'avoir salué d'un bref geste de main, il découvrit ses dents brillantes et en ces termes, il s'exprima d'un ton guilleret :

"Salut toi."

Puis il se projeta en avant, sans la moindre mise en garde, dévoilant ses griffes sanguinolentes pour s'accrocher au col de sa proie, tout cela dans le but de la plaquer au sol avec brutalité, ayant dans l'idée de lui éclater le crâne par terre et de la noyer pour ensuite se repaître de sa chair. Un bel accompagnement pour le rat de tout à l'heure.
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A peine avais-je pu discerner une salutation venant de mon inconnu visiteur (ou plutôt, était-ce moi qu'étais en train de le visiter ?) qu'il se jeta sur moi. Bien que j'étais plus ou moins averti, sa vitesse permit à ses griffes d'entrer dans mes épaules, violemment. Je flanchai un peu, mais réussis à rester debout. Et alors que sa gueule suivait, béante et désireuse de ma chair, je parvins juste à temps à la bloquer grâce à mon bâton entre ses deux mâchoires. Mon masque de Kitsune parvenait à cacher mon visage, alors que j'apercevait le sien, faiblement.

A vrai dire, appeler ça un visage serait se tromper, honnêtement. Tout ce que je pus voir, c'était deux yeux rouges exorbités qui faisaient relief avec les bandages tout autour. Une peau verte, des muscles maigres et pourtant si puissants... Je doutais fortement que mon agresseur fut humain un jour. Mais je n'avais pas le temps de m'y attarder : bien que je le retenais comme je pouvais, il gagnait petit à petit du terrain sur moi. Mes genoux commençaient à se plier de plus en plus, alors que ses griffes continuaient de vouloir me lacérer. Ses dents continuaient de claquer sur mon bâton et, si je n'étais pas vivace, elles allaient vouloir claquer sur autre chose. Je respirai alors un bon coup, et décidai de laisser mon poing devenir ivre.

Je basculai alors soudainement vers l'arrière, mollement, laissant la gravité faire son travail. Et alors que nous chutions nerveusement, j'expulsai le truc qui voulait me dévorer d'un coup de pied au plexus. Alors que mon dos toucha le sol, je le vis voler dans l'eau verte. Je m'appuyai alors sur mes deux mains afin de me redresser en un bond, récupérant mon bâton tombé au sol. Je n'avais pas beaucoup de temps, pas beaucoup de vision et surtout pas beaucoup de chances de m'en sortir si je ne faisais pas attention. Alors plutôt que d'attendre la prochaine attaque de l'opposant, j'abattis mon bâton sur la surface de l'eau après l'avoir fait tourner trois fois.

"Kaimen Wari !"

Une lame d'eau se forma alors sur la surface des eaux usées, et progressait tout en sciant les profondeurs gluantes. Avec un peu de chance, le monstre ne s'en relèverai pas.


Le... monstre...


Et alors que je reprenais mon souffle, mon arme derrière le dos, prêt à riposter si jamais cette bête venait à refaire surface, je me rendis compte d'une chose : instinctivement, je l'avais appelé "le monstre". Parce que je ne le connaissais pas, parce qu'il ne me semblait pas humain et parce que j'avais jugé, tout simplement. Je m'étais permis un jugement, moi, un fervent moine bouddhiste. Je m'étais permis d'oublier mes imperfections personnelles un instant, et m'étais considéré comme supérieur à ce qui pouvait être un frère. Il parlait, nom d'un Bouddha ! Il m'avait parlé ! Il était donc doué de raison : c'était plus qu'une bête. Alors de quel droit le traitais-je de monstre ? Moi, qui fut traité de monstre plus tôt dans cette journée, je ne valais pas mieux que cette quarantenaire obèse. Et alors que la honte me remplissait, j'expirais longuement, dans l'espoir d'évacuer ces tourments qui étaient miens.

Je n'étais plus en garde maintenant, non. Je décidai de m'asseoir contre le mur, dans la même position qu'avant l'attaque, avec mon bâton sur le côté. Je serrais mon collier, fortement. J'espérais trouver un peu de pardon dans cette foi qui était mienne, vis à vis de mon attitude. Pardonne-moi, Eveillé, j'ai encore beaucoup à apprendre. Et pardonne-moi toi, être qui fut victime de mon jugement et qui avait subi mes attaques. Certes, je m'étais simplement défendu. Mais je n'avais pas à juger.

D'ailleurs, en y repensant, si j'avais été coincé dans ces égouts, je mourrais aussi de faim. Il devait simplement être victime d'une famine passagère, cet être, pour m'attaquer aussi sauvagement. Alors de mon autre main, je pris un croûton de pain qui me restait, dans mon kimono, et le lança dans sa direction, sur le parterre goudronné, juste avant l'eau.

"Tiens, ami. Ça te servira plus qu'à moi."

J'espérais vraiment que ce croûton de pain allait servir. J'espérais sincèrement que je n'aurais pas à me défendre une nouvelle fois. Et j'aurais aimé être assez sage et confiant en la nature de l'inconnu pour ne pas avoir à placer ma main juste à côté de mon arme...
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La bête fauve tomba sur un os, ou plutôt un bâton, à en juger par le matière solide qui venait d'entrer violemment en contact avec ses crocs. Sous le coup de la surprise, il était donc à mille lieux d'envisager le coup de pied adroitement placé dans son plexus, attaque qui d'ailleurs le propulsa dans les airs à une vitesse folle. Profitant de son agilité monstrueuse, Nazgahl parvint à effectuer un saut périlleux pour ensuite retomber lourdement dans l'eau, mais le répit qui lui fut accordé s'avéra si court que l'assaut suivant le toucha également, l'atteignant de plein fouet au niveau du torse et le renvoyant illico dans les ténèbres aquatiques.

Une volée de bulles s'élevèrent à la surface en un clapotis discret tandis qu'un cri silencieux était poussé, et bien vite le sang vint rejoindre cette composition, se muant en une masse informe et noirâtre. La bête décida de reculer, constatant non sans un certain effroi que cet individu, qui qu'il puisse être, venait tout bonnement de lui défoncer la tronche en un éclair, enchaînant les assauts avec une justesse si incroyable qu'il en devenait véritablement terrifiant.

Après avoir esquissé un mouvement de recul sous-marin, Nazgahl s'extirpa aux eaux boueuses, venant prendre appui contre le goudron en y déposant ses coudes malmenés pour éviter de fléchir. Respirant lourdement, il orienta son regard de braise en direction du responsable de son mal, car bien évidemment ce dernier était entièrement responsable de cette situation et des blessures de la bête. Mais le monstre connaissait les lieux, il connaissait la pénombre, les sons, les odeurs de son antre. Il conservait l'avantage.

Oh tiens, un bout de pain, c'est chouette.

Le vorace bondit tel un renard sur la miche que lui livrait son ex-agresseur, la dévorant avec gloutonnerie sans s'encombrer de politesse. Après avoir ingéré cet accompagnement pour festin de rat, la Goule reprit momentanément ses esprits, se souvenant par miracle qu'elle souffrait passablement d'une importante hémorragie au niveau des pectoraux. Mâchonnant prestement, il fit face à l'homme adossé au mur, le gratifiant d'un :

"T'es plutôt sympa' toi."

Pas d'humeur à user de sa verve admirable, l'animal... Accroupi, il s'avança vers l'étranger masqué et, lui offrant son plus beau sourire carnassier, il se lécha les babines et tendit ses mains en cloche en direction de son interlocuteur, s'apprêtant bien entendu à quémander.

"Pourrais-je avoir un peu de ce poisssson que tu caches dans tes affaires ?"

Pas spécialement penché sur la bouffe maritime, il n'en demeurait pas moins un irréductible glouton et, fier de son flair de fauve, il avait reniflé une bonne odeur qui émanait de ce type. Se léchant les babines, il le fixa avec envie en attendant un autre cadeau, oubliant au passage que les orifices sanglants qui décoraient les épaules du gaillard étaient les restes de son propre assaut...

Pas de pitié, pas de remord, seulement la faim.
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Suite aux mots de mon sauvage inconnu, un petit rire m'échappa. Je ne saurais pas définir ce rire : était-il un mélange de nervosité et d'ironie ? Était-ce un rire de Duchenne, si je puis me permettre, avec une touche de complaisance ? Ou bien était-ce un méli-mélo de tout cela ? Je peinais à le savoir, comme mes ressentis à ce moment. La peur et une certaine méfiance était le socle de mon cœur, mais mon cerveau de Koï se le refusait. C'était peut-être ça au final, mon rire. Toujours était-il qu'il ne dura pas, car mes blessures se ravivaient légèrement à chaque trémor jubilatoire corporel.

Je sentais les marques sur mes épaules, ces lacérations tribales. Il ne m'avait vraiment pas raté, lui. Enfin, toujours était-il que je lui devais une réponse, et que je voulais surtout éviter les conflits inutiles. Ma main gauche, quelque peu tremblante, se dirigea donc vers mon visage pour enlever mon masque de renard. Mon visage à l'air libre (enfin, l'air des égouts donc), mes paupières firent quelques mouvements, et mes moustaches également. Mon masque enlevé, je commençais à mieux percevoir mon environnement. N'empêche qu'il faisait toujours sombre. Je dirigeai alors mon regard vers mon interlocuteur.

"Je pense que ça va être difficile, désolé."

Un sourire se dressa sur mon visage alors que mes pupilles tentaient de trouver les siennes, avec difficulté. Mais je perdis bientôt mon regard dans l'eau en face de moi alors que ma main droite maintenait mon épaule gauche, fortement. Ma pensée suivit bientôt mes yeux, alors que je me laissais aller un instant dans de la réflexion.

J'étais humain. Du moins, émotionellement. Et, à cet instant T, j'étais nez-à-nez avec quelqu'un qui avait essayé de me manger, avant même d'avoir vu mon visage. J'étais en ce moment sans garde, mon arme sur le côté, mes épaules endommagées et littéralement dos au mur. Mon parfum naturel de poisson n'allait pas du tout en ma faveur. Et pourtant, j'étais là, et je ne bronchais pas. C'était certainement stupide. C'était certainement inconsidéré, imprudent, dangereux. Mais cela représentait tout à fait mes enseignements.

J'étais comme l'Eveillé, en face de son tueur à la hache. Au lieu de combattre une adversité, je préférais remarquer qu'elle m'était avant tout semblable. Je préférais comprendre que de frapper. J'ouvrais les bras à celui qui pouvait être un frère, plutôt que de serrer mon poing et le définir en tant qu'ennemi. Après tout, qu'est-ce qui nous séparait lui et moi ? Je n'avais pas non plus l'air d'un humain normal. Je n'avais pas non plus une certaine aisance sociale. Et même si lui avait fait le choix de me confronter, pourquoi ne ferais-je pas le premier pas ? Et même si c'était la dernière réflexion que j'aurais, alors puisse mon maître être fier de moi pour ne pas avoir failli à mes convictions.

Pourquoi te renierais-je, toi qui me ressemblais tant ?


Mes yeux se fixèrent alors sur lui, ce frère qui m'était encore inconnu.

"Que t'es-t-il arrivé, âme innocente, pour te retrouver dans une telle situation ?"
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