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Le départ

Il y a des endroits où l’on se sent instantanément bien, où le regard se perd dans la contemplation et où on se sent chez soi dés le premier pied posé. Ce genre de places paisibles où le badaud salue le vagabond sans arrière-pensées dans un climat de détente et de convivialité. Le port de Las Camp ne fait clairement pas partie de ces endroits. Non, ici, le badaud se hâte d’accomplir sa tâche quotidienne pour pouvoir retourner se cadenasser chez lui et le vagabond n’est même pas venu, repoussé par les rumeurs sordides sur l’endroit. Las Camp est un lieu de dépravation, de corruption et la seule morale est celle que l’on s’impose à soi-même. La population est déchirée en permanence entre les forbans qui les privent du fruit de leur labeur par un complexe système de racket et la loi martiale du gouvernement qui les privent de leur liberté pour assurer leur « sécurité ». Choisir entre le bien et le mal est devenu aussi difficile que d’opter pour la peste ou le cholera.

Henry Morgan est tant infecté par le choléra qu’il en est devenu immunisé contre la peste pour le reste de ses jours. Il sait qu’il finira sa vie le nombril collé à la garde d’une épée blanche et bleue. Reste à savoir quand et qui tiendra le manche. En attendant ce jour, il trace son chemin vers la richesse et la reconnaissance, libéré des poids que traînent les gens d’en bas, nommés « conscience » et « vertus ». On a qu’une vie, autant être égoïste. C’est donc sans problème qu’il se ballade dans le port en portant sur le dos une grosse caisse de docker contenant le corps inanimé de l’homme qu’il a privé de liberté. Un esclave balloté par le rythme de ses pas, sans volonté, ni espoir après avoir passé plus d’un mois dans une cave à se nourrir des restes que le malfrat voulait bien lui jeter à même le sol poussiéreux. Le coup qu’il avait reçu sur la tête pour l’empêcher d’attirer l’attention de marines soupçonneux lui avait également évité de sombrer dans la psychose. Il n’y a rien de pire que d’être traité comme une marchandise et de savoir que son destin s’écrit sans que l’on tienne la plume.

C’est la seconde tentative de fuite de l’île de l’esclavagiste. Son visage est bien trop connu ces derniers temps et l’épée de Damoclès que maintient la mafia au dessus de sa tête lui pèse trop. Il avait bien essayé de partir à bord du navire du capitaine Adoque mais un jeune marine aux dents longues, Anton D. Alexander,  l’avait forcé à prendre la fuite à travers le dédale des ruelles de la ville, les agents de l’ordre aux trousses. Il a bon espoir de passer inaperçu en se déplaçant de très bonne heure, juste à la levée du couvre-feu. Un bonnet noir cache son iroquois qui le rend reconnaissable entre mille et la caisse le fait passer pour un docker quelconque. En revanche, il n’a rien pu faire pour sa peau noire.

Le diagnostic est formel. Il restera black toute sa vie.

Un capitaine peu regardant sur la marchandise qu’il transporte l’attend au bout du septième ponton. Il ne reste que dix minutes au vendeur d’âmes pour le rejoindre avant que les amarres ne soient lâchées, mais il continue de son pas pesant, ne voulant pas attirer l’attention sur lui. Jamais, de mémoire d’homme, on a vu un docker enthousiaste et pressé de travailler. C’est donc d’un train poussif et rechignant qu’il avance, voûté par le poids de son chargement qui n’a pourtant rien d’exceptionnel pour un homme de sa carrure. Il zigzague entre les caisses, évite soigneusement les filets moisis laissés à même le sol en profitant du calme de l’aurore. Seules les mouettes brisent le murmure des vagues de leurs cris stridents, affublant parfois un motif de moquerie pour les malchanceux qui passent en dessous au mauvais moment. Les navires affrétés tanguent au rythme de la houle et sont si nombreux que les regarder peut provoquer le mal chez les plus sensibles, bien que leurs pieds restent fixés au plancher des vaches. Quelque part, derrière lui, les plus matinaux commencent à monter les stands du marché quotidien qui ouvrira dans l’heure à venir.

Le soleil montre déjà la moitié de son visage lorsqu’Henry pose son pied sur le pont du navire. On lui indique un coin en fond de cale où poser son caisson. Il s’agit d’un simple bateau de pêche d’une dizaine de mètres qui représente la sobriété même. D’un marron terni par le sel et le soleil, sans fioritures ni figure de proue, il est discret. Seul son nom le différencie de sa centaine de semblables : Léopoldine. L’origine en est inconnue, ce qui ne pose aucun problème étant donné que personne ne se pose la question. Henry s’approche du capitaine. Des mains sont serrées, les amarres sont larguées.

Le port s’éloigne petit à petit.

Henry ne lui jette qu'un regard furtif. Il ne reviendra probablement jamais et ne s'encombre d'aucun regret. Simplement une petite nostalgie qui s'évapore dés que le petit point noir disparaît à l'horizon.
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