Kamorrah Kaiju

-Kamorrah?, s'étonna miss Haylor.
-C'en a bien l'air, ouais. C'est comme ça qu'ils appellent le monstre. Il parait que ça veut dire le Dévoreur, dans une langue morte.
-Le Submergé, Sigurd. C'est ça que ça veut dire.
-Oh. Vous vous y connaissez en langues anciennes?
-Surprise. Oui, je sais des choses.

-Oh, y'a pas à mal le prendre, hein. Par contre j’vous jure qu’ils disent que ça veut dire le dévoreur.

Tanuki, en début de soirée. Cela faisait maintenant quelques jours que l'Esprit de Nowel, l'unique navire à la disposition de la Santagricole, avait débarqué la petite troupe d'humanitaires sur l'île de la civilisation du mouton. Tout avait commencé quelques semaines plus tôt, lorsqu'un très grand nombre d'agriculteurs avait déploré la survenue d'un terrible sinistre ayant frappé leurs terres. Des champs entiers ravagés en leur absence par un on ne sait quoi qui avait laissé de gigantesques sillons de terre retournée sur son chemin. Au début, on avait cru à un genre de vaste outil destructeur, un genre de grand chariot malveillant, peut être une nouvelle super-arme que la marine ou dieu seul savait quelle faction avait décidé de mettre à l'épreuve sur le sol de leur île. Ça n'était encore jamais arrivé, mais les habitants de Tanuki avaient l'habitude des mauvaises surprises apparentées, et étaient devenus particulièrement méfiants - certains diraient paranoïaques - lorsque des événements étranges leur arrivait. Avec son image de pauvre petit territoire agraire dépossédé de tout pour dévaloriser les habitants de l'île, nombreux étaient les extérieurs à penser pouvoir faire tout ce qu'ils voulaient de répréhensible dans le secteur sans s'attirer d'ennuis. Et on n’aimait pas ça.

Bien vite, pourtant, on avait fini par remarquer des signes qui ne trompaient pas. Des déjections énormes écrasées sur elles mêmes du fait de leur poids, de longues empreintes de successions d'écailles ayant impitoyablement déformé le sol, et quelques autres qui pointaient clairement du doigt l'existence d'une créature géante qui se promènerait désormais sur Tanuki.

Et là, les choses étaient devenues pires.

-Un monstre marin? Et puis quoi d'autre encore?, avait objecté Evangeline.
-Baaah... ça existe. On en a déjà vu, et j'en ai vu encore plus sans vous. Vous vous souvenez?
-Bien sûr. Mais il s'agissait de monstres marins. Alors que là...
-Ça pue le sel, les algues et la matière en décomposition. Z'avez qu'à aller voir, puisque c'est pas déjà fait.
-Mmmh... et qu'est-ce que ça pourrait être, comme monstre, alors?
-Chuis pas sûr que qui que ce soit ici ai vraiment envie d'savoir. Heureusement qu'on a la marine pour gérer ça, hein. Les pauvres gars qui font des patrouilles de nuit et prennent la mer avec des barques tout en priant pour ne pas tomber sur une bestiole abominable... mwarharh, j'ai carrément pas envie d'être à leur place.
-Et ça tombe bien, nous ne sommes pas là pour ça.

Effectivement. Les volontaires de l'Ordre des Chevaliers de Nowel s'étaient s'étaient joints aux efforts des locaux pour tout d'abord tenter de sauver ce qui pouvait l'être des cultures endommagées, avant de procéder aux réparations portant sur les parcelles détruites. Le gouvernement mondial avait comme il se doit puisé dans ses fonds d'assistance et de secours pour permettre à l'île de Tanuki de faire face à la difficulté ; sur l'invitation de Dogaku, ils s'étaient également rapprochés du royaume de Luvneel qui avait répondu favorablement à cet appel. Mais plus que tout, c'était de bras que l'île avait besoin.

Pour leur part, la Santagricole et HSBC avaient dépêché un peu plus d'une trentaine de personnes sur Tanuki, tout en lançant un appel à la mobilisation secondé par les grandes figures de l'île, et quelques politiciens opportunistes. A nouveau, leur influence Luvneeloise s'était fait sentir, et pas qu'un peu.

Quelques autres groupes s'étaient emparés de l'affaire, dans des proportions plus ou moins modestes. Au total, c'était quatre bonnes centaines de volontaires qui s'étaient joints à l'initiative des chevaliers de Nowel, pour atteindre un total de bénévoles relativement confortable.

Ce qui n'était strictement rien à l'échelle de North Blue ou même des territoires avoisinants. On attendait encore un geste du gouvernement mondial, qui avait promis d'assigner quelques marines à ces travaux. En attendant, les militaires qui constituaient la garnison locale des forces de la mouette s'efforçaient de se rendre aussi utiles que possible.

Et pendant quatre, cinq jours, tout se passa le mieux du monde. En bonne partie parce que la chose avait réduit son activité de surface, et qu'elle avait prit l'habitude de ne pas s'aventurer vers l'intérieur des terres, parmi les zones les plus sensibles. Au contraire, les travaux conjugués des hommes portaient clairement leurs fruits, et avaient permis de limiter les pertes au minimum. Tant et si bien qu'on en retirait presque de la satisfaction. Sous l'impulsion d'un des seigneurs locaux, le lord Althias de Mistoltin, les intervenants avaient su se coordonner efficacement pour agir au mieux. On retenait également à ce propos l'intervention de deux des chevaliers de Nowel, à savoir Evangeline Haylor et Sigurd Dogaku, qui avaient donné de leur temps, de leur énergie, et mis leurs talents à contribution pour agencer les choses de la meilleure des manières.

Tout ça jusqu'à ce que plusieurs marins de la marine marchande, porteurs d'un long courrier souhaitant se ravitailler sur l'île, n'ait la chance d'être les témoins de l'émergence de Kamorrah: la plus grande des tortues jamais aperçue au large de Tanuki. Un monstre gigantesque que l'on ne prendrait pas encore la peine de développer, pas plus que l'on n'expliciterait les conséquences de la confirmation d'une telle rumeur pour Tanuki. Les chasseurs de monstres, les amateurs de spectaculaire, les journalistes du sensationnel débarqueraient par dizaines, tandis que d'autres acteurs sensiblement plus importants s'intéresseraient au fait divers.

Mais pour l'heure, nous nous attarderons sur la présence d'un groupe bien particulier au sein de la mécanique redoutable des bénévoles de Tanuki.

Des révolutionnaires.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 3 Aoû 2016 - 22:47, édité 2 fois
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-J’ai envie de poutrer du marine. lanca un révolutionnaire à Richard
-Je suis désolé de vous l’annoncer, mais vous risquez de vous ennuyer sur cette île si c’est de la violence que vous cherchez. lui répondis-je
-Et on est venu faire quoi ici ?
-De l’humanitaire ! répondit un révolutionnaire qui se tenait à ma droite

Rassemblé autour d’une table au fin fond d’une cale d’un navire marchand, J’étais en train de discuter avec un petit groupe de révolutionnaire qui avait pour objectif de se rendre sur Tanuki. L’objectif de la mission ne m’avait pas vraiment été précisé, mais tout ce que je devais savoir et qu’il s’agissait d’une mission humanitaire. J’aimais bien ce terme d’humanitaire puisque cela signifiait que j’allais changer mes habitudes qui étaient de surveiller des gens, neutraliser des éléments perturbateurs, etc. Ma mission si je la comprenais bien serait d’aider des gens en difficultés et d’améliorer leur quotidien. Pour moi il s’agissait de la base de la révolution, mais visiblement ce n’était pas le mode de pensée dominant du groupe. En effet, le but de ce groupe selon leurs chefs serait de renverser le gouvernement, de bouleverser l’ordre des choses pour créer de nouvelles bases ce qui n’était pas ma vision. La mienne, plutôt optimiste, consistait à venir en aide aux personnes par des petites actions au quotidien que le gouvernement ne peut pas faire par manque de temps ou d’autres raisons que j’ignore.

J’étais donc autour de la table avec deux hommes et deux femmes. Je me rendais compte que Freeman aimait la mixité sociale au sein de ses groupes d’intervention. Si j’étais le sage et l’érudit du groupe, il y avait également Johnson qui était l’homme qui voulait frapper sur quelqu’un. Ce dernier avec sa carrure d’armoire à glace et son visage marqué par le combat était ici pour une raison que j’ignorais. Soit il était le garde de corps du groupe, soit il y avait des chances de se battre ou alors il était en simples vacances ici. La dernière option me fit sourire car je m’imaginais mal venir ici pour mes vacances même si cette île était réputée pour son fameux tournoi de Sheepball. Si Johnson me paraissait peu chaleureux, c’était surtout cette manie de l’appeler Sergent Johnson qui avait tendance à me titiller.

Il y avait ensuite et face à moi un certain Désiré. Il était pludto discret même si au fond de moi je savais qu’il était capable de faire de grandes choses. Lorsque je tentais de l’analyser, celui-ci cachait son regard à l’aide de sa longue chevelure blonde qui contrastait avec sa carrure de jeunot. Cependant je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il avait des trapèzes plus développés que la moyenne, ce qui devait être le fruit d’un entrainement musculaire important.

À ses côtés, deux femmes dont l’une était assez agréable à regarder. Celle-ci s’appelait Camille et tout comme moi elle semblait vouloir aider les gens au quotidien. Je me disais qu’elle pourrait être une collègue de travail sympathique bien qu’étant un peu trop jeune. L’autre femme, Adrienne d’après les autres. Il s’agissait d’une forcenée du travail, cherchant absolument à tout faire le jour même. Si je la trouvais gentille, il m’arrivait parfois d’être irrité lorsqu’elle devenait impulsive.

La joyeuse bande était donc autour de cette table à spéculer sur la mission future. Ils avaient eu ordre de se joindre à la bande de bienfaiteurs qui était venue donner leur aide sur cette île. De ce que je savais de cette  compagnie, elle était dirigée par un certain Sigurd Dogaku. Si ce nom ne disait rien à la plupart des mortels, j’avais eu vent de ses exploits à Pan Peter où il dirigea avec l’aide de Santa Klaus et d’un certain CAPSLOCK l’opération visant à arrêter un criminel notoire. Pour moi il ne faisait aucun doute que je devais rencontrer ce civil qui se comportait comme le révolutionnaire que j’avais toujours souhaité devenir.  

Le navire marchand sur lequel je naviguais venait d’arriver à bon port. Je descendis avec ma bande de ce dernier et me dirigeai rapidement vers la petite bourgade qui s’offrait à nous. Ce que je vis me surpris. Les champs étaient dévastés par ce qui semblait au premier abord être une tempête, mais qui au final se révélait être l’œuvre d’un animal selon les locaux. C’est l’un des propriétaires des terres qui me l’annonça et qui m’expliqua que c’était l’œuvre de Dieu, qu’il était en colère pour les mauvaises actions qu’il avait pu faire. Je ne voulais pas me moquer de lui, mais je n’étais pas du genre à croire en la religion, j’étais un scientifique après tout, il me fallait des preuves quant à l’existence de la matière, des éléments etc. J’inspirai donc un grand coup tandis que les autres membres de la bande vaquaient à leurs occupations, puis je lançai à mon interlocuteur

-Vous savez mon ami, je ne pense pas que ce soit l’œuvre de Dieu ou de toute autre créature divine.
-Et qu’est ce qui ferait ça alors ? me lança l’exploitant des terres dévastées
-Ca je ne le sais pas encore, mais au vu des dégâts cela me fait penser à l’œuvre d’une machine mécanique ou d’un géant.
-Un géant ? On a pas de ça chez nous et les machines mes voisins et moi on en a pas.
-Dans ce cas mes collègues et moi allons essayer de trouver le responsable.

Je me retournais vers mes collègues en leur indiquant les propos recueillis auprès de l’agriculteur.  Pour moi il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait de l’œuvre d’un être vivant de grande taille, après quoi précisément, ça je ne le savais pas. Quoi qu’il en soit nous nous dirigions vers le cœur de ville afin de trouver le groupe humanitaire. Je tentais en vain de trouver la réponse à mon problème, mais personne ne semblait informé ou alors on refusait de m’aider. Je commençais à désespérer lorsque Camille arriva avec le précieux sésame. Le groupe que nous recherchions était installé dans un bâtiment avec une devanture où était écrit : « QG des gentils organisateurs ». Je ne savais pas d’où venait le nom, mais cela me fit rire et visiblement je n’étais pas le seul à penser cela. Il n’y avait que Johnson qui rouspéta et trouva que le nom était gnian gnian, mais personne ne prit le soin de l’écouter. Je m’avançais donc vers la porte, puis je l’ouvris avant de tomber sur une grande pièce où un nombre important de civils étaient présents. Je laissai mes collègues rentrer, puis une fois la porte refermée je lançai à l’assemblée

-Excusez-moi de vous déranger, mais est-ce que l’un d’entre vous est Monsieur Dogaku ?

Tous les regards se portèrent sur moi tandis qu’un homme au fond de la salle se retourna.


Dernière édition par Richard Bradstone le Mer 26 Aoû 2015 - 20:39, édité 3 fois
    -Non, il est aux toilettes.
    -Mais nous pouvons peut être vous aider ?, rebondit un autre personnage. Vous faîtes partie des victimes ?
    -Non. Ils ne sont probablement pas d’ici, remarqua une jeune femme. N’en ont pas l’air, ça c’est sûr. Vous êtes ?
    -Professeur Richard Bradstone, répondit le quarantenaire en se présentant avec élégance. Mes collègues et moi-même sommes venus ici en réponse aux appels à l’aide des autorités locales. Notre groupe a vocation à apporter son aide à qui de droit, pour peu qu’il soit dans le besoin. Mais en l’occurrence, compte tenu de l’organisation que vous avez déjà mise en place, il nous semble bien plus opportun de nous joindre à votre action. Vous apporter notre aide, si vous le voulez bien.
    -Oooooh! Merveilleux. Tout le monde est invité avec plaisir, vous en faîtes pas. L’important, c’est la motivation et la volonté de se rendre utile. A partir de ça, chaque membre compte, répondit l’un des éleveurs en rayonnant. Merci beaucoup!
    -Ben voyons, et les bisounours dans tout ça ?
    -Tout doux, Johnson.

    -A ce propos, d’ailleurs. Votre groupe. Vous êtes combien, en tout ?
    -Une trentaine de personnes.
    -Huhu. Et vous venez de ?

    Les révolutionnaires réagirent différemment à cette question, certains d’un sourire habitué, d’autres d’une légère grimace crispée. Deux d’entre eux échangèrent un regard, attendant de voir ce que Bradstone allait répondre. Ils réalisèrent en cet instant qu’ils n’avaient pas encore décidé s’ils affirmeraient leur allégeance ou pas, et commencèrent vaguement à le regretter. Ca n’était jamais un choix facile, lorsqu’ils faisaient autre chose que de taper des gens, renifla Johnson. Une vraie guigne.

    -Mmmh… de divers horizons, pour tout vous dire, esquiva le professeur. Mes collègues et moi-même formons un assemblage particulièrement hétéroclite qui ne cesse jamais de me surprendre. Je suis personnellement originaire de South Blue, mais nous rassemblons dans notre équipe des individus en provenance des six océans.
    -Vous faîtes partie d’un groupe en particulier ?
    -Mmmh… pas exactement.
    -C’est-à-dire ?
    -Ma foi…
    -…
    -Je suis désolé de vous l’annoncer, mais il s’agit d’un point que je préférerais évoquer auprès de monsieur Dogaku.

    Un regard curieux. Telle était l’expression qu’affichèrent quelques-uns des volontaires présents dans la salle. Bradstone s’était exprimé aussi naturellement que possible, et avait habilement réussi à faire passer son message sans créer la moindre tension dans l’assemblée. C’était un art que le professeur, en bonne partie dû à son tempérament et ses dispositions pacifiques, maîtrisait comparativement bien mieux que la vaste majorité de ses partenaires.

    -Très bien, mais vous allez devoir attendre pour le voir. Il donne une présentation sur leur plan d’action dans moins d’un quart d’heure, et aura besoin de se préparer. ‘Fin… Evil va tous nous tuer si on ne parvient pas à faire en sorte qu’il soit là à l’heure, quoi.
    -Evil ?
    -Oh, euh… c’est la… boh, rien du tout. Mais tant que j’y pense… vous devriez assister à cette présentation. Si vous voulez nous rejoindre, je suis sûre qu’elle vous apprendra plein de choses sur la situation.
    -Oh. Eh bien, ma foi… certainement, acquiesça Bradstone.

    *
    *     *
    *

    Evil, c’était le surnom venimeux qu’une part non négligeable du personnel de la Santagricole et d’HSBC, mais aussi des chevaliers de Nowel, attribuait occasionnellement à Evangeline Haylor en hommage à ses plus mauvaises heures. D’un naturel discret et réservé, la jeune femme pouvait devenir une véritable harpie dès lors que l’on avait le malheur de dépasser les bornes avec elle.

    En l’occurrence, pourtant, c’était avec un calme et un professionnalisme frôlant le mécanique que la jeune femme s’exprimait devant son auditoire.

    -… mais heureusement, nous disposons des fonds du gouvernement mondial, et d'autant en provenance de Norland pour soutenir l'action. Je vous ai préparé un budget qui vous permettra d'avoir une idée des grandes masses de dépenses qui nous a semblé la plus appropriée pour employer ces sommes. Notez que les autorités de l'île ont décidé de nous déléguer la gestion de ces fonds publics, tout en gardant un droit de réserve, de contrôle et d'information sur l'usage que nous en ferons. En conséquence...

    La réunion qui se tenait actuellement avait lieu dans l'énorme salle des fêtes qui servait à l'occasion de point de rassemblement de la grande communauté de Tanuki. Parmi les spectateurs, on retrouvait la majorité des notables de l'île, ainsi que des éleveurs, des agriculteurs, de simples propriétaires, des artisans de tous horizons, et toute personne qui se sentait un tant soit peu concernée par le désastre qui ravageait quelques portions de l'île en ces sombres moments. On pouvait également relever la présence de quelques émissaires du gouvernement mondial, qui avaient décidé d'être plus près de leurs sous qu'en temps normal, de journalistes à l'affût, aussi désireux de couvrir l'affaire du monstre géant que d'observer une autre intervention des chevaliers de Nowel, et d'une poignée d'officiers de la garnison locale de la marine mondiale. Ainsi qu'un trio de fonctionnaires Luvneelois, l'un sous les ordres de la couronne, qui se souciait de plus en plus -et pas toujours en bien- de ce que parvenaient à faire les deux HSBC, les deux autres relevant de la cité de Norland, et entièrement acquis à la cause d'Haylor et de Dogaku.

    Sur l'estrade, on retrouvait Sigurd Dogaku et Althias de Mistoltin, qui venaient tout juste d'achever de faire le point sur l'avancée des travaux, l'estimation des dégâts, et les propositions d'actions qui avaient êtes retenues suite aux premières concertations. C'était maintenant le tour de miss Haylor de présenter les aspects financiers de l'organisation qu'ils adopteraient : elle se chargerait des grandes lignes tandis que son collègue plus opérationnel interviendrait pour les questions pratiques, pour peu qu'elles soient posées.

    Et en l'occurrence, il y avait bien un homme pour aller gratter les petites bêtes dans leur présentation. Un officier de la marine.

    -Il y a quand même des points qui me semblent bizarres et même... vraiment anormaux, dans vos papiers. Si vous regardez les trucs qui coûtent le plus... les travaux et la rénovation, c'est parfaitement normal, mais... alimentaire et hébergement?
    -Bien sûr. Nous avons besoin de manger, de dormir et d'être propres. Même les bénévoles ont un train de vie, si vous préférez ces termes.
    -Sacré train de vie, appuya le soldat. Populaire si c'est pas bourgeois, ça. Si on divise ça par... vous êtes combien?
    -Eh, oh, tout doux, décida d'intervenir Sigurd. Le train de vie pauvre et misérable, c'est bon pour les pirates ou les révos, mais nous on va faire sans, hein.
    -Je pense au contraire que tout le monde serait très intéressé de savoir comment...
    -Stop! On a très bien calibré notre truc. Haylor, dîtes lui.
    -Nos fournisseurs directs et exclusifs seront les habitants et les services de Tanuki. Vous devriez comprendre ce que ça signifie.
    -Vous gaspillez du fric en masse.
    -Pas le moins du monde. Nous utilisons l'argent publique pour financer les exploitants de votre île, qui viennent tout juste d'essuyer un grand revers, en leur permettant d'écouler immédiatement leur production auprès d'une armée de bras peu onéreux qui ne regardent pas trop à la dépense.
    -Et qui travaillent à réparer la casse, renchérit Dogaku. On vous paye pour que vous nous aidiez à vous aider. Plutôt que de vous filer les sous et puis point barre, on fait tourner les commerces tout en mettant la main dans le cambouis.
    -Pas besoin d'enrober votre manip' avec un beau discours. Donc vous avouez cracher vos sous exprès?
    -Dans ce genre de situations, repris Haylor, un budget est fait pour être utilisé intégralement, pas pour être conservé. Nous avons fait ce choix. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'optimiser. Si l'on parvient à rogner sur certains postes de dépenses et...

    Ils avaient affaire à une très mauvaise tête butée, visiblement. Les deux chevaliers de Nowel avaient beau déployer argument sur argument, et expliquer posément au militaire comment les choses se faisaient en temps normal, ce dernier n'en démordait pas sur son point de base : le train de vie de chacun était bien trop élevé, ce qui correspondait clairement à une dérive.

    -Et puis bon on se calme, hein, répliqua fermement Dogaku. Le jour où la marine fera des efforts pour pas cracher trop de fric, comme vous dîtes, ça se saura. En attendant on croise beaucoup d'équipages pirates qui font leurs courses chez vous, que ce soit pour récupérer des armes ou des navires, et je parle même pas des réparations à la noix que vous avez souvent à faire à cause de dégâts infligés par des pov' gars isolés pour tel ou tel prétexte. Du coup on leur balance une grosse prime pour pas avoir l'air trop con et... on finance les chasseurs de primes dans la foulée pour balancer encore plus de fric par les fenêtres? S'chouette. Et ne me lancez absolument pas sur les dégâts collatéraux que vous, la marine, vous occasionnez régulièrement chez nous, parce que là, je vous jure que je n'arrêterais absolument jamais. Alors franchement, si on décide de donner aux gens de l'argent qui leur était destiné de toute manière, venez pas nous lourder.

    L'officier ne savait pas ce qu'il détestait le plus. Soit l'air sec, cassant et horriblement sûr de lui que Dogaku employait, ou la multitude de remarques approbatrices qu'il releva tout autour de lui. Chez les civils, et pire encore, chez les envoyés du gouvernement. Il s'en sentait presque trahit. Il fallait pourtant suivre le point de vue de ces personnes: ils avaient beau faire honnêtement leur travail, et émettre des rapports entiers de recommandations adressées aux forces de la marine, presque rien n'était jamais fait. Alors entendre quelqu'un, à fortiori un civil, vomir au visage d'un marine ce qu'eux même avaient pris soin de développer sur des centaines de pages était une vengeance délicieusement bienvenue.

    C'était un regard extérieur qui les confortait dans leurs propos: ils avaient raison.

    Et c'est cet air de satisfaction qui acheva de faire taire le militaire. Aussi ne broncha-t-il plus un mot pour le reste de la réunion, tout vexé qu'il était.


    *
    *     *
    *


    -Qui est cette femme?, demanda de Mistoltin.
    -Elle fait peur, hein?, indiqua Sigurd en souriant, tout fier.
    -Heu… pas exactement, mais... donc?
    -C'est mon monstre de compagnie. Si y'a du boulot à abattre, elle l'engloutit comme un grizzli goberait de la poiscaille. D'un seul coup, pas besoin de mâcher. C'est Haylor, quoi.
    -...
    -Une ancienne collègue de la milice. On cartonnait comme des dieux en duo, et je suis vraiment sérieux en disant ça, mais le pays a désarmé une partie de sa flotte quand il a rejoint le GM. On s'est recroisés des mois plus tard, j'ai réussi à la recruter parmi les chevaliers de Nowel, on a monté une pompe à cash assez marrante complètement couteau-suisse, on fait tourner l'affaire comme des ténors... et voilà pour le truc. L'train de vie exorbitant, c'est vraiment rigolo, et maintenant moi aussi je peux l'faire!

    Les deux hommes se faisaient maintenant face, chacun d'un côté d'une petite table sur laquelle était posé un Monopoline. La situation était tendue. Sigurd avait réussi à se faire verrouiller sur la case prison, ce qui présentait l'avantage indéniable, en fin de partie, de le tenir à l'abri des hôtels de son adversaire. Mais il s'agissait d'un temps précieux pendant lequel il ne pouvait pas s'approprier la quatrième bretelle de Reverse Mountain, et Mistoltin s'en approchait dangereusement. Si l’autre s'en emparait, il empêcherait Dogaku de bénéficier d’un multiplicateur quintuplé sur ses voies de Grand Line, ce qui lui aurait vraisemblablement assuré la victoire à tous les coups.

    À trop jouer sur la défensive et à contrecarrer les plans de l'autre, chacun des joueurs contribuait à éterniser encore un peu la partie. Il suffisait pourtant d'un simple faux pas pour clôturer le jeu. Sigurd avait réussi à construire un hôtel sur Marijoa. Si par malheur son adversaire tombait dessus...

    -Hem hem. Monsieur Dogaku? Des personnes demandent à vous voir.
    -Oh?

    Interruption. L'un des majordomes de l'armateur, chargé d'un imposant plateau porteur d'une collation d'envergure, venait de s'avancer.

    -Allez-y, pas de prob'. C'est pour?
    -Un nouveau groupe de bénévoles qui souhaitent se joindre à nous, intervint un travailleur de la Santagricole en lui emboîtant le pas. Un petit groupe de cinq, mais ils ont l'air d'être plus nombreux.
    -'Kay.

    Deux femmes et trois hommes furent introduits dans la pièce, avec en tête de bande le plus âgé d'entre eux, un quarantenaire à la barbe fleurie et soigneusement entretenue. Allez savoir pourquoi, Dogaku mourrait d'envie de l'appeler Professeur, tant il ressemblait au stéréotype de l'enseignant universitaire que son cerveau avait concocté au fil des ans. Un agrégé d'Histoire, un maître de conférences, des titres dont il ne connaissait pas la portée, mais qu'il attribuait volontiers au personnage.

    -Bonjour à tous, salua Dogaku, presque professionnel. Vous êtes..?
    -Venus faire de l'humanitaire, indiqua l'un des trois hommes, sarcastique.
    -Nous sommes venus vous prêter main forte pour aider les habitants de l'île. Professeur Richard Bradstone, pour vous servir.
    -Mais si on peut se concentrer sur la chasse du monstre géant, c'est très bien aussi, hein.
    -Nous venons d'assister à votre petite présentation, poursuivit le barbu sans discontinuer. Je dois dire que j'ai été agréablement surpris de l'efficacité avec laquelle vous organisez ces travaux, et...
    -On aurait limite mieux fait de proposer de l'aide à la marine. Casser du monstre, c'est mieux que de plonger les mains dans la...
    -Boah, vous savez, c'est pas plus compliqué que de préparer une très grosse récolte, mwarharh. J'ai eu l'occasion de faire ça dans la Santagricole. Euh, vous connaissez peut être, la boîte de Santa Klaus. Qui finance les chevaliers de Nowel.
    -Bien évidemment! Nous avons étudié notre sujet avant de venir. Pour tout vous dire...

    Et c'est ainsi que le révolutionnaire commença à faire connaissance avec le chevalier de Nowel. Bradstone était un homme d'expérience, et un homme méticuleux. Il ne tarderait pas à aborder avec Dogaku les dispositions logistiques, concernant l'hébergement et la prise de fonction de sa petite bande de gris. Mais c'était avant tout un homme de culture et de convictions, qui trouvait un réel plaisir à discourir sur les sujets qui lui tenaient à cœur. Sans surprise, il espérait trouver dans son interlocuteur quelqu'un à la hauteur de ses aspirations.

    -Eh bien c'est assez particulier, haha. Pour tout vous dire, au début, je visais plus un travail tranquille pour faire mon trou quelques années, en rejoignant les Nowel. Et puis, faire de trucs utiles, c'est bon pour le moral... c'est plutôt gratifiant, quoi. Sauf quand les lubies de Santa Klaus nous poussent dans des opérations suicide type seuls contre tous où on se retrouve à tacler deux milles pirates qui prennent des îles à dix mille âmes en guise d'otage, mais c'est une autre histoire. Mais à part ça, c'est vrai que j'aime beaucoup ce que je fais. Et comme le premier truc qu'on a monté, c'est un cabinet d'affaires, c'est vachement bien payé en plus, mwarharh. Parce que le bien dans le monde passe aussi par une économie prospère et équilibrée! J'adore dire ce truc, c'est tellement vrai en plus.

    Il s’agissait de découvrir l’autre, mais aussi de se faire connaître. Bradstone avait l’avantage indéniable de l’expérience et du poids des âges, ce qui lui procurait une richesse d’anecdotes et d’historique qu’il pouvait partager avec le blondinet pour se mettre tout à son avantage. Peut-être trop, en fait. Bien vite, la modestie et l’humilité naturelles du révolutionnaire veillèrent à s’exprimer :

    -Non, non, je ne suis pas du tout le meneur au sein de notre petite bande de volontaires, loin de là. Pour tout vous dire, je doute sincèrement avoir les compétences requises, et la prestance, ou encore... comment dire... les épaules pour assumer une telle fonction. Considérez-moi simplement comme un ambassadeur désigné de manière informelle par mes collègues. Certains d'entre eux n'ont pas la patience pour tout ce qui relève du... relationnel, mettons.
    -Mwarharh, ça je connais. Ils préfèrent taper, sûrement?
    -Euhm... certains, oui.

    À cet instant, Bradstone marqua un instant d'hésitation. Il venait de buter sur l'une des questions qui le taraudait depuis quelques jours, à savoir son identité de révolutionnaire. Devait-il annoncer aux civils qui ils étaient? C'était dangereux. Tanuki comportait une garnison de marines qui ne demandaient qu'une simple dénonciation pour leur tomber dessus sabre au clair ; et compte tenu de leurs faibles effectifs, ils se feraient tailler en pièces en un instant. Ceci d'autant plus que les révolutionnaires n'avaient pas de soutien ni de cinquième colonne ou d'agents dormant sur Tanuki. Nul part où se cacher, et aucune aide possible. Les locaux n'avaient aucune sensibilité révolutionnaire, pas plus qu'ils n'étaient importunés par le gouvernement mondial. La civilisation du mouton existait ignorée de tous, ce qui était très bien.

    Mais d'un autre côté, il pensait aux civils. Peut-être valait-il mieux pour eux de savoir avec qui ils s'engageaient. Bradstone ne connaissait que trop bien quelles sanctions pouvaient s'abattre sur les "collabos", ces prétendus traîtres au gouvernement mondial qui s'acoquinaient avec des gris. Qu'il s'agisse de vrais sympathisants ou de simples civils malchanceux, rares étaient ceux capables de s'en tirer à bon compte, pour peu qu'ils s'en tirent tout court.

    Et compte tenu de ce risque, le professeur avait envie d'en informer son interlocuteur. Il s'agissait de le prévenir. C'aurait été correct.

    Mais dans ce cas, il aurait pris le risque de s'exposer à la marine, lui et les siens. De même, ils n'étaient pas venus ici pour rien. Leur mission était d'aider des gens, comme l'avait indiqué Dogaku. Et c'était une tâche que le quarantenaire jugeait aussi importante que n'importe quelle autre au sein de son organisation ; c'était exclusivement pour ça qu'il avait rejoint le Dragon. C'était une organisation qui en avait les moyens, tout simplement.

    Aussi prit-il la décision de ne rien dire, et de garder le secret. Bradstone était un révolutionnaire: un habitué de la clandestinité. Il travaillerait dans l'ombre s'il le fallait, pour l'exacte même raison que Dogaku ou Santa Klaus oeuvraient chez les Nowel. Parce que c'était la bonne chose à faire.

    Même si pour cela, il lui fallait mentir, et mettre ces gens en danger. Ce qui lui paraissait absurde, et qui le tiraillait.

    Inutilement, il l'espérait. Car tout se passerait bien.

    N'est-ce pas?


    Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 3 Aoû 2016 - 22:55, édité 1 fois
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    Un gros tas de terre dans une brouette.  Un sentier qui parcourait les champs. Et toute une succession de cratères et de monticules qui rendaient le chemin impraticable pour tout attelage, sans même parler des arbres abattus et de quelques autres mauvaises surprises aménagées par le monstre amphibie. Autant de travail pour les deux centaines de volontaires et les locaux qui devraient bien réaménager les champs pour en continuer l’exploitation.

    Et pour ce faire, presque toutes les personnes en état physique suffisant mettaient la main à la pâte. Contrairement à ce qu’on  pourrait croire, Sigurd se révélait particulièrement à l’aise pour ce genre de tâche. Il avait beau être paresseux, il avait longtemps servit comme marin et avait eu plus que sa part de réparations fastidieuses et bricolages divers à effectuer. Il connaissait également très bien Tanuki et le quotidien sur l’île.

    Aujourd’hui, ç’avait été une très longue matinée qui venait de s’écouler. Pour s’éviter de travailler aux heures les plus chaudes, tout le monde s’était aligné sur le rythme de la vie agraire, ce qui avait donné lieu à plus de six heures de travail matinal. Et pour requinquer les travailleurs après tant d’efforts, de grands banquets les attendaient un peu partout sur l’île.

    -La daaaalle.
    -Et ça sent vraiment méga trop bon…
    -On peut attaquer tout de suite, vous croyiez ?
    -Raf, répliqua Sigurd en attaquant un tas de légumes avec avidité.

    Crudités, soupes, salades et gaspachos semblaient majoritaires sur l’énorme tablée dressée pour leur retour. C’était comme si des végétariens avaient pris le pouvoir sur la conception des menus, au grand dam des amateurs de viandes qui ressortaient tout juste des travaux des champs. Ce qui ne les empêcha pas de se jeter sur la nourriture, tant ils avaient faim.

    Pourtant, bien vite et en dépit de son appétit, Sigurd se désintéressa de son plat pour se concentrer sur tout autre chose. Sur quelqu’un d’autre, pour être précis.

    Richard Bradstone, le porte-parole de leur dernière bande d’arrivants, trop bien vêtu pour avoir pris part aux grands travaux. Celui à qui il détaillait généralement de tous les points logistiques qui pouvaient intéresser les gris. Où loger, où manger, quel chantier rejoindre… tant de trivialités organisationnelles.

    Et il se trouve que ce Richard Bradstone était en grande conversation avec sa partenaire, miss Haylor. Très agréablement vêtue pour l’occasion, d’ailleurs. Peut être s’était-elle mise à la mode champêtre ensoleillée, car sa robe du moment était bien plus légère qu’en temps normal. Les deux mangeaient à peine et ignoraient largement le grand assemblage de mets qui se présentaient à eux. Ils étaient bien trop occupés à échanger et à…

    Rire aux éclats…

    … en s’échangeant des regards complices…

    … et en parlant allègrement de sujets qui les captivaient...

    ... sans prêter aucune attention au reste, et surtout pas à lui et à ses mouvements de bras.

    Sigurd ne put s’empêcher d’être froissé par ce qu’il voyait. Il avait beau la côtoyer quotidiennement, il ne se souvenait pas l’avoir jamais vu s’esclaffer de cette manière. Et ça n’était pas faute de multiplier les pitreries pour la dérider, loin de là. Il parvenait très facilement à l’amuser ou à lui arracher un rire ou un sourire, ça n’était pas le problème.
    Pourtant, les échanges répétés qu’il avait eu avec Bradstone n’avaient jamais illustré le professeur comme un grand comique. Un homme sérieux, un homme cultivé, un homme de lettre et expérimenté, sans aucun doute. Il le supposait porté sur les traits de l’esprit, mais dans le subtil, pas dans le…

    Et puis, soudain, Sigurd senti sa mâchoire descendre jusqu’à hauteur de sa poitrine. Evangeline venait de poser ses mains sur les épaules du quarantenaire, et susurrait doucement on-ne-sait quoi à son oreille. Tout ça avec un grand sourire ravi qui lui…

    -Aaaaaaaaaaaargh !
    -Sigurd, ça ne va pas ?

    Retour sur terre. Dogaku pu constater qu’il s’était levé, se tenait à moitié penché sur la table, et qu’il avait les mains plongées dans deux plats de salade pour se tenir droit. Plusieurs personnes le regardaient étrangement, aussi.

    -Euuuuh… haha… mwarharh… nan. J’avais cru voir un truc, faussa-t-il en essayant de se nettoyer les mains avec la nappe. Fausse alerte. Et puis… euh… toilettes, désolé.

    Ca n’était pas normal, mais il exagérait encore à réagir comme ça. Oui. Il se représentait sûrement des choses. Il verrait ça plus tard, une fois les idées remises en place. Pour le moment, il lui fallait se débarrasser du tartare d’avocat poisseux qui lui huilait les doigts.

    - Sigurd ! Je voulais vous voir.
    -Oh. Ah. Euh.

    A moins qu’on ne vienne le voir directement, bien sûr. Evangeline l’avait vite repéré, et étaient venue droit sur lui. Avec le professeur Bradstone dans son sillage, puisqu’elle le tenait par le bras. Ce qu'elle ne cessa pas même après avoir vu que son regard était resté plus de dix secondes dessus.

    -Vous connaissez le Professeur, non ?
    -Oh. Ouaaaais…

    Une question qu’il aurait bien voulu lui retourner, même si ç’aurait été très peu subtil. Et il ne se gêna pas pour le faire, d’ailleurs.

    -Mais surtout, z’avez l’air de très bien vous connaître, vous deux. J’me trompe ?


    Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 3 Aoû 2016 - 23:01, édité 1 fois
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    -Il serait exagéré de dire que nous nous connaissons très bien, mais effectivement j’ai rencontré votre charmante amie il y a de cela quelques années maintenant lorsque j’étais à la recherche de la Dracula Radiosa, une plante dont la particularité est de…

    Je ne pouvais plus m’arrêter de parler, ce qui semblait agacer de plus en plus Sigurd mais qui bizarrement n’avait pas l’air de déranger plus que cela Evangeline. De toute ma vie, elle devait faire partie de cette minorité qui arrivait à supporter mes discours à rallonges sans broncher et moi-même je me demandais comment elle pouvait faire cela. Sigurd s’interposa car il ne pouvait plus rester ici sans agir. Il s’appuya donc sur le bord de la table, ce qui a mon sens montrait qu’il était légèrement irrité avant de me dire

    -Richard cela va bientôt faire une heure que vous nous parlez de cette plante, mais je ne vois toujours pas à quoi elle peut ressembler.
    -Vous faites bien de me le dire mon ami, j’ai justement une photographie de la plante en question.

    Je pris donc la photographie de la plante que je gardais dans un coin de mon sac avant de la poser sur la table. Si Evangeline ne fût pas surpris, Sigurd quant à lui ne savait pas sur quel pied danser. Il devait se demander si cette plante était bien réelle ou alors s’il s’agissait d’une simple farce de ma part. Déconcerté par la photographie, le jeune homme me demanda si la prise était bien réelle, chose que je lui confirmai sous un sourire caché d’Evangeline. La réaction de son amie l’irrita au plus haut point et avant même qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Evangeline lança à son compagnon

    -Pas besoin de se mettre dans un état pareil Sigurd.
    -C’est que j’ai l’impression que vous vous moquiez de moi avec cette photo
    -Mon ami, dites-moi plutôt ce qui vous vient à l’esprit quand vous voyez cette photographie ? ajoutai-je
    -Euh… Hum c’est intéressant…
    -Dites-le Sigurd bon sang ! lança Evangeline d’un ton pludto ferme
    -J’ai comme l’impression de voir un singe sur cette photo.
    -C’est tout à fait exact mon cher, un camouflage unique pour une plante des plus farfelues.

    La discussion continua pendant de nombreuses minutes avant que le banquet soit totalement vide. Je n’eus pas le temps de finir mon île flottante que les gens du coin étaient déjà en train de débarrasser mon assiette. Je n’aimais pas trop ce genre de réaction, mais étant un invité et mangeant gratuitement, je ne pouvais pas me plaindre. J’eus tout de même le réflexe de piquer une cuillère dans mon dessert que je trouvais irrésistible. Ce qui me fascinait dans ce plat, c’était cette façon dont le cuisinier faisait monter le blanc en neige. Tout cela avec la crème anglaise et le résultat était tout simplement succulent.

    Nota bene à moi-même : penser à rajouter du piment d’Espelette lorsque je referai la recette.

    Le repas était à présent terminé et il fallait pour notre petite équipe reprendre le travail. Sigurd et moi étions d’accord pour dire qu’il faisait trop chaud pour travailler dans les champs cet après-midi. Nous nous étions donc résolu à enquêter sur ce fameux problème qui servait accessoirement de prétexte pour poser le pied sur Tanuki.  Evangeline se contenta de donner son accord sous le regard médusé du jeune homme. Je ne sais pas ce qui se passait entre ses deux jeunes gens, mais la relation semblait ma foi bien tendue. Je voulais détendre l’atmosphère avec une blague, mais la pilule ne passa pas. Le civil ne broncha pas, tandis que le rire forcé d’Evangeline était trop prononcé pour que j’y crois. Je remarquai cependant l’effort de la demoiselle et la remerciai d’un clin d’œil. Nous continuâmes notre périple durant un long moment dans ces champs à perte de vue et sous un soleil de plomb.

    La quête nous semblait impossible à résoudre, lorsque je fis le pas de trop et tomba dans une sorte de trou profond. Mesurant bien trois mètres de large pour cinq de long, cet obstacle avait une profondeur d’un bon mètre, ce qui me suffit à me déstabiliser et à me faire tomber la tête la première sous le regard amusé de Sigurd et une inquiétude grandissante de la part d’Evangeline qui s’empressa de me rejoindre pour m’aider à me relever

    -Sigurd, vous pouvez nous aider tout de même ! lança Haylor à son camarade qui semblait déçu de ne pas avoir de denden sur lui.
    -Oui j’arrive…

    Il ne pressa pas le pas pour me rejoindre, si bien que j’étais déjà debout lorsqu’il finit par arriver. Il me fixa un moment l’air amusé, ce qui avait le don de m’interpeller. Je lui demandai donc gentiment la raison de ce sourire.  Il n’osa rien dire tandis qu’Evangeline m’aida à nettoyer le visage comme nous le pouvions. Une fois les quelques problèmes techniques réparés, nous fixions ce qui ressemblait à une empreinte. Chacun suivait sa propre théorie, mais je fus encore une fois le premier à ouvrir ma bouche pour faire avancer la situation

    -J’ai déjà vu une empreinte similaire à celle-ci, mais ma foi elle me semblait beaucoup plus petite que cela
    -C’est marrant que vous disiez cela Richard, j’ai comme l’impression que cet indice ressemble à une trace d’animal. ajouta un Sigurd bien sûr de lui
    -Un mammifère sans doute vu la taille. précisa Haylor
    -Je penche plus pour un reptilien… Vu le type de trace, je dirais que nous avons affaire à une tortue ou un crocodile de taille exceptionnelle.
    -Mais comment est-ce possible. rétorqua un Sigurd surpris
    -Le régime alimentaire entre en jeu, les gènes, tout un tas de choses peuvent entrer en jeu. précisai-je
    -C'est sûrement un roi des mers. répondit Haylor sans rien rajouter
    -J’ai entendu parler d’eux une fois ou deux, mais j’ignorais qu’il pouvait y avoir des tortues dans cette familles et d’autres reptiliens, je pensais que cela se limitait qu’aux poissons.
    -Les empreintes semblent indiquer l’océan, je suggère que l’on avance vers la plage pour voir ce que cela peut donner. proposa Sigurd

    HS: Plante en question
    Spoiler:


    Dernière édition par Richard Bradstone le Mer 26 Aoû 2015 - 20:42, édité 2 fois

      Il avait déjà vu les empreintes du béhémot à maintes reprises, mais ne s’était pas encore hasardé à les suivre pour voir où elles menaient. Beaucoup d’autres l’avaient fait bien avant lui, sans parvenir à rien. Pour autant, Bradstone avait l’air d’une curiosité assez poussée pour vouloir s’aventurer à leur suite, et avait même eu le malheur de la communiquer à sa compagne. Et il ne savait pas encore vraiment pourquoi, mais Sigurd n’avait pas la moindre envie de laisser ces deux là seuls.

      Et maintenant, les voilà qui se trouvaient tous trois à emprunter des sentiers champêtres qu’il connaissait presque par cœur. De beaux souvenirs, tout ça. Malgré les terribles dégâts occasionnés sur les chemins, les buttes, les champs et les canaux, il s’y retrouvait encore parfaitement. Et espérait franchement, vu l’étendue des dégâts, qu’ils ne tomberaient sur rien au terme de leur remontée de piste.

      Un monstre pareil, ça faisait du gros dégât, et ça l’avait déjà très bien prouvé. Lorsqu’il se décida à le signaler aux deux autres, sa mise en garde fut pourtant ignorée. Bradstone ne pensait pas avoir affaire à un carnivore et encore moins à un prédateur, rapport au fait qu’aucune perte de bétail ou de vie humaine n’avait été à déplorer. Et puis, s’ils se tenaient à distance respectable de la bête, ils n’auraient juste rien à en craindre. Pour sa part, Haylor semblait penser pouvoir venir à bout de n’importe quoi même d’agressif, avec ses boules de feu et ses nuages vivants.

      Au final, pourtant, ils ne rencontrèrent rien sur tout le chemin. Une longue heure s’écoula sans qu’ils ne fassent que de progresser de moins en moins vite sur des passages peu usités, à l’écart des sentiers entretenus. Mais même en vadrouille, Bradstone n’en démordait pas, et l’autre n’était pas en reste.  Ce n’est qu’après deux heures de plus que Dogaku sut qu’ils en auraient bientôt fini. Ils venaient d’arriver au bout, ou presque. Dans peu de temps, la végétation touffue qu’ils ne s’échinaient plus vraiment à traverser –Sigurd se sentait bien plus en balade, tant les deux autres prenaient maintenant leur temps- laisserait la place à une falaise à pic.

      -J’vous l’avais dis. Inutile.
      -Vous n’aviez qu’à ne pas venir, lui retoqua la miss.
      -J’étais curieux.
      -On ne peut pas dire que c’était inutile, Sigurd. Voyez-vous, repris le révolutionnaire, j’ai relevé un certain nombre d’indices en cours de route. Et je pense bel et bien savoir quel genre de créature nous sommes en train de chercher.
      -Ah ?
      -Tout à fait. Regardez-donc ces différents croquis que j’ai réalisés à partir de nos observations.
      -Huhu. Et donc ?
      -Regardez ici. Ces empreintes. La façon dont ces végétaux ont été écrasés. Comment ces sillons ont été creusés dans la terre. Et ces arbres. Et ces traces.
      -Huhu. Et donc ?, répéta le jeune homme sans comprendre.
      -Je suis presque certain qu’il s’agit d’une espèce hyperchélonienne exotique. Une espèce à carapace imbriquée, probablement d’un genre pélagique à en voir les rejets et l’odeur résiduelle, et qui…
      -Euh ?
      -Une tortue géante.

      -… ce qui me laisse donc penser que ma théorie a peu de chances d’être infirmée ou confirmée au cours des jours à venir, malheureusement. A moins d’un contact de première main avec la créature, nous n’en saurons pas plus avec ces éléments, continua le professeur sans s’interrompre.
      -Donc on n’est pas plus avancés en fait, c’est ça ?

      Comme l'avait dit Sigurd, ils étaient maintenant sur un promontoire particulièrement étroit et dangereux, un rempart de roches à vif qui surplombait la mer sur des dizaines de mètres. Tomber ici, ce serait mourir. Aussi les trois explorateurs restèrent à distance respectable du vide. Ils ne se détournèrent pas pour autant de cet endroit : quelque chose venait d’attirer leur attention. Ca n’avait rien d’un monstre marin, et encore moins d’une tortue géante. C’était un petit groupe de trois navires qui portaient les couleurs de la marine sur leurs voiles, et qui n’avaient pourtant rien des patrouilleurs que l’on avait l’habitude de voir sur les mers. Ce n’étaient pas des caravelles. Chacun devait accueillir une trentaine, peut être une cinquantaine de marins pour le plus grand des trois. Tous trois étaient positionnés en formation triangulaire, toutes voiles relevées. Le plus surprenant, c’était que tous traînaient un énorme disque de métal large d’une bonne dizaine de mètres dans leur sillage. Une bien étrange vision, qui ne correspondait à rien de connu. Même Bradstone ne savait pas ce que faisaient ces navires.

      -Marine scientifique, devina Dogaku.
      -Ah ?
      -Ils n’utilisent pas les mêmes navires que la régulière, donc on peut trouver un peu de tout selon les besoins puisqu’ils adaptent en mode custom. J’ai déjà pu en voir quelques uns dans le genre, aussi. Trois ans de marine marchande, deux ans de milice dans la marine royale, ça laisse le temps de voir des choses, détailla-t-il.
      -Et ces gros disques ?
      -Euh… j’m’avance peut être, mais j’ai déjà vu des trucs du genre utilisés par la régulière pour rechercher des navires coulés. Ca pourrait être dans le genre ? Un truc de recherche des fonds marins ?
      -Ca me semble tout à fait possible, oui. Un dispositif sonar… d’écholocation… d’où la formation triangulaire… oui, oui…
      -Ils seraient donc là pour Kamorrah ?, suggéra la jeune femme.
      -Tout à fait possible, oui !, s’anima le professeur dans un éclat de voix. Ca expliquerait beaucoup de choses. Dont notamment le fait que ces navires étranges se trouvent au bout de la piste de la créature.
      -Ils seraient donc en train de sonder les eaux au cas où la tortue serait là. Ou s’ils peuvent la pister ?
      -On ne sait pas si c’est une tortue, miss.
      -C’est tout à fait probable, oui.
      -Vous n’en savez strictement rien, hein.
      -Oui, bien sûr, mais…
      -Nous n’avons qu’à aller leur demander, intervint Haylor. Non ?
      -Ouais, bien sûr. A la distance où ils sont, j’vous laisse crier et vous exploser la gorge, y’a absolument aucune chance qu’ils nous enten…

      Mais ça n’était pas ça. Evangeline avait sorti deux de ses coquillages magiques, et commença à façonner un long couloir, comme une passerelle, avec la masse de nuages cotonneux qui s’en écoulait généreusement. Une bonne idée que Sigurd trouvait particulièrement mauvaise : utiliser une route de nuages solides pour descendre d’une trentaine de mètres et s’avancer dix fois plus loin faisait hurler de douleur son bon sens. Pour sa part, la jeune femme avança tranquillement sur l’inquiétant édifice, totalement confiante, en esquissant de petits bonds emplis de bonne humeur.

      -Qu’est ce que c’est ?, s’étonna le professeur en lui emboitant le pas.
      -De la m-a-g-i-e, se réjouit la demoiselle en savourant son petit effet.
      -Je vous demande pardon ?
      -Eh bien en fait… mmh… Sigurd ? Vous venez ?
      -Euh… non ?
      -…
      -Revenez, c’est hyper dangereux.
      -Je vous assure que non. Je l’ai déjà fait plein de fois.
      -…
      -Sigurd ?
      -…
      -Faîtes. Moi. Confiance, lui sourit-elle en rayonnant.
      -Hnnnng…

      Il n’avait pas le vertige, en temps normal : il était même habitué à évoluer sur les cordages et la mâture de grands navires. Mais se suspendre au dessus du vide était une toute autre paire de manches.

      Richard Bradstone, au contraire, n’avait pas l’air d’avoir de telles difficultés. Pire encore, le quadragénaire tendit une main charitable au jeune homme, que ce dernier n’eut pas le cœur de refuser. Et une fois sur la route de nuage, il les suivit à contrecoeur, se sentant chavirer régulièrement, et encore plus à chaque coup de vent. La traversée lui sembla terriblement longue, et encore plus pénible. A l’inverse, les deux autres avaient l’air de bien s’amuser, ce qui rendait le tout encore pire.

      Depuis les navires marines, on les regarda approcher avec curiosité, sans vraiment s’inquiéter. Si bien qu’un peu plus tard, lorsqu’ils furent en mesure de poser les pieds sur le plus proche navire…




      -Eh bien, vous vous donnez du mal. Qu’est-ce qui vous amène ici ?

      Au vu des gallons de la jeune femme, on pouvait sans mal deviner qu’il s’agissait de la plus gradée ici. Les scientifiques étaient en train de procéder à leurs sondages, et l’équipage n’avait plus qu’à attendre que ceux-ci soient terminés. Alors, sans trop de surprise, elle avait pris sur elle de venir à leur rencontre. Ca avait l’air de la distraire plus qu’autre chose, mais elle avait l’air assez cordiale de prime abord. Elle avait passé les dernières minutes de leur approche à les attendre tranquillement, visiblement amusée, juste accoudée au bastingage.

      -Commodore Emiko Hisayoshi, division Nessy de la sous-marine. Je pense ne pas me tromper en reconnaissant Sigurd Dogaku, le chevalier de Nowel de Panpeeter, non ? Oui ? Aaah. Et vous, Evangeline Haylor, aussi des Nowel. Je suis au courant pour ce que vous faîtes ici. Et ça m’a l’air très bien. Quant à vous, par contre… vous êtes ?, adressa-t-elle au professeur.



      La division Nessy pour les nuls:




      Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 3 Aoû 2016 - 23:13, édité 1 fois
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      -Richard Yellowstone pour vous servir ma chère… je pris une inspiration avant d’ajouter Si je suis ici aujourd’hui, c’est pour accompagner ses deux jeunes gens dans leur quête pour retrouver le responsable de ses actes.
      -Yellowstone hum… ce nom me dit quelque chose. ajouta le commodore

      Si ce nom lui disait quelque chose, c’était pour une seule et unique raison : Yellowstone était l’une des chaînes de montagnes les plus connues des blues, pour les experts en tout cas. J’avais eu la chance de découvrir ce petit coin de paradis au milieu de nulle part lors d’un périple me menant à une plante rare, l’Edelweiss argentée. Espèce plutôt rare, elle ne poussait que dans les plus hautes strates  de Yellowstone. Certains l’utilisaient pour leur décoction, mais pour moi cette Edelweiss avait surtout un rôle ornemental…

      Décoration qui ne semblait pas être le fort de ce navire. Je pouvais concevoir que le luxe était limité chez la marine, mais de là à avoir des conditions de vie à bord spartiate, je ne pouvais pas. Pendant que je plongeais dans des réflexions, Sigurd et Evangeline se chargèrent des multiples détails expliquant leur présence, comme la balade dans les nuages ou encore la recherche de la tortue. Animal qui faisait visiblement l’objet d’une expédition pour les hommes de la division sous-marine du gouvernement. J’ignorais totalement que le gouvernement détenait une puissance sous-marine si importante, ce qui me rendait plus anxieux qu’autre chose. La commodore demanda donc ce que nous comptions faire de la créature, sans doute pour ne pas interférer avec ses plans et vu la situation je souhaitais éviter tout conflit inutile. Je pris donc la parole pour mes collègues

      -Pour le moment rien, nous souhaitons juste observer la créature et trouver la raison qui la pousse à sortir de son nid.
      -Pour de la nourriture sans doute ! ajouta la Commodore
      -J’y ai songé également Commodore, mais ça me semble bizarre car aucune perte humaine ou animal n’a été déclarée par les habitants.
      -Pour être plus précis seules les plantations ont subi d’importants dégâts, les moutons étant encore tous là. précisa Sigurd
      -Nous avons donc à faire à une créature herbivore…
      -Et qui a l’air de bien aimer les habitants de Tanuki. ajoutai-je

      Le bateau avançait à un rythme de croisière autour de l’île. La division Nessie a réquisitionné une bande d’eau de 10 km de large afin de retrouver la créature à l’aide d’un système de reconnaissance pludto sophistiqué. Le radar comme il l’appelait, avait cette particularité de pouvoir reconnaître toutes formes de vies rien qu’avec les mouvement de l’eau. Étant intrigué par la chose, je demandai à la Commodore si je pouvais observer le processus de recherche de la créature et elle accepta à contrecœur. Elle m’indiqua de juste regarder, de ne toucher à rien. Je me précipitai donc vers le radar, puis commençai à poser des questions au responsable de la machine

      -Je suis Richard Enchanté, vous êtes ?
      -Je suis le premier classe John Dorian, si vous avez des questions surtout n’hésitez pas.
      -Beaucoup me viennent en tête, mais avant de vous les poser je me dois de prendre des notes.

      Je pris donc mon calepin qui était déjà bien remplis de griffonnages et autres broutilles en tous genres. Sur les cent pages offertes, seuls sept étaient encore vierges, les autres étant remplis de descriptions sur les différentes plantes, animaux et humanoïdes que j’avais pu rencontrer sur mon chemin.  

      -Votre système d’onde…
      -Radar monsieur. répliqua John
      -Votre système radar donc repose sur des ondes qui en interagissant avec l’eau peuvent révéler les formes présentes.
      -C’est tout à fait ça, mais en légèrement plus compliqué.
      -Ce qui m’intrigue c’est la portée, vous pouvez observer jusqu’à combien de mètres ?
      -Pour le moment le rayon est de cent mètres, mais nos ingénieurs sont sur le coup pour augmenter la portée.
      -Vous pensez que c’est réalisable ? Vous espérez une portée de combien ?
      -Tout à fait réalisable vu l’équipe qui assure nos arrières, quant à la portée je ne saurais pas vous dire de combien exactement, mais apparemment elle ferait plus que doubler.
      -Deux cents mètres ? Ma foi vous pourrez bientôt scruter le fond des océans à ce rythme…
      -C’est le but de la manœuvre.
      -Si seulement j’avais eu vent de l’existence d’une division comme la vôtre au sein de la marine, il y a sans doute longtemps que je me serais inscrit.

      Lui dis-je tout en continuant de prendre des notes. Les minutes défilèrent et tandis que j’avais encore le nez dans mon calepin, John  Dorian se mit à s’emballer tout seul. S’il le pouvait, il aurait sans doute couru sur le pont tout en manifestant sa joie, mais la Commodore étant là il se devait d’être parfaitement neutre.

      -Commodore Commodore Commodore !
      -Oui soldat Dorian ?
      -Je viens de voir une ombre sur notre système radar, il s’agit sans doute de la créature !

      Je me rapprochais de l’écran et profitai des quelques instants de répit pour voir la créature en question. Avec le temps que la Commodore me laissa avant de prendre ma place, je vis un animal en forme de tortue.

      -Préparez vos tenus soldats, nous allons plonger !
      -C’est-à-dire que je ne sais pas nager.[/b] avoua Richard à Sigurd, Evangeline et la Commodore
      -Soldat Dorian, préparez donc une tenue pour Yellowstone et que ça saute.
      -Très bien commodore !

      J’allais donc plonger dans l’eau claire de Tanuki et il s’agissait de ma première plongée depuis la dégustation de ce fruit du démon.

        -Eeeeeh, pourquoi pas, ouais. C’a l’air méga sympa, sourit jovialement Sigurd.
        -De nager avec un monstre marin ?, souleva Haylor.
        -Naaaan. De plonger dans la sous-marine.

        Sigurd adressa un grand sourire à la commodore, qui ne put s’empêcher de le lui retourner. Oui, en effet. La sous-marine disposait d’une multitude de moyens uniques de manœuvrer sous l’eau. Uniques et extrêmement intéressants, pour qui pouvait le faire. Entre la possibilité de chevaucher des monstres marins dotés de cloches à air, ses scaphandres gavés de technologies et disponibles en quantité, et sa drogue de mobilité nautique capable de donner à n’importe quel homme l’aisance d’un espadon, il y avait de quoi faire.

        Chacun sa méthode, après. Et c’était là que tout se jouait.

        -Air-heure et palmes, pour moi, lâcha le jeune homme avec entrain. Et pour le Professeur aussi, tiens.
        -Non, non, insista le concerné. Je ne préfère vraiment pas.
        -Vous risquez rien, hein. L’air-heure, ça permet aux gens de respirer sous l’eau, harhar. Vous pourrez pas vous noyer.
        -…
        -Du coup je trouve que si vous n’êtes pas fan de la flotte, c’est plutôt une bonne occasion de combattre cette peur. Vous ne risquez rien du tout, vous pouvez serez comme un poisson dans l’eau. Pendant un petit moment, du moins.
        -Euhm… un petit moment ?, questionna  Bradstone.
        -Connais pas les détails, l’article que j’avais lu mentionnait que l’air-heure permettait une autonomie opérationnelle largement suffisante pour des opérations de moyenne envergure et des frappes  tactiques en profondeur.
        -Environ une heure, indiqua la commodore. Mais vous vous trompez sur les détails : notre petit produit miracle ne permet pas de respirer sous l’eau, simplement d’emmagasiner de l’air dans les poumons… en quantité suffisante.
        -Et comment cela marche-t-il ?, s’enquit le professeur, réellement curieux.
        -Secret défense, ça.
        -On s’y attendait pas, tiens, commenta Dogaku.
        -Voyons, voyons…
        -Ooooh, mais je comprends très bien, z’en faîtes pas ! Manquerait plus que ça, non plus, hein.
        -Evidemment... mais alors, vous en dîtes quoi ?
        -Ca me botte carrément , oui ! Et en ce qui concerne eux deux…

        *
        *     *
        *

        Et moins de vingt minutes plus tard, Sigurd en slip de bain était effectivement en train d’évoluer comme un dauphin sous l’eau, un grand sourire aux lèvres tandis qu’il admirait le paysage marin. A sa suite, Richard Bradstone, qui s’était laissé convaincre d’enfiler un scaphandre d’exploration léger –dénué de tout matériel type armement- et ne se sentait pas du tout dans son assiette, même s’il tentait de se contenir. Les propulseurs de sa tenue lui assuraient une progression régulière, bien qu’un peu plus lente.

        Et derrière eux, on retrouvait une demi-douzaine de plongeurs de combat de la division Nessy, accompagnés de deux hippocampes à plumes argentées respectivement chevauchés par Evangeline et la commodore Hisoyashi, toutes deux en maillot de bain une pièce aux couleurs de la marine.

        Cette petite bande hétéroclite suivait les instructions d’un trio d’escargophones subaquatiques, qui leurs indiquaient la direction à suivre selon les données recueillies et ajustées en continu par les scientifiques restés en surface.

        Ils avaient repéré le monstre, c’était presque certain. Maintenant, il s’agissait de rattraper la bête, qui progressait plus rapidement que ce que l’on aurait attendu d’une créature tapie au fond de la mer.

        Bien rapidement, pourtant, Sigurd finit par l’entrevoir. Au détour d’une forêt d’algues marines, entremêlées d’anémones géantes, se trouvait Kamorrah. Une gigantesque carapace à plaques de kératine et d’os, parasitée par divers organismes et végétaux qui prospéraient à sa surface. Un monstre haut d’une douzaine de mètres, et vastement plus long et large que cela.

        A son approche, tous les éléments de la marine dépassèrent instantanément Bradstone et Dogaku pour s’approcher du béhémot. Trois plongeurs de reconnaissance s’affairèrent ensemble pour extraire du bagage de l’un un appareil assez volumineux, une grosse boîte brune en forme de cylindre.

        Un émetteur, leur expliquerait-on plus tard. De quoi pister la tortue beaucoup plus facilement depuis la surface, pour peu qu’on ait réussi à l’accrocher à l’animal.

        Malheureusement pour les marines, un obstacle de taille décida d’interrompre la manœuvre des trois plongeurs. Une seconde forme gigantesque, aussi grande que la tortue, mais bien plus large, qui manqua d’écraser lourdement les plongeurs. Tous furent contraints de se reculer.

        Un crabe géant.

        Rien que ça.

        Un crabe géant qui essayait visiblement de s’interposer entre leur petit groupe et la tortue, rien que ça. L’animal agitait ostensiblement les pinces dans leur direction, comme pour faire barrage aux nageurs et les empêcher de coincer leur étrange appareil cylindrique dans les écailles de Kamorrah.

        C’était n’importe quoi. Et pourtant… ça n’était pas ce qui dérangeait le plus Dogaku.

        Le chevalier de Nowel eut une certaine appréhension en voyant l’animal énorme progresser vers eux. Un crabe géant, ça n’avait rien d’avenant. Mais surtout, c’était une créature qui lui rappelait un quelque chose de très désagréable.

        Il avait déjà vu un crabe de ce genre, auparavant. C’était il y a quelques années. Trois ans. Il s’agissait d’un monstre marin qui avait attaqué le navire militaire qu’il commandait, de son temps dans la milice, au cours d’une bataille navale face à des pirates qui avait largement tourné en leur défaveur.

        Un bref regard sur le coté, en direction d’Evangeline, lui confirma cette impression. La grande grimace qu’elle affichait trahissait le même ressenti, en plus exacerbé. Et pour cause : il s’était contenté de voir le monstre s’en prendre à eux et marteler la coque de leur navire. Haylor, elle, avait glissé sur le pont retourné pour un tiers, et avait fini par s’écraser contre la gueule de la créature. Emportée dans le vide, elle avait pourtant survécu, indemne.

        C’était un énorme monstre à la carapace verdâtre mêlée de rouge, recouvert en bonne partie d’une épaisse couche d’algues noires faisant presque office de fourrure.

        Et si lui avait peut-être encore un doute, ça n’était pas le cas de la jeune femme qui était sûre de ce qu’elle voyait. Ce crabe géant était exactement le même qu’il y a trois ans. Ce qui était curieux… et pas autant que son comportement.

        Qu’est-ce cela voulait bien dire ?


        Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 3 Aoû 2016 - 23:16, édité 2 fois
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        Et alors, le crabe géant chargea droit en avant. D’abord en direction des trois plongeurs, qui durent lâcher leur lourd appareillage pour pouvoir se disperser, puis en direction du groupe principal.

        Toujours en première ligne, Sigurd recula précipitamment, complètement paniqué. La gueule béante du monstre, ses pinces hérissées de piquants, une vision d’horreur qui le fit détaler. Avec lui, le professeur Bradstone eut la même réaction, même si sa manœuvre fut plus mesurée. Dans l’absolu, au sein du groupe, une seule personne se contenta d’avancer ; la commodore elle-même, qui chargea droit vers le monstre, montée sur son hippocampe, hallebarde en main. La créature avait beau mesurer une trentaine de mètres de haut, et être assez forte pour éventrer un navire, la militaire força l’impact. Mais le rapport de force fut en sa défaveur : la lourde pince armoriée l’écrasa pour la repousser vers le fond. Indemne au même titre que sa maîtresse, l’hippocampe d’Hisoyashi se redressa aussitôt, s’éloigna de quelques mètres, et fusa comme un éclair au travers des bras de l’animal pour qu’Emiko puisse fracasser son ventre dans un déluge de bulles ; le monstre sembla souffrir de la vibration, mais n’en fit pas grand cas. Elle poursuivit son assaut, engageant alors un petit manège avec le monstre dans un concert de manœuvres qui allaient vraisemblablement se répéter.

        Et en arrière, on les regardait faire sans trop savoir ce que…

        -Euh… on fait quoi ?, demanda Sigurd.
        -Laissez la faire, indiqua un sergent.
        -Vous pouvez parler même sous l’eau ?, s’étonna Bradstone.
        -Bien sûr que… non ? AH, oui !?, découvrit aussi Haylor.
        -Ouais, ça m’a surpris aussi, mais je pensais à voix haute tout à l’heure, et j’me suis mis à causer et… ben surprise.
        -L’air-heure permet aussi de parler sous l’eau, oui, explicita un autre militaire.
        -Et comment ça se fait qu’on l’entende aussi parler, lui ?, demanda Sigurd en pointant le professeur et son scaphandre du doigt.
        -Parce que c’est du matos très bien foutu. Technologie militaire de pointe, comme tout le temps dans la marine.
        -Mais c’est déb…
        -Ne posez pas de question.
        -Rhooo.

        Les sous-officiers se détournèrent de Sigurd ; au lieu de cela, ils observèrent un instant leur supérieure aux prises avec le monstre. C’était un affrontement qu’ils ne pouvaient joindre sans courir le risque de mourir au moindre faux pas. Alors, ils devraient se rendre utile autrement. Notamment en gardant bien en tête qu’ils étaient toujours là en mission, et que cette mission consistait à garder la trace de la tortue géante, Kamorrah, pour la baliser et l’étudier. Pour la récupérer ultérieurement. Et c’est ce qu’ils comptaient bien faire. La majorité du groupe fit donc route vers l’appareil cylindrique faisant office d’émetteur, pour le récupérer.

        Un peu plus loin, on pouvait voir le crabe comprendre tout ceci, et essayer de s’interposer ; il se détourna d’Emiko et commença à ramper jusqu’aux autres. Et même avec la commodore pour le harceler, le monstre regagna la position de l’émetteur, empêchant ainsi les marines de s’en emparer.

        -On va avoir besoin de renforts… faîtes venir d’autres scaphandriers !, commanda Hisoyashi.
        -Besoin de troupes de chocs !, reprit un sergent dans son escargophone subaquatique. Envoyez toutes les escouades, on a un cas Nessy !

        Une vraie pagaille. Et un peu à l’écart de ceci, les trois personnes qui n’avaient rien à faire ici ne pouvaient que regarder. A moins que…

        -Haylor, vous pouvez faire quelque chose ?
        -Mmmh. Lancer des boules de feu sur le crabe, sûrement ?
        -Ouaaaais, je sais que c’est une question stupide, mais…
        -Ca ne sera peut-être pas nécessaire. Regardez plutôt par ici, indiqua le professeur. Ils sont déjà là.

        Le révolutionnaire avait l’œil : au-dessus d’eux, un groupe d’une vingtaine de scaphandriers commençait déjà à s’enfoncer dans les profondeurs, et avait suffisamment approché pour être discernable. Reliés à la surface par de lourds câbles extrêmement robustes pour les alimenter en air, ils donnaient l’impression de descendre en rappel dans l’océan. Richard fut pourtant le seul à prendre leur arrivée avec bonne humeur. Et tandis que les militaires se perdaient en exclamations surprises, Sigurd posa la question qui explicita leur inquiétude.

        -Euh… juste un truc que je comprends pas, remarqua Dogaku. Votre scaphandrier à vous, il est blanc et bleu, il a une réserve d’air indépendante, comme les autres qu’on a pu voir quand on était à bord… alors pourquoi ceux-là sont complètement différents ?

        En effet, Sigurd avait raison. La vingtaine de scaphandriers qui descendaient en rappel depuis la surface ne revêtaient pas du tout un matériel aux couleurs de la marine, et encore moins de facture militaire. Leur matériel était beaucoup plus artisanal, moins élaboré, plus limité, même si visiblement très efficace. Et au lieu du symbole de la mouette qui représentait l’emblème de la marine, on pouvait remarquer que ces combinaisons-là arboraient un tout autre symbole.

        Une tête de mort rouge, coiffée d’un casque à cornes, avec deux fémurs entrelacés autour.

        Un symbole que ces deux Nowel avaient déjà vu il y a plusieurs années.

        -Oh putain, marmonna Dogaku.
        -Je connais ce symbole, oui, s’étouffa douloureusement Haylor.

        Des pirates.

        Et même pire.


        *
        *     *
        *




        -Qu’est-ce qu’on fait maintenant, capitaine ?

        Au même instant, à la surface. Au-dessus de la mer. Sur un navire de taille moyenne, surchargé d’optimisations diverses qui le rendaient unique en son genre.

        -Ithaque a fait du bon boulot, mais il semble avoir du mal face à cette militaire. On va aussi envoyer Cythère. Et descendez les hommes. Je veux récupérer cet appareil. Peu importe ce que c’est, on peut le découvrir.

        C’était une assez belle femme au teint halé et travaillé par le sel de la mer, d’assez grande taille, des cheveux mi-longs d’un vert de jade tout simplement hypnotisant, retenus en un chignon serré à l’arrière de sa nuque. Un corps mince et musculeux, presque entièrement recouverte d’une imposante cuirasse d’acier forgé et ostensiblement ornementée, avec deux lourds marteaux de guerre accrochés à la ceinture, chacun conçu pour être porté à une main. Elle s’appelait Savannah Barbabsente. Elle était à la tête d’un navire d’une  bande de pirates qui dépassait maintenant les trois cent marins, et disposait de quatre navires associés à son pavillon noir.

        -On m’a aussi indiqué que les deux chevaliers de Nowel étaient avec les marines… ç’a été confirmé par périscope. Aucune idée de pourquoi, mais ça me donne bien envie d’y aller. Que je leur passe le bonjour, ça leur fera sûrement très belle surprise. Encore qu’ils ont peut-être déjà compris, avec le pavillon noir. Je me demande s’ils s’en souviennent encore… ça m’étonnerait que non.

        Il y a un an de cela, elle ne disposait que d’une centaine d’homme, tous rassemblés sur ce qui était désormais son navire principal : l’Arvato. Un navire qui lui avait couté la bagatelle de 350 millions de berries, soit vastement plus que ce qui se faisait habituellement pour un navire de cette taille. Mais elle aussi, tout comme les Nowel, était d’avis que la qualité avait un prix. Et son navire était d’une maniabilité telle qu’aucun navire de la marine ne pouvait espérer l’attraper. Elle pouvait effectuer des virages à quatre-vingt-dix ou cent quatre-vingt degrés sans perdre de temps et de vitesse, éperonner des cuirrassés marines sans s’inquiéter, avait équipé son navire de mortiers et d’artillerie à faire pleuvoir l’enfer, de cloches à plongeurs et à scaphandriers à dominer la mer, et davantage encore.  Tout ça datait d’il y a quatre ans.

        -D’ailleurs, je vais y aller aussi. Et en fait… non, je vais vous laisser Leucade. Et gardez Zante, on ne sait jamais. Les autres navires marines vont rappliquer. Essayez de les capturer si c’est possible. On se joindra à vous une fois qu’on aura récupéré ce qu’il faut en bas. Pfwahahahaha. J’ai bien envi d eleur sortir le grand jeu, mais… allez, le simple fait que la sous-marine se fasse détruire par des monstres marins en faudra déjà la peine.

        Savannah Barbabsente. Depuis toujours, la spécificité de son équipage était d’être constitué en grande partie de Bark Knights. Des troupes de chocs en armure lourde, dont l’équipement et la science martiale égalisait celle des chevaliers, qui correspondaient à ce qui se faisait de mieux dans le domaine du soldat d’élite occidental ; l’équivalent médiéval de ce qu’était le samourai dans les cultures orientales.

        Plus récemment, pourtant. Elle s’était découvert un autre talent. Et outre la bande de Bark Knights, dont Savannah elle-même faisait partie, dont la culture imprégnait depuis toujours l’équipage de l’Arvato…

        -Préparez mon scaphandrier. Je veux être sous l’eau dans cinq minutes. Juste le temps de me changer et…

        Barbabsente avait un don. Un don avec les monstres marins. Elle pouvait presque les comprendre. Presque les sentir. Presque les dompter. Elle s’était découverte une étrange attirance, qui avait le malheur d’être réciproque, et qui avait immédiatement nourri une grande curiosité malsaine… toute aussi réciproque. Comme certains avec les chats, ou d’autres avec les animaux sauvages. Elle, c’était encore autre chose. C’était les créatures marines. C’était les grands monstres marins, les horreurs des abysses. Elle était attirée, et elle les attirait. C’était il y a deux, trois ans de cela, au cours de son affrontement avec l’équipage du Tarmac, un navire militaire appartenant à l’armée régulière d’un royaume frontalier sans grande importance, qu’elle l’avait découvert. Un monstre marin, un crabe géant, que le fracas du combat, de la bataille navale et des tirs d’artillerie qu’ils faisaient pleuvoir sur les militaires, avait fini par faire venir.

        Ce monstre, c’était celui qu’elle avait baptisé Ithaque, et qui correspondait à l’abomination qui faisait face en ce moment même à Emiko Hisoyashi et sa petite troupe sous l’océan.

        Mais depuis ce temps, elle avait perfectionné son art. Dompté de nouveaux monstres. Agrandi sa ménagerie. Et agrandi son équipage, dans la foulée. Et outre les Bark Knight, elle avait développé des équipes de combattants sous-marins armés de scaphandriers fonctionnels pour épauler ses monstres marins. A moins que ça ne soit l’inverse.

        -Et quel est l’ordre exactement, capitaine ?, demanda le principal opérateur des postes d’artillerie.
        -Je suis d’avis de massacrer la militaire… commodore, vu ses galons…

        Ils observaient ce qui se passait sous la mer depuis le début. Ils pouvaient le faire grâce à un genre de périscope inversé, qui permettait de regarder ce qui se trouvait sous leur navire, ou dans ses alentours. L’une des nombreuses modifications apportées à l’Arvato depuis l’arrivée des troupes subaquatiques.

        -… de les empêcher de s’en prendre à la tortue… parce que ce qu’ils font est répugnant…

        Pour qui l’ignorait, il fallait savoir que la sous-marine, et en particulier sa division Nessy, avaient pour but de capturer des monstres marins pour leur insérer dans le crâne un dispositif de contrôle cérébral. Peu importe comment cela fonctionnait et quelle miracle anachronique y parvenait, Savannah trouvait ça horrible et à des millénaires de ce qu’ELLE voulait faire. Les monstres marins étaient des créatures, et elle sympathisait bien trop avec eux pour accepter qu’on leur inflige un tel traitement. D’autant plus qu’on pouvait faire autrement. Elle avait son don. Elle n’était probablement pas la seule. Ils n’avaient qu’à faire comme ça, et pas autrement, avec leurs charcuteries technologiques.

        -… et j’aimerais beaucoup que l’on retrouve cette sorcière. Evangeline Haylor. Il faut que je la voie.
        -Euh… tu es sûre de ton coup, Savannah ? Il parait qu’elle est devenue vraiment dangereuse. Ca ne sera pas facile.
        -Eh bien on fera avec. Je m’en chargerais si nécessaire. J’ai besoin d’elle pour vérifier. Et je suis sûre de ce que je dis.
        -Erf. Ca n’est vraiment pas une histoire de vengeance ?
        -Ca n’est pas du tout une histoire de vengeance. Je ne suis pas idiote. Par contre, j’ai besoin de savoir si…
        -Si quoi ?
        -Mmmh… voir quelque chose.

        Le maître des artilleurs de l’Arvato était méfiant. Sa capitaine n’était pas du genre à pourchasser les vengeances inutiles, quand bien même la femme dont elle parlait leur avait fait beaucoup de mal. Elle et son partenaire. Les deux chevaliers de Nowel. Qui étaient entretemps devenus des notables sur North Blue, à se démarquer ponctuellement par des actions d’éclat pour le moins surprenantes.

        Il espérait simplement, en voyant le visage de sa capitaine disparaître sous l’énorme casque de son scaphandre sur mesure, que rien de tout ça ne tournerait mal. Ca n’était pas la première fois qu’ils affronteraient la marine, ni même une commodore. Ils étaient plus forts que jamais. Et ils avaient des monstres marins domptés par Savannah qu’eux même commençaient tout juste à pouvoir influer, pour leur retranscrire ses commandes.

        Mais elle n’était pas seule, songea-t-il. Ils étaient une vingtaine supplémentaire à descendre sous l’eau, et d’autres ne tarderaient pas.

        Et puis, elle avait dit qu’elle envoyait aussi Cythère.



        *
        *     *
        *





        Et voici ce qu’était Cythère.





        -Oh que merde.

        Les vingt scaphandriers furent rapidement rejoins par d’autres pirates, qui descendirent cette fois par l’intermédiaire de cloches d’airs faisant office d’ascenseur depuis la surface jusqu’aux profondeurs. Dans chacune de ces cloches, trois scaphandriers qui étaient parachutés de la sorte.

        Mais même en étant encerclés par ces pirates, ça n’était absolument pas de ça que les marines et leurs invités avaient peur.

        -OH QUE PUTAIN DE MERDE.

        Lorsque le second crabe géant, qui nageait jusqu’ici aux cotés de l’Arvato, s’engagea vers les profondeurs, les marines perdirent totalement espoir. Ils n’avaient plus rien à faire, ils ne pouvaient plus rien faire. Et surtout, ils n’avaient plus rien envie d’avoir à faire ici. La forme gargantuesque, presque arachnide, un gigantesque scorpion marin doté de griffes et de de cornes à n’en plus finir, c’était comme une monstruosité mortelle qui venait droit pour eux.

        Et puis, lentement, très lentement, le terrible animal déploya toute l’envergure de ses membres de prédateur absolu, ralentissant par là même sa descente. Pour finalement amortir cette dernière, et se poser un peu plus loin de ça.

        Ils étaient complètement encerclés. D’un coté, devant eux, le crabe. De l’autre, le scorpion. Tout autour, ainsi qu’au-dessus, les pirates.

        Et enfin, il y avait Barbabsente.

        -Bonjour à tous ! Et bienvenue entre nos griffes. Nous sommes la flotte de l’Arvato, mais vous nous connaissez déjà. Parait que vous m’avez déjà vu, Hisoyashi, nan ? Parait que des dingues de la marine scientifique me font nommer l’éco-terroriste, ou quelque chose comme ça. J’ai cru halluciner quand j’ai entendu ça, haaaa. Vous êtes sérieux ?
        -Qu’est-ce que vous venez faire ici !?, s’énerva la marine. Vous voulez la tortue !?
        -Peut être bien. Ou peut-être pas. Ca sera à voir. En tout cas j’ai pas envie que vous lui tricotiez un de vos appareils dans le cerveau pour en faire votre serpillère, ouais. Donc on va vous chier dessus rien que pour ça. Mais… j’ai un petit bonus qui m’a donné envie de venir ici personnellement. Et ce bonus a l’air de se pisser dessus sur le dauphin d’à coté de vous. Bonjooouuuuur ♥ Ca faisait longtemps, pas vrai ? On n’a pas eu le temps de se présenter la dernière fois, mais… Evangeline Haylor, sorcière, c’est ça ? On a énormément de chose à se dire. J’aimerais, j’insiste. Et rien que pour ça… vous allez venir avec moi.
        -Certainement pas !, répliqua Emiko.
        -Ca, on verra si vous allez pouvoir y faire quelque chose.

        Une détonation fracassante interrompit Savannah Barbabsente. Ce qui venait de se produire, c’était une explosion. Une explosion qui venait d’une torpille, qui venait d’atterrir non loin d’Ithaque, le crabe géant. Torpille tirée depuis l’un des navires de la marine, qu’on pouvait voir approcher en surface.

        Avec une autre nuée de soldats en scaphandres, cette fois aux couleurs de la mouette.
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        Zante et Leucade. Respectivement une pieuvre géante et un serpent des mers. Tous deux lancés pour empêcher les patrouilleurs de la marine d'interférer dans les affaires de Barbabsente, mais aussi pour les anéantir, tout simplement. C'était à bord que se trouvait le matériel servant à asservir les créatures. Couler le navire était un objectif en soi. Et c'était même...

        -Commandant!
        -Je sais, je sais! Ouvrez le feu et...

        Il n'eut même pas le temps de finir. Déjà, trois tentacules enveloppèrent la coque de leur bateau. Ils écartèrent les canons piteusement orientés aussi bas que possible, et complètement inutiles. D'autres marins, aux postes des torpilles, tentèrent sans succès de se trouver une cible. Périscope arraché. Alors, tout le monde se rassembla pour essayer de faire reculer les appendices des monstres par la force des armes, ce qui manqua de réussir.

        Les marins avaient trois navires. Le plus proche de l'action était aux prises avec la pieuvre, et parvenait tout juste à se dégager. Le second, par contre...

        -DANS LE CIEEEEEL!

        Le serpent de mer n'était qu'une distraction. L'animal avait abîmé autant que possible le gouvernail, puis essayé d'en faire de même avec les voiles, sans grand succès pour le moment. Mais le navire de Barbabsente avait adressé une salve d'obus à ce navire ; et sans moyen de changer le cap, ils n'avaient qu'une issue.

        -HISSEZ TOUTES LES VOILES!
        -VOUS ÊTES FOU?!
        -C'EST ÇA OU SE FAIRE EXPLOSER!

        Seule la moitié des manoeuvres accepta l'ordre. Les autres durent résister au serpent de mer qui les retarda au maximum, notamment en crachant de brefs jets d'eau à haute pression pour en passer plus d'un par dessus bord. Il parvinrent néanmoins à s'arrêter au devant du point d'impact de l'artillerie.

        Et déjà, une deuxième salve leur était adressée.

        -ON PEUT L'ÉVITER!
        -NON ÇA ON POURRA PAS!
        -CRAMPONNEZ VOUS!
        -LES VOILES VONT Y PASSER, ÇA SERVIRA À RIEN!
        -ABANDONNEZ LE NAVIRE!

        Ce qui faisait un de moins. Plus que deux. Celui aux prises avec la pieuvre semblait peiner à se dégager ; et le verdict fut prononcé quand le serpent et l'artillerie s'intéressèrent tous deux à lui. Le navire ne survécu que deux minutes avant d'être éventré.

        Quant au troisième, il était déjà loin. Ni l'Arvato ni les créatures ne cherchèrent à le suivre ; ils n'en avaient pas besoin. Leur but était seulement d'empêcher la marine de mettre la main sur Kamorrah. Et pour trouver la tortue, cette petite escadre de sous marine employait des dispositifs de triangulation répartis sur trois bâtiments distincts.

        Avec deux, ils auraient pu se débrouiller. Avec un seul, c'était beaucoup plus dur.

        Maintenant, ils n'avaient plus qu'à s'intéresser à ce qu'il y avait sous l'eau.

        La troupe d'Hisoyashi.
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        Ils n'avaient pas eu d'autre choix que de se rendre. Ils n'étaient qu'une quinzaine face à désespérément plus. Leurs prétendus renforts d'escouades scaphandrières avaient été mis en respect, et contraints à la fuite. C'était ça ou finir entre les anneaux des créatures marines. Et maintenant, une bonne demi-heure plus tard, ils étaient tous à bord de l'Arvato. Tous étaient entravés par des cordages qui les laissaient poings liés. Richard et Emiko étaient menottés ensemble, des deux mains. La commodore, parce qu'elle avait déjà très bien prouvé qu'elle était dangereuse. Le quarantenaire, parce qu'on l'avait doté d'un scaphandre de la marine, ce qui le différentiait suffisamment d'un troufion de base. Le résultat était assez particulier, surtout à leur façon de se déplacer en crabe. Lui en combinaison, et elle toujours en maillot de bain.

        -Eh bah, une très chouette prise, commenta un quartier maître, l'air satisfait.
        -Espèces de...
        -Tout doux, je ne parle pas de vous, adressa le gaillard à la commodore. Même si vous êtes très belle. Mais de votre matos. Le truc qu'est bien, avec la sous marine... c'est un peu comme une piñata. À chaque navire coulé, y'a de superbes trucs à se récupérer. Comme le scaphandre du barbu ; ça, on en a de plus en plus. Ou vos bonbonnes Air-heure. Sans compter tout votre matos de scientifiques qui fait bip bip. On a pas encore trouvé quelqu'un pour bidouiller et retaper tout ça, mais le jour où on aura un sonar à bord, ça va piquer très fort.
        -Mais heureusement que vous êtes trop cons pour ça.
        -Moi? Oui. Mais attendez qu'on se trouve des ingénieurs et... faîtes pas trop la maligne, d'autres vous auraient déjà crevé les yeux pour s'assurer que vous resterez sage. Ou pour le fun, il y a des gens bizarres, parfois.

        Non loin derrière le quartier maître, on pouvait voir tout un système de poulies affairé à tracter de lourds débris depuis la mer. Un reste de machinerie, probablement de moteur, jugea Sigurd. Démoli d'un bon quart, mais les pirates ne crachaient pas dessus.

        Et subitement, un tentacule géant dépassa du bastingage, amenant à bord deux lourds canons récupérés de la marine. Une très belle prise, quand on savait le prix de l'équipement. Pour autant, cela fit frissonner le chevalier de Nowel. Des monstres marins, c'était une chose. Domestiqués par des pirates? Rien de bon à l'horizon.

        -Comment ça se fait que vous ayez des crabes et des pieuvres comme ça?, demanda-t-il.
        -C'est...

        Le contre-maître jeta un regard en biais à Dogaku, ainsi qu'à Emiko. Puis à trois de ses compagnons de voyage, qui grimaçaient dans sa direction. Et finalement, il répondit:

        -Secret. On se débrouille, et ça marche bien. Et ce sera tout. Allez, dans vos cellules maintenant!

        On tira sur une corde ; les deux marines en tête de file furent obligés de suivre, et Sigurd était à leur suite. Le pirate disparu de son champ de vision, et toute l'activité du pont se succéda très rapidement devant lui. Ici, les cannonniers qui entretenaient leurs armes, ceux qui vérifiaient tous les gréements, d'autres qui manutentionnaient les prises. Il aperçu le grand hippocampe d'Hisoyashi, cadenassé de toutes parts, qu'un quintet de pirates s'efforçaient de calmer. Il entendit la commodore se plaindre à ce sujet, sans oser hausser le ton cette fois. À sa droite, il y avait Evangeline, qui faisait partie de la seconde cordée de prisonniers. Aussi muette et grave qu'une tombe. On les menaient dans la même direction, au moins. Et rapidement, il s'enfoncèrent sous le pont, descendant échelle sur échelle jusqu'à finir dans les entrailles de l'Arvato.

        Dans des cellules improvisées dans un coin de cale, dotées de paillasses et de serviettes, où ils furent répartis par groupes de quatre. Toujours poings liés, mais détachés les uns des autres. Ce qui arracha une grande satisfaction à Bradstone et Emiko, qui avaient eu beaucoup de mal à négocier les passages sur échelle.

        Pendant trente bonnes secondes, quatre pirates restèrent à inspecter les alentours, et voir s'ils n'avaient pas d'autres précautions à prendre. Mais même cinq bonnes minutes après qu'ils soient partis, Sigurd n'avait pas dit un mot, et n'avait pas le moral pour ça. Quelques marines avaient testé la solidité de leurs barreaux, et en étaient revenus patauds. La commodore, dans une autre cellule avec Bradstone et deux marins, s'y essaya aussi. En vain.

        Quelques marines se mirent à réfléchir, à élaborer quelques plans. Ou tricoter des hypothèses. Mais sans aucun entrain: pour le moment, ça n'allait pas plus loin que de se préparer à maîtriser un geôlier quand l'occasion se présenterait.

        Même pas une heure plus tôt, tout était parfaitement paisible. Tous cherchaient la tortue sans se soucier de rien. Et maintenant...

        -En plus j'ai l'air tellement malin en slip de bain... enfin, au moins chuis le seul, ça m'épargne de voir vos corps et d'pas m'sentir à l'aise devant trop d'corps musclés.

        Petite brochette de regards curieux qui se tournèrent vers Dogaku. Celui-ci leva simplement la main en guise d'excuse, avant de la reposer sur ses cuisses.

        -Hésitez pas à m'ignorer, c'est signe de bonne santé chez moi, dire des conneries. Et j'crois que c'est pas gagné. Et d'ailleurs... euh... ouais nan, j'vais me faire.

        Il avait fini par s'enfoncer dans un coin, contre la coque et ses renforts. Un peu plus tôt, il avait essayé de jeter un coup d'oeil en diagonale, pour vite comprendre une autre chose: Evangeline était sur sa gauche, et il n'avait aucun moyen de la voir, à moins de percer le mur. Ce qu'il essaya mollement de faire en appuyant sur quelques planches coincées entre les poutres. Mais c'était impossible.

        Et puis, il n'allait pas brailler comme un gamin pour lui parler.

        Il en avait envie, pourtant. Mais le malaise qui occupait son ventre suffit à l'engourdir. Dans sa situation, il ne pouvait rien faire. Aussi ne faisait-il rien. Il aurait pu dénouer les liens de ses poignets, par exemple. Il était merveilleusement doué avec les cordes, avec toutes les années qu'il avait passé à naviguer dans la marine marchande. Mais ça n'aurait conduit à rien d'autre que de le faire entrer dans le colimateur de ses geôliers.

        Il aurait aussi pu dénouer les liens de ses comparses, et augmenter sensiblement leurs chances de prendre par surprise un pirate de passage. Mais il n'y croyait pas. Il se décourageait très vite. Il était trop prudent. Et ne s'attardait pas sur des hésitations. Il s'agissait d'agir ou de ne rien faire. Et vu les circonstances, il avait décidé d'abandonner.
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        Un quart d'heure plus tard, les choses n'avaient guère changé. Un constat qui rassura les quatre pirates venus contrôler comment se tenaient leurs prisonniers. Le fait d'avoir une commodore à bord ne les rassurait pas ; mais heureusement, les spécialisations de celle-ci la rendaient plus facile à contenir. D'un autre coté, ce genre d'inconvénients était généralement la contrepartie d'avantages assez terribles pour que les pirates ne veuillent pas prendre le moindre risque à son sujet.

        Et une fois ces vérifications soigneusement faîtes, les pirates passèrent à l'autre raison de leur venue. Tous passèrent sur la gauche de Dogaku, tournant le dos à Emiko, et ouvrirent la cellule de...

        -Vous. Savannah veut vous voir. On ne vous fera pas de mal, c'est simplement pour vous parler.

        Sigurd se leva comme s'il avait été sur des ressorts. Il savait déjà à qui ils étaient en train de parler.

        -Allez, on fait de la place pour la jeune femme. Promis on la ramène, et en très bon état.

        Il fallu bien vingt, trente secondes pour que tout se fasse. Les marines qui s'écartaient à contrecoeur, l'hésitation d'Evangeline, sa longue avancée hors du grillage.

        Autant de temps que Dogaku passa à se presser et s'écraser contre ses barreaux, à essayer d'apercevoir n'importe quoi. Et à attendre un peu n'importe quoi, aussi. Dans sa tête, rien n'empêchait sa partenaire de massacrer tout le monde et de les faire sortir de là.

        Et il avait raison.

        Il était seul à le savoir: on ne pouvait pas lier Haylor avec une corde. Elle en faisait ce qu'elle voulait. Le noeud se détacherait à la seconde où elle le désirerait, aussi facilement que pour lui-même. Et il mettrait aussi peu de temps à s'enrouler contre la gorge d'un pirate pour l'étouffer jusqu'à la mort.

        Restait juste à comprendre pourquoi elle ne l'avait pas déjà fait.

        -Héé...

        Et qu'elle n'allait rien faire du tout, d'ailleurs. Deux pirates ainsi qu'elle même, recouverte d'un genre de poncho pour préserver sa dignité, venaient de passer devant sa cage.

        -EH MAIS PUTAIN! HAYLOR! FAITES QUELQUE CHOSE MAINTENANT!!!

        Il ne comprenait pas, mais ne s'en souciait plus. Maintenant, il avait vraiment peur.

        Il n'avait pas envie d'être séparé. Encore moins en étant convaincu qu'on l'envoyait à l'abattoir. Ce qu'il voulait, c'était l'avoir près de lui pour pouvoir faire tout ce qu'il faut et s'assurer que rien ne lui arrive. Pas la perdre.

        Mais elle se contenta de le dévisager d'un air pénible et creux, sans rien dire. Il avait réussi à l'arrêter. Les pirates ne tardèrent pas à la faire reprendre. Elle les suivit docilement.

        Et cette fois, une grande détresse engloutit les tripes de Dogaku. Elle avait visiblement décidé d'y aller seule.

        Hors de question.

        -VOUS ARRÊTEZ DE SUITE! VOUS NE FAITES PAS CA SANS MOI!

        Idiot et complètement navrant. Même les pirates en eurent pitié.

        -On ne va VRAIMENT rien lui faire, vous savez? Quand faut tuer quelqu'un, on prend pas de risque et on le fait de suite, ça évite que les gens trouvent une opportunité pour...

        Mais à la tête qu'elle fit, on pouvait voir qu'il avait tout de même fait mouche. Et elle ne voulait pas non plus le laisser hors de vue.

        -Il vient aussi, marmonna-t-elle.

        La voix timide, rauque, mais tout de même audible. Elle tremblait de peur. Mais les pirates étaient gênés. Il ne leur fallu même pas un regard pour que l'un d'eux réponde :

        -D'accord. Mais faîtes bien attention. On ne va pas vous faire de mal. Ne nous donnez pas de raison en faisant les idiots.

        Une décision rapide qui surprit les marines. Les pirates avaient pourtant leurs raisons. Ils empoignèrent leurs armes, la porte de la geôle de Dogaku s'ouvrit de suite.

        Que les forbans soient si coulants étonna Sigurd... et intriguait beaucoup Haylor. En la consultant du regard, il comprit qu'elle avait l'intention de voir jusqu'au fond de l'affaire.

        Et il n'aimait pas ça du tout. Ce qui ne l'empêcha aucunement de la rejoindre au pas de course, à l'affut de la moindre occasion de s'enfuir.


        Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Lun 26 Juin 2017 - 23:54, édité 1 fois
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        Elle s'était rendue aussi présentable que possible. Pas de scaphandre, pas d'armure, pas d'armes. Pas de filet pour retenir ses cheveux de jade, si habitués à finir sous un casque, d'une longueur pourtant appréciable chez une femme. Rien n'encageait sa peau au teint halé, dorée par une vingtaine d'années passées en mer, à oeuvrer constamment sous le soleil. Barbabsente avait retenu une tenue de capitaine qui la mettait plus à son avantage en temps qu'aventurière des océans qu'en combattante émérite ; rien dans sa chemise blanche, son tricorne et sa veste de cuir ne suggéraient son appartenance à la piraterie. C'était qu'elle avait un entretien à passer, et qu'elle voulait vraiment le réussir.

        -Bon allez. J'essaie d'être une gentille pirate et tout va bien se passer. Après tout, il n'y a aucune raison pour que deux personnes prisonnières par la force et entourées de pirates se sentent...

        Savannah se détourna de ses compagnons et fit face à la porte. Trois tocs fermes et les geôliers l'ouvrirent. Laissant entrer les deux Nowel avant de la refermer sans un ordre.

        Ils étaient dans les quartiers de Barbabsente, une énorme salle en deux parties installée dans le château de l'Arvato. Sur la partie inférieure, une grande table sur laquelle était étalée une carte extrêmement détaillée de la frange septentrionale de North Blue. Le terrain de chasse préféré de ces pirates. À côté, sur un petit meuble, d'autres cartes, ainsi que des outils de navigation et des carnets remplis de calculs et de notes en tous genre. On trouvait également plusieurs chaises, tabourets et fauteuils pour accueillir ses officiers, des vêtements, des chapeaux et manteaux accrochés le long des murs, plusieurs feuillets de suivi de leurs réserves cloués contre les murs, et des coffres débordant de berries en vrac sur plusieurs tas.

        Et plus loin, surélevé par une estrade, se tenait la partie de Savannah ; son bureau, son armurerie, ses réserves d'alcool fins et son tas de poufs exotiques et de coussins luxueux étaient avantageusement présentés depuis l'entrée. La pirate était attablée en bout de salle, dominant depuis l'estrade. Trois de ses lieutenants étaient attablés autour de la grande carte centrale, en attente d'instructions.

        La capitaine de l'Arvato observa tranquillement ses deux prisonniers, en essayant de se faire aussi neutre, et pourquoi pas bienveillante, que possible. Dans son scénario, elle parvenait à les rassurer sur ses intentions pacifiques et à les convaincre de coopérer avec elle. Ce qui semblait mal parti, vu les gueules qu'ils tiraient. Renfermés, tremblants et globalement morts de peur, ils ne l'écouteraient pas.

        -Bonjour, et... pitié, pas besoin de faire cette tête, je vous assure que je ne vous veux pas le moindre mal aujourd'hui. C'est même tout le contraire. Vous pourriez me prêter une oreille attentive? Je ne demande qu'une chose, vous expliquer mes plans et vous laisser repartir. Rien de plus et rien de mal.

        Pas la moindre réponse. Ni orale, ni physique. Dogaku se contentait de les surveiller elle et les autres comme s'il s'attendait à ce qu'elle devienne dangereuse ou hostile et se mette à les mordre sur un simple coup de tête. L'autre était tout simplement gangrènée par une appréhension indescriptible, comme une proie acculée. Elle n'arriverait à rien.

        -Je précise tout de suite que je ne suis pas motivée par une soif de vengeance insatiable et que je comprends parfaitement que vous ayez cherché à vous défendre quand on vous a pilonné pour... pfahaha. Vous savez pourquoi on vous a attaqué, ce jour là? Un navire de milice patrouillant au milieu de nul part?

        Elle sourit à Sigurd, qui en resta de marbre. Aussi rigide qu'un arbre.

        -On avait plus de papier. Papier toilette, je veux dire. Et on voulait vos stocks. Tout ça pour du PQ. C'est débile, pas vrai? Du PQ! Vous parlez d'une bande de pirates. On est la loose des mers. Une vraie team de guignols.

        Une victoire. Un soupçon de sourire éclata sur Sigurd, qui ricana doucement. Mais elle n'insista pas. Et enfin...

        -Sérieusement?, demanda-t-il.
        -Malheureusement, plutôt. Et depuis ce jour, on surveille l'état des stocks de PQ avec autant de minutie que pour les stocks d'eau, de patates et de bière. Déprimant, non?

        La pirate désigna d'un geste un feuillet accroché sur un mur. Sigurd reconnu un comptage des stocks de diverses fournitures, mis à jour à chaque fin de journée.

        -Mmmmnh. On faisait ça nous aussi, compléta le jeune homme. Dans la milice et la marine marchande. Les gens ont beau dire que les trucs gestionnaires pas shonen ça ennuie, ça a de bons côtés.
        -Je vous rejoins complètement. Mais pour en revenir à nos moutons... ooooh. Ne soyez pas SI crispés, par pitié. À la limite, je devrais vous remercier, indiqua-t-elle à Evangeline. En fait, je meurs d'envie de le faire. Grâce à vous, ce jour là, j'ai découvert un truc. Un pouvoir incroyable. Un vrai don incroyable, c'était du jamais vu. Vous vous souvenez de ce qui s'est passé? Vous savez ce qui m'est arrivé? Quand nous sommes toutes les deux tombées à la mer? Je parle bien sûr du crabe.

        Barbabsente s'enfonça un peu plus dans son grand siège, mais fini par se lever. Elle contourna la salle, sans s'approcher des autres, continuant en même temps :

        -Je peux vous donner une version de ce qui s'est passé. Un navire milicien et un navire pirate échangent quelques salves de boulets avant que le premier ne se fasse artiller par les mortiers du second, et complètement bloquer. Vient ensuite le moment de l'abordage, où la ligne de front des pirates, les Bark Knights, se fracasse sur les défenses, les palissades et les quasi tranchées improvisées par leurs opposants assiégés. Assiégés et retranchés au point que nous avons continuer à tirer du mortier pour faire un peu de chaos. Ce qui vous a contraint à lâcher quelques bombes... et je n'ai toujours pas compris comment... sur votre propre pont pour nous damner le pion. Vous aviez fait comment, d'ailleurs?
        -B.O.M.B.A.R.D.I.E.R, répondit Dogaku.
        -Uh?
        -Binôme Offensif Militarisé de Bombardement Aérien Relâchant des Dispositifs Incendiaires à Explosion Radiale.
        -...?
        -Des combos Pélicans-Denden dressés et supervisés par des maîtres-mouettiers et... sacrément utiles quand on a des idées.
        -Quand on a des idées... et vous en aviez plein, hein? On en a bien bavé, ce jour là. Vous avez réussi à arrêter notre avancée. Et moi qui avais essayé de venir foutre en l'air toutes vos têtes dirigeantes, je me suis faîte stopper nette dans ma course. Et c'est là que nous nous sommes rencontrées, toutes les deux. Ca s'est très mal passé... pour chacune d'entre nous. Et puis soudainement... quelque chose que personne n'attendait est arrivé d'un coup. On ne s'attendait vraiment pas à ce qu'un crabe géant soit attiré par le vacarme du combat, et qu'il décide de se joindre à la fête, n'est-ce pas? Nous sommes toutes les deux tombées droit sur lui, en direct vers sa gueule. On devrait être mortes. Et pourtant... nous sommes encore ici. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s'est passé? Non? C'était trop flou pour moi. Ceci dit... j'ai trouvé la réponse. C'était pas vraiment dur. Vous voulez voir un truc?

        Savannah écarta une tapisserie en fond de salle, derrière laquelle se tenait un levier. Elle l'abaissa, actionnant un ensemble de mécanismes qui firent glisser le mur arrière de la salle, le transformant en plateforme débouchant sur le vide. Et elle monta dessus, embrassant l'océan du regard avant de se retourner.

        -Quand je vous parlais de don, quand je parlais de talent... regardez maintenant ce que je sais faire!

        Elle frappa dans ses mains, les brandit vers la mer. Et dans un geyser vrombrissant, une énorme carapace de chitine mêlée d'algues s'éleva vers le ciel, pour se stabiliser à leur niveau. Savannah, au sourire rayonnant de satisfaction, gigota quelques doigts en direction du crabe ainsi appelé. Et l'animal les effleura de ses deux pinces, comme s'il lui...

        -Serrait la pince..., marmonna Dogaku.
        -Surprise! Vous avez vu? Et encore, regardez! Allez, hop!

        D'un bond dénué de toute appréhension, elle se jetta dans le vide, disparaissant à leurs yeux. Pour réapparaître quelques secondes plus tard, nichée sur la pince inférieure du crustacé géant qui lui fit l'ascenseur.

        -Ta-daaaa! Il sait faire plein d'autres choses, et est beaucoup plus intelligent que ce qu'on pourrait croire. En fait, je le soupçonne d'être beaucoup plus intelligent tout court. Pendant les phases d'approche, il avait réussi à me faire comprendre un paquet de mes erreurs. Et même maintenant, quand je rate une négociation... enfin, oh... déjà, pour commencer... vous vous souvenez de lui?
        -Donc c'est bien le même crabe?, l'interrogea Haylor.
        -Ah, superbe. On a retrouvé sa langue?

        Les trois lieutenants de Barbabsente s'échangèrent quelques regards. Il n'y avait que quatre situations où elle se faisait aussi joueuse et taquine. Quand elle était en présence d'un conteur digne de ce nom qui la gratifiait d'un récit épique ou d'une légende fascinante, car c'était ce qui l'avait conduite à la piraterie. Quand elle était noyée et absorbée dans une partie de cartes ou de pions contre un adversaire plus fort qu'elle, car ces jeux meublaient le quotidien des marins au cours de leurs longs parcours en mer, qu'il en existait plusieurs centaines, et qu'elle préférait largement une défaite éprouvante à une victoire ennuyeuse. Quand elle était sous le charme d'un homme qui montrait de l'intérêt pour elle, parce que c'était encore une surprise appréciable pour une terrible guerrière à la tête d'un équipage de loups de mer aguerris au pillage. Et, enfin, quand elle jouait avec ses horreurs océaniques... qui étaient, ils en étaient de plus en plus convaincus au fil des jours, loin d'être aussi horribles que ça. Mais la façon dont elle les considérait -et dont ces créatures répondaient à ses approches- gardait quelque chose de tellement étrange qu'ils ne parvenaient pas vraiment à s'y faire, quand bien même eux aussi commençaient à élaborer plusieurs systèmes à la débrouille pour se faire comprendre des monstres.

        Dans tous les cas, la bonne humeur de la capitaine ne fit que glisser en vain sur Evangeline, aussi glaciale qu'une statue d'albâtre.

        -...
        -Vous ne le reconnaissez pas?

        Si, elle l'avait reconnu. C'est ce que songea Sigurd qui lui-même avait repéré plusieurs traits assez distinctifs de cet animal. Sa carapace violacée, qui servait de terreau à toute une jungle d'algues noires et vertes. Ou encore l'affaissement de cette jungle à hauteur de ce qui pourrait être l'épaule gauche du monstre, et qui correspondait à un grand cratère dans son armure. Ou cette odeur si caractéristique, inoubliable et insoutenable à son sens de matière organique piégée dans les algues de l'animal.

        Mais il y avait encore autre chose qu'il n'avait aucune chance de percevoir, c'était la façon dont ce crabe plongeait les centaines de petites fenêtres qui composaient ses yeux dans les rétines de ceux qui l'intéressaient, et l'aisance avec laquelle il fascinait ses curiosités de son regard intense. Par ce seul biais, il donnait l'impression de pouvoir lire les pensées de ses proies, et d'y glisser les siennes. Une communication. Son regard et son attitude faisaient faisait froid dans le dos, ils causaient des frissons. Et ces frissons étaient un autre langage, qu'ils pouvaient échanger.

        Barbabsente y était réceptive. Elle fonctionnait comme ça.

        Et ça, Evangeline n'eut qu'à en faire elle aussi l'expérience pour le comprendre. Ce crabe renvoyait encore et toujours la même impression d'être beaucoup, beaucoup plus qu'un simple monstre carnassier.

        -Je le reconnais très bien, oui. Et je... ne m'attendais pas à ça. Comment avez-vous fait?
        -Il a presque tout fait. Je n'ai presque fait que le suivre. A part quelques moments où j'ai dû me faire assez imaginative pour que ça puisse vraiment suivre, mais ça... c'était encore autre chose. Et il s'est laissé faire.

        La sorcière commençait à se ressaisir. Barbabsente n'avait pas l'air de vouloir faire autre chose que de discuter, effectivemment. Et forcément, l'énormité de la chose qui se présentait à eux lui parlait complètement. Elle n'était pas sorcière pour rien. Des monstres marins en coopération avec des humains, une pirate qui pouvait pratiquement échanger avec eux, et un crabe géant qui passait ses pensées aux rayons X d'un simple échange de regard? C'était tout à fait dans ses zones d'intérêt.

        -Et vous en avez trois autres?
        -Cinq autres. Je l'ai appelé Ithaque... il n'avait pas l'air d'être contre. Mais nous en avons retrouvé quelques autres ensemble. Il m'a aidé à approcher Cythère, et Leucade... qui eux-mêmes nous ont conduit à Pax et Corfou, même si eux ne sont pas encore complètement approchés. Et maintenant, je suis en compagnie d'une charmante ménagerie de deux crabes, un serpent de mer, un calmar géant, avec bientôt une murène et un hippocampe qui tient presque du dragon des mers. Et peut être bientôt Kamorrah, encore que... j'ai comme qui dirait l'impression que les moutons s'en sont chargés avant nous. Les moutons ou la marine, cela dit. Et autant les premiers pourquoi pas, autant il est absolument hors de question que les seconds...

        Cette fois, ses interlocuteurs ne la suivaient plus. Les moutons? S'en charger avant elle? Approcher? Mais elle n'arrêta pas.

        -Vous savez ce que fait la sous-marine avec les monstres marins pour les apprivoiser?
        -Ils leur posent des machins sur le crâne, non?
        -Exact. Encore que poser n'est pas le terme exact. Ca s'appelle des CCP, pour Contrôleur Cérébral Programmable...
        -Ce qui est totalement One Piecien... rappellez-moi pourquoi les banques voulaient pas financer le VVALKER, déjà?
        -... et ça existe en deux versions. En implant, ou en casque. Le choix se fait en fonction de la créature qu'ils veulent contrôler -parce qu'un invertébré casqué ça ne marche pas très bien- et à partir de là, ils font littéralement ce qu'ils veulent de leurs esclaves. Pour eux, ce ne sont plus que des armes géantes, corvéables à loisir, sacrifiables en cas de besoin... et si leur technologie présente encore des ratés niveau contrôle, ils s'améliorent en continu.
        -Euh... ouais.

        Sigurd manqua de rajouter un "Et?". Parce qu'il ne voyait pas en quoi cela pouvait poser problème. La marine n'en était pas à sa première expérimentation tordue, ni à sa première débauche de résultat impressionnant. Ce qui ne les regardait en rien.

        -Comment est-ce que ça marche? Est-ce qu'on peut vraiment faire ça?

        Mais l'autre fut plus rapide. C'avait toujours été comme ça. D'un coté, il y avait ceux qui prenaient les choses comme elles étaient, et s'évertuaient à faire avec. Et Sigurd était devenu exceptionnellement doué pour ça. Il avançaient en rebondissait sur tout ce qu'on lui envoyait. A l'inverse, il y avait les personnes qui interjettaient des "mais" et des "pourquoi", prenaient le temps de chercher, de comprendre, de se resservir de tout ça. Et dans la mécanique de leur duo, c'était Evangeline qui penchait en ce sens.

        -Faire ça quoi?, demanda la pirate.
        -Le contrôle mental. Le GM peut faire ça?
        -Visiblement il peut. Mais ça ne serait pas le premier cas recensé. Les pacifistas sont des robots contrôlables à distance... et on connait d'autres cas permettant de contrôler entièrement les actions d'une personne. Vous connaissez l'hypnose?
        -Je sais comment ça marche. Mais ça n'est pas pareil. Les pacifistas ne sont pas organiques, et les techniques d'hypnose... sont précisément des techniques. Elles pourraient être assistées, facilitées par machine, mais... il faudrait tout de même un humain derrière ça. Encore que...
        -Il existe une poignée de fruits du démon permettant de faire ça, aussi.
        -Non. Tout porte à croire qu'il n'y a strictement aucun mécanisme provoqué par les fruits du démon. C'est la théorie dominante à ce sujet, la grande majorité des scientifiques qui se penchent là dessus n'essaient pas de forcer cette étape. Ils fonctionnent parce qu'ils fonctionnent, un point c'est tout. C'est vraiment de la magie. On peut essayer d'en comprendre les conséquences, comme ce que tente la marine avec certains logias. Il s'agit d'éléments déjà présents et étudiés dans la nature, ça leur a simplifié les choses. Mais ils n'arriveront jamais à en reproduire les causes. Et encore moins pour ça. Ils ne le pourront jamais.

        Evangeline s'interrompit, et nul ne sut quoi répondre. Elle avait digressé dans des eaux qu'elle seule pouvait appréhender. Sigurd n'essaya même pas d'intervenir. Il médita simplement sur cette sombre nouvelle. Le gouvernement mondial se lançait dans le contrôle mental. Les résultats étaient confirmés sur des monstres marins. De là à envisager qu'il s'essaie à le faire avec des êtres humains, il n'y avait qu'un pas qu'il avait déjà fait. Le contraire était juste impossible, l'éthique était toujours la dernière priorité de ses chercheurs. Et quand bien même il se trompait, il était impossible qu'il n'y ait pas au moins un département de la marine scientifique qui se passerait de remords à taper là dedans. Et maintenant qu'il voyait à quel point le gouvernement aimait plonger son nez dans les affaires du monde -il suffisait de voir comment la Cipher Pol proliférait partout, jusque dans ses affaires- ça n'avait rien de bien avenant.

        Est-ce qu'ils pouvaient faire ça? Contrôler des humains? Avec des genre d'implants?

        -Euh... et vous croyez qu'ils pourraient faire ça sur des humains, aussi?
        -C'est possible, répondit Evangeline. Il y a déjà quelques cas avérés de parasitages qui permettent d'influer les actions d'un humain.
        -Hein?
        -C'est... plus connu pour les rats. Il s'agit d'un parasite -une espèce d'entité cellulaire- dont les oeufs se développent dans les déjections de chat. Et ces oeufs se développent dans des corps d'êtres vivants, généralement ceux de rats. Ils se logent dans le cerveau, ou les yeux, ou n'importe quel muscle. Ils restent à évoluer sagement pendant plusieurs années, sans se faire remarquer, sans ne rien faire du tout. Jusqu'à ce qu'ils soient matures, et prêts à se reproduire. A ce stade, l'objectif de ce parasite devient simple : trouver le moyen d'en revenir là où il pourrait pondre des oeufs. Si vous avez suivi l'histoire, il s'agit du système digestif d'un félin. Et cette fois, ils ne se contentent pas d'attendre sagement que le rat se fasse manger. Les parasitent se déplacent jusqu'au cerveau de leur hote, et en altèrent diligemment quelques zones. A partir de ce stade, accrochez-vous bien, les rats deviennent programmés pour entrer en phase de rut lorsqu'ils perçoivent l'odeur de l'urine d'un chat. Ce qui les pousse naturellement à se précipiter sur leur prédateur, et à... poursuivre le cycle.
        -C'est... complètement débile?, commenta Dogaku. Vous lisez vraiment trop pour savoir ce genre de trucs, 'ccessoirement. Ca sort d'où, ce macin?
        -Manuel de l'hypnose pour... oubliez.

        -Et le rapport avec ça?
        -Ces parasites peuvent aussi affecter des humains. Pas avec les mêmes effets, pas besoin de me regarder comme ça. On n'a pas encore vu de l'urine de félin faire office d'aphrodisiaque chez un homme. Encore que vous noterez que les os de tigre émiettés ont cette propriété dans certaines cultures... et que le braconnage, même à ce jour, débouche encore sur ce genre de produits, comme quoi... enfin. Des études de "macro" ont montré que les cas de schizophrénie avérés étaient significativement plus élevés dans les populations où la présence de chats domestiqués était commune. Et d'autres tests de détail ont montré qu'outre les cas de schizophrénie, des modifications de comportement faisaient l'apparition quand les parasites agissaient sur le cerveau.
        -Quand vous dîtes schizophrénie, ça veut dire...?
        -Je parle de vraie schizophrénie, pas cette histoire de dédoublement de la personnalité.
        -Oh.
        -C'est sérieux, votre histoire?
        -Je vous laisse le loisir de vous documenter quand vous en aurez le temps. J'ai tout ce qu'il faut pour. Il s'agit d'études répétées qui ont été conduites par des équipes de chercheurs appartenant à des milieux académiques tout ce qu'il y a de plus commun. Des universités, des chercheurs du privé, des instituts médicaux... aussi impossible que ça puisse sembler, le sujet les inspire. Et si maintenant je vous précise qu'on estime qu'environ 30% de la population héberge ces petites choses sans le savoir, vous me prendrez pour une folle, s'amusa la sorcière. Ou encore qu'une mère a près de 30% de transférer le parasite à sa descendance. Et ce n'est qu'un exemple. Il existe des centaines de parasites qui suivent ce genre de schéma. Je pourrais également vous parler de champignons qui se développent sur la carapace d'une fourmie jusqu'à arriver à leur cerveau en assimilant leurs muscles tout en évitant soigneusement leurs organes vitaux, et les forcent manuellement à regagner leur fourmillère où leurs spores auront le luxe d'infecter d'autres hôtes. Ou encore de parasites qui infectent des araignées et les forcent, après quelques semaines de croissance, à se momifier elles-mêmes avec une toile complètement designée sur mesure : dix fois plus résistante que ce qu'une araignée peut tisser en temps normal, et tricotée dans une architecture de sarcophage sphérique qu'aucune araignée n'emploie dans la nature. Et une fois prisonnière, l'araignée dépérit, et son corps et sa toile font office de chrysalide pour le petit parasite. Je pourrais continuer, mais je pense que ça vous suffira.
        -Euh... ouais.

        A nouveau, le silence s'installa. Sigurd était perdu, et la scène lui semblait maintenant impossible. Ce qu'avait dit Haylor, ces histoires de monstres marins contrôlés, et le fait qu'ils en discutent en présence d'une pirate qui les avait capturés... et de celle-ci en particulier...

        -Et que nous voulez-vous?, continua Evangeline.

        Savannah se ressaisit à son tour. Contrairement à Sigurd, ce que disait l'autre l'intéressait beaucoup. Elle était très curieuse, et voulait en apprendre autant que possible sur le sujet. Notamment pour comprendre le gadget qu'employait la marine, et comment s'en débarasser. La pirate avait déjà rencontré quelques monstres sous l'emprise d'un contrôleur cérébral, et n'avait pas réussi à les en libérer, malgré de lourds efforts. Un échec qui la minait encore, et lui présageait le pire.

        Mais pour l'heure... elle avait une autre priorité.

        -Eh bien. La raison pour laquelle je voulais vous voir, c'est... pour vous demander de l'aide. Je voudrais obtenir une amnistie du royaume de Luvneel, m'y installer comme corsaire indépendante, ou rejoindre la flotte des gardes-cotes, et avoir le droit d'y résider avec mes biens, mon équipage, et toute ma ménagerie. Ne plus être pourchassés par la marine, et qu'il leur soit interdit d'entreprendre quoi que ce soit contre nous. Et quand je dis nous, je parle aussi d'eux, compléta la pirate en désignant Ithaque de la main.

        Et comme elle avait pu le prévoir, sa demande était tellement tirée de nul part que les deux autres...

        ... mirent une bonne vingtaine de secondes à réfléchir mentalement en se consultant à cinq reprises du regard pour comprendre et se convaincre qu'elle ne plaisantait pas. Sans échanger un mot. Au delà de quoi un subtil échange de grimaces et de haussements de sourcils, doublés de gestes de la tête et de demis-regards contrariés, leur permis de se mettre d'accord sur la marche à suivre.

        Un échange complètement muet qui troubla quelque peu Barbabsente. Elle essaya de concevoir l'affinité particulière qu'avaient ces deux là l'un pour l'autre, et s'en retrouva complètement dépassée. Il y avait, elle en avait l'impression, quelque chose qu'elle ne connaîtrait certainement jamais de sa vie. Ca n'était pas normal. Ils n'étaient pas normaux.

        -Alors là... où est le piège?, demanda Sigurd.
        -Il n'y en a pas encore. Je ne pèse que 44 millions sur un tableau de primes, je ne pille que des navires militaires ou marchands en pleine mer, et ma flotte est encore complètement sous les radars de la marine grace au fait qu'aucun de nous n'est un des formidables bourrins stellaires qui représente le gros de leurs recherches.
        -Maaaiiiis?
        -Maaaiiiis... il se trouve que je commence à avoir une très belle ménagerie avec moi. Et même si la sous-marine n'est actuellement qu'un bébé dernier-né d'une énorme famille qui a beaucoup trop de membres pour s'occuper correctement de chacun... eh bien la sous-marine commencera bien à vouloir tous me les prendre à long terme. Et je ne pourrais pas toujours m'occuper de tout le monde.
        -Tout le monde? C'est à dire?
        -Vous avez vu la taille de ma ménagerie? J'aurais bientôt six monstres marins pour quatre navires. Ils se nourrissent tout seuls, ils se défendent et se logent très bien, mais... pour qu'ils reviennent vers nous, il faut leur consacrer du temps. Si à coté de ça, je dois aussi m'occuper de mes hommes et de ma flotte, je ne pourrais pas le faire.
        -Et s'ils peuvent vivres peinards dans la nature, où est le prob'?
        -Pour qu'ils redeviennent de grosses cibles et se fassent charcuter le cerveau par la marine Nessy? Non.
        -Pourquoi non? Est-ce que c'est votre problème?

        A cela, Savannah lui jeta un regard qui exprima bien plus que ce que des mots auraient pu faire. Pour elle, ces choses avaient certainement autant de droits à la vie que n'importe quel être humain, et peut être bien plus. Ils étaient rares, fascinants, merveilleux, et d'autant plus précieux de ce fait. Ils l'avaient tous aidée, elle leur devait beaucoup. Tout à fait le genre de choses qu'un mercantile pragmatique comme Dogaku ne cernait pas vraiment. Les droits des animaux, le respect de la nature, la gratitude envers le monde marin ne faisaient pas vraiment partie de ses priorités, à fortiori quand leur exploitation pouvait rapporter gros. Il s'agissait de ressources, à ne pas gaspiller, et encore moins pour rien... mais qu'on pouvait utiliser.

        -Il leur faut un endroit où ils pourraient vivres sans que la marine n'ait le droit de les atteindre, compléta Barbabsente.
        -Et Luvneel est précisément un pays où la marine n'a pas le droit de... oh putain, réalisa Sigurd. C'est ça que vous voulez?

        Elle opina du chef. Ce qui fit grimacer Dogaku tant la chose lui semblait... invraisemblable? Cette fois ci, son regard glissa sur sa compagne sans qu'il ne puisse sonder ce qu'elle pensait. Elle n'avait peut être pas fait son choix. Lui, en tout cas...

        -On ne demande pas ce genre de cadeau sans rien apporter en retour. Aussi je propose d'offrir mes services comme mercenaire ou corsaire aux couleurs de Luvneel. En plus d'acheter notre amnistie en offrant quatre cent millions au royaume.
        -Ah?

        Des berries. Un langage qui, maintenant, parlait beaucoup plus à Sigurd. Quatre cent millions de berries, c'était sensiblement plus que ce que...

        En fait, c'était globalement ce que valaient le cumul toutes ses affaires en capital investi. C'était vraiment énorme.

        -Sans compter l'expérience de mes hommes et la valeur de nos biens. Avec tout l'équipement dont il dispose, l'Arvato à lui seul vaut près de quatre cent cinquante millions de berries. Plus trois autres navires d'une centaine de millions chacun.

        Pour un total d'apport qui frôlait le milliard. Ce qui aurait été incroyablement intéressant si tout ça n'était pas trop gros pour être vrai, songea le Luvneelois, rongé de scepticisme.

        -Et vous pouvez faire ça?
        -Vous pouvez voir les coffres, désigna-t-elle tandis que ses trois lieutenant, jusque là simples observateurs, ne dévoilent le contenu de ces derniers. Vous n'avez pas idée de ce qu'on aurait pu faire de l'Arvato si on avait choisi de réinvestir tout ça. Et au lieu de ça... et bien voilà. On achète notre rédemption. Qu'est-ce que vous en diriez?

        Il jetta un regard aux pierreries emmêlées de pièces d'or par centaines qui se reposaient tranquillement dans les coffres. Quatre cent millions de berries. A en voir le contenu... ça pouvait être ça. Physiquement, l'argent était bien là. Son regard se tourna alors vers la capitaine, puis sur ses trois lieutenant, pour essayer de comprendre leur marché. Pourquoi demandaient-ils ça? Est-ce qu'ils étaient sérieux? Est-ce que c'était un piège? Il y avait quelque chose ; on ne demandait jamais rien gratuitement.

        A nouveau, il consulta sa partenaire d'un coup d'oeil. Et cette dernière avait l'air aussi désarçonnée que lui. Un détail qui n'échappa pas à Barbabsente, qui les comprenait bien.

        -Vous n'avez pas à répondre tout de suite. Je comprends bien que vous avez besoin de temsp pour... digérer les infos, et accepter le marché. Avec ce que les marines viennent de se prendre dans la face, ils ne peuvent plus rien faire. Il leur faudra des renforts, et des ravitaillements. Je leur donne une dizaine de jours pour avoir ce qu'il faut, avec le matériel et tout. Et avec ça, je vous donne deux... trois jours pour me faire un retour? Mettons deux. Je descendrais sur l'île, je me rendrais bien visible, je viendrais vous chercher, vous me donnerez votre réponse. Si vous avez des questions que vous voulez absolument me poser, vous me trouverez en mer... ou alors vous les garderez pour mon retour. Je vous laisse choisir. Notez bien que je veux simplement votre avis sur le sujet, pas encore une quelconque garantie sur la... faisabilité du projet. Sachez simplement que je ne prépare pas de piège, et que je n'ai aucune raison de le faire. Si je voulais me venger de vous pour une question de fierté mal placée, je l'aurais fait maintenant. Vous n'avez qu'à consulter ce qui a déjà été recensé sur notre cas. Nous n'avons jamais visé de personne ou de ville en particulier, simplement des gros tas de trésors maritimes.

        Elle s'interrompit, à la fois pour laisser ses paroles s'ancrer dans les têtes embrumées de ses invités, et pour faire le point sur son petit discours. Avait-elle oublié de dire quelque chose? Elle espérait que non. Mais pour en être sûre, elle s'attarda dessus. Et enfin...

        -Et sur ce... d'autres questions?
        -Pourquoi passer par nous plutôt que de contacter directement le palais?
        -Vous êtes très influents. Et vous avez une excellente réputation, à la fois dans ce pays et à l'échelle de... eh bien, assez loin pour que je pense que ça peut être une excellente idée. Et puis... vous faîtes beaucoup d'efforts pour essayer d'apporter autant de choses que possible au pays, donc... je pense qu'une horde de monstres marins qui défendent une cité portuaire doit faire peur aux pirates. Et puis... mais alors là, c'est complètement autre chose et je peux parfaitement me tromper, mais...

        Savannah essaya de retenir son sourire grandissant, et se manqua complètement. La façon dont elle regardait maintenant l'autre jeune femme trahissait complètement ses motifs. Ce qu'elle allait dire comptait pour beaucoup plus que ce qu'elle laissait entendre.

        -Parce que je suis convaincue que le talent que j'ai avec ces créatures... vous l'avez autant que moi, chère sorcière de Luvneel.


        Dernière édition par Evangeline T. Haylor le Mar 27 Juin 2017 - 1:00, édité 1 fois
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        -Alors, votre position sur tout ça, qu'est-ce que c'est?

        Cinq heures venaient de s'écouler. Cinq heures pendant lesquelles toute la bande de marines et leurs trois invités avaient étés reconduits jusqu'au port d'un petit village côtier, sous les regards de quatre marines de garde complètement dépassés et d'une trentaine de villageois qui s'étaient faits aussi petits que possibles. L'approche du navire pirate aux aménagements flambant neufs et des cinq barques avait fait sensation. Avant que tous n'embarquent, Barbabsente s'était brièvement entretenue avec Hisoyashi, en présence de tout le monde cette fois-ci. À la fois pour lui annoncer qu'elle désirait se ranger et souhaitait obtenir l'amnistie, mais aussi pour lui indiquer qu'ils faisaient tous complètement fausse route à propos de Kamorrah, qui n'était ni hostile, ni sauvage, et que la marine n'avait pas à lui forer le cerveau pour en prendre le contrôle. À ce sujet, elle avait également indiqué de se fier aux moutons de l'île pour comprendre le fin mot de l'histoire, en spécifiant que c'étaient eux qui la faisaient venir. Et que les détails de tout ça étaient tellement absurdes qu'il valait mieux qu'ils constatent par eux mêmes de quoi il en relevait.

        À aucun moment elle n'avait indiqué vouloir s'installer sur Luvneel, et encore moins y installer un havre pour ses monstres marins. Au lieu de ça, elle proposa d'offrir cent millions de berries à Tanuki pour les réparations, et leur présenta une demi-douzaine de personnages en piteux état, mal rasés, fatigués, menottés, parfois même ligotés, aux vêtements maculés et malodorants... et chacun accompagné d'un avis de recherche qui les identifiaient tous comme étant des pirates tous primés pour des sommes allant de dix à trente millions, pour des crimes assez violents et répétés pour que leur capture s'avère bienvenue.

        Et puis, les tueurs carnassiers étaient sensiblement moins désagréables à chasser que les autres pirates, avait-elle précisé.

        À l'occasion de ce débarquement, tous avaient constaté que la discipline militaire des Bark Knights, les six équipes d'élite de l'Arvato, avait déteint sur l'ensemble des hommes de leur flottille. Ils donnaient plus l'impression de militaires indépendants que de pilleurs des mers. Un trait tout aussi visible sur les équipes d'artilleurs et de techniciens en charge des nombreux mécanismes présents sur leur navire. Et forcément, cela les rendait d'autant plus crédibles dans le rôle d'aspirants mercenaires nationaux sous lequel ils se présentaient.

        Quand Sigurd lui avait demandé si les cent millions qu'elle avait proposé pour Tanuki étaient à déduire ou à ajouter de ce qu'elle proposait pour Luvneel, Savannah se contenta de sourire. Elle avait prévu large. Les six primés offerts à la marine en guise de bonne volonté, livrés sans la moindre garantie d'obtenir leur contrepartie, n'en était qu'un exemple.

        Forcément, il conservait de gros doutes. Mais d'un autre coté...

        -J'aurais préféré qu'elle ne nous enlève pas tous et qu'elle ne nous empêche pas d'observer la tortue pour que ses déclarations soient crédibles, objecta la commodore.
        -Ben... vous remarquerez qu'elle nous a pas maltraité à aucun moment, ou encore essayé de nous prendre en otage. Deux demi-milliardaires et une équipage de la scientifique, ça doit bien se monnayer, pourtant. Et elle ne donne pas l'impression d'être du genre à ne pas voir ce genre d'opportunité. Elle a juste choisi de ne pas le faire.

        Les marines étaient retournés près des leurs, dans la petite base de l'île ; Sigurd et Evangeline avaient atterri dans le village où les bénévoles avaient établi leur QG, avant que le seigneur local et ami de Sigurd, Althias de Mistoltin, ne les invite sous son toit. Où la commodore avait elle aussi fini par les rejoindre, convaincue qu'ils pourraient lui permettre de comprendre le fin mot de cette histoire. Sigurd l'avait reçue sans hésiter dans un petit salon du manoir d'Althias, en compagnie de ce dernier. Le Luvneelois leur avait relaté le détail de ce que leur avait dit Barbabsente... à l'exception de ce qu'elle même n'avait pas indiqué, à savoir que la pirate espérait trouver dans le royaume une zone franche où le GM ne viendrait pas embêter ses petits monstres. Il lui avait tout de même précisé qu'elle comptait s'installer sur Luvneel, et qu'elle disposait visiblement d'un réel talent avec ces animaux - ce qui était de toute façon indéniable.

        -D'ailleurs à ce sujet, je me demandais, se rappella Sigurd. Qu'est-ce qui vous a fait venir là? Vous nous avez dit que c'était juste pour observer la tortue... et pour voir ce qui la poussait à se rendre sur l'île, mais... il n'y a pas autre chose?
        -Mmh?
        -Vous êtes la sous-marine, la division Nessy. Vous êtes là pour chopper la tortue, non?
        -Ça relève du possible, oui.
        -Vous n'êtes pas là pour ça?, s'étonna Althias.

        Cette fois, Emiko le regarda avec hésitation. Elle pouvait refuser des informations à Sigurd, mais le noble local avait une charge officielle qui lui donnait droit à ces informations. Pour ces opérations, la marine était tenue de répondre aux questions des autorités locales. Pour le fait de les prévenir à l'avance ou de tenir compte de leurs avis, c'était encore autre chose.

        -Vous n'êtes pas venus pour nous aider dans les réparations, ça c'est clair en tout cas, poursuivit Mistoltin. Nous n'avons pas été prévenus que vous seriez dans le coin, et pourtant la garnison locale participe aux travaux.
        -Étudier la tortue, et le cas échéant, la ramener avec nous, oui. C'est pour ça que nous sommes là.
        -Ah. Je m'disais bien aussi, triompha le Luvneelois. Du coup, vous allez lui greffer un machin dans le crâne?
        -Un quoi?
        -CCP, je crois que ça s'appelle? Les machins que vous calez aux monstres pour qu'ils deviennent dociles.
        -Il me semblait qu'ils ne devenaient pas si dociles que ça, rebondit Althias.
        -Ah?
        -Même comme ça, mieux vaut les garder sous surveillance.
        -Oh. Ça aussi, c'est utile à savoir.

        Très utile à savoir, songea la commodore. Ces deux là s'avéraient étonnamment bien informés sur ces choses, qui relevaient pourtant de l'exclusivité de la sous marine et de la scientifique. Lorsqu'elle exprima sa surprise, Althias les justifia:

        -Tout était dans le journal, vous savez? Beaucoup d'articles sont parus au sujet de la sous-marine, au moment de sa création.
        -Ça remonte à pas très longtemps, ouais. L'année dernière ou y'a deux ans, je crois?
        -Et outre les journaux, les revues spécialisées en ont aussi parlé. Les sous-marins de la division Nemo ont été à l'honneur, et pour les contrôleurs cérébraux...
        -Et puis bon, c'est toujours utile de se tenir informé et de lire le journal. Surtout quand ça vous permet d'apprendre qu'un gros méchant pirate s'est fait huit cent millions en piochant dans les impôts GM censés finir en primes, hein.

        La commodore n'insista pas. Ça se tenait, oui. Sigurd et Althias étaient précisément le type de personnes à se tenir informés de ce qui se passait dans le monde, leurs affaires respectives dépendaient de leur façon de s'adapter à ce genre de changements.

        -Et ils parlaient de quoi, dans les trucs scientifiques parlant des CCP?
        -Je ne sais plus vraiment. Ça remonte à trop longtemps.
        -Des machins genre manipulation des esprits et des esclaves humains?, proposa Sigurd d'un air insistant.

        Les deux autres lui jetèrent des regards intrigués. Depuis qu'ils avaient abordé le thème avec Haylor et la pirate, cette histoire lui était restée dans la tête et avait fait son petit bonhomme de chemin. Pour Mistoltin et Barbabsente, par contre, le sujet semblait vraiment sorti de nul part.

        -Je me disais juste que si vous arrivez vraiment à contrôler les bestioles géantes en leur calant des bidouilleurs cérébraux dans la trogne, qu'est ce qui vous empêche de le faire avec des êtres humains? Répondez pas l'éthique, ça va m'faire rigoler.

        La question était entièrement dirigée vers la commodore, qui ne savait trop quoi dire.

        -Euh... ne me regardez pas comme ça, je ne travaille pas dessus, répondit Emiko. Pour info, je ne suis pas de la marine scientifique, et je ne touche pas du tout à ces trucs. S'il s'agit d'observer des gros monstres dangereux, de s'assurer que leur capture se fait sans le moindre dommage, de récupérer des pièces d'équipement hors de prix ou d'assurer que les équipes scientifiques ne courent pas de risque, pas de problème. Pour le reste, ça n'est pas mon rayon.
        -Erf.
        -Cela dit... c'est vrai que je me suis moi aussi posée la question. Sans vraiment insister, sans demander à personne, mais... oui.

        L'attitude de la commodore se modifia subtilement. Sa posture sur le petit canapé du salon, déjà ; elle s'enfonça doucement dedans, plus relâchée. D'autres détails, son ton, son visage, son allure indiquaient que l'interrogatoire de témoins dérouté par Sigurd venait de prendre fin. Maintenant, ils parlaient.

        -Dooonc... vous êtes d'accord que de l'un à l'autre...
        -Eh bien ça semble idiot. Ça fait trop science-fiction. Mais d'un autre coté...
        -Donc vous n'avez jamais rien entendu qui allait dans ce sens?
        -Héhéhé. Vous imaginez bien que si je savais quelque chose, je n'aurais pas le droit de le dire. Heureusement je ne sais rien. Ça ne serait pas le premier tas de trucs tordus que les scientos prépareraient, et j'ai déjà entendu des trucs assez horribles dans d'autres domaines pour que...

        Ils dérivèrent longuement sur le sujet, aidés par Mistoltin qui, en plus de se joindre avec intérêt à la théorie du complot -parce qu'un tel fantasme ouvrait la porte à d'innombrables choses- délia les langues en faisant servir un grand cru de sa cave qui les mis de bonne humeur. Ils y restèrent plus d'une heure, jusqu'à l'heure du dîner, où la commodore dû prendre congé. Ce qui n'était que partie remise ; le noble de province réussit à obtenir d'elle un dîner ultérieur sous ses murs. Ce qui arracha une affirmation surprise, mais ravie de la jeune femme, et un sourire détourné aussi amusé que bienveillant de la part de son compère.

        Et lorsqu'elle les quitta...

        -M'attendais carrément pas à ça, tiens. Je prépare les tee-shirt et banderoles Emiko X Althias pour nourrir le fanclub?
        -T'as quel âge?
        -Quelque chose genre huit ans d'âge mental, il me semble. Cela dit je me tâte de faire installer des banderoles "Je vous aime" en face de l'appart' d'Haylor pour la prochaine saint-Valentin.
        -Va plutôt la chercher pour le repas, plutôt que de raconter des âneries.
        -J'espère d'jà qu'elle va mieux, elle pionçait comme un roc, tout à l'heure.
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        -Vous êtes sûûûûûre que ça va?
        -Je vais très bien, merci.
        -Vraiment vraiment vraiment?
        -Est-ce que j'ai l'air d'aller mal?
        -Nan parce que hier, vous étiez une épave. Dommage que vous soyez pas venue. Entre le tartare Myriapol, la salade Attalianne et le steak d'espadours à la bro...

        Elle le fit taire d'une bise. Ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre, quelques secondes plus tard, en la défiant de le refaire.

        Ils étaient le lendemain, à cinq heures du matin ; le soleil commençait tout juste à se lever, au grand dam de Sigurd. De ce qu'il avait compris, Evangeline s'était réveillée encore plus tôt qu'à son habitude et avait décidé de se promener dans le manoir d'Althias et ses grandes galeries d'art. Jusqu'à finir par rejoindre la chambre de son acolyte, de se poser sur sa couette et le remuer jusqu'à ce qu'il se réveille. Un coup de tête qu'elle parvint à se faire pardonner après la série de "gnéhuhein?" somnolents qu'il avait baffouillée. Même vêtue d'un épais pyjama aux motifs de tartans qui ne révélait rien, il tombait facilement sous le charme et l'accueillait volontiers dans ses bras. Et ne la lâchait pas.

        -Bon, bah tant mieux, fit-il en refermant les yeux. Et sur ce, je vous dis que vous êtes bien gentille mais que je manque cruellement de sommeil et... et vais m'servir d'vous comme coussin de support pour la peine. Ou plutôt comme super radiateur.
        -Oh que n...
        -ZzZzZzZzZzZzZz...
        -Non non non non non non non.
        -Siiiiiiii. On est pas bien, comme ça? Même que j'ai envie de passer ma journée allongé à rien faire avec vous. Ou au moins une grasse mat'. Travailler comme un porc ça rend fier et c'est noble, mais traîner comme une larve c'est aussi...
        -Pas aujourd'hui. Nous avons énormément de choses à faire aujourd'hui.
        -Uh?
        -Il va falloir que l'on passe pleeeiiin de coups de fil, de demandes, et qu'on fasse encore plus de recherches à distance. Et puis des conférences pour consultations groupées. Barbabsente. Il faut tout savoir d'elle pour savoir si c'est un piège ou si on peut vraiment lui faire confiance. Nous n'avons qu'une journée pour monter un dossier en béton. Pour être sûrs que son offre est crédible, et qu'on peut l'appuyer. Ou pour comprendre que c'est une ordure de la pire espèce qui se servirait de nous comme passerelle pour Luvneel en vue de faire... je ne veux même savoir, mais je crois que je vais la tuer si c'est le cas. Ce qui nous fera plein de travail. Il faudra connaître tout son passif, les crimes qu'elle a commis, si son équipage de soldats est vraiment...
        -Haylor?
        -Et si jamais c'est le cas, il faudra réussir à convaincre les autres de nous suivre sur l'affaire. Ça sera extrêmement difficile de convaincre un ministre ou le roi de donner l'amnistie à tout un équipage sur notre simple bonne foi, même s'il s'agit de nous. Il faudra rassembler assez de voix à l'hôtel de ville, la milice, les gardes-côtes, les autres villes, faire peser notre poids, peut être aussi Vaxholm, Loupiote...
        -Tatatatatatata RATATA TAH TAH TAH, on se calme la miss! Je ne signe rien de tout ça, on ne vend pas la charrue avant d'avoir tué la peau du boeuf.
        -Hein? Mais ce n'est pas du tout...
        -Ouais c'était ça la blague.
        Et j'précise au passage que vous venez de commettre l'erreur fatale qui mettra fin à tout.

        Avec autre chose qu'une voix empâtée par Morphée, il aurait presque eu l'air inquiétant vu la tête qu'il faisait.

        -Je vous demande pardon?
        -Vous venez me tacler comme une fleur toute souriante à cinq heures du matin pour me parler boulot. C'est over, je demande le divorce. Je ne veux. Plus vous voir. À jamais. Notre histoire est finie, ça ça ne passe pas.
        -Je vous interdit de...
        -Faire ces blagues? Damn, faut vraiment que je fasse du théâtre.
        -Vous êtes vraiment horri...
        -Vous qu'avez commencé.

        Le problème des couples de commerçants, c'était que la limite entre le travail et le temps libre sautait très facilement. Mais c'était surtout une délimitation que la paresse de Sigurd s'acharnait furieusement à faire respecter, parce que c'était aussi sacré que les fruits et le poisson au petit dej. Ça n'était rien de moins que la base d'une vie saine pour chaque jour.

        -... euh... ah que... hihihi, oui, je n'y ai pas... désolée, s'excusa la miss d'une grimace hypocrite.
        -Objection rejetée, bailla l'autre. Pour la peine, je vous condamne à passer les cinq heures à venir écrasée sous mon poids à me servir de polochon pendant que je finis ma nuit.
        -Seulement de polochon?
        -Et de radiateur custom'. Et tant mieux si vous espériez autre chose, tiens. Vous allez comprendre ce que c'est que LA FRUSTRATION. On se revoit dans quatre heures, j'ai une nuit à boucler.
        -...
        -...
        -Bon. Mais quand même, vous...
        -ZzZzZzZzZz...
        -Siiiiguuuurd... vous n'allez quand même pas...
        -ZzZzZzZz...
        -Pfffff...



        *
        * *
        *


        -Mais quand même, j'trouve ça ultra bizarre. Vous voulez vraiment faire ça, donc?
        -Quoi?
        -La pirate et son amnistie?
        -Peut être. Pas vous?

        Début d'après midi. C'était la première fois que Sigurd passait plus de temps dans la section administrative des bénévoles que sur les champs à réparer les dégâts. A ceci près que le travail qu'ils faisaient n'avait plus rien à voir avec les avaries de Tanuki. Dogaku avait puisé dans quelques unes de ses relations de la justice, à savoir Tagaki Suzukawa, un des responsables de la B.N.A., plusieurs officiers des gardes cotes de Luvneel, un peu moins de ses anciens collègues officiant désormais dans la marine, et Hisoyashi elle même... avec l'aide d'Althias, qui s'entendait décidément très bien avec.

        Allez savoir pourquoi, il n'avait encore expliqué à personne la vraie raison pour laquelle il voulait vérifier son passif. Et ne pu s'empêcher de noter qu'Haylor était restée aussi discrète que lui.

        -Franchement, ça sent hyper mauvais je trouve. Dès que j'y réfléchis, j'arrive pas à penser au delà de l'étape une. Pourquoi on ferait ça? Ça nous concerne pas. On n'a rien à voir ou gagner dans c't'affaire. À part le fait qu'elle nous ait demandé de servir de gentils intermédiaires favorables. C'bien gentil, mais niveau bouffon bénévole j'ai déjà assez donné, largement. Rendre service c'gratifiant pour un temps, à la longue ça me gonfle et c'est tout. Surtout que là on parle d'une troupe de pirates de trois cent gus entraînés, donc c'est ultra dangereux. Avant même de considérer les saloperies titanesques de monstres marins qu'ils se traînent ou le fait qu'elle leur fasse faire ce qu'elle veut.
        -Eh bien faîtes comme d'habitude. Vous rendez un service pour permettre une transaction, prenez une commission dans la foulée. Prélevez votre part pour compenser le risque et le temps que vous prenez sur l'affaire, comme si vous travailliez. Soixante ou cent millions, ponctionnés sur ce qu'elle offre à Luvneel, par exemple? Sur quatre cent millions, il y a de quoi faire.

        Et là, forcément... il ne répondit pas. La proposition d'Haylor était tellement simple... et tellement évidente... Et tellement habituelle... qu'elle lui paru normale. Si l'on exceptait le fait que la transaction inclurait une pirate, c'était exactement le genre de services qu'il rendait tous les jours. Permettre des rapprochements pour lancer des projets.

        -Je vous ai déjà dit que vous étiez vraiment géniale, des fois?
        -Deux-trois fois chaque semaine, ronronna l'autre. Mais je suis sûre que vous auriez fini par y penser tout seul... après avoir refusé la proposition sur l'instant en pestant de mauvais poil.
        -... probablement dans ce genre, ouais.
        - Et j'ai comme l'impression que Barbabsente disait bel et bien la vérité sur son compte. Elle est presque irréprochable... pour une pirate. Des retours négatifs de votre coté?
        -Nan. À ceci près que c'est une pirate, persifla Dogaku.
        -Roderik aussi, oui.

        Roderik. La plus vielle amie de Sigurd. Une pirate elle aussi. Ce dont il se mordait toujours les doigts, même s'ils s'entendaient toujours aussi bien et se revoyaient encore à ce jour.

        Il tiqua furieusement à la remarque.

        -Elle a quelques travers, mais pas plus que vous et moi. C'est quelqu'un de très bien, continua Haylor d'un ton qui de voulait apaisant. Nerassa, je parle. L'un n'empêche pas l'autre.
        -Pfff. Z'allez pas mettre l'autre folle au même rang que Nera', quand même?
        -Non. Mais quand même. Je pense... je suis sûre que ça se passera bien.
        -Tsss.

        Maintenant, le blondinet affichait sa plus mauvaise mine. Un mélange de contrariété, d'énervement, et de conviction qu'il était perspicace. Le pire, c'est qu'il allait quand même dire oui. Mais il n'en démordrait sans avoir vidé son dernier sac de venin.

        -J'ai l'impression de me faire manipuler comme un môme, grommela-t-il. Au final, c'est juste que vous croyez à ces histoires de talents empathiques à bestioles au point de vouloir l'accepter juste parce qu'elle vous a agité ça sous le nez, et que ça vous intéresse, non?
        -Mmh. J'ai le droit de répondre oui sans me sentir ridicule?
        -Non, parce que la question est complètement orientée par mes soins.
        -Sans surprise...

        Elle resta sans répondre. Elle n'en savait rien. Il y avait trop de choses qu'elle ne pouvait pas dire sans avoir l'air ridicule, et une poignée d'autres qu'elle emmurerait dans son silence quoi qu'il advienne. Et pourtant, elle était presque sûre que...

        -C'est juste n'importe quoi, poursuivit-il. Déjà ce qu'elle fait, c'est du dressage, y'a pas de lien psycho-sensoriel impossible avec ses bestioles. Et que vous soyez dans l'histoire, c'est trop gros, ça sort juste de nul part. Complètement infondé. Juste parce que vous faîtes des trucs incroyables avec des trucs incroyables signifie pas que vous avez un don unique pour toutes les bizzareries zarboïdes qu'on nous sert, faut savoir s'arrêter.
        -Sigurd...
        -Nan nan nan, y'a une limite à faire et à pas dépasser. La magie bon enfant, pas de prob. Les trucs dangereux comme sortir des incendies d'un claquement de doigt, pourquoi pas. Faire des legos avec des nuages géants, c'est hyper cool. Jouer à pokémon avec des crabes géants, véto.
        C'est du flan, de toute manière.

        Cette fois, Evangeline piqua un fard, vexée.
        Elle adorait ce qu'elle faisait, mais restait très susceptible quand on lui faisait remarquer à quel point c'était vraiment bizarre - puissance dix quand Sigurd s'en chargeait.

        Aussi répliqua-t-elle:

        -Vous dîtes ça mais réagissez de la même façon que moi quand on parle de berries.
        -De cinquantaines ou centaines de millions de berries, s'pas pareil. L'équivalent de dix ou vingt ans de travail pour des personnes normales, vous vous souvenez? Vous avez déjà oublié? Personne ne crache dessus.
        -Alors que moi et mes tours de sorcière, nous ne servons à rien, bien sûr. Sigurd. Ce sont des choses que les personnes normales sont incapables d'avoir, peu importe la durée de leur vie. Le pouvoir, il y a des gens qui tuent tous les jours pour en avoir, et même pour en avoir une quantité infime. Alors des monstres géants, vous n'imaginez pas.
        -Tsss. Vous savez que vous faîtes peur, à dire ça? Un jour, on vous agitera le logia du plasma sous le nez et vous baverez devant à attendre les ordres pour avoir votre nonos.
        -Ca ne sera pas très différent de vous quand on vous achètera à grands coups de millions pour faire dieu seul sait quoi.
        -Eh. Heureusement que vous serez là pour me dire que je suis un connard corrompu et me dire de ne rien faire, hein?
        -À condition que je n'aie pas déjà vendu mon âme entretemps. Via pacte avec le diable, un artefact maudit ou je ne sais horreur d'outre-plan.
        -Boah, je sortirai le pouvoir de l'amour pour ouvrir les portails de l'enfer et aller vous chercher, si c'est le cas. Avec tout mon pognon mal acquis, j'aurais bien de quoi financer la construction d'un robot de combat géant pour casser les démons sur la route, nan? Pourrai même m'acheter un logia histoire d'être extra sûr que j'arriverai au bout.
        -Noooon. Un logia, vous?
        -J'm'enflamme peut être un brin, ok. Mais si c'est ce qu'il faut faire...
        -Vous ne passerez même pas la première strate.
        -Je ne passerai pas le premier mob, même. Mais heureusement, vous viendrez me sauver, me hurlerez dessus à quel point c'est débile ce que je fais, et utiliserez vos nouveaux pouvoirs astro-démoniaques pour clearer tous les niveaux de l'enfer jusqu'à ce qu'ils vous rendent votre âme en vous suppliant de ne jamais venir. Du coup pas besoin de logia. Mais je garde le robot. Ça serait cool, un robot.
        -Pfff. Mon valeureux chevalier en détresse.
        -Heureusement que vous avez décidé de skiller "ma sorcière bien-aimée" en retour, hein?

        Raisonnement par l'absurde, et beaucoup d'idioties. C'était ça ou laisser la discussion se transformer en dispute, alors quitte à choisir...

        -Donc?
        -Donc okay. Je vous suis. On voit si c'est réellement possible de la recruter quelque part. Mais interdiction de jouer avec des crabes géants tant qu'on est pas retournés sur Luvneel avec c't'affaire bouclée, d'accord? On fera ça au calme.
        -C'est noté.
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