Décembre 1623 : Kage Berg, Base Marine, Entrepôt des archives, près du radiateur défectueux.
Une journée sous la paperasse, c'est une lutte contre des dragons modernes. Qui te consument d'ennui, te lacèrent d'accablement, n'ont de trésors planqués sous leurs fessiers que ton p'tit salaire de lieutenant pourri, et un vague espoir de dénicher les perles rares que l'on convoite.
... Hahaha. Encore une plainte pour tapage nocturne. Ça m'rappelle les folles nuits de Luvneel... J't'ai raconté ?
Un collègue bavard, c'est un preux écuyer qui s'acharne tant bien que mal à regonfler ton courage à la souffleuse, alors qu'il est et restera misérablement raplapla. J'ai l'aileron plié contre l'dossier d'mon bureau, bondé d'fourmis carnivores qui le ronge de l'intérieur, j'le sens plus. Ça fait bien cinq ou six heures que j'suis rivé sur une chaise. A la recherche d'un fantôme dans de vieilles archives décrépites.
... Ah ! Un autre mort. 1622 aussi, celle-ci.
Pourquoi elle serait reliée aux autres ?
... cimetière. Un mec bourré retrouvé en charpie à l'entrée du cimetière.
C'est vrai que j'crois pas au coïncidences, et qu'là ça en ferait une sacrément grosse. Dans ce monde, tout est entremêlé, sifflant et vibrant, comme dans une orgie de vipères; et pour découvrir les p'tits secrets sordides des gens, faut pas avoir peur de foutre la palme dans le sac de reptiles.
Alors, d'un côté, j'me demande si ce lieutenant coincé dans son âge pré-pubère, criblé d'un acné disgracieux et le dos déjà brisé comme s'il portait le fardeau de soixante années, j'me demande s'il aurait pas eu l'instinct de chasse plus affûté qu'celui de nos supérieurs, pour une fois. Sept. Ils sont sept à être morts à Gap Island, une région paumée dans un des nombreux trous du cul de West Blue. Pas de marine, pas de réelle loi, si c'n'est celle d'une milice affable qui n'collabore avec le gouvernement mondial que sous la menace d'envoi d'une garnison sur ses terres. Une milice affable mais pas bien efficace, qu'on dirait. Sept morts, SEPT, qui restent affaires irrésolues, toujours en cours, mais un manque absolu de témoins et de circonstances.
Sept morts, alors ?
Huit, en comptant celle-là. Mais y en a p'tete eu beaucoup plus, Gap Island transmet pas la moitié de sa paperasse réglementaire à la marine. Paraît qu'ils pensent qu'ils lui doivent rien.
Ça nous fait... un clodo... un retraité... un môme... un abonné aux alcooliques anonymes... un clebs... un toxico... un autre clodo... une fermière...
Ouais ?
Bah, j'vois pas l'rapport. C'comme si on avait un spectre qui fauchait un peu n'importe qui, n'importe quand, n'importe comment. La seule constante, c'est l'cimetière. On les retrouve dépecés à l'entrée du cimetière. Pourquoi ?
... tu crois qu'le commandant accepterait qu'on fasse un tour sur Gap Island ?
Pour partir chasser le loup dans les contrées barbares ? Nan, jamais.
Janvier 1624 : Gap Island, Sleepy Hollow.
Il a accepté.
Frangin serait fier de moi s'il savait. Que j'partais à la recherche d'un tueur en série, d'un vrai de vrai. Du style charcutier, qui semble confondre le cimetière local avec une zone de non-droit, qui crée des morts juste à côté du coin où on les enterre, pour faciliter le boulot aux fossoyeurs. Bizarre, Tark, hein ? Que les locaux aient pas encore réussis à coincer c'type. Un taré sanguinaire ça doit dénoter, au milieu d'un motel pour macchabé.
Car Sleepy Hollow est l'un de ces bourgs un peu minables, mais authentiques. Mais minables tout de même. Encerclé de sous-bois hibernants, incrusté dans le creux d'une île pas bien aguicheuse, le village hors-du-temps, hors de la vie, hors d'atteinte du moindre pirate qui capitulerait rien qu'au fumet de bouse réfrigérée levé par la coquette Mère Nature en robe blanche.
J'ai l'impression d'm'être fait happer par un vieux polar couplé à un soupçon d'horreur, tant le glauque enguirlande cette cité morte-vivante. C'aurait été un coup à confondre le centre-ville avec le cimetière, ouais.
J't'ai pas souhaité la bonne année, en fait, poiscaille !
J'sais pas si c'est le moment.
Frank à mes côtés. J'suis son Watson, ou il est l'mien. J'sais pas encore.
Les glaciales caresses du vent hivernal dans la nuque, couplées aux frissons de rigueur face à un sordide patelin qui n'semble pas nous apprécier nous voir, débouler en grosses bottes de soldats mandatés sur leur gravier gluant, dans leur tanière rupestre qui doit pas compter plus d'mille âmes qui vivent, dont le tiers en bovins. M'suis fais beau, j'ai chouchouté mon affreuse enveloppe charnelle pour l'occasion. Parce que l'hybride squale humanoïde de la maison part pas gagnant dans la conquête des coeurs paysans, naturellement. J'retrouve cette bonne vieille angoisse tandis qu'les regards suspicieux des quelques lèves-tôt viennent éroder ma fine carapace de fierté. Oh non... Cette bonne vieille angoisse qui me flanque un miroir devant les globuleuses en me hurlant : "ILS T'IMAGINENT EN BOUILLABAISSE" !
Et le Frank, à la sociabilité débridée qui bouffe à tous les râteliers, est aussi peu raciste qu'il n'est rassurant. D'une légèreté craignos, qui s'adapte pas à l'atmosphère oppressante.
Le chef de leur milice était censé nous rencontrer ici.
"Censé", ouais, c'est l'mot.
L'commandant leur avait précisé pourtant, qu'tu étais un homme-requin... On devrait être plutôt reconnaissable.
Ouais, ils se tromperont pas de cible.
Dis pas ça, j'suis sûr qu'ils sont sympas. Z'ont pas l'habitude de recevoir des étrangers, voilà tout, je... Hm. On voit ton slip.
Merde...
J'comprenais pas comment le froid se faufilait jusqu'à mon entrejambe. Maintenant, je capte. J'remonte mon froc, peste un coup contre ma ceinture amputée d'sa boucle. Mon uniforme de lieutenant est une ruine, qu'a plus connu la laverie depuis bien six mois.
J'ai les écailles gercées par un thermomètre qui doit déplorer son mercure congelé. Notre taxi, le bateau postal, nous a largué ici à six heures du mat. A sept heures, on a enfin trouvé l'village après nous avoir bouffé dix kilomètres de verdure inutile, saupoudrée d'neige, bien sûr, histoire d'nous scier les pattes. Huit heures, on devait serrer la pince au gourou de la police locale sur l'unique place de la zone, devant un bar délabré aux volets couverts de planches, avec un menu tirant la gueule qui s'efforce de vanter les spécialités locales. Et là... Il est neuf heures.
J'vais faire un tour. Aller repérer l'cimetière.
Eh... Tu vas poser un lapin à leur chef de milice ? C'est comme blouser un amiral ! ... 'fin, ça doit être équivalent chez eux...
A partir d'une heure de retard, j'appelle plus ça "poser un lapin". Et j'suis pas sûr de faire un joli panneau publicitaire pour la marine... Il risquerait de croire que c'est moi l'tueur et me flinguer à vue.
Ton den den ! Tu m'appelles quand t'as trouvé !
Ouais.
Sois prudent !
J'ai pas peur des fantômes.
J'm'éloigne d'un pas galopant, pas envie de traîner, ça limitera la proba que l'dictateur du coin ne choisisse cet instant-là pour apparaître comme par magie au coin d'la rue, le genre de rencontres en fanfare que ma poisse aime m'envoyer dans la face. Hihi. "J'ai pas peur des fantômes". C'est plutôt une jolie sortie, ça. J'écarte sans vergogne la piste surnaturelle. Ma p'tite théorie personnelle, la première connerie qui me vient en tête lorsque j'imagine quel genre de bestiau peut se farcir des proies isolées à l'orée du bois d'un trou rural ? Grand méchant loup. Et j'ai du mal à m'sentir chaperon rouge avec un museau pareil, dans ce foutu conte.
Un vieux panonceau défroqué pointe le cimetière, symbolisé par une mignonne petite croix grise. Art incompris bouffé par le moisi, moisi lui-même léché par le gel. Les prédateurs manquent pas dans la région. J'laisse pas l'temps au moteur de refroidir, j'accélère la cadence sur un sentier de terre détrempé, qui fuit le village pour partir visiter les sous-bois. Flotch, froutch, par intermittence, tandis que mes semelles se scotchent à la boue, et qu'les râles dans les pâtés visqueux que je froisse deviennent la seule trame sonore à l'horizon.
Le temps passe lentement. Les minutes se traînent, les heures ont la flemme. P'tete la léthargie de l'hiver qui déteint sur ma montre ?
Le silence fait partie intégrante du décor. C'est le sang de l'ambiance. Et mes toussotements sont comme de terribles hémorragies.
Keuf ! Keuf ! ... Eeeerk.
Sûrement un rhume.
Bon.
Grand méchant loup, j'ai trouvé ta morgue. L'entrée du cimetière, cimetière de campagne. D'une sobriété quasiment malveillante, un dépotoir de cadavres vulgairement enterrés six pieds sous terre. Et c'est une minuscule barrière de la taille d'un môme qui sépare le désert des vivants de celui des morts. J'm'appuie dessus pour souffler, un instant, les poumons réclamant une petite trêve. Ils incendient ma poitrine, mon esprit fait d'même avec ma caboche. Crapahuter trois heures en bonne compagnie, le Frank bavard et la nature froide, après une nuit de sommeil agitée d'une étrange appréhension. Déjà crevé et las, alors que la journée n'fait que commencer.
Le soleil rejoint tout juste son ciel. Il est blanc, comme le cimetière. Une fine couche de copeaux de neige, couverture sous laquelle les zombies dorment probablement. Un calme religieux, que j'me sens coupable de profaner d'mon intrusif et bruyant petit den den bicolore aux grandes dents.
Pulu Pulu Pulu
Une journée sous la paperasse, c'est une lutte contre des dragons modernes. Qui te consument d'ennui, te lacèrent d'accablement, n'ont de trésors planqués sous leurs fessiers que ton p'tit salaire de lieutenant pourri, et un vague espoir de dénicher les perles rares que l'on convoite.
... Hahaha. Encore une plainte pour tapage nocturne. Ça m'rappelle les folles nuits de Luvneel... J't'ai raconté ?
Un collègue bavard, c'est un preux écuyer qui s'acharne tant bien que mal à regonfler ton courage à la souffleuse, alors qu'il est et restera misérablement raplapla. J'ai l'aileron plié contre l'dossier d'mon bureau, bondé d'fourmis carnivores qui le ronge de l'intérieur, j'le sens plus. Ça fait bien cinq ou six heures que j'suis rivé sur une chaise. A la recherche d'un fantôme dans de vieilles archives décrépites.
... Ah ! Un autre mort. 1622 aussi, celle-ci.
Pourquoi elle serait reliée aux autres ?
... cimetière. Un mec bourré retrouvé en charpie à l'entrée du cimetière.
C'est vrai que j'crois pas au coïncidences, et qu'là ça en ferait une sacrément grosse. Dans ce monde, tout est entremêlé, sifflant et vibrant, comme dans une orgie de vipères; et pour découvrir les p'tits secrets sordides des gens, faut pas avoir peur de foutre la palme dans le sac de reptiles.
Alors, d'un côté, j'me demande si ce lieutenant coincé dans son âge pré-pubère, criblé d'un acné disgracieux et le dos déjà brisé comme s'il portait le fardeau de soixante années, j'me demande s'il aurait pas eu l'instinct de chasse plus affûté qu'celui de nos supérieurs, pour une fois. Sept. Ils sont sept à être morts à Gap Island, une région paumée dans un des nombreux trous du cul de West Blue. Pas de marine, pas de réelle loi, si c'n'est celle d'une milice affable qui n'collabore avec le gouvernement mondial que sous la menace d'envoi d'une garnison sur ses terres. Une milice affable mais pas bien efficace, qu'on dirait. Sept morts, SEPT, qui restent affaires irrésolues, toujours en cours, mais un manque absolu de témoins et de circonstances.
Sept morts, alors ?
Huit, en comptant celle-là. Mais y en a p'tete eu beaucoup plus, Gap Island transmet pas la moitié de sa paperasse réglementaire à la marine. Paraît qu'ils pensent qu'ils lui doivent rien.
Ça nous fait... un clodo... un retraité... un môme... un abonné aux alcooliques anonymes... un clebs... un toxico... un autre clodo... une fermière...
Ouais ?
Bah, j'vois pas l'rapport. C'comme si on avait un spectre qui fauchait un peu n'importe qui, n'importe quand, n'importe comment. La seule constante, c'est l'cimetière. On les retrouve dépecés à l'entrée du cimetière. Pourquoi ?
... tu crois qu'le commandant accepterait qu'on fasse un tour sur Gap Island ?
Pour partir chasser le loup dans les contrées barbares ? Nan, jamais.
Janvier 1624 : Gap Island, Sleepy Hollow.
Il a accepté.
Frangin serait fier de moi s'il savait. Que j'partais à la recherche d'un tueur en série, d'un vrai de vrai. Du style charcutier, qui semble confondre le cimetière local avec une zone de non-droit, qui crée des morts juste à côté du coin où on les enterre, pour faciliter le boulot aux fossoyeurs. Bizarre, Tark, hein ? Que les locaux aient pas encore réussis à coincer c'type. Un taré sanguinaire ça doit dénoter, au milieu d'un motel pour macchabé.
Car Sleepy Hollow est l'un de ces bourgs un peu minables, mais authentiques. Mais minables tout de même. Encerclé de sous-bois hibernants, incrusté dans le creux d'une île pas bien aguicheuse, le village hors-du-temps, hors de la vie, hors d'atteinte du moindre pirate qui capitulerait rien qu'au fumet de bouse réfrigérée levé par la coquette Mère Nature en robe blanche.
J'ai l'impression d'm'être fait happer par un vieux polar couplé à un soupçon d'horreur, tant le glauque enguirlande cette cité morte-vivante. C'aurait été un coup à confondre le centre-ville avec le cimetière, ouais.
J't'ai pas souhaité la bonne année, en fait, poiscaille !
J'sais pas si c'est le moment.
Frank à mes côtés. J'suis son Watson, ou il est l'mien. J'sais pas encore.
Les glaciales caresses du vent hivernal dans la nuque, couplées aux frissons de rigueur face à un sordide patelin qui n'semble pas nous apprécier nous voir, débouler en grosses bottes de soldats mandatés sur leur gravier gluant, dans leur tanière rupestre qui doit pas compter plus d'mille âmes qui vivent, dont le tiers en bovins. M'suis fais beau, j'ai chouchouté mon affreuse enveloppe charnelle pour l'occasion. Parce que l'hybride squale humanoïde de la maison part pas gagnant dans la conquête des coeurs paysans, naturellement. J'retrouve cette bonne vieille angoisse tandis qu'les regards suspicieux des quelques lèves-tôt viennent éroder ma fine carapace de fierté. Oh non... Cette bonne vieille angoisse qui me flanque un miroir devant les globuleuses en me hurlant : "ILS T'IMAGINENT EN BOUILLABAISSE" !
Et le Frank, à la sociabilité débridée qui bouffe à tous les râteliers, est aussi peu raciste qu'il n'est rassurant. D'une légèreté craignos, qui s'adapte pas à l'atmosphère oppressante.
Le chef de leur milice était censé nous rencontrer ici.
"Censé", ouais, c'est l'mot.
L'commandant leur avait précisé pourtant, qu'tu étais un homme-requin... On devrait être plutôt reconnaissable.
Ouais, ils se tromperont pas de cible.
Dis pas ça, j'suis sûr qu'ils sont sympas. Z'ont pas l'habitude de recevoir des étrangers, voilà tout, je... Hm. On voit ton slip.
Merde...
J'comprenais pas comment le froid se faufilait jusqu'à mon entrejambe. Maintenant, je capte. J'remonte mon froc, peste un coup contre ma ceinture amputée d'sa boucle. Mon uniforme de lieutenant est une ruine, qu'a plus connu la laverie depuis bien six mois.
J'ai les écailles gercées par un thermomètre qui doit déplorer son mercure congelé. Notre taxi, le bateau postal, nous a largué ici à six heures du mat. A sept heures, on a enfin trouvé l'village après nous avoir bouffé dix kilomètres de verdure inutile, saupoudrée d'neige, bien sûr, histoire d'nous scier les pattes. Huit heures, on devait serrer la pince au gourou de la police locale sur l'unique place de la zone, devant un bar délabré aux volets couverts de planches, avec un menu tirant la gueule qui s'efforce de vanter les spécialités locales. Et là... Il est neuf heures.
J'vais faire un tour. Aller repérer l'cimetière.
Eh... Tu vas poser un lapin à leur chef de milice ? C'est comme blouser un amiral ! ... 'fin, ça doit être équivalent chez eux...
A partir d'une heure de retard, j'appelle plus ça "poser un lapin". Et j'suis pas sûr de faire un joli panneau publicitaire pour la marine... Il risquerait de croire que c'est moi l'tueur et me flinguer à vue.
Ton den den ! Tu m'appelles quand t'as trouvé !
Ouais.
Sois prudent !
J'ai pas peur des fantômes.
J'm'éloigne d'un pas galopant, pas envie de traîner, ça limitera la proba que l'dictateur du coin ne choisisse cet instant-là pour apparaître comme par magie au coin d'la rue, le genre de rencontres en fanfare que ma poisse aime m'envoyer dans la face. Hihi. "J'ai pas peur des fantômes". C'est plutôt une jolie sortie, ça. J'écarte sans vergogne la piste surnaturelle. Ma p'tite théorie personnelle, la première connerie qui me vient en tête lorsque j'imagine quel genre de bestiau peut se farcir des proies isolées à l'orée du bois d'un trou rural ? Grand méchant loup. Et j'ai du mal à m'sentir chaperon rouge avec un museau pareil, dans ce foutu conte.
Un vieux panonceau défroqué pointe le cimetière, symbolisé par une mignonne petite croix grise. Art incompris bouffé par le moisi, moisi lui-même léché par le gel. Les prédateurs manquent pas dans la région. J'laisse pas l'temps au moteur de refroidir, j'accélère la cadence sur un sentier de terre détrempé, qui fuit le village pour partir visiter les sous-bois. Flotch, froutch, par intermittence, tandis que mes semelles se scotchent à la boue, et qu'les râles dans les pâtés visqueux que je froisse deviennent la seule trame sonore à l'horizon.
Le temps passe lentement. Les minutes se traînent, les heures ont la flemme. P'tete la léthargie de l'hiver qui déteint sur ma montre ?
Le silence fait partie intégrante du décor. C'est le sang de l'ambiance. Et mes toussotements sont comme de terribles hémorragies.
Keuf ! Keuf ! ... Eeeerk.
Sûrement un rhume.
Bon.
Grand méchant loup, j'ai trouvé ta morgue. L'entrée du cimetière, cimetière de campagne. D'une sobriété quasiment malveillante, un dépotoir de cadavres vulgairement enterrés six pieds sous terre. Et c'est une minuscule barrière de la taille d'un môme qui sépare le désert des vivants de celui des morts. J'm'appuie dessus pour souffler, un instant, les poumons réclamant une petite trêve. Ils incendient ma poitrine, mon esprit fait d'même avec ma caboche. Crapahuter trois heures en bonne compagnie, le Frank bavard et la nature froide, après une nuit de sommeil agitée d'une étrange appréhension. Déjà crevé et las, alors que la journée n'fait que commencer.
Le soleil rejoint tout juste son ciel. Il est blanc, comme le cimetière. Une fine couche de copeaux de neige, couverture sous laquelle les zombies dorment probablement. Un calme religieux, que j'me sens coupable de profaner d'mon intrusif et bruyant petit den den bicolore aux grandes dents.
Pulu Pulu Pulu