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Rokushikill




Un matin, sur une île proche de Marie-Joie, une île qui n’a pas vraiment de nom, une île qui n’a pas vraiment d’existence. Toutes les cartes maritimes font état de courants marins dangereux, tous les on-dit d’un climat inhospitalier, toutes les rumeurs d’un caillou sur lequel il est impossible de vivre.

Evidemment, c’était la vérité.

Les eaux étaient agitées par les chocs des vagues contre les multiples rochers qui saillaient, et par le tumulte desdits rochers quand ils s’écrasaient dans la mer. L’air était agité par les vents tumultueux et les lames d’air qui fendaient l’atmosphère. Le caillou était rendu inhabitable par l’absence de gibier et de sol arable. Il n’y avait que de la forêt. De la forêt et des hommes.

Je hoche la tête d’un air approbateur. Ouais, c’est pas mal comme description, j’suis plutôt content d’moi. Appuyé à un rocher un peu au-dessus de la plage de galet moisie de l’île, j’regarde la flotte, j’regarde le ciel, j’regarde la terre. J’louche sur la clope que j’ai au bec. J’jette un œil désintéressé vers le bas, et derrière.
Les collègues s’entrainent dur. Tekkai, ce matin, semblerait. J’ramène mes mirettes devant moi. Toujours plus intéressant que regarder des types se cogner dessus en essayant de savoir à quel point c’était dur. Comme ma b…

Vu que l’instant poésie vient de s’achever de manière assez lamentable, j’me secoue et j’vais voir les camarades. J’m’arrête à quelques mètres et j’m’appuie à un arbre. J’ai été envoyé sur Ceac histoire d’apprendre deux-trois trucs utiles. Ceac. Le Centre d’Entrainement des Agents du Cipher Pol.
Mais v’là que c’est le Tekkai, le programme, pour le moment, et j’le connais comme qui dirait déjà. Les premiers jours, j’ai fait preuve de bonne volonté. J’ai participé. Mais au bout d’un moment, c’est chiant, alors j’suis allé glander ailleurs.

Y’a quelques instructeurs, une huitaine, qui rôdent dans l’île. Ils donnent des conseils, s’assurent qu’on bouffe à heure dite, qu’on pionce à heure dite, qu’on s’lève à heure dite, qu’on chie à heure dite. Ils nous aident vaguement au Rokushiki, aussi. Enfin, ils sont censés, j’me suis pas senti aidé, pour le moment.
On est arrivé à pleins. Tous les Cipher Pol ont envoyé quelques recrues pour une grande réunion pleine d’effort, de travail, et surtout de sueur. Chaque bureau a son propre dortoir, et une cantoche commune, un hangar bourré de longues tables dont la bouffe est ignoble. J’sais pas comment on est livré, mais doit y avoir des retards vu comme tout ça a l’air périmé.

En parlant de cantine, l’heure du déjeuner approche, et le ciel se couvre. J’crois que l’aprèm va se passer sous la pluie.

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Dans le hangar, j’suis assis à table avec mes collègues du CP5. On mange la tambouille infâme servie par des cuisinières antipathiques qui nous balancent ça dans la gamelle d’un coup de louche menaçant. Le Cipher Pol ? Même pas peur. Ptet qu’on leur a dit qu’on était des employés en plein séminaire. Ca m’étonnerait pas plus que ça.
J’discute vaguement avec mes collègues. ‘Sont tous plus jeunes que moi, en plus. C’est que j’serais un peu retardé, à ce rythme. Pas des masses d’agents de catégorie un dans le coin. Surtout des p’tits gars de catégorie deux.

M’enfin j’me plains pas, paraît que c’est méga dur d’être pris pour ce magnifique stage. J’ai pas postulé, c’est ça le point de détail. L’administration aurait-elle enfin remarqué mon implication et mes capacités ? Pas possible, pas leur genre de faire du zèle pour remplir un putain d'formulaire. J’repose ma cuillère pleine dans mon assiette, l’appétit coupé. Quelques bouchées m’ont suffit à plus avoir envie de manger, et la perspective que quelqu'un ait pris la peine de m'rendre service m'rend pas plus joyeux que ça. Tout s'paye, dans la vie. J’allume une clope sous les regards exaspérés de mes camarades de table, encore en train de manger. J’soutiens leurs regards sans m’arrêter.

Y’a de l’agitation à la table des instructeurs. J’note quand même que, comme chaque jour, ils ont pas le même repas que nous autres. Ca ressemble à de la nourriture, leur truc. Les profs sont maintenant debout quand un neuvième type passe à côté d’eux. Il aurait tout de l’agent du Cipher Pol sans ses vêtements faits de peaux de bêtes façon tribal. Et un collier bouddhiste, tiens.
Ca ressemble pas à grand-chose, en vrai. Le costume de bourrin des bois, ça marche sur les gros balaises, lui, il tape plus dans le maigrichon sec et efficace. Et sa démarche, aussi, est assez lambda. Pour ça que j’l’ai pris pour un agent au premier coup d’œil, inconsciemment.

J’ai un p’tit sourire entendu quand il saute d’un coup sur la table centrale, envoyant valser carafes et assiettes.
« Vous écouter moi ! Vous ici apprendre Rokushiki ! Mais ça pas avancer vite ! Alors vous bouger miches ! Et moi pas parler du pain ! Gouvernement Mondial nécessite vous ! »
Il laisse un instant de flottement. Les gens ont arrêté de manger, à part un type rondouillet à la table du CP8 qui aspire goulûment et bruyamment le contenu de sa cuillère.
« Pour motiver vous, moi connaître solution ! Première tribu à finir recevoir récompense ! Et autres tribus dans l’ordre après aussi ! Mais moins bonne ! »

Ca remue dans la salle, ça sait pas trop quoi faire. Ca s’regarde entre tribus, pour savoir ce qu’on va faire. Moi, j’voulais des vacances, à la base. Et j’me suis retrouvé ici. Alors j’compte bien en profiter pour me refaire une santé. Des années que j’fais ça, m’faut une pause. J’dois vieillir.
Un groupe, le CP3 peut-être ? se lève de concert, abandonnant sur place la bouffe qu’à moitié avalée. A leurs tronches, ils ont l’air parti pour un entrainement nocturne, histoire d’être les premiers. Le CP8 sont les deuxièmes à se réveiller, et ils trainent de force le p’tit gros qui finit son bol en en renversant partout sur la serviette qu’il porte en bavoir.

Tous les autres CP se lèvent d’un bon de leurs tables et partent. On m’dit de pas trainer, mais j’suis mollasson en m’levant. Regards mauvais. Avec un long soupir, j’me bouge. J’aime pas mettre en danger les chances des p’tits camarades.
On s’retrouve devant notre hangar. J’m’allume une clope. J’mate le p’tit Joey, au poil carotte, les yeux bleus enfoncés dans ses taches de rousseur, agité comme une pile électrique. Jeremiah, tellement banal que j’semble inoubliable à côté. Faut même que j’me concentre pour m’rappeler ses tifs bruns délavés, ses yeux aux paupières tombantes et son menton fuyant. Les autres s’échauffent.

« Hé, les gars, que j’fais, j’me sens pas bien, la bouffe est pas passée. J’pense que j’vais aller m’coucher.
- Tu nous l’as pas déjà faite, celle-là, avant-hier ? Demande Jeremiah. Attentif, le gars.
- Tu veux pas la récompense ? Ajoute Joey.
- Une récompense, au Cipher Pol, c'est un coup de bâton moins fort que les autres, v'savez.
- Raison de plus pour faire un effort.
- Bon, allez. »

Ca va faire plaisir à Scorpio si on finit premier. Rei ? On l'voit jamais. Parfois, j'me demande s'il est encore en vie. Et j'dois pas être le seul. L'administrateur véreux, lui, il doit pas avoir hâte que son patron revienne. Il est bien à l'aise, au centre de sa toile, à y emprisonner agents du Cipher Pol, Marines et politicards tout pareil.
C'est p'tet lui qui m'a inscrit là. Déjà que j'lui en dois virtuellement une pour m'avoir sorti des griffes... des mamelons du Téton Divin de Tèt... J'me renseignerai. C'toujours bon de savoir à qui on doit quelque chose. Pour le moment, vaut mieux que j'me concentre sur ce que j'raconte aux autres. On est que deux à maîtriser le Tekkai sur les cinq agents présents, alors...

J'leur ressors tous les poncifs sur le Tekkai, ceux qu'ils ont déjà entendus, ceux qu'on m'a répété jusqu'à plus soif, pendant que le gars tout sec à côté de moi, Jeremiah, hoche la tête, rajoute un commentaire ou deux.
« La base du Tekkai, c'est du renforcement musculaire comme on en trouve dans un paquet d'arts martiaux du vieux monde, de Grandline et du Nouveau Monde, ok ? Mais vous l'savez déjà. J'espère.
- Mais c'est pas tout !
- Ouais, comme dit Jeremiah, c'est pas tout. Le Tekkai, c'est ce renforcement poussé à son paroxysme. Là où, dans d'autres styles, seuls les muscles constituent une armure protégeant l'utilisateur, dans notre bon vieux Rokushiki, chaque particule du corps se fait acier, ou n'importe quelle matière dure qui vous vient en tête.
- Bon, évidemment, vous connaissez le défaut... Vous pouvez plus bouger la partie durcie, soit tout le corps dans un premier temps.
- J'sais que ça a l'air complètement con, expliqué comme ça, et pas bien logique. Et pourtant, c'est comme ça que ça marche. D'ailleurs, ça doit tenir pour toutes les techniques. Le truc, c'est que c'est possible, et que pour que ça arrive, il faut y croire. Alors, c'sûr, z'allez m'dire que c'est des conneries de pirates ou de révolutionnaires, croire en ses rêves, tout ça. Mais v'là. »

Ils m'écoutent qu'à moitié alors que c'est eux qu'étaient censés être hyper motivés. Les salauds. Y'a bien que l'Agent Victoire qui s'concentre. J'l'ai croisée à Goa, tiens. Efficace, qu'elle était. Montée dans la hiérarchie, qu'elle a fait. Un beau brin de fille, blonde, élancée, mignonne. Y'a pas si longtemps, elle était Agent de Catégorie deux, et maintenant, elle est comme moi, Catégorie Un. La classe, la gloire, et la nécessité d'apprendre le Rokushiki pour monter en grade. J'me demande même si le Tekkai est pas la seule technique qui lui manque.
Pas que j'aie hâte d'avoir des gens sous mes ordres. Ca pourrait être pratique, augmenter mon échelle d'influence sur les missions, et leur importance. Mais c'est plus chaud aussi, j'pense, de gérer des agents avec leurs individualités, leurs mentalités persos comme tous les agents du CP5 et la tendance qu'a la majorité des types à vouloir en faire qu'à leur tête pour accomplir leur mission. Genre, un peu comme moi. J'vivrais mal qu'on vienne me dire comment lacer mes godasses ou planter une chiure révolutionnaire.

On passe l'aprèm' à revoir les bases, Tekkai et Kami-E, histoire d'alterner et de pas se faire de blessure. Ca voudrait dire une dernière place assurée au concours de vitesse. D'ailleurs, ce concours... Les budgets annuels ont dû tomber, le GM peut plus se permettre de nous payer des vacances aux tropiques. Putain.
L'après-midi, puis la soirée. La cantoche restera ouverte, t'façon. Un instructeur est passé plusieurs fois donner des conseils. J'crois que ça commence à marcher chez les trois autres. Victoire avait bien le Kami-E, donc elle fait que du Tekkai, agrémenté de quelques pauses rapides d'assouplissements, pendant lesquelles elle en profite pour démontrer le Soru, le Rankyaku et le Shigan. J'en perds pas une miette, c'pour ça que j'suis là à la base.

C'est l'heure d'aller bouffer, j'ai la dalle.


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La cantine est toujours ce hangar glauque qui fait vide malgré le mobilier minimaliste. En prime, il est faiblement éclairé, sûrement à cause de l'heure déjà un peu tardive. On prend nos plateaux, nos verres, nos couverts et on se dirige vers les cuisinières, qui ont toujours l'air d'aussi bonne humeur. J'crois que si elles sourient, elles risquent une luxation de la mâchoire ou quoi.
J'suis le dernier de la file à me faire servir. J'ai noté en arrivant que les chaises et les tables des autres CP sont rangées et propres.
« Z'avez déjà fait le ménage ? Que j'demande à celle qui me balance une plâtrée dans ma gamelle.
- Non. 'Sont pas venus. Bon appétit.

Comme la discussion semble achevée, avec un air de définitif et de menace dans l'air et dans la louche, j'file m'asseoir avec les autres. Joey est déjà en train de servir tout le monde avec la carafe d'eau qu'il est allé chercher. On commence à peine à avaler, de préférence sans trop mâcher, que le petit gros du CP8, des taches plein le devant du costard, entre en trombe. A croire qu'il a remangé, et qu'il avait pas de bavoir comme à midi, ce coup-là. Ou que même avec le bavoir, il a trouvé le moyen de s'en foutre partout.
Il ralentit en nous voyant, fronce imperceptiblement les sourcils, une fraction de seconde, avant de nous adresser un signe de la main et un sourire. Puis il prend six bols qu'il met en équilibre sur ses tabatières anatomiques et ses poignets, dans lesquels il se fait servir prestement. Nous, on le regarde sans décrocher un mot. Il passe la porte sur un clin d'oeil et nous souhaite bon courage en marchant gaiement. Le battant se clôt sur lui.

« Ils étaient pas que cinq, au CP8 ? Se marre Joey. »
Ca sourit d’un air moqueur à la tablée. Tout le monde pense pareil. Puis le bruit des cuillerées avalées reprend le dessus sur le semblant de conversation qui avait failli s’établir. Y’a un truc qui m’chiffonne, mais j’arrive pas à mettre le doigt dessus. C’est Jeremiah qui trouve :
« Si personne est venu dîner, ils sont où ?
- Il s’entrainent, proposa Victoire.
- Ouais, ça doit être ça, que j’grogne. ‘Ttendez j’vais demander au p’tit gros. »
J’me lève, j’vais à la porte. Y’a même pas trente secondes qui ont passé depuis la dernière fois, et le hangar est au milieu d'une étendue défrichée. Du coup, j'suis salement surpris quand j'vois personne dehors. J'fais même le tour de la structure pour vérifier qu'il soit pas parti dans un angle mort, mais rien n'y fait. Il a disparu. Comme s'il avait le feu aux fesses. Sans doute pour empêcher que la nourriture refroidisse. J'retourne à mon banc et ma gamelle en annonçant la nouvelle. Ou son absence, plutôt.

L'estomac bien rempli comme si on nous avait coulé du ciment droit dans l'gosier, on s'prépare à retourner à notre dortoir pour se reposer un peu et attaquer bien demain. Sur le chemin, en plein milieu de la forêt, alors que j'discute avec Era, une brune bien charpentée timide et discrète qui décoche rarement plus de trois mots par jour, un instructeur jaillit d'un fourré à côté de moi. J'sursaute, et j'suis pas le seul.
« Tiens, Alric, c'est justement toi que je cherchais. On peut discuter ?
- Euh, ouais, 'sûr. J'vous rejoins au dortoir, les gens. »

Dans la pénombre ambiante jugulée par la lumière de la lune et des étoiles, j'mate le gars. Un nez en bec d'aigle, des pommettes hautes, une large bouche aux lèvres épaisses et une calvitie déjà bien avancée... Y'a pas à dire, il m'rappelle furieusement quelqu'un, ce qui ne veut rien dire. Tout le monde me rappelle quelqu'un, quasiment.
« Alors, Alric, quoi d'neuf ? Tu me reconnais pas ? On s'est vu à Marie-Joie en 1620...
- Harry du World Government Boxing Tournament, hein ? J'te remets !
- Yep ! Sacré tournoi, que c'était ! Alors, ça va ?
- Ouais, tranquillement. Les missions s'enchainent à un rythme effréné. Ca doit être les effectifs réduits qui font ça.
- M'en parle pas, j'ai postulé ici juste pour être tranquille à "enseigner" le Rokushiki.
- Pareil, sauf que j'ai pas postulé ?
- Ah, t'as été proposé ?
- Semblerait.
- Bizarre. J'peux te taxer une clope ?
- Vas-y, que j'fais en lui tendant mon paquet et mon briquet.
- Hmm, ça fait du bien. Alors, le Rokushiki, t'en es où ?
- Pas bougé depuis des années. M'manque toujours Rankyaku, Geppou et Shigan.
- Woah, woah. Mais t'as l'Agent Victoire, non ? Je crois qu'elle les a.
- Ouais, elle est là et elle les a.
- Elle est balaise, elle. Son surnom, elle l'a pas volé. Elle enchaine les missions mais c'est depuis Goa qu'elle monte vraiment. Elle a fait du bon boulot, là-bas.
- Ah bon ? Elle a fait quoi ? J'ai pas tout suivi.
- Je sais pas du tout, c'est juste les bruits qui courent. Un gratte-papier du bureau qui lâche ça en passant, en te volant ton café, tu sais comment ça marche.
- Ouais, les planqués. Pour ce qu'on en sait, c'est juste pour nous motiver, et le lendemain il dit à un autre que l'Agent Harry, wouhou, il envoie du pâté.
- Encore que j'ai jamais entendu dire ça, dit-il en feignant une larmichette.
- Haha, t'en fais pas, va.
- Toi non plus ! Si t'as besoin d'un coup d'main, tu m'fais signe, okay ?
- Pas d'prob', merci, Harry. Faudra qu'on aille s'en jeter un à l'occasion. La Taverne de la Dernière Erreur ?
- Ou sinon, Shaïness Raven-Cooper a ouvert un club de strip-tease, récemment, si on passe à Logue Town.
- Ah ouais ? J'aurais pas cru !
- Comme quoi, hein ? Mais à Logue, bon...
- Ouais, faut s'y retrouver, quoi. J'note, j'passerai p'tet y faire un tour.
- Coquinou, va.
- Ha ! »

On repart chacun de notre côté, moi en sifflotant presque. C'est sympa d'avoir des nouvelles des collègues, s'assurer qu'ils soient pas clamsés dans un cloaque. Bon, l'air de rien, il m'a pris quatre cigarettes au lieu d'une, mais j'ai des paquets de rechange. J'marche d'un pas vif pour rejoindre les p'tits camarades. J'les vois qui farfouillent autour de notre dortoir, le nez collé au sol façon chien pisteur.

Putain, j'sens qu'il s'est passé un truc.


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« Alors, c'quoi la mauvaise nouvelle ? »
Victoire lève la tête et se rapproche de moi, laissant là les p'tits cailloux qu'elle matait.
« La mauvaise nouvelle, c'est que des gens sont venus ici.
- Bureau ?
- Qui d'autre ?
- On sait jamais, que j'rétorque en haussant les épaules. Et ?
- Ils ont pris les matelas, les oreillers, et nos effets personnels avant de s'enfuir dans la forêt.
- Des traces ?
- Peu nombreuses, pour ne pas dire quasi-nulles. Soit ils ont nettoyé, soit ils ont utilisé le Geppou.
- Le CP8 ?
- Probablement, mais rien qui l'indique avec certitude.
- Le p'tit gros était suspect, quand même...
- C'est vrai, mais ça ne prouve rien. Il peut n'y avoir pensé qu'à ce moment-là, à la possibilité d'une attaque pour déconcentrer, sans avoir le temps de la mettre en application. Et un autre CP peut avoir eu l'idée.
- Comme le CP6, ces fourbasses que personne voit jamais ?
- Par exemple. »

J'regarde autour de nous avant de fixer à nouveau mes mirettes sur Victoria. Elle a pas l'air contente.
« Et la bonne nouvelle ?
- Quelle bonne nouvelle ?
- Quand y'a une mauvaise nouvelle, y'a une bonne nouvelle avec, non, normalement ?
- Pour faire passer la pilule ?
- Ouais.
- Pas de bonne nouvelle.
- Ah.
- A part peut-être qu'en perdant nos possessions terrestres, on se rapproche du Nirvana et un plan d'existence supérieur, non...
- Super. »
J'vais pour m'allumer une cigarette, mais mon paquet est vide. Mes recharges étaient carrément dans mes effets personnels, en plus. Il reste que dalle. Pas d'fringues de rechange, rien.

« On fait quoi ?
- On en discute. Hé, ramenez-vous, ordonne Victoire au trio. Bon, on a pas été très précautionneux, on a été sport, mais sport civil, pas sport Cipher Pol. Tant pis. Maintenant, il faut qu'on se mette d'accord sur la suite du programme.
- Pour moi, y'a clairement deux choix différents. Soit on laisse tomber tout ça, on se planque dans la forêt et on bourre sur le Rokushiki pour finir premiers et se barrer. Soit on décide de se venger et déconcentrer les autres aussi. Parce que quitte à être dans la merde, autant être pleins. On vote ?
- Vengeance, assène Victoire.
- Rokushiki.
- Rokushiki.
- Vengeance, que j'contre.
- Vote blanc ? Propose Era. »
On s'regarde. Pas le genre d'Era, de trancher un débat dans un sens ou dans un autre. Inutile de la brusquer. Et aucun de nous ne tient spécialement à changer d'avis.

Au pire...
« Sinon, c'qu'on fait, c'est les deux ? »
Le visage de Victoire s'éclaire. Elle a dû capter.
« Fastoche. Comme on maîtrise pas tous les mêmes facettes du Rokushiki, on peut mettre la main sur un instructeur et pendant que y'en a qu'apprennent, les autres vont retarder les Cipher Pol adverses. Victoire ? Tu maîtrises tout sauf le Tekkai ?
- Et encore, ça commence à rentrer pour le Tekkai.
- Impec', alors. M'manque Geppou, Rankyaku et Shigan, perso. Vous ?
- Tout sauf le Tekkai, fait Jeremiah.
- Je maîtrise un peu du Tekkai, du Kami-E et du Soru, ajoute Era.
- Pareil, abonde Joey.
- Okay. Mais avant de reprendre l'entrainement, j'propose qu'on aille se planquer dans la forêt, dans un coin peinard où on sera tranquille. On pourra monter nos opérations de là-bas et s'entrainer au calme. Ca colle ? »

Ca collait. Personne l'a dit à voix haute, mais ça commence par voler les matelas, et on sait pas où ça s'arrête. C'est qu'les agents du Cipher Pol, ils ont une notion toute particulière de la taquinerie amicale. C'est l'métier qui veut ça. J'sais pas quand est-ce que y'en a un qui va se dire que ça vaut le coup de péter des bras stricto sensu, que c'est pas si grave et que si c'est pour avoir un cadeau, c'est tout bénef', acceptable, tout ça.

On ramasse nos affaires, nos effets personnels. Y’a un drap qui traine, un genre de laissé-pour-compte. On pourra toujours s’en servir comme toit ou comme hamac, au pire. Ca prend pas plus de trente secondes, de toute façon. On nous a rien laissé. Puis on s’engouffre dans la forêt, tentant de trouver un coin tranquille, loin de tout. Pas trop, quand même. J’suis pas un as de la circulation dans les arbres, mais j’me défends largement assez pour prétendre être un agent du Bureau. C’est l’cas de mes camarades aussi, sauf Jeremiah qui visiblement a l’air de toucher sa bille. J’aurais pas cru.
Après un long moment à filer comme des putains d’ombres, on trouve un taillis super épais. Tellement épais que c’est la misère pour entrer dedans. Sauf pour celle qu’a le Geppou, évidemment. Nous autres, on est obligé de passer des buissons d’orties avant d’arriver sous des genévriers qui devraient nous garder à l’abri des regards et p’tet même de la pluie. On se met implicitement d’accord. On est passé à côté d’une petite source d’eau y’a une dizaine de minutes et le coin semble calme. Le bon plan.

Malgré l’heure qui se fait franchement tardive, personne va se coucher. Personne se sent de dormir. Y’a un peu de rage dans l’air, et de l’appréhension. Mieux vaut être paré. Joey, Jeremiah et Era reprennent l’entrainement. Victoire vérifie ses affaires. J’l’accoste quand elle est sur le départ.
« T’y vas, du coup ?
- Oui. Je vais faire le tour de l’île, trouver tous les dortoirs, et essayer de cibler ceux qui sont désaffectés, ou mal surveillés. Tu restes ?
- J’vais les aider un peu. J’pensais aussi bosser les trois qui me manquent, du coup.
- Très bien.
- Mais faudrait que tu m’expliques avant. »
Elle lâche un soupir, genre elle veut pas pester à voix haute mais j’la fais bien chier.
« Le Rankyaku. Tu connais le principe. Un coup de pied qui envoie une lame d’air. En fait, ma perception des choses, c’est que, loin d’une attaque qui utilise la force brute, la jambe se glisse dans l’air, en fait partie.
- Hum ?
- Un peu comme quand pour de l’eau, tu peux choisir de pousser ou tirer l’eau, ou bien glisser dedans, tu vois ?
- Ah, ouais.
- Bref, quand t’es glissé dans le flot de l’air, tu donnes comme un coup de fouet et…
- Désolé, moi j’maîtrise pas trop les coups d’fouet.
- Ha. Ha. Très drôle. Dis tout de suite que ça t’intéresse pas.
- Pardon, pardon, continue.
- Bref, tu donnes le coup de pied et ça envoie une lame d’air.
- Démonstration ? »
Se mettant en équilibre sur le pied gauche, Victoire envoie plusieurs petits coups de pieds à l’aide de rapides fouettés de la jambe droite. Ca provoque des Rankyaku tracent de longs traits blancs sur l’écorce d’arbres proches.

« Et pour le Geppou et le Shigan ?
- Le Shigan, c’est de la vitesse pure. Je te conseille de t’entrainer dans le vide d’abord, si tu ne veux pas te casser les doigts un par un. Mais par une détente aussi rapide que celle d’une balle, tu transperces la matière puis tu te rétractes. Et le Geppou, c’est différent du Rankyaku. Il faut aller vite et fort, mais surtout vite. Tu tasses l’air sous ton pied en frappant à de multiples reprises puis là où l’air s’est concentré, tu fais un pas. Par contre, tu n’as vraiment que quelques instants, tu vois ?
- Là, comme ça, non, mais…
- Oui, oui, je te montre. »
J’vois sa main et son doigt devenir flou sous la vitesse, d’abord dans le vide, puis creuser trois trous parfaitement alignés dans un arbre proche. Suite à quoi elle s’envole à l’aide du Geppou, me faisant une démonstration qui s’achève quand elle pose le pied sur une branche et taille la route vers sa mission de vengeance.
Dès que j’aurai pris le coup d’main, ou d’pied, j’irai faire un tour aussi.

On est le CP5, merde.


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En équilibre sur le pied gauche, j’fouette l’air du droit, pile comme Victoire a montré. Ca marche pas trop. J’ai bien l’impression de voir les feuilles bouger à quelques mètres de là, mais j’crois que c’est autant dû au vent qu’au brassement d’air venant de mon entrainement.
Après un long moment, avec la lassitude dans la jambe droite et quasiment des crampes dans l’autre, j’saute presque souplement pour changer d’appui et continuer à l’envers. C’est quand ma dextre passe de la hauteur de ma tête au sol que j’ressens vaguement ce que Victoire a voulu m’expliquer. Comme une circulation dans l’air au lieu de contre.

Au lieu de reprendre tout de suite l’entrainement, j’mate tranquillement ce que font les autres. Ils avancent bien sur le kami-E, en tout cas, et le Soru commence à ressembler à quelque chose. Tant mieux, j’en profite pour cogiter sur mes soucis de Rankyaku. Ouais, j’met pas dix plombes à trouver la réponse.
Un Rankyaku, normalement, c’est un coup de pied super large. Ca doit être pour ça que j’avais du mal à concrétiser sur les petits fouettés de la blonde. Elle, elle le maîtrise déjà, alors forcément, la version légère, raccourcie, ça doit passer. Mais pour moi, vaut sûrement mieux que j’en reste à la base.

J’me remets donc à l’entrainement, à tenter de glisser sur une attaque, la plus longue possible, ma jambe dans le flot d’air. J'crois que j'ai choppé le feeling, reste plus qu'à envoyer le coup de fouet qui se répercute en lame d'air. Mais c'est que j'commence à fatiguer des pattes, alors j'm'accorde une pause consacrée au Shigan, après quoi j'ferai probablement du Geppou. Histoire de varier les plaisirs.

Les deux jambes fermement plantées dans le sol, j'me positionne dans une garde d'art martial classique : la jambe gauche en avant, fléchie légèrement, la droite tendue derrière ; la sénestre en défense devant moi, la dextre pliée sauf l'index prêt à frapper.
J'avance brusquement ma main droite vers l'avant en rétractant la gauche. Trop lent. Assurément trop lent. J'ai même pas besoin d'essayer contre du dur pour le savoir. Puis j'aime bien mes doigts, on m'les a offerts à la naissance, j'voudrais bien les garder encore un peu.

Du coin des mirettes, j'note que Jeremiah, Joey et Era regardent ce que j'fais en épongeant leur propre sueur comme ils peuvent. Si on reste ici, on va avoir l'air beau et odorant, j'pense. Pas que j'en aie quelque chose à foutre, mais on sera les agents du Cipher Pol revenus à l'état de nature.
Après quelques essais infructueux, Era murmure un truc puis se fait pousser du coude par Jeremiah, son voisin :
« Allez, dis-le !
- Hm, c’est que…
- Ouais ? J’fais pas bien ?
- … fait Era en se refermant comme une huître, à se demander comment elle est devenue Agent du Cipher Pol.
- Si z’avez des conseils, franchement, j’les veux bien, ça m’aidera à moins patiner, que j’souris.
- Le Shigan, c’est censé être de la vitesse pure, pas vrai ? Alors utiliser une garde qui se rapproche du karaté, c’est peut-être pas optimal ? En plus le coup est plus puissant que rapide, là.
- Pas faux, pas faux. Et vous, vous vous en sortez pour vos trucs ? Kami-E et Soru ?
- Le kami-E, ça doit être bon. Quelques entrainements encore et ça ira tout seul. C’est pour le Soru, plutôt…
- Ah, v’voulez que j’vous remontre ?
- S’il te plaît. »

J’fais quelques p’tits sauts sur place en soufflant et en me décontractant les épaules. La journée qui s’est faite nuit puis lendemain commence à être longue et à taper dans les réserves, et j’me doute que c’est le cas aussi pour les autres. On devrait pioncer, avec des tours de garde si possible. Bah, le présent d’abord.
J’tape dix fois du pied par terre, rapidement. J’sens le choc qui remonte par ma voûte plantaire, s’accumule, jusqu’au relâchement. J’réapparais dix pas plus loin en une fraction de seconde, sous les regards attentifs du trio. J’leur ré-explique pas la théorie, ils connaissent. J’en enchaine trois jusqu’à finir à côté d’eux. Ils sursautent. Haha, on s’amuse comme on peut.

« Hé, regardez ! S’exclame Joey. »
On regarde tous dans la direction indiquée par son doigt tendu. Des flammes volent un peu plus haut que les arbres et pas mal de fumée se dégage. Et c’est tout pile dans la direction de notre dortoir. Cocasse, non ? On dirait que y’a de l’ambition dans le coin. Ca déglutit difficilement à côté de moi. Vrai que c’est dur à avaler. Ils doivent être encore plus tarés que j’pensais, les autres agents. J’me gratte la joue.
« Ouais, reprenons l’entrainement. Plus vite on en finira, mieux ça sera. »

J’fais quelques essais de Shigan, sans garde cette fois. Et j’me donne un peu d’élan au lieu d’essayer d’atteindre tout de suite la vitesse maximale. J’suis plus satisfait, et les feuilles d’arbres sur lesquelles j’tente le coup se cassent presqu’uniquement à cause de ma vitesse et très peu à cause du fait que ce soient des feuilles toutes pourries.

Mouais, on va passer au Geppou. J’me hisse aux premières branches d’un arbre, puis j’me suspends par les bras jusqu’à avoir les pieds dans le vide. Le feu au loin est plus que fumée, de ce que j’vois de mon point légèrement surélevé. Ca aura cramé drôlement vite, quand même.
Puis j’commence à agiter les pattes. Aplatir l’air en un point suffisamment rapidement pour pouvoir s’appuyer dessus le temps de faire un pas, puis recommencer un peu plus loin. Encore une théorie qui semble fumeuse mais qui marche, probablement grâce à une bonne vélocité. Quand j’pense avoir choppé plus ou moins le truc, j’me laisse tomber. J’dois être à cinq mètres de haut à tout casser, de toute façon.

Puis j’touche le sol. Hm, ça n’a pas trop marché, là. Du coup, j’recommence encore et encore. Plusieurs fois, j’me fais feinter : j’ai l’impression d’réussir, et en fait, ce sur quoi j’m’appuie, c’est tout connement la terre. Mais d’un autre côté, avec la terre juste en-dessous d’un morceau d’air à demi-solidifié, ça doit contribuer à créer un simiili-plateforme. Ou quelque chose comme ça, à théorie fumeuse, théorie fumeuse et demi.

Donc, sauter de plus haut. Le plus chiant, c’est limite de regrimper dans l’arbre. Après une énième chute vaguement amortie, à ce stade, j’sais plus trop, Victoria entre dans le camp, toujours aussi impeccable sur elle-même. Son teint frais et rosé l’a vendue. Elle était passée faire un brin de toilette au ruisseau. Ah, les femmes.
« Victoria. Alors, l’incendie ? Il s’est passé quoi ? Pas eu de souci ?
- Hein, quoi ? Non, du tout. L’incendie, c’était moi.
- Quoi ?!
- Oui.
- Pourquoi… t’as fait ça ? Demande Jeremiah.
- Pour brouiller les pistes et favoriser l’escalade de violence. A priori, on devrait être hors-jeu, mais les autres bureaux vont se poser des questions. Qui a brûlé le hangar ? Pourquoi aller aussi loin ? Est-ce que le même sort nous attend ? Bref, une paranoïa de bon goût.
- Ouais, pas con, bonne idée. Sauf si des types nous tombent dessus et décident de nous bourrer la gueule à fond, à cause de ça.
- … J’ai pris le risque.
- T’y avais pas pensé ?
- J’avais pris le risque, j’ai dit !
- Okay, okay, tranquille. Bon, j’propose qu’on s’repose un peu avant d’voir la suite ? J’peux prendre le premier tour de garde, j’ai encore un peu d’entrainement à faire, ça ira. »


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Une huitaine d’heures plus tard, on a tous dormi un peu, et on commence à avoir faim. Le dernier repas était loin, et y’a rien à grailler, ici. Et on a aussi d’autres trucs à décider.
« Bon, on fait quoi ? Des propositions ?
- Je ne sais pas, il reste quoi à apprendre à qui ?
- Rankyaku, Shigan et Geppou pour moi, fait Joey.
- Pareil avec un peu de Soru encore, ajoute Jeremiah.
- Pas de Soru, dit Era.
- Le Shigan, c’est bon pour moi, restent Geppou et Rankyaku à retravailler.
- Un bout de Tekkai pour moi, achève Victoire. Mais ça devrait aller vite, l’affaire de quelques heures.
- D’acc’. Du coup, j’propose que Victoire et moi, on aille faire une reconnaissance pour voir où en sont les autres. Si on peut, on les pourrira. On prévoit aussi un passage à la cantoche pour récupérer des provisions. Ca colle ? »

Tout le monde semble d’accord. L’adrénaline, qui était un peu retombée avec la fatigue, est à nouveau au max. Comme en mission, un peu, alors que ça devait être un stage d’entrainement tout pépère. Quelque part, j’ai l’sentiment de m’être fait avoir, mais tant pis.
Avec Victoire, on file dans la forêt, elle devant, moi j’suis. Elle connaît le chemin suite à sa longue balade précédente, après tout. On va commencer par aller jeter un œil aux autres dortoirs. Histoire de voir si on peut faire des dégâts fastoche. Le souci, c’est que la première idée a fait des émules. Tous les dortoirs sont brûlés, abandonnés, effondrés. C’est le GM qui va faire la gueule en voyant le budget.

Ca leur apprendra à jouer sur la compétitivité, on est des agents du Cipher Pol, pas des élèves de dix ans en cours de récré.

« Bon ben… Cantine ?
- Oui, allons-y. »
J’ai une vague idée de la direction, sans plus, alors j’suis. Moi, j’me contente de vérifier si on croise pas d’autres traces, et surtout si y’a pas des agents en goguette qui nous collent au fion. Si y’en a, ils sont plus forts que moi, pasque j’ai rien vu. Et j’aime pas trop ça. J’préfère être celui qui se glisse silencieusement derrière les autres que l’inverse.
Personne aime se retrouver du mauvais côté du canon, après tout.

On arrive enfin en bordure de la zone défrichée au centre de laquelle se trouve le hangar de cantine. On est planqué côte à côte dans un buisson, allongés par terre, et drôlement mal installés. On compte pas rester longtemps de toute façon.
« T’vois un truc ? Que j’chuchotte.
- Rien, mais ça ne veut rien dire.
- Ouais, un groupe pourrait être dans l’coin, prêt à sauter sur tous ceux qui veulent un casse-dalle.
- Ca impacterait fortement leurs chances de réussir le petit tournoi.
- Et après ? Ca s’trouve, y’a un pacte avec un autre bureau pour se relayer, ou même laisser la victoire en échange d’une part du gâteau.
- Tu crois vraiment ?
- Non, du tout, on doit être bien trop individualistes pour ça. Sauf p’tet le CP8, mais j’les vois mal se sacrifier pour les autres.
- Quelqu’un peut avoir établi un camp dans le coin, pour surveiller, pendant que les autres s’entrainent à côté. Ce qu’on a fait nous, avec toi qui t’baladais.
- Je ne me BALADAIS pas.
- Ouais, ouais, j’sais.
- Bon, il n’y a pas trente-six solutions. On y va en quatrième vitesse, on récupère à manger et on ressort.
- Okay, lançons le plan Tambouille. »
Victoire hausse un sourcil puis les épaules.

On s’redresse et on court comme des dératés vers l’entrée. Quand une forme apparaît en bordure du sous-bois, un Soru nous propulse à la porte, qu’on ouvre d’un coup de pied. Elle se referme derrière nous tandis qu’on s’arrête en glissant au milieu des tablées maintenant désertes.
« On ne court pas dans ma cantine ! S’exclame une mégère armée d’une louche.
- Hum, pardon. »
J’remets de l’ordre dans mes vêtements, rajuste ma chemise, ma veste, époussette mon pantalon, pendant qu’à côté de moi Victoire fait de même. On n’a pas fière allure, à mon avis. Mais ça fait illusion.
« Il se passe quoi ? Pourquoi quasiment plus personne ne vient manger ?
- Oh, et bien, dans le cadre de notre séminaire, nous faisons un jeu de rôles et d’orientation par équipes.
- Nous n’avons donc pas de temps à perdre, nous devons gagner !
- Oui, oui, c’est ça, les précédents m’ont déjà dit ça. Bon, des tupperwares, c’est ça ? A emporter ?
- S’il vous plaît, Madame.
- C’est Mademoiselle.
- P… pardon. »

Pendant qu’elle donne la bectance, on regarde par les hautes fenêtres. Il fait bien jour, et tout semble calme à l’extérieur. On murmure :
« T’as vu le type ?
- Ouais. M’étonnerait pas qu’un comité d’accueil nous attende dehors.
- Si elle pouvait servir un peu plus vite, aussi…
- On s’sépare s’il faut ?
- Tu connais le chemin ?
- Ca va aller.
- C’est prêt. Bon courage. Et prenez une douche.
- Merci, Mademoiselle. »

Elle a divisé le repas en deux gros tupperwares de tailles égales. Dedans, la même bouffe un peu indéfinissable que d’habitude. Mais c’est à manger. Mon ventre gargouille. J’en prendrais bien un bout maintenant, mais si on doit jouer la vitesse dans l’espoir que le type ait pas le temps de rameuter ses copains, autant y aller à fond.

Victoire ouvre la porte, et j’m’engouffre à toute berzingue dans l’embrasure puis le long du hangar. Trois types dans les fourrés, personne d’autre à l’horizon. Au coin du bâtiment, un Soru nous envoie directement au milieu des arbres. Ils nous ont suivis en faisant pareil, et ont donc pu voir à travers notre plan sommaire.
On s’contente de courir, maintenant. Pas en direction directe du camp, non, mais suffisamment proche quand même pour qu’on ait pas à se cogner toute l’île une fois qu’on les aura semés. D’ailleurs, les semer, ça marche pas trop pour le moment. Ils nous collent au cul comme des hémorroïdes et sont à peu près aussi chiants. J’sais même pas à quel Bureau ils appartiennent. P’tet le quatre, vu leurs sales gueules.

J’adresse un signe de tête à Victoire. J’ai pas envie de courir dix plombes. Ca tombe bien, nos adversaires sont sur nous. Evidemment, pas le droit de tuer, juste de les mettre hors d’état de nuire. J’jette ma boîte à bouffe par terre en m’arrangeant pour qu’elle tombe pas trop mal et s’ouvre en répandant le contenu par terre. Ca serait drôlement ballot, tout ça pour ça.
En face, ça balance des Rankyakus. J’les esquive en m’baissant et en m’planquant derrière les arbres. Ils sont pas assez tranchants pour traverser tout le tronc. Inutile de rester loin, surtout que j’fais pas vraiment confiance à mon propre Rankyaku. J’saute sur un type à l’aide du Soru.

Maintenant que j’vois sa tronche de près, c’est définitivement un CP4. J’reconnais sa sale trogne avec son gros tarin. Il est pas aussi surpris par mon approche que n’importe quel péquaure des blues qu’a jamais vu un Soru de sa vie. Les coups volent entre nous, lui utilisant davantage le tranchant de ses mains là où j’fais appel à mes poings ou mes paumes.
J’sais que Victoire est aux prises avec un autre type, mais le troisième devrait pas tarder à faire sentir sa présence. J’saute en arrière et j’arme un coup de pied. A tous les coups… Ca loupe pas. On est en stage pour le Rokushiki, donc il essaie de m’empêcher d’utiliser le Rankyaku en se jetant sur moi. La position est loin de m’être favorable.

J’agite presqu’ineptement la jambe et forme un Geppou qui me permet d’envoyer un Shigan droit dans son bide. Lui a fait pareil, mais avec une fraction de retard. Fraction que j’mets à profit pour me protéger d’un Tekkai. On tombe tous deux à terre, et j’reprends mon souffle en lui foutant mon pied dans sa tête. Ma collègue a elle aussi réussi à se débarrasser de son adversaire, qui se tient l’entrejambe en gémissant.
Le troisième bonhomme lève les bras et fait signe qu’il se rend. Il veut juste récupérer ses potes. J’sais que le mien s’est pété le doigt sur moi, donc il risque pas de refaire de le malin. Et j’ai drôlement mal au mien, de doigt, même si c’est passé.

On ramasse notre bouffe et on s’éloigne en surveillant quand même. Il reste trois CP4 en balade, a priori, qui pourraient vouloir se venger maintenant que leurs chances sont définitivement compromises. Ou juste abandonner.
Et v’là qu’Harry me fait le même coup que la dernière fois, à sortir d’un putain d’fourré. Chiasseries de formateurs qui font les malins.
« Hey, salut Alric, salut Victoire. La forme ? Ah, vous avez à manger. Vous partagez ? Quoique nan, ça a l’air dégueu.
- … Merci, Harry.
- Bien joué, pour les types. Shigan et Geppou, hein ?
- On trompe pas l’œil de l’instructeur, c’est ça ?
- Un truc du genre.
- Harry est instructeur ? Questionne Victoire.
- Ouaip. Instructeur, la classe, hein ? Mais sinon je suis au Cipher Pol Cinq ! »
Elle pose une main lourde sur son épaule.
« Harry ? Vous allez nous accompagner, je pense.
- Ah ? Moi qui voulais des vacances… »


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Le surlendemain, on est tous debout sur la place, avec les instructeurs tous rassemblés. On a, comme j’l’avais prédit, sale gueule. C’est clair que le Cipher Pol, là, il en prend un coup. J’le sens pas, pasque ça vient aussi bien d’moi que des autres, mais on doit salement schlinguer. Les costards sont souillés, déchirés, les visages hagards, les traits tirés par des nuits à la belle étoile dans des conditions pas enviables. Les cheveux sont aussi gras que les barbes mal taillées.

Ouais, on est moche. On ressemble à des pirates. Putain.

Mais si on est tous là, c’est que l’entrainement est fini. Tous les groupes ont peu ou prou appris le gros du Rokushiki. Oh, certes, ça nécessitera encore des approfondissements ici et là, mais globalement, on est bon. Le truc qu’on sait pas, c’est, d’une part, les récompenses promises, et d’autre part l’ordre d’arrivée.
J’pense qu’on a été bon, franchement. Ramasser Harry, c’était le bon plan. Le pote Harry, il maîtrise l’hypnose de façon tout à fait convaincante. Donc il peut te persuader que t’es encore en forme, ou de bien faire comme il faut ton entrainement et les gestes du Rokushiki. On a bourré comme des sagouins, on était sous hypnose, mais c’est passé. Relativement vite, même, quoique maintenant on est lessivé.

Le même type qu’au début se ramène avec sa peau de bête :
« Vous tribus avoir appris Rokushiki ! Ca être bien ! Ouais nan, en fait, j’ai la flemme, sérieux. Ahem. Bien joué, tout le monde. Maintenant, il va être temps de vous montrer votre récompense ! »
Un p’tit vieux avec un marcel blanc sale et des charentaises apparaît tout d’un coup juste à côté de lui. J’ai rien vu venir. J’étais pas spécialement si attentif, mais… Mais on sait tous qui c’est. Alors, attentif ou non, on aurait rien pu voir, sauf s’il l’avait voulu, ce qui aurait gâché son effet.

Parce que ce type ridicule, mal sapé avec sa calvitie, c’est tout simple Raoul, une légende vivante au sein du Cipher Pol, et le plus grand maître du Rokushiki à ce jour. Ca frissonne dans le groupe. On sait pas si on est dans la récompense ou la sanction, parce que le Raoul, il peut tous nous étaler, et sans forcer.

« Dans l’ordre d’arrivée, les bureaux gagnent donc un entrainement plus ou moins long avec Raoul Pai-Mé ! Profitez bien ! »
Sur ce, les instructeurs s’éloignent de nous et se dirigent vers des chaises longues à côté desquelles sont posés des cocktails. Ah, ils comptent bien profiter du spectacle.

Les premiers petits chanceux sont le Cipher Pol Huit, qui ont été emmenés à la victoire par le petit gros, apparemment, de ce que j’entends dire. Sa stratégie aurait été payante, mais j’ai pas plus de détails que ça. Faut dire, j’m’en préoccupe plus non plus, j’préfère mater de très près ce que Raoul va leur sortir.

Et la boucherie commence. Le pire, je crois, c’est qu’on voit tous à quel point il se retient. Il ne bouge même pas si rapidement, donc on arrive à peu près à le suivre du regard, en tout cas pour certains d’entre nous. Mais il bloque ou esquive chaque assaut avec facilité, avant d’éjecter ses adversaires ou de leur faire des techniques qu’il doit estimer rigolotes. Au terme des dix minutes règlementaires, la moitié du CP8 est figée façon statues après avoir été frappé en des points précis, tandis que l’autre gigote bêtement par terre. Un peu comme s'il forçait un Tekkai et un Kami-E sur quelqu’un.

Puis c’est à nous. Deuxième, c’est bien, quand même. Ca va nous faire plusieurs minutes à nous faire tataner la tronche par un Raoul au ralenti. J’me passe la main dans les tifs puis j’l’essuie sur mon pantalon. On s’cherche des yeux, on hoche la tête puis on y va. Ca va chier des bulles octogonales.

On s’place en quinconce, deux devant et trois derrière. Moi, j’suis au milieu derrière. Raoul nous fait signe que la leçon commence. On garde la formation en lui fonçant dessus de cinq Soru parfaitement synchronisés. Et pourtant, quand on arrive là où il était, ben il n’y est plus.
« Trop lents ! Pendant un Soru, ne perdez pas trace de ce qui vous entoure ! S’écrit-il de derrière nous. » J’l’ai même pas vu bouger.
On réessaie, et cette fois j’lui le seul à utiliser le Soru pendant que les autres se placent autour pour essayer de l’intercepter. Mais la seule interception que j’sens, c’est la paume qui s’écrase contre mon diaphragme et me fait cracher tout l’air de mes poumons sous le choc. Plié en deux, j’vois à peine Raoul se glisser entre chaque attaque, sans se fatiguer, et tous nous mettre à terre en un souffle.

« Relevez-vous, il reste six minutes et quarante-deux secondes ! »

Ce qu’on fait donc. On a la chance de se faire cogner par Raoul, alors autant en profiter, pas vrai ? On en retirera sûrement quelque chose. On essaie plein plein plein de trucs. Des formations en veux-tu en voilà, on attaque en duo, en trio, en quatuor avec juste un support, et même à cinq en même temps après qu’il nous ait laissé l’encercler, mais rien n’y fait.

J’sais pas si c’était prévu pour nous apprendre l’humilité, mais niveau humiliation, ça y va. Personne se moque de nous, cela dit : les autres bureaux savent qu’ils sont les prochains, et c’est pas ceux qui huitième qui vont se foutre de nous, allongés qu’ils sont, assommés ou endormis, dur à dire.
Puis on tente aussi les trucs plus retors. Le lancer de sable dans la gueule, puni par l’enfonçage en bonne et due forme du pif dans la terre, de lui mettre le soleil dans les yeux, de l’éblouir avec le reflet sur des colifichets. Tout l’arsenal du parfait petit salaud en combat, quoi. On le touche pas une seule fois.

On essaie une énième attaque. Le chrono est bientôt fini, t’façon. J’saute stupidement sur Raoul, les yeux grand ouverts, prêt à capter le moindre mouvement si j’en suis capable. Après, j’me relève plus, là. Un Rankyaku léger du pied pour bloquer une échappatoire, et les autres qui couvrent les autres angles avec leurs propres attaques.

D’un coup, j’sens que Victoire a fait un Soru derrière moi et se prépare à utiliser le Shigan. Mais y’a que moi, du coup... Et en face, Raoul arme ses deux poings et va frapper simultanément mes deux cotes flottantes.
Puis j’me rends compte que Victoire vient seulement d’apparaître derrière moi tandis que Raoul n’a qu’à peine bouger. J’réfléchis même pas, j’réagis par réflexe. Un Geppou me fait faire une pirouette, un saut périlleux grâce auquel la blonde se retrouve face au vieux maître. Son Shigan est facilement détourné malgré un instant de surprise sur le visage de Raoul, et elle est éjectée à quelques mètres. Elle sera inconsciente, j’le sens.

En se baissant promptement, Raoul évite mon coup de pied et se prépare à me sortir de là de la même manière quand Joey déboule, suivi de Jeremiah et Era. D’un mouvement flou tellement il est rapide, le maître envoie cinq Shigan à distance qui paralysent Joey dans un état de Tekkai et esquive mon Rankyaku. Il profite ensuite de son élan pour effleurer le torse de Jeremiah qui s’écrase par terre. Era tente de mettre de la distance entre elle et Raoul à l’aide d’un Soru mâtiné de Kami-E, mais il passe au travers de tout cela avec un simple croche-patte.

Il inspire brusquement et envoie un coup de pied avec une lame d’air colossale qui laisse une profonde cicatrice, un peu comme un soc de charrue dans le sable puis dans la mer. Mais comme pour l’assaut précédent, j’ai l’impression de l’avoir vu venir, donc j’ai pu lamentablement me jeter sur le côté. Il apparaît devant moi :
« La leçon est terminée. C’est bien d’être rapide, c’est mieux de savoir déjà où aller. »
J’sens une tape légère sur ma tempe.

Puis le noir.


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Dans le bateau qui nous ramène tous à Marie-Joie, l’ambiance est à la fatigue. On dort tous avachis sur des sièges désagréables. Dès demain, ou p’tet après-demain si nos administrateurs se sentent d’humeur sympathique, les missions reprendront, et on peut pas dire que le stage ait été particulièrement reposant. Puis les administrateurs sont jamais d’humeur sympathique, ou alors c’est là qu’il faut commencer à vraiment s’inquiéter.

Tout à l’heure, un CP1 est passé dans les rangs, a discuté avec chaque groupe.
« Hé, ce qui s’est passé sur l’île, avec les hangars et tout…
- Ouais ?
- Ce qui s’est passé sur l’île… reste sur l’île. Deal ?
- Deal !
- Impeccable, je vais voir les autres alors. »

« N’empêche, une bonne chose de faite, que j’dis.
- Oui, c’est bien qu’on ait appris ça. Nous allons pouvoir monter en grade, fait Victoire.
- Ouais, j’pensais surtout à un outil supplémentaire pour faire notre boulot, mais ouais, aussi.
- Oui, évidemment.
- ‘Videmment. »


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