L'éveil d'une enfant

Une journée comme beaucoup d'autres avec un ciel mitigé entre deux états. Comme toujours, l'ambiance dans le foyer familial de Pandore était tel un cirque d'animaux en tout genre. Ses sœurs n'avaient même pas passé la dizaine qu'elle tentait déjà de se prendre pour des grandes filles. Tantôt parlant avec arrogance, tantôt se pavanant avec du maquillage piqué à la matriarche. Quant elle ne passait pas leurs temps à être sotte, elle se moquait de Pandore qui n'était pas comme elle. Elle qui préférait se perdre dans le ciel plutôt que d'affronter les apparences monstrueuses de sa propre famille. La culture était une chose que l'on méprisait lorsqu'on ne pouvait l'acquérir, les deux blondinettes étaient bien trop diminuées pour faire preuve d'esprit.

Quant à ses frères, ils n'étaient que des rouages dans ce mécanisme défaillant. Ils étaient plus grands que les deux sœurs mais probablement aussi immatures. Ils ne cessaient jamais de se battre, de déranger les habitants du village et de dépenser l'argent de la famille dans des gourmandises grasses et abjectes. Par le simple prétexte qu'ils étaient nés dans une famille à la fortune florissante, ils pourrissaient la vie des autres enfants. Et le pire, c'est que les parents de Pandore étaient incapables de dire un seul mot, l'éducation était une chose qui manquait dans ce contexte familial et Pandore ne pouvait qu'être là soupirante. Elle était une intruse dans ce cadre, probablement du fait qu'elle était la dernière à l'avoir joint, elle avait un esprit vif dont elle avait osé s'en servir.

Ce fut probablement la bibliothèque qui accentua sa différence vis à vis de ses frères et sœurs. Au départ, elle n'était qu'un peu divergente du reste cependant, au fil du temps après avoir découvert la capacité à lire, elle s'était mise à ingurgiter un nombre incalculable de mot. Bien que son esprit encore jeune ne lui permettait pas d'en comprendre la totalité, sa mémoire particulière qui frappait une personne sur des milliers et des milliers lui faisait assimiler tous cela pour les comprendre plus tard. Ainsi, son intellectuel se transforma en un brasier incandescent sans cesse alimenté par la connaissance de ces écrits tantôt ancien tantôt récent. Pour la plupart, c'était des expériences d'antan, des livres retraçant des moments du passé pour qu'il soit à jamais gravé dans le futur. D'autres furent plus théoriques, plus conceptuels, ils essayaient de donner un sens à chaque aspect de la vie et les avis divergeaient d'une personne à l'autre.

Pandore était à l'époque une frêle jeune fille au mental curieux. Plus elle apprenait, plus elle évoluait dans sa conception du monde, plus elle adopta une sorte de mépris pour sa famille et ce qu'on appelait les pirates. Il n'y avait pas besoin qu'on vienne l'éduquer, elle le faisait tous seule, autodidacte qu'elle était. Cependant, durant cette journée à la météo changeante, dans cette journée précise, elle allait faire une rencontre qui allait changer encore plus sa vision. Comme si le destin avait décidé de sceller en elle cet amour pour la vérité et la justice universel.

A la base, elle ne devait qu'acheter que quelques provisions pour remplir les réserves de la famille, cependant, sur le chemin, elle put voir un vieil homme. Ses habits étaient sales et déchirés, son allure quant à elle semblait tout aussi miteuse que ses vêtements. Probablement un mendiant, cependant, au lieu de le dévisager puis de l'ignorer comme l'aurait fait cette masse informe d'habitant, elle s'approcha de lui pour le questionner. Elle n'avait aucune crainte, aucune peur, beaucoup l'aurait traité de folle pour s'adresser à un individu inconnu à l'histoire aussi désespérée.

- Vieil homme, pourquoi vous êtes assis là à ne rien faire ?

Sa voix était celle d'un enfant pourtant, son ton était déjà aussi tranchant que l'acier et encore plus froid que les glaciers de ce monde. Celui-ci vit en Pandore l'éclat du savoir, elle n'était pas comme les autres et il pouvait aisément le savoir. Parlant avec un grand sourire de ses dents saccagées par la crasse, il tenta d'engager une discutions avec Pandore :

- Jeune fille, il arrive qu'un homme perde tous ce qu'il possède afin de s'éveiller à d'autres horizons.

Pandore l'avait comprit, c'était un pauvre, un mendiant, un rejeté de la société cependant, sa voix était d'une grande sagesse. Elle se surprit à lui tendre la main avec un regard aussi grave que le marbre. Peu importa sa famille, peu importe la condition de cet homme, elle avait envie d'en apprendre beaucoup plus sur lui. C'était comme une envie qu'elle ne pouvait pas balayer.

Elle se fit sermonner, alors que ses frères avaient semé la zizanie dans le village sans n'avoir reçu aucun reproche, elle par contre n'avait pas eut accès à ce traitement de faveur. Enfin, en quelque sorte, cela était quelque peu méritait bien qu'elle ronchonnait intérieurement, le fait de ramener un vieil inconnu n'était pas une chose qu'un enfant était en droit de faire. Mais, elle qui ne se permettait jamais aucun travers et qui était une petite fille modèle pouvait bien faire un léger caprice de temps à autres. Et ce, même si ses parents ne semblaient pas de cet avis, néanmoins, ils étaient impuissants face à la détermination de la jeune fille qui échappait à leurs compréhensions. Dans tous les cas, le vieil homme était là et bien qu'il ne voulait pas abuser de la charité de la famille, Pandore ne lui avait pas non plus laissé le choix.

Elle voulait en apprendre davantage sur lui, pour des rares fois, elle se comportait comme une enfant, curieuse et surtout très ouvertes aux nouveautés. Les parents n'ayant d'autres options, l'avaient installé dans une des chambres d'amis. Ce genre de chambre qui ne servait jamais à rien, la famille n'était pas réellement aimée et quand bien même on aurait un intérêt pour eux, c'était souvent dû à leur porte monnaie bien garnit. L'homme n'avait que ses bouts de tissus comme affaire cependant, il avait une richesse bien plus grande que n'importe quel objet matériel : sa connaissance. En effet, c'était un ancien aventurier ayant tout vu et tout vécu. Il ne brillait pas par sa prestance ou sa force non mais par son grand intellect. Une fois qu'il eut prit ses marques, Pandore alla se diriger vers lui curieuse, ses parents quant à eux se fichaient bien de ses fréquentations aussi louche pouvaient elles être :

- Comment vous vous appelez ?  

Il la regarda avec une grande sagesse et un visage plaisant à voir bien qu'il fut rongé par le temps. Cet homme respirait une certaine bienveillance qui avait sut se faire aimer de la très jeune fille.

- Quelle étrange fille pour inviter un homme chez elle sans connaitre son identité. Je m’appelle Cain, je suis enchantée de vous avoir rencontré vous et votre famille.  

Cain, même ce prénom avait une légère sensation d'aventure. Juste après, il lui conta sa vie, comme quoi il avait été un explorateur à travers les années mais qu'au final, son savoir ne lui valut qu'une vie de misère. Pourtant, jamais il ne s'était plaint de sa condition précaire, cherchant à vivre à travers la bonté des gens, il n'avait faire que récemment surface sur Cocoyashi. Il avait aussi rédigé un bon nombre d'ouvrage dont la plupart se retrouvait étonnement dans la bibliothèque de la famille. Pandore était impressionnée, elle qui trouvait ses professeurs trop idiots avait trouvé en ce Cain une façon de s'épanouir.

Très vite, comprenant que cet homme était un moyen de canaliser Pandore. Ils engagèrent l'homme comme précepteur, chargé de l'éduquer et de lui inculquer toutes les valeurs morales qu'elle avait déjà assimilé sans pourtant les comprendre. Comme si ces deux âmes avaient été vouées à se trouver un jour, l'un avait trouvé en l'image de la petite fille une manière de faire don de son savoir et l'autre avait acquit une figure de modèle de sagesse. L'expérience et la vivacité des deux protagonistes répondaient en écho et rendaient le duo plaisant à voir.

Des mois passèrent, Pandore n'avait jamais eut autant d'entrain à arpenter la vie qu'en ces instants passés avec Cain. Celui-ci étonnement, malgré sa longue période d’errance n'avait pas perdu sa vivacité et ses qualités exceptionnelles d'orateurs. Son physique par ailleurs s'était largement arrangé, bien qu'il était toujours attaqué par les marques de la vieillesse, son corps respirait davantage la vie et sa tenue n'en était que mieux pourvue. Mieux, ces quelques mois avaient été tellement bons pour lui qu'il avait su repousser la famine qui l'avait rongé pendant des années. Son allure était déjà bien plus costaude, décidément, cette rencontre avait été une aubaine pour lui autant dans un point de vue psychologique que physique.

Quant à Pandore, elle rayonnait, son visage s'était accentué dans le grave au fil des mois cependant, elle avait acquis une certaine prestance et un charisme que plus développé encore. Désormais, elle avait trouvé en cet homme, les clefs pour comprendre les lois de ce monde. Les codes universelles qui régissaient la vie tout comme la mort. Sa mémoire absolue était gloutonne, véritable vorace qui ne cessait d'absorber et de dévorer toutes les connaissances qu'on lui donnait. Son esprit était celui d'un adulte en fin de carrière, ayant déjà vécu l'expérience d'une trentaine d'années de labeur. La connaissance n'avait jamais été aussi proche d'elle que lorsqu'elle était en présence de Cain.

Quant à ses congénères, ils ne cessaient jamais d'évoluer dans la médiocrité. Les frères en plus de cela étaient devenus de véritables paresseux encroutés par l'argent. Quant aux sœurs, Pandore se surprenait chaque jour à les voir plus idiotes que la veille. Clairement, elle se savait être la plus prometteuse de la lignée, et malheureusement pour elle, elle voyait aussi très bien comme la vie dans la famille allait se dérouler dans le futur. C'était lorsque la richesse planait à son paroxysme qu'elle chutait le plus lourdement si on ne daignait pas entretenir son feu. Si jeune et pourtant déjà si avisée du monde qui l'entourait. A défaut d'être la fierté de son père, elle était celle de son précepteur qui n'avait jamais vu une fille aussi brillante qu'elle.

Il lui apprit plusieurs langues couramment parlées, lui apprit des milliers et des milliers de choses sur le monde. Lorsqu'elle fut plus grande, il lui dicta même des pensées plus... philosophique. Au delà du concret, il la forçait à penser d'elle même. A se questionner sur le bon déroulement de la vie et comment le rendre bien mieux. Un véritable homme qui n'avait pas pu accomplir de sa jeunesse ce qu'il aurait voulu accomplir à son déclin. Du coup, il octroyait toutes ses espérance en cette jeune fille intelligente qu'était Pandore.

Cependant, comme n'importe quel être humain, la mort décida de sonner à sa porte. C'était la maladie qui avait décidé d'être son ultime bourreau, malheureusement incurable, toute la richesse du monde ne pouvait permettre de le préserver dans ce monde. Il ne craignait pas la mort, il ne pouvait que l'attendre bas ouverts maintenant qu'il avait accomplis son ultime but. Désormais, il allait vivre encore une éternité à travers Pandore qu'il avait élevé comme son unique fille. Englouti par un mal physique profond et vicieux, c'était avec un grand sourire adressé à Pandore qu'il entreprit un autre voyage vers une contrée encore inconnue de son immense savoir.

Pandore fit son deuil durant une bonne semaine. Elle ne savait même pas si elle aurait réagit comme cela à la mort d'un être de sa famille. Elle avait perdu en quelque sorte une moitié de son esprit malgré tout, elle ne se lassa jamais dévoré par la tristesse. Bien au contraire, elle était une héritière du grand Cain, l'unique même, elle devait vivre et entreprendre ce qu'il n'avait jamais pu accomplir. Depuis ce jour, elle devint en quelque sorte la Pandore d'aujourd'hui, froide, intelligente, et d'une profondeur d'esprit insoupçonnable.