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Embuscade en pleine mer

Depuis mon départ de Poiscaille, ma chance n'avait cessée de fluctuer. Tantôt me laissant sur une petite île de pêcheurs paumée puis mettant sur ma route un navire de transport acceptant de me prendre à son bord. C'était d'autant plus exceptionnel que cette voie maritime était désertée par les honnêtes marins mais l'équipage semblait avoir un retard à rattraper. Ils se rendaient au royaume de Bliss de South Blue, le destin pouvait avoir de ces fantaisies.

Il avait fallu que je décide de devenir pirate pour retourner vers ma mer natale. En contemplant le ciel bleu et les dauphins accompagnant le deux mâts à travers les eaux vives et pleines de vie de West Blue, mes pensées me ramenèrent vers ma mère. Je n'avais plus de nouvelles depuis de nombreuses années, la faute que nos relations n'étaient guère pour ne pas dire que se débarrasser de moi lui avait procuré une grande joie.

Une serpillière s’abattit sur mon crâne dans un chuintement humide.

-Eh si tu veux pas qu'on te jette à la flotte tu ferais mieux de te remuer ! Pas de flemmard sur ce navire !

Le lieutenant du capitaine, un grand blond baraqué que les hommes appelés "Nancy" car selon eux "il est aussi agréable à regarder qu'une belle femme". L'humour était bien là, le lieutenant avait une jolie gueule pour un marin mais malgré les plaisanteries de ses hommes, ces derniers le respectaient pour ses qualités de chef et son autorité naturelle. C'était un équipage fort sympathique, des marins qui avaient pas mal bourlingué, qui se connaissaient et se faisaient confiance. Une ambiance agréable entre les vannes graveleuses et la sensible expérience de la mer de ces hommes, à bord de ce navire il y avait un vrai sentiment de sécurité et cela ne déplaisait pas aux passagers. Car en effet il ne s'agissait pas d'un navire marchands mais bien d'un transporteur qui amenait des voyageurs vers Bliss depuis West Blue. Des gens d'horizons différents depuis la gentille petite famille jusqu'au bourgeois soucieux de ses affaires mais tous appréciaient ce singulier équipage et ses manières.
Sans attendre je récupérais la serpillière et me mit à briquer le pont. Le capitaine avait accepté de me prendre à son bord sous la condition que je travaille pour payer mon voyage. J'avais bien entendu laissé de côté le fait que j'avais décidé d'embrasser la vie de pirate.

Le capitaine abandonnait rarement son poste, un homme bourru à la cinquantaine grisonnante portant une veste bleue marine par dessus une tunique vert délavée. Il en avait vu au cours de sa carrière mais cette traversée le rendait particulièrement soucieux. Pour rattraper le retard qu'ils avaient pris en raison d'intempéries, le capitaine avait fait le choix de couper par ce couloir maritime. Le patron de la taverne de ma précédente escale m'avait bien dit que cette route n'était guère plus empruntée que par des équipages pirates. En y repensant je n'avais encore jamais rencontré de pirates, ceux qui m'avaient laissés sur l'île des pêcheurs tenaient plus des contrebandiers que des pirates tels que je les imaginait. Je frémis à la pensée que je'espérais que nous tombions sur un groupe d'entre eux, ma curiosité ne méritait pas de mettre en danger ceux qui m'avaient secourus. C'est alors qu'éclata le cris fatidique de la vigie.

-NAVIIIIIRE !
    Un tonnerre d'agitation se répandit sur le pont tandis que les hommes d'équipages se pressaient pour observer l'horizon. Au lointain se distinguait vaguement la silhouette d'un sloop à trois mâts. C'est alors que le capitaine quitta son poste pour la première fois, le trait grave il sortit une longue-vue d'une poche intérieur pour contempler le navire étranger. Un silence pesant tomba sur le pont, chaque homme semblait retenir sa respiration en attendant le verdict du capitaine. Ce dernier déglutit avant de replier son instrument et de se tourner vers ses moussaillons. Son regard était sombre et chacun comprit que ce qu'ils redoutaient venait de se produire, un navire pirate faisait voile droit sur eux.

    -Ecoutez moi ! Nous avons déjà affronté de nombreux dangers et pourtant nous sommes toujours là. Cela n'a rien à voir avec la chance mais bien avec vos compétences, je connais chacun d'entre vous et je pourrais voguer en votre compagnie les yeux fermés alors ce jour ne sera pas différent. Ces butors pensent qu'ils ont trouvés une proie facile mais nous allons leur montrer ce que nous avons dans le ventre, le meilleur équipage des Blues ne sera jamais rattrapé par une vulgaire bande de pirates. Alors chacun à son poste et donnez le meilleur de vous même !

    L'espace d'un instant un sentiment de culpabilité m'envahit mais je le chassais prestement de mon esprit. L'heure n'était pas aux superstitions ridicules, il n'a jamais suffit de songer à quelque chose pour que cela arrive. Une main ferme s'apposa sur mon épaule, la face de "Nancy" se révéla à moi alors que je me retournais. Il avait abandonné ses manières enjouées pour prendre une attitude grave et autoritaire.

    -Tu dois regretter que l'on t'ait pris à bord désormais. Je fis un bref signe négatif de la tête. Bien mais à partir de maintenant c'est à nous marins d'agir. Je compte sur toi pour descendre au pont inférieur et contrôler les passagers, j'aurais besoin de tous mes hommes au travail et la dernière chose dont on a besoin c'est qu'un client panique et se fourre dans nos pattes.

    -Vous allez avoir besoin de toutes les pairs de mains disponibles, vous m'avez appris à aider aux manœuvres au cours de ces derniers jours.

    Un sourire passa brièvement sur son visage.

    -J'admire ta détermination mon gars mais crois tu nous seras le plus utile en bas.

    Il se retourna et parti gueuler des ordres tandis qu'il me laissait rejoindre le pont inférieur. Une douleur me tordait l'estomac, une inquiétude vis à vis de tous ces gens qui se démenaient pour tous nous sauver alors que je ne pouvais rien faire pour les aider.
    Les passagers avaient compris la situation et le chaos s'était emparé de l'étage. Certains pleuraient en maudissant leur sort tandis que d'autres restaient d'un calme glaciale, semblant prendre la pleine mesure de la fatalité de cette situation. Sans attendre je grimpais sur une table pour dominer l'assemblée et prendre la parole en hurlant à moitié.

    -LA FERME !

    Le silence retomba sur le pont inférieur, un silence non pas de peur mais de surprise.

    -Le capitaine sait ce qu'il fait, il va manoeuvrer son navire de telle sorte à distancer les pirates. Il n'y aura pas d'affrontement alors calmez vous, le pire qui arrivera sera un détour qui nous fera prendre du retard pour l'arrivée à Bliss.

    -Qu'est ce qu'on en sait ?!

    Un des passager avait pris violemment la parole, la peur se lisait dans son regard. Son exemple ragallardi d'autres de ses compères, l'un d'entre eux, un bourgeois de Bliss en costard et haut de forme pris la direction des gueulards.

    -Vous êtes celui que le capitaine a ramassé lors de  l'escale de ravitaillement, il n'ose même pas venir en personne pour nous affronter ?! C'est à cause de lui que nous en sommes là pourtant, s'il n'avait pas pris une route aussi dangereuse nous ne serions pas en train de risquer nos vies en ce moment même.

    Un sourcil se souleva pour marquer mon regard de désapprobation, je savais bien qui était ce type. Les hommes d'équipages m'avaient parlé de lui, un armateur plutôt fortuné et pressé de se rendre à Bliss pour signer un contrat, c'était lui qui avait convaincu le capitaine à prendre des risques moyennant finance car il devait atteindre sa destination de toute urgence. Je ne savais pas où il voulait en venir mais son comportement et la manière dont il dénigrait mon bienfaiteur faisait gonfler la veine de colère sur mon front.

    -Nous devons nous rendre et négocier avec ces pirates ! Tout ce qu'ils veulent ce sont nos richesses, si nous leur donnons ce qu'ils veulent ils nous laisseront la vie sauve.

    Un des passager se leva brusquement le teint livide.

    -Attendez, tout ce que ma famille et moi avons se trouve dans nos affaires sur ce navire. Nous nous rendons à Bliss pour commencer une nouvelle vie, si ces pirates nous prennent tout alors nous n'aurons plus rien pour vivre.

    -Si nous continuons à fuir, ces pirates vous prendront votre vie en plus de vos richesse alors taisez vous et laissez ceux qui ont du bon sens décider.

    D'un mouvement lent je descendais de table pour me placer face au bourgeois, mes yeux lançaient des éclairs et mes doigts craquaient à tout rompre.

    -Tu me sors par les yeux !

    -Ne m'approchez pas ! Lacha t-il avec tout le mépris possible. Vous tous qui n'avez rien, vous n'avez aucun droit de prendre la décision de mettre nos vies à tous en danger. J'ai trop à perdre à la différence de vous.

    Je l'empoignais par le col avant de la jeter sur la couchette d'une cabine

    -Pas mon problème ! J'ai confiance en celui qui commande ce navire et je ne laisserais personne entraver ses efforts. C'est compris ?

    Je venais de dire cela de façon nette et audible tandis que mon regard électrique balayait chacun.

    -Si l'on s'en sort je ne vous oublierais pas mon garçon.
      Les premiers coups de canons commencèrent à résonner près d'une heure plus tard. La peur figea chacun, empêchant le moindre mot d'être prononcé. Le plus petit son aurait suffit à briser cet équilibre silencieux généré par l'angoisse commune et aurait précipité tout le pont inférieur dans le chaos et la panique. Cependant nul n'était dupe, le chant des canons signifiait que les pirates avaient rattrapés le navire. Je ne savais que faire, mon esprit impétueux me poussait à monter pour participer à l'affrontement inévitable mais j'avais conscience que sans moi, la situation du pont inférieur deviendrait imprévisible.

      Un pan de la coque explosa brutalement dans un déluge de planches et d'échardes pour laisser apparaître une ancre titanesque agrippant fermement le navire. Ce fût le choc de trop. Les hurlements et les pleurs se déchaînèrent tandis qu'un mouvement de foule prenait direction  de l'escalier. Dans un juron je m'élançais à mon tour vers la surface pour découvrir une situation de cauchemar. Le navire pirate était à moins d'une encablure et relié fermement par une épaisse chaîne d'acier qu'avait tiré son canon de proue. Avant de réaliser, les premiers assaillants s'élançaient depuis les cordages pour atterrir sur le pont, arme au poing. Je fis craquer mes phalanges prêt à m'élancer furieusement lorsque "Nancy" m'attrapa pour me plaquer à terre.

      -RESTE CALME ! Je connais ce regard et j'ai vu trop d'homme courir à leur mort comme ça. Nous sommes l'équipage de ce navire et tu en fait partie pour l'instant gamin. En tant qu'équipage, nous ne pouvons pas risquer nos vies car les passagers compte sur nous pour les mener à bon port.

      Ma mâchoire se serra de fureur mais je renonçais à me débattre. Au tour de nous les pirates débarquaient en nombre plus grand pour faire prisonnier chaque marin. Plusieurs d'entre eux aperçurent le groupe de passagers qui était monté et dans un rire de hyènes s’élancèrent vers eux. Les passagers se mirent à fuir vers le pont inférieur tandis que des pirates les poursuivaient mais une voix tonitruante résonna sur le pont.

      -ON SE SÉPARE PAS BANDE D'ABRUTIS !

      Les deux navires étaient désormais côte à côte et un géant chauve tout de muscles fait sauta puissamment à bord. A son long manteau noir dans lequel un joly roger était brodé au dos, il se devinait qu'il s'agissait du capitaine. Sa gueule étaient patibulaire mais la quantité impressionnante de balafres lui donnait une certaine autorité, d'autant plus que ses trois mètres de haut ainsi que sa carrure devaient dissuader quiconque de lui désobéir.

      -Je veux pouvoir m'assurer qu'aucun des enfants de catins qui constituent mon équipage ne dissimulera du butin. Alors rassemblez tout le monde qui se trouve sur cette passerelle et surveillez les. Un sourire malsain s'élargit sur son visage. Je m'occupe de ceux qui sont en bas.