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Amitiés




Le bureau du chef, au Cipher Pol, c’est toujours quelque chose. Déjà pasqu’on croise pas Scorpio tous les jours, ou plutôt pasqu’on s’arrange pour pas avoir à le croiser tous les jours. Bon, on est pas souvent là non plus, hein, sauf les planqués et les autres gratte-papiers. Ouais, le chef, c’est pas tellement Rei, c’est plutôt Scorpio. Faut dire, on l’a tellement pas vu que y’a même des paris qui tournent comme quoi il est clamsé, le patron.
J’toque à la porte. C’est que j’viens de rentrer du centre d’entrainement, avec le Rokushiki à peu près en poche. Et que les jours d’entrainement n’ont pas vraiment été de tout repos, alors malgré une nuit à pioncer comme une masse, j’me sens limite encore plus fatigué que le jour d’avant. Limite, seulement, j’suis persuadé que c’est juste une impression.

Quand on m’invite à entrer, j’ouvre la porte et la referme derrière moi. La moquette est proprette, et un grand bureau trône au milieu, avec des armoires de rangement couvrant tout le mur derrière. Le bois est beau, le bois est neuf, le bois est passé sur la dernière facture de rénovation des locaux.
Mais y’a pas que le bureau qui trône, y’a aussi René Reginald Scorpio, Administrateur du Cinquième Bureau, chef officieux et comploteur hors norme. Assis dans son siège super confortable, il m’invite à m’asseoir en face de lui, sur une chaise vachement plus normale, et sensiblement moins rembourrée.

« Agent Rinwald. J’ai cru comprendre que vous n’aviez fait que deuxième au concours… motivatoire de formation.
- Deuxième sur huit bureaux, Monsieur, c’est quand même plutôt bien, que j’ose.
- Non, ce n’est PAS bien. N’oubliez pas ça, Rinwald : le deuxième gagnant n’est jamais que le premier des perdants. Tâchez de ne pas échouer la prochaine fois.
- Oui, Monsieur, bien, Monsieur. »
J’attends. J’mate son embonpoint, ses beaux vêtements et sa moustache qu’il fait tourner entre son pouce et son index d’un air distrait. Vu son genre, s’il voulait me foutre dehors, il le ferait plus vite que ça.
« J’ai cru comprendre que vous aviez des accointances avec Edwin Morneplume.
- Selon le rapport qui a été transmis, nous sommes un peu en froid. Il n’a pas apprécié quelques références à euh… sa femme.
- Sa femme ?
- Celle qu’il a tuée parce qu’elle le trompait.
- Je sais, Rinwald, ne me prenez pas pour un débutant. Enfin, l’un dans l’autre, Morneplume a repris les restes de la Pulu Pulu Korp créée par l’ex-agent Red. Et même s’il ne s’agit que de restes qui n’ont plus les mêmes parts de marché qu’auparavant, il s’agit d’une entreprise avec un fort potentiel de croissance. Vous me suivez, Rinwald ?
- Je ne crois pas, Monsieur.
- Vous allez investir dans cette entreprise actuellement en recherche de capitaux, voilà ce que vous allez faire. »
Quoi ? Mon argent durement gagné, comme ça ? J’cligne des yeux en regardant Scorpio. Il sourit d’un air paisible mais j’sens son âme de calculateur qui biche derrière.

« Ce… C’est un ordre ?
- Un ordre ? Tout de suite les grands mots ! Ce n’est jamais qu’une demande que je vous prie instamment d’accepter. »
J’crois qu’il se fout de moi, là.
« De toute façon, jamais Morneplume n’accepterait qu’un Cipher Pol investisse dans…
- Oui, je m’en doutais bien. Et j’ai justement ceci pour régler la situation. »
Scorpio prend un dossier sur le haut de sa pile et le fait glisser dans ma direction. J’vais pour l’ouvrir quand il m’interrompt.
« Vous consulterez le dossier plus tard. Je n’ai pas que ça à faire, de vous regarder lire des pages. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que l’investissement passera par cette personne. Et pour faire taire vos dernières réticences, sachez que l’argent investi devrait être parfaitement rentable pour vous. Vous avez donc tout à y gagner, ne vous en faites pas. D’ailleurs, les informations  sur la PPK se trouvent également dans le dossier. »
Excepté si j’me fais griller, que Morneplume le vit mal et me vire tout en gardant mon pognon, pas vrai ? De toute façon, même si c’est pas un ordre, ça peut rapidement le devenir si j’rue un peu trop dans les branquards, j’crois. Et ce, même si ça outrepasse sensiblement les droits de Scorpio.
« Bien, Monsieur.
- Vous pouvez y aller, Rinwald. »

Une fois hors du bureau de l’administrateur, j’me dirige vers ma place, sur laquelle j’jette le dossier avant de m’poser pour l’ouvrir. En première page se trouve un Marine, sa gueule, quelques informations administratives tout sauf intéressantes, et surtout un paragraphe rédigé par un joyeux compère du bureau.
Et les paragraphes des collègues, ils sont souvent très instructifs. J’sens que ça devrait pas trop demander d’efforts, tout ça. En dernière page, j’trouve un numéro de denden mushi, appartenant à un sbire quelconque du CP. Hm, ouais, probablement ça.

J’me lève et j’vais dans une cabine du bureau équipée d’escargophones, des normaux, des blancs et d’autres plus exotiques. Tout ce qu’il faut pour pouvoir faire notre boulot tranquillement, quoi. Le dossier à la main, j’en attrape un normal et j’compose le numéro.
« Mushi mushi, fait une voix d’homme.
- Bonjour. Charles Bromstock ?
- C’est bien moi.
- Agent de Catégorie Une Alric Rinwald. Vous avez la cible en visuel ?
- Oui, Agent Rinwald.
- Localisation ?
- Le bar l’Honneur Marin, croisement de l’Avenue Bruçli et du Boulevard Œankhôr.
- J’arrive. Recontactez-moi si la cible bouge.
- Bien reçu. »
J’coupe la communication. Y’a pas à dire, les sbires sont rudement pratiques.

Une vingtaine de minutes plus tard, l’escargophone glissé dans la poche de ma veste n’a pas émis le moindre son, la moindre vibration. J’rentre dans le bar, le signalement du Marine bien en tête. Après avoir scanné la salle à sa recherche, j’me rends compte qu’il est accoudé au comptoir, à contempler son verre à whiskey –vide, posé devant lui. Iil était dos à moi, pour ça que j’ai mis un peu de temps à le trouver.
J’me pose à ses côtés, les coudes appuyés sur le p’tit zinc, un pied en appui sur la barre proche du sol. La posture classique du type normal, quoi. Autrement dit, celle du type qui usuellement se fout pas juste à côté de toi, sauf s’il a quelque chose à te demander. Et ça, le lieutenant d’élite Mack Banes l’a bien compris.





« T’es qui, toi ?
- B’jour Lieutenant d’élite Banes.
- J’ai dit : t’es qui, toi ?
- Qui je suis n’est pas réellement important.
- Dégage.
- M’étonnerait, faut qu’on cause, d’abord.
- Ma mère m’a toujours dit de jamais parler aux inconnus.
- Et elle a bien raison. Sauf quand cet inconnu te veut du bien. »
Il renifle, l’air pas convaincu. J’tapote la table de mes doigts avant d’sortir mon paquet d’clopes et d’lui en proposer une, qu’il prend. Puis d’un geste, j’appelle le barman.
« Deux whiskeys, pour moi et mon pote.
- On est pote, maintenant ?
- Ouais, depuis que tu fumes mes clopes et que tu bois mon whiskey.
- J’te les rends de sui…
- Nan, garde-les, j’aime bien rendre service à mes potes. Et comme on est pote, maintenant, on peut se rendre mutuellement service.
- Pas intéressé, désolé. »
Il descend son verre cul sec, plaque un billet sur le comptoir et sort.

J’soupire et j’vide mon godet aussi. Un second biffeton rejoint le premier et j’lui emboîte le pas. Un type dans le fond de la salle fait mine de se lever. Sûrement le sbire qui le suivait depuis j’sais pas combien de temps. J’lui fais signe de pas s’en mêler trop directement, alors il continue son mouvement l’air de rien et va aux chiottes. Bon, au moins, il sait être discret.
Dehors, il m’suffit d’un coup d’œil pour le griller, avec sa coupe de cheveux moche, sa haute stature, ses vêtements laids et sa trentaine bien avancée. J’lui engouffre le pas, sans même me formaliser qu’il me grille rien qu’en jetant un regard derrière lui. Il accélère perceptiblement le pas, alors j’fais de même. J’sais que le sbire traine quelque part derrière moi, en attente d’ordres le délivrant totalement de sa mission. Mais comme l’ordre vient pas, il continue à filer Banes. Brave type.

Le Marine passe au pas de course en tournant à quatre-vingt dix degré dans une ruelle. Changement de méthode, vu qu’être poli et bien élevé a pas marché. J’rentre juste après lui et un Soru me permet de poser la main sur son épaule, avant de le plaquer gentiment contre le mur. Gentiment pour de vrai, la pierre râpeuse lui égratigne à peine le bout du pif.
« Okay, Mack, j’peux t’appeler Mack, hein ? Entre copains.
- Grmph ! »
Avec prévenance, comme avec un vrai pote, j’le lâche. Il doit bien se rendre compte qu’il a pas trop le choix, parce qu’il se contente de se mettre dos au mur et de souffler bruyamment. J’distingue l’ombre du sbire au bout de la ruelle, toujours à surveiller la situation. Impec’.
« Alors, tu veux quoi ? Et tu t’appelles comment ?
- Alfred, j’suis ton bon copain Alfred qui va te filer un super tuyau et quelques instructions.
- Et pourquoi j’ferais ça, hein ?
- Parce que tu brûles de me rendre service, bien sûr.
- Mais encore ?
- Tu rends pas les choses faciles, tu sais, Mack ? Tu le sais, ça ?
- C’est que j’vois toujours pas pourquoi j’devrais t’aider… Alfred. »

J’soupire. Bon, pas comme si j’me doutais pas qu’on allait en arriver là. J’pose la main juste à côté de son visage, en appui sur le mur, et j’me rapproche jusqu’à ce que nos nez soient séparés par à peine cinq centimètres, mes mirettes plantées dans les siennes.
« Léa, ça te dit quelque chose ? »
Il tressaille.
« Non, du coup. C’est quelqu’un de particulier ?
- Et Maria, peut-être ? »
Il déglutit.
« N… N-non.
- Dis pas non, Mack, c’est le prénom de ta fille, pas vrai ? »
Son regard se raffermit. Il va pour me donner un coup de poing que j’encaisse sans sourciller, fort de mon Tekkai.
« J’vais te raconter une histoire, Mack, okay ? »
J’le sens captif, prisonnier de mes pupilles, la bouche légèrement entrouverte et tremblante.
« C’est l’histoire d’un Marine d’élite, on va l’appeler le Lieutenant Marc Bannes, d’acc’ ? Il part en mission assez loin, pour régler leur compte à de méchants, très vilains pirates. Des informations qui ne sont pas ce qu’elles sont l’amènent sur une île paisible, où devraient se cacher les pirates. On va pas leur donner de nom, c’est pas la peine.
- Ahem, n-non…
- Pendant la mission, le Lieutenant refuse de se méfier suffisamment des forbans, malgré plusieurs avertissements de son sergent, un type vétéran qui en a vu d’autres, des supérieurs hiérarchiques orgueilleux et prétentieux.
- Euh, hein…
- Pas la peine de nommer non plus le sergent, hein ? De toute façon, l’histoire est quasiment finie ! A cause d’une énième erreur du lieutenant d’élite, ce Marc Bannes, les pirates en arrivent à prendre en otage puis à tuer une petite fille qui se prénomme Léa, âgée de cinq ans et cinq mois, blonde, des joues comme des pommes et presque toutes ses dents de lait. Une chic fillette, cette Léa, d’ailleurs.
- Ce… C’était un… acc…
- Un accident regrettable, je n’en doute pas. Heureusement, pour le moment, le rapport maquillé et complètement bidonné envoyé par Marc Bannes semble tenir la route, puisque personne gueule côté Marine. Du coup, il est plutôt soulagé.
- Mais non, pas du t…
- Laisse-moi finir, Mack ! Que j’aboie, tandis qu’il se recroqueville presque. Or donc, cette information parvient quand même, par des sentiers détournés que j’prends pas la peine de détailler, dans les mains de certaines personnes que j’prends pas la peine de nommer. Ces personnes se soucient vraiment du sort du Gouvernement Mondial et trouveraient dommage qu’un fidèle officier de la Marine d’élite se retrouve rétrogradé alors qu’il faisait son métier du mieux qu’il pouvait, pas vrai ?
- Je, oui…
- Surtout que Marc Bannes, il a une petite fille, qu’a exactement l’âge de Léa. Cruelle ironie, n’est-ce pas ? Elle aussi, cinq ans à peine, blonde, encore que d’une teinte bien plus platine, tout ça. Et imagine c’qui se passerait si la petite Maria, puisque c’est son prénom, devait grandir en sachant que son père avait provoqué la mort d’innocents par orgueil et vanité ? »

J’laisse flotter un instant de silence, mes clignotants vrillant toujours Mack Banes. Au bout d’un moment, il prend une profonde inspiration et baisse la tête.
« Tu veux quoi, copain Alfred ?
- T’es un vrai pote, tu sais ça, Mack ? Alors tu vas prendre cette feuille. Dessus, y’a le numéro de la société, créée à ton nom. Dans les comptes de cette société, y’aura treize millions de berries exactement. Tu prends ces treize millions, et tu les investis dans la Pulu Pulu Korp, dirigée par Edwin Morneplume, Lieutenant d’élite de North Blue. Puis tu toucheras pas aux bénéfices que l’investissement te rapportera. Tu laisseras juste l’affaire suivre son cours, sans rien avoir à faire, sans t’en occuper, sans te mouiller.
- Ce… Ca me semble correct.
- Et si tout se passe pour le mieux, tu toucheras même une prime à la fin de l’année, en tant que Président Directeur Général de la Banes Investment Bank. Et, bien sûr, personne ne s’intéressera jamais à Léa tant que tout se passera comme sur des roulettes. Alors, on dit quoi, Mack ?
- Merci, Alfred, t’es un vrai pote, fait-il piteusement en regardant ses godasses.
- Merci à toi aussi, Mack. »

Lui laissant le feuillet en main, j’fous les pognes dans mes poches et j’ressors de la ruelle. Le sbire est sagement appuyé contre l’angle, surveillant Mack du coin d’un œil et les passants de l’autre. J’lui offre une cigarette qu’il accepte avec un signe de tête.
« Charles, j’te laisse continuer à t’occuper de notre ami commun. Veille à ce qu’il aille bien là et fasse pas de conneries, et si ça devait arriver, préviens-moi au plus vite, ou Scorpio, okay ? Que j’lui ordonne en lui passant mon paquet, sur lequel est inscrite l’adresse de la Banes Investment Bank.
- Bien sûr, Alric, bonne journée.
- Bonne journée à toi. »

J’reprends ma route en sifflotant. Tiens, j’irais bien voir Gilles, prendre des nouvelles. Ca fait trop longtemps que j’étais loin de tout, loin de Marie-Joie et de toutes ses magouilles. L’est temps que j’me remette au parfum. Mais d’abord, faut que j’passe par la caisse de paris du CP5. S’trouve justement qu’une vieille mise, datant d’il y a bien quatre ans, devrait m’tomber droit dans l’bec, toute cuite.

J’ai eu raison de miser sur la promotion d’Alheïri S. Fenyang, finalement. Et dire que j’pensais mes fonds perdus quand il a clamsé, ce con. Va être temps de faire raquer les copains qu’avaient encaissé à ce moment-là.
J’vais même être beau joueur, et lui envoyer un berry symbolique, à ce type qui se relève d’entre les morts. A titre anonyme, évidemment.

Quelques heures plus tard, J’zonais à la Taverne de la Dernière Erreur, assis dans un coin. J’avais fait passer un message via les Bureaux à Gilles le Traitre, le proprio du coin. Et, surtout un des gars les mieux informés de tous les Cipher Pol. A tel point qu’on oublierait presque qu’il est du Bureau Zéro, celui dont la simple évocation suffit à faire trembler des agents confirmés. Enfin, ceux qu’ont des trucs à se reprocher et qui risquent de se faire chopper, quoi.
On l’oublierait presque, mais comme il sait tout, ça nous passe rapidement. Il doit avoir accès illimité à tous les dossiers et ça m’étonnerait même pas qu’il connaisse chaque agent par son p’tit surnom affectif.

Après une trentaine de minutes d’attente, et donc de verres, histoire de faire passer le temps, le patron du bar daigne enfin nous gracier de son auguste présence. Ca doit être une stratégie pour faire du chiffre, ça, faire poireauter les types. Et dans un bar, à part picoler, y’a pas grand-chose à foutre.
Gilles le Traitre passe de table en table, s’accoudant vite fait au zinc pour commander une pinte. J’garde poliment –ou chastement,les mirettes sur mon propre godet, histoire de pas voir qui file du pognon ou quoi. Ouais, vraiment un genre de politesse, ça se fait pas de mater les affaires des autres.

Même si au Cipher Pol, fatalement, on a tous un penchant voyeuriste, j’suppose. On collectionne nos petits défauts, mais ils nous servent bien, au moins. Dans une autre branche, par contre, on finirait probablement fissa en taule. Comme quoi j’me suis pas trop perdu.

Par réflexe, j’note quelques personnes. On lutte pas avec les déformations professionnelles.

Gilles s’asseoit enfin en face de moi. Il tire la chaise à lui, se pose avec sa bière déjà à moitié vide.
« Agent de Catégorie Une Alric Rinwald. Que me vaut ?
- B’soir, Gilles. En fait, j’viens de revenir un peu dans le coin. »
Il me mate de son seul œil, la lumière des bougies jouant sur sa peau ébène. Pas moyen de lire son expression, j’ai affaire à un vieux briscard, hein.
« Oui, je sais. Muté sur Grand Line après des succès sur les Blues, hein ?
- ‘Xactement. Mais du coup, avec le temps que j’ai passé à perpette, j’suis un peu déconnecté des réalités de Marie-Joie et du Cipher Pol.
- Et la politique des Bureaux, les jeux de pouvoir ?
- J’me fais pas trop d’illusions, ça a pas dû se calmer depuis ma formation.
- Effectivement, Alric, effectivement.
- Par conséquent, j’comptais passer assez fréquemment. Me mettre au jus pour un peu tout.
- Pour moi, rien n’a changé.
- J’m’y attendais. Tant mieux si y’a pas d’inflation.
- Oh, ça, ça dépend des fois, tu sais bien.
- T’as quoi pour moi ?
- Allez, vu que c’est la première fois que tu viens depuis longtemps, et que j’sais que t’aimes bien suivre tes dossiers jusqu’au bout : tu sais, Ivan de Cimitiero ?
- J’ai empêché la flotte de Luvneel de rejoindre Costa Bravo.
- Et cramé son orphelinat, oui.
- Ah, les nouvelles vont vite.
- Evidemment. Ca fera cinq cent mille. »
J’pose une liasse sur la table et j’prends une gorgée. Le temps que j’avale, les biffetons ont déjà disparu dans une poche de son manteau. J’ai même pas vu laquelle.
« Cimitiero avait le fruit de la Vérité. Avait, il est mort. Passons les détails, c’est pas c’qui nous intéresse ici. Dans l’interrogatoire qui a suivi son retournement de veste, il y avait des Marines et un membre du Cipher Pol. Apparemment, un certain Clotho Tas’natak aurait longuement discuté avec Cimitiero, et cette conversation traiterait d’idéaux que d’aucuns qualifieraient de… dangereux, voire révolutionnaires.
- Et donc, le CP3 est déjà sur le coup, j’suppose ?
- Même pas, il y a un doute raisonnable entretenu là-dessus, sans compter qu’ils doivent être en manque d’effectifs pour ne s’être toujours pas intéressés à ça.
- C’est quoi la friandise ? Le lien manquant ?
- Le lieutenant-colonel Tas’natak est l’heureux propriétaire de Cagouilles Land, qui a plus ou moins remplacé la PPK depuis ses… déboires.
- Ah. T’es déjà au courant pour ça ?
- C’est mon métier, de savoir.
- Ouaip, et ça serait d’mauvais goût de ma part de m’en plaindre. Merci pour l’tuyau, Gilles, j’sais justement qui appeler pour en causer.
- Pas d’quoi, Alric, tu repasses quand tu veux.
- Merci Gilles, bonne soirée. »

J’lui sers la pogne, puis j’me lève après avoir vidé ce qui restait de mon verre d’un trait. Gilles discute déjà avec un autre client. Moi, j’ai un coup d’fil à passer, donc j’file fissa au Bureau. Escargophone, North Blue, Lieutenant d’élite Morneplume. J’suis sûr que l’histoire l’intéressera, et ça peut être le bon plan pour devenir pote avec lui.

Un pote qui aurait toutes les télécoms de la Marine, personne cracherait dessus.

J’ai un sourire carnassier.

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