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Cauchemar

Elle sent les herbes se courber sous ses jambes, la main d'Anna dans la sienne, le soleil sur son visage. Le pré l'entoure, tel une verte mer. Elle s'entend rire, et Anna avec elle. Mais leur rire semble assourdi, comme venu de loin. Sans avoir besoin de se retourner, elle sait que derrière elles, à quelques centaines de mètres, se trouve sa maison. Elle sait ses murs en bois délavé, son toit d'ardoise qu'il faudra bientôt réparer. Elle  sait qu'à l'intérieur, sa mère et son frère préparent le repas tandis qu'a coté, son père coupe du bois. Elle devrait savoir autre chose, mais elle ne se rappelle pas. À moins qu'elle ne veuille pas se rappeler. Elle sait aussi que le fait de s'en rappeler ne changerait rien. Alors, elle oublie.

Elle continue à avancer, profitant du soleil. Elle s'amuse à écouter le ruisseau non loin et à repérer les grenouilles à leur chants. Mais elle ne va pas vérifier si elle a raison. Quelle importance ? Sans se rappeler d'y être entrée, elle se trouve au milieu d'une forêt. Les troncs sont tordus en d'harmonieux dessin tandis que le bruit de ses pas est étouffé par le lierre sur lequel elle marche. Étrangement, le lierre ne semble pas tenter de grimper aux arbres, mais se répand tel un tapis vert et blanc sur le sol, où que porte ses yeux. L'endroit baigne dans une douce lumière violette. Elle lève les yeux jusqu'à la canopé et trouve des feuilles bleus. Elle ne connaissait pas ces arbres.
Nous sommes chez moi maintenant.
Elle entend une sourire dans la voix d'Anna.

Viens, je vais te faire visiter.
Elle a confiance en Anna, elle la suit. Elle s'enfonce dans cette forêt, silencieuse à l’exception du vent dans les branches. Ses pieds lui donnent l'impression de fouler des nuages tandis que le lierre disparait peu à peu au profit de champignons multicolores. Entre les branches, elle devine quelques fées qui jouent à cache-cache. La main d'Anna dans la sienne la tire toujours en avant, toujours vers d'autre merveilles. Plus loin, ce sont des lapins cornus qui jouent, des dryades qui dansent, toujours dans un chaos merveilleusement orchestré, une ronde où chacun ferait ce qu'il voudrait sans que jamais l'harmonie de l'ensemble n'en soit affecté.

Un ruisseau la rejoint, puis un autre, s'écoulant gaiment avec elle, leurs eaux pures chantant un sur un rythme doux et sauvage à la fois, leurs notes s’entrelacent autour d'elles, formant une harmonie délicate. Sans la main d'Anna qui continuait à la tirer en avant, elle aurait craint de bouger, de peur de l'abimer. Elle apercevait des reflets au loin, sans être capable de dire de quoi il s'agissait. Elle eu bientôt la réponse. Un lac aux eaux de cristal s'étendait au coeur de la forêt, sa surface semblable au plus parfait des miroir laissait néanmoins voir un fond de sable blanc sur lequel se délassait des naïades. Il était alimenté par d'innombrables petit ruisseau qui se glissait au travers des arbres et de fines cascades tombant du feuillages. Elle admirait les chutes quand elle remarqua une feuille, voltant à travers les airs, glissant sur les brises, tourbillonnant dans les airs immobiles. Elle finit par se poser en douceur sur les eaux du lac figé, formant des ondes qui se rependait, semblant s'amplifier au fur et à mesure de leur avancé, libérant des reflets multicolores, éclairants les environs d'une lumières mouvante. Le spectacle était féerique.


Elle entend un bruit de pas. Il résonne comme un coup de tonnerre dans ce monde feutré, suivi par un autre, qui semble plus fort encore. Puis un autre. Et Encore un autre, réveillant en elle une terreur primale, gravé au plus profond d'elle même. Elle sent que la main si douce d'Anna serre la sienne convulsivement. Tout autour d'elle la lumière se tord, formant des ombres inquiétante au creux des arbres. Les rires des nymphes s'éteignent doucement. Il arrive.

Ses traits sont assez quelconques, sont uniforme celui d'un marine. Sont sourire est bienveillant mais ses yeux sont ceux d'un fou. Il s'arrête un instant pour embrasser le paysage du regard, puis reprend sa marche. Droit sur elle. Elle veut courir, mais l'air semble la retenir et elle ne peut fuir. Il avance tranquillement, un pas après l'autre, diminuant lentement la distance qui les sépare, jusqu'à pouvoir la toucher en tendant le bras. Puis il sourit, d'un sourire tranquille annonçant qu'il va faire le mal et qu'il s'en réjoui, tandis que sont regard, tel celui d'un serpent, la paralyse. Il sort la lance qu'il porte dans son dos, la fait tournoyer dans les airs où elle capte un fragment de la lumière torturé puis l'abats, entre eux, entre eux trois. La terre gicle mollement quand la pointe pénètre l'humus, un frisson parcours la lance lorsqu'elle rencontre une pierre, mais continu sa lancé. Le manche entre à son tour en terre, produisant un petit son mat, avant de disparaitre à son tour. La Lance fini enfin par s'arrêter.

Au même moment, un frisson parcoure le sol, suivant d'un grondement sourd. Un rafale les balais, et la lance semble s'y dissoudre. Puis le vent retombe, la terre redevient calme et silencieuse. Le sourire de l'homme s'agrandit encore. Il donnait maintenant la bizarre impression d'être intangible. Il lui semblait pouvoir voir sa cape à travers son corps, puis les arbres à travers la cape. Il s'effaçait. alors que son être semblait voué à disparaitre, ses yeux et son sourire restait. Ils furent bientôt seuls, flottants dans les ombres environnantes. Les yeux se fermèrent, le sourire resta encore un instant, semblant la narguer une ultime fois, puis il s'effaça à son tour.


Un souffle se leva, faisant bruisser les feuilles qui jaunirent et se racornirent, pendant que sur le sol les champignons se ternissait et se recroquevillaient. Une première feuille se détacha, bientôt suivi par de nombreuses autres, tourbillons grisâtre où les feuilles n'atteignait que rarement le sol sans tomber en poussière. Quand le vent retomba, il ne restait rien que des arbres, un sol de poussière sèche et une lumière crue et sauvage, ne laissant aucun détails à nu.

Alors, de l'endroit où avait été planté la lance, un craquement retentit, une fissure apparut, se rependit, se divisa, s’élargit. Et le monde bascula. Des pans entiers du sol se soulevèrent ou s’affaissèrent, des montagnes se formaient. Une tempête se leva, soulevant des tourbillons de poussière, mais pas  un seul nuage ne vient couvrir cette lumière aveuglante, alors que des éclairs déchirait le ciel de part en part.

Elle remarqua un fait étrange : les éclairs frappaient toujours exactement à la même distance d'elle, forment une étrange cage. La terre trembla et la zone délimité par les éclairs se souleva. D'autre pans de terres subirent le même sort et se mirent à dériver dans l'air brulant. Les rocs s'unirent, formant des ogres de pierres, les tourbillons de poussière formèrent des esprits de la tempête, tandis que d'étranges jouet cassé se relevaient un peu partout et erraient sans but. Il ne restait plus rien du pays des merveilles. Elle chercha un peu de réconfort dans les yeux d'Anna mais se rendit compte qu'elle avait disparu.
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