Le Deal du moment :
Où acheter la display japonaise One Piece Card ...
Voir le deal

Des pains, des prunes, un petit-déjeuner

Le ciel, une entité désertique qui nous surplombe, un paysage à lui seul qui s'étend au dessus de nos têtes. J'y rêvais, autrefois. Il m'arrive encore de tendre la main, comme pour saisir les nuages et de m'arrêter soudainement. Le soleil est sombre, un vent glacial secoue ma veste. Je l'ai perdue de vue à tout jamais, la lumière.

Un trou à rat déguisé, voilà ce que c'est. Vous me l'auriez demandé avant que j'intègre le CP, j'aurais probablement donné une réponse plus poétique, plus enjolivée. Mais non, c'est juste une foutue ville remplie de satanés intouchables, qui vous zieutent comme si vous êtiez un insecte, à travers leur bocal hermétique. Respire pas mon air, ça vaut mieux, tu risquerais de chopper la peste. Un passage obligé, néanmoins, pour répondre à l'appel du CP9. Un papier, un tout petit bout de papier avec un nom écrit dessus, c'était mon ticket d'entrée pour aller voir un certain Raoul. C'était le nom du fameux gagnant qui m'enseignerait les ultimes voies du Sixième Style. Le Rokushiki était une discipline très compliquée, avec des techniques de combat super sophistiquées. Moi, débutante que j'étais, j'en connaissais seulement trois, mais si je désirais monter en grade et botter davantage de postérieurs, il me fallait aller plus loin. Ouais, c'était tout nouveau, j'avais de l'ambition désormais. J'avais donc ramené mon cul en vitesse à Marie-Joie pour bénéficier de cet entrainement. C'était pas la première fois que je venais, mais je détestais toujours autant ce coin. Outre la population blafarde et saugrenue, les Tenryuubitos, l'architecture Haussmannienne des bâtiments et les rues blanches récurées tous les jours, il rodait dans l'air comme une odeur camouflée de pourriture qui restait dans le nez.

- Cette ville est sacrément jolie !

- La ferme, monstre ! répliquai-je dans ma barbe, à l'égard de la fausse Anna qui avait pris la place de Bachi.

- Oh allons nous balader, Anna, allons faire du shopping, ça fait si longtemps !

- TU VAS TE TAIRE OUI ? lançai-je, sentant la migraine qui commençait à arriver et sortant fébrilement mon paquet de clopes de ma poche pour éviter de faire une crise.

Je crois que ce que je détestais le plus, c'était le regard des habitants ici. Non, ils ne vous jugeaient pas si vous étiez différents, mais leur prunelles réfléchissaient des sentiments de peur, de pitié et de compassion. Exactement comme si vous alliez être instantanément exécuté simplement pour avoir éternué dans la rue. Arrivé à ce stade là, c'était même plus de la peur. Je dois donc faire face à ce type d'événement, alors que je résiste à l'assaut de ma schizophrénie qui me fait faire une centaine de mètres en arrière, presque à reculons. Bach surgissait lorsque me émotions devenaient trop intenses, je commençais à comprendre. Comme si mes yeux s'étaient ouverts soudainement, après plus de vingt ans de torture, je n'apprenais des choses sur ma santé mentale que maintenant. Ainsi donc j'arrivais à plus ou moins me contenir en ne ressentant rien. Étrangement, c'était un exercice auquel j'excellais de plus en plus.

Je tourne à l'angle de la rue après avoir vu un panneau indiquant les instances gouvernementales. Je connaissais le chemin, je n'étais même plus surprise par le nom de politicien qui avait été donné au bâtiment où se réunissaient les chefs du Cipher Pol : l'AIGRRI (Administration des Instances Gouvernementales du Respect des Règlementations Institutionnelles). Ouais, ou bien "Administration du Cipher Pol" mais bon on était quand même censés rester un poil secrets. Je trace ma route à allure soutenue dans la rue étroite et totalement vide qui amène à la grande bâtisse de granit et pénètre par une petite porte sur le côté qui n'est utilisée que par le personnel. Une jolie secrétaire m'accueille et me demande mon nom.

- Annabella Sweetsong., répondis-je au tac au tac, relâchant au même moment le petit bout de papier sur son bureau.

Un rapide coup d’œil, un bref message par interphone et elle m'informe qu'un agent vient me réceptionner. Très bien. Quelques secondes plus tard une porte s'ouvre et un homme - un garde du corps visiblement - se dirige vers moi et m’agrippe le bras. Pas de bonjour, pas de s'il-vous-plait, ça se voit qu'il aime son boulot, même si je devine qu'il n'est pas censé laisser des petits agents du CP8 se balader tranquillement dans les locaux. On sait jamais, il y a des choses qui ne doivent pas être sues. Nous passons par un bref couloir au sol marbré, bordé de statues de toutes sortes et débouchant sur des ascenseurs très sophistiqués. Il appuie sur un bouton et instantanément les portes s'ouvrent avec un petit "Ding" pour laisser apparaître une étroite cabine aux parois en bois laqué avec de fines gravures. Son pouce s'attarde ensuite sur un second bouton parmi une palette d'interrupteurs et nous descendons.

J'avais toujours cette impression d'avoir changé de bâtiment, voire même de ville, lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvraient pour laisser place à un ensemble de couloirs aux murs grisâtres en bétons et aux plafonds dardés de lustres projetant une lumière sinistre tous les six mètres. L'emprise du gusse se fait plus forte sur mon bras à mesure que nous traversons les différentes parties du bâtiment pour ensuite me larguer subitement devant une porte en fer avec une pancarte clouée dessus, affichant un "Raoul" identique à celui de mon morceau de papier. J'appuie sur la poignée et pénètre dans la pièce. Ma première impression fut que ça semblait plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur : une pièce immense, haute de plafond, aux murs décorés de tapisseries antiques avec au sol un tatami beige usé. Et au centre de la pièce, assis, se trouvait un vieil homme tout petit avec un étrange calvitie, portant un marcel blanc ignoble, un short bleu et des chaussettes hautes rentrées dans des sandales en cuir. Je lève alors un sourcil et demande, perplexe :

- Vieil homme, sais-tu où je peux trouver un certain Raoul ?

C'était ma première erreur.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 10 Déc 2015 - 21:45, édité 3 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini

Des pains, des prunes, un petit-déjeuner The-beast-wip2-by-starvinartist_imagesia-com_3z08_large

Pour toute réponse le petit homme se lève et se détourne, il semble se cacher mais pourquoi? Pour afficher un visage un peu exaspéré. Les remarques sur son physique sont légions mais de là, il a même fait afficher une pancarte pour son bureau comment les gens peuvent l'ignorer à ce point? Il hausse les épaules. L'instant d'après il se retourne et prononce machinalement.

-Shigan.

La balle fend l'air et frôle de justesse l'oeil encore valide la borgne, lui arrachant au passage une mèche de cheveux. Il se retourne alors et son visage respire clairement un mélange de colère et de dégoût. On se moque pas de Raoul!

-C'est moi Raoul, t'es illettrée ou quoi? Le panneau c'pas pour faire jolie. Je suppose que c'toi mon élève? Parait que t'étais pas là pendant un moment. M'en cogne je vais pas te ménager.

Il sourit et passe une main sur son crâne avant de se téléporter à tes côtés. Il maîtrise parfaitement le Soru mais après tout à quoi tu t'attendais?

-Montre moi ce que tu sais faire et je te dirais si t'es digne d'apprendre la suite.

Il te jauge, te test. Il a pas apprécié ton entrée, tu dois clairement te rattraper.

Parce qu'on se moque pas de Raoul.
    La rapidité du guépard, la précision de l'aigle. L'habit ne fait pas le moine dit-on et ce maître du Rokushiki en était la preuve vivante. Il me demandait des preuves, il voulait me voir à l’œuvre, il allait être servi. Je n'étais pas un misérable insecte qu'il pouvait écraser d'un simple coup du talon.

    - Ne me sous-estime pas, le vieux... Ran Kyaku.

    S'il est véritablement un maître du Soru, il se doit d'esquiver facilement ce coup. Or, il ne bouge pas. En réalité, il venait d'effectuer un mouvement si rapide que l'on aurait dit qu'il était resté à la même place pendant que mon coup semblait porter, sans lui effectuer aucun dommage. Je compris alors qu'il venait de se décaler d'un simple centimètre, à quelques micromètres de la zone d'impact de mon attaque. Impossible de rester inexpressive face à tant de technique, j'affiche alors une mine crédule et dégoutée. En guise de réponse et à la fois de punition pour une attaque aussi grotesque, le vieil homme me balance son Ran Kyaku maison beaucoup plus précis et destructeur, qui aurait probablement fait mouche s'il n'avait pas volontairement choisi de m'éviter. Une fois de plus, je perds une mèche de cheveux à un poil de mon œil valide. Il se joue de moi et va me rendre chauve avant la fin de cet entraînement. Tout cela commençait à m'énerver.

    - Soru ! Ran Kyaku ! Soru ! Ran Kyaku ! Ran Kyaku ! Ran Kyaku !

    J'entame un enchaînement destructeur de deux des trois techniques de Rokushiki que je savais utiliser. Inutile, l'homme semblait dévier ou parer chacune de mes attaques. Et ce avec un doigt dans le nez. Haletante, je m'arrête après trois bonnes minutes de combinaisons sans aucun résultat. Raoul se sort alors finalement l'index du naseau droit avec un gigantesque mickey collé dessus. Erk.

    - Soru.

    Non, non il n'a pas osé. Des frissons me parcourent le corps tandis que mon honneur est bafouillé, ma fierté devenue un véritable paillasson. A peine le mot prononcé qu'il est déjà de retour devant moi, un sourire narquois au visage et le doigt tout propre. Il le tend, d'ailleurs, son vieux doigt tout décharné, comme un trophée juste devant moi, propre comme un sous neuf désormais. Sachant ce que j'allais découvrir, je m'étais passée la main dans le dos avant de rencontrer quelque chose de flasque et de gluant, de la taille de mon ongle, collé sur mon manteau.

    - GGGGYYYYYYYYYYYYYYAAAAAAAAAAAAHHHH !!

    Cet entrainement... cet entraînement... pitié, trouvez moi quelqu'un d'autre, je n'en peux plus ! Tout mais pas cet homme, tout mais pas Raoul !! Je vais perdre les pédales ! Non, non c'est ce qu'il veut... je ne vais pas abandonner aussi facilement. Je m'accorde une minute pour reprendre mes esprits et fronce les sourcils. Je dois réfléchir à un moyen de l'atteindre, alors enfin il commencerait à m'enseigner. Son nez devait probablement être vidé de toute substance à présent, je n'avais plus rien à craindre. Je préférais limite qu'il me frappe plutôt que ça. Je réfléchis rapidement à un plan d'action avant d'entamer un nouvel échange :

    - Soru.

    J'apparais à ses côtés, l'homme reste toujours immobile, comme prévu. J'enchaine ensuite cinq ou six Soru supplémentaires autour de lui dans l'espoir de le déstabiliser. Au dernier moment, je fais mine de décoller le talon du sol, comme si je me préparais à lui lâcher un Ran Kyaku, mais à l'ultime instant je me téléporte juste devant le vieux gugusse pour lui donner un coup de genou droit dans les noisettes.

    - Tekkai.

    Je sens ma jambe s'écraser mollement contre l'entrejambe dure comme fer de Raoul. La douleur me transperce tandis que je recule vivement en boitillant, une main sur le mollet, les dents serrées dans un grognement. Je remarque, après avoir vérifié que je ne m'étais pas fracturé un os, que le visage du vieil homme a enfin changé d'expression, arborant un léger sourire en coin.

    Avais-je réussi mon test ?
    • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
    • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini
    -Mouais...

    Il est pas très convaincu le bon Raoul. En même temps tu n'es pas à son niveau, tu ne pourras jamais foncièrement l'inquiéter mais c'est justement pour ça que tu es là après tout. Pour progresser et pour ajouter à ton panel de techniques celles te manquant.

    -Tu te reposes trop sur tes bases, le Tekkai ne fait pas tout parfois encaisser ne suffit pas il faut savoir littéralement se fondre dans le décors.

    Et en guise de démonstration tu peux remarquer que son corps semble soudainement se décontracter, le voilà soudainement entrain de se mouvoir de manière aussi souple qu'il est possible pour ton esprit de l'entrevoir. Tu souffles dessus du moins tu tentes de faire du vent et tu observes son corps flotter et un sourire sur ce visage qui te dévisage avant de soudainement se décontracter.

    -Kami-E. Je reconnais que c'pas très jolie mais bien pratique pour s'enfuir d'un toit si jamais ton identité est dévoilé!

    Il inspire longuement et s'assoit à califourchon sur une chaise. Il passe une main sur son crâne luisant avant de reprendre.

    -Tu vas faire la cible mouvante et je vais te tirer dessus au Shigan, tu dois bien entendu utiliser le Kami-E pour esquiver. Interdiction d'utiliser du Tekkai et autre technique entendu? Bon concentre toi, inspire et imagine toi sans os. Bon dit comme ça c'est pas très pratique mais fait le vide, vu que t'es déjà pas très maline ça devrait être facile non?

    Oui il est humoriste à ses heures perdues le Raoul et comme il est souvent occupé tu te rends compte de la pauvreté de ses blagues.
      Le Kami-E, ok. J'avais compris les bases de l'exercice mais je le sentais mal. Je m'apprêtais d'ailleurs à émettre quelques réserves quand soudain je vis l'index du bonhomme traverser l'air et, consécutivement, une autre de mes mèches de cheveux tomber au sol. L'homme s'immobilise et claque des doigts, comme si j'avais mon attention ailleurs. Et puis, à nouveau, il dégaine et, faisant le signe du pistolet avec son pouce et son index, me mitraille sans s'arrêter. Bon sang. Mon corps bouge dans tous les sens, je cours pour fuir les impacts invisibles, effectuant des cercles autour du bonhomme en espérant ne pas me prendre une balle. Très rapidement je fatigue et perds de l'allure dans mes mouvements, finissant par faire du sur-place.

      Le vieux ne s'arrête pas pour autant, mes cheveux et mes vêtements pâtissent de plus en plus des Shigan qui les perforent. Ramenée à faire une espèce de danse ridicule, mes bras et mes jambes se tendent et se détendent, sautent et jonglent dans tous les sens. "Fais comme si tu n'avais pas d'os" qu'il disait, plus facile à dire qu'à faire. Soudain, une douleur vive m'élance dans le bras : j'ai été touchée. Bien que ça ne soit qu'une petite éraflure, le sang s'écoule de la plaie et forme des petites perles rouges qui s'éclatent sur le tatami. Cela semble mécontenter Raoul, mais ce-dernier au lieu de s'arrêter redouble d'intensité. Putain ! Qu'est-ce que c'est que ces entrainements stupides ? Les blessures bénignes se succèdent. Je me fais toucher une seconde fois, puis une troisième et une quatrième alors que mes vêtements tombent progressivement en lambeaux. Tout d'un coup, le vieil homme cesse ses enfantillages et pointe son doigt directement vers ma tête.

      - Que...

      L'instant se fige, comme une scène qui passe au ralenti, il n'y a pas de détonation mais son index semble reculer sous la puissance de la décharge. L'impulsion n'a plus l'objectif d'entrainer mais tout simplement de me tuer, d'en finir en se fichant entre mes deux yeux comme un projectile réel, plus puissant et plus rapide qu'une véritable douille. Soudainement effrayée à l'idée de me faire nettoyer aussi facilement, j'éclipse l'interdiction d'utiliser les autres techniques du Rokushiki pour fuir, je n'ai pas d'alternative.

      - Soru.

      Le coup est déjà lancé, je ne parviens à l'esquiver qu'au dernier moment, me faisant entailler légèrement le cartilage de l'oreille au lieu de me faire transpercer la boite crânienne. A bout de souffle suite à l'effort demandé par ce déplacement rapide et plus qu'instantané, je relève néanmoins les yeux pour contempler l'expression courroucée du mentor furieux.

      - Tu as échoué.

      Les trois mots raisonnent dans mon esprit comme tant d'autres Shigans qui, eux, auraient atteint leur cible. Échoue ? Était-il fou ? Si je ne m'étais pas soudainement téléportée, je n'aurais probablement pas survécu. Certes, j'avais enfreint ses règles idiotes en utilisant le Soru, mais je n'avais eu guère le choix alors que ma vie était en jeu. Je fronce les sourcils tout en soutenant le regard lunatique de l'homme à la calvitie et lui rétorque :

      - Vous voulez me tuer ?

      - Je veux t'entraîner. répond-t-il tout en me tournant déjà le dos pour retourner vaquer à ses précédentes occupations.

      Il plaisantait ? Il fallait qu'il plaisante. Non, je ne m'étais pas déplacée pour rien, je ne venais pas d'endurer sa première épreuve d'essai pour qu'il me referme la porte au nez au premier enseignement. J'avais besoin de ces techniques, j'avais besoin d'être plus forte et d'évoluer, il me le fallait, pour un jour pouvoir atteindre mon objectif. Oui, mon objectif, anéantir la piraterie. Si je n'étais même pas capable d'apprendre le Rokushiki au complet, comment pouvais-je espérer combattre ne serait-ce que le plus faible équipage membre de la Sunset Fleet ? J'enrage, je me dois de le ramener, qu'il fasse à nouveau attention à moi. Je crie, je hurle mais sans résultats. Il veut des faits, je vais lui donner des fais.

      - Tekkai Kenpou... Rankyaku Gaichou.

      Renforçant ma jambe à l'aide du Tekkai, je pivote pour l'abattre soudainement dans l'air et envoyer une puissante vague d'air sur le maître d'armes. Le temps se décompose alors et je le vois l'effectuer, son Kami-E, le vois se distordre complètement, s'effacer pour laisser passer la lame à quelques millimètres de lui et s'écraser dans le mur en béton, en provoquant une grosse entaille. Exténuée par l'accumulation des techniques surhumaines, le contre-coup de la dernière attaque me fait soudainement tomber à genoux. Le temps passe, une trentaine de secondes, une minute puis deux. Personne ne bouge, le silence est de marbre. Puis, venant de nul part, une voix rauque rugit.

      - Reviens demain.

      ***

      Le matin suivant, je m'étais réveillée avec de vilaines courbatures et des douleurs dans les bras et les jambes, sans compter mes plaies ouvertes qui s'étaient encroutées dans la nuit. Le scénario d'accès à la salle d'entrainement s'était répété de façon exactement similaire, sans que la secrétaire n'ait à changer un seul mot, sans qu'il n'y ait un garde pour m'escorter. Pourtant, cette fois-ci, la salle était différente, elle avait changé d'emplacement et n'avait plus rien d'accueillant. C'était un sasse rectangulaire et large aux murs en acier inoxydable et résistant, pas quelque chose de facile à détruire en gros.

      - Nous allons pouvoir reprendre. fit le vioc en se craquant les doigts, debout, les jambes écartées dans un appui solide au milieu de la salle.

      Pas de Soru, pas de Tekkai, pas de Rankyaku, j'étais très limitée. Néanmoins, rien ne m'empêchait d'avoir du chien, de me battre avec les poings et faire face à mon opposant en utilisant la simple force physique. C'est d'ores et déjà ce que je fais en m'élançant brusquement vers lui, le poing tendu pour le frapper. J'attaque d'abord, je réfléchis après, je ne devais pas lui laisser l'occasion d'avoir d'emblée l'aval sur moi. Je commence donc par un direct du droit que l'homme évite sournoisement en ne bougeant que le strict minimum, puis j'enchaîne avec une balayette qui, du fait d'un petit bond minable et méprisable de Raoul, échoue elle aussi. Finalement, celui-ci rétorque en m'envoyant son poing en plein milieu du visage dans l'optique de me faire reculer pour commencer à me mitrailler.

      - Shigan.

      A nouveau je dois faire face aux vagues de balles invisibles envoyées depuis l'index du vieillard. D'abord présentées sous la forme de salves de projectiles venant d'un seul point, le vieil homme en vient rapidement à une attaque sous plusieurs angles, utilisant le Soru et diminuant davantage mes possibilités d'esquiver les coups. Bientôt, mes nouveaux vêtements sont à nouveaux troués, à l'instar de ma peau rougie et égratignée par endroit dont les taches rouges n'ont de cesse de s'étendre sur le tissu blanc de ma chemise. Ultimement, le voilà qui recommence à me viser la tête... mais cette-fois ci il ne me laisse aucune alternative, aucune chance de fuir. Dispersant ses Shigan à distance sous deux douzaines d'angles différents, je ne peux les esquiver sans risquer ma peau dans tous les cas. La peur me paralyse soudainement et découpe l'instant présent en une myriade de petites scènes de quelques millisecondes.

      D'instinct mon premier désir avait été de bouger mais je savais que ça ne résoudrait pas les choses. Je m'étais alors mise à imaginer que mon corps était devenu une illusion, une feuille de papier si fine qu'elle pouvait se plier au gré du vent, au gré de la brise provoquée par l'attaque et l'éviter automatiquement. Inexplicablement, le phénomène s'était produit, le haut de mon corps s'était tordu, souple comme un élastique et s'était balancé sur le côté. J'entends le projectile d'air comprimé passer in-extremis près de mon oreille. Je lance un regard à Raoul affichant un léger sourire de contentement. Non, ce n'est pas fini.

      Dans la minute qui suivait, le vieil homme avait effectué pas moins d'une dizaine de combinaisons de Shigan et avait même rajouté deux ou trois Ran Kyaku dans le tas. Dans la lignée du Kami-E que j'avais réussi à reproduire, je réussissais à esquiver tant bien que mal, sans non plus finir indemne mais évitant néanmoins de subir de gros dommages. Quand enfin il arrête de me balancer des salves meurtrières, je m'écroule sous l'effet de la fatigue, dégoulinante de sueur. Encore deux. Je dois tenir bon, je ne suis pas encore à mi-chemin de l'entrainement.

      - Ha.. ha... Et toi... qu'en dis-tu papy... ha... on passe à l'étape suivante ?


      Dernière édition par Annabella Sweetsong le Sam 14 Nov 2015 - 3:10, édité 1 fois
      • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
      • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini
      -Tu sais qu'à ce rythme là t'en sortira pas vivante? M'enfin je suppose que ça doit être pour ça que t'es là. Dépasser tes limites, et elles sont pas bien compliqués à franchir vu ton faible niveau. Si c'est ça la nouvelle génération des agents du cipher phol je comprends qu'un mec comme Red fasse sa barque dans son coin.

      Bon bha toujours aussi sympas le Raoul mais à une différence près, il semble sourire franchement et ne cache pas sa joie de te voir transpirer et saigner. C'est signe pour lui que l'entraînement se passe bien, à merveille même. Enfin il fait mime de faire le cow-boy avec ses doigts avant de reprendre.

      -Tu comprendras que le shingan est une technique plutôt utile que j'affectionne, et après l'avoir maîtrisé tu vas bien rigoler devant ces minables, utilisant la poudre traditionnel mais enfin je suppose que tout le monde ne peut pas se vanter d'être au service du gouvernement. Je veux dire comme nous nous le servons.

      Il semble avoir une idée, soudainement l'ambiance change du tout au tout. On se croirait presque dans un western. Il souffle sur ses index avant de sourire.

      -On va faire simple j'ai été patient jusqu'à présent c'est finit. Avant dernière épreuve duel de shigan, c'est pas trop compliqué si bien que la plupart le maîtrise. A mon décompte on dégaine et on tire jusqu'à ce que tu tombes d'épuisement ou que tes balles fassent un minimum d'impact. Cette fois c'plus tes cheveux que je vise mais tes muscles. Enfin par muscles j'entends ce qui te sert à te mouvoir comme la limace que tu es.

      Il te nargue, te provoquant et te poussant dans tes retranchements. Alors t'es prête à affronter Raoul EastWood? Un remake de la bonne veille scène de l'Ouest. Il est pas dit que la galanterie te permette de sortir vivante de cet affrontement défavorable.
        Oh non, le voilà qui recommence. Évidemment, au lieu d'un banal entrainement au Shigan comme on pourrait l'espérer, le vieil homme part dans son monde et s'imagine un duel de cowboys digne d'un des scénario du plus mauvais western spaghetti au monde. Le synopsis se présente d'ailleurs de cette façon :

        "Novembre 1626, une jeune shérif du doux nom de Miss Sweetsong arrive en ville pour rétablir l'ordre, bafoué par des criminels en fuite s'étant installés dans la bourgade. Échouant une première fois à les capturer, elle est exilée au milieu du désert, seule et sans vivres. Chanceuse, elle finira par être délivrée par l'ermite du coin, un certain Raoul, qui lui apprendra la technique secrète pour venir à bout des mécréants. Mais avant cela, elle doit parvenir à le battre pour pouvoir continuer sa route..."

        - Vous êtes pas censé me montrer comment ça marche avant ?

        Le vieil asiatique me fait signe de me taire en plaçant un index devant sa bouche, fourrant l'autre au niveau de son bassin, dans ce qui semble être plus ou moins son slip - à moins que ce ne soit l'intérieur de son short, ce qui voudrait dire qu'il n'a pas de sous-vêtements.

        Accompagnant sa réponse, je décide de jouer le jeu et me relève maladroitement, dans un gémissement de douleur à cause de mes nombreux hématomes et éraflures. Mes muscles, il a dit que cette fois il viserait mes muscles, je n'ai pas le droit à l'erreur. J'ai le sentiment que si je tombe dans les pommes ou si je suis inapte à poursuivre l'entrainement, il me serait impossible de revenir pour le continuer et obtenir les deux techniques qu'il me manque. Lentement, j'esquisse le geste de mettre l'index de ma main droite dans ma poche. A titre informatif, je remarque que le vieil homme me fait signe de regarder vers le mur à ma gauche, bougeant frénétiquement les pupilles vers l'endroit désigné, dans l'espoir de me faire remarquer l'horloge fixée au mur. J'écarquille l’œil en voyant que l'aiguille a quasiment fait le tour du cadrant et court rejoindre le douze tout en haut. Concentrée sur le déplacement de la tige, je perds le fil de la réalité.

        - Pan

        Tout en dégainant son Shigan, l'homme s'était amusé à imiter le bruit d'un pistolet. Une nouvelle éraflure au niveau de la cuisse droite vient rejoindre ma collection. Crispée de douleur, je jette un regard noir à mon adversaire, puis détourne mon œil vers ma main, inchangée, inutile, fidèle à elle même. Il ne s'était rien passé, pas de projectile invisible, pas de coup de feu, même pas la sensation d'avoir le doigt plus dur. Rien.

        - Tu n'espérais tout de même pas pouvoir tirer avec le Shigan avant même de savoir transpercer, dis moi ? dit-il tout en enfonçant son petit doigt dans l'acier du mur le plus proche comme si c'était du beurre.

        Contrariée, j'en viens à me demander si c'était réellement ce que je désirais. Je m'étais prêtée au jeu de Raoul et ça avait été une mauvaise idée, comme ça le semblait au départ. J'ouvre alors la bouche pour riposter et proposer une autre façon de s'entrainer, mais le vieil homme a déjà rengainé et s'apprête à recommencer. Comment devais-je faire donc ? Ça n'était pas équitable mais remarque, depuis le début ça ne l'avait jamais été. Il s'en souciait peu, que son entrainement soit juste ou non. Devais-je foncer sur lui et l'attaquer de front ? Devais-je attendre qu'il ait tiré pour tester mon Shigan ensuite ? Je reste là, hébétée, l’œil rivé sur le cadran, attendant la seconde manche.

        - Re-pan.

        J'avais fondu sur lui dans l'espoir de le transpercer, au moins de lui trouer son marcel, mais mon index avait refusé de répondre à l'appel et s'était écrasé contre le torse étrangement dur et musclé du vieil homme. Nouvel échec, nouvelle blessure et toujours aucune sensation. Raoul, de son côté, affiche une mine décontenancée, à nouveau le voilà qui se retourne pour me rembarrer.

        - Tu n'es pas prête, tu n'as pas réellement compris ce qu'est le Shigan, reviens lorsque tu seras prête.

        - Mais je-

        - Lorsque tu seras prête ! m'interrompt-il d'une voix grave, mettant un point final à la conversation mais une majuscule toute indiquée à la porte de sortie.

        ***

        C'est le week-end, Raoul ne travaille pas le week-end. La secrétaire était restée sourde au véritable harcèlement que je lui faisais subir pour la prier de le faire venir malgré tout, que j'étais désormais prête, mais nada. C'est impossible, "Raoul ne travaille pas le week-end". Maudissant ces horaires de fonctionnaires, j'étais donc partie me dégourdir les jambes en ville, loin du bâtiment administratif comme de l'hôtel qui constituaient mes deux uniques repères dans cette ville. Coïncidence ou non, aujourd'hui une fête se tenait sur le marché pour commémorer l'année de création du dirigeable, moyen de transport aérien originaire de Marie-Joie. Dès mon entrée dans la place, j'avais donc été gratifiée d'un ballon de baudruche qui, du fait du visage niais qui y était dessiné, avait directement eu le don de m'irriter. La jeune femme me l'ayant offert m'avait cependant conseillé de faire autrement que de l'abandonner :

        - Essayez de ne pas le percer pour pouvoir participer à toutes les épreuves.

        Finalement, par pure oisiveté plus que par envie, voilà que je passais le temps avec mon ballon dans les bras, à effectuer divers jeux idiots attirant la populace comme "lance ton ballon dans un cercle" ou "empêche ton ballon de tomber par terre". Remportant toutes les épreuves, je poursuis donc ma route jusqu'à la dernière qui implique de mettre fin à ma relation entre le bout de plastique gonflé au regard naïf et ma personne. Cette fois-ci, il s'agit de crever le ballon avec l'index seulement. Je fronce les sourcils, étrangement étonnée de la similarité de ce défi avec la maîtrise du Shigan. Un vieillard m'accueille donc dans un rire tonitruant, le visage dissimulé dans une gigantesque barbe blanche douteuse. Étrangement, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu sa voix quelque part.

        - Arriveras-tu à accomplir ce que personne n'a réussi à faire jusque là, jeune fille ?

        L'homme m'indique un endroit spécialement désigné pour y placer le ballon, il n'y a plus ensuite qu'à tendre le doigt pour le pourfendre d'un seul coup.

        - Attention, tu n'as le droit qu'à trois essais. m'explique-t-il ensuite.

        A cet effet, je me positionne donc face au visage, que je trouve de plus en plus narquois, dessiné sur l'objet sphérique et prends de l'élan avant d'y enfoncer mon index d'une paroi à l'autre.

        Boiiinnnng !

        - Raté !

        J'écarquille l’œil : comment cela était-ce possible ? Malgré mon ongle, le plastique avait semblé se mouler autour de mon doigt pour diminuer son tranchant ainsi que la force de l'impact. Plus que deux tentatives, cette fois-ci je prends davantage de recul avant de transpercer le plastique à nouveau et...

        Boiiinnnng !

        - Encore raté !

        C'est pas possible, ce ballon va me rendre folle !! Cette seconde fois encore, le caoutchouc avait résisté à la pression. J'essaye de réfléchir à une façon de procéder et ne vois qu'une seule solution : il me faut plus de vitesse. Le Soru ? Probable, mais seulement dans le doigt alors. Je décide de mettre cette capacité en application, essayant de me concentrer uniquement sur mon doigt, balançant à nouveau mon bras vers le ballon de baudruche.

        Shplack !

        - Bravoooo ! Voici ton prix ! m'acclame l'étrange vieillard tout en se penchant vers moi.

        Avec une rapidité surprenante, le gusse apparaît soudain à mes côtés et me chuchote dans l'oreille sa véritable identité et le message qu'il a à faire passer :

        - C'est Raoul, si tu l'avais pas encore compris. Rendez-vous demain, 16h à la salle d'entraînement pour un troisième et dernier round, petite.

        ***


        Nous voilà désormais dans la situation précédent le dénouement final. Cette longue période qui dure aussi longtemps que dans les films, accompagnée d'un silence pesant où seul le détail du "tic" de l'aiguille d'une horloge semble raisonner dans l'air. Je regarde le cadran et devine plus ou moins le chronométrage : quand l'aiguille des secondes sera sur le douze. Dans ma tête, je fais le décompte : quarante secondes. Bon sang, quarante secondes pour me concentrer et appliquer un Shigan comme ceux que j'ai d'ores et déjà pu voir au cours de mes longues années passées dans les instances du Cipher Pol. Des Shigan plus ou moins doués, plus moins rapides, plus ou moins précis mais des Shigan quand même, il y en avait beaucoup. Certains ne pouvaient les utiliser qu'au corps à corps, d'autres étaient assez expérimentés pour les réaliser à distance, d'autres encore utilisaient plusieurs doigts ou une partie pointue du corps comme le nez. Quant au balancement du bras, du poignet, de la main, ça variait mais la base était toujours la même. Néanmoins, c'était bien Raoul qui, depuis le début, avait fait preuve du fonctionnement le plus simple du Shigan, comme si toutes ses attaques avaient non pas été là pour seulement m'initier au Kami-E, mais aussi pour me faire analyser ses mouvements, la gestuelle nécessaire pour effectuer la technique du doigt meurtrier.

        Vingt secondes. Je garde mon calme, je prends une grosse bouffée d'oxygène et tente de revoir la scène de l'une des attaques du bonhomme au ralenti. Comme hier sur le ballon, je dois faire comme hier sur le ballon. D'abord prendre de l'élan avec le bras, comme si je m'apprêtais à envoyer un coup de poing, puis tendre l'avant-bras, l'index pointé, comme si j'exécutais un Soru sur une seule partie de mon corps. Ça y est, je pense y arriver. Dix secondes. Je pense ? Non, je suis sûre, pour ce coup il faut que j'aie confiance en moi. Je bombe le torse allez, allez. Cinq secondes. Je fléchis les genoux, prête à bondir, les yeux rivés sur le cadran. Une goutte de sueur perle sur mon front, il fait incroyablement chaud. Comme pour donner raison au scénario, le luminaire semble envoyer des vagues de chaleur intense, déformant l'espace entre le vieux et moi et me faisant fondre comme neige au soleil. Deux secondes. Tic. Une seconde. Tac.

        Je m'élance vers Raoul, dégaine mon doigt, prête à faire feu. Je sens une légère pression au niveau de mon épaule mais n'y fais pas attention, tout ce qui compte c'est l'objectif. Une folie meurtrière s'empare de moi, je ne vise pas son bras, son torse ou ses jambes, je vise sa tête. J'arrive près de lui, finalement, la jambe droite en support, mon index à deux centimètres de son œil. J'en suis certaine, je vais réussir, je vais y arriver. Plus que quelques millimètres. Ah ah ah ah !

        - Soru.

        Soudain, l'homme disparait. C'est l'hécatombe, je perds tout appui et tombe, percute violemment le sol. Mon épaule me fait douloureusement mal, j'ai échoué. J'essaye alors de me relever, mais mon bras droit reste piégé par quelque chose. Je souris. Je suis blessée, le sang coule à foison mais je souris. Non, je n'ai pas échoué.

        J'ai transpercé le plancher !


        Dernière édition par Annabella Sweetsong le Sam 14 Nov 2015 - 5:57, édité 2 fois
        • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
        • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini
        -Tu vois quand tu veux c'était quoi ton nom déjà Débilla Chansondouce? Jamais entendu par ici, c'un pseudonyme? En tout cas l'idée est originale. Tu sembles apprendre plus vite en situation délicate alors on va faire un truc marrant tu vas voir. L'est pas dit que Raoul se modernise pas pour la jeunesse.

        Il t'attrape et ouvre une porte, bon tu comprends pas tout mais visiblement son soru est plutôt en forme. Et en un rien de temps le décors change du tout au tout. En contre bas le vide, enfin le vide et puis probablement des rochers. Combien de mètres? Tu ne saurais le dire mais si tu tombes dedans sans Soru tu crèves c'est certains.

        Et comme Raoul n'est pas vraiment le type d’incrusteur théorique, mais ça tu l'as comprit après les leçons précédentes. Il improvise mais toujours un critère très important, la potentiel mort. Cette fois tu vas plutôt faire un gros plat qu'un vol en douceur.

        -Le topo est simple, tu tombes tu meurs et t'auras échoué. Tu vois cette pomme sur mon crane? Je vais te faire tomber et tu remontes avec le geppou, tu flottes avec le Kami-E et tu la perces avec le shigan. Comme ça trois en un et Raoul aura l'air d'un instructeur astucieux et à l'écoute de ses élèves.

        Il souffle mais ne sourit pas. Ptet bien qu'il s'inquiète pour toi, ou pour sa réputation au choix. Mais en tout cas il te laisse pas tomber sans rien. Il te montre les mouvement simples à répéter, marcher dans le vide c'est compliqué mais tu peux le faire t'as pas trop le choix en même temps. Il te pousse au bord du vide et un dernier conseil.

        -T'as réussit jusqu'à présent serait con d'échouer maintenant. Ah et tu dois remonter en haut pas à un étage inférieur bonne chance SweetTong.

        Et tu tombes
          Sans véritablement me donner d'indications, Raoul avait fixé le rendez-vous suivant pour la dernière technique, le Geppou, une semaine après. Pendant cette semaine entière j'avais donc déambulé dans la ville, participé à quelques activités ludiques ni amusantes, ni enrichissantes, bien que suffisamment pour que les habitants soient aux anges d'y participer apparemment. Ici, à peu près tous les trois jours, une fête était célébrée pour des tas de raisons diverses et variées et j'imaginais bien que c'était un moyen de divertir le peuple, comme une sorte de propagande les forçant à ne pas réfléchir et les faire penser qu'ils sont heureux là où ils sont.

          Cette fois-ci Raoul m'avait attendu dans une nouvelle salle avec une deuxième porte juste en face de la première. Il s'agissait d'une sorte de pièce minuscule semblable à un sas de sortie de secours. Après m'avoir félicité, il m'avait soudainement chopée par le col et je m'étais retrouvée instantanément transportée au bord d'une falaise, les pieds baignant dans du rien. Il me suspendait au-dessus du vide. Les yeux pétillant de malice, l'homme énonce alors clairement l'énoncé de l'exercice et me lâche sans prévenir.

          - Q-quoi ?! m'exclamai-je au moment où l'homme lâcha mon bras avant d'amorcer ma chute dans un : NOOOOOOOOOOooooooooooooooooooooooooon !!

          Sous mes pieds - ou plutôt ma tête - la mer, la falaise, les rochers pointus de la grève qui borde les pentes abruptes de Red Line se dessinent. Je chute, tombe, voltige et pivote dans les airs comme un vulgaire sac, balloté par la gravité et le vent qui s'engouffre dans les plis de mes vêtements en lambeaux. Je manque de perdre conscience et devine l'écume des eaux déchainées qui s'écrasent sur les faces plates des golems de récifs, avides du sang des pauvres fous qui se jettent du haut de la montagne. Il y en avait toujours.

          En vain, j'essaye de me concentrer sur les enchainements que le vieux m'avait montré avant de me balancer dans le vide. Impossible de se concentrer, je ne vois que la chute, le temps qui file et le vent qui se distord autour de moi et appuie un coup sur mon ventre, un coup sur mon dos, alors que je me tourne et me retourne. J'essaye de bouger les jambes, patine avec les pieds, tâche de me redresser, plonge et déballe les figures de chute libre unes à unes. Les chutes, ça avait été l'une des premières choses que j'avais apprises auprès d'Era Clès au CP8. Dans ces drôles de dojos, les premiers cours étaient entièrement consacrés à l'apprentissage des chutes, des roues, des galipettes et autres arts du cirque pour retomber fièrement sur ses pattes, comme un chaton habile. Il y a longtemps, je ne brillais ni par mon excellence, ni par mon sérieux dans ce genre de leçons, mais mettre en application ce type d'enseignements au fur et à mesure des missions m'avait valu de les maîtriser parfaitement. Saut de l'ange, plongeon basique, salto avant et arrière et compagnie, peut-être que l'une de ces positions allait m'aider à y voir plus clair.

          - Aujourd'hui nous allons aborder le Geppou. Il s'agit du premier enseignement du Rokushiki et généralement le plus facile à obtenir. Beaucoup d'agents ont commencé par cette simple technique et voyez où ils en sont arrivés aujourd'hui ? Ao Novas, Noxe, Freja... De beaux atouts du Cipher Pol désormais, qui grâce à leur maîtrise parfaite du Sixième Style peuvent désormais envoyer les pirates se rhabiller. C'est votre tour désormais, qui sera le premier ?

          Nous étions dans ces espèces de gigantesques hangars, ces gymnases spécifiques au Cipher Pol dont l'emplacement tant que l'utilité devaient rester strictement secrets. Dehors, il pouvait aussi bien faire nuit que jour, la température ambiante restait aux alentours de cinq degrés et l'unique source de luminosité provenait de gigantesques spots. Autant dire que nous n'étions pas vraiment très chauds pour un entrainement, ce pourquoi j'avais tout bonnement laissé la place à d'autres dès le départ.

          Jean-Jacques avait décidé d'être le premier, l'objectif était simple : il fallait réussir à attraper un objet en hauteur juste en sautant dans le vide. A cet effet, une sorte de matelas d'entrainement avait été disposé au sol et rien d'autre, non, vraiment rien. Les uns après les autres, les différents sbires faisaient la queue pour sauter deux ou trois fois sans aucun résultat sinon quelques rires à peine camouflés et un air ridicule abominable.

          - Lorsque vous êtes en l'air, essayez de vous reposer sur vos chevilles, pensez que vos jambes sont sur une surface plane.

          Bien évidemment, on ne pouvait resquiller, c'est pourquoi j'avais tôt fait d'intégrer la foule avant de moi-même m'y essayer et évidemment me rétamer stupidement. La surface plane, on la voyait pas, on la sentait pas, on brassait juste de l'air.

          - Votre entrainement est nul.

          - Beaucoup ont commencé comme ça, allez debout, encore une fois.

          Et encore une fois, je m'étais gamelée, avant de laisser la place à d'autres qui n'eurent aucun mal à faire de même. Finalement, avant que le cours ne soit terminé - c'est à dire une journée entière d'entrainement - seulement trois personnes avaient réussi à utiliser le Geppou pendant une fraction de seconde. Pour moi, depuis ce temps, cette maudite technique était devenu un rempart infranchissable du Rokushiki.


          Voyons voir, je tâche de me rappeler, j'essaye vraiment, les bourrasques me claquent au visage, mes cheveux se gonflent et se dégonflent comme le pavillon d'un bateau transporté dans un ouragan. Un pas à gauche, un pas à droite, les pieds joints. Je donne du talon, bouge les chevilles et tortille les orteils, rien ne se passe. Je m'y prends mal, je ne peux pas me concentrer. Je tombe, bon dieu, je tombe ! Encore une fois, je fouette l'air avec le talon, tâche de me propulser en mettant le maximum de force dans mes jambes, rien à faire. Puis me vient à l'esprit d'essayer d'alléger mon corps, comme lors de l'utilisation du Kami-E. Bien évidemment, me rendre plus légère ne me permet pas de remonter la pente, cependant j'ai déjà l'impression de tomber beaucoup moins vite. L'idée alors est de durcir l'air, de façon à ce que je sois plus légère que lui, pour m'en servir comme d'un marche-pied. Je réitère alors un coup de talon, puis deux, puis trois et au but du cinquième, finis par me suspendre en l'air, comme si j'avais la jambe posée sur une marche. L'effet dure environ un dixième de seconde mais le résultat est là. Cette fois-ci, retombant à nouveau dans le vide, je découvre néanmoins un sourire de satisfaction, de courte durée évidemment puisque mon ersatz intervient juste après :

          - Bravooooo, Anna-chaaaan !!

          Je renouvelle alors l'opération, échoue une fois sur deux mais arrive à enchainer les Geppou par deux ou par trois, comme les jonglages avec un ballon de foot. Au bout d'un certain moment, me voilà à remonter, d'abord par petit bonds incertains, puis par grands pas dans les airs, de plus en plus confiante. Bientôt, le bord de la falaise redevient visible et se rapproche inexorablement. Dix mètres, cinq mètres, trois mètres, deux mètres, un mètre. Le vieux Raoul est là, il m'attend avec sa pomme sur le crâne. Je suis alors ses directives et enchaîne :

          - Kami-E... SHIGAN !

          Flottant dans l'espace comme la fumée du tabac, comme une feuille sous le vent, je déploie l'index de mon bras droit sorti de nul part et effectue un joli petit trou fumant au milieu du fruit posé sur la tête de mon mentor. Un dernier Geppou et me voilà à nouveau sur la terre ferme, vautrée misérablement à terre, haletante et tellement fatiguée. Posant une main à terre et tendant le bras, je me redresse partiellement, posée sur une épaule, le cul vissé à terre. Le triomphe doit probablement se lire sur mon visage, j'ose donc une pointe d'arrogance à l'égard du bon Raoul :

          - Dois-je... te remontrer la manœuvre... avec l'un de... tes globes oculaires, maintenant, papy ?


          Dernière édition par Annabella Sweetsong le Sam 14 Nov 2015 - 16:29, édité 1 fois
          • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
          • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini
          -Bien.

          Comment? Un compliment? Un mot tendre? Il te donne un coup dans le ventre et te relève de force avant de te prendre par les cheveux et de te foutre au bord du gouffre une nouvelle fois.

          -Ne jamais se contenter de ce que tu as. Et surtout ne jamais faire l'orgueilleuse, je devrais te couper la tête mais...

          Il soupire et te lâche au sol.

          -Mais je suis amusé avec toi agent SweetSong, lorsque tu seras prête pour maîtriser l'ultime technique du Rokushiki n'hésite pas à revenir.

          Rictus diabolique.

          -Je me ferais un plaisir de te tuer à nouveau... Cette fois ci pour de vrai qui sait!

          Il sourit mais s'incline légèrement et avant de partir prononce l'ultime phrase de cet entretien.

          -Me fait pas honte, j'ai pas envie qu'on croit que les élèves de Raoul meurent rapidement après un entrainement.

          Et il part en te laissant un billet pour un verre, histoire de te remettre de tes émotions.
            L'entraînement était clos, l'autre partie de l'application des techniques que je venais d'apprendre se faisait directement sur le terrain. Entre temps Raoul avait utilisé son Soru exceptionnel pour nous re-téléporter à la base. A nouveau accompagnée vers la sortie comme je l'avais été à mon entrée, le garde ne m'emmena pas directement à la porte. Le directeur du CP8 voulait me voir, qu'il disait. Qu'à cela ne tienne, je m'étais donc laissée trimballer jusqu'au bureau dudit directeur. Je ne m'attendais pas à être aussi déconfite de voir mon supérieur hiérarchique et son air idiot.

            - Annabella Sweetsong, ça fait longtemps ! commence l'homme en tapant aussitôt une pose, derrière son bureau, posé sur son siège, les jambes croisées. Et beh, j'viens d'apprendre pour ton entrainement avec Raoul, t'en as fait du chemin depuis cinq ans, non ?

            L'homme me zieute littéralement de haut en bas, le pouce et l'index de sa main droite encadrant son menton. Il aime visiblement se donner du style, mais ça n'a pas toujours l'effet escompté, notamment sur Anna.

            - Pourquoi tu m'as faite venir, Ao ?

            J'étais crevée, mes vêtements tellement laminés que j'avais encore du bol de pas être à poil. Je rêvais d'une bonne douche et d'une grosse sieste et si avant le chef du CP8 m'intimidait carrément, désormais il n'en était rien. C'était l'Anna d'avant ça.

            - Tu t'es bien démerdée, gamine. Tes débuts étaient chaotiques, mais désormais tu mènes plutôt bien ta barque, je dirais. Il croise les doigts, s'affublant le visage d'un sourire totalement artificiel. Maintenant qu'on commence à te remarquer, on s'est posé quelques questions du côté administratif... et figure-toi que tu es toujours considérée comme un agent en formation chez nous ! Ahahah, après cinq ans ! Agent en formation, ahahahah !!

            Bien que son rire semble sonner faux, l'homme ne se gêne pas de m'appeler après un dur entrainement dans l'unique but de se gausser de moi et on ne peut pas dire que j'en fais autant. Pendant mes premières années, le Cipher Pol 8 m'avait envoyée sur des missions lambda qu'on ne filerait même pas à un scout, avant que je me décide à prendre moi-même mes missions. Le Cipher Pol 8 n'était rien pour moi et moi je n'étais rien pour eux, malgré mes actes d'éclat sur Innocent Island, sur Las Camp, sur Bliss... Et là, comble du comble, le grand patron se gaussait de la totale méprise qu'il avait eu à mon égard.

            - Et donc ? fis-je d'un ton sec, mettant fin à son hystérie.

            L'homme se passe une main sur le visage, tâchant de se calmer. Sa réponse se fait alors nette, coupant drastiquement avec son manque de sérieux dont il avait fait preuve depuis le début de l'entretien.

            - Du fait de tes récentes actions, de ton apprentissage du Rokushiki, nous avons pensé à te monter en grade. Je voulais aussi te féliciter, il est grand temps de te l'avouer, tu es l'un de nos meilleurs agents sur le terrain. Continue comme ça et tu finiras probablement pas atterrir dans un service un peu plus prestigieux. Je garderai un œil sur toi.

            Surprise, je demeure hébétée, les yeux écarquillées. Le grand patron venait de me faire un compliment ? A quel jeu jouait-il, cet homme qui pendant tout ce temps m'avait ignorée et me faisait maintenant des éloges ? Suite à ces révélations, je ne sais plus trop où me mettre. Alors j'acquiesce, simplement.

            - Merci, je peux prendre congé maintenant ?

            - Tu peux. conclue-t-il en retournant à la lecture de l'une des feuilles volantes jonchant son bureau.

            A peine sortie de la pièce qu'un gorille me tombe déjà dessus. L'habituel "Madame, je dois vous escorter jusqu'à la sortie" se fait valoir, tandis que mes jambes me portent difficilement sur chaque pas que je fais pour me faire traverser des couloirs et des halls. Puis enfin, voilà que le bonhomme me largue, sans aucune politesse, dans cet endroit reconnaissable qu'est la réception du personnel administratif. Sans même un regard pour moi, la secrétaire m'indique la sortie avec un au-revoir formel et même pas de "à la prochaine". Ces bureaucrates, vraiment, quelle plaie. Dehors, une tempête se prépare, le vent souffle fort et il n'y a plus personne dans les rues. Les tavernes, bordels, auberges et autres lieux de fêtes sont bondés, alors que je traverse la capitale, isolée, seule avec mes pensées. Je retrouve avec grande peine, le chemin vers mon hôtel de fortune dans lequel je crèche, y entre et fais acte de présence auprès du gérant. Arrivée dans la chambre, je m'écroule sur le lit. Mon corps me fait mal, je suis vidée et d'une minute à l'autre, je me sens sombrer dans un sommeil beaucoup trop proche du coma, à mon avis. Des visions m'obscurcissent la pensée, pendant que je me revois sur ce tatami, enchaînant les techniques du Rokushiki sans parvenir à quoi que ce soit.

            Je me bats contre des moulins à vent.
            • https://www.onepiece-requiem.net/t10696-sweetsong-montrez-moi-ce
            • https://www.onepiece-requiem.net/t10652-a-sweetsong-ou-l-effet-papillon-100-fini