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|FB| Les dames arrivent sur l'échiquier

Lorsque l’on vit dans un bar flottant, ou tout simplement en mer, la réception d’un courrier est une chose à la fois rare et généralement bien accueillie. Le facteur doit d’abord vous retrouver dans l’étendue d’eau, c’est d’ailleurs pourquoi des volatiles sont dressés pour distribuer messages et journaux. Ensuite, car on se déplace sans arrêt, recevoir des nouvelles d’un ami lointain vous permet de garder un lien intact.
Ais je bien dis que le courrier est généralement bien accueilli ?
En fait si ce n’est pas de la part d’un ami mais plutôt d’un employeur vous pouvez vous attendre à ce que votre journée soit fichue.

C’est ce qui est en train de m’arriver.

Je me retrouve devant l’un de ses volatiles, oiseau de mauvais augure, qui porte un œil distrait sur moi. A première vue on aurait pu le comparer à un magnifique albatros géants, au corps immaculé parsemé de noir à quelques extrémités, dont les ailes. Mais si on se penche un peu plus sur la bestiole, on se rend vite compte qu’il aurait pu s’agir tout autant d’un vautour. Sérieusement, si son bec pouvait sourire, il le ferait pour se rire de moi. A peine un quart d’heure avant, son jumeau nous avait déjà livré un courrier du sacro-saint Gouvernement Mondial. Alors au début on n’y croit pas, ensuite on se dit que c’est pour rectifier une erreur et enfin, blasé, on prend tout de même l’enveloppe pour ne plus voir la tête d’andouille de cet oiseau de malheur.

Ce n’est qu’une fois le messager parti que j’ouvre cette lettre en espérant qu’il s’agit de la deuxième proposition. C’est raté, comme habituellement l’entête crypté indique qu’il s’agit d’un nouvel ordre de mission. Alors avant d’aller embêter Yumi et Trèfle qui sont encore sur la première enveloppe, je prends la peine d’étudier celle-ci.


« Chère Elaine,

Je suis fort attristé de notre précédente conversation alors je me suis senti obligé de vous envoyer un deuxième courrier. Trop de vagues sont passés depuis notre dernière rencontre, je pense que nous pourrions y remédier et nous expliquer de vive voix. J’apprécie toujours vos conseils avisés mais parfois je désirerais plus de votre contact physique.

Donc afin d’organiser cette entrevue je vous envoie ma secrétaire, Greed Oldwaves, elle vous conduira là où je vous attendrais. Bien entendu comme toujours, dame Yuko et dame Trancy sont invitées, j’apprécie toujours de les voir.

Bien à vous.

Moguetonne Edil Marv »

Un message très simple à déchiffrer mais je vais tout de même vous dévoiler les détails : « Elaine, merci d’être notre esclave personnel, on a encore une mission pour vous car on avait la flemme de chercher un autre contact, alors c’est pour votre pomme. L’une de nos agents, Greed Oldwaves, va venir vous donner les détails et vous avez intérêt à réussir. »

J’entre donc dans la salle principale en terminant cette lecture brève, traçant une ligne droite parmi les tables habitées de chaises renversées. A cette heure çi de la journée, à comprendre dans la matinée, nous sommes fermés. Les filles trainent parfois çà et là, occupant les tables ou la scène mais aujourd’hui est un jour tranquille, un jour de bronzage, de flânerie et de coquetterie excepté pour nous. J’avais prévu une sortie pour Yumi et moi, c’est un peu pour expliquer pourquoi mon humeur se dégrade à vue d’œil.

Les quelques marches qui me séparent de mon ange me paraissent d’un coup comme un long chemin de croix. Je n’ais rien contre le travail et les missions, je ne rechigne jamais devant le labeur et ne traine pas les pieds. C’est simplement la manière de faire qui me débecte (En parlant de bec si je revois l’emplumé qui m’a confié ce message…).C’est un peu comme si on nous claque du doigt sans nous donner plus d’information sur ce qui nous attends, et c’est à chaque fois la même chose.

Une fois on me demanda d’aller dans un quartier malfamé pour récupérer un document, ça leur aurait arraché la gueule de me dire que l’endroit été gardé par tout une bande armée jusqu’aux dents ? Ou simplement me dire que trois glandus avaient en permanence les yeux rivés sur le fameux objet de ma quête ?
Dans l’un de mes derniers rapports je ne me suis pas gênée pour l’écrire et j’espère qu’ils en ont tenu compte cette fois-çi. D’ailleurs la venue de cet agent me donnait encore l’espoir que, pour une fois, on ne mettrait pas nos vies sur le fil du rasoir à cause d’un employé partisan du moindre effort.

Je franchis le seuil du bureau dans un soupir blasé, abandonnant mes mauvaises pensées et rafraîchie par la vision des deux femmes qui relève la tête vers moi. La lumière filtre par une fenêtre dans leur dos, à cette distance je distingue surtout leur silhouettes, leurs regards et leurs sourire, c’est bien plus que suffisant. Naturellement je leur réponds de la même manière et leur montre la lettre en la soulevant au dessus de ma tête.

    - Devinez qui nous envoie de nouveau de ses nouvelles ? Oui, notre bon vieil admirateur secret qui nous réclame encore pour une mission. Je me demande s’il va falloir sauver le monde cette fois çi.

Je m’exprime ainsi tout en m’installant dans l’un des fauteuils en face d’elles. Avant mon arrivée, elles étudiaient des documents pour la demande d’information exprimée dans la lettre précédente. Une affaire d’agent révolutionnaire infiltrée qui donne du fil à retordre. En somme, on nous demande pour une enquête dont l’envergure nous échappe et à présent une autre mission mystérieuse nous tombe dessus.
    - Il nous faudra attendre leur agent pour en savoir plus mais…Comme l’intervalle de rigueur semble être d’une quinzaine de minutes on ne devrait pas attendre longtemps.

Je confie la lettre à Yumi pour qu’elle constate par elle-même et en échange, je m’empare d’une pile de document que je commence à examiner. Il s’agit surtout de paroles rapportées par certains de nos clients, beaucoup trop ignore ce qu’un homme peut raconter une fois qu’il est contenté. Nos filles excellent à cela et rare sont les informations erronées que l’on obtient ainsi. Le plus gros problème c’est qu’il faut faire le tri entre ce qui sert et ce qui ne sert pas, tout en sachant qu’il y a toujours une plus grande part de renseignements inutiles. Alors j’humidifie mon pouce et m’arme de patience, à trois nous devrions en venir à bout rapidement.
    La monotonie avait envahit la chanteuse depuis leur départ du Royaume de Goa. Le jeune Takeshi lui manquait terriblement et plus qu'elle ne voulait l'admettre. Ils n'avaient pourtant passés qu'une délicieuse soirée, à dîner dans un restaurant et à se balader dans les rues, mais cet instant restait gravé dans le coeur d'Elizabeth. Même Trèfle semblait avoir apprécié ce moment de paix et était restée calme, ce qui semblait rare vue les derniers évènements... Avant Takeshi, la belle avait succombé à l'une de ses crises et avait agressé un homme. Heureusement pour ce dernier, il s'en était sortit sain et sauf, pendant que la brunette s'éclipsait via une ruelle sombre. La peur au ventre, elle avait marché, marché, jusqu'à cette rencontre.

    Comment expliquer le sentiment qui avait envahit Liz? Une flèche, un éclair, ou au moins quelque chose d'aussi puissant, mais beau, avait transpercé son corps. Et depuis, son être tout entier réclamait ce chasseur de prime. Pour se changer les idées, elle aidait sa patronne à classer les documents. Son instinct lui disait qu'une mission n'allait pas tarder à pointer le bout de son nez et étrangement cela lui plaisait. Mettre sa vie en danger, sentir qu'elle existait et qu'elle pouvait prendre le contrôle des choses. Et son intuition paya.

    La belle étudiait les documents avec Yumi. Une mission du gouvernement mondial, concernant un agent révolutionnaire. Et voilà... On les envoyait encore au casse pipe! Elize se demandait si au moment de prendre sa retraite, le Gouvernement lui paierait une jolie somme en mémoire de ses bons services. Ou bien ses bons services lui serviraient le jour ou elle se ferait pincer pour meurtre. Qui sait... Pour l'instant, le soleil pointait délicatement son nez et caressait le dos de deux jeunes femmes. Une ambiance agréable pour flemmarder... Quel gâchis.

    Et le pire arriva avec Yuko. Liz leva légèrement la tête, souriait à la compagne d'Elaine, mais quand elle vit cet air désemparé, ne put s'empêcher de prendre le même.

    -Encore une mission? Mais ils savent au moins que nous avons un bar à faire tourner?


    Si Elaine, Yuko et Elizabeth filaient pour des missions, les filles pourraient toujours faire tourner la boutique. Mais sans la patronne et sa compagnon et sans la chanteuse principale, cela n'aurait pas le même effet. C'est donc d'un air renfrogné, qu'elle alla se servir un verre, avant d'en proposer un à ses amies.

    -Leur agent va venir? Et cette lettre dit quoi?


    Qui allait être la bonne pomme pour se payer la deuxième mission? Cela dépendrait de l'humeur des deux responsables. Cependant, une petite voix se fit entendre dans la tête d'Elize. * J'espère que ça sera une mission plus dangereuse, histoire que j'en tue quelques uns." Trèfle semblait réveillée, ce qui ne semblait pas être une bonne nouvelle...