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Enfantillages

C’est le milieu de l’aprèm’. J’viens de finir de lire le dossier que Stern m’a filé en échange de mon aide dans la capture des Murins. Chopper cette bande de traitres m’a aussi aidé à pas prendre trop cher quand le CP0 et Scorpio me sont tombés dessus. Pas l’genre de Scorpio de se mouiller gratuitement pour les autres, le salaud.
Mes doigts tapotent rythmiquement le plateau de la table pendant que j’regarde dans le vague. J’savais déjà le gros de l’histoire, qui date bien d’il y a quasiment un quart de siècle, quand j’étais tout p’tit. Quand mon vieux, qui bossait dans l’administration du Gouvernement Mondial, a été évincé suite à une guerre politique interne et que ma daronne s’est recasée avec le type qu’en était responsable.

Sale histoire.

J’ai souvent été tenté depuis que j’suis au Cipher Pol d’aller farfouiller un peu dans tout ça, voire de m’venger. Comment ? Bah, les moyens sont infinis quand on bosse aux Bureaux. Une escouade de sbires qui les tabassent, pour faire dans la finesse, par exemple. J’secoue la tête et j’vais pour la veste de mon costard. Elimée aux coudes. J’la jette sur le canapé, puis j’en prends une autre. Faudra en racheter, que j’me note dans un coin de ma tête.

Il m’faut qu’une vingtaine de minutes pour arriver à destination, un sympathique pavillon en plein dans un beau quartier résidentiel de Marie-Joie, le genre avec des patrouilles de vigiles la nuit, le genre avec des beaux chapeaux, le genre avec des gens importants. J’m’asseois en vitrine d’un café sur une petite place proche et j’commande un simple café pour commencer, que j’regarde refroidir en regardant dehors.
Derrière moi, dans la salle, un orchestre tranquille joue du swing calme, suffisamment doucement pour fournir un fond agréable à la maigre clientèle sans déranger les quelques conversations à voix basses dont seuls un murmure me parvient. Les serveurs sont aux petits soins dans leurs beaux uniformes, et j’finis à peine ma tasse tiède qu’on vient s’enquérir si j’veux autre chose. Une autre. C’pas moi qui vais remplir leur caisse ce soir.

Mon café arrive à peine que ça bouge là où j’mate. J’dis merci et j’le bois cul-sec, m’cramant la langue. J’crois que j’vais plus rien goûter pendant deux ou trois jours. Un biffeton sur la table, j’me lève et j’sors en disant au revoir. Ca serait dommage de pas être poli. Cent mètres devant, le couple devise gaiement, lui dans un des costumes dont la coupe est à la mode, elle dans une robe rouge simple et élégante.
J’retombe dans mes habitudes, le dossier avec les éléments important défile dans mon esprit pendant que j’me glisse dans leur sillage. Evidemment, ils ont rien à se reprocher, et sont pas formés à déjouer une filature, donc ça en fait une vraie sinécure. Lui est un peu plus chauve que sur la photographie, elle a la taille p’tet un peu plus large. Dur à dire.

Ils pénètrent sans difficulté dans un restaurant huppé et, le temps que j’entre à leur suite, sont déjà installés, manteaux enlevés, carte sous le nez. Le maître d’hôtel m’demande combien j’suis, prend mes affaires et m’invite à m’asseoir. Juste à côté de mes deux, comme j’voulais. En passant tout près, j’note tout ce qu’il y a à noter.
Elle ressemble vraiment aux photos. Vieillie, c’est sûr, mais pas tant que ça. Pleins de trucs ont changé, mais les traits restent fins, harmonieux, et quelques rides et des pattes d’oies se sont ajoutées avec les années, mais un maquillage expert doit minimiser les effets d’une cinquantaine déjà passée. Lui ressemble à ses images aussi, mais pas comme j’voudrais.

Hm, la carte. J’écarte la serviette pliée avec art et j’regarde quel bras j’vais me couper pour payer le repas. Quoique, ça va, j’suppose. J’commande un menu Dégustation, comme mes chers voisins que j’ai tous les deux dans mon champ de vision. Rapidement le tour du local, des petites tables soigneusement ordonnées et décorées, une ambiance qui tire sur le tamisé avec des bougies mais jugulée par les lustres. On est pas dans un bordel ni dans une clinique, le bon goût est passé par là.

Et j’écoute, sans le moindre scrupule, leur conversation.
« …lica a eu des nouvelles, et a été désignée pour un voyage d’affaires à Logue Town.
- Angelica ?
- Mais si, l’amie de l’Ecole d’…
- Ah, elle. Sinon, tu as des nouvelles de Bertram ?
- Pas du tout. Je pense qu’à son départ à la retraite, il a décidé de couper tous les ponts avec le travail et les gens qu’il y connaissait.
- Et qu’il a accompli son rêve ?
- Prendre une bicoque dans un trou perdu des Blues ? Probablement. A l’heure qu’il est, il doit jouer au golf en sirotant des cocktails et faire la sieste deux fois par jour dans un hamac. »
La femme sourit de dents d’une blancheur éclatante alors que ses yeux s’illuminent. Et sa beauté pas si lointaine et pas si passée réapparaît. L’homme éclate d’un rire de ténor aussi. Autant il n’y avait rien à sauver sur la photographie de son profil, autant une fois qu’il est vivant, présent en chair et en os, actif et qu’il parle, il est doté d’un charme indéniable.
Ses yeux bleus brillent d’une intelligence aiguisée qu’a l’air sympathique et drôle pour le moment, mais que j’devine, après coup, après les événements qui m’ont touchés, capable d’être vicieuse et impitoyable. Je crois que j’aurais préféré qu’il soit petit, moche, ventripotent et inintéressant. C’aurait rendu les choses plus faciles.

La bouffe défile en même temps que les histoires du couple, on passe de l’entrée à l’entremet au plat de viande dans le calme, et j’écoute des trucs qui m’intéressent pas à propos de gens que j’connais pas. Encore que parler de bouffe soit un peu honteux pour les assiettes délicieuses qu’on m’apporte. Ca m’change de la cantine de Dédé, bonne mais sensiblement plus rustique qu’ici.

Tout le monde mange calmement, et les serveurs sont aux petits soins. J’déguste en écoutant, j’pense au passé, et surtout à ce qui aurait pu être. Si y’avait pas eu ce type, Franklyn Laynard. S’il avait pas évincé mon vieux, s’il avait pas récupéré ma mère, si ç’avait pas ensuite été la lente déchéance pour mon père…
A ce stade, j’fais quasiment plus que jouer avec ma nourriture en prêtant une oreille distraite à ce que ça raconte, et il faut du bruit, feutré quand même, près de l’entrée pour que j’sorte de ma contemplation des passés possibles que j’aurais pu avoir. Puis le grouillot de l’accueil s’écarte, indique ma direction et laisse passer une femme qui doit avoir la trentaine et porte beau.

J’plante ma fourchette dans le suprême de roi des mers et j’porte le morceau de choix à ma bouche en observant du coin de l’œil. Les conversations sont mortes tout doucement jusqu’à ce que l’inconnue vienne à ma table, puis s’asseoit. Mets-toi à l’aise, hein. Mon couteau coupe une tranche tendre comme du beurre et tape un peu fort contre la porcelaine de l’assiette.

J’la dévisage.
« Bonsoir, Monsieur Rinwald.
- B’soir. Vous êtes ?
- Eliza Spiegel, enchantée.
- Hin-hin. J’dirais bien de même mais…
- Mais ?
- Vous m’interrompez manifestement. »
Pas de gants, même pour la jolie donzelle qui m’fait face. J’suis en train de bouder très fort sur mon passé et celui de ma famille en bouffant dans un restaurant côté, c’est pas pour que des prostituées viennent me faire la parlotte.
« Qui pensez-vous que je sois ?
- J’sais pas. Une poule de luxe, ou…
- Vraiment ? »

Le ton incisif avec lequel elle m’coupe me met la puce à l’oreille. Les regards du petit personnel. La manière dont elle est entrée. La façon totalement sans gêne dont elle s’est assise à ma table, le fait qu’elle sache qui j’suis… J’étais vraiment très distrait. Cipher Pol. Mais j’peux pas dire que ça m’touche plus que ça. Enervé. Gêné aussi, à être pris en flagrant délit de… J’serre les dents, j’fais rien de mal.
« Vraiment.
- Allons-y, Rinwald, soupire Eliza.
- Pas tout de suite, j’ai commandé un repas complet.
- Très bien, dit-elle en croisant ses mains devant elle, sur la table.
- Vous voulez quelque chose ?
- J’ai déjà mangé, merci.
- Bon. »

L’ambiance est carrément morose à table, entre moi qu’avale mes gamelles pour en finir au plus vite, et elle qui se contente d’attendre, le regard fixé sur moi. J’écoute quasiment plus la conversation de ma mère et de son mari, qui commentent l’actualité comme au café du commerce. Fine, élancée, blonde avec un chignon et une belle robe du soir histoire de pas trancher avec l’environnement dans lequel on s’trouve. J’ai dû être suivi tout à l’heure et, distrait, pas fait gaffe.

Avant le dessert, j’me lève, j’plaque l’argent sur la table avec un pourliche. Ma chaise gratte la moquette un peu bruyamment. J’choppe mon manteau des mains du grouillot et j’sors.
« Merci, c’était très bon, dommage pour l’interruption. Bonsoir. »
Juste derrière, l’Agent Spiegel m’emboîte le pas sans un mot, adressant juste un signe de tête avant de sortir. Dehors, un type se rapproche de nous. Toujours en binômes, hein ? Lui fait vachement plus jeune, genre mon âge, p’tet un peu moins. Milieu de la vingtaine, quoi. J’vois pas grand-chose au-delà de traits virils et de la barbe qui lui mange les joues et les contours de la bouche. Chapeau, pardessus, la totale de la panoplie.

Ils m’font signe de les suivre. On peut pas discuter dans la rue ? En plus, maintenant, il pleut comme vache qui pisse, et j’ai pas de parapluie. Eliza propose de partager le sien. Ha, j’accepte, belle escorte. L’autre reste sous son borsalino, avec les gouttes qui tombent dans son col. On s’dirige vers une suite de bâtiments assez lambdas, que j’connais. Les Bureaux, hein ? Travail, travail.
Mais, contrairement à ce que j’pensais, on reste pas en surface, on descend directement vers les sous-sols, qui conduisent aux zones d’entrainement. Toute pensée liée à ma famille ou ce qui aurait pu l’être est partie depuis qu’on marche, laissant juste une intense irritation, et j’observe mes deux nouveaux amis. Démarches déliées, sûrs d’eux, les muscles qui tracent finement sous la peau pour elle, plus marqués pour lui. Moi, les pognes dans les poches et le nez au vent, bon.

On s’arrête dans une cavité souterraine suffisamment large pour que ses confins se perdent dans la pénombre, le sol et les murs en pierre formant des ombres rigolotes ou inquiétantes, c’est selon.
« Bien, entame Eliza. Maintenant que nous sommes tranquilles, nous allons pouvoir discuter.
- Les salles de réunion suffisaient pas, juste pour discuter ?
- Nous sommes les agents Spiegel et Heart, Daryl Heart, du CP9.
- ‘Chanté. C’est pour ? Que j’demande en vérifiant que mes couteaux coulissent bien dans leurs gaines.
- Nous souhaiterions vous recruter au sein du Neuvième Bureau.
- Ah.
- Oui.
- Hm.
- Vous voulez prendre un peu de temps pour réfléchir, Rinwald ?
- Dites-moi plutôt pourquoi vous voulez me prendre.
- Vous êtes un bon agent, indéniablement. Il y a eu des problèmes par rapport à votre mission sur l’île d’XXX mais vous êtes parvenus à contrebalancer cela avec l’affaire des Murins. Inutile de refaire tous vos états de service. Nous pensons que vous avez toutes les qualités nécessaires pour être un membre autonome et efficace du CP9, avec la capacité de prendre les décisions qui s’imposent, et de les mettre en œuvre.
- Mouais. Et pourquoi j’rejoindrais le CP9 en repartant de tout en bas dans la hiérarchie alors que j’peux continuer à monter au CP5, vu que j’vais pas être trop sanctionné ?
- Rinwald, vous sentez-vous réellement épanoui au sein du Cinquième Bureau ? Evalué à votre juste valeur ? Ne voulez-vous pas bénéficié de davantage d’estime et de liberté avec nous, pour accomplir vos missions ? »

J’allume une cigarette. Le laïus recrutement m’a pas impressionné plus que ça.
« J’suis pas vraiment convaincu. J’trouve que là où j’suis, ça s’passe bien, puis le CP9, bon…
- Un souci avec le CP9 ?
- Mauvaise réputation, voilà ce qu’il y a, j’marmonne.
- Mauvaise réputation, mon gars ? Se réveille Heart. Quelle mauvaise réputation ? T’as les gens normaux, t’as les agents normaux, puis t’as l’élite.
- Hm.
- Tu me ‘’hm’’ pas. On vient te recruter en personne, sois poli, au moins, putain !
- J’suis poli, moi.
- Du calme, Heart.
- Mais…
- On aurait pu faire ça pendant la journée, j’trouve.
- Pour vous laisser espionner tranquillement votre mère et votre beau-père ?
- Grmbl. Alors déjà, c’est vachement malpoli de se mêler de la vie privée des autres, et j’ai l’impression que ça arrive de plus en plus souvent. Puis si j’ai des penchants malsains, c’est moi que ça regarde tant que ça empiète pas sur le boulot.
- Tu vois, Eliza. J’te l’avais dit. Depuis quelques temps…
- Mais…
- Si. Et on va y faire quelque chose maintenant, j’en ai ras-le-cul de voir des peigne-zizis des autres bureaux nuls nous prendre de haut. L’élite, c’est nous. Hé, Rinwald. Match d’entrainement.
- Mais non, on peut régler ça civile…
- La dernière fois, ça a pas marché. L’est temps de montrer un peu. »

Il enlève sa veste et remonte ses bras de chemise. Fait deux-trois mouvements pour s’échauffer, et fait craquer sa nuque. J’pense que j’ai pas le choix. Ca m’irrite même pas, j’le suis déjà. Ca va m’permettre de m’défouler un peu, aussi. Faut juste que j’sois méfiant. C’est le CP9, si j’pouvais éviter de me faire passer à tabac dans les tréfonds de Marie-Joie, ça serait mieux. J’crache ma clope au sol et j’sors les mains de mes poches pour me mettre vaguement en garde. Le genre générique passe-partout, qui tire de la boxe et de tous les arts martiaux du monde ou presque.

Il avance tranquillement, sans Rokushiki, et lance un direct tout léger vers mon visage. J’pare. Rien de particulier pour le moment. Il continue à tester ma défense, sans y trouver de faille, avec des enchainements plus rapides, plus complexes, plus variés. Directs, crochets, feintes et uppercuts se succèdent sans succès. Puis il rajoute quelques coups de pieds, qui touchent évidemment, occupé que j’suis à garder, mais sans grands dégâts.
Pour le moment, c’est gérable, que j’me dis. Et à la seconde où la pensée traverse mon esprit, son poing traverse ma garde et s’écrase sur la pommette. Le choc me fait reculer de deux mètres pendant qu’il arbore un p’tit sourire supérieur. La première touche est pour lui.

J’balance une série de Rankyakus qu’il évite tous au dernier moment. Puis il enchaine avec les siens, qui ont des formes plus variées. Des courbes, des animaux. J’recule, j’saute en arrière, puis sur les côtés. J’veux pas tester mon Tekkai contre ça, des fois que j’finisse amputé sèchement.
« Viens t’battre, petit agent, viens t’battre.
- Ta gueule, t’es plus jeune que moi.
- La valeur n’attend pas le nombre des années, si ?
- Ouais c’est pas faux.
- J’vais t’aider à venir au corps à corps. »

Son Soru le téléporte instantanément juste devant moi, et seul un Tekkai Kenpo m’permet de parer, les bras en croix, son coup de talon vertical. Puis j’abats mes bras toujours solidifiés, qu’il bloque d’une main. Un rictus aux lèvres, aussi. L’impact m’est renvoyé et j’lâche mes appuis pour sauter à nouveau en arrière d’un beau salto. J’secoue mes poignets pour y faire revenir des sensations.
« Tekkai Utsugi. Vous connaissez pas, au CP5 ? »

Il fait ça pour m’énerver. J’le sais, en plus, mais ça marche quand même un peu. En plein milieu d’un Soru offensif, j’lance une série de Shigan Bachi, les balles d’air comprimé volant dans sa direction. Il riposte d’un Jugon, un Shigan du poing entier qui annihile totalement mon attaque et manque de me percer les côtes.
Déséquilibré par l’esquive imprévue que j’ai dû fournir, j’me replie sur le Kami-E pour glisser autour de son déluge de coups, la plupart glissant sur les bords de mon corps tout ramolli. Puis il accélère et, les yeux dans les yeux, j’tente de lire où il va taper. Les mirettes écarquillées, la sueur qui coule dedans, j’esquive d’un quart de tif à chaque fois. Chacune de ses frappes perce superficiellement ma peau, mon costard, ou laissera des hématomes quand j’suis trop lent pour pas m’prendre des phalanges.

L’est trop rapide pour moi, en fait. J’ai à peine le temps de tout parer, et j’parle même pas de contre-attaquer. Reste la créativité pour créer une ouverture. J’frappe au sol, du pied. Il détourne le regard une fraction de seconde. J’lance un couteau suivi d’un Shigan. Le salaud m’attrape le poignet et frappe ma poitrine du coude avant de m’éjecter sur une dizaine de mètres.

J’reste quelques secondes au sol. A souffler. A être frustré de perdre. J’crois que j’l’ai même pas encore touché, putain. Bon, c’est vraiment l’élite, le CP9, okay.
« Allez Rinwald, c’est déjà fini ? T’as pas mieux que ça ?
- Ca suffit, Heart, non ? Tu vois bien que…
- J’veux être sûr qu’il oublie pas la leçon.
- Ouais, ouais, j’me relève. »

C’que j’fais et j’me concentre très fort. Une fraction de seconde et il est à nouveau devant moi. J’bloque un poing, j’enchaine avec un tranchant de la main qu’il dévie de sa pogne libre, que j’suis avec mon coude restant. Il pare aussi. Les bras emmêlés, on enchaine les changements de positions pour prendre l’ascendant, façon combat dans un mouchoir de poche. Mon pied frappe sa cheville une fois, deux, puis il saute et m’balance une double frappe en pleine poitrine. Un Tekkai a amorti le choc, et comme il m’tenait, on s’est pas séparé.
Mes doigts foncent vers son œil pour le prendre mais n’égratignent que sa pommette avant qu’il me choppe le poignet et serre fort. Très fort. Et le torde. J’voltige pour suivre le mouvement et pas m’faire péter l’articulation avant de retomber sur la pointe de mes pieds. Ma paume frappe à trois reprises son avant-bras pour le briser et le faire me lâcher. Mais il a mis un Tekkai aussi, et j’passe pas à travers.

Il laisse aller de lui-même et donne un coup de genou dans mon bide, sans grand dommage. J’crois qu’il a raté son coup. Un peu ouvert comme il est, j’vais pour tenter la double claque dans chaque oreille pour niquer son équilibre. Le temps d’un clignement d’yeux, j’le vois esquiver en m’mettant un coup d’boule et enchainer avec une attaque des deux poings, l’un en-dessous de l’autre, puis moi qui tombe au sol en crachant du sang.

Rokuougan ?

Un Geppou suivi d’un Kamisori m’éloigne de quinze mètres alors que ses mains ne rencontrent que du vide.
« Daryl ! Tu veux le tuer ou quoi ?
- Il en mourrait peut-être pas. Puis Kamisori, c’est pas mal. »
J’crois que mon empathie s’est activée au moment où il fallait. Et j’la sens qui me titille encore. Il bondit en l’air aussi et enchaine les Kamisori pour se retrouver au corps à corps, mais cette fois dans les airs. On a tous les deux les jambes occupées à nous maintenir, et on utilise le Kamisori à foison pour se déplacer autour de l’autre. Surtout lui. Moi, j’ai ni l’habitude de me battre dans les airs, ni celle de me battre contre un autre agent.

Résultat, il se téléporte superbement tout autour de moi, en me frappant de toutes les directions, et chaque impact déclenche maintenant une petite onde de choc. Mes sens m’avertissent que, bien plus loin, Spiegel observe en silence en tapant la mesure du pied par terre. Le haki me prévient que dans une seconde, Heart sera juste à ma droite.
J’vais pour frapper du genou et du poing en même temps, visant le foie et le nez d’un même geste. Ses yeux s’écarquillent légèrement, ses gambettes sont pas en position. Sa main devient floue tellement il l’agite vite, et il prend appui dessus pour passer au-dessus de mon attaque. Geppou avec les mains ? Le sagouin.

Ses pieds tourbillonnent et frappent droit dans ma tempe. Oubliés, les Geppou. Perdus, les Kamisori. Trouvé, le sol en caillasse sur lequel j’m’écrase salement. Même pas le temps de réagir que Daryl Heart m’immobilise au sol. Ses genoux coincent mes bras par terre, et ses poings s’abattent rythmiquement sur mon visage. Le Tekkai se brise rapidement sous l’avalanche de coups.
J’tente un ciseau des jambes pour le déloger, mais il semble tellement fiché en terre que ça marche pas. Dans le fond de ma perception, Eliza Spiegel s’approche tranquillement, au son des phalanges contre ma gueule.

Au bout d’un moment qui m’semble être une éternité, elle prend la parole.
« C’est bon, Daryl. Tu peux arrêter. »
Il lève les yeux vers elle, comme surpris. J’le distingue à peine à cause de mes coquards et du goût de sang dans ma bouche qui semble paralyser mes pensées.
« C’est bon, j’ai dit. Tu as gagné, il a perdu. Pas la peine de le défigurer.
- Ah. Ouais. Bien sûr. »
Il se relève maladroitement, regarde ses poings couverts de coupures et d’éraflures venant probablement de mes dents.
« Evidemment, Rinwald, reprend Spiegel, vous êtes toujours le bienvenu au CP9. Il ne s’agissait que d’une mise au point à laquelle mon collègue tenait vraiment. »
J’essaie de parler, mais ma langue est trop engourdie pour, et mes mâchoires bougent même pas.
« Bonne soirée, agent Rinwald. »

Heart lui emboîte benoîtement le pas sans un regard en arrière pour ma forme pathétique allongée par terre. J’ai mal. J’suis frustré. Et j’me suis fait rouler dessus. J’dirais par un cuirassé, tellement tout me fait mal. J’sais pas combien de temps j’reste là. L’adrénaline retombe, ne laissant que l’irritation, la frustration, et la douleur. J’fais tourner le sang dans ma bouche, le mêlant à ma salive. Puis, en inclinant la tête sur le côté, j’crache un long jet carmin.
Bon an mal an, j’me retourne, mets à quatre pattes, puis me relève sur des genoux flageolant. En m’appuyant sur les murs, j’remonte jusqu’à la surface, en passant des bureaux totalement vides, ce qui semble logique vu que l’heure a l’air bien avancée. Faut que l’horloge sonne ses douze coups pour que j’réalise qu’il est déjà minuit.

Soirée d’merde.

D’abord ma mère et son mari, puis le CP9 qui vient asseoir son complexe de supériorité sur ma gueule.

Putain.

J’rentre dans le premier bar que j’vois, qui sert pas de point de chute à des agents du Cipher Pol à ma connaissance. Un godet de whisky, que j’descends cul-sec. L’alcool brûle salement la myriade de plaies que j’ai à l’intérieur de la bouche, des joues et sur les gencives. M’fait presque monter les larmes aux yeux. La barman demande si ça va, j’lui dis de se mêler de son fion. Un deuxième pour la route.

Dehors, j’me rends compte que j’l’ai quasiment pas senti, vu comme ma gueule devait être anesthésiée par le premier. J’ai chaud, quand même, à cause de la boisson. Puis j’marche dans les rues de la capitale. J’sais pas vraiment ce que j’veux faire jusqu’à arriver dans la rue des bistrots que mon vieux fréquente sur son temps libre. A savoir tout le temps. Pas d’raison que j’sois le seul à subir une soirée de merde, si ?

J’trouve enfin le coin où il s’est réfugié. Même de dos, j’le reconnais facilement. Il est au milieu d’une bande de vieux perdants alcooliques comme lui. Ils tiennent déjà plus bien droit, et ont du mal à sortir la moindre phrase cohérente. Leurs regards sont aléatoires, et ils froncent les sourcils pour réussir à fixer un point de leurs champs de vision.
Comme moi, par exemple. J’choppe mon père par le col de son pull et j’le soulève avant de le hisser de sa chaise et de le pousser devant moi vers la sortie. Les autres ivrognes vont pour se lever, m’empêcher d’embarquer leur collègue de beuverie. Le taulier m’reconnaît, leur dit de rester assis, de pas s’en mêler. Ils hésitent et bougent pas.

J’suis presque déçu. Malgré la douleur, j’crois que ça m’aurait bien défoulé de les tabasser comme je l’ai été. J’ai mal partout, et surtout à mon ego.

Cinq minutes de marche à peine suffisent pour arriver à l’appart’ de mon daron, et j’le lance dans le salon en allumant la lumière. Il s’effondre dans le canapé, agité de hauts-le-coeur. Qui se calment, puis il fixe ses yeux chassieux sur moi. Ca fait longtemps que j’l’ai pas vu. Les mirettes injectées de sang, le nez rougeaud, gonflé, les veines éclatées par l’alcool. L’embonpoint, la lippe humide.

« Salut, P’pa, ça va ?
- Ca tourne... J’ai soif…
- Ouais, j’me doute. J’t’ai ramené ça de mon dernier voyage, que j’dis en lui tendant le colifichet que le vieux révolutionnaire m’a refilé.
- Pose-le sur la table, là… Répond-il en me fixant tout d’un coup. Tu t’es battu ?
- Rien d’grave, une embrouille avec un collègue, que j’fais en palpant la peau déjà enflée et probablement colorée.
- Hum, oui, restez amis, hein ?
- Ouais, sûr. »

Un peu de silence. Il dodeline déjà de la tête. Dans le calme de son appart’ bordélique, loin de ses potes et sa bibine, son foie le rattrape.
« J’ai vu maman, aujourd’hui.
- Maman ? Ah… Lydi… Non… Elle s’appelait…
- Lena !
- Oui, c’est vrai. »
Il hoche la tête d’un air triste.
« Papa. Pourquoi j’ai jamais eu de nouvelles de Lena ? Pourquoi je l’ai plus jamais revue ?
- Je suppose qu’elle ne voulait pas… »
Il renifle bruyamment, et j’ai envie de faire pareil. Putain, je hais ça. J’voudrais être un sale con aveugle qui se drape de l’indignation du juste. A la place, j’suis juste un sale con qui voit à quel point mon indignation vient autant du passé que de la taulée que j’viens d’manger.
« Elle était avec son mari. Franklyn Laynard.
- Franklyn ? Ah oui, Frank… Ce bon vieux Frank… »
J’sais pas trop ce que j’escomptais de mon vieux. P’tet qu’il agisse comme avant de tomber au fond d’une bouteille. Il est totalement liquide, là. Tch, j’tape le mur du poing et j’retiens pas un hoquet de douleur.
« Bon, ciao, P’pa, bonne nuit.
- Hum… Bonne nuit, fiston. »

Chiasserie.

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