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Le calme après la tempête

Une petite cabine, dont un trait de lumière pâle et une bougie servent d'éclairage aux deux occupants, moi assis sur l'un des hamacs de la pièce, et un type pas plus vieux que moi occupé sur ma jambe.

- Aille !
- Désolé...

L'apprenti Doc repasse un coup son coton imbibé d'alcool sur une énième coupure de ma jambe. La grenade en granit marin a vraiment fait son taff. Y'avait même des mini-morceaux dans la chair qu'il a fallu me retirer à la pince à épiler. Et voilà qu'avec un bandage on me recouvre la blessure. Il parle pas. J'sais pas si c'est bon signe ou pas. Il m'a déjà fait le topo, normalement je m'en sortirai, mais c'est stressant un peu. Le bateau dans lequel on se trouve tangue doucement. L'apprenti Doc se lève, range son matériel de la panoplie du parfait médecin, puis se lève.

- Encore désolé. Si le Doc avait été là...
- Ouais, je sais, t'en fais pas.

Il ouvre la porte de la petite cabine l'air abattu et sort en refermant derrière lui. C'est pas mon état qui le rend comme ça. C'est la vie. Les derniers événements. Voici deux jours qu'on a quitté Navarone. J'ai pas eu de nouvelles des hommes de l'Ancêtre que j'avais sous mon commandement. Je les avais vu quitter les docks de la base de la Marine mais après... Mais au moins je sais qu'ils ont leur chance. Les pirates avec qui je voyage maintenant, c'est différent. Bon, tout ceux qui sont sur ce bateau en ce moment avec moi vont probablement survivre. Sauf un ou deux dont l'état ne s'améliore pas. Mais le pire, c'est qu'ils ont perdu pas mal de monde durant l'attaque. Dont leur Capitaine. Et le médecin. C'est pour ça que l'autre je l'appelle Apprenti Doc. Il était un peu l'assistant, apprenant jour après jour pour pouvoir être utile à l'équipage. Il a pris du grade plus tôt qu'il ne le pensait. Il a d'ailleurs fait du bon boulot compte tenu des circonstances.

Je me lève du hamac non sans osciller d'avant en arrière. Vu tout ce que je me suis pris dans le corps et dans la tronche à Navarone, c'est normal que mon équilibre soit perturbé. Je me regarde dans la glace accrochée au mur. Je me suis jamais vu comme ça. Une vraie momie ! Mon bras gauche en écharpe et mon torse sont entièrement recouverts de bandages, tout comme ma jambe droite. Un de plus qui fait le tour de mon crâne, où ici et là des lèches rouges dépassent, puis de fines bandes pour recouvrir les coupures et ecchymoses un peu partout sur mon corps. On m'a fourni une veste histoire de me couvrir un peu, et un nouveau pantalon. J'ai plus qu'à me saisir de ma canne bricolée à l'arrache - je dois pas m'appuyer sur ma jambe - et j'peux sortir de la cabine à mon tour.

Le couloir est désert. Quelques bougies dans un compartiment de verre histoire de pas se manger les murs. J'ai pas à marcher beaucoup pour rejoindre le pont. Une chance pour moi. Je pousse une porte quelques mètres plus loin et la lumière m'aveugle presque. Il fait grisâtre à tendance soleil mais c'est vraiment au bon vouloir des nuages. Je respire fort l'air marin. Il fait du bien. C'est comme se droguer pour oublier les derniers jours.

Sur le pont, des hommes s'affairent à retaper du mieux qu'ils peuvent le bateau. Il a pris plus cher que ce que je croyais. Particulièrement par les derniers tirs de canons en partant de la base d'après ce qu'on m'a dit. Moi j'en savais trop rien, j'étais étendu comme une m... enfin voilà quoi, à bout de forces. Et y'a eu le laser du Pacifista aussi. On l'a échappé belle avec celui-là quand j'y repense. Quoi qu'il en soit, on flotte toujours. Et on file vers Armada. J'ai donné ma vivre card au navigateur pour qu'il suive le Cap. Heureusement qu'il a pas été tué, sinon on aurait vraiment été dans la mouise.

Cependant avoir survécu n'a pas du tout remonté le moral des troupes. C'est presque pire. La culpabilité du survivant. Je les comprends plus qu'ils ne pourraient le croire. Moi aussi j'ai perdu des compagnons en prenant la mer. J'aimerais pouvoir leur dire que ça ira mieux, mais j'ai toujours un pincement au coeur quand j'y repense. Si je voulais être dur je pourrais leur faire croire qu'ils devraient être contents, honorés de poursuivre leur voyage. Sauf que maintenant, c'est pas dit qu'ils le poursuivent ce voyage. Moi-même j'ai été perdu pendant longtemps. Il leur faut une raison d'avancer. A eux de la trouver.
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Me voilà devant l'ouverture qui mène à la barre. Y'avait une porte avant mais je l'ai détruite d'un Pyro Punch en partant de Navarone. Elle était bloquée. J'ai dû traverser tout le navire pour m'y rendre. Avec ma guibolle qui défaille ! Bon ça va en fait, j'ai une canne. Et c'est pas comme si ça pressait ou si j'avais autre chose à faire. J'suis trop blessé pour aider à quoi que ce soit. On n'est pas non plus poursuivis par la Marine qui a sûrement plein de trucs à faire. Mais ils ne tarderont pas à répondre en conséquence. Je sais pas encore comment, mais j'ai un mauvais pressentiment. En y repensant j'aurais dû détruire plus de navires de la Marine.

Je rentre à l'intérieur.

Comme prévu, le Navigateur est à son poste. Il regarde une vitre brisée qui donne sur l'océan. Il se tient droit, très stoïque, le regard perdu dans le vague. C'est sa façon à lui de digérer les choses. Il laisse son esprit s'égarer dans l'immensité de l'océan tout en étant utile à l'équipage.


- Hum, hum.
- Hein ?

Je l'ai tiré de sa rêverie. Pendant une seconde je lis dans son regard un espoir fou. Mais son expression redevient presque neutre. Avec ajout de tristesse.

- Ah, c'est toi.
- Oui...
- Non, c'est pas ce que je voulais dire, c'est juste que j'ai pensé que c'était...
- Ton Capitaine.
- Oui. Lui aussi faisait ce bruit.
- Je comprends.
- Peu importe maintenant. Tu veux quelque chose ?
- Je venais juste aux nouvelles. Tu penses qu'on est encore loin d'Armada ?
- Je ne sais pas. Pour aller sur Navarone on a fait un détour par une île pour rassembler discrètement les bateaux. En ligne droite je ne sais pas combien de temps on va mettre. Surtout que le navire ne peut pas aller à sa vitesse maximum, il a été endommagé.
- Je vois. Et tu as dormi un peu ?

Il a de ces valises sous les yeux !

- Oui.
- Longtemps ?
- ... 2h.
- Tu devrais...
- Je peux pas. Fermer les yeux ça... ça me rappelle trop de choses. J'ai pas envie d'y penser. Ici au moins, je suis tranquille. Ca m'occupe l'esprit.
- ...
- C'est toi qui devrais te reposer. T'as vu ton état ?
- C'est rien, j'ai déjà eu pire.
- Ah bon ?
- En fait non. Mais si j'peux faire ça c'est que ça va !

Je remue mes doigts de la main gauche, dans mon bras en écharpe. Ca lui esquisse un sourire. C'est mieux que rien.

- Y'a quelque chose d'autre que j'peux faire ?
- Une prime comme la tienne qui demande s'il peut se rendre utile ? Ca doit pas être tout les jours qu'on voit ça.
- Et encore il se pourrait qu'elle grossisse un peu après l'autre jour.
- Oui c'est possible. Tu sais qu'on s'est demandés avec les autres si tu n'allais pas nous faire vivre l'enfer quand tu aurais fini de dormir ?
- Ah bon ? Je vous ai fait si peur que ça ?
- T'es arrivé de nulle part, tu as donné des ordres et après... tu es tombé dans les pommes. Forcément on s'est interrogés.
- Tu pensais quoi toi ?

Il hausse des épaules machinalement sans quitter l'océan des yeux.

- Bof, tu nous as fait sortir de cet enfer, tu m'as sauvé.
- Ca aurait pu être juste pour faire bouger le bateau.
- Ouais. Mais j'ai senti que c'était pas juste ça.
- Hun. Bon, y'a rien à faire alors ?
- J'pense pas que tu puisses être d'une grande aide dans ton état.
- Bon, alors je vais vagabonder...

Je me retourne, appuyé sur ma canne, et prend le chemin de la sortie.

- Ah si attends !
- Oui ?
- J'ai pas revu Nao depuis l'attaque.
- Euh, je veux pas être pessimiste mais il est possible qu'il soit mort pendant l'attaque ton pote.
- Non, il n'est pas descendu du bateau. Des gars ont dit qu'il se terrait dans sa grotte.
- Sa grotte ?
- Oui, c'est comme ça qu'on appelle là où il passe pas mal de son temps. C'est un jeune de 15 ans très doué pour les inventions, alors le Capitaine lui avait aménagé un espace dans la cale.
- Si tu sais où il est, qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
- Lui parler.
- Euh...
- T'as l'air plutôt bon à ça.

Je souffle.

- C'est pas comme si j'avais autre chose à faire, hein ?

Je sors et descends les marches une à une. Elles sont endommagées, il manque de bons bouts ici et là. De nouveau sur le pont, je prends la direction de la cale.
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- Snif, snif...

Il pleure. C'est bien ma veine. Je suis derrière la porte, la lumière rouge et chaude filtre de la pièce vers mon visage par de petits interstices. J'sais pas y faire avec les larmes. Moi qui pensais que le plus dur serait de trouver cet endroit. Les cales ça va. Facile. C'est pas mon premier bateau après tout. La grotte du jeune par contre... Le bateau a bien morflé faut dire, c'est méconnaissable dans certains couloirs. Des passages sont difficiles d'accès, et dans mon état, bonjour pour passer. Y'a un couloir j'ai même cru que j'allais croiser des poissons tiens ! Mais ça a été bricolé assez tôt, l'eau n'est pas passée de beaucoup. J'ai les pieds mouillés quoi. C'est à coups de "sproch, sproch" que faisaient mes petons que j'ai finalement été attiré par la lumière tel un papillon.

Je soupire. Et pousse la porte avec ma canne.

Ouais, j'ai pas toqué. J'suis pas descendu jusqu'ici pour me faire refouler à l'entrée.


Noa:

- Snif ! C'est qui ?
- Moi.
- T'es qui toi ?

Il se saisit d'une clé à molette plus épaisse que son bras et la tend au-dessus de sa tête. Genre lui il va me frapper. Son visage rougi essaye de se montrer dur. De faire peur ? C'est peine perdue. Je lève un doigt de ma canne et projette une bille de flamme qui va percuter son "arme" pour la faire tomber plus loin. Il est sur le cul.

- C'est quoi ça ?!
- Y'a vraiment personne qui est venu te voir depuis qu'on est partis de Navarone ?

Il se frotte le nez avec la manche de son t-shirt en reniflant.

- Si. Yuki.

Inconnu au bataillon.

- Et il t'a pas dit qu'un type pas de votre équipage était monté avec vous ?
- Si. Mais il a pas mentionné le doigt qui fait du feu.
- Y'a pas que le doigt.

Je m'enflamme intégralement pendant quelques secondes. Sauf les pieds, j'vais pas faire brûler le navire, ça va bien les conneries. Le môme est ébahi devant ce spectacle. Je ferme les gaz.

- T'es un logia !
- Tu sais ce que c'est ?
- Evidemment !

Il renifle encore une fois. C'est plus modéré. On dirait que cette découverte de ma personne lui fait passer au second plan sa tristesse. Et j'ai presque pas parlé. Si j'suis pas doué moi ! Et donc il sait ce que sont les logias. Futé le bonhomme. Moi à son âge j'en avais aucune idée. Je prenais les Fruits du Démon pour des légendes même. J'ai pas grandi dans l'endroit le plus acoquiné à ce genre de choses non plus. Et je m'en foutais un peu. C'est sûrement ça le plus important.

- T'es le premier que je vois. Quoi que je crois avoir aperçu un type qui sortait du sable de ses mains à Navarone.
- Ouais, moi aussi je l'ai aperçu. Lui adresse pas la parole si tu le croises, c'est un alcoolo. Il comprend que la boisson et les baffes. Mais attends... tu es sorti de ta cachette pendant l'attaque ?
- Je me cachais pas ! Je... J'étais pas prêt...
- Ah bon ?
- Oui ! Je bricolais un truc pour aider les autres.

Il jette un furtif regard à un machin recouvert d'un tissu.

- J'avais presque fini mais j'ai entendu...

Les larmes recommencent à lui monter.

- ... j'ai entendu quelqu'un crier que le Capitaine était touché... Alors je suis monté sur le pont et j'ai vu le type avec du sable et après j'ai vu... j'ai vu...

Il renifle bruyamment tandis que des larmes coulent.

- ... le corps du Capitaine, couvert de sang, les yeux fermés. Et les autres qui le portaient jusque dans sa cabine !

C'est donc comme ça que ça s'est passé. Maintenant que j'y pense, il me semble bien que la cabine du Capitaine est fermée et pourtant des hommes s'y rendent de temps en temps. Un dernier hommage pour leur leader ? On aurait pu me le dire. Je savais qu'il était mort mais pas qu'il résidait encore dans sa cabine. J'aurais pu avoir envie d'y faire un somme.

- Snif ! Snif !

Ah merde, il repleure ! Chui ptetre pas si doué que ça avec les mots. J'avance péniblement jusqu'à ce qui se cache sous le tissu. Avec la canne je le fais glisser. On dirait un canon mis sur un fusil et le tout bien fusionné. Mais y'a de la bidouille qui ressort, comme un tuyau, des fils...

- Euh... C'est quoi le truc que tu avais préparé ?
- Snif... un canon à gommes.
- A gommes ?
- Oui... Il peut tirer de multiples balles simultanément.
- Ca aurait pas été plus efficace avec des balles ?
- Non, j'aime pas les balles... Snif... Et Les gommes ne se gonflent qu'au moment du chargement, elle sont plates avant, ça permet d'avoir plus de munitions. Et l'air entre par un petit conduit que j'ai mis au point. La compression de l'air sert ensuite à projeter les gommes à une vitesse suffisante pour assommer un homme. Un tir c'est 10 gommes.

Impressionnant. Je crois... J'ai pas tout compris. Y'a juste un truc que je pige pas.

- Ton truc peut faire ce que tu as dit alors qu'il est tout cabossé ?
- Non... j'ai tapé dessus de toutes mes forces... j'avais besoin de me défouler après...

Les grandes eaux reviennent ! Y'a que quand il parle de trucs qui l'intéressent qu'il se calme ?

- Et euh... t'en a d'autres des machins comme ça ?
- Snif... non. Pas qui marche en tout cas. Je fais sur le moment, l'envie ou la situation. Et ça dépend de ce que j'ai à disposition.
- T'as toujours des idées comme ç... Wooo !!

Le bateau penche subitement à bâbord ! Mon épaule s'écrase contre le bois et ça me fait bien mal ! Mais ça m'empêche de tomber. Noa roule par terre. Quand il se redresse ses lunettes sont de travers.

- C'était quoi ?
- On va remonter pour le savoir...


Dernière édition par Grey le Dim 17 Jan 2016 - 15:43, édité 1 fois
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Les grondements au-dessus de nos têtes quand on arrive sur le pont me font immédiatement comprendre. Y'a qu'à lever les yeux pour confirmer. Les nuages sont passés du gris blanc au gris noir, et sont épais. Une tempête. D'autres hommes se rassemblent autour de moi et de Noa.

- Ca alors, t'es sorti !
- Oui...
- Tu ferais ptetre mieux de retourner dans la grotte, ça va pas être joyeux.

Un éclair zèbre dans le ciel accompagné deux secondes après de son bruit caractériel. Ca en fait sursauter certains.

- Ecoutez-moi !

Tiens, notre ami le navigateur. Il était déjà pas bien joyeux avant, mais là, il est blanc comme un linge. Et le bateau qui remue une nouvelle fois manquant de nous faire tomber !

- Ca approche rapidement ! Ce sont des Gap Waves !

Je vois bien qu'il est terrifié par le nom qu'il vient de prononcer. Seulement, moi comme les autres, on est perplexes. J'ai beau avoir pas mal navigué, je n'ai pas rencontré tout ce que la mer a de plus retord pour faire couler les pirates.

- Et c'est quoi des Gap Waves ?
- Des vagues énormes avec des creux tout aussi énormes.

Un murmure de stress commence à monter parmi la petite foule.

- D'accord, et comment on s'en sort de ça ?
- On ne peut pas...

Le murmure devient plus fort, se transformant en peur.

- Y'a pas de solution ?
- Je n'en ai pas en tête, et notre bateau est en trop mauvais état pour supporter l'ampleur de cette tempête. Si j'avais pu détecter plus vite le problème... Mais j'ai trop rêvassé à cause de...

Oui, on sait. Les autres d'ailleurs le comprennent aussi bien que si c'était leur faute, cette tempête. Plusieurs voix s'élèvent dans le groupe.

- Alors on va mourir ?
- On va rejoindre le Capitaine et nos compagnons...
- Je veux pas finir comme ça !
- Silence !!

J'obtiens en un instant une attention pleine et entière. Si je les laisse faire, dans 2 min on est déjà enterrés par nos peurs.

- Mais...
- On la ferme et on m'écoute ! On est pas passés si près de la mort pour simplement gagner un peu de répit avant d'y retourner. Vous allez vous ressaisir illico ! Vous êtes des pirates oui ou non ? Alors aillez le courage des brigands des mers ! Cette tempête, on l'affronter comme n'importe quel autre danger !

Ca en revigore certains, d'autres sont encore sceptiques. Je sens bien qu'ils ne demandent qu'à croire mes paroles, mais la réalité est là. Y'a un tempête, et on est à sa merci. Moi j'ai pas d'idées, il ne me reste qu'un pari fou.

- Toi !

Je pointe de ma canne le jeune Noa qui est tout aussi surpris que les autres d'être désigné comme ça.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que j'ai fait ?!
- Tu vas cogiter dans ce qui te sert de cervelle et nous trouver un moyen de nous sortir de là.
- Quoiii ?!!!

Ce sentiment est général. Personne ne comprend ce que Noa pourra bien faire. Lui-même ne doit pas en avoir conscience. A vrai dire, moi non plus. C'est pour ça que j'ai parlé de pari. Je mise sur le fait que son cerveau qui m'a l'air bien fait soit capable de bricoler un truc.

- J'ai vu ce que tu pouvais faire avec ta machine. T'as juste à adapter tes idées au bateau. T'as dit que ça dépendait du moment et de ce que tu avais sous la main ? Bah voilà, le moment c'est maintenant et à ta disposition tu as... Tout ça !

Je tends ma canne au-dessus de ma tête et fait un tour avec, lui indiquant que cette fois, son matériel était tout le bateau. Il me regarde effaré, comme les autres.

- Mais.. je...
- Si tu ne trouves pas quelque chose rapidement, on est tous morts.
- Mais ! Le bateau est en mauvais été ! Et je suis tout seul !
- T'as pas écouté ce que j'ai dit ? Tu as tout ça à disposition. Ca veut dire nous aussi ! Tu peux te servir de nous comme tu le sens, on t'aidera.

Les autres approuvent d'hochements de tête ou de "wai !" qui se veulent encourageants.

- Maintenant trouve une idée.

On le regarde tous. Peut-être un peu trop. Il est paniqué, il a peur. Pourtant, je sens dans son regard qui se balade partout qu'il comprend l'enjeu de ce qu'on lui demande. Le bateau remue encore, plus fort. Les yeux de Noa vont de droite à gauche, de haut en bas, se plissent, se fixent sur moi. Puis se ferment. Et quant ils se rouvrent...

- Ok, c'est parti !


Dernière édition par Grey le Dim 17 Jan 2016 - 15:45, édité 1 fois
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Les éclairs déchirent le ciel maintenant ! Le tonnerre gronde en accord comme pour bien rappeler que le moment est critique ! La pluie déferle sur mon visage restreignant pas mal ma visibilité. Je suis tout en haut du mât dans la vigie. Au-dessus de moi, un grand drap blanc composé de voile s'agite dans tout les sens au gré du vent. Et avec moi il y a Noa. Accroché de toutes ses forces à un rebord de bois. Lui et moi sommes entourés d'une corde pour pas tomber quelques mètres plus bas sur le pont mais visiblement se tenir de ses mains fait une sécurité en plus. Il doit pas y voir plus que moi mais on n'a pas le choix, il doit être avec moi si on veut que le plan réussisse.

Et quel plan ! Complètement barge ! On va se servir des voiles du navire comme ballon de baudruche et de mon feu pour léviter en l'air ! Se poser sur chaque vague à sa hauteur maximum et ne jamais tomber dans le creux ! Sinon c'est la mort ! Complètement barge que j'disais ! Mais c'est ça ou rien...

J'espère juste que la voile va pas se décrocher ! Oupla ! Le bateau qui tangue ! On a dû se faire embarquer sur la première vague, la plus petite qui fait monter notre épave à des hauteurs peu habituelles.

Je revois l'équipage défaire la voile du mât et l'accrocher aux quatre coins du navire. Z'ont pas eu beaucoup de temps, faut que ça tienne ! Et moi aussi. Lâcher une grosse quantité de flammes pour nous faire décoller et tenir la puissance pour arriver jusqu'à la vague suivante ! Un peu comme des ricochets. Et tout ça sans faire cramer la voile ! Envoyer du feu mais faire en sorte que ce soit juste l'air chaud qui nous fasse monter ! Il sait que c'est super dur, Noa ?


- La première grosse vague arrive !
- Ok !

Je lève mon bras en l'air. Malgré la pluie je peux produire des flammes, je suis pas comme Galowyr qui devient impuissant quand l'eau se montre !

- Maintenant !

C'est pour ça qu'il est monté avec moi Noa. C'est à ça qu'il sert, m'indiquer quand envoyer la sauce pour décoller juste quand il faut ! Ma main projette une colonne de flammes énorme ! Mais malgré tout je la contrôle. Je ne cherche pas à l'envoyer le plus haut possible, je canalise au-dessus de moi. La voile qui se laissait ballotter forme à présent une demi sphère bien gonflée !

- Faut envoyer là ! Plus fort ! Sinon on va tomber dans le premier creux !

C'est pas facile gamin ! J'ai qu'un bras de valide là ! J'augmente encore le débit ! Tête vers la voile, espérant ne pas la cramer.

Je crois sentir le bateau décoller. On va tout de suite voir si on glisse vers l'avant ou pas ! A ma grande surprise et sûrement celle de tout les autres, on lévite ! On n'avance pas mais c'est pas important. Je dois juste maintenir la dose pour la prochaine vague !

- Pose !

Je descends mon bras en même temps que je coupe mes flammes. Le bateau est secoué violemment en retombant sur l'eau. On est en haut d'une vague de je-sais-pas-combien-de-mètres !

- Ca va ?
- Ouais, occupes-toi de regarder devant toi !

Ca va pas terrible en vrai. C'est un exercice difficile et maintenir des flammes d'une telle intensité aussi longtemps j'en ai pas l'habitude. Heureusement, si on peut dire vu la situation, c'est que pendant que les gars attachaient la voile et allégeaient le navire autant que possible, le Navigo nous avait informé que ce genre de phénomène ne durait pas longtemps.

- Oh ! La deuxième vague arrive ! Elle est un peu plus petite ! Mets-y un chouia de puissance en moins sinon l'atterrissage sera trop brutal !

J'ai pas entendu chaque mot mais j'ai compris l'essentiel du message. La tempête fait rage, c'pas étonnant. Je tends à nouveau mon bras en l'air et répète le phénomène. Comme demandé, mes flammes sont légèrement moins fortes mais on décolle toujours plutôt que de tomber dans le creux de la vague.

- Trop haut ! Lâche encore !

Je réduis donc.

- Plus ! Plus !

Faut savoir merde ! J'essaye de trouver un compromis dans le dosage. C'est un peu comme avoir cicatrisé Galowyr par le feu, ça demande un contrôle pointu que je n'ai pas spécialement. Note pour moi-même si on survit, m'entraîner dans un contrôle parfait du feu. Jusqu'à présent j'ai surtout envoyé la sauce quant il fallait.

- Ok ! Repos !

Mon feu s'éteint d'un coup et le bateau est de nouveau secoué en retombant sur l'eau. Je crois entendre des cris des mecs sur le pont. Y'en a qui ont pu aller se réfugier en cabines mais d'autres doivent rester pour vérifier que la voile accrochée à des cordages reliés au bateau pètent pas. Ce sont pas les seuls qui ont des raisons de se plaindre. Mon corps me tiraille, et chaque secousse me fait serrer la mâchoire.

- Troisième ! Faudra remonter un peu !

Et le repos est de courte durée dans ce job. J'crois que j'vais démissionner.
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Nouveau déchirement d'éclairs dans le ciel.

- Arrête les flammes !

Une fois de plus j'abaisse mon bras. Je transpire malgré la pluie.

- Il n'en reste qu'une. Ca ira ?
- Oui... ça va aller.

Plus qu'une. Une petite vague de plus et ce sera terminé. Ce doit être la dixième. Ou la douze ? J'ai perdu le compte. Mais je commence à ressentir le moment où la vague redescend en tube et s'affaisse. C'est le moment où faut redécoller pour passer à la vague suivante sans quoi on tombe dans le creux et on est broyé. Ce moment arrive. Je dois tenir. J'ai pris un peu le coup de main, et j'arrive à m'économiser des peines, réduisant un peu l'effort.

Je lève les yeux. La voile est un peu roussie je crois. Pas facile à dire avec toute la pluie qu'on se prend sur le coin de la tronche. J'allume ma main, j'attends le signal. Qui met du temps à venir.


- Il vient cet ordre ?!
- Je... c'est...

Je baisse ma tête vers Noa qui me regarde, complètement désespéré. Il pointe son doigt devant lui. Mes yeux suivent la direction et je comprends. Les yeux complètement écarquillés, j'observe cette vague beaucoup plus grosse qui vient sur nous. La dernière et non des moindres. Si je devais nous estimer à 35 mètres de haut, alors ce mur d'eau qui nous fait face en ferait bien 40 ou 45. Malgré la tempête j'entends une fois de plus les réactions des gars sur le pont. Eux aussi ont vu, et l'espoir qu'ils avaient eu de survivre à ces Gap Waves à force de passer de vague en vague vient de s'effondrer.

Par réflexe ma main déclenche un torrent de flammes qui parvient à nous faire décoller presque instantanément. Je maîtrise à peu près le dosage. Mais entre décoller et monter en altitude de plusieurs mètres y'a un gouffre. Comme celui qui s'étend sous nous en ce moment. Nous sommes entre les deux vagues en l'air ! Ballottés par le vent et nargués par le grondement de tonnerre qui se moque de nous, pauvres mortels ayant essayés de détourner le sort !


- Noa ! Une idée !
- J'en ai plus ! Y'a... rien à faire...

Il a abandonné, il se prépare à mourir. Ca se voit dans ses yeux. Les cris d'en bas m'indiquent qu'il se passe la même chose dans leurs têtes. Et malgré moi, je ressens aussi cette crainte... Mais ce ne sera pas sans combattre !!

- Aaaah !

Je m'enflamme entièrement ! Et projette une colonne de feu droit vers la voile au-dessus de ma tête ! Tant pis pour la retenue ! La corde qui me retenait au but du mât brûle. Et si la vigie doit cramer, alors elle le fera ! Noa, tu vas devoir te sortir de là par toi-même, j'ai un bateau à faire voler !

Je nous sens remonter ! Cette grosse vague ne nous aura pas ! Encore plus de feu ! De chaleur ! De puissance ! On va la passer !! Puis elle grandit de nouveau...


- Que...
- La voile !!

Au moment où je lève les yeux je vois mon feu passer au travers, la voile blanche déjà bien entamée par mes flammes ! Je pose mon regard sur la vague. Non... elle n'a pas grandi, c'est nous qui tombons... Le haut de cette déferlante d'eau remplie d'écume nous passe par-dessus. On va se faire engloutir tandis que le corps de la vague se rapproche... La pluie ne nous atteint même plus... Les éclairs ont l'air distants... On va mourir...

- Merde !!

Prenant appui sur ma jambe valide, je saute de la vigie droit vers l'avant du bateau ! Je sais même pas ce que je fais ! Tout ce qui compte, c'est de tenter ! Tenter pour vivre !

En propulsant le feu par mes pieds j'atteins rapidement la figure de proue sur laquelle je m'écrase ! Mon seul bras en état de fonctionner s'accroche désespérément à ce qu'il peut pour pas tomber. Le mur d'eau est juste devant. J'enflamme mon corps en entier. La proue va prendre cher.


- Colonne de feu !!!!

Tout ce que j'ai de puissance, je le projette vers l'avant ! Vers ce mur qui pense déjà avoir gagné ! L'eau contre le feu ! Les deux ennemis naturels que nous sommes entrons en contact et la lutte débute ! J'ai fixé un point précis que j'estime être le point d'impact du bateau ! Et c'est là que tout ce que j'ai je le déverse ! Parce que ce sera notre porte de sortie ! Mais c'est toujours pas assez !!

- Wooooooh !!!

J'augmente encore ! Tout le feu que je peux produire et plus encore ! Juste ne pas se relâcher ! La force de projection de ma colonne de flammes est à son maximum ! Je n'avais encore jamais donné une telle force à mon attaque avant ! C'est tout ce qu'il me reste pour passer !!

- Alleeeeezzz !!!!

Et je sens un vent d'air me frapper le visage quand mes flammes percent le mur ! On va passer ! Mais le point d'impact est légèrement plus bas. Le bateau pique en avant quand on passe le trou ! Une puissante rafale d'eau de mer m'emporte au passage et me projette en arrière m'expédiant à travers le navire ! Sous l'eau ! Mes forces me quittent ! J'arrive plus à respirer ! Je vais m'étouffer ! Pire ! Je vais être éjecté du bateau ! Mon poignet est retenu ! On me tire ! Je sens le bateau glisser le long du dos de la vague ! Je fais un roulé boulé sur le pont et m'écroule.

- Pfouah ! Ah... ah... ah...

De l'air... Et le calme... Le calme ? J'ouvre les yeux. Le ciel est bleu. Je tourne la tête vers ce qu'on vient de traverser. Notre adversaire prend la fuite, continuant de perturber la tranquillité de l'océan. Les éclairs zèbrent le ciel au loin en grondant. On dirait un avertissement. Comme pour nous dire que cette fois nous avons eu de la chance.

Un peu partout sur le bateau les cris de joie résonnent ! Ceux qui avaient eu le droit de retourner en cabine sortent pour se mêler à la cohue générale ! Et tous se rassemblent vers moi pour me porter en triomphe !


- Arrêtez vous me faites mal !

C'est vrai quoi ! Je suis blessé ! Ca se voit pas avec les bandages ? Mais ils en ont rien à carrer, ils crient leur joie d'être vivants. Grâce à moi. Et...

- Noa !

Ceux qui ne me portent pas s'en vont brandir leur propre trophée quand le jeune garçon à lunettes redescend. Il est tout pâle ! Avoir vécu le spectacle d'en haut, ça doit pas être pareil c'est sûr.

Après m'avoir bien secoué dans tout les sens, on consent enfin à me poser par terre. Et j'en bouge plus. J'ai trop mal, je suis trop fatigué. Et j'ai la dalle.


- On va préparer le meilleur repas de tout les temps !

J'aime quant on lit dans mon esprit. Un groupe reste près de nous pour nous féliciter et raconter à leur tour leur propre vision de comment ça s'est passé. Noa reprend petit à petit des couleurs, il sourit timidement. Fier d'avoir contribué au sauvetage de son équipage mais ne sachant pas comment gérer tout ce qu'il s'est passé.

- Allez, on fait un peu de place ! On laisse respirer les héros !

C'est le navigateur. Il se fraye un chemin entre le fan club tenant de assiettes bien remplies de divers trucs et machins. La foule se disperse pour fêter ça aussi entre petits groupes.

- Je crois qu'on va en entendre parler pour longtemps.
- Y'a des chances. Bravo Noa !

Il ne dit rien mais rougit. Je tends mon bras valide vers l'assiette que je pose sur mes genoux et attaque direct. Noa met un poil plus de temps mais finalement il me rattrape. Le navigateur se pose avec nous. On dit rien. Mais on est biens. On profite de ce calme après la tempête.
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