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Mantis



Attablé à cette terrasse, il était bon de voir s'égrainer le temps sans être pressé, sans poursuivre un quelque démon ou fantôme du passé. J'avais besoin de ces vacances et j'aurais difficilement pu trouver plus paisible et plus convivial que Shell Town pour passer les deux semaines que je m'étais accordé. Sous ses airs de ville Marine fortifiée se cachait une véritable atmosphère de quiétude et de paix.

J'étais dans ce restaurant depuis le matin, observant la vie défiler et les autochtones vaquer à leurs occupations. Au fil de la journée la clientèle changea selon les heures. Des ouvriers et des pécheurs très tôt le matin ; à midi, un troupeau de bonnes femmes revenants du marché et quelques vieillards sortant de la léthargie de leurs retraites.

- Vous prendrez un autre café ? me demanda la sympathique serveuse qui avait été au petit soin avec moi depuis l'aube.

- Nan, merci. Il ne faut pas abuser de la drogue, même douce. Je prendrais plutôt connaissance de votre menu du soir.

Le soir en question, le restaurant grouilla d'une foule de fêtards que je n'aurais su deviner quelques heures plus tôt. On semblait bien s'amuser à Shell Town, surtout en ces périodes de vacances.

Que se passait-il dans le monde actuellement ? Je n'en savais rien. J'étais sur Shell Town depuis cinq jours, et j'avais décidé de me couper de toutes nouvelles. Il pourrait y avoir la guerre du siècle actuellement que je n'aurais pas été au courant. Je ne connaissais même pas le climat politique ou économique actuel sur l'île où j'étais. Mais à en croire la gaieté de ses habitants, aucun monstre ne rodait.

Sous les coups de vingt-deux heures, alors que je m’apprêtais à partir, une joyeuse bande déboula dans le restaurant. Une myriade de filles aux airs idiotes et gloussantes s'était agglutinées bras-dessus, bras-dessous autour d'un jeune homme dans la vingtaine, plutôt beau gosse.

- Fils à papa ? demandai-je à ma serveuse attitrée de la journée.

- Fils de Fernand Mallard, un haut notable de l'ile.

- Je vois. Tenez, et gardez la monnaie.

- C'est beaucoup trop... Merci monsieur. Vous allez rester en ville longtemps ? Je veux dire, je viens tôt, si vous désirez, je pourrais demander au cuisinier de vous préparer un truc.

- Très aimable. Un café au lait et de la viennoiserie. Peu de café, beaucoup de lait. A demain.

D'un pas nonchalant, je quittai le restaurant vers l'hôtel où je logeais. En me retournant une dernière fois, je vis le joyeux luron entouré de ses dames faire bruyamment le pitre pour les distraire.

Une dernière fois.
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J'étais au rendez-vous avant le lever du soleil mais personne au restaurant. A même le sol, je m'assis sur la terrasse en lisant un bon polard de Lincoln Poe. La serveuse et sa cuisinière arrivèrent juste avant huit-heures arborant une sorte de gueule de bois.
Non... me dis-je en regardant plus attentivement. Tête d'enterrement plutôt...

- Mesdames, fis-je en me levant. Vous allez bien ?

Bruyant éternuement. Crise silencieuse de larmes.

- D'accord. Qui est mort ? demandai-je cash.

- D..Don. Don Mal..lard

- Mallard... Ce n'est pas le notable dont vous parliez hier ? Attendez, Don c'est son fils ? Celui qui festoyait ici même ? dis-je en me souvenant du jeune brun avenant au menton effilé. Euh, overdose ? risquai-je.

Pour toute réponse, j'eus droit à de nouvelles crises de larmes de la part de ces dames qui semblaient plutôt bien apprécier le défunt jeune homme. M'étais avis qu'elles auraient aimé faire partie de son harem. Soit, je leur arrachai les clés des lieux des mains, les conduisit à l'intérieur. Je me hâtai ensuite dans les cuisines et préparai moi-même le déjeuner. Rien de bien grandiose, du chocolat chaud, du thé, des petits pains déjà présents. Rien de tel que le chocolat pour donner un coup de tonus aux jeunes femmes éplorées.

Pendant qu'elles dégustaient entre deux larmes leurs déjeuners, je ne pus m'empêcher de remarquer que la ville était beaucoup moins vivante que la veille. Rares étaient les passants, légions étaient les marines qui patrouillaient en troupeau de quinzaine, armes aux points.

- Oh non... mais j'étais venu passer des vacances tranquilles ! C'est trop demander ?! m’apitoyai-je, les yeux levés vers le plafond.

Dans cette ambiance froide qui semblait s'être abattue sur Shell Town, je vis un incongru livreur de journaux sillonner les rues en jetant le précieux papier aux abonnés qui ne daignaient pas sortir une tête de leurs logis. J'accourus dehors et me jetai presque sur lui. Avidement, j'arrachai un exemplaire de son sac avant de lui jeter sa pitance.

A sa une, le Shell Herald titrait :

LA GUILLOTINE EST DE RETOUR !
Après deux mois de paix qui nous ont donné l'illusion qu'il avait quitté Shell Town, le mystérieux tueur en série revient sur le devant de la scène en ajoutant une cinquième victime à son tableau de chasse.
Que les dieux nous protègent !

- Mouais... murmurai, blasé. J'aurais dû me renseigner avant de venir ici...
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Le Shell Herald n'était pas très explicite mais une fois calmées, j'en appris plus des restauratrices.
Un tueur en série sévissait sur Shell Town depuis près de six mois. Comme souvent, la presse lui donna un surnom : "La Guillotine". Et pour cause, il signait ses crimes en étêtant ses victimes.

- Donc il avait déjà tué quatre personnes et Don Mallard est le cinquième ? demandai-je pour suivre.

Hochement de tête. Ça voulait dire oui.

- Et les têtes ?

Hochement de tête. Dans l'autre sens. Ça voulait dire non.
Elles n'en savaient pas plus et ne le désiraient d'ailleurs pas.
Soit. C'était compréhensible, mais moi, je devais m'abreuver. Maintenant que mes vacances étaient gâchées, je devais me consacrer à autre chose. Et avec un tueur en série dans le coin, je pouvais difficilement feindre le désintérêt. Partout où il y avait ce genre de mystère, le limier en moi ne tenait plus. Il fallait que j'en sache plus. C'était une question de... curiosité innée.

Aux alentours de midi, j’abandonnai les filles qui avaient retrouvé des couleurs. Direction la caserne de la 153e Division des Marines de Shell Town. A l'instar des restauratrices, la ville reprenait elle aussi des tons. Les enfants étaient timidement de retour dans les rues, les commerces commençaient à rouvrir, mais les mines étaient soucieuses. Quand, rarement dans la rue, on riait à gorge déployée, on riait jaune. Le rire sonnait si aigu, si faux qu'il était vite étouffé. Les hommes se promenaient à deux, les femmes en meute, les marines en colonie. Les touristes de passages préféraient quant à eux regarder la ville depuis les balustrades de leurs hôtels en planifiant leurs départs précipités, sûrement.

- Halte-là ! Qui êtes-vous et que voulez-vous ?! m'arrêta-t-on devant la caserne.

- Je veux avoir une audience avec le Colonel Pal Véhachez. J'ai ouï-dire qu'il commandait cette division.

- Le Colonel est en mission au QG des Marines d'East Blue. Pas disponible.

- Dans ce cas, je peux voir son Lieutenant-Colonel ? Enfin, quelqu'un d'important, celui qui dirige l'enquête sur La Guillotine.

A l’énoncée de ce sobriquet, les deux gardes se raidirent. Celui qui m'interrogeait pointa le tranchant sa hallebarde sous ma gorge, menaçant.

- Qu'est-ce que tu sais de La Guillotine, étranger ?

- Beaucoup de choses. Mais peu qui vous concernent, et aucun que vous ne comprendriez, répondis-je en relevant mes lunettes d'un index. Allons, emmenez-moi à vos supérieurs, je peux les aider à attraper La Guillotine.

________________________________________


- Vous voulez nous aider à attraper ce malade ? répéta le Lieutenant-colonel Rogue Paddington

Rogue Paddington

- Hé, hé, hé, mais vous êtes Loth Reich ! Le Moine Hérétique ! s'égaya une jeune femme dans une blouse de docteur qui déboula dans le bureau sans toquer.

"Doc" Tina

En jetant un œil dans le couloir, je pus remarquer qu'une file de sous-officiers aux airs béats la suivait, un filet de bave aux lèvres.

- Le Moine Hérétique ?

- C'est son surnom. C'est un fameux enquêteur sur North et South Blue. Je suis ravie de vous connaître, je suis la Commandante Tina, fit-elle en me serrant la main d'un air trop enthousiaste à mon gout.

- Enchanté aussi. Comme vient de le dire la Commandante, j'ai un petit pédigrée en matière d'enquête criminelle et je n'hésite jamais à aider la Marine dans une affaire épineuse. J'ai quelques références à vous donner si vous le désirez. La Commandante d’Élite Midnight Santana de Boréa, sa sœur, aussi Commandante d’Élite, Lady Ombeline, le Colonel Godric Orbea de Bliss. J'ai beaucoup travaillé avec eux. Ils peuvent me recommander.

- Pourquoi voulez-vous travailler sur cette affaire ? Vous êtes une sorte de free-lance, non ? demanda Rogue de sa voix rocailleuse et lente.

- Parce que les mystères, ça me turlupine et que je n'ai de repos que quand je les résous. Un tueur qui vous échappe depuis 8 mois ? Un tueur qui décapite ses victimes ? Ça m'intéresse. Travailler sur ces cas particuliers, c'est mon dada. Je ne demanderai aucune rémunération en échange. Je suis en vacance. Je prends sur mon temps. Et vous avez tout à y gagner.
Sans modestie.


Le vieux Lieutenant-Cl. me dévisagea de ses prunelles sombres. Dans ses pupilles, je vis de la fatigue, de la lassitude aussi. A dire ce qui le rendait aussi blasé, je ne saurais l'affirmer. Peut-être était-ce le fait d'être toujours Lieutenant-colonel alors qu'il devait aisément dépasser la cinquantaine ? Peut-être était-ce ce tueur qui empoissonnait l'atmosphère et le rendait aussi morne. En tout cas, rien ne semblait déteindre sur la Commandante qui rayonnait de l'essence même de la bonne humeur. Rogue se détourna de moi, empoigna son escargophone et passa plusieurs de coups de fil. Sans doute cherchait-il le contact d'un des officiers que j'avais nommé. A son sixième appel, avec raideur, j'entendis la voix de Lady Ombeline sortir du combiné.

Bon sang, pourquoi avais-je donné son nom ? Il aurait pu contacter Orbea, il n'aurait pas tari d'éloge sur moi. Lady Ombeline, c'était autre chose. Elle me savait vénal, mafieux et ripoux. Elle était à la recherche de la moindre preuve susceptible de lui donner la légitimité de me pourfendre de son sabre. Jamais, je n'avais réussi à les charmer sa sœur et elle, et les convaincre de mon côté angélique. Promis, la prochaine fois que je parlerai de mon pédigrée, je ne les mentionnerai plus. Mais là, il s'agissait d'une enquête criminelle et d'une certaine manière, Ombeline avait été la première Marine que j'avais côtoyée en qualité de "consultant". C'était en 1619, nous étions coincés sur l'Ile de Craie à la merci de Dog Wildson "le Boucher des Highlands". Si quelqu'un pouvait témoigner de ma science pour démêler les intrigues, c'était elle. En supposant qu'elle ne m'accable pas trop.  

- Oui, sans souci, Lieutenant-colonel, je vous le recommande. C'est un enfoiré fini mais il sait faire travailler ses méninges. Je ne connais pas le singe qui cogite sur votre île, mais c'est sûr qu'il a vu pire le Loth. Faites-lui confiance.

- Oh trop gentil. C'est trop d'attention, satirisai-je.

- Haha, mon amour, je ne dis que ce qui est juste. Il ne m'a pas demandé s'il pouvait te faire confiance pour monter sa quincaillerie. Là, j'en aurais dit autre chose. Allez, du vent, vous me les casser !

- Et ben. Elle est sèche. J'ai entendu dire que c'était elle qui avait démantelé le Réseau Damam de trafique de cadavres ici, sur East Blue.

- Oui, elle est bonne dans ce qu'elle fait. Lieutenant-colonel ?

- Si une Commandante d’Élite comme Ombeline Santana vous recommande, je ne peux que vous souhaiter la bienvenue. Aidez-nous à capturer Guillotine.
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- Paddington -tout le monde l'appelle Pad'- est en charge de l'enquête, et moi, je le seconde, dit Tina. Vous pouvez vous installer dans ce bureau, on vous apportera tout ce dont vous avez besoin. Pad' et moi avions prévu de sortir interroger quelques suspects et témoins. Si vous voulez...

- Je viens oui. Ce sont les dossiers de l'affaire ? demandai-je en pointant de l'index une pile de carton sur le bureau miteux qui était désormais mien.

- Oui. Je vais vous laisser prendre connaissance des faits. Si vous avez des questions, je serai dans le bureau d'en face.

- Merci.

Indéniablement, l'affaire était intéressante. Elle remontait à neuf mois pratiquement et débuta par le meurtre d'un certain Modeste Apple. Un humain "normal", un marin de passage sur l'île. Son corps avait été retrouvé en bas d'une jetée, décapité. Je notai que les examens médico-légaux et autopsies avaient été pratiqués par la Commandante Tina. Aucune blessure défensive d'aucune sorte n'avait été retrouvée sur le corps étêté de Modeste Apple, aucune drogue dans son sang. La cause officielle de la mort était la décapitation.

Le tueur fit une seconde victime un mois plus tard. Un homme encore, Donald Mortimer de son nom. Il était connu sur l'île comme artisan boulanger. Le dossier spécifiait qu'aucun ennemi ne lui était connu. Son corps à lui fut retrouvé dans une décharge publique, sans la tête. Mais a contrario de la première victime, des marques de ligatures avaient été retrouvées à ses poignets, preuve qu'il avait été attaché. Il avait aussi des ecchymoses par arme contondant à l'abdomen. Le bilan toxicologique ne fit montre d'aucune drogue usée pour affaiblir cet homme de 49 ans en pleine possession de ses moyens. Il sembla que le tueur l'eût directement décapité.

On déplora une troisième victime trois mois après la seconde. Léon Doudou, un riche commerçant de l'île, un polygame notoire qui se targuait d'une portée de 14 enfants. Avec son meurtre était venu le premier suspect de l'affaire. Un certain Pink Jam, un autre homme d'affaire local que la Marine suspectait, sans preuve, de contrebande. Doudou et Jam étaient ouvertement en conflit pour un lopin de terre. L'hypothèse de la Marine était que Jam aurait pu profiter de la psychose engendrée par la Guillotine pour élimer son rival, le décapiter et faire passer ça pour un meurtre du tueur en série. Jam fut arrêté à plusieurs reprises mais sans preuve ils durent le relâcher.

L'avant-dernier meurtre, le quatrième, eut lieu deux mois avant mon arrivée. D'un point de vue "victimologique", celui-ci m'intéressa plus que les autres. Et pour cause, le trépassé était un Longue-jambe et qui plus est un professeur de Jao-Kun Do, l'art martial basé sur un style de combat mettant à profit la puissance des jambes de cette tribu. Il avait 40 ans et aucun ennemi connu. Des marques de ligatures étaient aussi présentes sur ses poignets et des meurtrissures lui constellaient le dos. Il avait aussi une blessure par arme blanche au foie qui avait dû être faite juste avant la décapitation qui semblait là-aussi être l'unique cause du décès.

Je m'affalai dans ma chaise et méditai longuement sur les informations que je venais d'assimiler. Je restai là pendant longtemps, le regard fixé au plafond, sans bouger. Cette léthargie attira l’œil du Colonel Pad' qui passait devant le bureau ouvert. Il entra, secondé de Tina.

- Alors, des idées nouvelles ?

- C'est un foutoir, fis-je en me redressant. Malgré tout, il y a des points qui ressortent. Victimes toutes des hommes dans la force et la puissance de l'âge. Le tueur a même pris le risque de s'attaquer à un professeur de Jao-Kun Do qu'il a réussi à maîtriser si j'en crois les blessures de combats répertoriées sur le corps du défunt. Ça indique un individu fort, confiant. Ensuite, les ligatures me laissent perplexe. Combien de temps s'écoule entre un enlèvement et le meurtre ?

- Il n'y a jamais d'enlèvement. Personne n'a disparu assez longtemps pour qu'on nous le signale. Le marin, la première victime était de passage. Ses copains et lui se soulaient dans un bar, aucun n'a remarqué sa disparition. Et c'est à peu près le même schéma pour tous les autres. Les dernières personnes les ayant croisé vivants les ont vu dans un intervalle de quatre à six heures avant la découverte des corps.

- Pour un professionnel c'est largement suffisant. Et ce tueur est rodé depuis le temps. C'est toujours le matin que sont retrouvés les corps si j'ai bien compris les rapports.

- Toujours oui. Les victimes disparaissent dans la nuit. C'est pour ça aussi qu'il y a peu de témoins.

- Qu'en est-il des têtes ?

- On ne les a jamais retrouvées. On a pensé que le tueur faisait une sorte de rite satanique ou quelque chose avec. On a interrogé beaucoup de personnes mais sans succès.

- Mais avec vous Loth, nous allons trouver n'est-ce pas ? Vous avez résolu des cas plus compliqués !

- Plus compliqué, sûrement. Mais chaque tueur à sa spécificité. Ici, le souci premier c'est que le tueur n'est pas régulier. Et tant mieux pour le citoyen. Mais pour moi, c'est un cauchemar, surtout qu'il y a eu quatre autres meurtres avant mon implication. Les scènes de crime sont souillées depuis le temps, les corps enterrés ou incinérés, des indices cruciaux évaporés.

- Je me suis davantage renseigné et on m'a notifié, à Hinu Town notamment que vous y aviez résolu des meurtres vieux de dix ans sur la base de divers témoignages. Si vous êtes aussi bon qu'on le prétend alors ce ne sont pas des scènes de crimes souillées il y a quelques mois qui vous ralentiront non ?
Mais il y a toujours le corps de Don Mallard. Vous voudrez sans doute le voir,
dit Pad' dont le ton signifiait carrément que ma confiance confinant à l'arrogance n'était pas de son goût. Je le comprenais, après tout, il avait passé neuf mois sur cette affaire sans rien dénicher.

- Mais avec plaisir.


Dernière édition par Loth Reich le Sam 16 Avr 2016 - 3:25, édité 1 fois
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Don Mallard était entreposé dans la petite morgue de la 153e qui servait aussi de salle d'autopsie à la Commandante Tina. Son corps sans tête reposait sur une table au milieu de la pièce réfrigérée. La température était basse mais supportable. Dans un coin de la salle étaient entreposée des caissons en métal qui accueillaient les défunts pensionnaires pour une longue durée. Don Mallard était toujours habillé de la veste bleu éclair et de la chemise bleu marine dont je l'avais vu affublé la veille. A ses poignets rutilaient des bracelets en pierres et une montre incrustée d'améthyste. Ce qui pouvait d'ors-et-déjà écarter la thèse de l'agression crapuleuse si jamais il subsistait encore un quelconque doute.

Je m'approchai et m'accroupis à côté du corps, mes yeux à hauteur du moignon sanglant. Le cou avait été tranché au niveau de la troisième vertèbre cervicale, une décapitation nette, sans bavure et sans hésitation. Un seul coup avait suffit, c'était un travail de bourreau. La plaie ne présentait aucune inclinaison particulière, elle semblait absolument régulière de sorte que ça ne m'aurait pas étonné si elle faisait les cent quatre-vingt degré de plat.

- Il avait la tête bien dressée quand il a été décapité. C'est dérangeant, à croire que le tueur l'a surpris au coin de la rue puis sabré.

- Et pourtant non, intervint Pad'. Il a les mêmes marques de ligatures au poignets.

Je les avais remarqué mais les bijoux qu'il portait en masquaient la majorité. Ces ligatures aussi étaient une énigme. On ligotait quelqu'un pour restreindre ses mouvements, on ligotait quelqu'un parce qu'on souhaitait le maitriser. Hors, aucun laps de temps valable ne s'écoulait entre les disparitions des victimes et leurs meurtres. Personne n'avait disparu assez longtemps pour être remarqué. Quatre à six heures, avait dit Tina. Que pouvait-il bien faire avec eux pendant ce temps là ? D'ailleurs, il y avait irrégularité sur cet aspect également. Des cinq victimes, seules trois -Donald Mortimer, Robb Wehls le prof' de Jao-Kun Do et Don Mallard- avaient été ligotées. Mortimer et Wehls portaient des blessures défensives. Ils semblaient avoir opposé plus de résistance au tueur que les autres.

Qu'avaient de spécial les trois qui furent attachés ? L'assassin désirait-il des informations qu'eux seuls détenaient ? Mais s'il les interrogeait réellement, n'aurait-il pas dû les torturer davantage ? Je n'osais croire qu'ils avaient tous répondu comme des perroquets. A moins d'être un lâche congénital, le premier réflexe en cas d'interrogatoire était de résister, d'abord, avant de craquer. M'enfin, quoique, ça dépendait du secret à protéger. Si seul ce trio était capable de répondre aux questions du tueur, alors à quoi lui servirent les deux autres ? Pour moi, le schéma des crimes se scindait maintenant en deux entités. Le duo non ligoté Apple-Doudou et le trio ligotés Mortimer-Wehls-Mallard.

Quels points communs pouvaient bien avoir un marin de passage et un riche commerçant ?
Quid d'un boulanger, d'un professeur martial et d'un jeune jet-setteur ?
Et tous les cinq ensembles, qu'est-ce qui les unissait ?

- Tous des hommes... Ce sont tous des hommes.

- Oh et c'est là l'intuition du génial détective ? ironisa Pad'. On n'avait pas remarqué, c'est brillant de votre part !

- Mon Colonel !

- Quoi ? Je pensais qu'il allait nous apprendre quelque chose de neuf, pas des évidences !

- Il vient d'arriver, laissez-lui le temps !

- Vous êtes absolument sûre, Tina qu'aucune drogue n'a été utilisée pour les affaiblir ? demandai-je sans me laisser démonter. J'avais l'habitude des railleries. Normal en somme quand un étranger venait se la jouer dans une enquête où vous butiez depuis longtemps.

- Je n'en ai pas trouvé, j'ai fait les tests habituels pour toutes les victimes. Sauf, Mallard, je n'ai pas encore eu le temps de l'autopsier.

- Que vous n'en ayez pas trouvé ne signifie pas qu'il n'y en ait pas eu, il y a des drogues indétectables ou qui se dissolvent dans l'organisme très rapidement.

- Vous pensez que le tueur les aurait affaibli comme ça avant de les attacher puis de les décapiter ?

- Sincèrement, je n'en sais rien du tout, avouai-je. Il y a des contradictions dans sa manière d'opérer. Si je me base sur le moignon de Mallard, je dirais que son tueur est un individu fort, déterminé, et sans aucune hésitation. Une sorte de samurai ou de bourreau. Tous les moignons des autres victimes étaient aussi nets ?

- Oui sauf pour la première. Le marin Modeste Apple. Il avait plusieurs blessures au cou, le tueur s'y est pris plusieurs fois avant de le décapiter.

- Ce n'est pas écrit dans le rapport que vous m'avez donné !

- Ah bon ? fit-elle un index sur la bouche, les yeux perdus dans les vagues. C'est vrai que je relevais les blessures défensives et comme il n'y en avait pas... Je n'ai pas considéré les lacérations au cou comme des telles donc, c'est pour ça que je n'en ai pas parlé, probablement.

- Comment ça, "probablement" ?

- En fait... C'était ma première autopsie... avoua-t-elle d'une voix gênée, les mains crispées. Il se peut que j'ai fait des erreurs.

- Votre travail est excellent, Commandante, intervint Pad. Arrêtez de la culpabiliser Reich. Qu'est-ce que ça change que le tueur ait raté son coup la première fois et s'y est pris à plusieurs reprises au point de hacher menu son cou avant de le décapiter ?

- La première victime est toujours très importante. Sachant que toutes les autres ont été impeccablement sabrées façon samurai, que peut bien signifier le fait qu'il ait "raté" son coup, demandiez-vous ?
Mais l'a-t-il seulement raté, ce coup ?
Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer cela. Premièrement, peut-être le marin était-il une connaissance du tueur ou était-il la première personne qu'il ait jamais tuée ? Ou les deux ? Dans tous les cas, c'est logique que sa main ait dérapé. Tuer pour la première fois ou tuer une connaissance n'est pas facile, surtout quand il s'agit de décapitation. Le tueur a hésité, sa main a flanché, donc il s'y est pris à plusieurs fois avant de séparer la tête du corps. Modeste Apple était-il déjà venu sur l'ile, avez cherché à savoir ?


- Bien sûr que... Vous nous prenez pour des bleus ou quoi ? Apple venait régulièrement à Shell Town. C'était un marin d'une flotte de marchands porchers. Ils venaient livrer des abats de porcs par intervalle régulier au marché local.

- Chronologiquement, les meurtres ont été commis en Juillet, Août et Novembre 1625. Puis en Janvier et enfin en Mars 1626. C'est vraiment très irrégulier, il laisse au moins un intervalle d'un mois sinon deux. Que fait-il pendant ces temps où il ne tue pas ? Si on part du postulat qu'il connaissait la première victime, notre marin, il se pourrait que le tueur lui non plus ne soit pas originaire ou ne vive même pas sur Shell Town. C'est peut-être un marin saisonnier qui accoste ici pour du boulot et qui en profite pour satisfaire de sales pulsions.

- On a envisagé cette hypothèse, affirma Tina sous l’œil perplexe de Pad' qui semblait penser que j'étais une grosse escroquerie qui n'allait rien leur apprendre qu'ils ne savaient déjà. On a même fait une liste des flottes qui accostent périodiquement ici et en fait...

- En fait, elles peuvent toutes correspondre au schéma des meurtres.

- Quoi ?

- Il n'y a presque pas de flotte qui ait une activité régulière au port. Les bateaux vont et viennent, au gré de la disponibilité de ce qu'ils vendent. Ils paient les taxes, jettent l'ancre, font affaire puis s'en vont. Il n'y aucun calendrier et les registres d'admissions au port ne sont pas très fiables. Et notez que là, nous parlons seulement de bateaux. Les équipages ne sont pas répertoriés, juste le nombre total à bord du navire mais pas les noms des membres. Sans oublier que les matelots, ça change de navire comme de femmes. Nous avons vite abandonné cette piste à cause de la multiplicité de facteurs. Y a-t-il autre chose dont votre immense science souhaiterait nous faire part ?

Le ton était sarcastique bien sûr. Ce n'étaient pas des amateurs, ils avaient plus ou moins fait ce qu'il fallait. Si le tueur était un marin occasionnellement de passage ici, il allait être difficile de le retrouver. Et pourtant, l’aléatoire était un concept auquel je ne croyais pas du tout en matière de meurtres en série. Il n'y a jamais de chaos. Dans le chaos, on pouvait toujours repérer un schéma, le plus souvent inconnu du tueur lui-même. Cela faisait la différence entre les bons et les excellents limiers. Un grand limier me l'apprit un jour. J'ignorais encore si la "Guillotine" faisait dans la sophistication ou jouait de chance mais cela ne m'intéressa que davantage.

- Non, je n'ai aucune affirmation, juste des hypothèses, répondis-je en prenant un ton plein de fausse modestie. Avant même de se demander ce qu'il fait des têtes, et au risque de me répéter, je vous rappelle l'évidence. Les tueurs sont tous des hommes.

- Et ?

- Oh ! Vous pensez que...

- Ils disparaissent dans la nuit, on les attache volontiers sans les droguer. Pour moi, il n'y a qu'une seule chose qui puisse affaiblir à ce point le "sexe fort" pas si fort que ça. Votre Guillotine pourrait bien être une femme. Y avez-vous pensé, Lt-Col ?

- Une femme trancheuse de tête ? J'y crois pas !

- Et pourtant, votre Amirale-en-chef et la nouvelle Amirale Boïna sont de fines épéistes. Vous auriez tort d'éliminer cette piste pour des raisons machistes. Ce jeune homme, fis-je en montrant de l'index le cadavre de Mallard, je l'ai vu hier. Il était entouré d'un troupeau de filles qui gloussaient à la moindre de ses remarques. Vous n'allez pas me dire qu'il a fini la soirée seul ?

- Non, répondit Tina en consultant ses notes. Nous avons trouvé une photo dans la poche de sa veste. Elle nous la montra. Nous l'avons identifiée, la blonde à ses côtés s'appelle Jenna Souza. La photo a été développée hier si j'en crois les inscriptions à son dos. Je cite "Don & Jen Forever 08/03/1626". Et après ils ont signé ça par des cœurs dessinés au stylo.

- Bon, dans ce cas, allons parler à cette damoiselle.
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