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Les Valses De Logue Town [Yamiko]

Automne 1625, East Blue, en mer.

« Rudger, tu peux encore m’expliquer pourquoi je dois aller à cette réception ? »
« Vous savez très bien pourquoi Monsieur, vous devez y participer pour y assurer le bon déroulement, votre sœur et votre famille veulent vous faire confiance, quoi que vous puissiez en dire. Montrez leur donc vos bonnes résolutions depuis votre retour. »

« Mouais… N’y avait-il personne d’autres de plus compétent que moi dans le lot ? Un Marine par exemple ? »
« Miss Van Belt, l’hôtesse de cette soirée a requis la présence des Makuen, vous connaissez très bien les liens qui unissent vos familles depuis des générations. Etant le seul disponible en ce moment, vous avez été désigné. Vous ferez très bien l’affaire, ne vous inquiétez donc pas Monsieur. »

Je riais doucement dans mon esprit, non je ne connaissais pas les liens qui nous unissaient avec ces Van Belt, et je m’en foutais éperdument. Rudger, l’homme à tout faire des Makuen, ancien Marine lui-même, il est notre majordome depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Sans doute la personne la plus saine d’esprit que j’ai connu durant mon enfance, même si j’exagère peut-être. Je me laissais coiffer par Rudger tandis que j’enfilais veste et veston par-dessus une chemise blanche.

« Je suis obligé de porter ça ? J’ai l’air d’un pingouin là-dedans »
« Vous avez plutôt l’air de quelqu’un de distingué Monsieur, vous n’aviez tout de même pas l’intention de porter vos habits habituels si ? »
« Bah c’est dans cette tenue que je suis le plus à l’aise, en plus ce costume est particulièrement serré ; j’ai du mal à bouger »
« Ce n’est qu’une question de temps avant que vous puissiez vous mouvoir à votre aise »
« Est-ce que je peux au moins mettre mon chapeau ? Je vais me sentir nu… »
« Je vous l’interdis, mais si vous le voulez, portez donc ce tricorne »

Un tricorne à froufrou ? Bah voyons… Il a bien vu ma tronche ?  Aucune chance que je mette ça sur le sommet de mon crâne. Je me regardais attentivement dans le miroir, j’avais moins l’air d’un clown que je ne le pensais. Je devais même admettre que j’avais une certaine allure dans ce costume. Cependant, quelque chose n’allait pas, je ne me sentais pas moi-même, comme si je regardais quelqu’un qui n’était pas moi mais qui me ressemblait traits pour traits. Je plaçais alors un dernier élastique dans mes cheveux, histoire de coller encore au rôle que j’allais jouer. Bien sûr, je n’étais pas particulièrement heureux de me rendre à Logue Town pour cette réception. Bien sûr que j’avais protesté. Comme je le pensais, ma famille n’utilisait pas ma personne ; mais le nom que je portais. Je savais pertinemment pourquoi Rudger m’accompagnait, le vilain petit canard ne devait pas jeter l’opprobre sur la famille. J’allumais rapidement une cigarette, à peine eus-je le temps d’inhaler que Rudger me l’arracha de la bouche avant de l’écraser au sol.

« Ça finira par vous tuer… »
« Possible, il faut bien mourir de quelque chose, ne crois-tu pas que c’est ma famille qui aura ma peau au final ? hmm ? » Dis-je en sortant une nouvelle cigarette.
« Vous ne comprenez pas que votre père et votre sœur sont aussi rudes dans votre intérêt, ils font de leur mieux mais vous n’en avez jamais fait qu’à votre tête »
« On ne va pas repartir là-dessus Rudger, tu connais très bien le fond de ma pensée »
« Etre libre de ses choix n’empêchent pas d’avoir des obligations, et vous en avez plus que quiconque »
« Tu as mis le doigt sur le bon mot : obligations ;  voilà pourquoi je suis parti, et pourquoi je partirais encore »
« Il serait peut-être temps que vous agissiez en adulte responsable… »
« Responsable ? Je serais devenu un adulte responsable si on ne m’avait pas mis la bride au cou durant toutes ces années ! »
« A quoi bon vous faire changer d’avis, sûrement un trait génétique »

--------

Une demi-heure plus tard, nous accostions au port de Logue Town. Enfin, je pouvais fouler le sentier des vaches après cette longue navigation. Quelques étirements aidèrent mes muscles endoloris à se remettre d’aplomb. Puis, je regardais le ciel, ce début de soirée promettait d’être agréable. Rapidement, je croquais dans une pomme, petit encas que je m’étais réservé, tout en scrutant l’avis de recherche… Pancho Sanza tête mise à prix pour sept millions de berrys. Ma foi, somme tout à fait rondelette. Pourquoi regardais-je la photo de ce type ? Simple, très simple en fait ; nous devions éviter que ce gars fasse du grabuge. Apparemment, il voulait la tête de Catherina Van Belt pour je ne sais quelle raison. Un type assez dangereux pour qu’une douzaine de chasseurs de primes aient reçu leurs cartons d’invitation dans la foulée. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la présence des Marines est interdite à l’intérieur ; il aurait été beaucoup plus simple qu’un contingent Marine s’en occupe. Sûrement un caprice des Van Belt, du moins le pensais-je.

Je traversais ainsi la ville en compagnie de Rudger, nous passions alors devant la place de l’échafaud, celle-là même où Gold Roger, l’homme le plus libre au monde, est décédé. Cette vision, cette pensée, j’imaginais le premier roi des pirates à l’heure de son exécution, délivrer son message de liberté au monde entier. Un frisson me parcourut le corps, j’aurais vraiment aimé faire partie de cette génération ou même de la pire génération que ce monde ait connue. Mon sang en ébullition, je ne pensais qu’à une seule chose à cet instant, mon propre destin m’attendait quelque part ; je voulais être comme eux, libre. Je refoulerais mes désirs et mes envies ce soir, mais je saurais saisir la bonne opportunité en temps et en heure. Dix minutes plus tard, nous arrivions devant ce gigantesque hôtel appartenant aux Van Belt. Je savais que cette soirée mondaine n’allait pas du tout être à mon goût, être en compagnie de notables, nobles ou autres bourgeois n’était vraiment mon activité favorite. Au moins il y aurait des petits fours…

Nous fûmes stoppés à l’entrée par deux gardes que je qualifierais plus de videurs qu’autre chose. Les armoires à glace nous demandèrent alors de leur présenter nos cartons d’invitation ; ce que nous fîmes sans protester. Tandis que nos noms furent barrés de la liste des invités, les gardes nous offrirent un masque à chacun. Une soirée déguisée ? Bah voyons…Mon sourcil droit s’arqua tandis que je fixais Rudger. Il avait apparemment eu la même réaction que moi. Cela allait donner l’opportunité à Pancho Sanza de se glisser dans la foule si jamais il réussissait à passer la sécurité. Je soupirais tout en haussant les épaules ;  nous pénétrions l’hôtel. Je restais sans voix devant autant de faste et de luxe, nos hôtes avaient visiblement les moyens. Tout n’était que démesure, comme ces deux escaliers en colimaçon finement sculpté dans ce que je voyais être de l’Adam qui entouraient une imposante porte,  telles de magnifiques colonnes. Des tableaux de grands maîtres siégeaient ici et là tandis que derrière cette grande porte se trouvait la salle des fêtes. Rudger prit les devants et m’incita à entrer en premier. Il y avait foule, il semblait que la plupart du gratin d’East Blue avait été convié. Les invités s’affairaient dans leurs activités, rires et brouhaha couvraient presque entièrement l’orchestre symphonique qui animait cette soirée. Personne ne portait son masque, sans doute fallait-il attendre un discours, une annonce ou encore l’entrée de nos hôtes. Rudger me donna un léger coup de coude.

« Allez donc vous présenter à notre hôtesse » me dit-il en me désignant Mademoiselle Van Belt.

Je m’approchais donc d’elle avec toute l’assurance que je pouvais avoir. La demoiselle brune discutait et semblait s’amuser comme une petite folle. Son sourire naturel était à tomber, finalement je passerais peut-être une bonne soirée. Elle portait une robe rouge sans manches sertie de pierres précieuses, un corset à lacets affinait encore sa taille de guêpe tandis qu’un fin châle en satin de soie recouvrait son dos nu. Elle était élégante à souhait et le charmeur que j’étais ne se satisferait pas d’une simple vue. Je me rapprochais encore un peu avant de me placer devant mon hôtesse du soir et respectueusement courber légèrement l’échine, la main gauche dans le dos.

« Mademoiselle Van Belt… Klaus Makuen à votre service ; j’essaierais de faire en sorte que votre soirée soit la plus agréable possible »
« Klaus ! Quel plaisir de vous compter parmi nous ! J’ai été agréablement surprise en apprenant votre venue. Dites-moi combien d’années s’est-il passé depuis notre dernière rencontre ? »
« Je ne saurais le dire… » Dis-je en marquant un temps d’arrêt.
« Nous étions tous deux des enfants, vous étiez toujours très discret, mais je vois que l’âge vous a donné une certaine assurance »
« Je vous retourne le compliment, vous êtes à la fois sereine et ravissante »
« Flatteur ! » S’exclama-t-elle en riant. Un homme s’approcha alors d’elle lui chuchotant quelques mots à l’oreille. « Je suis ravie de vous avoir vu Klaus, mais je dois finir les préparatifs de dernières minutes. J’espère que nous aurons le temps de bavarder un peu plus amplement »
« Avec grand plaisir… » Dis-je en m’inclinant une nouvelle fois.

La brune en robe rouge prit congé tandis que je revenais vers Rudger. Des tables avaient été dressées ici et là aux coins et recoins de la grande salle. Des mets tous aussi salivants les uns que les autres ne demandaient qu’à être attaqué. Je ne me fis d’ailleurs pas prier.

« Tu pourrais nous en dire plus sur notre hôtesse ? »
« Que voulez-vous savoir ? Ne me dites pas que… »
« Doucement Rudger, je suis curieux, rien de plus »

Je voulais juste en savoir un peu plus, je ne voudrais pas me retrouver l’air idiot devant elle et une question à laquelle j’aurais su répondre. Mais bien sûr certaines de mes pensées au sujet de cette demoiselle étaient légèrement épicuriennes. A peine Rudger avait-il eu le temps de commencer sa phrase que Catherina fit son apparition sur la scène à côté des musiciens. Sa déclaration fut très brève, tellement que je n’en retins pas un traitre mot. Tout le monde portait maintenant son masque, ce que je fis à mon tour. Bien que cette soirée soit le théâtre de l’amusement, je n’avais pas le temps de me gaver de petits fours. Je devais rester vigilant, attentif au moindre individu suspect. Du monde s’avança sur la piste, plusieurs groupes virevoltaient, dansaient, changeaient de partenaires. Bien que le style musical ne fût absolument pas à mon goût, ces danseurs et danseuses avaient un certain charme. Je bougeais régulièrement d’endroit, Rudger en fit de même, nous avions alors un champ de vision bien plus étendu sur la salle. Il était difficile d’y voir clair affublé de ce masque au nez crochu. Tellement que je percutais quelqu’un qui s’était installé pas très loin des deux gigantesques portes battantes.

« Veuillez pardonner ma maladresse ! Vous n’avez rien ? » Dis-je en m’apercevant que la personne que j’avais bousculé n’était ni plus ni moins qu’une jeune demoiselle. Décidément…


Dernière édition par Klaus Makuen le Mar 24 Mai 2016 - 18:34, édité 1 fois
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Les Valses De Logue Town
PREMIÈRE DANSE

« Elle est parfaite celle-là, s’excita Anna comme une petite fille. Il ne reste plus qu’à trouver les accessoires !
- Tu en es sûr ? Demanda Yamiko tout en se regardant sur tous les angles dans miroir d’un air pas très convaincu. J’ai l’impression de ressembler à une petite fille !
- Cette tenue fait moins gamine que tes accoutrements habituels en tout cas ! En plus, tu ressembles à une véritable princesse là dedans !
- Une princesse ? Bon, trouve-moi autre chose et évite les trucs de princesse s’il te plaît !
- Mais pourquoi ? Je te rassure qu'elle te va très bien cette robe ! Tu vas faire fondre nombreux de ces bourgeois avec ça !
- Je ne veux pas ressembler à une princesse ni faire fondre des bourgeois ! Dois-je te rappeler que je ne vais pas à cette soirée pour m'amuser mais pour travailler ? Et puis, il me faudrait quelque chose dans lequel je pourrai bouger sans problème.
- Mais tu pourras bouger sans mal avec cette robe !
- Peut-être mais elle est trop courte. Regarde, on voit la moitié de mes cuisses !
- Tu exagères ! Le bas frôle presque tes genoux et depuis quand montrer tes cuisses te dérange ? Toi qui te promènes toujours en petite jupe ? Ne cherche pas d’excuse et dis juste qu’elle ne te plaît pas !
- Elle ne me plaît pas !
- Bon ! Finit par lâcher Anna d’une voix teintée de déception. Dis-moi quel genre de vêtement tu voudrais ?
- Désolée Anna ! Si tu ne veux plus m’aider, ce n’est pas grave. Je vais me débrouiller toute seule.
- Si, je veux toujours. C’est moi qui t’ai proposé de t’aider de toute façon. Bon, on va donc oublier les robes courtes. On va se pencher plutôt sur une robe longue et pour que tu puisses bouger dedans, il ne faudrait pas qu’elle soit trop serrée. Tu as une préférence pour la couleur ?
- Évite juste les couleurs trop voyantes.
- Je reviens ! »

Pendant qu’Anna refaisait le tour de la grande boutique de vêtements pour des gens à petit budget où elles avaient atterri, Yamiko, restée dans la cabine, s’attelait à ranger les robes qu'elle avait déjà essayées et qui étaient éparpillées un peu partout avant d'ôter celle qu’elle portait.

Trouver la tenue adéquate était une des raisons qui poussaient Yamiko à ne pas apprécier participer à des réceptions mondaines. Autant cela se révélait assez simple pour les hommes - car ils étaient tous presque habillés de la même manière - autant c’était un véritable casse-tête pour les femmes. Comme pour pallier les costards noirs et blancs et coupés presque similaire des hommes, les femmes devaient se parer des couleurs variées et des différents styles. Deux femmes se retrouvant malencontreusement habillées de la même façon pouvaient être le sujet d’un véritable scandale.

Comme une dizaine des chasseurs de primes, Yamiko avait reçu une invitation pour assister à la prochaine réception organisée par Catherina Van Belt. On ne les avait pas convié par amabilité mais juste pour qu’ils puissent effectuer leur travail. Pancho Sanza, une tête à sept millions, risquait de faire son apparition à la réception pour porter atteinte à la vie de l’hôtesse de la soirée et ils étaient chargés de faire en sorte que cela ne se reproduirait pas.

Anna était la fille unique du propriétaire du Bounty Collector, un bistro - devenu repère des mercenaires - où Yamiko travaillait deux fois par semaine, en complément de son métier de chasseuse de primes. Lorsque Anna avait sû que sa camarade avait reçu une invitation à la réception de la Van Belt - tout comme quelques-uns des chasseurs de primes qui fréquentaient l’établissement de son paternel - la jeune femme s’était emballée plus que la conviée elle-même. Anna avait tant insisté pour l’habiller pour l’évènement – chose qui semblait l’intéresser le plus dans l’affaire, outre la possibilité de rencontrer des beaux bourgeois – que Yamiko n’avait pas pu décliner la proposition de son amie alors qu’elle avait prévu de ne pas faire acte de présence à cette soirée qui ne l’intéressait aucunement, pas plus que la prime qui était en jeu. Et voilà comment elle avait atterri, à peine une heure plus tard, dans ce magasin de vêtements pour personnes modestes où Anna l’avait menée.

Plusieurs minutes s’écoulèrent lorsque Anna revint dans la cabine, les bras chargés des robes de différentes couleurs. Après maints essayages, les deux jeunes femmes finirent par tomber d’accord sur la robe de la soirée de la chasseuse de primes qui était une munie de bretelles, de couleur noire, épousant parfaitement le haut de son corps jusqu’au postérieur pour repartir ensuite en évasé jusqu'aux pieds. Celle-ci était ouverte sur un côté - chose qui lui facilitait ses mouvements comme elle le désirait - et était ornée des pierres et des fausses perles sur un côté vers le haut ainsi que sur les bretelles.

La quête des accessoires pour aller avec l’accoutrement fut plus rapide car il se résumait à une paire de boucles d'oreilles - en toc - et une paire de ballerines de couleur assortie avec la robe et dénuées de talon.

La tenue en image:

***

« Whouah ! Je suis retombé amoureux ! » Lâcha Nickolas qui avait été désigné par le destin pour jouer au cavalier de Yamiko durant la soirée.

En guise de réponse, la jeune borgne lui écrasa un pied avant de monter dans la calèche que Nickolas - qui prenait son rôle plus qu’à cœur - avait loué pour l’occasion.

Ne désirant pas se faire accoster par un homme qu’elle ne connaîtrait pas si elle se retrouverait seule, Yamiko avait sollicité à ses collègues masculins - qui avaient réussi une invitation pour la célèbre réception – si l’un d’entre eux accepterait de jouer son cavalier durant la soirée. Trois s’étaient proposés alors le cavalier avait été désigné à la courte paille et manque de chance pour la jeune borgne, elle était tombée sur le don juan du service.

Le faux couple de chasseurs de primes ne mit pas longtemps pour arriver au lieu où ils avaient été conviés.

Nickolas arqua son bras pour inviter Yamiko à s’y accrocher. Chose que cette dernière fit après une légère hésitation, regrettant presque d’avoir sollicité un cavalier. Non pas à cause de Nickolas - qui était parfait pour le rôle - mais elle trouvait tout simplement grotesque de devoir se rapprocher d’un homme de la sorte, juste pour une mondanité.

« Sois rassurée ma princesse, je suis à tes côtés ! Chuchota Nickolas à la jeune borgne, sentant que celle-ci était un peu anxieuse, s’accrochant un peu plus fort à son bras, alors qu’ils venaient d’atterrir dans la luxueuse salle de réception où se tenaient des êtres élégamment habillés et qui transpiraient la richesse, hommes comme femmes.
- Comment peux-tu rester si calme ?
- Surement parce que je suis fait pour vivre en ce milieu ! » Fit Nickolas sans modestie.

Comme il fallait s’y attendre de la part d’un coureur de jupons, malgré ses paroles, Nickolas finit par délaisser Yamiko, à peine trente minutes plus tard, pour aller courtiser les poules aux œufs d’or de la basse-cour dorée. Abandonnée mais aucunement vexée, la jeune borgne alla se servir au buffet, une fois l’invitation à mettre son masque avait été annoncée par l’hôtesse de la soirée. L'objet maintenait parfaitement la mèche que la jeune femme avait ramenée devant pour cacher son œil invalide privé de son cache qui était bien trop voyant.

Une assiette garnie des mets farinés entre les mains, yamiko alla se positionner dans un coin pour se faire oublier sans manquer ce qui se passait, n’oubliant pas la raison de sa présence en ce lieu ou autrement elle n'aurait jamais mis les pieds. Ce qui ne semblait pas être le cas de Nickolas qui se trouvait à présent à danser, avec insouciance, avec une cavalière plus âgée que lui mais qui paraissait complètement charmée.

Occupée à surveiller ce qui se passait, un homme finit par lui rentrer dedans. Alors que le maladroit s'excusa, Nickolas revint vers Yamiko, remarquant qu'un homme avait abordé sa cavalière qu'il avait délaissée alors que cette dernière l'avait sollicité justement pour que ce genre de chose n'arriverait pas. Le chasseur de primes n'avait pas encore ouvert la bouche que la jeune borgne lui tendit l'assiette qu'elle avait en mains et que l'homme saisit mécaniquement puis, sans la moindre hésitation, elle attrapa une main de Klaus pour l'entrainer vers la piste de danse sans lui demander son avis.

« Je vous pardonnerai, seulement si vous m'accordez une danse ! » Débita la chasseuse de primes tout en continuant d'entrainer l'inconnu.

Elle n'était pas certes offensée par le comportement de Nickolas mais, telle une gamine, Yamiko avait envie de le faire culpabiliser et pour ce faire, elle avait décidé de lui fausser compagnie à son tour, en dansant avec un autre. Sauf que, contrairement à son collègue, au lieu de réclamer une danse à son partenaire, dans les règles de l'art, elle la lui avait imposé. Et puis, n'était-ce pas plutôt aux hommes de prendre ce genre d'initiative en général ?

Une fois de plus, la jeune borgne s'était laissée emporter par son impulsion qui lui avait pourtant causé tant de désagrément ...
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A peine eus-je le temps de réagir que la demoiselle m’entraînait sur la piste de danse,  et ce n’était absolument pas ce que j’avais prévu de prime abord. Pourquoi devais-je me mêler à cette foule de danseurs ? Parce qu’elle en avait décidé ainsi tout simplement. Ce n’était pas pour me déplaire, les femmes de caractère  sont bien plus attirantes que d’autres cruches et potiches. Elle voulait que je lui accorde une danse ? Elle n’allait pas être déçue. Cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas essayé à cette exercice ; j’essayais de retrouver mes marques et certainement que cela se voyait. Je ne parlais pas. J’essayais juste de placer mes pieds l’un devant l’autre tout en essayant de déraidir hanches et bassin. Finalement, je décidais de laisser libre cours à mes mouvements tout en les basant sur le rythme musical. Au moins, je n’avais pas marché sur les pieds de ma partenaire, pour quoi serais-je passé ? Mes yeux se posèrent maintenant sur la jeune femme. Beaucoup de questions trottèrent dans mon esprit  pour peu de réponses en l’état actuel des choses.

« Et bien…J’espère que vous n’êtes pas trop déçu par votre cavalier du moment. Je ne pensais certainement pas danser lors de cette soirée… Aurais-je pu vous la refuser si vous me l’aviez demandé ? Je ne pense pas »

Un tour de charme comme un autre qui pouvait fonctionner. Nous virevoltions suivant les pas des autres danseurs. J’ignorais de quoi nous avions l’air dans l’état actuel des choses mais, je passais un assez bon moment en compagnie de la demoiselle dont j’ignorais encore le nom. Peut-être un manque de politesse de ma part mais, pourquoi s’embarrasser de futilités  alors que la soirée débutait beaucoup mieux que je ne l’espérais. Alors que tout se passait si bien, Rudger me fixait du regard, quelque chose n’allait pas. Mais je ne pouvais décemment pas quitter ma cavalière comme ceci ; sans excuses ni autres explications. Je n’allais tout de même pas gâcher sa soirée en la mêlant à quelque chose qui ne la regardait pas. J’essayais de faire comprendre mes pensées au majordome de la famille, le masque n’aidait vraiment pas. Deux minutes plus tard perdant patience, il vint à notre rencontre nous séparant.

« Monsieur, je vous rappelle que nous avons du travail ce soir ! »
« Mais rien n’empêche de lier plaisir et travail si ? Tu croyais vraiment que je n’observais rien pendant que je dansais ?»
« Je ne parle pas de ça Monsieur… Il a frappé… »
« Oh… Le service de sécurité a mal fait son boulot ? Etonnant, vraiment… »
« On nous attend dans le salon privé de Miss Van Belt »

J’acquiesçais avant de me tourner vers ma cavalière

« Je suis sincèrement désolé, le devoir m’appelle, j’espère vous recroiser un peu plus tard »

Encore quelqu’un à qui je devais conter fleurette. Je lui souriais avant de tourner les talons. Je marchais dans les pas de Rudger qui m’emmena vers ladite pièce. Aucun délit, ni aucun crime ne semblait transparaître dans ce salon. Tout semblait en désordre dans cet endroit richement décoré de toiles, de meubles et autres bibliothèques où l’on pouvait trouver des bouquins par millier. Une odeur encore subtile, lentement, commençait à embaumer le salon. Je ne reconnaissais que trop bien ce parfum, celui de la mort. Effectivement, derrière le divan, on pouvait apercevoir un pied puis une jambe pour finir par le cadavre complet. Je m’agenouillais à côté de la victime tout en l’examinant. J’allumais alors une cigarette après avoir retiré mon masque ; l’odeur de tabac envahissait bientôt la pièce remplaçant celle de la dépouille fraiche.

« On sait qui est la victime ? »
« D’après ce que j’en sais, Elise, une servante des Van Belt »
« Hmm…Carotide tranchée net, c’est pas bon pour le tapis ça »
« Vous croyez que c’est le moment de faire de l’humour Monsieur ? »
« Désolé, je ne voulais que détendre l’athmos… Tiens qu’est-ce que c’est que ça ? » Dis-je en saisissant un morceau de papier qui dépassait de la poche de la victime.
« Qu’est-ce que c’est ? »
« Une lettre à notre attention j’imagine »

Si vous m’empêchez de tuer cette garce de Van Belt et si je n’ai pas pu le faire avant minuit, il y aura d’autres victimes. Dans ce cas, le deuil sera lourd.
Sancho Panza.

« Maintenant, on sait que c’est lui »
« Tu en doutais ? Mais pourquoi ce message ? Qui serait assez stupide pour nous prévenir de ses intentions ? »
« Il est sûr de lui Monsieur. Il vient de déjouer la sécurité, la nôtre et celle des chasseurs de primes. En tuant cette femme, il veut nous montrer sa supériorité »
« Un homme arrogant fait des erreurs Rudger. Dis ? Pourquoi ce n’est pas la panique à côté ? J’veux dire tout le monde se connait. Les nouvelles doivent circuler assez vite »
« Nos hôtes ont fait en sorte que le strict minimum de personnes ne soit au courant »
« Et les chasseurs de primes ? »
« Ils nous attendent dans une pièce voisine d’après ce que j’ai pu comprendre »

Nous sortions alors de la pièce tout en faisant bien attention au posé de nos pas, nous manquerions d’abimer ou d’effacer certains indices. J’aurais souhaité visiter davantage ce lieu gigantesque mais je n’avais guère le temps de m’attarder. Je passais porte après porte en compagnie de Rudger qui, comme toujours, menait la marche. Ce dernier semblait connaître les lieux comme sa poche. De prime abord, cela m’avait paru bien étrange mais, en y réfléchissant, il avait très bien pu venir ici-même, dans le passé, en compagnie de mon père ou de ma demi-sœur. Enfin, nous pénétrions dans une nouvelle pièce où un certain chahut régnait qui fut stoppé net par l’intervention de Rudger. Il se présenta tout d’abord comme un soldat aurait pu le faire à savoir nom, prénom et fonction. Puis, il s’occupa de mon cas dans une tirade beaucoup plus pompeuse.

« Je vous présente maintenant l’homme en charge des opérations de ce soir, Monsieur Klaus Makuen. Fils de l’illustre Viktor Makuen et demi-frère de l’encore plus illustre Kenor… »

« Assez Rudger ! » dis-je en appuyant ma main sur son épaule droite « Je crois qu’ils ont très bien compris qui j’étais…»

Mon regard s’était transformé, la froideur y transpirait. Je tentais de refouler cette colère qui grimpait du plus profond de mes entrailles. Voilà pourquoi je détestais cette famille, seul le nom et la position importent. Je ne pouvais le concevoir, je forgerais mon nom par mes propres moyens, avec mon talent. Alors je pourrais être satisfait. Je soupirais avant de tirer une dernière fois sur ma cigarette. Tout en l’écrasant dans un cendrier situé sur une table, là devant moi, je soufflais bruyamment la fumée dans les airs. Je laissais planer le silence quelques instants, je toisais chacun des visages des chasseurs de primes. Mon regard passa de gauche à droite avant de remarquer quelque chose de familier. Cette robe… Je la connaissais… Non… ça ne pouvait pas être elle. Et pourtant je devais me faire à l’évidence. Ma jeune cavalière de tout à l’heure n’était ni plus ni moins qu’une chasseuse de primes. Comme quoi taille, âge et sexe ne faisaient pas tout dans ce monde. A côté d’elle, un homme qui lui murmurait quelque chose à l’oreille. Je repris finalement mes esprits.

« Bien Messieurs… Dames, comme nous le redoutions, Sancho Panza est passé à l’action. Une servante a été assassiné tout à l’heure dans le salon privé des Van Belt. Rudger et moi-même avons trouvé cette note dans une de ses poches. Ladite note déclare que si nous empêchons l’assassinat de Catherina Van Belt, il y aura d’autres morts que la sienne. Quelle heure est-il Rudger ? »
« Vingt heure et douze minutes Monsieur » dit-il en regardant sa montre à gousset.
« Nous avons très exactement trois heures et quarante-huit minutes devant nous. Fouillez chaque pièce de cet hôtel, chaque chambre, chaque placard. Débusquez-le ! Soyez discret, nous voulons à tout prix éviter la panique. Des questions ? »

Apparemment aucune. Par un geste de la tête, je lâchais les chiens. Les chasseurs de primes sortirent au compte-goutte de la pièce tandis que le brouhaha repartait de plus belle. Cependant, il y avait une certaine personne qu’il fallait que j’intercepte. Je m’approchais d’elle avant de la tirer par le bras, je mimais l’exact même geste et mouvement.

« C’est bien vous n’est-ce pas ? De quoi j’ai l’air maintenant ? Mais ni vous, ni moi, ne pensions nous retrouver dans de tels circonstances j’imagine. Que diriez-vous si vous-même et votre ami nous rejoignez dans cette traque ? Je sens que notre collaboration pourrait être fructueuse. Qu’en dites-vous ? »
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